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Décisions

CA Paris, Pôle 6 - ch. 8, 11 septembre 2025, n° 23/01086

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 23/01086

11 septembre 2025

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRET DU 11 SEPTEMBRE 2025

(n° , 16 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/01086 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHC5Y

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Janvier 2023 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° F 13/16981

APPELANT

Monsieur [X] [M]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représenté par Me Véronique DAGAN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1255

INTIMEES

S.A. AXA FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Aurélien WULVERYCK, avocat au barreau de PARIS, toque : J091

Association AGIPI

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Aurélien WULVERYCK, avocat au barreau de PARIS, toque : J091

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 Mai 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Nathalie FRENOY, Présidente de chambre, rédactrice,

Mme Sophie GUENIER-LEFEVRE, 1ère Présidente de chambre,

Mme Isabelle MONTAGNE, Présidente de chambre

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Nathalie FRENOY dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Eva DA SILVA GOMETZ

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Nathalie FRENOY, Présidente de chambre et par Hanane KHARRAT, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. [X] [M] a été engagé à compter du 1er octobre 1992 par le groupe Union des Assurances de [Localité 7] (UAP) en qualité de cadre stagiaire, par contrat de travail à durée indéterminée, et titularisé le 17 octobre 1994.

À la suite de la fusion - absorption de l'UAP en 1997, le contrat de travail de M. [M] a été transféré au sein du groupe AXA.

Par lettre du 15 octobre 2002, M. [M] a été détaché auprès de la société de courtage Asoociation Diffusion Services ( ADIS), filiale d'AXA France localisée à [Localité 8], chargée de la gestion administrative des contrats d'assurance de groupe souscrits par l'Association Générale Interprofessionnelle de Prévoyance et d'Investissement ( AGIPI) auprès d'AXA France IARD.

Lors du regroupement de toutes les entités constituant le groupe, son contrat a été transféré le 1er janvier 2003 à la société AXA France. Il a été nommé Attaché de direction le 1er avril 2003.

Parallèlement à son contrat de travail avec cette société, M. [M] a collaboré à compter du 1er septembre 2004, par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel, avec l'association AGIPI ( ayant pour objet de procurer à ses adhérents, particuliers et professionnels libéraux, une couverture complémentaire de retraite, d'épargne ou de prévoyance santé).

Le 1er octobre 2004, il a accepté un mandat d'administrateur au sein de l'association AGIPI, qui était présidée par M. [I] [S], également président d'ADIS.

En 2012, un comité d'audit et des rémunérations a été mis en place au sein de l'AGIPI, concluant à des irrégularités de la part de M. [S], ayant conduit à sa démission.

Un expert-comptable, commissaire aux comptes et expert judiciaire, M. [W], a été mandaté pour analyser de façon détaillée les dépenses de l'association AGIPI.

Par lettres du 14 août et du 5 septembre 2013, la société AXA France et l'AGIPI ont respectivement convoqué M. [M] à un entretien préalable à son éventuel licenciement avec mise à pied conservatoire.

Le 9 septembre 2013, la société AXA France a notifié à M. [M] son licenciement pour faute grave.

Le 23 septembre 2013, l'association AGIPI l'a également licencié pour faute grave.

Au dernier état des relations de travail, il était directeur général adjoint de l'AGIPI et directeur général d'ADIS.

Contestant le bien-fondé de ses licenciements, M. [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Créteil le 25 novembre 2013.

Le 9 avril 2014, l'AGIPI a déposé plainte avec constitution de partie civile devant le tribunal de grande instance de Paris des chefs d'abus de confiance, abus de pouvoir, abus de biens sociaux, faux et usage de faux, contre M. [S] et divers de ses administrateurs -dont M. [M].

Le 4 juin 2020, la cour d'appel a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction concernant M. [M].

