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CA Paris, Pôle 4 - ch. 5, 10 septembre 2025, n° 22/06822

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 22/06822

10 septembre 2025

RÉPUBLIQUE FRAN'AISE

AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 5

ARRÊT DU 10 SEPTEMBRE 2025

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/06822 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFSXZ

Décision déférée à la Cour : jugement du 08 décembre 2021 - tribunal judiciaire de SENS- RG n° 11-21-000254

APPELANTE

S.A.S.U. ODYSEE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Thierry JOVE DEJAIFFE de la SELARL JOVE LANGAGNE BOISSAVY, avocat au barreau de MELUN substitué à l'audience par Me Judith NIDEAU, avocat au barreau de MELUN,

INTIMÉS

Monsieur [P] [O]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Abdellah AOULAD ALI, avocat au barreau de l'ESSONNE

Madame [N] [R] épouse [O]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Abdellah AOULAD ALI, avocat au barreau de l'ESSONNE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 mai 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Ludovic JARIEL, président de chambre

Mme Emmanuelle BOUTIE, conseillère,

Mme Viviane SZLAMOVICZ, conseillère,

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Emmanuelle Boutie, conseillère, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre DARJ

ARRÊT :

- contraditoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Ludovic JARIEL, président de chambre et par Tiffany CASCIOLI, greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 18 juillet 2019, M. et Mme [O] ont accepté un devis de la société Odysée aux fins de réaliser des travaux d'installation d'une porte d'entrée et de volets roulants extérieurs sur deux fenêtres et trois portes-fenêtres pour un montant de 4 900 euros.

Les travaux ont été achevés le 17 septembre 2019, la réception étant intervenue sans réserves.

M. et Mme [O] ont ensuite dénoncé l'existence de désordres affectant les volets roulants et la porte d'entrée et, par courrier du 14 janvier 2021, ont mis en demeure la société Odysée d'assurer la reprise de ces désordres.

Par acte en date du 20 mai 2021, M. et Mme [O] ont assigné la société Odysée aux fins d'ordonner l'exécution en nature des travaux de réfection aux frais de la société Odysée et en réparation de leurs préjudices.

Par jugement du 8 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Sens a statué en ces termes :

Condamne la société Odysée à payer à M. et Mme [O] :

2 300 euros à titre de dommages et intérêts pour les réparations,

631,42 euros à titre de dommages et intérêts pour les préjudices de jouissance,

1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens,

Déboute M. et Mme [O] de leur demande d'inclusion des frais de l'expertise dans les dépens ;

Rappelle que le présent jugement est exécutoire de plein droit par provision ;

Condamne la société Odysée aux entiers dépens.

Par déclaration en date du 1er avril 2022, la société Odysée a interjeté appel du jugement, intimant, devant la cour, M. et Mme [O]

EXPOSE DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 9 janvier 2025, la société Odysée demande à la cour de :

Recevoir la société Odysée en ses conclusions, l'y dire bien fondée ;

Ce faisant,

Infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Sens en date du 8 décembre 2021 en ce qu'il a :

condamné la société Odysée à payer à M. et Mme [O] la somme de 2 300 euros à titre de dommages et intérêts pour les réparations,

631,42 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice de jouissance,

1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens,

les entiers dépens ;

Statuant à nouveau :

Condamner M. et Mme [O] reconventionnellement à devoir procéder au règlement de la somme de 200 euros au titre du solde de la facture restant due ;

Condamner M. et Mme [O] au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Les condamner aux dépens.

Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 7 avril 2025, M. et Mme [O] demandent à la cour de :

Confirmer le jugement en date du 8 décembre 2021 dans son entier dispositif, à l'exception du chef limitant les frais des réparations à 2 300 euros et les préjudices de jouissance à 643,42 euros ;

Statuant à nouveau,

Condamner la société Odysée à avancer les sommes nécessaires à l'exécution forcée en nature, en versant la somme de 8 930,93 euros TTC entre les mains de M. et Mme [O], le tout majoré au taux d'intérêt légal ;

Condamner la société Odysée à verser à M. et Mme [O], la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement des articles 1231-1 et 1103 du code civil ;

Sur l'article 700 et les dépens en cause d'appel :

Condamner la société Odysée à verser à M. et Mme [O] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société Odysée aux entiers dépens.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 8 avril 2025 et l'affaire a été appelée à l'audience du 6 mai 2025, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré.

MOTIVATION

Sur la responsabilité de la société Odysée

Moyens des parties

La société Odysée soutient que le document intitulé " Constat technique bâtiment " doit être accueilli avec réserve dans la mesure où il ne précise pas si la société Odysée a été convoquée pour participer aux opérations et ne se réfère qu'à l'article 34.4 du DTU et non aux stipulations contractuelles.

Elle avance que les constatations réalisées ne sont confortées par aucune note technique ni référence aux normes admises en matière de pose de menuiseries.

Elle précise, s'agissant de l'installation des volets roulants, que les finitions évoquées par M. et Mme [O] ne sont mentionnées ni au devis ni dans les courriers échangés par les parties.

