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Décisions

CA Nîmes, 4e ch. com., 12 septembre 2025, n° 23/01736

NÎMES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Wedeal (SAS)

Défendeur :

Elcm 3d (SAS), Tailor Advice (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Codol

Conseillers :

Mme Vareilles, M. Maitral

Avocats :

Me Vajou, Me Szames, Me Dat, Me Fargepallet

T. com. Avignon, du 5 mai 2023, n° 20220…

5 mai 2023

EXPOSÉ

Vu l'appel interjeté le 19 mai 2023 par la SAS Wedeal à l'encontre du jugement rendu le 5 mai 2023 par le tribunal de commerce d'Avignon dans l'instance n° RG 2022007395 ;

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 5 janvier 2024 par la SAS Wedeal, appelante à titre principal, intimée à titre incident, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 14 mars 2023 par Monsieur [Y] [L], Monsieur [G] [F], la SAS ELCM 3D et la SAS Tailor advice, intimés à titre principal, appelants à titre incident, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;

Vu l'ordonnance du 13 janvier 2025 de clôture de la procédure à effet différé au 22 mai 2025.

***

La société Wedeal a été créée le 12 juin 2017 pour concevoir, fabriquer des machines et des équipements de système automatique de biens et les commercialiser.

Pour réaliser un projet de distribution automatique de bouteilles GPL, la société Wedeal a fait appel à divers prestataires et consultants.

Le 24 avril 2018, Monsieur [G] [F], président de la société Tailor Advice, une société de conseils et d'accompagnement, a adressé un courriel à la société Wedeal, proposant ses services sur le projet de bornes de distribution de cette dernière. Un devis de prestation de services d'un montant de 4.704,00 euros a été adressé le 9 mai 2018 par la société Tailor Advice à la société Wedeal, suivi de deux factures du 31 août 2018 pour des montants respectifs de 13.380,00 euros et de 9.960,00 euros.

Par un courriel du 11 octobre 2018 adressé au dirigeant de la société Wedeal, Monsieur [G] [F] a fait part de ses prétentions pour rejoindre la société en qualité de directeur technique et opérationnel.

Le 13 novembre 2018, un contrat de travail a été signé entre la société Wedeal et Monsieur [G] [F].

Le 11 juillet 2019, la société Wedeal a signé avec la société ELCM 3D, dont Monsieur [Y] [L] est le président, un accord de confidentialité protégeant les « informations confidentielles » de natures techniques, commerciales ou financières. Puis une convention de prestations a été signée le 9 septembre 2019.

Par un courrier du 5 novembre 2019, remis en main propre à la société Wedeal, Monsieur [G] [F] a émis son souhait de mettre fin à son contrat de travail et a sollicité une rupture conventionnelle.

La convention de rupture conventionnelle a été signée le 12 décembre 2019.

A compter du mois de février 2020, Monsieur [G] [F] a travaillé auprès de la société Wedeal en qualité de consultant par le biais de la société Tailor Advice.

Par un devis du 16 avril 2020 adressé par la société Tailor Advice à la société Wedeal et par un courriel du même jour de Monsieur [G] [F] adressé à cette même société, il a été indiqué que, pour permettre à la société Wedeal de répondre à un appel d'offre d'Antargaz énergie, la société Tailor Advice serait dorénavant accompagnée, sur la partie mécanique, par la société « ELCM 3D » dans l'attente du rapprochement de ces deux sociétés.

L'assemblée générale extraordinaire de la société Tailor Advice du 15 juin 2020 a décidé l'entrée d'un nouvel actionnaire, par cession d'actions de Monsieur [G] [F], en la personne de Monsieur [Y] [L], à hauteur de 50 % du capital social et l'a nommé directeur général. Le 13 août 2020, ces modifications ont été publiées au Bodacc.

Par exploit du 14 décembre 2020, la société Wedeal a fait assigner la société Tailor Advice et Monsieur [G] [F] en responsabilité pour complicité aux manquements des obligations contractuelles de Monsieur [Y] [L], ancien dirigeant, du fait d'un non-respect de la clause de confidentialité stipulée dans l'accord de confidentialité du 11 juillet 2019, devant le tribunal de commerce de Tarascon.