Par jugement du 18 janvier 2023, le conseil de prud'hommes de Paris, en sa formation de départage, a :

- rejeté la demande tendant à écarter les pièces 33 à 40 produites par la société AXA France IARD et l'AGIPI,

- dit justifiés les licenciements pour faute grave notifiés à M. [M] par la société AXA France IARD et l'AGIPI respectivement les 9 et 23 septembre 2013,

- débouté M. [M] de ses demandes,

- condamné M. [M] à payer à la société AXA France IARD la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code procédure civile,

- condamné M. [M] à payer à l'AGIPI la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code procédure civile,

- débouté l'AGIPI de ses autres demandes,

- condamné M. [M] aux dépens.

Par déclaration en date du 8 février 2023, M. [M] a relevé appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 13 mars 2025, M. [M] demande à la cour de :

sur les demandes reconventionnelles l'AGIPI

- juger prescrite la demande formée par l'AGIPI au titre des intéressements de 2007 à 2009,

- juger l'ensemble des demandes reconventionnelles de l'AGIPI infondées,

en conséquence et en toutes hypothèses,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté l'AGIPI de ses demandes reconventionnelles portant à voir M. [M] condamné à lui rembourser 587 886 euros au titre des intéressements de 2007 à 2009, 502 607 euros au titre des frais de transport prétendument injustifiés, 57 408 euros au titre de frais fixes d'avion, 18 090 euros au titre des frais de formation,

pour le surplus,

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a dit justifiés ses licenciements pour faute grave, débouté M. [M] de ses demandes et condamné aux dépens et à payer à chacun de ses ex-employeurs 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

statuant à nouveau sur ces points, il est demandé à la cour de :

concernant le licenciement notifié par l'AGIPI à M. [M] et les demandes formulées par M. [M] à l'encontre de l'AGIPI :

à titre principal

- juger que le licenciement notifié par l'AGIPI à M. [M] par lettre en date du 23 septembre 2013 est dénué de cause réelle et sérieuse,

- condamner en conséquence l'AGIPI à payer à M. [M] les sommes de :

- 25 090,08 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 2 509 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

- 19 472,02 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 200 720 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

à titre subsidiaire

si par extraordinaire la cour jugeait que le licenciement notifié par l'AGIPI à M. [M] par lettre du 23 septembre 2013 est fondé sur une cause réelle et sérieuse, mais pas une faute grave

- condamner en conséquence l'AGIPI à payer à M. [M] les sommes de :

- 25 090,08 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 2 509 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

- 19 472,02 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- juger que la procédure de licenciement suivie par l'AGIPI est irrégulière et en conséquence,

- condamner l'AGIPI à payer à M. [M] la somme de 8 363,36 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure irrégulière,

à titre très infiniment subsidiaire

si par extraordinaire la cour jugeait que le licenciement notifié par l'AGIPI à M. [M] par lettre en date du 23 septembre 2013 est justifié par une faute grave

- juger que la procédure de licenciement suivie par l'AGIPI est irrégulière,

- condamner l'AGIPI à payer à M. [M] la somme de 8 363,36 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure irrégulière,

en toutes hypothèses

- condamner l'AGIPI à payer à M. [M] les sommes de :

- 3 637 euros au titre de l'intéressement sur l'exercice 2013,

- 8 086,80 euros bruts à titre de solde de congés payés restant dus pour la période 2012/2013,

- 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner la remise des documents de fin de contrat rectifiés conformément à l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour et par document à compter de l'arrêt à compter de la notification de l'arrêt à l'AGIPI,

- assortir les condamnations de l'intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes et ordonner la capitalisation des intérêts en vertu de l'article 1343-2 du Code civil,

- débouter l'AGIPI de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles,

- concernant le licenciement notifié par la société AXA France IARD à M. [M] et les demandes formulées par M. [M] à l'encontre la société AXA France IARD :

à titre principal

- juger que le licenciement notifié par la société AXA France IARD à M. [M] par lettre en date du 9 septembre 2013 est dénué de cause réelle et sérieuse,

- condamner en conséquence la société AXA France IARD à payer à M.[M] les sommes de :

- 89 707,74 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 8 970,77 euros bruts à titre de congés payés y afférents,

- 221 775,49 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 358 830 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- condamner en outre la société la société AXA France IARD à payer à M. [M] la somme de :

- 73 890 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance de lever les stocks options dont il était bénéficiaire à la date de son licenciement,