En outre, l'appelante expose que l'examen de la norme technique n'impose pas de chant-plat pour l'installation des volets roulants et n'interdit pas la création de joint sur les menuiseries posées en rénovation.

En réponse, M. et Mme [O] font valoir la porte de la maison doit être qualifiée d'accessoire de l'ouvrage principal avec lequel elle faisait corps, de sorte que les dispositions de l'article 1792 du code civil trouvent à s'appliquer.

Concernant les volets roulants, ils précisent qu'il ressort du rapport d'expertise amiable qu'il existe d'importantes non-conformités qui relève de la seule responsabilité de la société Odysée, tenue à une obligation de résultat.

Ils exposent que les travaux réalisés sur la porte d'entrée présentent des problématiques de fermeture et d'étanchéité qui la rendent impropre à sa destination, l'existence de ce désordre étant relevé tant par l'expert que par l'huissier de justice et qu'il existe un problème lié à la taille des joints pouvant provoquer des courants d'air, une perte de performance thermique et des moisissures dues à l'humidité.

Enfin, ils font valoir que la société Odysée a participé à la réunion d'expertise du 4 février 2020 et que le rapport d'expertise amiable est recevable, ayant été soumis au débat contradictoire, les constatations étant renforcées par le procès-verbal de constat qui apporte une analyse technique et circonstanciée.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.

Il est établi que si les éléments d'équipements installés en remplacement ou par adjonction sur un ouvrage existant ne constituent pas en eux-mêmes un ouvrage, ils ne relèvent ni de la garantie décennale ni de la garantie biennale de bon fonctionnement, quel que soit le degré de gravité des désordres, mais de la responsabilité contractuelle de droit commun (3e Civ., 21 mars 2024, pourvoi n° 22-18.694, publié au Bulletin).

Au cas d'espèce, M. et Mme [O] invoquent la mise en 'uvre de la garantie décennale concernant les travaux réalisés par la société Odysée, s'agissant de la rénovation de leur maison avec l'installation de volets roulants et d'une nouvelle porte d'entrée.

Toutefois, les volets roulants, installés par adjonction sur les fenêtres, et la porte d'entrée, installée en remplacement, ne constituant pas en eux-mêmes un ouvrage, la garantie décennale, sans qu'il soit nécessaire d'étudier les autres critères d'application de l'article 1792 du code civil, ne trouve pas à s'appliquer au profit de M. et Mme [O].

Ainsi, c'est à juste titre que le tribunal a rejeté leur demande au titre de la garantie décennale, la décision entreprise étant confirmée de ce chef.

A cet égard, la cour relève l'absence de demande formulée par M. et Mme [O] au titre de la mise en 'uvre de la responsabilité contractuelle de la société Odysée au titre des travaux relatifs à la porte d'entrée.

Par ailleurs, M. et Mme [O] invoquent aussi l'existence d'une faute contractuelle de la société Odysée dans la réalisation des travaux relatifs à l'installation des volets roulants.

Aux termes de l'article 1231 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

En application des dispositions des articles 15, 16 et 132 du code de procédure civile, tout rapport amiable peut servir de preuve, au soutien des prétentions d'une partie, dans la mesure où, d'une part, il est soumis à la libre discussion des parties (1ère Civ., 24 septembre 2002, pourvoi n° 01-10.739, Bulletin civil 2002, I, n° 220 et 1ère Civ., 7 novembre 2002, pourvoi n° 01-11.672, Bulletin civil 2002, II, n° 246), d'autre part, il est corroboré par d'autres éléments de preuve (1ère Civ., 11 juillet 2018, pourvois n° 17-17.441 et n°17-19.581, Bull. 2018, I, n° 140).

Au cas d'espèce, le rapport d'expertise extra-judiciaire établi le 7 décembre 2020 relève, s'agissant des volets roulants de la cuisine, de la porte-fenêtre du côté rue, de la porte-fenêtre côté jardin et des fenêtres des chambres 1 et 2, plusieurs désordres relatifs aux finitions du joint en silicone, à l'absence de coupe biaise en pied de coulisse ainsi qu'une mauvaise fixation des coulisses et l'absence de calle.

Ces conclusions sont confortées par les constatations réalisées par le commissaire de justice aux termes d'un procès-verbal de constat dressé le 28 septembre 2022.

Ainsi, concernant les volets roulants, le procès-verbal mentionne que le coffrage du volet roulant de la cuisine a été grossièrement calfeutré et qu'un jour important est visible, à l'instar de la porte fenêtre de la salle à manger, ainsi qu'un joint de silicone sur les fenêtres et portes-fenêtres.

En outre, le rapport d'expertise extra-judiciaire relève l'existence d'une problématique de calage impactant l'orientation des lames et nuisant au bon fonctionnement des équipements en entraînant des blocages, frottements ou difficultés à l'ouverture et à la fermeture.

S'il n'est pas justifié que les normes prévues par le DTU 34.4 ont une valeur impérative ni qu'elles auraient intégré le champ contractuel, il résulte des constatations réalisées dans le cadre de l'expertise extra-judiciaire, confortées par le procès-verbal de constat, que les désordres affectant ces travaux ne sont pas limités aux seules finitions mais affectent la structure des volets, étant de nature à altérer leur étanchéité par des infiltrations d'eau et d'air ainsi que l'adhérence des volets sur leur support.

