CA Toulouse, 1re ch. sect. 1, 10 septembre 2025, n° 23/04236
TOULOUSE
Arrêt
Autre
10/09/2025
ARRÊT N° 25/315
N° RG 23/04236
N° Portalis DBVI-V-B7H-P3T5
SL - SC
Décision déférée du 29 Septembre 2023
TJ de TOULOUSE - 21/04359
S. GAUMET
INFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le 10/09/2025
à
Me Clément POIRIER
Me Benoît ALENGRIN
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
1ere Chambre Section 1
***
ARRÊT DU DIX SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT CINQ
***
APPELANTS
Monsieur [G] [U]
[Adresse 1]
[Localité 9]
Madame [E] [D]
[Adresse 1]
[Localité 9]
Représentée par Me Clément POIRIER, avocat au barreau de TOULOUSE (postulant)
Représentée par Me Rémi HOUDAIBI, avocat au barreau de PARIS (plaidant)
INTIMEE
S.A.R.L. DEMEURES D'OCCITANIE
[Adresse 11]
[Localité 7]
Représentée par Me Benoît ALENGRIN, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 juin 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant S. LECLERCQ, Conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. DEFIX, président
S. LECLERCQ, conseillère
N. ASSELAIN, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffière : lors des débats M. POZZOBON
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par M. DEFIX, président et par M. POZZOBON, greffière
EXPOSÉ DES FAITS ET PROCÉDURE
Le 30 janvier 2020, M. [G] [U] et Mme [E] [D] ont conclu avec la Société à responsabilité limitée (Sarl) Demeures d'Occitanie un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plan.
L'objet du contrat était la construction d'une maison individuelle sur un terrain situé [Adresse 2] à [Localité 9], portant le numéro 2 du lotissement dénommé [Adresse 8], cadastré section BH n°[Cadastre 3], [Cadastre 4] et [Cadastre 5] d'une superficie de 995 m², pour lequel ils bénéficiaient d'une promesse de vente du 25 novembre 2019 au prix de 300.000 euros.
Le prix forfaitaire convenu de la construction était de 212.987 euros TTC, les maîtres de l'ouvrage se réservant l'exécution de travaux d'un coût de 8.950 euros TTC, soit un coût du bâtiment à construire comportant le prix convenu et le coût des travaux dont le maître de l'ouvrage se réservait l'exécution de 221.937 euros TTC.
Le délai d'exécution était de 12 mois à compter de l'ouverture du chantier.
L'article 6 du contrat de construction de maison individuelle stipulait qu'afin de garantir le maître de l'ouvrage à compter de la date d'ouverture du chantier contre les risques d'inexécution ou de mauvaise exécution des travaux prévus au contrat, à prix et délai convenus, le constructeur remettrait une attestation de garantie de livraison délivrée par un des organismes. Le contrat était dès lors conclu sous la condition suspensive de la fourniture de cette garantie dans les conditions précisées à l'article 10 des présentes conditions particulières.
Le nom de l'organisme garant indiqué au contrat était 'Axa'.
À l'article 10, le contrat stipulait qu'il était conclu sous diverses conditions suspensives, notamment la condition suspensive de l'obtention de la garantie de livraison à prix et délais convenus. Il stipulait que si une ou plusieurs de ces conditions ne se réalisaient pas dans le délai prévu aux conditions particulières, le contrat serait considéré comme caduc et les sommes versées par le maître de l'ouvrage lui seraient remboursées.
Ces conditions suspensives devaient être réalisées dans un délai maximum de 12 mois à compter de la signature du contrat.
Un acompte de 1.500 euros a été versé par les maîtres d'ouvrage.
La demande de permis de construire a été déposée le 20 février 2020. Elle portait sur une maison T5 de 140 m² de plain pied reposant sur vide sanitaire, sans sous-sol, avec terrasses, abri voiture et porche.
Selon les maîtres d'ouvrage, le permis de construire aurait été obtenu en mai 2020.
Suivant mission confiée le 26 mai 2020 par la société Demeures d'Occitanie, une étude des sols de fondation a été réalisée par la société Géobilan, avec visite du site le 3 juin 2020. Le rapport est daté du 3 juillet 2020.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 4 août 2020, la société Demeures d'Occitanie a informé M. [U] et Mme [D] de ce qu'elle était dans l'incapacité de fournir la garantie de livraison, car le garant avait refusé, et que par conséquent, le contrat de construction était caduc.
Par courrier du 11 août 2020, M. [U] et Mme [D] ont demandé la restitution du chèque de 1.500 euros fait à la signature du contrat. Ils ont annoncé qu'ils demanderaient réparation de leurs préjudices.
Par un courrier recommandé avec accusé de réception du 21 septembre 2020, la société Demeures d'Occitanie a restitué le chèque d'acompte à M. [U] et Mme [D], en raison de la non-obtention de la garantie de livraison pour leur projet.
Par un courrier du 14 janvier 2021, l'assureur protection juridique de M. [U] et Mme [D] a mis en demeure la société Demeures d'Occitanie de les indemniser de la somme de 25.000 euros, pour avoir engagé sa responsabilité civile.
Par acte du 15 septembre 2021, M. [G] [U] et Mme '[E]' [D] ont fait assigner la Sarl Demeures d'Occitanie devant le tribunal judiciaire de Toulouse, aux fins d'obtenir réparation de leurs préjudices.
Par un jugement du 29 septembre 2023, le tribunal judiciaire de Toulouse a :
- débouté M. [G] [U] et Mme [E] [D] de l'ensemble de leurs demandes,
- débouté la Sarl Demeures d'Occitanie de sa demande de condamnation pour procédure abusive,
- condamné M. [G] [U] et Mme [E] [D] aux dépens de l'instance,
- condamné M. [G] [U] et Mme [E] [D] à payer à la Sarl Demeures d'Occitanie la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles,
- rappelé que le jugement est exécutoire de plein droit par provision.
Pour statuer ainsi, le premier juge a estimé que M. [U] et Mme [D] ne démontraient pas que la société Demeures d'Occitanie avait manqué à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat conclu dans le cadre de l'accomplissement des démarches nécessaires à la réalisation de la condition suspensive, dès lors qu'elle justifiait avoir sollicité le bénéfice de deux garanties de livraison et respecté les stipulations contractuelles.
Il a relevé que deux refus lui avaient été opposés ; qu'il ne pouvait être considéré établi que la défaillance de la condition suspensive était imputable à une erreur du constructeur dans l'évaluation de sa marge commerciale, dès lors que les refus opposés relevaient de la libre appréciation des organismes de caution ; qu'il n'était pas établi qu'en l'absence d'erreur dans l'évaluation de la marge commerciale, la caution de la société Verspieren aurait été délivrée, et que les motifs de refus de la société Axa n'étaient pas connus.
Il a jugé que n'était pas établi le manquement par la société Demeures d'Occitanie au devoir d'information et de conseil, pour n'avoir pas informé M. [U] et Mme [D] de la nécessité de travaux particuliers imposés par l'implantation de la construction et de la difficulté en résultant, ainsi que pour n'avoir pas attiré leur attention sur une possibilité de refus de la garantie de livraison. En effet, il a retenu en premier lieu que le constructeur n'avait pas à attirer particulièrement leur attention sur la possibilité d'un refus de la garantie de livraison, qui était inhérente à la conclusions d'un contrat sous condition suspensive, et nécessairement dépendant d'un événement futur et incertain. En deuxième lieu, il a retenu que le coût de la réalisation d'une étude de sol et le renforcement ou approfondissement des fondations nécessaires étaient prévus à la notice descriptive et compris dans le prix convenu, de telle sorte qu'il ne pouvait être reproché au constructeur de ne pas avoir communiqué ses résultats aux maîtres d'ouvrage avant sa réalisation. Enfin, il a retenu que le délai d'information d'un mois (le 4 août 2020 pour un rapport déposé le 3 juillet 2020) quant à l'augmentation du coût de la construction résultant des conclusions de l'étude de sol ne pouvait être considéré comme abusif et constitutif d'un manquement du constructeur à son obligation d'information.
Au surplus, il a jugé que M. [U] et Mme [D] ne rapportaient pas la preuve d'un lien de causalité entre les préjudices dont ils se prévalaient, qui étaient liés à la caducité du contrat et à la nécessité d'en conclure un nouveau avec une autre société, et le manquement allégué de la société Demeures d'Occitanie à son obligation d'information, qui n'était pas à l'origine de cette caducité.
En conséquence, il a jugé qu'il n'était pas établi une faute du constructeur susceptible d'engager sa responsabilité contractuelle.
Dans l'en-tête de ce jugement, Mme [D] est désignée sous l'identité de '[W]' [D].
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Par déclaration du 7 décembre 2023, rectifiée par déclaration du 8 décembre 2023 (en ce que l'adresse de l'intimée est incomplète), M. [G] [U] et Mme '[W]' [D] ont relevé appel de cette décision en ce qu'elle a :
- débouté M. [G] [U] et Mme [E] [D] de l'ensemble de leurs demandes,
- condamné M. [G] [U] et Mme [E] [D] aux dépens de l'instance,
- condamné M. [G] [U] et Mme [E] [D] à payer à la Sarl Demeures d'Occitanie la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Par ordonnance du 15 décembre 2023, le magistrat chargé de la mise en état de la cour d'appel de Toulouse a ordonné la jonction des procédures enregistrées sous les numéros RG 23/04263 (déclaration d'appel du 8 décembre 2023) et 23/04236 (déclaration d'appel du 7 décembre 2023), désormais appelées sous le seul numéro 23/4236.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 20 août 2024, M. [G] [U] et Mme [E] [D], appelants, demandent à la cour de :
- déclarer recevables et bien-fondés M. [G] [U] et Mme [E] [D] en leur appel de la décision rendue le 29 septembre 2023 par le tribunal judiciaire de Toulouse (sous le n°RG n°21/04359,
Y faisant droit,
- infirmer le jugement rendu le 29 septembre 2023 par le tribunal judiciaire de Toulouse (sous le n°RG n°21/04359) en ce qu'il a :
* débouté M. [G] [U] et Mme [E] [D] de l'ensemble de leurs demandes,
* condamné M. [G] [U] et Mme [E] [D] aux dépens de l'instance,
* condamné M. [G] [U] et Mme [E] [D] à payer à la Sarl Demeures d'Occitanie la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles,
- confirmer le jugement rendu en date du 29 septembre 2023 par le tribunal judiciaire de Toulouse (sous le n°RG n°21/04359) en ce qu'il a :
* débouté la Sarl Demeures d'Occitanie de sa demande de condamnation pour procédure abusive,
Et statuant à nouveau :
- condamner la Sarl Demeures d'Occitanie à verser à M. [G] [U] et Mme [E] [D] la somme de 25.000 euros au titre de réparation de la perte de chance de pouvoir réaliser leur ouvrage dans les conditions exactes du CCMI conclu le 30 janvier 2020,
- condamner la Sarl Demeures d'Occitanie à verser à M. [G] [U] et Mme [E] [D] la somme de 1.376,53 euros au titre du préjudice financier consécutif au surcoût bancaire engendré par la faute du constructeur,
- condamner la Sarl Demeures d'Occitanie à verser à M. [G] [U] et Mme [E] [D] la somme 47.981,65 euros pour le préjudice financier consécutif au surcoût relatif à la réalisation de leur ouvrage,
- débouter la Sarl Demeures d'Occitanie de toutes ses demandes plus amples et contraires,
- condamner la Sarl Demeures d'Occitanie à verser à M. [G] [U] et Mme [E] [D] la somme de 7.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la Sarl Demeures d'Occitanie aux entiers dépens.
