Cass. 3e civ., 11 septembre 2025, n° 23-12.110
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
CIV. 3
FC
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 11 septembre 2025
Rejet
Mme TEILLER, présidente
Arrêt n° 394 F-D
Pourvoi n° P 23-12.110
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 SEPTEMBRE 2025
La société de Mata Miti, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 23-12.110 contre l'arrêt rendu le 22 septembre 2022 par la cour d'appel de Papeete (chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [V] [N], domicilié [Adresse 2] (Portugal), défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Cassou de Saint-Mathurin, conseiller référendaire, les observations de la SARL Gury & Maitre, avocat de la société civile immobilière de Mata Miti, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [N], après débats en l'audience publique du 11 juin 2025 où étaient présents Mme Teiller, présidente, M. Cassou de Saint-Mathurin, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffière de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée de la présidente et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Papeete, 22 septembre 2022), par un acte du 15 août 2014, M. [N], gérant et associé unique de la société civile immobilière de Mata Miti (la SCI), a cédé à M. et Mme [X] la totalité de ses parts et abandonné une partie du solde créditeur de son compte courant d'associé, à l'exception d'une somme de 5 000 000 francs pacifique, destinée au paiement par compensation d'une parcelle appartenant à la SCI qu'il se réservait d'acquérir, sous peine, à défaut d'acquisition avant le 17 août 2015, du remboursement de cette somme au plus tard le 17 janvier 2016.
2. La SCI a consenti à M. [N], par un acte distinct du même jour, une promesse unilatérale de vente portant sur cette parcelle.
3. A défaut de réalisation de la vente dans le délai imparti, M. [N] a assigné la SCI en remboursement de la somme de 5 000 000 francs pacifique.
4. Reconventionnellement, la SCI a recherché, après expertise ordonnée en référé, la responsabilité de M. [N] en sa qualité d'ancien gérant, lui reprochant diverses fautes de gestion dans la conduite des travaux d'extension, affectés de désordres, de l'immeuble d'habitation dont elle était propriétaire, ainsi qu'un défaut de conservation et d'entretien de cet immeuble.
Examen des moyens
Sur le premier moyen et sur le second moyen, pris en ses première, deuxième, et sixième à douzième branches
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches
Enoncé du moyen
6. La SCI fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de dommages-intérêts contre M. [N] en réparation des fautes par lui commises dans l'exercice de son mandat de gérant, alors :
« 3°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions des parties ; que si le juge, qui est tenu de faire observer et d'observer lui-même le principe de la contradiction, peut soulever un moyen mélangé de fait et droit que les parties n'avaient pas invoqué, c'est uniquement après avoir invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en fondant sa décision sur la circonstance selon laquelle les travaux d'extension auraient permis une valorisation de la propriété dans la comptabilité de la SCI de Mata Miti de 22 791 826 francs CFP au 31 décembre 2002 à 54 120 433 francs CFP au 31 décembre 2013, circonstance qui n'avait pas été invoquée par les parties, sans avoir mis ces dernières à même d'en débattre contradictoirement, la cour d'appel a violé les articles 3 et 6 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
4°/ que la réparation du préjudice doit être intégrale et doit permettre de replacer la victime dans la situation dans laquelle elle se serait trouvée si le fait générateur de responsabilité ne s'était pas produit ; que si la réparation intégrale suppose la prise en compte des avantages que le demandeur à l'action a pu retirer de la situation dommageable, ne doivent être pris en compte que les éléments en relation avec le fait dommageable qui en sont la conséquence directe et nécessaire ; qu'en prenant en compte la valorisation de la propriété dans la comptabilité de la SCI de Mata Miti pendant la gérance de M. [N], cependant qu'une telle valorisation n'était pas la conséquence directe et nécessaire des fautes de gestion commises par ce dernier et pour lesquelles sa responsabilité était engagée, la cour d'appel a violé les articles 1850, 1147 et 1149 anciens, désormais articles 1231-1 et 1231-3, du code civil ensemble le principe de réparation intégrale ;
5°/ que la réparation du préjudice doit être intégrale et doit permettre de replacer la victime dans la situation dans laquelle elle se serait trouvée si le fait générateur de responsabilité ne s'était pas produit ; que si la réparation intégrale suppose la prise en compte des avantages que le demandeur à l'action a pu retirer de la situation dommageable, ne doivent être pris en compte que les éléments en relation avec le fait dommageable qui en sont la conséquence directe et nécessaire ; qu'en prenant en compte la valorisation de la propriété dans la comptabilité de la SCI de Mata Miti pendant la gérance de M. [N], sans avoir constaté qu'une telle valorisation constituait une conséquence directe et nécessaire des fautes de gestion commises par ce dernier et pour lesquelles sa responsabilité était engagée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1850, 1147 et 1149 anciens du code civil, désormais articles 1231-1 et 1231-3, ensemble le principe de réparation intégrale. »
Réponse de la Cour
7. En premier lieu, les dommages-intérêts alloués à la victime d'un dommage devant réparer le préjudice subi sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit, ce qui implique, le cas échéant, de déduire les avantages que celle-ci a pu retirer de la situation dommageable et M. [N] ayant fait valoir, dans ses conclusions, qu'aucune perte de chance ne pouvait lui être imputée à raison de ses éventuelles fautes de gestion au regard de la valorisation de l'immeuble résultant des travaux d'extension qu'il avait fait entreprendre, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de recueillir les observations des parties sur un fait qui était dans le débat, n'a pas modifié l'objet du litige.
8. En deuxième lieu, si elle a relevé que la SCI avait été privée de la possibilité d'agir contre les intervenants aux travaux d'extension de l'immeuble ou d'éventuels assureurs en réparation des désordres affectant cette construction par la faute de son ancien gérant, qui n'était pas en mesure de produire les documents contractuels permettant de les identifier ni de justifier de la souscription d'une assurance dommages-ouvrage, elle a retenu, d'une part, qu'il n'était pas démontré que ces travaux d'extension étaient susceptibles d'être remis en cause dans leur globalité, d'autre part, que la situation devait être mise en perspective avec la valorisation de l'immeuble en résultant par rapport à la situation antérieure.
9. Ayant, en troisième lieu, constaté que le rapport d'expertise chiffrait le coût de la reprise des désordres à une somme de 25 413 962 francs CFP et souverainement retenu que la valorisation de l'immeuble, telle qu'elle résultait de la comptabilité de la SCI, était supérieure à cette somme, elle a pu en déduire que les demandes de la SCI ne pouvaient être accueillies.
10. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société civile immobilière de Mata Miti aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le onze septembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.