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Décisions

CA Aix-en-Provence, retention administrative, 10 septembre 2025, n° 25/01793

AIX-EN-PROVENCE

Ordonnance

Autre

CA Aix-en-Provence n° 25/01793

10 septembre 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative

ORDONNANCE

DU 10 SEPTEMBRE 2025

N° RG 25/01793 - N° Portalis DBVB-V-B7J-BPFBU

Copie conforme

délivrée le 10 Septembre 2025

par courriel à :

- MINISTÈRE PUBLIC

- l'avocat

- le préfet

- le CRA

- le JLD TJ

- le retenu

Signature,

le greffier

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance rendue par le magistrat du siège du tribunal judiciaire chargé du contrôle des mesures privatives et restrictives de libertés du tribunal judiciaire de Marseille en date du 8 septembre 2025 à 13H27.

APPELANTS

MONSIEUR LE PREFET DES BOUCHES DU RHONE

Représenté par Madame Sylvie VOILLEQUIN, en vertu d'un pouvoir général

MONSIEUR LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE PRÈS LE TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE

Représenté par Monsieur Jean-François MAILHES, avocat général près la cour d'appel d'Aix-en Provence,

INTIMÉS

Monsieur [O] [E]

né le 1er octobre 1991 à [Localité 8] (Algérie)

de nationalité algérienne

Comparant en visio-conférence,

Assisté de Maître Maeva LAURENS, avocate au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, avocat choisi et de Madame [G] [H], interprète en langue arabe, inscrite sur la liste des experts de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence

DÉBATS

L'affaire a été débattue en audience publique 10 septembre 2025 devant M. Frédéric DUMAS, Conseiller, délégué par ordonnance du premier président, assisté de M. Corentin MILLOT, Greffier.

ORDONNANCE

Contradictoire,

Prononcée le 10 septembre 2025 à 16h41 par M. Frédéric DUMAS, Conseiller à la cour d'appel délégué par le premier président par ordonnance, assisté de M. Corentin MILLOT, greffier.

****

PROCÉDURE ET MOYENS

Vu l'article L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;

Vu la condamnation prononcée par le tribunal correctionnel d'Aix-en-Provence le 18 août 2025 ordonnant une interdiction temporaire du territoire français pendant cinq ans ;

Vu la décision de placement en rétention prise le 5 septembre 2025 par le préfet des Bouches-du-Rhone et notifiée le même jour à 17h40 ;

Vu l'ordonnance rendue par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Marseille 8 septembre 2025 ayant ordonné la mainlevée de la mesure de placement de Monsieur [O] [E] ;

Vu l'appel interjeté par Monsieur le préfet des Bouches-du-Rhône, le 8 septembre 2025 à 17h08 ;

Vu l'appel interjeté par Monsieur le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille, le 8 septembre 2025 à 17h14.

Vu l'ordonnance rendue le 9 septembre 2025 par la déléguée du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence qui a déclaré recevable et fondée la demande formée par le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille tendant à voir déclarer son appel suspensif et dit que Monsieur [O] [E] serait maintenu à la disposition de la justice jusqu'à ce qu'il soit statué sur le fond à l'audience de la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 10 septembre 2025.

A l'audience,

Monsieur [O] [E] a été entendu, il a notamment déclaré : 'En France, je travaille dans une association de solidarité à Emmaüs. Je gagne 400 euros par mois. Pour vous répondre, j'ai un titre pour travailler, j'ai un certificat d'imposition. Je n'ai pas de papiers cependant. Concernant mon adresse c'est [Adresse 3] à [Localité 11], je suis hébergé par ma soeur... Concernant les démarches de régularisation, j'ai un rendez vous, il est reporté, j'attends que l'on me donne la date. Concernant l'interdiction judiciaire je ne sais pas quoi dire. L'interdiction date du 17 août, c'est récent pour moi.'

Madame la représentante de la préfecture sollicite l'infirmation de l'ordonnance du premier juge et le maintien de M. [E] en rétention. Elle fait notamment valoir que :

- M. [E] a été placé en sortant de prison au local administratif à Marignane puis au centre de rétention administrative de [5] après avoir fait l'objet d'une interdiction du territoire national de cinq ans prononcée par le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence pour des faits de violences sur personne dépositaire de l'autorités publique, outrage à agent, menace de port et d'atteinte aux biens etc...

- le premier juge à mis fin à la rétention au motif que l'information de la date et du motif de transport ne sont pas mentionnés sur le registre du local de rétention de Marignane,

- la date est bien mentionnée, à savoir le 6 août 2025, là où l'intéressé a signé son départ, l'heure n'est pas sur le registre mais il est possible d'opérer une vérification sur le procès-verbal de transport entre le local de rétention et le centre de rétention, rédigé à 11 heures 48 le 6 septembre. Le transport est arrivé à 12 heures et le retenu a embarqué à 12 heures 10 et l'arrivée au centre de rétention administrative est intervenue à 13 heures 10,

- il est ainsi possible de contrôler le temps de transport et l'effectivité des droits par ce biais,

- il n'y a pas de motif de transfert à mentionner pour le départ du local de rétention, le retenu est obligé de partir au bout de quatre jours, il n'est pas nécessaire de le marquer sur le registre.