Ils soutiennent que le contrat n'a pas été exécuté de bonne foi par la société Demeures d'Occitanie.
Ils font valoir que le constructeur n'a jamais sollicité la société Axa afin d'obtenir la garantie de livraison nécessaire au projet de construction.
Ils ajoutent que c'est par son propre fait que le constructeur ne pouvait obtenir une quelconque garantie de livraison, en raison de sa négligence fautive dans son appréciation des critères de rentabilité du projet pour lequel il s'est engagé. Ils estiment que le constructeur était tenu d'estimer précisément le coût de revient de la construction projetée. Ils font valoir qu'il était tenu de faire l'étude de sol préalablement à la signature du contrat, si elle était nécessaire. Ils ajoutent qu'il devait s'assurer de la compatibilité des travaux définis à la notice descriptive et de leur coût avec la situation des lieux, au besoin en réclamant des documents aux maîtres de l'ouvrage, ou en sollicitant un certain nombre de précisions. Ils font valoir que c'est par négligence fautive qu'il n'a pas intégré toutes les dépenses. Ils ajoutent qu'il a commis une faute en n'ayant pas su projeter les délais de réalisation. Ils estiment qu'il a reconnu que le défaut d'obtention de la garantie de livraison lui était directement imputable.
Ils ajoutent que le constructeur a manqué à son obligation de conseil et d'information, en omettant d'attirer l'attention des maîtres d'ouvrage sur une possibilité de refus de la garantie de livraison, et sur une quelconque difficulté relative au prix de revient de la construction avant son courrier du 4 août 2020, alors que l'étude de sols a été réalisée le 3 juin 2020, et que le rapport a été notifié le 3 juillet 2020, les maîtres d'ouvrage ayant acquis définitivement le terrain d'assiette du projet le 16 juillet 2020.
Ils exposent leurs préjudices, consistant dans le surcoût qu'ils ont acquitté auprès d'un autre constructeur, dans le surcoût de prêt, et dans la perte de chance de pouvoir réaliser l'ouvrage dans les conditions exactes du contrat de construction de maison individuelle conclu.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 5 juin 2024, la Sarl Demeures d'Occitanie, intimée et formant appel incident, demande à la cour de :
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté M. [U] et Mme [D] de l'intégralité de leurs demandes et les a condamnés aux entiers dépens, outre la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles,
- réformer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la société Demeures d'Occitanie de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- débouter M. [U] et Mme [D] de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions,
- les condamner solidairement à verser à la société Demeures d'Occitanie la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du caractère abusif de la procédure,
- les condamner solidairement aux entiers dépens, outre la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles en cause d'appel.
Elle fait valoir que la condition suspensive a défailli, puisque la garantie de livraison n'a pas été obtenue, sans faute de sa part, estimant qu'elle a exécuté le contrat de bonne foi. Elle soutient qu'elle a bien sollicité la compagnie Axa, comme prévu au contrat, et qu'elle a consulté une seconde compagnie d'assurance. Elle fait valoir qu'elle a commencé à travailler sur le projet des maîtres de l'ouvrage, ayant établi l'intégralité des plans et préparé le dossier de demande de permis de construire. Elle fait valoir que le refus est fondé sur le prix convenu et le délai d'exécution, alors que le délai d'exécution de 12 mois est un délai parfaitement usuel pour ce type de construction. Elle dit qu'elle n'a pas contesté devoir exécuter le contrat au prix convenu ; que M. [U] et Mme [D] ont refusé tout avenant, ce qui est leur droit, mais que le fait est que dans les conditions convenues, la garantie de livraison a été refusée par deux compagnies distinctes. Elle soutient que dès lors, le contrat est caduc.
À titre subsidiaire, elle conteste le préjudice. S'agissant du surcoût de construction, elle fait valoir que la comparaison n'est pas possible avec les prix du concurrent, car les prix sont libres, et car les maîtres de l'ouvrage ont largement modifié leur projet. Elle ajoute que s'il s'agit du prix réel de construction qui aurait dû être proposé par la société Demeures d'Occitanie, les consorts [U] [D] auraient dû en toute hypothèse s'en acquitter. Elle conteste le surcoût du prêt. Elle conteste la perte de chance de pouvoir réaliser l'ouvrage dans les conditions exactes du contrat de construction de maison individuelle conclu, faisant valoir que cette demande fait double emploi avec celle relative à un prétendu surcoût de la construction, et estimant que la demande est purement forfaitaire.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 27 mai 2025. L'affaire a été examinée à l'audience du mardi 10 juin 2025 à 14h00.
À l'audience, Mme [D] a été invitée à produire une pièce d'identité. En délibéré, elle a produit sa carte nationale d'identité, par message RPVA du 12 juin 2025, faisant apparaître son identité comme étant [E], [Z], [I] [D], née le 13 août 1983.
MOTIFS DE LA DECISION
Il y a lieu de rectifier l'erreur matérielle affectant l'en-tête du jugement et la déclaration d'appel, et de dire qu'ils concernent [E] [D] et non pas [W] [D].
Sur la caducité du contrat de construction de maison individuelle :
Selon l'article L 231-4 du code de la construction et de l'habitation, le contrat de construction de maison individuelle peut être conclu sous la condition suspensive de l'obtention de la garantie de livraison.
L'article L 231-6 du code de la construction et de l'habitation prévoit que la garantie de livraison couvre le maître de l'ouvrage, à compter de la date d'ouverture du chantier, contre les risques d'inexécution ou de mauvaise exécution des travaux prévus au contrat, à prix et délais convenus.
L'article 1304 du code civil dispose :
'L'obligation est conditionnelle lorsqu'elle dépend d'un événement futur et incertain.
La condition est suspensive lorsque son accomplissement rend l'obligation pure et simple.
Elle est résolutoire lorsque son accomplissement entraîne l'anéantissement de l'obligation.'
L'article 1304-3 du code civil dispose que la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l'accomplissement.
En l'espèce, l'article 10 du contrat de construction de maison individuelle stipule que le contrat était conclu notamment sous la condition suspensive de l'obtention de la garantie de livraison à prix et délais convenus, qui devait être réalisée dans un délai maximum de 12 mois à compter de la signature du contrat et qu'à défaut, ce contrat serait caduc.
L'article 6 du contrat précisait que l'organisme garant était 'Axa'.
Sur la défaillance de la condition suspensive d'obtention de la garantie de livraison :
La société Demeures d'Occitanie justifie avoir sollicité une garantie de livraison par l'intermédiaire de la société Verspieren, courtier en assurance. En effet, par courrier du 30 juillet 2020 adressé à la société Demeures d'Occitanie, la Sa Verspieren a indiqué : 'Nous accusons réception de votre demande de garantie financière pour le contrat de construction de maison individuelle sous objet. Cependant, sa configuration ne nous permet pas de lui réserver une suite favorable, les motifs que le garant nous a exposés sont les suivants : la garantie pour ce chantier ne peut être accordée du fait d'une marge sur déboursés beaucoup trop faible résultant d'un prix de vente contractuel sous-évalué et d'un délai d'exécution trop court qui serait fortement préjudiciable au garant en cas de sinistre'.
En suivant, le 4 août 2020, la société Demeure d'Occitanie a informé M. [U] et Mme [D] de ce qu'elle était dans l'incapacité de fournir la garantie de livraison, car le garant avait refusé, et que par conséquent, le contrat était caduc.
Le courrier de la Sa Verspieren, courrier de courtier en assurance, ne précisait cependant pas l'identité du garant ayant refusé d'offrir la garantie de livraison. Il ne permettait donc pas d'établir que la demande avait été formée auprès d'Axa.
Par courrier du 15 septembre 2020, adressé à la société Demeures d'Occitanie, la Sas I2SI a indiqué : 'Vous avez sollicité la compagnie Axa Caution en vue d'obtenir une garantie de livraison à prix et délais convenus concernant le dossier en référence (dossier 200009 [U] [D] sis [Adresse 6]). En notre qualité de mandataire de ladite compagnie, et après avoir procédé à l'étude de votre dossier, nous avons le regret de vous informer que ce dernier ne rentre pas dans les critères de souscription mentionnés dans la convention de cautionnement que vous avez acceptée. En conséquence, nous vous informons par la présente que la compagnie Axa Caution, interrogée par nos services, n'a pas souhaité apporter une suite favorable à votre demande.'
M. [U] et Mme [D] contestent que la société I2SI, inscrite au RCS de Créteil sous le numéro 750 164 584, ait été mandataire de la société Axa. Ils estiment que le courrier de la société I2SI du 15 septembre 2020 ne rapporte pas la preuve qu'une garantie de livraison a été sollicitée après d'Axa. Ils font valoir que selon ses statuts et selon le RCS, la société I2SI a pour activité la réalisation de toutes prestations informatiques, la réalisation de toutes prestations de conseil, de formation, de bureau d'étude technique. Ils produisent un procès-verbal de constat de commissaire de justice du 21 décembre 2023, dont il ressort que cette société, son président et sa directrice générale ne sont pas référencés sur le site internet Orias.fr (organisme pour le registre des intermédiaires d'assurance), lequel recense les intermédiaires en assurance.