à titre subsidiaire

si par extraordinaire la cour jugeait que le licenciement notifié par la société AXA France IARD à M. [M] le 9 septembre 2013 est fondé sur une cause réelle et sérieuse mais pas une faute grave,

- condamner en conséquence la société AXA France IARD à payer à M. [M] les sommes de :

- 89 707,74 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 8 970,77 euros bruts à titre de congés payés y afférents,

- 221 775,49 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

en toutes hypothèses

- condamner la société AXA France IARD à payer à M. [M] les sommes de :

- 14 323 euros bruts à titre de solde de congés payés sur la période 2012/2013,

- 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner la remise des documents de fin de contrat rectifiés conformément à l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour et par document à compter de l'arrêt à compter de la notification de l'arrêt à la société AXA France IARD ,

- assortir les condamnations de l'intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes et ordonner la capitalisation des intérêts en vertu de l'article 1343-2 du Code civil,

- débouter la société AXA France IARD de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le17 décembre 2024, la société AXA France IARD et l'AGIPI demandent à la cour de :

à titre principal

- dire et juger que les licenciements de M. [M] reposent sur une faute grave,

en conséquence

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [M] de toutes ses demandes,

- débouter M. [M] de l'ensemble de ses demandes,

à titre très subsidiaire

- reconnaître la cause réelle et sérieuse des licenciements de M. [M],

en conséquence

- débouter M. [M] de ses demandes indemnitaires,

à titre infiniment subsidiaire :

- juger que M. [M] n'apporte pas la preuve de son préjudice,

en conséquence

- minorer le montant des dommages et intérêts sollicités,

à titre reconventionnel :

- juger que M. [M] a facturé des sommes injustifiées à l'AGIPI,

en conséquence

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté les intimées de leurs demandes,

- condamner M. [M] à rembourser à l'AGIPI :

- 587 886 euros au titre des intéressements de 2007 à 2009,

- 502 607 euros à titre de frais de transports injustifiés,

- 57 408 euros à titre de frais fixes d'avion,

- 18 090 euros à titre de remboursement de frais de formation de pilotage.

en tout état de cause

- condamner M. [M] à verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à chacune des sociétés défenderesses,

- condamner M. [M] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 avril 2025 et l'audience a eu lieu le 15 mai 2025.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, ainsi qu'aux conclusions susvisées pour l'exposé des moyens des parties devant la cour.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur le licenciement notifié par l'AGIPI :

La lettre de licenciement adressée à M. [M] le 23 septembre 2013 par l'association AGIPI contient les motifs suivants, strictement reproduits :

[...]« Il a été révélé, lors d'une réunion du Conseil d'Administration du 14 mai 2013, que vous aviez été mis en cause en votre qualité d'administrateur par le Comité d'Audit et des Rémunérations, en raison d'une prise de participation au sein de la SARL Voyag'Air, société ayant pour unique objet de facturer à l'AGIPI, depuis plusieurs années, les coûts d'entretien et de fonctionnement des trajets effectués en avion par vous et votre associé, Monsieur [S], également Président d'AGIPI.

Ces révélations ont conduit au départ de ce dernier.

La question du maintien de vos fonctions d'administrateur s'est ensuite posée et le conseil d'administration a décidé, avant de se prononcer, de confirmer la mission d'audit afin de faire toute la lumière sur les faits avancés. Il en est ressorti qu'entre fin 2008 et fin 2012 :

' 600'340 € ont été facturés à l'AGIPI,

' 347'951 € ont été facturés à sa filiale la SARL AGIPI Développement

' et 56'924 € ont été facturés à l'association AGIPI Retraite,

Autrement dit, plus d'un million d'euros ont ainsi été facturés par l'intermédiaire de la société

« Plein Air » et de la société « Voyag'Air » dont vous étiez associé.

L'analyse des factures a ainsi fait apparaître que l'essentiel de vos déplacements portait sur des trajets entre [Localité 7] et [Localité 8], trajets pour lesquels la ligne TGV offre une solution infiniment moins onéreuse et plus rapide.