- sur la lettre de l'arrêté du 6 mars 2018 il y a un enregistrement dans les traitements, il n'y a qu'une inscription au registre, aucun texte n'impose le renseignement de cet information,

- sur le fond l'intéressé est une menace à l'ordre public, il n'a pas de garanties de représentation, en ce qui concerne l'adresse il parle d'Emmaüs, l'adresse mentionnée n'est pas stable et fixe alors que sur la fiche pénale il y avait une adresse en Haute-Garonne,

- de plus le titre de séjour de sa soeur est périmé de sorte qu'en raison du défaut de garantie de représentation il ne pouvait pas être assigné à résidence et ne le peut toujours pas,

- au regard des condamnations la menace à l'ordre public est avérée.

Monsieur l'Avocat Général a comparu et a été entendu en ses explications, il sollicite l'infirmation de l'ordonnance querellée et le maintien de l'intéressé en rétention ; il reprend les termes de l'appel et l'analyse de la préfecture et souligne que l'arrêt cité de la première chambre civile (n°23-13-106) relatif à la censure d'un premier président concerne l'absence du registre, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisqu'il y a une absence de mention sur ce document. Or les mentions sont suffisantes pour permettre au juge d'exercer son contrôle. De plus l'intéressé représente une menace à l'ordre public que reflètent ses deux condamnations dont une pour des violences conjugales alors que ses garanties de représentation sont insuffisantes.

L'avocate du retenu, régulièrement entendue, demande la confirmation de l'ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire ainsi que la mainlevée du placement en rétention. Elle expose que l'article L743-9 du CESEDA précise que le juge doit contrôler si la personne placée a la possibilité de faire valoir ces droits à partir du registre et l'article L743-2 vient sanctionner l'absence de registre. La Cour de cassation dans un cas similaire a jugé le 18 octobre 2023 que les registres de départ et d'arrivée doivent comporter les jour et heure de départ et jour et heure d'arrivée en se référant à l'annexe du CESEDA sur les mentions du registre. Cela ne concerne pas que LOGICRA, il faut également les mentions sur le registre qui, au même titre que le traitement, enregistre les données personnelles et informations. Ainsi la procédure administrative doit présenter les date et heure de départ et d'arrivée ainsi que le motif. En l'espèce l'encart du registre du local de rétention n'est pas rempli. Il n'y a pas l'heure du départ ni le motif. Le motif est le transfert vers le centre de rétention administrative de [Localité 6]. Bien qu'il soit possible de contrôler les date et heure de départ et d'arrivée l'arrêt de la Cour de cassation du 4 septembre 2024 précise qu'un registre doit être actualisé même si des pièces en procédure permettent de contrôler, ce qui n'est pas le cas du dossier de son client. Sur le fond elle indique qu'il a produit l'attestation d'hébergement chez sa soeur à [Localité 10]. Sa soeur a un récépissé de renouvellement de son titre de séjour mais il y a des délais de six mois à un an, elle a donné ses éléments. Il a dit qu'il travaillait à Emmaüs avec un contrat de solidarité, il regrette l'interpellation, il était alcoolisé et a tenu des propos qu'il regrette. Il a compris l'interdiction du territoire français.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La recevabilité de l'appel contre l'ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire n'est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d'irrégularité.

A titre liminaire il conviendra, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice d'ordonner la jonction des dossiers N°RG 25/1793 et N°RG 25/1796

Sur la régularité de la saisine du magistrat du siège du tribunal judiciaire

L'article R.742-1 du CESEDA dispose que le magistrat du siège du tribunal judiciaire est saisi aux fins de prolongation de la rétention par simple requête de l'autorité administrative, dans les conditions prévues au chapitre III, avant l'expiration, selon le cas, de la période de quatre jours mentionnée à l'article L.742-1 ou de la période de prolongation ordonnée en application des articles L.742-4, L.742-5, L.742-6 ou L.742-7.

A cette fin et à peine d'irrecevabilité, selon l'article R.743-2 du même code, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention, à savoir le préfet de département ou de police à [Localité 9] en application de l'article R.741-1. Dans ce cas la requête est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L.744-2.

Ce dernier énonce qu'il est tenu, dans tous les lieux de rétention, un registre mentionnant l'état civil des personnes retenues, ainsi que les conditions de leur placement ou de leur maintien en rétention. Le registre mentionne également l'état civil des enfants mineurs accompagnant ces personnes ainsi que les conditions de leur accueil. L'autorité administrative tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d'information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation.

