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Décisions

CA Toulouse, etrangers, 9 septembre 2025, n° 25/01125

TOULOUSE

Ordonnance

Autre

CA Toulouse n° 25/01125

9 septembre 2025

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

Minute 25/1132

N° RG 25/01125 - N° Portalis DBVI-V-B7J-RFMA

O R D O N N A N C E

L'an DEUX MILLE VINGT CINQ et le 9 septembre à 16h00

Nous A.CAPDEVIELLE, vice-présidente placée, magistrat délégué par ordonnance de la première présidente en date du 7 juillet 2025 pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L.342-12, R.743-10 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Vu l'ordonnance rendue le 07 septembre 2025 à 18H55 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Toulouse ordonnant la prolongation du maintien au centre de rétention de :

X se disant [N] [Y]

né le 25 Janvier 1997 à [Localité 1] (ALGERIE)

de nationalité Algérienne

Vu l'appel formé le 08 septembre 2025 à 18 h 47 par courriel, par Me Barnabé BIBI, avocat au barreau de TOULOUSE,

A l'audience publique du 9 septembre 2025 à 14h30, assisté de C. KEMPENAR, adjointe administrative faisant fonction de greffier, avons entendu :

X se disant [N] [Y]

assisté de Me Barnabé BIBI, avocat au barreau de TOULOUSE

qui a eu la parole en dernier ;

avec le concours de [S] [F] [E], interprète en langue arabe, assermenté

En l'absence du représentant du Ministère public, régulièrement avisé;

En présence de [V] [P] représentant la PREFECTURE DE L'HERAULT ;

avons rendu l'ordonnance suivante :

Exposé des faits

Vu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile et les dispositions du CESEDA,

Vu l'ordonnance du juge du tribunal judiciaire de Toulouse en date du 7 septembre 2025 à 18h55, notifiée à 19h30 à Monsieur X se disant [N] [Y] qui a joint les procédures, constaté la régularité de la procédure et ordonné la prolongation pour une durée de 26 jours de la rétention de Monsieur X se disant [N] [Y] sur requête de la préfecture de l'Hérault du 6 septembre 2025 et de celle de l'étranger du 5 septembre 2025;

Vu l'appel interjeté par Monsieur X se disant [N] [Y] par courrier de son conseil reçu au greffe de la cour le 8 septembre 2025 à 18h45, soutenu oralement à l'audience, auquel il convient de se référer en application de l'article 455 du code de procédure civile et aux termes duquel il sollicite l'infirmation de l'ordonnance et sa remise immédiate en liberté pour les motifs suivants :

- l'interpellation a été faite en violation de l'article 222-37 du code pénal,

- l'état de vulnérabilité de l'intéressé n'a pas été suffisamment pris en compte,

- les pièces des précédents placements en rétention ne sont pas produites au dossier, la requête en prolongation est irrecevable

- la notification au centre de rétention ne mentionne pas l'adresse et le téléphone du consulat auquel Monsieur [Y] doit s'adresse

- l'arrêté de placement en rétention est dépourvu de base légale

Entendu les explications fournies par l'appelant à l'audience du 9 septembre 2025 ;

Entendu les explications orales du préfet de l'Hérault qui sollicite confirmation de l'ordonnance entreprise ;

Vu l'absence du ministère public, avisé de la date d'audience, qui n'a pas formulé d'observation.

SUR CE :

Sur la recevabilité de l'appel

En l'espèce, l'appel est recevable pour avoir été fait dans les termes et délais légaux.

Sur la fin de non-recevoir

Aux termes des dispositions de l'article R 743-2 du CESEDA, la requête doit être accompagnée de toutes les pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu par l'article L. 744-2.

Il apparaît donc que ces pièces doivent être distinguées de l'entier dossier.

Il s'agit des pièces nécessaires à l'appréciation par le juge des éléments de fait et de droit dont l'examen lui permet d'exercer pleinement ses pouvoirs.

Doivent être considérées comme des pièces justificatives utiles, dont la production conditionne la recevabilité de la requête, les pièces qui sont nécessaires à l'appréciation par le juge des éléments de fait et de droit dont l'examen lui permet d'exercer son plein pouvoir et notamment celles relatives au contrôle de la régularité de la procédure dont il est saisi.

En ce sens, dans la mesure où les décisions de mise à exécution des mesures d'éloignement sont indépendantes entre elles, les pièces relatives à une précédente mesure d'exécution ne peuvent être analysées comme des pièces justificatives utiles au sens de l'article R.743-2 du CESEDA, dès lors le moyen sera rejeté et la requête de la préfecture jugée recevable.

La fin de non-recevoir soulevée sera en conséquence rejetée.

Sur le contrôle de la procédure préalable à la rétention administrative

Le conseil de l'intéressé soutient que l'interpellation est irrégulière, celui-ci n'étant pas en possession de stupéfiants.