Au-delà de la facturation des vols, la facturation d'éléments tels qu'une participation aux frais fixes de l'avion pour 172'224 € et une formation de pilotage pour 18 090 €, mais encore certaines autres destinations sans rapport évident avec l'exercice de vos fonctions, a renforcé notre conviction que vous avez voulu faire supporter à l'AGIPI le coût intégral de vos activités de loisir, le recours à un avion privé pour ces trajets ne relevant d'aucun impératif professionnel.

La dissimulation de ces facturations au Conseil d'Administration, en ne signalant pas, comme l'exige la législation sur les conventions réglementées, les relations entre AGIPI, vous-même et les sociétés d'aviation, confère en tout état de cause un caractère très grave à vos agissements.

Nous avons repris l'ensemble de ces faits lors de l'entretien préalable et nous vous avons expliqué que nous ne pouvions accepter ce type de comportement qui nuit fortement aux intérêts de l'association et de ses adhérents.

Vous avez demandé à ce que le Conseil de discipline donne un avis sur la mesure envisagée mais nous n'avons pu accéder à cette demande, un tel Conseil n'existant pas au sein de l'AGIPI compte tenu de son effectif inférieur à 50 salariés.

Les explications recueillies auprès de vous, lors de l'entretien, ne nous ont pas convaincus.

Votre comportement rendant impossible votre maintien au sein de l'entreprise pour les raisons évoquées précédemment, nous sommes donc contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave.'

M. [M] soulève la prescription des faits fautifs qui lui sont reprochés, la violation de la procédure conventionnelle de licenciement.

Plus précisément, il fait valoir que les faits qui lui sont reprochés, ayant eu lieu entre fin 2008 et fin 2012 sous la présidence de M. [S], ont été révélés au plus tard lors d'une réunion du conseil d'administration, le 14 mai 2013, et que la prescription est donc acquise, d'une part parce que le changement de direction au sein de l'association à la suite de la démission de M. [S] ne peut justifier la sanction d'un salarié sur la base de faits connus de la précédente direction et d'autre part parce que plus de deux mois se sont écoulés entre la démission litigieuse, l'arrivée de la nouvelle direction et l'engagement de la procédure de licenciement, le principe du recours à un avion privé piloté par lui-même étant connu de tous, de même que les facturations dès le 2 mai 2013.

Il critique que le 8 août 2013 ait pu être retenu comme point de départ de la prescription, puisque le rôle de l'expert-comptable, M. [W], étendu très opportunément au chiffrage des rémunérations et des déplacements litigieux, ne masque pas le fait que les informations le concernant étaient déjà connues par l'employeur.

L'association AGIPI relève l'absence de prescription des faits, l'engagement des poursuites disciplinaires ayant eu lieu avant l'expiration du délai de deux mois suivant la connaissance de l'étendue et de la gravité des agissements frauduleux. Elle fait état d'un premier pré-rapport remis le 9 juillet 2013 par M. [W], mandaté pour faire toute la lumière sur les rémunérations et frais de la direction de l'association, et sur la remise le 8 août suivant au secrétaire du comité d'audit et des rémunérations du projet de rapport mentionnant les informations complémentaires obtenues et établissant l'ampleur des sommes engagées par M. [M].

Selon les dispositions de l'article L.1332-4 du code du travail, 'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.'

Le délai de prescription débute le jour où l'agissement fautif est personnalisé, c'est-à-dire quand l'employeur - qui peut investiguer en ce sens- a une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié.

Il est établi, au vu des pièces produites, que :

- le comité d'audit et des rémunérations de l'AGIPI, par l'intermédiaire de M. [H], a confié le 18 avril 2013 à M. [W], expert-comptable et commissaire aux comptes, le recensement de l'ensemble des frais supportés par l'association pour le compte de son président, M. [S], les frais de transport et de déplacement engagés par ce dernier et payés à la société Voyag'Air notamment, l'a chargé d'identifier les avantages et rémunérations versées à l'intéressé tant en ce qui concerne leur montant net et brut que les mentions figurant sur les documents de type bulletins de salaire établis à l'occasion des paiements, et a fixé la remise du rapport au 26 avril et en tous cas avant le 29 avril 2013,

