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Décisions

CA Toulouse, 1re ch. sect. 1, 10 septembre 2025, n° 23/00257

TOULOUSE

Arrêt

Autre

CA Toulouse n° 23/00257

10 septembre 2025

10/09/2025

ARRÊT N° 25/303

N° RG 23/00257

N° Portalis DBVI-V-B7H-PGZX

NA - SC

Décision déférée du 01 Décembre 2022

TC de [Localité 21] - 2020J00440

H. SCHEMBRI

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le 10/09/2025

à

Me Olivier LERIDON

Me Eric-Gilbert LANEELLE

Me Etienne DURAND-RAUCHER

Me Olivier THEVENOT

Me Marie SAINT GENIEST

Me Ingrid CANTALOUBE-FERRIEU

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU DIX SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT CINQ

***

APPELANTE

AXA FRANCE IARD

[Adresse 8]

[Localité 16]

Représentée par Me Olivier LERIDON de la SCP LERIDON LACAMP, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMES

S.A. MAAF ASSURANCES

[Adresse 17]

[Localité 12]

S.A. BPCE IARD

[Adresse 17]

[Localité 11]

S.A.R.L. SUD CARRELAGE

[Adresse 3]

[Localité 14]

(Appelantes au dossier RG 23.00258 joint le 10.08.2023)

Représentées par Me Eric-Gilbert LANEELLE de la SELAS CLAMENS CONSEIL, avocat au barreau de TOULOUSE

S.A.S. FRAFIN

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Etienne DURAND-RAUCHER de la SCP CABINET MERCIE - SCP D'AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

S.A.S. ENTREPRISE BTROC, anciennement dénommée POSSAMAI & FILS

[Adresse 9]

[Localité 7]

Sans avocat constitué

S.A.R.L. ENTREPRENDRE BIO

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Olivier THEVENOT de la SELARL THEVENOT MAYS BOSSON, avocat au barreau de TOULOUSE

S.A.S. [C] INDUSTRIAL

[Adresse 20]

[Localité 15]

Représentée par Me Marie SAINT GENIEST de la SCP SCP FLINT - SAINT GENIEST - GINESTA, avocat au barreau de TOULOUSE (postulant)

Représentée par Me Marin RIVIERE, avocat au barreau de BORDEAUX (plaidant)

SMABTP

en qualité d'assureur de la SASU ENTREPRISE BTROC, anciennement dénommée POSSAMAI ET FILS

[Adresse 13]

[Localité 10]

Représentée par Me Ingrid CANTALOUBE-FERRIEU, avocat au barreau de TOULOUSE (postulant)

Représentée par Me Benoît CHEVREL-BARBIER de la SCP BARBIER ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE (plaidant)

PARTIE INTERVENANTE VOLONTAIRE

S.C.I. JENGO , venant aux droits de la SAS FRAFIN

[Adresse 18]

[Localité 1]

Représentée par Me Etienne DURAND-RAUCHER de la SCP CABINET MERCIE - SCP D'AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 02 juin 2025 en audience publique, devant la cour composée de :

M. DEFIX, président

S. LECLERCQ, conseillère

N. ASSELAIN, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffière : lors des débats M. POZZOBON

ARRET :

- REPUTE CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président et par M. POZZOBON, greffière

EXPOSE DU LITIGE ET PROCEDURE

La société civile immobilière (Sci) Marome a fait construire un magasin à Quint Fonsegrives (31).

La maîtrise d'oeuvre a été confiée à la société Eos Architecture, assurée auprès de la Sa Axa France Iard. Cette société a été ultérieurement placée en liquidation judiciaire, par jugement du 23 octobre 2018.

Les travaux de gros oeuvre, charpente et carrelage ont été réalisés par la société Possamai et Fils (aujourd'hui nommée Sasu Entreprise Btroc), assurée, jusqu'au 31 décembre 2015, auprès de la société anonyme (Sa) Maaf assurances, puis, à partir du 1er janvier 2016, auprès de la Société Mutuelle d'Assurance du Bâtiment et des travaux Publics (Smabtp).

La société Possamai a sous-traité une partie des travaux de carrelage à la société à responsabilité limitée (Sarl) Sud Carrelage, assurée auprès de la Sa Maaf Assurances puis, à partir du 1er janvier 2017, auprès de la Sa Bpce Iard, ainsi qu'à la société Djp Carrelage, ultérieurement placée en liquidation judiciaire et dont l'assureur est inconnu.

Le bureau de contrôle Norisko, aux droits duquel vient la Sas [C] Industrial, est intervenu en qualité de contrôleur technique.

Les travaux ont débuté le 17 décembre 2007, et ont été réceptionnés, sans réserve, le 20 mai 2008.

Par acte notarié du 15 juillet 2013, la société par actions simplifiée (Sas) Frafin a acquis, auprès de la Sci Marome, le magasin situé à Quint Fonsegrives.

La Sarl Entreprendre Bio exploite dans les lieux un commerce sous l'enseigne Biocoop, depuis le 13 juin 2014.

Le 30 janvier 2017, une déclaration de sinistre a été adressée à la Maaf qui a pris en charge les travaux de réfection du carrelage dans la zone réserve/chambre froide.

En 2018, la Sarl Entreprendre Bio a signalé à la Sas Frafin de nouveaux désordres affectant le carrelage du local commercial.

Par actes d'huissier du 2 mai 2018, la Sas Frafin a fait assigner les sociétés Possamai, Maaf et Eos Architecture devant le juge des référés du tribunal de commerce de Toulouse, pour obtenir l'organisation d'une expertise.

Par ordonnance du 7 juin 2018, l'expertise a été confiée à M. [I]. Les opérations d'expertise ont été étendues à la Smabtp par ordonnance du 20 septembre 2018, aux sociétés Axa et [C] par ordonnance du 7 mars 2019 et à la société Sud Carrelage par ordonnance du 2 mai 2019.

Le 10 octobre 2019, l'expert judiciaire a déposé son rapport et a relevé que la Sas Possamai et ses sous-traitants n'avaient pas respecté les normes applicables en matière de pose de carrelage et que la maîtrise d'oeuvre n'avait pas relevé les défauts d'exécution généralisés.