Il ressort du Procès-verbal d'interpellation que les policiers sur un point de deal ont vu l'intéressé déposer un objet au niveau d'une porte métallique condamnée, qui s'avérera être deux capsules de cocaïne.

Agissant en flagrant délit ils ont interpellé Monsieur X se disant [N] [Y] en possession de 280 euros en espèces.

Comme l'a retenu le premier juge les éléments relevés suffisent à caractériser une raison plausible de supposer que l'intéressé était en train de commettre une infraction.

La procédure sera donc déclarée régulière comme retenu par le premier juge.

Sur la régularité de l'arrêté de placement en rétention administrative

En application de l'article L741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quatre jours l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.

Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3.

Aux termes de ce dernier article le risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :

1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;

2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;

3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;

4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;

5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;

6° L'étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l'un des États avec lesquels s'applique l'acquis de Schengen, fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un des États ou s'est maintenu sur le territoire d'un de ces États sans justifier d'un droit de séjour ;

7° L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document ;

8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5.

En l'espèce, l'appelant soutient que l'arrêté de placement en rétention est insuffisamment motivé ou entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en ce que l'état de vulnérabilité n'a pas été pris en compte et pour défaut de base légale

Cependant, la décision critiquée cite les textes applicables à la situation de Monsieur X se disant [N] [Y] et énonce les circonstances de fait qui justifient l'application de ces dispositions.

Elle précise en effet notamment que l'intéressé :

- a fait l'objet d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire avec interdiction de retour de 3 ans le 29 janvier 2025, notifiée le 4 février 2025,

- ne peut justifier d'une entrée régulière

- a fait l'objet d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire avec interdiction de retour de 3 ans le 27 février 2020 et le 28 septembre 2021

- a fait l'objet d'une assignation à résidence en 2024 et de plusieurs placements en CRA et n'a pu être éloigné faute de délivrance d'un laissez-passer consulaire et s'est maintenu délibérément sur le territoire national,

- a été condamné à plusieurs reprises :

* le 29 décembre 2020 par le tribunal correctionnel de Toulouse à 4 mois d'emprisonnement avec sursis et interdiction du territoire de 2 ans pour détention de stupéfiante, port d'arme et maintien irrégulier sur le territoire en récidive.

* le 29 septembre 2021 par le tribunal correctionnel de Metz à 6 mois d'emprisonnement avec maintien en détention pour recel de biens en récidive et escroquerie.

* le 13 décembre 2023 par le tribunal correctionnel de Bordeaux en comparution immédiate à 6 mois d'emprisonnement ferme avec maintien en détention pour récidive de violation de domicile, usage de stupéfiants, récidive de violence avec usage ou menace d'une arme sans ITT.

* le 7 juin 2024 par le tribunal de Toulouse à 5 mois d'emprisonnement avec maintien en détention pour violation de domicile en récidive, maintien irrégulier d'un étranger sur le territoire français après placement en rétention ou assignation à résidence en récidive

- est connu sous deux autres identités [C] [O] et [L] [K]

- représente une menace grave et actuelle à l'ordre public

- interrogé par les services de police le 3 septembre 2025 a indiqué « je suis asthmatique, je prends de la ventoline, je suis addict à l'alcool et je prends des médicaments tels que lyrica et prégabaline » sans fournir aucun certificat médical ou ordonnance et n'a présenté aucune observation médicale de nature à faire obstacle à son éloignement ; il ne ressort pas de son dossier qu'il présenterait une élément de vulnérabilité qui s'opposerait à son placement en rétention et a la possibilité de consulter un médecin de l'unité médicale à son arrivée en rétention.

Le préfet n'est pas tenu de faire état dans sa décision de tous les éléments de la situation personnelle de l'étranger dès lors que les motifs qu'il retient suffisent à justifier le placement en rétention au regard des critères légaux, étant souligné que les circonstances doivent être appréciées au vu des éléments dont il disposait au jour de sa décision.

L'état de vulnérabilité

L'article L. 741-4 précise : « La décision de placement en rétention prend en compte l'état de vulnérabilité et tout handicap de l'étranger ».

L'analyse de l'état de vulnérabilité implique que l'administration vérifie dans quelle mesure l'état de santé de l'intéressé pourrait constituer un empêchement ou un frein à la mesure de rétention administrative. Pour procéder à cette vérification, l'administration considère en premier lieu l'évidence de la situation qui lui est soumise.

Cette évaluation n'implique pas de la part de l'autorité administrative un examen médical complet ab initio, qui serait automatiquement déclenché en l'absence soit d'un doute sur le bon état de santé de l'intéressé, soit d'une indication sur une éventuelle vulnérabilité physique ou psychologique, soit d'un signe extérieur ou d'une déclaration laissant envisager l'existence d'une telle vulnérabilité.