Par exploit du 18 décembre 2020, la société Wedeal a fait assigner la société ELCM 3D et Monsieur [Y] [L] pour manquement à leurs obligations contractuelles, du fait qu'il n'ont pas respecté la clause de confidentialité contenue dans l'accord de confidentialité du 11 juillet 2019, devant le tribunal de commerce de Tarascon.

Sur l'extrait Kbis du greffe du tribunal de commerce de Salon de Provence, à jour au 17 avril 2025, a été mentionné qu'à la date du 30 juin 2020, par procès-verbal d'assemblée générale, la société ELCM 3D a été dissoute et Monsieur [Y] [L] a été nommé en qualité de liquidateur amiable. La société a été radiée le 18 janvier 2021 avec clôture des opérations de liquidation amiable portant effet à compter du 31 juillet 2020. Par ordonnance du 5 mai 2021, le tribunal de commerce de Salon-de-Provence a désigné Monsieur [Y] [L] en qualité de mandataire ad hoc de la société ELCM 3D avec pour mission de représenter cette société dans l'instance pendante devant le tribunal de commerce de Tarascon.

Dans son jugement rendu le 14 février 2022, le tribunal de commerce de Tarascon a rejeté l'exception d'incompétence matérielle soulevée par Monsieur [G] [F] mais s'est déclaré territorialement incompétent au profit du tribunal de commerce d'Avignon.

Par jugement du 5 mai 2023, le tribunal de commerce d'Avignon :

« Juge la société Wedeal recevable en sa demande ;

Déboute la société Wedeal de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

Déboute la société Tailor Advice, la société ELMC 3D représentée par son mandataire ad hoc, Monsieur [G] [F] et Monsieur [Y] [L] de leurs demandes de dommages et intérêts ;

Rejette, en l'absence de toute condamnation de sommes à la charge de la société Wedeal, l'application d'un taux d'intérêt légal ou contractuel, ainsi que celle sur la capitalisation des intérêts ;

Condamne la société Wedeal à payer à la société Tailor Advice, à Monsieur [G] [F], à Monsieur [Y] [L] et à la société ELMC 30 représentée par son mandataire ad hoc, la somme de 2.000,00 euros chacun, à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Laisse à la société Wedeal Ia charge des dépens, dont ceux de greffe, liquidés, s'agissant du seul coût du présent jugement, à la somme de 120,45 euros TTC ;

Rappelle que la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire ; ».

***

La société Wedeal a relevé appel le 19 mai 2023 de ce jugement pour le voir annuler ou à tout le moins réformer en ce qu'il a :

débouté la société Wedeal de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

condamné la société Wedeal à payer à la société Tailor advice, à Monsieur [G] [F], à Monsieur [Y] [L] et à la société ELMC 3D représentée par son mandataire ad hoc, la somme de 2.000,00 euros chacun, à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

laissé à la société Wedeal la charge des dépens, dont ceux de greffe, liquidés, s'agissant du seul coût du présent jugement, à la somme de 120,45 euros TTC ;

rappelé que la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire.

***

Dans ses dernières conclusions, la société Wedeal, appelante à titre principal, intimée à titre incident, demande à la cour de :

« Statuant sur l'appel formé par la SAS Wedeal, à l'encontre du jugement rendu le 5 mai 2023 par le tribunal de commerce d'Avignon,

Le déclarant recevable et bien fondé,

Y faisant droit,

Infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

Débouté la société Wedeal de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

Condamné la société Wedeal à payer à la société Tailor Advice, à Monsieur [G] [F], à Monsieur [Y] [L] et à la société ELMC 3D représentée par son mandataire ad hoc, la somme de 2.000,00 euros chacun, à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Laissé à la société Wedeal la charge des dépens, dont ceux de greffe, liquidés, s'agissant du seul coût du présent jugement, à la somme de 120,45 euros TTC ;

Rappelé que la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire.

Statuant à nouveau,

Vu l'article 1194 du code civil et l'accord de confidentialité du 11 juillet 2019,

Vu la loi n° 2018-670 du 30 juillet 2018 et le décret n° 2018-1126 du 11 décembre 2018 relatifs au secret des affaires

Juger que ELCM 3D a manqué à ses obligations contractuelles en ne respectant pas la clause de confidentialité contenue dans l'accord du 11 juillet 2019.

Juger qu'en quittant ELCM 3D pour rejoindre Tailor Advice dont il est devenu associé égalitaire, Monsieur [L] pour contourner cet accord de confidentialité à vis-à-vis de Wedeal commis une faute d'une anormalité évidente qui engage sa responsabilité personnelle.