Par actes d'huissier du 31 juillet 2020, la Sas Frafin a fait assigner devant le tribunal de commerce de Toulouse la Sas Possamai et fils son assureur la Sa Maaf Assurances, et la Sa Axa France Iard prise en sa qualité d'assureur de la société Eos Architecture, pour obtenir paiement de diverses sommes, dont 208.790,66 euros hors taxes au titre des travaux de reprise, et 10.000 euros en réparation de son préjudice immatériel. Elle a également fait assigner la Sarl Entreprendre Bio pour que cette société puisse faire valoir ses droits.

Par actes d'huissier des 7 et 8 septembre 2020, la Maaf a fait appeler en la cause la Smabtp, en sa qualité d'assureur de la société Possamai, et la société [C] venant aux droits du bureau de contrôle Norisko.

Par actes d'huissier des 10 et 17 février 2022, la Smabtp a fait appeler en cause la société Sud Carrelage et son assureur, la Maaf.

La société Bpce est intervenue volontairement à l'instance en qualité d'assureur de la société Sud Carrelage à la date de la réclamation.

Par jugement du 1er décembre 2022, le tribunal de commerce de Toulouse a :

- dit les demandes de la Sa Maaf Assurances à l'encontre de la Sas [C] Industrial recevables,

- débouté la Sa Maaf Assurances, la Sarl Entreprendre Bio, la Société Mutuelle d'Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics et la Sa Axa France lard de leurs demandes à l'encontre de la Sas [C] Industrial,

- condamné in solidum la Sa Maaf Assurances en qualité d'assureur de la Sas Possamai et Fils et de la Sarl Sud Carrelage, la Sa Axa France Iard en qualité d'assureur de Eos, au paiement de la somme de 143.042,95 euros hors taxes à la 'Sarl' Frafin au titre des travaux de reprise,

- assorti cette somme de l'indexation sur la base de l'indice BT01 du coût de la construction depuis la date de dépôt du rapport d'expertise jusqu'à la date du jugement,

- réservé les droits de la 'Sarl' Frafin dans l'hypothèse de travaux supplémentaires en cas de démolition et excavation de la chape,

- réservé les droits de la 'Sarl' Frafin en cas de préjudice commercial lié aux travaux de reprise,

- condamné in solidum la Société Mutuelle d'Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics en qualité d'assureur de la Sas Possamai et Fils et la société Bpce en qualité d'assureur de la Sarl Sud Carrelage à indemniser la Sarl Entreprendre Bio des dommages 'immatériaux' liés à sa perte d'exploitation liée aux travaux de reprise,

- réservé les droits de la Sarl Entreprendre Bio concernant l'indemnisation de ses dommages 'immatériaux' et sa perte d'exploitation,

- condamné la Sa Maaf Assurances en qualité d'assureur de la Sas Possamai et Fils et de la Sarl Sud Carrelage, la Sa Axa France lard en qualité d'assureur de Eos, à relever et garantir la Société Mutuelle d'Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics en qualité d'assureur de la Sas Possamai et Fils et Bpce en qualité d'assureur de Sud Carrelage de toute condamnation au titre des dommages 'immatériaux' à venir,

- autorisé la Sa Maaf Assurances en qualité d'assureur de la Sas Possamai et Fils et de la Sarl Sud Carrelage, la Sa Axa France lard en qualité d'assureur de Eos, la Société Mutuelle d'Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics en qualité d'assureur de la Sas Possamai et Fils et Bpce en qualité d'assureur de la Sarl Sud Carrelage à opposer leur franchise contractuelle à leurs assurés et aux tiers concernant les dommages matériels et les dommages immatériels à venir,

- débouté la 'Sarl' Frafin de sa demande au titre des dommages et intérêts,

- condamné in solidum la Sa Maaf Assurances en qualité d'assureur de la Sas Possamai et Fils et de la Sarl Sud Carrelage, la Sa Axa France lard en qualité d'assureur de Eos, la Société Mutuelle d'Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics en qualité d'assureur de la Sas Possamai et Fils et Bpce en qualité d'assureur de la Sarl Sud Carrelage au paiement de la somme de 3.000 euros à la Sarl Frafin, 3.000 euros à la Sarl Entreprendre Bio et 3.000 euros à la Sas [C] Industrial en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum la Sa Maaf Assurances en qualité d'assureur de la Sas Possamai et Fils et de la Sarl Sud Carrelage, la Sa Axa France lard en qualité d'assureur de Eos, la Société Mutuelle d'Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics en qualité d'assureur de la Sas Possamai et Fils et Bpce en qualité d'assureur de la Sarl Sud Carrelage aux entiers dépens y compris les frais d'expertise.

Par déclaration du 23 janvier 2023, la Sa Axa France, en qualité d'assureur de la société Eos, a relevé appel de ce jugement, en intimant devant la cour la société Frafin, la société Possamai et fils, la société Entreprendre Bio, la société Maaf Assurances, la société [C] Industrial, la Smabtp, la société Sud Carrelage et la société Bpce Iard. Elle critique ce jugement en ce qu'il a :

- débouté la Sa Maaf Assurances, la Sarl Entreprendre Bio, la Société Mutuelle d'Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics et la Sa Axa France Iard de leurs demandes à l'encontre de la Sas [C] Industrial,

- condamné in solidum la Sa Maaf Assurances en qualité d'assureur de la Sas Possamai et Fils de la Sarl Sud Carrelage, la Sa Axa France Iard en qualité d'assureur de Eos, au paiement de la somme de 143.042,95 euros hors taxes à la Sarl Frafin au titre des travaux de reprise,

- assorti cette somme d'indexation sur la base de l'indice BT01 du coût de la construction depuis la date de dépôt du rapport d'expertise jusqu'à la date du jugement,

- réservé les droits de la Sarl Frafin dans l'hypothèse de travaux supplémentaires en cas de démolition et excavation de la chape,

- réservé les droits de la Sarl Frafin en cas de préjudice commercial lié aux travaux de reprise,

- réservé les droits de le la Sarl Entreprendre Bio concernant l'indemnisation de ses dommages immatériaux et sa perte d'exploitation,

- condamné la Sa Maaf Assurance en qualité d'assureur de la Sas Possamai et Fils et de la Sarl Sud Carrelage, la Sa Axa France Iard en qualité d'assureur et Eos, à relever et garantir la Société Mutuelle d'Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics en qualité d'assureur de la Sas Possamai et Fils et Bpce en qualité d'assureur de Sud Carrelage de toute condamnation au titre des dommages immatériaux à venir,

- condamné in solidum la Sa Maaf Assurances en qualité d'assureur de la Sas Possamai et Fils et de la Sarl Sud Carrelages, la Sa Axa France Iard en qualité d'assureur de Eos, la Société Mutuelle d'Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics en qualité d'assureur de la Sas Possamai et Fils et Bpce en qualité d'assureur de la Sarl Sud Carrelages au paiement de la somme de 3.000 euros à la Sas [C] Industrial en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum la Sa Maaf Assurances en qualité d'assureur de la Sas Possamai et Fils et de la Sarl Sud Carrelages, la Sa Axa France Iard en qualité d'assureur de Eos, la Société Mutuelle d'Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics en qualité d'assureur de la Sas Possamai et Fils et Bpce en qualité d'assureur de la Sarl Sud Carrelages aux entiers dépens y compris les frais d'expertise.