Lors de son audition, le 3 septembre 2025 il a simplement déclaré « je suis asthmatique et toxicomane ».

Monsieur X se disant [N] [Y] ne justifie d'aucun élément de vulnérabilité qui serait incompatible avec la mesure de rétention. Etant par ailleurs rappelé que le centre de rétention administrative de [Localité 2] dispose d'une unité médicale composée du personnel de l'hôpital. Monsieur X se disant [N] [Y] peut s'y voir dispenser les soins dans les mêmes conditions qu'à l'hôpital, puisque l'antenne médicale est parfaitement dotée en moyens techniques, alimentée en médicaments et gérée par des docteurs expérimentés.

L'argument est totalement inopérant et sera donc rejeté.

Le préfet a tiré toutes les conséquences de droit de la situation qu'il a relevée dans son arrêté. Le grief tiré d'une erreur de droit et manifeste d'appréciation doit donc être écarté.

Compte tenu de ce qui précède, Monsieur X se disant [N] [Y] a pu être regardé comme ne présentant pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire.

C'est donc sans méconnaître le principe de proportionnalité et de nécessité et en procédant à un examen de la situation de l'étranger que la décision de placement en rétention a été prise.

S'agissant de l'absence de coordonnées du consulat dans la notification des droits lors du placement en rétention.

L'article R744-16 du CESEDA dispose « Dès son arrivée au lieu de rétention, chaque étranger est mis en mesure de communiquer avec toute personne de son choix, avec les autorités consulaires du pays dont il déclare avoir la nationalité et avec son avocat s'il en a un, ou, s'il n'en a pas, avec la permanence du barreau du tribunal judiciaire dans le ressort duquel se trouve le lieu de rétention.
Quel que soit le lieu de rétention dans lequel l'étranger est placé, un procès-verbal de la procédure de notification des droits en rétention est établi. Il est signé par l'intéressé, qui en reçoit un exemplaire, le fonctionnaire qui en est l'auteur et, le cas échéant, l'interprète. Ces références sont portées sur le registre mentionné à l'article L. 744-2. »

Cette notification de la possibilité de contacter son consulat lui a bien été faite, tout comme le fait de pouvoir contacter les ONG de compétentes de son choix, et la possibilité de saisir la CIMADE pour l'aider à régler les questions d'ordre juridique et les numéros de téléphones des ONG habilités avec leurs coordonnées. Le texte ne prévoit pas que les coordonnées des différents consulats figurent à la notification des droits et comme l'a retenu le premier juge aucun grief n'est démontré.

Le moyen est inopérant et sera rejeté.

Sur la prolongation de la rétention

En application de l'article L741-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.

En l'espèce, après le placement en rétention administrative de Monsieur X se disant [N] [Y] le 3 septembre 2025 à 17h 15 et son arrivée au centre à 22h10 l'administration a saisi les autorités consulaires algériennes d'une demande d'identification et de laissez-passer consulaire le 4 septembre 2025 à 15h31, étant précisé que l'intéressé a déjà été reconnu par les autorités algériennes le 11 octobre 2024.

Il n'y a donc pas de retard dans les diligences de la préfecture.

Elle est dans l'attente de la délivrance du laissez-passer.

L'administration, qui n'a pas de pouvoir de contraintes sur ces autorités, justifie ainsi des diligences effectuées.

En conséquence, et au stade actuel de la mesure de rétention administrative qui débute, et alors que les perspectives raisonnables d'éloignement doivent s'entendre comme celles pouvant être réalisées dans le délai maximal de la rétention applicable à l'étranger, il ne peut être affirmé que l'éloignement de l'appelant ne pourra avoir lieu avant l'expiration de ce délai, d'autant que le conflit diplomatique peut connaître une amélioration à bref délai.

La prolongation de la rétention administrative est donc justifiée.

En conséquence, l'ordonnance déférée sera confirmée en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

Statuant par ordonnance mise à disposition au greffe après avis aux parties,

Déclarons recevable l'appel interjeté par Monsieur X se disant [N] [Y] à l'encontre de l'ordonnance du juge du Tribunal de Toulouse du 7 septembre 2025,

Ecartons la fin de non-recevoir soulevée par le conseil de l'intéressé,

Rejetons les exceptions de procedure soulevées par le conseil de Monsieur X se disant [N] [Y],

Confirmons ladite ordonnance en toutes ses dispositions,

Disons que la présente ordonnance sera notifiée à la PREFECTURE DE L'HERAULT, service des étrangers, à X SE DISANT [N] [Y], ainsi qu'à son conseil et communiquée au Ministère Public.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE

C.KEMPENAR A.CAPDEVIELLE.

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