Néanmoins, le 23 mars 2023, [C] [F], directeur activités cautions pour Axa France, a attesté que la Sa Axa France Iard dénommée 'la compagnie', et I2SI, dénommée 'le mandataire', sont tous deux signataires d'une convention de gestion des contrats de caution CMI, prévoyant en son annexe 1 - Règles et procédures de gestion des actes de production, que 'la compagnie autorise le mandataire à émettre et signer pour son compte les attestations de garantie nominatives délivrées maison par maison selon les modèles définis par la compagnie'.
La caution CMI apporte plusieurs types de couvertures : la garantie de livraison à prix et délais convenus ; la garantie de remboursement d'acompte.
Dès lors, il est démontré que la société I2SI a effectivement eu un rôle de mandataire de la société Axa France Iard pour la souscription de garanties de livraison à prix et délais convenus, dans le cadre des contrats de construction de maisons individuelles.
En conséquence, la société Demeures d'Occitanie rapporte la preuve d'avoir sollicité la société Axa Caution pour obtenir une garantie de livraison à prix et délais convenus.
Il ressort des courriers sus-mentionnés de la société I2SI et de la société Verspieren que la garantie de livraison n'a pas été obtenue. Il est démontré que la société Axa France Iard a refusé d'octroyer la garantie de livraison. La condition suspensive d'obtention de la garantie de livraison a donc défailli.
Sur la faute imputable à la société Demeures d'Occitanie à l'origine de la défaillance de la condition suspensive d'obtention de la garantie de livraison :
La société Verspieren évoque pour expliquer le refus du garant qu'elle a sollicité 'une marge sur déboursés beaucoup trop faible résultant d'un prix de vente contractuel sous-évalué et un délai d'exécution trop court'.
Le courrier de la société I2SI quant à lui ne permet pas de connaître les motifs du refus de la Sa Axa France Iard, car il mentionne simplement que 'le dossier ne rentre pas dans les critères de souscription mentionnés dans la convention de cautionnement que la société Demeures d'Occitanie a acceptée'.
La Sarl Demeures d'Occitanie dans son courrier du 4 août 2020 adressé aux maîtres de l'ouvrage, explique ainsi le refus de la garantie de livraison : 'Malheureusement, une erreur de notre outil informatique a conduit à un mauvais calcul du prix de revient de votre construction, à laquelle s'ajoute les mauvais résultats de l'étude de sol qui viennent également augmenter le coût de réalisation.'
Il n'est pas soutenu que l'une erreur de l'outil informatique ayant conduit à un mauvais calcul du prix de revient de la construction, évoquée par le constructeur dans son courrier du 4 août 2020, serait imputable à une négligence fautive du constructeur.
S'agissant du délai d'exécution des travaux, invoqué par la société Verspieren, il n'est pas établi que c'est un motif de refus par la Sa Axa France Iard. Ce motif n'est pas repris dans le courrier du constructeur du 4 août 2020. En tout état de cause, il n'est pas démontré que le délai d'exécution des travaux de 12 mois à compter de l'ouverture de chantier prévu au contrat était irréaliste. Ainsi, un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plan a été conclu le 6 novembre 2020 par M. [U] et Mme [D] avec la Sarl [Adresse 10]. Il porte sur la construction d'une maison de 5 pièces principales, d'une surface habitable de 134,44 m² plus terrasse et porche. La surface de plancher est de 140,51 m². Il prévoit un délai d'exécution de 14 mois prolongé de la durée des périodes d'intempéries, cas de force majeure, cas fortuit. Ce délai de 14 mois ne diffère pas nettement du délai de 12 mois prévu par le contrat conclu avec la société Demeures d'Occitanie, pour une maison T5 d'une surface de plancher comparable.
S'agissant des mauvais résultats de l'étude de sol qui viennent augmenter le coût de réalisation, le constructeur lui-même en fait état dans le courrier du 4 août 2020.
Il ressort de l'étude de sol que par rapport à la notice descriptive, les fondations allaient devoir être plus profondes, engendrant un surcoût.
Or, le constructeur de maison individuelle est tenu de proposer un contrat prévoyant l'ensemble des prestations nécessaires à la bonne fin de la construction envisagée pour un coût forfaitaire en précisant la nature et le coût des travaux dont le maître de l'ouvrage pourrait se réserver l'exécution.
M. [U] et Mme [D] invoquent les articles L 231-2 c) et R 231-3 du code de la construction et de l'habitation , faisant valoir que le constructeur doit produire un contrat où sont prévues, décrites et figurent sur le plan toutes les adaptations au sol. Ils soutiennent que le constructeur est tenu de faire l'étude de sols préalablement à la signature du contrat de construction de maison individuelle si elle est nécessaire.
L'article L 231-2 du code de la construction et de l'habitation dans sa version en vigueur du 1er février 2020 au 1er juillet 2021 prévoit que le contrat doit comporter notamment :
c) La consistance et les caractéristiques techniques du bâtiment à construire comportant :
- tous les travaux d'adaptation au sol, notamment, le cas échéant, ceux rendus nécessaires par l'étude géotechnique mentionnée aux articles L. 112-22 et L. 112-23 du présent code, dont une copie est annexée au contrat ;
- les raccordements aux réseaux divers ;
- tous les travaux d'équipement intérieur ou extérieur indispensables à l'implantation et à l'utilisation de l'immeuble.
L'article R 231-3 du code de la construction et de l'habitation dispose :
'En application du c de l'article L. 231-2, à tout contrat, qu'il soit ou non assorti de conditions suspensives, doit être joint le plan de la construction à édifier, précisant les travaux d'adaptation au sol, les coupes et élévations, les cotes utiles et l'indication des surfaces de chacune des pièces, des dégagements et des dépendances. Le plan indique en outre les raccordements aux réseaux divers décrits à la notice prévue à l'article R. 231-4 et les éléments d'équipement intérieur ou extérieur qui sont indispensables à l'implantation, à l'utilisation et à l'habitation de l'immeuble.
Un dessin d'une perspective de l'immeuble est joint au plan.'
L'article R 231-4 du même code dispose qu'est aussi annexé au contrat une notice descriptive indiquant les caractéristiques techniques tant de l'immeuble lui-même que des travaux d'équipement intérieur ou extérieur qui sont indispensables à l'implantation et à l'utilisation de l'immeuble.
L'article R 231-5 du même code dispose :
'Pour l'application du d de l'article L. 231-2, le prix convenu s'entend du prix global défini au contrat éventuellement révisé ; il inclut en particulier :
1. Le coût de la garantie de livraison et, s'il y a lieu, celui de la garantie de remboursement ;
2. Le coût du plan et, s'il y a lieu, les frais d'études du terrain pour l'implantation du bâtiment;
3. Le montant des taxes dues par le constructeur sur le coût de la construction.'
L'article L 112-21 du code de la construction et de l'habitation, dans sa version en vigueur du 25 novembre 2018 au 1er juillet 2021 dispose :
'En cas de vente d'un terrain non bâti constructible, une étude géotechnique préalable est fournie par le vendeur.
Cette étude est annexée à la promesse de vente ou, à défaut de promesse, à l'acte authentique de vente. En cas de vente publique, l'étude est annexée au cahier des charges. Elle reste annexée au titre de propriété du terrain et suit les mutations successives de celui-ci.
Les ventes de terrains non bâtis destinés à la construction dans des secteurs où les dispositions d'urbanisme applicables ne permettent pas la réalisation de maisons individuelles n'entrent pas dans le champ d'application du présent article.'
L'article L 112-22 du code de la construction et de l'habitation, dans sa version en vigueur du 25 novembre 2018 au 1er juillet 2021 dispose :
'Avant la conclusion de tout contrat ayant pour objet des travaux de construction ou la maîtrise d''uvre d'un ou de plusieurs immeubles à usage d'habitation ou à usage professionnel et d'habitation ne comportant pas plus de deux logements, le maître d'ouvrage transmet l'étude mentionnée à l'article L. 112-21 du présent code aux personnes réputées constructeurs de l'ouvrage, au sens de l'article 1792-1 du code civil.
Lorsque cette étude n'est pas annexée au titre de propriété du terrain, il appartient au maître d'ouvrage de fournir lui-même une étude géotechnique préalable équivalente ou une étude géotechnique prenant en compte l'implantation et les caractéristiques du bâtiment.
Les contrats prévus au premier alinéa du présent article précisent que les constructeurs ont reçu un exemplaire de l'étude géotechnique fournie par le maître d'ouvrage et, le cas échéant, que les travaux qu'ils s'engagent à réaliser ou pour lesquels ils s'engagent à assurer la maîtrise d''uvre intègrent les mesures rendues nécessaires par le risque de mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols.'
L'article L 112-23 du code de la construction et de l'habitation dans sa version en vigueur du 25 novembre 2018 au 1er juillet 2021 dispose :
'Lorsqu'un contrat a pour objet des travaux de construction ou la maîtrise d''uvre d'un ou de plusieurs immeubles à usage d'habitation ou à usage professionnel et d'habitation ne comportant pas plus de deux logements, le constructeur de l'ouvrage est tenu :
1° Soit de suivre les recommandations d'une étude géotechnique fournie par le maître d'ouvrage ou que le constructeur fait réaliser par accord avec le maître d'ouvrage, qui prend en compte l'implantation et les caractéristiques du bâtiment ;
2° Soit de respecter des techniques particulières de construction définies par voie réglementaire.
Si l'étude géotechnique indique l'absence de risque de mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols, le constructeur n'est pas tenu par cette obligation.'
En l'espèce, la notice descriptive (version janvier 2020), prévoyait des fondations traditionnelles par semelles filantes. Elle prévoyait qu'en l'absence de la fourniture d'une étude de sol par le lotisseur ou le maître de l'ouvrage, une étude géotechnique serait réalisée par un bureau d'étude indépendant. Elle prévoyait le renforcement ou approfondissement des fondations (réalisé pour un sol dont la portance est hétérogène ou inférieure à 0,1 Mpa et/ou pour éviter les conséquences de tassements dus à un assèchement du terrain).