Juger que sans la complicité de Tailor Advice qui était au courant de l'accord de confidentialité puisque que son associé était dirigeant de Wedeal, ELCM 3D et Monsieur [L] n'auraient pas été en mesure de violer l'accord de confidentialité du 11 juillet 2019,

Juger qu'en quittant Wedeal pour s'associer avec Monsieur [L] afin de contourner l'accord de confidentialité, Monsieur [F] a commis une faute d'une anormalité évidente qui engage sa responsabilité personnelle.

Juger que Tailor Advice a commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme à l'encontre de Wedeal,

En conséquence :

Condamner solidairement la société ELCM 3D, son dirigeant Monsieur [Y] [L] et la société Tailor Advice ainsi que son dirigeant Monsieur [G] [F] à cesser immédiatement toute activité de commercialisation, conception, fabrication de machines, équipements et système de distribution automatique de biens sous astreinte de 10.000 euros par marchandise produite et ce jusqu'au 11 juillet 2032,

Condamner solidairement la société ELCM 3D, son dirigeant Monsieur [Y] [L] et la société Tailor Advice ainsi que son dirigeant Monsieur [G] [F] à payer à la société Wedeal la somme de 1.059.884 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

Juger que ses sommes produiront intérêt au taux légal à compter de la notification du jugement à intervenir,

Débouter la société ELCM 3D, Monsieur [Y] [L], Monsieur [G] [F] et la société Tailor Advice de toutes leurs demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires, ainsi que de leur appel incident.

Ordonner la publication d'un extrait du jugement à intervenir faisant état de la condamnation de la société ELCM 3D, de son dirigeant Monsieur [Y] [L] et de la société Tailor Advice ainsi que son dirigeant Monsieur [G] [F] à leurs frais dans deux quotidiens au choix de la requérante sans que chaque publication ne puisse excéder 10.000 euros hors taxes.

Condamner solidairement la société ELMC 3D, son dirigeant Monsieur [Y] [L] et la société Tailor Advice ainsi que son dirigeant Monsieur [G] [F] à payer à la société Wedeal la somme de 10.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel dont les frais de constat et dire que, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, Maître Renaud Dat pourra recouvrer directement ceux dont il a fait l'avance. ».

Au soutien de ses prétentions, la société Wedeal, expose qu'elle a développé une gamme de distributeurs automatiques, à savoir le produit We gaz pour la distribution des bouteilles de gaz et le produit We box pour la distribution de n'importe quel produit, qu'elle a payé des prestataires pour finaliser son prototype qu'ils ont commercialisé pour leur compte.

Elle rappelle qu'elle a signé le 11 juillet 2019 un accord de confidentialité avec la société ELCM 3D antérieur à la signature d'un contrat de prestation de service du 9 septembre 2019. Elle explique que cette société ELCM 3D était un simple prestataire d'études mécaniques qui ne détenait pas le savoir-faire en matière de distributeur automatique. Elle fait grief au jugement déféré d'avoir inversé la charge de la preuve car c'est à la société ELCM 3D d'apporter la preuve qu'elle détenait ce savoir-faire, par application de l'article 3 de l'accord de confidentialité.

La société Wedeal soutient ensuite que les 50% de parts de la société Tailor Advice concédés à Monsieur [L] ont été payés par l'apport du savoir-faire de Monsieur [L] acquis dans sa société. Ainsi en s'associant le 13 août 2020 avec Monsieur [F], Monsieur [L] a contourné la clause de confidentialité. C'est pourquoi, selon l'appelante, Monsieur [L] a essayé de liquider sa société en cours de procédure, voulant ainsi protéger la société Tailor Advice et lui-même des conséquences de l'accord de confidentialité.

De même, la société Wedeal prétend que la société Tailor Advice est défaillante dans la preuve qui lui incombe du développement d'un distributeur automatique avant sa rencontre avec l'appelante. Elle qualifie la société Tailor Advice de société opportuniste qui n'a rien créée et s'est contentée de piller son savoir-faire en faisant rentrer dans son capital Messieurs [L] et [F].

La société Wedeal considère en conséquence qu'elle a été victime d'actes de complicité de concurrence déloyale de la part la société Tailor Advice et de la société ELCM 3D. Elle prétend que Monsieur [F] est l'instigateur du détournement commercial et qu'il a quitté sa société lorsque le produit était au point et qu'il pouvait le commercialiser à de gros clients.