Par déclaration du 23 janvier 2023, la Sa Maaf Assurances en sa qualité d'assureur de la société Possamai et fils et de la société Sud Carrelage, la Sa Bcpe Iard en sa qualité d'assureur de la société Sud Carrelage, et la Sarl Sud Carrelage, ont relevé appel de ce jugement en intimant devant la cour la société Frafin, la société Btroc anciennement dénommée la société Possamai et fils, la société Entreprendre Bio, la société Axa France Iard en sa qualité d'assureur de la société Eos Architecture, et la Smabtp, en sa qualité d'assureur de la société Btroc.

Elle critique ce jugement en ce qu'il a :

- réservé les droits de la Sarl Frafin en cas de préjudice commercial lié aux travaux de reprise,

- condamné in solidum la société Mutuelle d'Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics en qualité d'assureur de la Sas Possamai et Fils et Bpce en qualité d'assureur de la Sarl Sud Carrelage à indemniser la Sarl Entreprendre Bio des dommages immatériaux liés à sa perte d'exploitation liés aux travaux de reprise,

- réservé les droits de la Sarl Entreprendre Bio concernant l'indemnisation des dommages immatériaux et de sa perte d'exploitation,

- condamné la Sa Maaf Assurances en qualité d'assureur de la Sas Possamai et Fils et de la Sarl Sud Carrelage, la Sa Axa France Iard en qualité d'assureur de Eos, à relever et garantir la Société Mutuelle du Bâtiment et des Travaux Publics en qualité d'assureur de la Sas Possamai et Fils et Bpce en qualité d'assureur de Sud Carrelage de toute condamnation au titre des dommages immatériaux à venir.

Par ordonnance du 10 août 2023, le conseiller chargé de la mise en état de la cour d'appel de Toulouse a ordonné la jonction de ces procédures.

La Sci Jengo, qui a acheté l'immeuble en cause à la Sas Frafin par acte notarié du 17 octobre 2022, postérieurement à l'audience de plaidoirie du 6 octobre 2022 tenue devant le tribunal de commerce, est intervenue volontairement à l'instance portée devant la cour d'appel.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 7 février 2024, la Sa Axa France Iard, appelante, demande à la cour, au visa des articles 1792 et suivants du code civil et de l'article L. 112-6 du code des assurances, de :

- réformer le jugement prononcé le 1er décembre 2022 par le tribunal de commerce de Toulouse en ce qu'il a :

* condamné la société Axa à verser à la société Frafin la somme de 143.042,95 euros hors taxes au titre des travaux de reprise,

* condamné Axa à indemniser les sociétés Frafin et Entreprendre Bio au titre de leurs préjudices immatériels,

* rejeté les recours formulés par la société Axa à l'encontre de la société [C], et de la société Btroc, anciennement Possamai, de la Maaf et de la Smabtp,

* condamné Axa à verser aux sociétés Frafin, Entreprendre Bio et [C] la somme de 3.000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens,

Statuant à nouveau,

- rejeter toute demande présentée à l'encontre de la compagnie Axa, ses garanties n'étant pas mobilisables en l'absence de déclaration du chantier litigieux,

- subsidiairement, autoriser Axa à faire application d'une règle proportionnelle à hauteur de 50% en l'absence de déclaration du chantier litigieux,

- limiter l'obligation d'Axa à 15% du montant des travaux de reprise et des éventuels préjudices immatériels,

- condamner la société Btroc, anciennement Possamai et Fils, la Maaf et la société [C] à relever et garantir la compagnie Axa à hauteur de 85% des condamnations prononcées à son encontre au titre des préjudices matériels,

- condamner la société Btroc, anciennement Possamai et Fils, la Smabtp et la société [C] à relever et garantir la compagnie Axa à hauteur de 85% des condamnations prononcées à son encontre au titre des préjudices immatériels,

- réduire à de plus justes proportions la demande formulée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

* débouté la Sas Frafin de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre d'Axa,

* dit que la compagnie Axa est bien fondée à opposer à tous le montant de sa franchise contractuelle qui s'élève à 3.000 euros,

En toute hypothèse,

- débouter la Maaf, la Bpce, la Smabtp et toute autre partie de leurs demandes présentées à l'encontre d'Axa France Iard,

- débouter la société Jengo de son appel incident.

Dans leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 12 juillet 2023, la Sa Maaf Assurances, la Sa Bpce Iard et la Sarl Sud Carrelage, appelantes, demandent à la cour, au visa des articles 1240 et 1792 et suivants du code civil et des articles L. 112-6, L. 124-5 et L. 241-1 du code des assurances, de :

Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes et, en tout cas, mal fondées,

- infirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

- condamner la compagnie Axa France Iard, assureur de la société Eos Architecture, et la société [C] Industrial, in solidum, à relever et garantir la Maaf, la compagnie Bpce Iard et la société Sud Carrelage de toutes condamnations prononcées à leur encontre,

- limiter la garantie de la Maaf, en sa qualité d'assureur de la société Possamai, à l'indemnisation des dommages de nature décennale,

- autoriser la Maaf à opposer sa franchise contractuelle à la société Possamai pour l'indemnisation des dommages de nature décennale, correspondant à 10 % du montant des dommages avec un minimum de 1.448 euros et un maximum de 3.872 euros,

- rejeter toutes demandes à l'encontre de la Maaf, en sa qualité d'assureur de la société Possamai et Fils (désormais dénommée Btroc) et de la société Sud Carrelage, pour l'indemnisation de tous dommages immatériels,