- lors de la réunion du conseil d'administration de l'AGIPI du 14 mai 2013, au cours de laquelle M. [S] a démissionné, a été révélée l'utilisation des services d'une société de location d'avions ayant un lien avec le président et un administrateur, relevant d'une convention réglementée qui n'avait pas été signalée, ainsi que les sommes excessives facturées,

- dans un courriel du 9 juillet, l'expert-comptable a évoqué un projet de rapport identifiant de nombreuses anomalies mais décrivant 'un certain nombre de points en suspens' et sollicitant pour plus d'efficacité une intervention directe à l'AGIPI à [Localité 7] pour obtenir l'ensemble des informations,

- la mission de l'expert a été étendue et a donné lieu à un rapport complété et à une seconde note établie plus spécifiquement concernant les factures des sociétés Voyag'air et Plein'air, le tout parachevé, ayant été transmis le 8 août 2013.

Il est manifeste que si dès le 14 mai 2013, des éléments ont été transmis au comité d'audit et des rémunérations sur les liens entre M. [M] et la société Voyag'Air, notamment dans le cadre du pilotage d'un avion par ce dernier, des investigations étaient encore nécessaires pour déterminer avec précision les agissements suspects, le montant des facturations et les avantages perçus par l'appelant, les premiers éléments transmis concernant essentiellement le président de l'AGIPI, M. [S].

En outre, alors que la nouvelle direction de l'association AGIPI, consécutivement à la démission de M. [S], n'est entrée en fonction que le 10 juillet 2013 et a ainsi pu avoir accès aux documents de gestion de l'association, les données ont pu être collectées de façon plus précise à compter de cette date seulement, en vue de la remise du rapport de l'expert ensuite.

Le déclenchement de la procédure de licenciement ayant eu lieu le 5 septembre 2013, c'est-à-dire moins de deux mois après le dépôt de ce rapport, il convient de dire inopérant le moyen soulevé par M. [M] relatif à la prescription des faits fautifs.

Par ailleurs, le salarié invoque le non-respect de la procédure conventionnelle de licenciement prévoyant la saisine d'un conseil de discipline, qui n'a pas eu lieu alors qu'il avait demandé à en bénéficier ; il considère que la violation de cette garantie prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.

L'irrégularité commise dans le déroulement de la procédure disciplinaire prévue par une disposition conventionnelle ou un règlement intérieur, est assimilée à la violation d'une garantie de fond et rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse lorsqu'elle a privé le salarié de droits de sa défense ou lorsqu'elle est susceptible d'avoir exercé une influence sur la décision finale de licenciement par l'employeur.

La convention collective du courtage d'assurances prévoit en son article 16 que « dans chaque entreprise autonome dotée d'instances représentatives dont l'effectif est au moins égal à 50 salariés, le salarié a la faculté, sur proposition de l'employeur, de demander par écrit la saisine du conseil de discipline lorsqu'est prononcée à son encontre une mise à pied conservatoire susceptible d'entraîner une mesure de licenciement pour faute grave ou lourde. La lettre de convocation doit rappeler cette faculté au salarié ».

En l'espèce, il est incontestable que par courrier du 5 septembre 2013, l'AGIPI a convoqué M. [M] à un entretien préalable à un éventuel licenciement, l'a mis à pied à titre conservatoire et lui a offert la faculté de demander la réunion d'un conseil de discipline, opportunité que ce dernier a saisie par courrier du 16 septembre suivant.

Cette garantie lui a été confirmée lors de l'entretien préalable mais n' a cependant pas été effective, l'association revenant sur son engagement, compte tenu de son effectif inférieur à 50 salariés n'ayant pas donné lieu à constitution d'un tel conseil de discipline.

Toutefois, la décision d'appliquer un accord sans force obligatoire, tout comme la décision de l'appliquer alors que les conditions prévues pour que le salarié en bénéficie ne sont pas réunies, constitue un engagement unilatéral qui oblige l'employeur.