Elle fait valoir qu'un associé peut engager sa responsabilité personnelle à l'égard d'un tiers (cocontractant de la société notamment) si l'associé a commis une faute d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice des prérogatives normales attachées à la qualité d'associé et qu'en l'espèce, Monsieur [F] a détourné son projet commercial.

***

Dans leurs dernières conclusions, Monsieur [Y] [L], Monsieur [G] [F], la société ELCM 3D et la société Tailor advice, intimés à titre principal, appelants à titre incident, demandent à la cour de :

« Confirmer le jugement du tribunal de commerce d'Avignon en ce qu'il a rejeté toutes les demandes de la société Wedeal ;

Infirmer le jugement du tribunal de commerce d'Avignon en ce qu'il a débouté la société Tailor Advice, la société ELMC 3D représentée par son mandataire ad hoc, Monsieur [G] [F] et Monsieur [Y] [L] de leurs demandes de dommages et intérêts ;

Rejeter toutes les demandes fins et conclusions de Wedeal à l'encontre de Tailor Advice et à Monsieur [G] [F] et [Y] [L] et la SASU ELCM 3D représentée par son administrateur ad hoc comme étant infondées et injustifiées.

Appel incident :

Condamner la société Wedeal à payer à la société Tailor Advice et à Monsieur [G] [F] et [Y] [L], chacun la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et tentative de déstabilisation

Condamner la société Wedeal à payer à la SASU ELCM 3D représentée par son administrateur ad hoc la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive

Condamner la société Wedeal à payer à la société Tailor Advice et à Monsieur [G] [F] et [Y] [L], la SASU ELCM 3D représentée par son administrateur ad hoc, chacun la somme de 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens

Juger que toutes sommes mises à la charge de Wedeal porteront intérêts au taux de 12% outre la capitalisation des intérêts échus. ».

Au soutien de leurs prétentions, Monsieur [Y] [L], Monsieur [G] [F], la SAS ELCM 3D et la SAS Tailor advice,, exposent que Monsieur [F], soit par le biais de la société Tailor Advice, soit par son contrat de travail, n'a travaillé que sur la distribution des bouteilles de gaz. Ils expliquent que c'est en raison de ses besoins en management d'encadrement et du coût des prestations extérieures que la société Wedeal a embauché le 13 novembre 2018 Monsieur [F]. Ce dernier indique avoir quitté la société en raison de son manque de ressources et de moyens mais avoir accepté de continuer d'être le prestataire de la société Wedeal par l'intermédiaire de la société qu'il venait de créer.

En ce qui concerne les relations contractuelles entre la société Wedeal et la société ELCM 3D, les intimés soutiennent que le contrat de confidentialité ne portait que sur le chassis d'une borne, qu'il est réciproque et qu'il n'est pas spécifié par l'appelante quelles informations revêtues de la confidentialité auraient été communiquées à la société ELCM 3D et divulguées, alors même que c'est la société ELCM 3D qui détenait le savoir-faire.

En ce qui concerne la relation entre la société Wedeal et Monsieur [L], les intimés rappellent qu'ils n'ont aucun lien contractuel de sorte que Monsieur [L] ne peut se voir prétendre appliquer les obligations de la société ELCM 3D. Ils réfutent l'argumentation adverse sur une cession de parts en contrepartie du transfert des connaissances acquises au sein de la société Wedeal et précisent qu'il y a eu cession d'actions à la valeur nominative du capital, eu égard à la mise en sommeil de la société Talor Advice l'année précédente.

En ce qui concerne la responsabilité de la société Tailor Advice, les intimés rappellent qu'aucun contrat n'a été conclu avec la société Wedeal et qu'il y a eu seulement des prestations de service. Les intimés s'offusquent ensuite d'un stratagème mis en place par une société tierce dont s'est servi la société Wedeal pour discréditer la société Tailor Advice, dont ils soulignent qu'elle n'a pas signé de clause de non-concurrence ou d'exclusivité avec la société Wedeal. Ils estiment que la société Tailor Advice est en mesure de prouver qu'elle n'exerce pas la même activité que la société Wedeal et que les produits qu'elle propose à la vente en tant que concept ne comprennent pas ceux que la société Wedeal offre. Ils estiment enfin que la société Tailor Advice détenait le savoir-faire en matière de composants électroniques et que ses services ont été achetés par la société Wedeal.