Dès lors, la preuve de l'existence de manquements de la société Odysée à ses obligations contractuelles ainsi qu'aux règles de l'art est rapportée en l'espèce, ces derniers étant directement à l'origine des désordres affectant les volets roulants.

Sur la réparation du préjudice

Moyens des parties

M. et Mme [O] sollicitent l'infirmation du jugement entrepris quant aux quantums des condamnations prononcées à l'encontre de la société Odysée.

Ils soutiennent que le rapport d'expertise extra-judiciaire ne fait pas seulement état de désordres purement esthétiques concernant les volets roulants mais aussi d'une mauvaise fixation des coulisses et de l'absence de calle.

Ils précisent produire devant la cour un autre devis retenant la nécessité de démonter intégralement les volets.

La société Odysée ne formule aucune observation sur ce point.

Réponse de la cour

Aux termes des dispositions de l'article 1222 du code civil, après mise en demeure, le créancier peut aussi, dans un délai et à un coût raisonnable, faire exécuter lui-même l'obligation ou, sur autorisation préalable du juge, détruire ce qui a été fait en violation de celle-ci. Il peut demander au débiteur le remboursement des sommes engagées à cette fin. Il peut aussi demander en justice que le débiteur avance les sommes nécessaires à cette exécution ou à cette destruction.

Au soutien de leur demande de réparation, M et Mme [O] produisent aux débats un devis établi par la société Eurohabitat et portant exclusivement sur les travaux de réfection des volets pour un montant de 5 300 euros TTC ainsi qu'un autre devis établi par la société Varache chiffrant le montant des travaux relatifs au remplacement des volets roulants à hauteur de 5 220 euros TTC.

Alors que les deux devis prévoient la nécessité de démonter les volets roulants pour remédier aux désordres et en l'absence de contestation de la société Odysée sur ce point, il y a lieu de la condamner à verser à M. et Mme [O] la somme de 5 300 euros TTC au titre des travaux nécessaires à la réparation des désordres affectant les volets roulants.

Le préjudice de jouissance résultant des désordres affectant les volets roulants sera justement indemnisé par l'allocation de la somme de 200 euros compte tenu des dysfonctionnements rencontrés par l'installation.

Il y a lieu de rejeter l'ensemble des demandes formulées par M. et Mme [O] au titre de l'indemnisation de leur préjudice relatif aux désordres affectant la porte d'entrée.

La décision entreprise sera donc infirmée de ces chefs.

Sur la demande reconventionnelle de la société Odysée

Moyens des parties

La société Odysée sollicite la condamnation de M. et Mme [O] au paiement de la somme de 200 euros au titre du solde de la facture de travaux en faisant valoir que la réception est intervenue sans réserves.

En réplique, M. et Mme [O] ne concluent pas sur ce point.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Aux termes des dispositions de l'article 1353 du même code, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Si c'est au débiteur qui se prétend libéré de justifier de son paiement, il appartient d'abord à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver (1ère Civ., 14 février 2018, pourvoi n° 16-23.205, Bull. 2018, I, n° 34).

Au cas d'espèce, il résulte de la facture n° 00021 du 3 juillet 2019 que M. et Mme [O] restent redevables de la somme de 200 euros au titre des travaux réalisés.

M. et Mme [O] ne rapportent pas la preuve de leur libération et ne contestent pas l'absence de règlement de sorte qu'il y a lieu de les condamner à payer cette somme à la société Odysée.

Il y a lieu d'ordonner la compensation judiciaire entre les créances réciproques des parties.

Sur les frais du procès

Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement sur la condamnation aux dépens et sur celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Odysée, partie succombante, sera condamnée aux dépens et à payer à M et Mme [O] la somme globale de 2 500 euros, au titre des frais irrépétibles.

Le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile sera accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il a :

condamné la société Odysée à payer à M. et Mme [O] la somme de 2 300 euros à titre de dommages et intérêts pour les réparations,

condamné la société Odysée à payer à M. et Mme [O] la somme de 631,42 euros à titre de dommages et intérêts pour les préjudices de jouissance,

L'infirmant sur ces points et statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société Odysée à payer à M. et Mme [O] la somme globale de 5 300 euros TTC au titre des travaux nécessaires à la réparation des désordres affectant les volets roulants ;

Condamne la société Odysée à payer à M. et Mme [O] la somme globale de 200 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice de jouissance ;

Rejette les demandes d'indemnisation formulées par M. et Mme [O] concernant les désordres affectant la porte d'entrée ;

Condamne M. et Mme [O] à payer à la société Odysée la somme de 200 euros au titre du solde de la facture relative aux travaux réalisés ;

Ordonne la compensation entre les créances réciproques des parties ;

Condamne la société Odysée aux dépens d'appel ;

Admet les avocats qui en ont fait la demande et peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Odysée et la condamne à payer à M. et Mme [O] la somme globale de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles.

La greffière, Le Président de chambre,

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