Le rapport d'étude de sols de fondation effectué par la société Géobilan à la demande de la société Demeures d'Occitanie (étude géotechnique de conception ; phase avant-projet (G2avp) est du 3 juillet 2020. Il fait suite à une visite du site du 3 juin 2020.
S'agissant du risque géologique retrait-gonflement des argiles, ce rapport indique que :
- d'après la cartographie informative départementale établie par le BRGM, l'aléa lié au retrait-gonflement des argiles serait fort au droit du bâtiment projeté ;
- la commune est dotée d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles liés aux 'tassements différentiels' approuvé le 22 décembre 2008 ;
- la commune a fait l'objet de plusieurs arrêtés portant reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle 'mouvements de terrains différentiels consécutifs à la sécheresse et réhydratation des sols'.
Selon ce rapport, le bâtiment R+0 projeté devra être fondé sur des appuis semi-profonds de type 'puits' (associés à des longrines préfabriqués) ancrés de 0,3 m au minimum dans les alluvions graveleuses établies à partir de 2,2 m de profondeur sous le terrain naturel actuel au droit des sondages, conduisant à une longueur d'appui théorique de 2,5 m (hors terrassement de la plate-forme d'assise du bâtiment).
Ceci entraînait selon le courrier du constructeur du 4 août 2020 un coût de revient plus important, ce qui a été un des motifs de refus de la garantie de livraison. En effet, l'assureur court plus de risques si le coût de revient a été sous-évalué.
Il convient d'apprécier si la mauvaise appréciation du coût de revient, du fait de l'absence de prise en compte de la nature du sol, est imputable à une négligence fautive du constructeur.
Il ressort de l'article L 211-23 précité que l'étude géotechnique mentionnée à l'article L 231-2 c) dans sa version applicable en la cause devait être fournie par le maître d'ouvrage au constructeur ou être réalisée par le constructeur par accord avec le maître d'ouvrage.
Certes, les maîtres d'ouvrage pouvaient eux-mêmes préalablement à l'acte authentique de vente faire réaliser une étude géotechnique.
En l'espèce, à l'occasion de l'acte authentique de vente du 16 juillet 2020, les parties ont été informées qu'un arrêté ministériel devait venir définir les zones géographiques concernées par cette obligation d'information ainsi que le contenu exact de l'étude. Elles ont été informées que ledit arrêté n'étant alors pas encore publié, le vendeur n'était donc pas en mesure de fournir cette étude. L'acquéreur a reconnu avoir eu la faculté préalablement à l'acte authentique de faire procéder sur le lot à toute étude préalable de sol, étant rappelé que la promesse de vente a été signée entre les parties le 25 novembre 2019, soit avant l'entrée en vigueur du décret du 22 mai 2019.
Cependant, la notice descriptive prévoyait qu'en l'absence d'une étude de sol par le lotisseur ou le maître de l'ouvrage, une étude géotechnique serait réalisée par un bureau d'étude indépendant.
En l'absence de fourniture d'une étude de sols par le maître de l'ouvrage, l'étude de sols devait être réalisée par le constructeur préalablement à l'estimation du coût de revient de la construction, car elle seule permettait de connaître les travaux nécessaires à l'adaptation au sol de la construction, en l'espèce la nécessité de fondations par puits.
En conséquence, il est démontré une négligence fautive du constructeur quant à l'estimation du coût de revient du projet, ayant conduit au refus de garantie de livraison.
Dès lors, la condition d'obtention de la garantie de livraison est défaillie par la faute du constructeur, et doit être réputée réalisée.
Le constructeur ne peut donc pas se prévaloir de la caducité du contrat. Dès lors, il engage sa responsabilité entre M. [U] et Mme [D] du fait de l'inexécution du contrat.
Sur le préjudice en lien de causalité avec l'inexécution du contrat :
Sur le surcoût de la construction :
Le terrain a été acquis par acte authentique du 16 juillet 2020, au prix de 300.000 euros.
Les maîtres de l'ouvrage ont fait réaliser un ouvrage similaire par un autre constructeur.
Ils ont conclu un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plan le 6 novembre 2020 avec la Sarl [Adresse 10]. Le prix convenu est de 206.405 euros TTC. Le coût des travaux dont le maître de l'ouvrage se réserve l'exécution est de 63.153,65 euros TTC. Le coût du bâtiment à construire est de 269.918,65 euros TTC. Ce contrat porte sur la construction d'une maison de 5 pièces principales, d'une surface habitable de 134,44 m² plus terrasse couverte non dallée de 18 m² plus porche de 3,60 m². La surface de plancher est de 140,51 m². Les maîtres d'ouvrage se sont réservée la construction d'un garage et la fabrication et pose d'un escalier.
Dans le contrat conclu avec la société Demeures d'Occitanie, le prix forfaitaire convenu était de 212.987 euros TTC, les maîtres de l'ouvrage se réservant l'exécution de travaux d'un coût de 8.950 euros TTC, soit un coût du bâtiment à construire comportant le prix convenu et le coût des travaux dont le maître de l'ouvrage se réserve l'exécution de 221.937 euros TTC.
La construction était de 5 pièces principales de plain pied, d'une surface habitable de 140,72 m² + terrasse couverte de 14,61 m², terrasse non couverte de 23,46 m², porche de 4,39 m², abri voiture, garage.
M. [U] et Mme [D] se plaignent de surcoûts liés au changement de constructeur.
Dans le 2ème contrat sont prévues des fondations par puits d'une profondeur de 2,30 m, non prévues à la notice descriptive du premier contrat. Ces fondations étant rendues nécessaires pour adapter la construction au terrain, la société Demeures d'Occitanie aurait dû en supporter le coût.
En effet, les conditions générales du contrat précisaient à l'article 3-1 que le prix convenu était forfaitaire et définitif et comportait la rémunération de tout ce qui était à la charge du constructeur, y compris, le cas échéant, les frais d'étude du terrain pour l'implantation de l'immeuble.
Ainsi, le constructeur s'engageait à construire au prix convenu, même si l'étude géotechnique prévue à la notice descriptive révélait des préconisations plus coûteuses que prévues.
La société Demeures d'Occitanie fait valoir que dans le 2ème contrat, les menuiseries extérieures sont en aluminium. Elles étaient en PVC et en aluminium dans le premier contrat, et la société Demeures d'Occitanie ne justifie pas que cette différence engendrait un surcoût qui doit rester à la charge des maîtres de l'ouvrage. En revanche, dans le 2ème contrat il est prévu un escalier d'un coût de 8.496 euros TTC, non prévu dans le premier contrat, et qui doit donc rester à la charge des maîtres de l'ouvrage.
Au total, le surcoût de la réalisation de l'ouvrage incombant la société Demeures d'Occitanie est de : 269.918,65 - 221.937 - 8.496 euros = 39.485,65 euros.
Infirmant le jugement dont appel, la société Demeures d'Occitanie sera condamnée à payer à M. [U] et Mme [D] pris ensemble la somme de 39.485,65 euros au titre du surcoût de la réalisation de l'ouvrage.
Sur le surcoût de prêt :
Dans le premier contrat, pour le financement du terrain et de la maison, il était prévu un apport personnel d'un montant de 120.000 euros, et un prêt d'un montant de 457.289 euros d'une durée de 300 mois.
Dans le deuxième contrat, il était prévu un apport personnel d'un montant de 62.987 euros, et un prêt de 450.000 euros au taux maximum de 1,10% d'une durée de 300 mois.
M. [U] et Mme [D] justifient avoir obtenu une offre de crédit le 29 juin 2020, portant sur un prêt d'un montant de 450.000 euros, d'une durée de 25 ans, ayant pour objet l'achat d'un terrain et la construction de leur résidence principale. Cette offre de crédit mentionne que leur apport personnel est de 62.987 euros, et que le coût de l'opération s'élève à 512.987 euros.
Compte tenu du changement de constructeur, ils ont dû solliciter un nouveau prêt.
Ils disent avoir obtenu une offre de crédit de 300.000 euros, et une offre de crédit de 150.000 euros.
Ils justifient avoir obtenu une offre de crédit le 26 janvier 2021, portant sur un prêt d'un montant de 151.387 euros, au taux de 1,10%, d'une durée de 25 ans, ayant pour objet la construction de leur résidence principale. Cette offre de crédit mentionne que le coût de l'opération s'élève à 206.405 euros. Leur apport personnel est de 55.017,65 euros.
Faute de produire l'offre de crédit de 300.000 euros, ils ne rapportent pas la preuve que le coût total du crédit du fait du changement de constructeur excédait celui relatif à l'offre de crédit du 29 juin 2020.
Le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [U] et Mme [D] de leur demande relative au surcoût de prêt.
Sur la perte de chance de réaliser leur projet dans les prix et délais convenus initialement :
Le surcoût de réalisation de l'ouvrage lié au changement de constructeur a été indemnisé. Il n'est pas démontré que le changement de constructeur a nécessairement entraîné le renoncement à des prestations prévues au projet initial.
Il n'est pas démontré un préjudice subi du fait de l'allongement des délais.
Le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [U] et Mme [D] de leur demande relative à la perte de chance de réaliser leur projet dans les prix et délais convenus initialement.
Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive :
Le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Demeures d'Occitanie, partie perdante, de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Le jugement dont appel sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
La société Demeures d'Occitanie, partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
Elle sera condamnée à payer à M. [U] et Mme [D] pris ensemble la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle sera déboutée de sa demande sur le même fondement.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Rectifie l'erreur matérielle affectant l'en-tête du jugement et la déclaration d'appel, et dit qu'ils concernent [E] [D] et non pas [W] [D] ;
Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse du 29 septembre 2023, sauf en ce qu'il a :
- débouté M. [G] [U] et Mme [E] [D] de leur demande relative au surcoût de prêt ;
- débouté M. [U] et Mme [D] de leur demande relative à la perte de chance de réaliser leur projet dans les prix et délais convenus initialement ;
- débouté la société Demeures d'Occitanie de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, et y ajoutant,
Condamne la société Demeures d'Occitanie à payer à M. [U] et Mme [D] pris ensemble la somme de 39.485,65 euros au titre du surcoût de la réalisation de l'ouvrage ;
La condamne aux dépens de première instance et d'appel ;
La condamne à payer à M. [U] et Mme [D] pris ensemble la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
La déboute de sa demande sur le même fondement.