En ce qui concerne la responsabilité de Monsieur [F], les intimés considèrent que les reproches formés par la société Wedeal trouvent leur fondement dans l'exécution de son contrat de travail et que la société Wedeal ne démontre pas que Monsieur [F] ait commis des fautes détachables de la société Tailor Advice.

Outre le fait que la société Wedeal échoue à apporter la démonstration d'une faute à leur égard, les intimés soutiennent que la société Wedeal ne justifie pas d'un quelconque préjudice, les lignes du grand livre pouvant avoir été modifiées pour les besoins de la cause et aucune perte de client ou de chiffre d'affaires n'étant invoquée.

Ils présentent des demandes reconventionnelles aux motifs que la société Wedeal n'a eu de cesse de dénigrer Monsieur [F], que la présente procédure est motivée par le désir d'anéantir la jeune entreprise Tailor Advice et qu'il était inutile de demander un administrateur ad'hoc pour la société ELCM 3D qui n'a plus d'actif ni d'activité, alors même que Monsieur [L] est déjà poursuivi.

***

Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.

DISCUSSION

Sur le manquement des obligations contractuelles de la société ELCM3D :

Selon l'article 1103 du code civil, « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. »

Selon l'article 1104 du même code, « Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

Cette disposition est d'ordre public. »

La convention de prestation signée par la société WeDeal et le prestataire ELCM3D le 9 septembre 2019 stipule que ce contrat est conclu en raison du savoir-faire, des compétences et des qualités du prestataire qui bénéficie d'expérience dans le domaine des études mécaniques.

L'accord de confidentialité signé le 11 juillet 2019 entre les mêmes parties stipule dans son article 3 que les parties s'engagent à ce que les informations communiquées par l'une des parties au récipiendaire et confirmées par écrit comme confidentielles dans les 30 jours suivant leur communication soient gardées comme strictement confidentielles et soient traitées avec le même degré de protection qu'elles accordent à leurs propres informations confidentielles ; qu'elles ne soient communiquées qu'aux seuls membre de leur personnel ayant à les connaître et ne soient utilisées que pour les finalités définies au préambule de l'accord (étude, développement et industrialisation de l'ensemble des structures métalliques constituant le chassis d'une borne pour le nouveau produit We'gaz).

Il n'est pas justifié que des informations aient été communiquées par la société Wedeal aient été confirmées par écrit comme confidentielles dans les 30 jours suivant leur communication.

Par conséquent la société WeDeal ne peut se prévaloir d'une violation de l'accord de confidentialité.

Elle ne peut davantage invoquer un manquement des obligations contractuelles de la société ELCM3D sur le fondement de la convention de prestation alors qu'il est stipulé dans ce contrat que c'est le prestataire qui détient le savoir-faire et les compétences dans le domaine des études mécaniques.

C'est donc à bon droit que le jugement déféré ne retient aucune faute de la part de la société ECM3D.

Sur la concurrence déloyale reprochée à la société Tailor Advice :

Selon l'article 1240 du code civil, « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »

L'appropriation, par des moyens déloyaux, d'informations confidentielles relatives à l'activité d'un concurrent, constitue un acte de concurrence déloyale.

Com., 8 février 2017, pourvoi n° 15-14.846

La société Wedeal se fonde sur 4 produits commercialisés par Tailor Advice pour conclure à une concurrence déloyale de sa part puisqu'elle a découvert ses produits en tant que bureau d'étude :

- distributeur de bouteille de gaz avec ou sans terminal de paiement (projet Wedeal avec Antargaz en 2019) (sa pièce 41) ; mais ainsi que le relèvent les intimés, le concept proposé par la société Tailor Advice est différent du modèle vendu par la société Wedeal, ce que démontre aisément la comparaison des pièces 40 (distributeur Tailor Advice) et 41 (distributeur WeDeal) ; en l'absence de risque de confusion pour un consommateur moyen, aucune faute ne peut être retenue à l'encontre de la société Tailor Advice ;

- kiosque de gestion de clés de véhicule ; la société Wedeal ne produit qu'une photo non datée d'un kiosque dont l'auteur du concept n'est pas identifié et la date de ce concept inconnu (sa pièce 43);

- kiosque d'échange de cylindre : Idem que ci-dessus (sa pièce 44).