- condamner la Smabtp à garantir, seule, la société Possamai et Fils, désormais dénommée Btroc, de toute condamnation en paiement des dommages immatériels subis par la Sci Jengo (venant aux droits de la société Frafin) et/ou la société Entreprendre Bio,

- en cas de condamnation de la Maaf à l'indemnisation de dommages immatériels, l'autoriser à opposer sa franchise contractuelle à l'assurée ainsi qu'aux tiers,

- limiter la part de responsabilité de la société Sud Carrelage à 19 % de la part imputable à la société Possamai,

- rejeter le surplus des demandes à l'encontre de la société Sud Carrelage et de ses assureurs, la Maaf et la compagnie Bpce Iard,

- autoriser la Maaf, en sa qualité d'assureur de la société Sud Carrelage pour l'indemnisation des dommages matériels de nature décennale à opposer sa franchise contractuelle à l'assurée et aux tiers, correspondant à 10 % du montant des dommages avec un minimum de 1.157 euros et un maximum de 2.326 euros,

- autoriser la compagnie Bpce Iard, en sa qualité d'assureur de la société Sud Carrelage pour l'indemnisation des dommages immatériels de nature décennale à opposer sa franchise contractuelle à l'assurée et aux tiers, correspondant à 1.200 euros,

- en cas de condamnation à l'intégralité des préjudices subis par la Sci Jengo (venant aux droits de la société Frafin) et la société Entreprendre Bio, condamner la Smabtp, en sa qualité d'assureur de la société Possamai, la compagnie Axa France Iard, assureur de la société Eos Architecture, et la société [C] Industrial, in solidum, à relever et garantir la société Sud Carrelage et ses assureurs, la Maaf et la compagnie BPCE Iard des condamnations prononcées à leur encontre, dans la proportion de 81 % de leur montant,

- condamner tout succombant au paiement des dépens dont distraction sera faite à la Selas Clamens Conseil, autorisée à les recouvrer sur son offre de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 18 juillet 2023, la Sas Frafin et la Sci Jengo, venant aux droits de la Sas Frafin, intimées et appelantes à titre incident, demandent à la cour, au visa des articles 1792 et suivants du code civil, de l'article L. 243-7 du code des assurances et de l'article 554 du code de procédure civile, de :

- déclarer recevable l'intervention volontaire de la Sci Jengo, venant aux droits de la Sas Frafin,

- infirmer le jugement prononcé le 20 décembre 2022 par le tribunal commerce de Toulouse en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts formée par la Sas Frafin,

- confirmer le jugement prononcé le 20 décembre 2022 par le tribunal de commerce de Toulouse en toutes ses autres dispositions,

Ce faisant,

- homologuer les conclusions du rapport d'expertise judiciaire,

- déclarer le jugement à intervenir commun à la Sarl Entreprendre Bio,

- dire que les désordres engagent la responsabilité décennale de la société Possamai et Fils et de la société Eos Architecture d'Intérieur, maître d'oeuvre,

- condamner in solidum la société Possamai et Fils actuellement dénommée Sasu Entreprise Btroc, la compagnie d'assurances Maaf ainsi que la compagnie Axa France Iard prise en qualité d'assureur de la société Eos Architecture d'Intérieur au paiement de la somme de 143.042,95 euros hors taxes au titre des travaux de reprise des désordres,

- réserver les droits de la Sci Jengo au titre des travaux réparatoires dans l'hypothèse où le preneur à bail souhaiterait exécuter les travaux sans fermeture totale du commerce,

- assortir cette somme de l'indexation sur la base de l'indice BT01 du coût de la construction depuis la date de dépôt du rapport d'expertise jusqu'à la date du jugement à intervenir,

- réserver les droits de la Sci Jengo dans l'hypothèse de la nécessité de procéder à des travaux de démolition et d'évacuation de la chape,

- réserver ses droits dans l'hypothèse où serait invoqué par son locataire, la société Entreprendre Bio, un préjudice commercial,

- condamner in solidum la société Possamai et Fils dénommée actuellement Sasu Entreprise Btroc, la compagnie Maaf Assurances et la compagnie Axa France Iard prise en sa qualité d'assureur de la société Eos Architecture d'Intérieur au paiement de la somme complémentaire de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- les condamner sous la même solidarité au paiement de la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais de première instance, et la somme de 3.000 euros au titre des frais d'appel,

- les condamner sous la même solidarité aux entiers dépens qui comprendront les dépens de l'instance en référé ainsi que les frais d'expertise judiciaire.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 17 juillet 2023, la Sarl Entreprendre Bio, intimée, demande à la cour de :

- confirmer le jugement,

- statuer ce que de droit sur les partages de responsabilités sollicités par les appelants principaux et incidents et sur les garanties mobilisables,

À titre subsidiaire,

- dans le cas où la cour infirmerait la décision quant à la responsabilité du bureau d'études [C], condamner ce dernier in solidum avec les autres parties condamnées à indemniser la société Entreprendre Bio de ses divers préjudices,

- condamner in solidum tout succombant à verser à la société Entreprendre Bio la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 19 février 2024, la Smabtp, intimée et appelante à titre incident, demande à la cour de :

Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes et en tout cas mal fondées,

- statuer ce que de droit sur la demande de la Maaf Assurances Sa en qualité d'assureur de la société Possamai tendant à l'infirmation de la condamnation à son encontre à relever indemne et garantir la Smabtp en qualité d'assureur de la société Possamai au titre des dommages immatériels,

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la Smabtp de ses demandes à l'encontre de la société [C] Industrial,

- débouter Axa France Iard de ses prétentions tendant au rejet des demandes formées à son encontre,

- débouter la société Jengo de sa demande de dommages-intérêts au titre des tracas liés à la procédure,

- confirmer le jugement de première instance ayant autorisé la Smabtp à opposer la franchise de 2.000 euros prévue par sa police d'assurance à l'ensemble des parties,

- débouter la Maaf Assurances Sa et la Bpce Iard en leur qualité d'assureurs de la société Sud Carrelage, ainsi que la société Sud Carrelage, de leurs demandes tendant à la limitation de leur part de responsabilité à hauteur de 19%,