La greffière Le président
M. POZZOBON M. DEFIX
.
ARRÊT N° 25/315
N° RG 23/04236
N° Portalis DBVI-V-B7H-P3T5
SL - SC
Décision déférée du 29 Septembre 2023
TJ de TOULOUSE - 21/04359
S. GAUMET
INFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le 10/09/2025
à
Me Clément POIRIER
Me Benoît ALENGRIN
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
1ere Chambre Section 1
***
ARRÊT DU DIX SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT CINQ
***
APPELANTS
Monsieur [G] [U]
[Adresse 1]
[Localité 9]
Madame [E] [D]
[Adresse 1]
[Localité 9]
Représentée par Me Clément POIRIER, avocat au barreau de TOULOUSE (postulant)
Représentée par Me Rémi HOUDAIBI, avocat au barreau de PARIS (plaidant)
INTIMEE
S.A.R.L. DEMEURES D'OCCITANIE
[Adresse 11]
[Localité 7]
Représentée par Me Benoît ALENGRIN, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 juin 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant S. LECLERCQ, Conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. DEFIX, président
S. LECLERCQ, conseillère
N. ASSELAIN, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffière : lors des débats M. POZZOBON
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par M. DEFIX, président et par M. POZZOBON, greffière
EXPOSÉ DES FAITS ET PROCÉDURE
Le 30 janvier 2020, M. [G] [U] et Mme [E] [D] ont conclu avec la Société à responsabilité limitée (Sarl) Demeures d'Occitanie un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plan.
L'objet du contrat était la construction d'une maison individuelle sur un terrain situé [Adresse 2] à [Localité 9], portant le numéro 2 du lotissement dénommé [Adresse 8], cadastré section BH n°[Cadastre 3], [Cadastre 4] et [Cadastre 5] d'une superficie de 995 m², pour lequel ils bénéficiaient d'une promesse de vente du 25 novembre 2019 au prix de 300.000 euros.
Le prix forfaitaire convenu de la construction était de 212.987 euros TTC, les maîtres de l'ouvrage se réservant l'exécution de travaux d'un coût de 8.950 euros TTC, soit un coût du bâtiment à construire comportant le prix convenu et le coût des travaux dont le maître de l'ouvrage se réservait l'exécution de 221.937 euros TTC.
Le délai d'exécution était de 12 mois à compter de l'ouverture du chantier.
L'article 6 du contrat de construction de maison individuelle stipulait qu'afin de garantir le maître de l'ouvrage à compter de la date d'ouverture du chantier contre les risques d'inexécution ou de mauvaise exécution des travaux prévus au contrat, à prix et délai convenus, le constructeur remettrait une attestation de garantie de livraison délivrée par un des organismes. Le contrat était dès lors conclu sous la condition suspensive de la fourniture de cette garantie dans les conditions précisées à l'article 10 des présentes conditions particulières.
Le nom de l'organisme garant indiqué au contrat était 'Axa'.
À l'article 10, le contrat stipulait qu'il était conclu sous diverses conditions suspensives, notamment la condition suspensive de l'obtention de la garantie de livraison à prix et délais convenus. Il stipulait que si une ou plusieurs de ces conditions ne se réalisaient pas dans le délai prévu aux conditions particulières, le contrat serait considéré comme caduc et les sommes versées par le maître de l'ouvrage lui seraient remboursées.
Ces conditions suspensives devaient être réalisées dans un délai maximum de 12 mois à compter de la signature du contrat.
Un acompte de 1.500 euros a été versé par les maîtres d'ouvrage.
La demande de permis de construire a été déposée le 20 février 2020. Elle portait sur une maison T5 de 140 m² de plain pied reposant sur vide sanitaire, sans sous-sol, avec terrasses, abri voiture et porche.
Selon les maîtres d'ouvrage, le permis de construire aurait été obtenu en mai 2020.
Suivant mission confiée le 26 mai 2020 par la société Demeures d'Occitanie, une étude des sols de fondation a été réalisée par la société Géobilan, avec visite du site le 3 juin 2020. Le rapport est daté du 3 juillet 2020.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 4 août 2020, la société Demeures d'Occitanie a informé M. [U] et Mme [D] de ce qu'elle était dans l'incapacité de fournir la garantie de livraison, car le garant avait refusé, et que par conséquent, le contrat de construction était caduc.
Par courrier du 11 août 2020, M. [U] et Mme [D] ont demandé la restitution du chèque de 1.500 euros fait à la signature du contrat. Ils ont annoncé qu'ils demanderaient réparation de leurs préjudices.
Par un courrier recommandé avec accusé de réception du 21 septembre 2020, la société Demeures d'Occitanie a restitué le chèque d'acompte à M. [U] et Mme [D], en raison de la non-obtention de la garantie de livraison pour leur projet.
Par un courrier du 14 janvier 2021, l'assureur protection juridique de M. [U] et Mme [D] a mis en demeure la société Demeures d'Occitanie de les indemniser de la somme de 25.000 euros, pour avoir engagé sa responsabilité civile.
Par acte du 15 septembre 2021, M. [G] [U] et Mme '[E]' [D] ont fait assigner la Sarl Demeures d'Occitanie devant le tribunal judiciaire de Toulouse, aux fins d'obtenir réparation de leurs préjudices.
Par un jugement du 29 septembre 2023, le tribunal judiciaire de Toulouse a :
- débouté M. [G] [U] et Mme [E] [D] de l'ensemble de leurs demandes,
- débouté la Sarl Demeures d'Occitanie de sa demande de condamnation pour procédure abusive,
- condamné M. [G] [U] et Mme [E] [D] aux dépens de l'instance,
- condamné M. [G] [U] et Mme [E] [D] à payer à la Sarl Demeures d'Occitanie la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles,
- rappelé que le jugement est exécutoire de plein droit par provision.
Pour statuer ainsi, le premier juge a estimé que M. [U] et Mme [D] ne démontraient pas que la société Demeures d'Occitanie avait manqué à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat conclu dans le cadre de l'accomplissement des démarches nécessaires à la réalisation de la condition suspensive, dès lors qu'elle justifiait avoir sollicité le bénéfice de deux garanties de livraison et respecté les stipulations contractuelles.
Il a relevé que deux refus lui avaient été opposés ; qu'il ne pouvait être considéré établi que la défaillance de la condition suspensive était imputable à une erreur du constructeur dans l'évaluation de sa marge commerciale, dès lors que les refus opposés relevaient de la libre appréciation des organismes de caution ; qu'il n'était pas établi qu'en l'absence d'erreur dans l'évaluation de la marge commerciale, la caution de la société Verspieren aurait été délivrée, et que les motifs de refus de la société Axa n'étaient pas connus.
Il a jugé que n'était pas établi le manquement par la société Demeures d'Occitanie au devoir d'information et de conseil, pour n'avoir pas informé M. [U] et Mme [D] de la nécessité de travaux particuliers imposés par l'implantation de la construction et de la difficulté en résultant, ainsi que pour n'avoir pas attiré leur attention sur une possibilité de refus de la garantie de livraison. En effet, il a retenu en premier lieu que le constructeur n'avait pas à attirer particulièrement leur attention sur la possibilité d'un refus de la garantie de livraison, qui était inhérente à la conclusions d'un contrat sous condition suspensive, et nécessairement dépendant d'un événement futur et incertain. En deuxième lieu, il a retenu que le coût de la réalisation d'une étude de sol et le renforcement ou approfondissement des fondations nécessaires étaient prévus à la notice descriptive et compris dans le prix convenu, de telle sorte qu'il ne pouvait être reproché au constructeur de ne pas avoir communiqué ses résultats aux maîtres d'ouvrage avant sa réalisation. Enfin, il a retenu que le délai d'information d'un mois (le 4 août 2020 pour un rapport déposé le 3 juillet 2020) quant à l'augmentation du coût de la construction résultant des conclusions de l'étude de sol ne pouvait être considéré comme abusif et constitutif d'un manquement du constructeur à son obligation d'information.
Au surplus, il a jugé que M. [U] et Mme [D] ne rapportaient pas la preuve d'un lien de causalité entre les préjudices dont ils se prévalaient, qui étaient liés à la caducité du contrat et à la nécessité d'en conclure un nouveau avec une autre société, et le manquement allégué de la société Demeures d'Occitanie à son obligation d'information, qui n'était pas à l'origine de cette caducité.
En conséquence, il a jugé qu'il n'était pas établi une faute du constructeur susceptible d'engager sa responsabilité contractuelle.
Dans l'en-tête de ce jugement, Mme [D] est désignée sous l'identité de '[W]' [D].
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Par déclaration du 7 décembre 2023, rectifiée par déclaration du 8 décembre 2023 (en ce que l'adresse de l'intimée est incomplète), M. [G] [U] et Mme '[W]' [D] ont relevé appel de cette décision en ce qu'elle a :
- débouté M. [G] [U] et Mme [E] [D] de l'ensemble de leurs demandes,
- condamné M. [G] [U] et Mme [E] [D] aux dépens de l'instance,
- condamné M. [G] [U] et Mme [E] [D] à payer à la Sarl Demeures d'Occitanie la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Par ordonnance du 15 décembre 2023, le magistrat chargé de la mise en état de la cour d'appel de Toulouse a ordonné la jonction des procédures enregistrées sous les numéros RG 23/04263 (déclaration d'appel du 8 décembre 2023) et 23/04236 (déclaration d'appel du 7 décembre 2023), désormais appelées sous le seul numéro 23/4236.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 20 août 2024, M. [G] [U] et Mme [E] [D], appelants, demandent à la cour de :
- déclarer recevables et bien-fondés M. [G] [U] et Mme [E] [D] en leur appel de la décision rendue le 29 septembre 2023 par le tribunal judiciaire de Toulouse (sous le n°RG n°21/04359,
Y faisant droit,
- infirmer le jugement rendu le 29 septembre 2023 par le tribunal judiciaire de Toulouse (sous le n°RG n°21/04359) en ce qu'il a :
* débouté M. [G] [U] et Mme [E] [D] de l'ensemble de leurs demandes,
* condamné M. [G] [U] et Mme [E] [D] aux dépens de l'instance,
* condamné M. [G] [U] et Mme [E] [D] à payer à la Sarl Demeures d'Occitanie la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles,
- confirmer le jugement rendu en date du 29 septembre 2023 par le tribunal judiciaire de Toulouse (sous le n°RG n°21/04359) en ce qu'il a :
* débouté la Sarl Demeures d'Occitanie de sa demande de condamnation pour procédure abusive,
Et statuant à nouveau :
- condamner la Sarl Demeures d'Occitanie à verser à M. [G] [U] et Mme [E] [D] la somme de 25.000 euros au titre de réparation de la perte de chance de pouvoir réaliser leur ouvrage dans les conditions exactes du CCMI conclu le 30 janvier 2020,
- condamner la Sarl Demeures d'Occitanie à verser à M. [G] [U] et Mme [E] [D] la somme de 1.376,53 euros au titre du préjudice financier consécutif au surcoût bancaire engendré par la faute du constructeur,
- condamner la Sarl Demeures d'Occitanie à verser à M. [G] [U] et Mme [E] [D] la somme 47.981,65 euros pour le préjudice financier consécutif au surcoût relatif à la réalisation de leur ouvrage,
- débouter la Sarl Demeures d'Occitanie de toutes ses demandes plus amples et contraires,
- condamner la Sarl Demeures d'Occitanie à verser à M. [G] [U] et Mme [E] [D] la somme de 7.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la Sarl Demeures d'Occitanie aux entiers dépens.