- kiosque logistique (projet Wedeal pour Supply Point) : idem que ci-dessus (sa pièce 45).

En outre, la société Wedeal échoue à démontrer un quelconque lien de causalité entre le préjudice invoqué et la faute alléguée, par exemple en établissant la corrélation entre les agissements fautifs et l'évolution du chiffre d'affaires de l'auteur des agissements et celui de la victime.

Com 16/02/2016 n°13-27.420

Bien au contraire, elle indique s'être développée en 2020 avec un chiffre d'affaires augmentant de 20% et des effectifs en augmentation. Or, c'est en février 2020 que Monsieur [G] [F] a travaillé auprès de la société Wedeal en qualité de consultant par le biais de la société Tailor Advice. Et c'est le 15 juin 2020 qu'il a décidé l'entrée d'un nouvel actionnaire, par cession d'actions de Monsieur [G] [F], en la personne de Monsieur [Y] [L], à hauteur de 50 % du capital social, au sein de la société Tailor Advice. Ces évènements n'ont manifestement pas eu de répercussion sur la santé financière de la société Wedeal.

Le parasitisme est l'ensemble des comportements sur lesquels un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis.

Com. 10/07/2018 n° 16-23.794

Mais le parasitisme ne peut se déduire du seul fait qu'une entreprise vend un produit imité ou identique à celui commercialisé avec succès par d'autres entreprises.

Com. 11/01/2017 n°15-18.669

En l'espèce, la société Wedeal déduit des faits de parasitisme de ce que la société Tailor Advice propose à la vente des concepts correspondant aux produits qu'elle vend, ce qui a été permis par l'entrée à son capital de Monsieur [L] grâce à une cession de parts de Monsieur [F].

La société Wedeal affirme, sans le démontrer, qu'en sa qualité de directeur technique, Monsieur [F] a eu accès à l'ensemble des secrets industriels, fichiers clients, sous-traitants et autres données nécessaires « à la réalisation du projet » qui doit sans doute être celui d'Antargaz Energie au vu des devis de Tailor Advice versés aux débats. Mais elle se contredit ensuite en soutenant que la société qu'il dirigeait a eu besoin de Monsieur [L] pour le rémunérer au moyen de la cession de parts des informations connues par la société ELCM3D dont il était le dirigeant. En effet, si Monsieur [F] connaissait le secrets industriels et le savoir-faire de la société Wedeal, il n'avait nul besoin de Monsieur [L].

Les intimés produisent (leur pièce 27) l'acte de cession d'actions de la société Tailor Advice, enregistré le 6 août 2020, aux termes duquel Monsieur [F] cède la moitié de ses actions à Monsieur [L] à leur valeur nominale de 1 euro, soit une somme totale versée par ce dernier de 2 500 euros. Il est précisé que le prix a été déterminé sur la base des comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2019. Le résultat de cet exercice est de 3 186 euros.

Eu égard à ce modique résultat, la société Wedeal ne démontre pas une rémunération d'un parasitisme de Monsieur [L] par une cession d'actions à un prix dérisoire.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société Wedeal de son action en concurrence déloyale et parasitisme.

Sur la responsabilité personnelle des associés de la société Tailor Advice :

Selon l'article 1842 du code civil dans sa version applicable à l'espèce « Les sociétés autres que les sociétés en participation visées au chapitre III jouissent de la personnalité morale à compter de leur immatriculation.

Jusqu'à l'immatriculation, les rapports entre les associés sont régis par le contrat de société et par les principes généraux du droit applicable aux contrats et obligations. »

Il résulte des articles 1240 et 1842 du code civil que la responsabilité personnelle d'un associé envers le tiers cocontractant de la société ne peut être engagée que si cet associé a commis une faute intentionnelle d'une particulière gravité, incompatible avec l'exercice normal des prérogatives attachées à la qualité d'associé.

Com. 6 novembre 2024 n°2310772

Il a été retenu que la société Wedeal n'apportait pas la preuve d'un paiement des actions de la société Tailor Advice par le savoir-faire acquis par Monsieur [L] auprès de la société Wedeal.

La société Wedeal fait en outre grief à Monsieur [L], liquidateur amiable, d'avoir voulu faire intentionnellement disparaître la société ELCM3D en clôturant les opérations de liquidation de cette société un mois après avoir reçu son assignation.