- condamner la compagnie Axa France Iard et la société [C] Industrial à relever indemne et garantir la Smabtp des condamnations prononcées à son encontre, en principal, intérêts, frais et accessoires, à hauteur de 40%,

- condamner la société Sud Carrelage et ses assureurs Maaf Assurances Sa et Bpce Iard à relever et garantir la Smabtp des condamnations prononcées à son encontre, en principal, intérêts, frais et accessoires, à hauteur de 23,5%,

- condamner tout succombant à régler à la Smabtp la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 20 juillet 2023, la Sas [C] Industrial, intimée, demande à la cour, au visa des articles 1792, 1792-4-1 et 1792-4-3 du code civil et de l'article L. 125-2 alinéa 2 du code de la construction et de l'habitation, de :

À titre principal,

- constater que la Sci Jengo ne forme aucune demande à l'encontre de la société [C] Industrial,

- déclarer irrecevables toutes demandes de condamnation à l'encontre de la société [C] Industrial qui seraient formulées sur le fondement de la responsabilité civile décennale,

- rejeter comme mal fondées les demandes présentées par la société Entreprendre Bio à l'encontre de la société [C] Industrial,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes formées à l'encontre de la société [C] Industrial et a alloué à cette dernière indemnité au titre des frais irrépétibles,

À titre subsidiaire, en cas de réformation,

- limiter toute condamnation de la société [C] Industrial au pourcentage de 2% du montant des travaux réparatoires,

- rejeter toutes autres demandes plus amples ou contraires,

- rejeter la demande de dommages et intérêts formées par la société Jengo,

- rejeter les demandes de condamnations in solidum formées à l'encontre de la société [C] Industrial, en application de l'article L. 125-2 du code de la construction et de l'habitation alinéa 2,

En tout état de cause,

- rejeter toutes demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société [C] Industrial,

- condamner in solidum la compagnie Axa France, la Sarl Entreprendre Bio, la compagnie Maaf et la Smabtp à verser à la société [C] Industrial la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les mêmes in solidum aux entiers dépens.

La Sas Entreprise Btroc, anciennement dénommée Possamai et fils, intimée, n'a pas constitué avocat, et a régulièrement reçu signification de la déclaration d'appel le 24 avril 2023, par remise de l'acte à personne habilitée.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 décembre 2024. L'affaire a été examinée à l'audience du 2 avril 2025.

MOTIFS

* Sur les demandes de la société Jengo, venant aux droits de la société Frafin

- principe de responsabilité des constructeurs et du contrôleur technique

L'expert judiciaire, M.[I], a constaté que dans la surface de vente de l'immeuble, vendu par la société Frafin à la société Jengo par acte notarié du 17 octobre 2022, de nombreux carreaux sont décollés, et que des carreaux fissurés présentent des bords tranchants, ces désordres créant un risque de blessures pour le personnel et les clients du magasin.

Les désordres, dont il est constant qu'ils ne sont apparus qu'après réception des travaux, relèvent donc de la responsabilité décennale des constructeurs, en ce qu'ils portent atteinte à la destination de l'immeuble, ce qui n'est pas contesté par les parties.

M.[I] indique que les désordres résultent de l'absence de joint sur le périmètre des surfaces carrelées, de l'absence de joint de fractionnement et du défaut de traitement des points singuliers, en contrariété avec les règles de l'art et le DTU applicable.

Il précise que:

- la société Possamai et fils et ses sous-traitants, notamment la société Sud Carrelage qui a posé 81 m2 de carrelage sur une surface de vente d'environ 300 m2, ont réalisé les travaux et sont ainsi à l'origine des défauts d'exécution ;

- la société Eos Architecture, maître d''uvre, n'a relevé ces défauts d'exécution ni lors de la réalisation des travaux, ni lors des opérations de réception, alors que les erreurs d'exécution et omissions étaient généralisées et apparentes pour un professionnel ;

- le bureau de contrôle [C] a émis un avis et des observations sur les revêtements de sol dans son rapport initial du 13 décembre 2007, alors qu'il n'avait aucune mission relative aux revêtements de sol. En revanche, le bureau de contrôle n'a pas émis d'observation en fin de mission sur les omissions et malfaçons généralisées.

Ni la société Possamai et fils, désormais dénommée Btroc, qui n'a pas constitué avocat, ni la société Sud Carrelage, représentée à l'instance, ni les assureurs successifs de l'entrepreneur principal et de son sous-traitant, ni la société Axa France Iard en sa qualité invoquée d'assureur de la société Eos Architecture, ne contestent le principe de la responsabilité décennale de l'entrepreneur principal et du maître d'oeuvre, ni le principe de la responsabilité du sous-traitant.

En revanche, les assureurs successifs de la société Possamai et fils, comme la société Sud Carrelage et ses assureurs successifs, ainsi que la société Axa France Iard, recherchent également la responsabilité du contrôleur technique, la société [C] Industrial, mise hors de cause par le tribunal.

Les recours entre constructeurs ne sont pas soumis à la forclusion décennale mais à la prescription de droit commun, et se prescrivent donc par cinq ans à compter du jour où le constructeur a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son recours (Cass civ 3, 16 janvier 2020, 18-25.915). Les recours formés par la société Axa France Iard, la société Smabtp, la société Maaf Assurances, la société Sud Carrelage et la société Bpce Iard, qui ne pouvaient agir à l'encontre de la société [C] Industrial avant d'être eux-mêmes mis en cause, sont donc recevables.

Sur le fond, la mission principale du contrôleur technique (mission L) était limitée à la solidité des ouvrages et éléments d'équipement indissociables. Or les désordres affectent le carrelage et la chape, qui constituent des éléments d'équipement techniquement dissociables, ce que l'expert a expressément confirmé en l'espèce.

Les désordres ne relèvent pas davantage des missions complémentaires confiées au bureau de contrôle, relatives à la sécurité des personnes dans les ERP (mission SEI), ou à l'accessibilité des constructions aux personnes handicapées (mission HAND). Ces missions spécifiques dont le contenu est normalisé ont pour objet de contrôler le respect de dispositions règlementaires précisément déterminées, et non de prévenir l'apparition de désordres de construction, après réception, telle la fissuration d'un carrelage, qui ressort d'une mission relative à la solidité des éléments d'équipement dissociables, qui n'a pas en l'espèce été confiée au contrôleur.