Ils soutiennent que le contrat n'a pas été exécuté de bonne foi par la société Demeures d'Occitanie.
Ils font valoir que le constructeur n'a jamais sollicité la société Axa afin d'obtenir la garantie de livraison nécessaire au projet de construction.
Ils ajoutent que c'est par son propre fait que le constructeur ne pouvait obtenir une quelconque garantie de livraison, en raison de sa négligence fautive dans son appréciation des critères de rentabilité du projet pour lequel il s'est engagé. Ils estiment que le constructeur était tenu d'estimer précisément le coût de revient de la construction projetée. Ils font valoir qu'il était tenu de faire l'étude de sol préalablement à la signature du contrat, si elle était nécessaire. Ils ajoutent qu'il devait s'assurer de la compatibilité des travaux définis à la notice descriptive et de leur coût avec la situation des lieux, au besoin en réclamant des documents aux maîtres de l'ouvrage, ou en sollicitant un certain nombre de précisions. Ils font valoir que c'est par négligence fautive qu'il n'a pas intégré toutes les dépenses. Ils ajoutent qu'il a commis une faute en n'ayant pas su projeter les délais de réalisation. Ils estiment qu'il a reconnu que le défaut d'obtention de la garantie de livraison lui était directement imputable.
Ils ajoutent que le constructeur a manqué à son obligation de conseil et d'information, en omettant d'attirer l'attention des maîtres d'ouvrage sur une possibilité de refus de la garantie de livraison, et sur une quelconque difficulté relative au prix de revient de la construction avant son courrier du 4 août 2020, alors que l'étude de sols a été réalisée le 3 juin 2020, et que le rapport a été notifié le 3 juillet 2020, les maîtres d'ouvrage ayant acquis définitivement le terrain d'assiette du projet le 16 juillet 2020.
Ils exposent leurs préjudices, consistant dans le surcoût qu'ils ont acquitté auprès d'un autre constructeur, dans le surcoût de prêt, et dans la perte de chance de pouvoir réaliser l'ouvrage dans les conditions exactes du contrat de construction de maison individuelle conclu.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 5 juin 2024, la Sarl Demeures d'Occitanie, intimée et formant appel incident, demande à la cour de :
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté M. [U] et Mme [D] de l'intégralité de leurs demandes et les a condamnés aux entiers dépens, outre la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles,
- réformer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la société Demeures d'Occitanie de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- débouter M. [U] et Mme [D] de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions,
- les condamner solidairement à verser à la société Demeures d'Occitanie la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du caractère abusif de la procédure,
- les condamner solidairement aux entiers dépens, outre la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles en cause d'appel.
Elle fait valoir que la condition suspensive a défailli, puisque la garantie de livraison n'a pas été obtenue, sans faute de sa part, estimant qu'elle a exécuté le contrat de bonne foi. Elle soutient qu'elle a bien sollicité la compagnie Axa, comme prévu au contrat, et qu'elle a consulté une seconde compagnie d'assurance. Elle fait valoir qu'elle a commencé à travailler sur le projet des maîtres de l'ouvrage, ayant établi l'intégralité des plans et préparé le dossier de demande de permis de construire. Elle fait valoir que le refus est fondé sur le prix convenu et le délai d'exécution, alors que le délai d'exécution de 12 mois est un délai parfaitement usuel pour ce type de construction. Elle dit qu'elle n'a pas contesté devoir exécuter le contrat au prix convenu ; que M. [U] et Mme [D] ont refusé tout avenant, ce qui est leur droit, mais que le fait est que dans les conditions convenues, la garantie de livraison a été refusée par deux compagnies distinctes. Elle soutient que dès lors, le contrat est caduc.
À titre subsidiaire, elle conteste le préjudice. S'agissant du surcoût de construction, elle fait valoir que la comparaison n'est pas possible avec les prix du concurrent, car les prix sont libres, et car les maîtres de l'ouvrage ont largement modifié leur projet. Elle ajoute que s'il s'agit du prix réel de construction qui aurait dû être proposé par la société Demeures d'Occitanie, les consorts [U] [D] auraient dû en toute hypothèse s'en acquitter. Elle conteste le surcoût du prêt. Elle conteste la perte de chance de pouvoir réaliser l'ouvrage dans les conditions exactes du contrat de construction de maison individuelle conclu, faisant valoir que cette demande fait double emploi avec celle relative à un prétendu surcoût de la construction, et estimant que la demande est purement forfaitaire.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 27 mai 2025. L'affaire a été examinée à l'audience du mardi 10 juin 2025 à 14h00.
À l'audience, Mme [D] a été invitée à produire une pièce d'identité. En délibéré, elle a produit sa carte nationale d'identité, par message RPVA du 12 juin 2025, faisant apparaître son identité comme étant [E], [Z], [I] [D], née le 13 août 1983.
MOTIFS DE LA DECISION
Il y a lieu de rectifier l'erreur matérielle affectant l'en-tête du jugement et la déclaration d'appel, et de dire qu'ils concernent [E] [D] et non pas [W] [D].
Sur la caducité du contrat de construction de maison individuelle :
Selon l'article L 231-4 du code de la construction et de l'habitation, le contrat de construction de maison individuelle peut être conclu sous la condition suspensive de l'obtention de la garantie de livraison.
L'article L 231-6 du code de la construction et de l'habitation prévoit que la garantie de livraison couvre le maître de l'ouvrage, à compter de la date d'ouverture du chantier, contre les risques d'inexécution ou de mauvaise exécution des travaux prévus au contrat, à prix et délais convenus.
L'article 1304 du code civil dispose :
'L'obligation est conditionnelle lorsqu'elle dépend d'un événement futur et incertain.
La condition est suspensive lorsque son accomplissement rend l'obligation pure et simple.
Elle est résolutoire lorsque son accomplissement entraîne l'anéantissement de l'obligation.'
L'article 1304-3 du code civil dispose que la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l'accomplissement.
En l'espèce, l'article 10 du contrat de construction de maison individuelle stipule que le contrat était conclu notamment sous la condition suspensive de l'obtention de la garantie de livraison à prix et délais convenus, qui devait être réalisée dans un délai maximum de 12 mois à compter de la signature du contrat et qu'à défaut, ce contrat serait caduc.
L'article 6 du contrat précisait que l'organisme garant était 'Axa'.
Sur la défaillance de la condition suspensive d'obtention de la garantie de livraison :
La société Demeures d'Occitanie justifie avoir sollicité une garantie de livraison par l'intermédiaire de la société Verspieren, courtier en assurance. En effet, par courrier du 30 juillet 2020 adressé à la société Demeures d'Occitanie, la Sa Verspieren a indiqué : 'Nous accusons réception de votre demande de garantie financière pour le contrat de construction de maison individuelle sous objet. Cependant, sa configuration ne nous permet pas de lui réserver une suite favorable, les motifs que le garant nous a exposés sont les suivants : la garantie pour ce chantier ne peut être accordée du fait d'une marge sur déboursés beaucoup trop faible résultant d'un prix de vente contractuel sous-évalué et d'un délai d'exécution trop court qui serait fortement préjudiciable au garant en cas de sinistre'.
En suivant, le 4 août 2020, la société Demeure d'Occitanie a informé M. [U] et Mme [D] de ce qu'elle était dans l'incapacité de fournir la garantie de livraison, car le garant avait refusé, et que par conséquent, le contrat était caduc.
Le courrier de la Sa Verspieren, courrier de courtier en assurance, ne précisait cependant pas l'identité du garant ayant refusé d'offrir la garantie de livraison. Il ne permettait donc pas d'établir que la demande avait été formée auprès d'Axa.
Par courrier du 15 septembre 2020, adressé à la société Demeures d'Occitanie, la Sas I2SI a indiqué : 'Vous avez sollicité la compagnie Axa Caution en vue d'obtenir une garantie de livraison à prix et délais convenus concernant le dossier en référence (dossier 200009 [U] [D] sis [Adresse 6]). En notre qualité de mandataire de ladite compagnie, et après avoir procédé à l'étude de votre dossier, nous avons le regret de vous informer que ce dernier ne rentre pas dans les critères de souscription mentionnés dans la convention de cautionnement que vous avez acceptée. En conséquence, nous vous informons par la présente que la compagnie Axa Caution, interrogée par nos services, n'a pas souhaité apporter une suite favorable à votre demande.'
M. [U] et Mme [D] contestent que la société I2SI, inscrite au RCS de Créteil sous le numéro 750 164 584, ait été mandataire de la société Axa. Ils estiment que le courrier de la société I2SI du 15 septembre 2020 ne rapporte pas la preuve qu'une garantie de livraison a été sollicitée après d'Axa. Ils font valoir que selon ses statuts et selon le RCS, la société I2SI a pour activité la réalisation de toutes prestations informatiques, la réalisation de toutes prestations de conseil, de formation, de bureau d'étude technique. Ils produisent un procès-verbal de constat de commissaire de justice du 21 décembre 2023, dont il ressort que cette société, son président et sa directrice générale ne sont pas référencés sur le site internet Orias.fr (organisme pour le registre des intermédiaires d'assurance), lequel recense les intermédiaires en assurance.