En outre, aucune impossibilité de réunir un conseil de discipline n'est démontrée, lequel, en vertu du 2° de l'article 16 de la convention collective, est composé ' de représentants des salariés et de représentants de l'employeur de l'entreprise ou de l'établissement' 'parmi les salariés élus ou non élus de l'entreprise ou de l'établissement s'étant portés candidats.'

Le licenciement de l'espèce prononcé par l'association AGIPI pour un motif disciplinaire, sans que le salarié ait bénéficié d'une consultation du comité de discipline alors que l'engagement unilatéral de l'employeur la rendait obligatoire, le privant ainsi de la possibilité d'assurer utilement sa défense, est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Au vu des éléments de salaire contractualisés -lesquels comprennent la rémunération variable-, du statut de cadre, des dispositions de l'article 36 de la convention collective du courtage d'assurances et de l'ancienneté ( remontant au 1er septembre 2004) de M. [M], il convient d'accueillir sa demande d'indemnité compensatrice de préavis à hauteur de 25'090,08 euros, les congés payés y afférents, ainsi que la demande au titre de l'indemnité de licenciement à hauteur de 19'472,02 euros.

Tenant compte de ces différentes données mais également des éléments lacunaires recueillis relatifs à la situation professionnelle de l'appelant consécutive à la rupture de son contrat de travail, il convient de faire droit à sa demande d'indemnisation de ce licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse à hauteur de 51 000 €, par application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa version applicable en l'espèce.

En revanche, à défaut de justifier de circonstances vexatoires ou humiliantes ayant entouré ce licenciement, et en l'absence de démonstration d'un préjudice distinct de ceux d'ores et déjà réparés au titre du licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, la demande de dommages -intérêts pour préjudice moral doit être rejetée.

Sur le licenciement par la société AXA France:

La lettre de licenciement adressée par la société AXA France le 9 septembre 2013 à M. [M] contient les motifs suivants, strictement reproduits:

« Vous avez été détaché le 15 octobre 2002 auprès de la société anonyme de courtage ADIS, filiale de la société AXA France Vie. Dans le cadre de ce détachement, vous avez été promu attaché de direction, puis directeur [...]

Dans le cadre de la convention de partenariat conclu le 28 juin 2002 entre les sociétés AXA, ADIS et l'association AGIPI (cette dernière intervenant en qualité de souscripteur de contrats d'assurance de groupe auprès d'AXA), vous avez été nommé administrateur de l'AGIPI en avril 2005.

Dans le cadre de vos fonctions au sein de l'ADIS, vous avez été nommé directeur général de cette société le 14 avril 2011.

Nous avons appris, par le représentant au conseil d'administration de l'AGIPI, que vous étiez mis en cause par le comité d'audit et des rémunérations, pour avoir facturé à l'association AGIPI des sommes très élevées correspondant à l'utilisation d'un avion privé, que vous pilotez vous-même, sans que le conseil d'administration l'ait autorisé ou en ait été même informé, en violation des dispositions de l'article 612-5 du code de commerce sur les conventions réglementées.

Nous venons d'être informés qu'un rapport d'un expert judiciaire, désigné par le comité d'audit et des rémunérations de l'AGIPI, établissait que vous aviez facturé entre fin 2008 et fin 2012, d'abord par l'intermédiaire d'une société écran dénommée « Plein Air », dont vous étiez l'associé, puis par l'intermédiaire d'une société écran dénommée « Voyag'Air », dont vous êtes devenu associé à côté du président de l'AGIPI, 600'340 € à l'association AGIPI, 347'951 € à sa filiale la SARL AGIPI Développement, et 56'924 € à l'association AGIPI Retraite, soit au total plus d'un million d'euros.

Le rapport fait apparaître que 70 % des déplacements correspondent à des trajets entre [Localité 7] et [Localité 8], trajets pour lesquels le TGV offre une solution beaucoup plus rapide et infiniment moins onéreuse.

Le rapport révèle également que les montants facturés comprennent une participation aux frais fixes de l'avion à hauteur de 172'224 €, ainsi qu'une formation de pilotage pour 18'090 €, ce qui apparaît comme visant à faire supporter à l'association le coût de vos activités de pilotage.