Enfin il ne peut être reproché au contrôleur technique de ne pas avoir renouvelé dans son rapport final les observations mentionnées dans son rapport initial, en dehors même de sa mission, sur les malfaçons affectant les revêtements de sol. Il n'appartient pas au contrôleur de vérifier que ses observations ont été prises en compte, ni par le maître de l'ouvrage, ni par les constructeurs auxquels il ne peut pas donner d'instructions. Le défaut de mention des désordres persistants dans le rapport final est d'autre part sans incidence sur l'obligation des constructeurs, qui ne pouvaient aucunement en déduire que les désordres avaient disparu.

Les recours formés contre la société [C] Industrial sont donc recevables mais mal fondés.

Le jugement est confirmé sur ce point.

- évaluation des préjudices

* dommages matériels

S'agissant des travaux réparatoires et de leur coût, l'expert envisage deux hypothèses:

- avec fermeture du commerce: 143.042,95 euros HT, maîtrise d''uvre et SPS comprises, mais sous réserve de frais complémentaires pour démolition et évacuation de la chape et sous réserve également du préjudice commercial de l'exploitant. Pour cette solution, l'expert précise que le préjudice de l'exploitant correspondrait à une perte totale du chiffre d'affaires sur la période de travaux;

- sans fermeture du commerce : 208.790,66 euros HT, sous réserve du préjudice commercial de l'exploitant qui 'logiquement avec une telle solution devrait être nettement inférieur à celui de la solution précédente'.

Le tribunal, prenant acte de la position du preneur à bail privilégiant la solution de reprise avec fermeture du commerce, a retenu cette solution et évalué le coût des travaux de reprise à 143.042,95 euros HT, tout en réservant les droits de la société Frafin dans l'hypothèse de frais complémentaires pour démolition et évacuation de la chape.

La SCI Jengo, en sa qualité de propriétaire bailleur venant aux droits de la société Frafin, conclut à la confirmation du jugement sur ces points, tout en demandant à la cour de réserver également ses droits au titre des travaux réparatoires dans l'hypothèse où le preneur à bail souhaiterait exécuter les travaux sans fermeture totale du commerce.

La société Axa France Iard a relevé appel des dispositions du jugement statuant sur la réparation du préjudice matériel de la société Frafin, aux droits de laquelle vient la société Jengo. Mais dans le dispositif de leurs dernières conclusions, ni la société Axa France Iard, ni aucune autre partie ne critiquent les dispositions relatives à l'évaluation du dommage matériel du propriétaire bailleur.

Le jugement est donc confirmé sur ce point.

Y ajoutant, la cour, constatant que le jugement, non assorti de l'exécution provisoire, n'a pas été exécuté, fait droit à la demande de la société Jengo tendant à ce que ses droits soient réservés si le bail devait être cédé à un preneur choisissant une solution différente, cette demande ne faisant l'objet d'aucune opposition.

* dommage immatériel

Le tribunal a rejeté la demande de la société Frafin tendant au paiement de la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts. Il a également 'réservé les droits de la société Frafin en cas de préjudice commercial lié aux travaux de reprise'.

La société Jengo, venant aux droits de la société Frafin, formant appel à titre incident, indique que 'les désagréments de toute nature et pertes de temps consacré à la gestion du sinistre ont causé à 'la requérante' un préjudice qui devra être réparé par l'allocation de la somme complémentaire de 10.000 euros'.

Ni la société Frafin, qui a vendu l'immeuble, ni l'actuel propriétaire bailleur des lieux, la société Jengo, ne devraient subir de préjudice commercial pendant les travaux de reprise, le magasin étant exploité par un preneur à bail, dont le droit à indemnisation fait l'objet de dispositions du jugement distinctes. Cependant, le jugement, non assorti de l'exécution provisoire, n'a pas été exécuté, de sorte qu'il ne peut être formellement exclu que le bail soit résilié avant l'exécution des travaux de reprise et que le bailleur subisse alors un préjudice financier personnel. La disposition réservant les droits de la société Frafin, aux droits de laquelle vient la société Jengo, en cas de préjudice commercial lié aux travaux de reprise, est donc confirmée.

Le jugement est également confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts complémentaires du propriétaire de l'immeuble, en l'absence de justification d'un préjudice financier actuel lié au litige, distinct des frais irrépétibles pris en compte par application de l'article 700 du code de procédure civile.

- garantie des assureurs

La société Axa France Iard conteste, pour la première fois devant la cour d'appel, le principe de sa garantie, en sa qualité d'assureur de la société Eos Architecture, en soutenant que ses garanties ne sont applicables que si le coût total de réalisation de l'ouvrage n'excède pas la somme de 305.000 euros HT pour les constructions neuves et création de m2, sauf garantie spécifique accordée par Axa après déclaration et étude ponctuelle, qu'en l'espèce le montant prévisionnel du chantier était de 550.000 euros, et que la société Eos Architecture n'a pas déclaré ce chantier à la compagnie Axa.

La société Smabtp, en sa qualité d'assureur de la société Possamai et fils à compter du 1er janvier 2016, fait valoir que la preuve de la remise à l'assurée des documents dont se prévaut la société Axa France Iard, et de leur acceptation par la société Eos Architecture, n'est pas rapportée.

La société Axa France Iard verse aux débats des conventions spéciales 'Rénovassur' datées du 5 septembre 2000, prévoyant en préambule, dans un aragraphe intitulé 'Activités', que 'Les garanties s'appliquent aux missions de maîtrise d'oeuvre comportant extension ou création de m2, dont le coût total de la réalisation de l'ouvrage maîtrisé est inférieur ou égal à 2.000.000 F HT, tous corps d'état confondus. Au delà, une garantie spécifique pourra être accordée, après déclaration préalable et étude de l'assureur'. Elle produit également des conditions particulières d'un contrat 'Rénovassur' d'assurance de la responsabilité des architectes d'intérieur et décorateurs, établies au nom de la Sarl Eos Architecture, datées du 6 septembre 2000, indiquant que l'assurée reconnaît avoir reçu 'les conventions spéciales'.

Cependant, ni les conventions spéciales datées du 5 septembre 2000, ni les conditions particulières du 6 septembre 2000 y faisant référence, ne portent la signature de l'assurée. La pièce n°8 produite par la société Axa France Iard, qui constituerait une capture d'écran de renseignements dont la provenance et l'authenticité ne sont pas établies, ne suffit pas à démontrer la connaissance et l'acceptation par la société Eos Architecture de l'obligation de déclaration préalable de certains travaux.