Néanmoins, le 23 mars 2023, [C] [F], directeur activités cautions pour Axa France, a attesté que la Sa Axa France Iard dénommée 'la compagnie', et I2SI, dénommée 'le mandataire', sont tous deux signataires d'une convention de gestion des contrats de caution CMI, prévoyant en son annexe 1 - Règles et procédures de gestion des actes de production, que 'la compagnie autorise le mandataire à émettre et signer pour son compte les attestations de garantie nominatives délivrées maison par maison selon les modèles définis par la compagnie'.
La caution CMI apporte plusieurs types de couvertures : la garantie de livraison à prix et délais convenus ; la garantie de remboursement d'acompte.
Dès lors, il est démontré que la société I2SI a effectivement eu un rôle de mandataire de la société Axa France Iard pour la souscription de garanties de livraison à prix et délais convenus, dans le cadre des contrats de construction de maisons individuelles.
En conséquence, la société Demeures d'Occitanie rapporte la preuve d'avoir sollicité la société Axa Caution pour obtenir une garantie de livraison à prix et délais convenus.
Il ressort des courriers sus-mentionnés de la société I2SI et de la société Verspieren que la garantie de livraison n'a pas été obtenue. Il est démontré que la société Axa France Iard a refusé d'octroyer la garantie de livraison. La condition suspensive d'obtention de la garantie de livraison a donc défailli.
Sur la faute imputable à la société Demeures d'Occitanie à l'origine de la défaillance de la condition suspensive d'obtention de la garantie de livraison :
La société Verspieren évoque pour expliquer le refus du garant qu'elle a sollicité 'une marge sur déboursés beaucoup trop faible résultant d'un prix de vente contractuel sous-évalué et un délai d'exécution trop court'.
Le courrier de la société I2SI quant à lui ne permet pas de connaître les motifs du refus de la Sa Axa France Iard, car il mentionne simplement que 'le dossier ne rentre pas dans les critères de souscription mentionnés dans la convention de cautionnement que la société Demeures d'Occitanie a acceptée'.
La Sarl Demeures d'Occitanie dans son courrier du 4 août 2020 adressé aux maîtres de l'ouvrage, explique ainsi le refus de la garantie de livraison : 'Malheureusement, une erreur de notre outil informatique a conduit à un mauvais calcul du prix de revient de votre construction, à laquelle s'ajoute les mauvais résultats de l'étude de sol qui viennent également augmenter le coût de réalisation.'
Il n'est pas soutenu que l'une erreur de l'outil informatique ayant conduit à un mauvais calcul du prix de revient de la construction, évoquée par le constructeur dans son courrier du 4 août 2020, serait imputable à une négligence fautive du constructeur.
S'agissant du délai d'exécution des travaux, invoqué par la société Verspieren, il n'est pas établi que c'est un motif de refus par la Sa Axa France Iard. Ce motif n'est pas repris dans le courrier du constructeur du 4 août 2020. En tout état de cause, il n'est pas démontré que le délai d'exécution des travaux de 12 mois à compter de l'ouverture de chantier prévu au contrat était irréaliste. Ainsi, un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plan a été conclu le 6 novembre 2020 par M. [U] et Mme [D] avec la Sarl [Adresse 10]. Il porte sur la construction d'une maison de 5 pièces principales, d'une surface habitable de 134,44 m² plus terrasse et porche. La surface de plancher est de 140,51 m². Il prévoit un délai d'exécution de 14 mois prolongé de la durée des périodes d'intempéries, cas de force majeure, cas fortuit. Ce délai de 14 mois ne diffère pas nettement du délai de 12 mois prévu par le contrat conclu avec la société Demeures d'Occitanie, pour une maison T5 d'une surface de plancher comparable.
S'agissant des mauvais résultats de l'étude de sol qui viennent augmenter le coût de réalisation, le constructeur lui-même en fait état dans le courrier du 4 août 2020.
Il ressort de l'étude de sol que par rapport à la notice descriptive, les fondations allaient devoir être plus profondes, engendrant un surcoût.
Or, le constructeur de maison individuelle est tenu de proposer un contrat prévoyant l'ensemble des prestations nécessaires à la bonne fin de la construction envisagée pour un coût forfaitaire en précisant la nature et le coût des travaux dont le maître de l'ouvrage pourrait se réserver l'exécution.
M. [U] et Mme [D] invoquent les articles L 231-2 c) et R 231-3 du code de la construction et de l'habitation , faisant valoir que le constructeur doit produire un contrat où sont prévues, décrites et figurent sur le plan toutes les adaptations au sol. Ils soutiennent que le constructeur est tenu de faire l'étude de sols préalablement à la signature du contrat de construction de maison individuelle si elle est nécessaire.
L'article L 231-2 du code de la construction et de l'habitation dans sa version en vigueur du 1er février 2020 au 1er juillet 2021 prévoit que le contrat doit comporter notamment :
c) La consistance et les caractéristiques techniques du bâtiment à construire comportant :
- tous les travaux d'adaptation au sol, notamment, le cas échéant, ceux rendus nécessaires par l'étude géotechnique mentionnée aux articles L. 112-22 et L. 112-23 du présent code, dont une copie est annexée au contrat ;
- les raccordements aux réseaux divers ;
- tous les travaux d'équipement intérieur ou extérieur indispensables à l'implantation et à l'utilisation de l'immeuble.
L'article R 231-3 du code de la construction et de l'habitation dispose :
'En application du c de l'article L. 231-2, à tout contrat, qu'il soit ou non assorti de conditions suspensives, doit être joint le plan de la construction à édifier, précisant les travaux d'adaptation au sol, les coupes et élévations, les cotes utiles et l'indication des surfaces de chacune des pièces, des dégagements et des dépendances. Le plan indique en outre les raccordements aux réseaux divers décrits à la notice prévue à l'article R. 231-4 et les éléments d'équipement intérieur ou extérieur qui sont indispensables à l'implantation, à l'utilisation et à l'habitation de l'immeuble.
Un dessin d'une perspective de l'immeuble est joint au plan.'
L'article R 231-4 du même code dispose qu'est aussi annexé au contrat une notice descriptive indiquant les caractéristiques techniques tant de l'immeuble lui-même que des travaux d'équipement intérieur ou extérieur qui sont indispensables à l'implantation et à l'utilisation de l'immeuble.
L'article R 231-5 du même code dispose :
'Pour l'application du d de l'article L. 231-2, le prix convenu s'entend du prix global défini au contrat éventuellement révisé ; il inclut en particulier :
1. Le coût de la garantie de livraison et, s'il y a lieu, celui de la garantie de remboursement ;
2. Le coût du plan et, s'il y a lieu, les frais d'études du terrain pour l'implantation du bâtiment;
3. Le montant des taxes dues par le constructeur sur le coût de la construction.'
L'article L 112-21 du code de la construction et de l'habitation, dans sa version en vigueur du 25 novembre 2018 au 1er juillet 2021 dispose :
'En cas de vente d'un terrain non bâti constructible, une étude géotechnique préalable est fournie par le vendeur.
Cette étude est annexée à la promesse de vente ou, à défaut de promesse, à l'acte authentique de vente. En cas de vente publique, l'étude est annexée au cahier des charges. Elle reste annexée au titre de propriété du terrain et suit les mutations successives de celui-ci.
Les ventes de terrains non bâtis destinés à la construction dans des secteurs où les dispositions d'urbanisme applicables ne permettent pas la réalisation de maisons individuelles n'entrent pas dans le champ d'application du présent article.'
L'article L 112-22 du code de la construction et de l'habitation, dans sa version en vigueur du 25 novembre 2018 au 1er juillet 2021 dispose :
'Avant la conclusion de tout contrat ayant pour objet des travaux de construction ou la maîtrise d''uvre d'un ou de plusieurs immeubles à usage d'habitation ou à usage professionnel et d'habitation ne comportant pas plus de deux logements, le maître d'ouvrage transmet l'étude mentionnée à l'article L. 112-21 du présent code aux personnes réputées constructeurs de l'ouvrage, au sens de l'article 1792-1 du code civil.
Lorsque cette étude n'est pas annexée au titre de propriété du terrain, il appartient au maître d'ouvrage de fournir lui-même une étude géotechnique préalable équivalente ou une étude géotechnique prenant en compte l'implantation et les caractéristiques du bâtiment.
Les contrats prévus au premier alinéa du présent article précisent que les constructeurs ont reçu un exemplaire de l'étude géotechnique fournie par le maître d'ouvrage et, le cas échéant, que les travaux qu'ils s'engagent à réaliser ou pour lesquels ils s'engagent à assurer la maîtrise d''uvre intègrent les mesures rendues nécessaires par le risque de mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols.'
L'article L 112-23 du code de la construction et de l'habitation dans sa version en vigueur du 25 novembre 2018 au 1er juillet 2021 dispose :
'Lorsqu'un contrat a pour objet des travaux de construction ou la maîtrise d''uvre d'un ou de plusieurs immeubles à usage d'habitation ou à usage professionnel et d'habitation ne comportant pas plus de deux logements, le constructeur de l'ouvrage est tenu :
1° Soit de suivre les recommandations d'une étude géotechnique fournie par le maître d'ouvrage ou que le constructeur fait réaliser par accord avec le maître d'ouvrage, qui prend en compte l'implantation et les caractéristiques du bâtiment ;
2° Soit de respecter des techniques particulières de construction définies par voie réglementaire.
Si l'étude géotechnique indique l'absence de risque de mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols, le constructeur n'est pas tenu par cette obligation.'
En l'espèce, la notice descriptive (version janvier 2020), prévoyait des fondations traditionnelles par semelles filantes. Elle prévoyait qu'en l'absence de la fourniture d'une étude de sol par le lotisseur ou le maître de l'ouvrage, une étude géotechnique serait réalisée par un bureau d'étude indépendant. Elle prévoyait le renforcement ou approfondissement des fondations (réalisé pour un sol dont la portance est hétérogène ou inférieure à 0,1 Mpa et/ou pour éviter les conséquences de tassements dus à un assèchement du terrain).