Selon les dispositions de l'article L. 743-9 du CESEDA le magistrat du siège du tribunal judiciaire, saisi aux fins de prolongation de la rétention, rappelle à l'étranger les droits qui lui sont reconnus et s'assure, d'après les mentions figurant au registre prévu à l'article L. 744-2 émargé par l'intéressé, que celui-ci a été, dans les meilleurs délais suivant la notification de la décision de placement en rétention, pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir à compter de son arrivée au lieu de rétention. Le juge tient compte des circonstances particulières liées notamment au placement en rétention simultané d'un nombre important d'étrangers pour l'appréciation des délais relatifs à la notification de la décision, à l'information des droits et à leur prise d'effet.

Il résulte de la combinaison de ces textes que le registre doit être mis à jour et que la non-production d'une copie actualisée, permettant un contrôle de l'effectivité de l'exercice des droits reconnus à l'étranger au cours de la mesure de rétention, constitue une fin de non-recevoir. Celle-ci doit être accueillie sans que celui qui l'invoque ait à justifier d'un grief dès lors que le juge ne peut s'assurer que l'étranger a été en mesure d'exercer les droits qui lui sont reconnus par les articles L. 744-4 et suivants du CESEDA (Civ. 1ère 4 septembre 2024, n°23-13.106).

Le paragraphe II de l'annexe de l'arrêté du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention et d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé «logiciel de gestion individualisée des centres de rétention administrative» (LOGICRA) prévoit notamment que sont enregistrées dans les traitements au titre des données à caractère personnel concernant la procédure administrative de placement en rétention administrative :

1° Date et heure du prononcé et de la notification de l'arrêté préfectoral de placement en rétention et, le cas échéant, des décisions de prolongation;

2° Lieu de placement en rétention, date et heure d'admission au centre de rétention administrative, date et heure d'un transfert d'un lieu de rétention administrative à un autre lieu de rétention et motif.

En l'espèce le registre du local de rétention administrative de l'aéroport [7] mentionne que l'intéressé est arrivé le 5 septembre 2025 à 18 heures 40 et ne contient aucune information quant à ses date et heure de départ ainsi qu'au motif de celui-ci.

Le registre du centre de rétention administrative de [5] indique qu'il est arrivé le 6 septembre 2025 à 13 heures 10.

Les mentions relatives notamment aux date et heure de départ du local de rétention et d'arrivée au centre de rétention administrative sont importantes dans la mesure où elles permettront d'évaluer le délai de transport d'un lieu à un autre, pendant lequel les droits du retenu sont suspendus, et d'apprécier son caractère excessif le cas échéant.

En application des textes légaux précités complétés par l'arrêté du 6 mars 2018 et son annexes, tels qu'ils sont interprétés par la Cour de cassation, l'administration est tenue de joindre à sa requête en prolongation de la mesure de rétention un registre actualisés précisant ces différentes dates et heures à peine d'irrecevabilité (Civ. 1ère 18 octobre 2023, n°22-18.742), quand bien même d'autres pièces du dossier permettraient de palier les carences du ou des registres de rétention.

Dans ces conditions la requête préfectorale en prolongation de la mesure de rétention ne peut qu'être jugée irrecevable.

Il conviendra donc de confirmer l'ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par décision contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,

Ordonnons la jonction des dossiers N°RG 25/1793 et N°RG 25/1796 sous le N°RG 25/1793

Déclarons recevables les appels interjetés à l'encontre de l'ordonnance du 8 septembre 2025 du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Marseille,

Confirmons l'ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire chargé du contrôle des mesures privatives et restrictives de libertés de Marseille en date du 8 septembre 2025.

Les parties sont avisées qu'elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d'Etat ou de la Cour de cassation.

Le greffier, Le président,

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

Chambre de l'urgence

[Adresse 4]

Téléphone : [XXXXXXXX02] - Fax : [XXXXXXXX01]

Aix-en-Provence, le 09 Septembre 2025

À

- Monsieur [O] [E]

- Monsieur le directeur du centrente de rétention administrative de [Localité 6]

- Monsieur le procureur général

- Monsieur le greffier du Magistrat du siège du tribunal judiciaire chargé du contrôle des mesures privatives et restrictives de libertés de MARSEILLE

- N° RG : N° RG 25/01793 - N° Portalis DBVB-V-B7J-BPFBU

OBJET : Notification d'une ordonnance

Concernant Monsieur [O] [E]

J'ai l'honneur de vous notifier l'ordonnance, ci-jointe, rendue le 09 Septembre 2025, suite à l'appel interjeté par le procureur de la République près le Magistrat du siège du tribunal judiciaire chargé du contrôle des mesures privatives et restrictives de libertés de MARSEILLE contre l'ordonnance rendue le 8 septembre 2025 par le Juge des libertés et de la détention du Magistrat du siège du tribunal judiciaire chargé du contrôle des mesures privatives et restrictives de libertés de MARSEILLE :

VOIE DE RECOURS

Nous prions Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de bien vouloir indiquer au retenu qu'il peut se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation.

Le greffier,

Je vous remercie de m'accuser réception du présent envoi.

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