Les seuls documents contractuels signés par la société Eos Architecture produits par la société Axa France Iard sont:

- un avenant souscrit le 12 avril 2005 qui ne porte pas mention des conditions de garantie restrictives invoquées,

- un avenant daté du 28 octobre 2015, postérieur à l'ouverture du chantier, le 17 décembre 2007.

Par ailleurs, il ne résulte pas du seul document, interne à la société d'assurance, récapitulant, en vue de la détermination du montant de la prime, les honoraires déclarés par la société Eos Architecture au titre de l'année 2007, à hauteur de plus de 300.000 euros, dont 2.039 euros au titre d' 'honoraires structures', que la société Eos Architecture n'ait pas déclaré sa mission de maîtrise d'oeuvre relative à la construction du magasin en cause, à [Localité 19], étant rappelé que ces travaux n'ont débuté que le 17 décembre 2007.

L'application de la garantie de la société Axa France Iard n'est donc pas contestable.

La société Maaf Assurances, en sa qualité d'assureur de la responsabilité décennale de la société Possamai et fils à la date de l'ouverture du chantier, comme en sa qualité d'assureur de la société Sud Carrelage, sous-traitant de la société Possamai et fils, à la même date, ne conteste pas sa garantie quant au coût des travaux de reprise.

- obligation et contribution à la dette

Le jugement est ainsi confirmé en ce qu'il a condamné in solidum la Sa Maaf Assurances en qualité d'assureur de la Sas Possamai et Fils et de la Sarl Sud Carrelage, et la Sa Axa France Iard en qualité d'assureur de la société Eos Architecture, au paiement de la somme, indexée, de 143.042,95 euros hors taxes à la Sarl Frafin au titre des travaux de reprise, étant précisé que le propriétaire du local ne demande pas la condamnation des entreprises.

Ni la société Frafin, ni la société Jengo, actuelle propriétaire des lieux, ni aucune autre partie, ne contestent la disposition du jugement autorisant la Sa Maaf Assurances en qualité d'assureur de la Sas Possamai et Fils, et la Sa Axa France lard en qualité d'assureur de la société Eos Architecture, à opposer leur franchise contractuelle à leur assuré et aux tiers concernant les dommages matériels.

La responsabilité du contrôleur technique n'étant pas engagée, les recours exercés à l'encontre de la société [C] Industrial sont rejetés, le jugement étant confirmé sur ce point.

L'expert judiciaire, M.[I], conclut que :

- la société Possamai et fils et ses sous-traitants, notamment la société Sud Carrelage qui a posé 81 m2 de carrelage, sont à l'origine des défauts d'exécution constatés, soit l'absence de joint sur le périmètre des surfaces carrelées, l'absence de joint de fractionnement et le défaut de traitement des points singuliers, en contrariété avec les règles de l'art et le DTU applicable;

- la maîtrise d''uvre n'a 'pas relevé en phase exécution, ni lors des opérations de réception, les erreurs d'exécution et omissions qu'exposaient les surfaces carrelées alors que celles-ci sont généralisées et appréhendables par un professionnel'.

Il en résulte que les désordres constatés, qui procèdent de défauts d'exécution généralisés, sont principalement imputables à l'entreprise titulaire du lot carrelage, à hauteur de 80%, et dans une moindre mesure au maître d'oeuvre, à hauteur de 20%.

Les pièces produites établissent que la société Sud Carrelage a réalisé une surface de carrelage de 81 m2, sur une surface totale de carrelage à reprendre de 344 m2. La part de la surface sous-traitée à la société Sud Carrelage par la société Possamai et fils représente ainsi 23,5%, et celle dont la société Possamai et fils, entrepreneur principal, doit répondre 76,5% .

La charge définitive de la dette au titre des travaux de reprise doit donc peser:

- sur la société Entreprise Btroc, anciennement dénommée Possamai et fils, et son assureur la société Maaf Assurances, à hauteur de 61% (80% x 76,5%),

- sur la société Sud Carrelage et son assureur la société Maaf Assurances à hauteur 19% (80% x 23,5%),

- et sur la société Axa France Iard en sa qualité d'assureur de la société Eos Architecture à hauteur de 20%.

Les recours s'exerceront dans cette mesure.

* Sur les demandes de la société Entreprendre Bio

- obligation à la dette

Le tribunal a réservé les droits de la Sarl Entreprendre Bio concernant l'indemnisation de ses dommages immatériels et de sa perte d'exploitation, tout en statuant d'ores et déjà sur le principe de l'obligation à la dette envers la société Entreprendre Bio. Il a ainsi condamné in solidum la Société Mutuelle d'Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics en qualité d'assureur de la Sas Possamai et Fils et la société Bpce en qualité d'assureur de la Sarl Sud Carrelage, à indemniser la Sarl Entreprendre Bio des dommages immatériels liés à sa perte d'exploitation.

Ces dispositions ne font l'objet d'aucune contestation au terme du dispositif des conclusions des différentes parties, notamment celles de la société Entreprendre Bio, même si elles omettent, au stade de l'obligation à la dette, la garantie de la société Axa France Iard en sa qualité d'assureur de la société Eos Architecture, qui n'est pas utilement contestée par cet assureur, pour les motifs développés plus haut.

Ces dispositions doivent donc être confirmées, sans préjudice de l'exercice des recours des assureurs dont l'obligation est retenue, au stade de la contribution à la dette.

- contribution à la dette

Les dommages immatériels consécutifs aux désordres procèdent, comme les dommages matériels, à titre principal des défauts d'exécution généralisés imputables à la société Possamai et fils et à son sous-traitant la société Sud Carrelage, et à titre accessoire des manquements du maître d'oeuvre à ses obligations de contrôle de l'exécution des travaux.

La garantie facultative des dommages immatériels pèse sur l'assureur à la date de la réclamation.

La société Axa France Iard, assureur de la société Eos Architecture tant à la date de l'ouverture du chantier qu'à celle de la réclamation, doit garantir l'indemnisation des dommages immatériels subis par la société Entreprendre Bio, sa contestation de garantie ayant été rejetée pour les motifs développés plus haut.