Il est exact que les opérations de liquidation ont été clôturées le 15 janvier 2021 après que la société ELCM3D ait été assignée le 18 décembre 2020.

Mais il n'en résulte aucun préjudice pour la société Wedeal puisque, par ordonnance du 5 mai 2021, Monsieur [L] a été désigné mandataire ad'hoc de la société ELCM3D.

Et il ne peut être extrapolé de cette démarche aucune reconnaissance de responsabilité de la société ELCM3D, dont la prétention relative à la violation d'un accord de confidentialité a été rejetée.

La société Wedeal reproche à Monsieur [F] d'avoir détourné son projet commercial en faisant des communications sur son compte Linkedin et en intégrant Monsieur [L] au sein de la société Tailor Advice, ce qui a permis de détourner l'accord de confidentialité.

Il a été retenu que la société Tailor Advice n'a pas commis d'acte de concurrence déloyale ou de parasitisme, de sorte que Monsieur [F] n'a pas commis de faute incompatible avec ses prérogatives d'associé au préjudice de la société Wedeal.

Sur les demandes reconventionnelles des intimés :

Contrairement à ce que soutiennent les intimés, la nomination d'un mandataire ad'hoc pour la société ELCM3D était nécessaire pour la régularisation de la procédure et il n'y a pas lieu d'indemniser la société pour le temps que lui a consacré le mandataire ad'hoc à la place du liquidateur amiable.

La société Wedeal a demandé à Monsieur [F] par lettre recommandée du 9 septembre 2020, la restitution de fichiers et autres documents. L'intéressé a répondu le 18 septembre suivant qu'il ne détenait plus rien et il n'y a eu aucune suite à part la présente procédure. Mais ainsi que le relève le jugement déféré, il n'est pas rapporté la preuve d'un acte de malice et de mauvaise foi. En effet, l'appréciation inexacte de ses droits par une partie n'est pas constitutive d'un abus.

Il reste que, par lettre circulaire du 26 mai 2020, la société Wedeal indique avoir été contrainte de mettre fin à sa collaboration avec Monsieur [F] le 31 janvier 2020, qui ne fait plus partie des effectifs. Elle qualifie ce courrier informatif de sobre et le justifie par des informations de ses clients qui lui auraient indiqué que Monsieur [F] « continuerait de se présenter comme faisant partie de notre société, qui aurait dénigré cette dernière et répandu de fausses rumeurs de manière trompeuse et sans respect de la confidentialité ».

Dans cette lettre circulaire, la société Wedeal explique que « afin de préserver les droits de notre société et de protéger les informations confidentielles de nos clients, nous entendons user des voies de Droit à notre disposition pour mettre un terme à cette situation », ce qui n'a rien de sobre.

Elle ne justifie pas des informations des clients dont elle aurait été rendue destinataire, alors même que des échanges par courriels avaient lieu entre la société Wedeal et Monsieur [F] début mai 2020, sans aucune référence à de tels démarchages de clients.

Le dénigrement consiste à jeter le discrédit sur un commerçant, en répandant à son propos, ou au sujet des produits ou services, des informations malveillantes pour en tirer profit.

Cette lettre circulaire qui dénigre effectivement Monsieur [F] en tant qu'ancien salarié qui continuerait « à se faire passer pour un membre de notre personnel » ne comporte aucune référence à la société Tailor Advice. Il n'y a donc pas de concurrence déloyale.

Mais son contenu est déstabilisant pour Monsieur [F], ce qui justifie la condamnation de la société Wedeal à lui payer la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Sur les frais de l'instance :

La société Wedeal, qui succombe, devra supporter les dépens de l'instance et payer à chacun des intimés une somme équitablement arbitrée à 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La demande en paiement d'intérêts au taux de 12% sur la condamnation de la société Wedeal et de capitalisation des intérêts échus ne répond à aucun fondement juridique et est rejetée.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts de Monsieur [G] [F],

Et statuant à nouveau de ce chef,

Condamne la société Wedeal à payer à Monsieur [G] [F] la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral,

Y ajoutant,

Condamne la société Wedeal à payer à la société Tailor Advice, à Monsieur [G] [F], à Monsieur [Y] [L] et à la société ELMC 30 représentée par son mandataire ad hoc, la somme de 2.000,00 euros chacun, à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Wedeal aux dépens d'appel.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

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