Le rapport d'étude de sols de fondation effectué par la société Géobilan à la demande de la société Demeures d'Occitanie (étude géotechnique de conception ; phase avant-projet (G2avp) est du 3 juillet 2020. Il fait suite à une visite du site du 3 juin 2020.
S'agissant du risque géologique retrait-gonflement des argiles, ce rapport indique que :
- d'après la cartographie informative départementale établie par le BRGM, l'aléa lié au retrait-gonflement des argiles serait fort au droit du bâtiment projeté ;
- la commune est dotée d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles liés aux 'tassements différentiels' approuvé le 22 décembre 2008 ;
- la commune a fait l'objet de plusieurs arrêtés portant reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle 'mouvements de terrains différentiels consécutifs à la sécheresse et réhydratation des sols'.
Selon ce rapport, le bâtiment R+0 projeté devra être fondé sur des appuis semi-profonds de type 'puits' (associés à des longrines préfabriqués) ancrés de 0,3 m au minimum dans les alluvions graveleuses établies à partir de 2,2 m de profondeur sous le terrain naturel actuel au droit des sondages, conduisant à une longueur d'appui théorique de 2,5 m (hors terrassement de la plate-forme d'assise du bâtiment).
Ceci entraînait selon le courrier du constructeur du 4 août 2020 un coût de revient plus important, ce qui a été un des motifs de refus de la garantie de livraison. En effet, l'assureur court plus de risques si le coût de revient a été sous-évalué.
Il convient d'apprécier si la mauvaise appréciation du coût de revient, du fait de l'absence de prise en compte de la nature du sol, est imputable à une négligence fautive du constructeur.
Il ressort de l'article L 211-23 précité que l'étude géotechnique mentionnée à l'article L 231-2 c) dans sa version applicable en la cause devait être fournie par le maître d'ouvrage au constructeur ou être réalisée par le constructeur par accord avec le maître d'ouvrage.
Certes, les maîtres d'ouvrage pouvaient eux-mêmes préalablement à l'acte authentique de vente faire réaliser une étude géotechnique.
En l'espèce, à l'occasion de l'acte authentique de vente du 16 juillet 2020, les parties ont été informées qu'un arrêté ministériel devait venir définir les zones géographiques concernées par cette obligation d'information ainsi que le contenu exact de l'étude. Elles ont été informées que ledit arrêté n'étant alors pas encore publié, le vendeur n'était donc pas en mesure de fournir cette étude. L'acquéreur a reconnu avoir eu la faculté préalablement à l'acte authentique de faire procéder sur le lot à toute étude préalable de sol, étant rappelé que la promesse de vente a été signée entre les parties le 25 novembre 2019, soit avant l'entrée en vigueur du décret du 22 mai 2019.
Cependant, la notice descriptive prévoyait qu'en l'absence d'une étude de sol par le lotisseur ou le maître de l'ouvrage, une étude géotechnique serait réalisée par un bureau d'étude indépendant.
En l'absence de fourniture d'une étude de sols par le maître de l'ouvrage, l'étude de sols devait être réalisée par le constructeur préalablement à l'estimation du coût de revient de la construction, car elle seule permettait de connaître les travaux nécessaires à l'adaptation au sol de la construction, en l'espèce la nécessité de fondations par puits.
En conséquence, il est démontré une négligence fautive du constructeur quant à l'estimation du coût de revient du projet, ayant conduit au refus de garantie de livraison.
Dès lors, la condition d'obtention de la garantie de livraison est défaillie par la faute du constructeur, et doit être réputée réalisée.
Le constructeur ne peut donc pas se prévaloir de la caducité du contrat. Dès lors, il engage sa responsabilité entre M. [U] et Mme [D] du fait de l'inexécution du contrat.
Sur le préjudice en lien de causalité avec l'inexécution du contrat :
Sur le surcoût de la construction :
Le terrain a été acquis par acte authentique du 16 juillet 2020, au prix de 300.000 euros.
Les maîtres de l'ouvrage ont fait réaliser un ouvrage similaire par un autre constructeur.
Ils ont conclu un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plan le 6 novembre 2020 avec la Sarl [Adresse 10]. Le prix convenu est de 206.405 euros TTC. Le coût des travaux dont le maître de l'ouvrage se réserve l'exécution est de 63.153,65 euros TTC. Le coût du bâtiment à construire est de 269.918,65 euros TTC. Ce contrat porte sur la construction d'une maison de 5 pièces principales, d'une surface habitable de 134,44 m² plus terrasse couverte non dallée de 18 m² plus porche de 3,60 m². La surface de plancher est de 140,51 m². Les maîtres d'ouvrage se sont réservée la construction d'un garage et la fabrication et pose d'un escalier.
Dans le contrat conclu avec la société Demeures d'Occitanie, le prix forfaitaire convenu était de 212.987 euros TTC, les maîtres de l'ouvrage se réservant l'exécution de travaux d'un coût de 8.950 euros TTC, soit un coût du bâtiment à construire comportant le prix convenu et le coût des travaux dont le maître de l'ouvrage se réserve l'exécution de 221.937 euros TTC.
La construction était de 5 pièces principales de plain pied, d'une surface habitable de 140,72 m² + terrasse couverte de 14,61 m², terrasse non couverte de 23,46 m², porche de 4,39 m², abri voiture, garage.
M. [U] et Mme [D] se plaignent de surcoûts liés au changement de constructeur.
Dans le 2ème contrat sont prévues des fondations par puits d'une profondeur de 2,30 m, non prévues à la notice descriptive du premier contrat. Ces fondations étant rendues nécessaires pour adapter la construction au terrain, la société Demeures d'Occitanie aurait dû en supporter le coût.
En effet, les conditions générales du contrat précisaient à l'article 3-1 que le prix convenu était forfaitaire et définitif et comportait la rémunération de tout ce qui était à la charge du constructeur, y compris, le cas échéant, les frais d'étude du terrain pour l'implantation de l'immeuble.
Ainsi, le constructeur s'engageait à construire au prix convenu, même si l'étude géotechnique prévue à la notice descriptive révélait des préconisations plus coûteuses que prévues.
La société Demeures d'Occitanie fait valoir que dans le 2ème contrat, les menuiseries extérieures sont en aluminium. Elles étaient en PVC et en aluminium dans le premier contrat, et la société Demeures d'Occitanie ne justifie pas que cette différence engendrait un surcoût qui doit rester à la charge des maîtres de l'ouvrage. En revanche, dans le 2ème contrat il est prévu un escalier d'un coût de 8.496 euros TTC, non prévu dans le premier contrat, et qui doit donc rester à la charge des maîtres de l'ouvrage.
Au total, le surcoût de la réalisation de l'ouvrage incombant la société Demeures d'Occitanie est de : 269.918,65 - 221.937 - 8.496 euros = 39.485,65 euros.
Infirmant le jugement dont appel, la société Demeures d'Occitanie sera condamnée à payer à M. [U] et Mme [D] pris ensemble la somme de 39.485,65 euros au titre du surcoût de la réalisation de l'ouvrage.
Sur le surcoût de prêt :
Dans le premier contrat, pour le financement du terrain et de la maison, il était prévu un apport personnel d'un montant de 120.000 euros, et un prêt d'un montant de 457.289 euros d'une durée de 300 mois.
Dans le deuxième contrat, il était prévu un apport personnel d'un montant de 62.987 euros, et un prêt de 450.000 euros au taux maximum de 1,10% d'une durée de 300 mois.
M. [U] et Mme [D] justifient avoir obtenu une offre de crédit le 29 juin 2020, portant sur un prêt d'un montant de 450.000 euros, d'une durée de 25 ans, ayant pour objet l'achat d'un terrain et la construction de leur résidence principale. Cette offre de crédit mentionne que leur apport personnel est de 62.987 euros, et que le coût de l'opération s'élève à 512.987 euros.
Compte tenu du changement de constructeur, ils ont dû solliciter un nouveau prêt.
Ils disent avoir obtenu une offre de crédit de 300.000 euros, et une offre de crédit de 150.000 euros.
Ils justifient avoir obtenu une offre de crédit le 26 janvier 2021, portant sur un prêt d'un montant de 151.387 euros, au taux de 1,10%, d'une durée de 25 ans, ayant pour objet la construction de leur résidence principale. Cette offre de crédit mentionne que le coût de l'opération s'élève à 206.405 euros. Leur apport personnel est de 55.017,65 euros.
Faute de produire l'offre de crédit de 300.000 euros, ils ne rapportent pas la preuve que le coût total du crédit du fait du changement de constructeur excédait celui relatif à l'offre de crédit du 29 juin 2020.
Le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [U] et Mme [D] de leur demande relative au surcoût de prêt.
Sur la perte de chance de réaliser leur projet dans les prix et délais convenus initialement :
Le surcoût de réalisation de l'ouvrage lié au changement de constructeur a été indemnisé. Il n'est pas démontré que le changement de constructeur a nécessairement entraîné le renoncement à des prestations prévues au projet initial.
Il n'est pas démontré un préjudice subi du fait de l'allongement des délais.
Le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [U] et Mme [D] de leur demande relative à la perte de chance de réaliser leur projet dans les prix et délais convenus initialement.
Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive :
Le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Demeures d'Occitanie, partie perdante, de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Le jugement dont appel sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
La société Demeures d'Occitanie, partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
Elle sera condamnée à payer à M. [U] et Mme [D] pris ensemble la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle sera déboutée de sa demande sur le même fondement.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Rectifie l'erreur matérielle affectant l'en-tête du jugement et la déclaration d'appel, et dit qu'ils concernent [E] [D] et non pas [W] [D] ;
Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse du 29 septembre 2023, sauf en ce qu'il a :
- débouté M. [G] [U] et Mme [E] [D] de leur demande relative au surcoût de prêt ;
- débouté M. [U] et Mme [D] de leur demande relative à la perte de chance de réaliser leur projet dans les prix et délais convenus initialement ;
- débouté la société Demeures d'Occitanie de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, et y ajoutant,
Condamne la société Demeures d'Occitanie à payer à M. [U] et Mme [D] pris ensemble la somme de 39.485,65 euros au titre du surcoût de la réalisation de l'ouvrage ;
La condamne aux dépens de première instance et d'appel ;
La condamne à payer à M. [U] et Mme [D] pris ensemble la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
La déboute de sa demande sur le même fondement.
La greffière Le président
M. POZZOBON M. DEFIX
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