La Smabtp, assureur de la société Possamai et fils depuis le 1er janvier 2016, et la société Bpce Iard, assureur de la société Sud Carrelage depuis le 1er janvier 2017, doivent, en leur qualité d'assureurs à la date de la première réclamation faite en 2017, garantir l'indemnisation des dommages immatériels subis par la société Entreprendre Bio, par application des dispositions de l'article L 124-5 du code des assurances, ce qu'elles ne contestent pas.

La charge définitive de la dette, au titre des dommages immatériels, doit donc peser, en considération de l'incidence respective des manquements constatés, développée plus haut:

- sur la société Entreprise Btroc, anciennement dénommée Possamai et fils, et son assureur la Smabtp, à hauteur de 61% (80% x 76,5%),

- sur la société Sud Carrelage et son assureur la société Bpce Iard à hauteur 19% (80% x 23,5%),

- et sur la société Axa France Iard en sa qualité d'assureur de la société Eos Architecture à hauteur de 20%.

Les recours s'exerceront dans cette mesure.

* Sur les demandes accessoires :

Les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance sont confirmées.

La société Axa France Iard en sa qualité d'assureur de la société Eos Architecture, la société Maaf Assurances en sa qualité d'assureur de la société Possamai et fils et de la société Sud Carrelage, la Smabtp en sa qualité d'assureur de la société Possamai et fils, et la société Bpce Iard en sa qualité d'assureur de la société Sud Carrelage, sont tenues in solidum de supporter les dépens d'appel et de régler à la société Frafin et la société Jengo une somme de 3.000 euros, à la société Entreprendre Bio une somme de 3.000 euros, et à la société [C] Industrial une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel.

La charge définitive des dépens de première instance et d'appel, et des frais irrépétibles de première instance et d'appel pèsera sur:

- la société Axa France Iard en sa qualité d'assureur de la société Eos Architecture à hauteur de 20%,

- la société Maaf Assurances en sa qualité d'assureur de la société Possamai et fils et la société Sud Carrelage à hauteur de 40%,

- la société Smabtp en sa qualité d'assureur de la société Possamai et fils à hauteur de 30%,

- et la société Bpce Iard en sa qualité d'assureur de la société Sud Carrelage à hauteur de 10%.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 1er décembre 2022 par le tribunal de commerce de Toulouse, sauf en ce qu'il a :

- condamné la Sa Maaf Assurances en qualité d'assureur de la Sas Possamai et Fils et de la Sarl Sud Carrelage, la Sa Axa France lard en qualité d'assureur de Eos, à relever et garantir la Société Mutuelle d'Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics en qualité d'assureur de la Sas Possamai et Fils et Bpce en qualité d'assureur de Sud Carrelage de toute condamnation au titre des dommages 'immatériaux' à venir ;

Statuant à nouveau sur ce chef de décision infirmé et y ajoutant,

Réserve les droits de la société Jengo au titre des travaux de reprise si le bail devait être cédé à un preneur choisissant une solution de réparation différente ;

Dit que la charge définitive de la dette à l'égard de la société Jengo, venant aux droits de la société Frafin, au titre des dommages matériels, doit peser :

- sur la société Entreprise Btroc, anciennement dénommée Possamai et fils, et son assureur la société Maaf Assurances, à hauteur de 61%,

- sur la société Sud Carrelage et son assureur la société Maaf Assurances à hauteur 19%,

- et sur la société Axa France Iard en sa qualité d'assureur de la société Eos Architecture à hauteur de 20% ;

Dit que les recours s'exerceront dans cette mesure ;

Dit que la charge définitive de la dette à l'égard de la société Entreprendre Bio au titre des dommages immatériels doit peser :

- sur la société Entreprise Btroc, anciennement dénommée Possamai et fils, et son assureur la société Smabtp, à hauteur de 61%,

- sur la société Sud Carrelage et son assureur la société Bpce Iard à hauteur 19%,

- et sur la société Axa France Iard en sa qualité d'assureur de la société Eos Architecture à hauteur de 20% ;

Dit que les recours s'exerceront dans cette mesure ;

Condamne in solidum la société Axa France Iard en sa qualité d'assureur de la société Eos Architecture, la société Maaf Assurances en sa qualité d'assureur de la société Possamai et fils et de la société Sud Carrelage, la société Smabtp en sa qualité d'assureur de la société Possamai et fils, et la société Bpce Iard en sa qualité d'assureur de la société Sud Carrelage, aux dépens d'appel, et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile par la Selas Clamens Conseil, qui en fait la demande ;

Condamne in solidum la société Axa France Iard en sa qualité d'assureur de la société Eos Architecture, la société Maaf Assurances en sa qualité d'assureur de la société Possamai et fils et la société Sud Carrelage, la société Smabtp en sa qualité d'assureur de la société Possamai et fils, et la société Bpce Iard en sa qualité d'assureur de la société Sud Carrelage, à régler à la société Frafin et la société Jengo, créanciers in solidum, une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne in solidum la société Axa France Iard en sa qualité d'assureur de la société Eos Architecture, la société Maaf Assurances en sa qualité d'assureur de la société Possamai et fils et la société Sud Carrelage, la société Smabtp en sa qualité d'assureur de la société Possamai et fils, et la société Bpce Iard en sa qualité d'assureur de la société Sud Carrelage, à régler à la société Entreprendre Bio une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne in solidum la société Axa France Iard en sa qualité d'assureur de la société Eos Architecture, la société Maaf Assurances en sa qualité d'assureur de la société Possamai et fils et la société Sud Carrelage, la société Smabtp en sa qualité d'assureur de la société Possamai et fils, et la société Bpce Iard en sa qualité d'assureur de la société Sud Carrelage, à régler à la société [C] Industrial une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Dit que la charge définitive des dépens de première instance et d'appel, et des frais irrépétibles de première instance et d'appel pèsera sur :

- la société Axa France Iard en sa qualité d'assureur de la société Eos Architecture à hauteur de 20%,

- la société Maaf Assurances en sa qualité d'assureur de la société Possamai et fils et la société Sud Carrelage à hauteur de 40%,

- la société Smabtp en sa qualité d'assureur de la société Possamai et fils à hauteur de 30%,

- et la société Bpce Iard en sa qualité d'assureur de la société Sud Carrelage à hauteur de 10%.

La greffière Le président

M. POZZOBON M. DEFIX.

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