Le recours à un avion privé comme moyen habituel de déplacement et pour un coût aussi élevé, sans autorisation du conseil d'administration de l'AGIPI et sans aucune justification d'efficacité dans l'exercice de vos fonctions, cause un préjudice financier à l'association et l'expose à un grave préjudice de réputation à l'égard de ses adhérents qui sont aussi nos clients.

Il expose de même AXA à un grave risque de réputation puisqu'il est commis par un de ses représentants à l'occasion de son détachement dans le cadre du partenariat étroit qui lie AXA à ADIS et l'AGIPI. En tout état de cause, il n'est pas tolérable de la part d'un directeur d'AXA.

Il caractérise un grave manquement à vos obligations contractuelles vis-à-vis d'AXA.

Il contrevient également à l'obligation qui vous avait pourtant été rappelée expressément en 2010 d'obtenir l'accord formel d' AXA avant d'accepter une modification de votre rémunération ou de vos avantages.

Nous vous avions pourtant rappelé à l'ordre en 2010 sur cette même problématique en vous réitérant expressément votre interdiction de modifier, sans l'accord formel de la DRH d'AXA France, la rémunération versée par AGIPI, tant au titre de la rémunération fixe que de la rémunération variable ainsi que pour tout autre avantage financier et/ou en nature qui pourrait vous être octroyé. Il vous était encore rappelé que d'une façon générale, toute rémunération complémentaire directe ou indirecte à celles versées par AXA France devait faire l'objet d'une information et d'une autorisation préalable de la DRH d'AXA France.

Une fois de plus, vous avez manqué à vos obligations les plus élémentaires, et violé ainsi les principes d'exemplarité et de transparence dont nous nous prévalons tant vis-à-vis de nos actionnaires que vis-à-vis de nos adhérents.

En votre qualité de cadre de direction d'AXA France, il vous appartient pourtant de prendre toutes les précautions nécessaires afin de promouvoir l'image d'AXA et d'éviter que cette dernière ne soit ternie. Or, en faisant supporter à l'AGIPI vos frais de formation de pilote, les frais d'utilisation et d'entretien d'un avion, vous avez privilégié vos intérêts personnels au détriment de ceux des sociétés que vous représentez.

Nous vous rappelons que le niveau de responsabilité auquel vos fonctions se situent implique l'existence de relations d'estime et de confiance réciproques entre les chefs d'entreprise et les cadres de direction, ainsi qu'entre partenaires.

Nous avons repris l'ensemble de ces faits lors de l'entretien préalable et nous vous avons expliqué que nous ne pouvions accepter ce type de comportement qui nuit fortement aux intérêts de la société et de ses clients. [...]

Votre comportement rendant impossible votre maintien au sein de l'entreprise pour les raisons évoquées précédemment, nous sommes donc contraints de notifier par la présente votre licenciement pour faute grave.'

Le salarié fait valoir que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, en raison de la prescription des faits fautifs, ainsi qu'en raison de l'absence de caractère fautif des faits reprochés dans la lettre de licenciement.

En ce qui concerne la prescription, le salarié invoque les mêmes faits et pièces que ceux invoqués à l'encontre de l'association AGIPI, relevant que la date à laquelle la société AXA France a été informée des faits reste inconnue.

La société intimée reproduit le même argumentaire que l'association AGIPI en réponse.

Les éléments retenus précédemment doivent l'être également, au visa de l'article L.1332-4 du code du travail, dans le cadre de la prescription des faits reprochés par la société AXA France, sachant qu'au surplus, les associations d'adhérents bénéficient d'une indépendance par rapport à l'assureur et qu'AXA France n'avait pas accès aux documents de gestion de l'AGIPI, a fortiori sous la présidence de M. [S].

Par ailleurs, le salarié conteste tout préjudice de réputation pour la société AXA France, entité juridiquement indépendante ayant une communication différenciée de celle d'AGIPI, relève que la plainte pénale déposée par deux autres entités du groupe AXA, faisant état d'un 'risque de préjudice de réputation', n'a été suivie d'aucune poursuite et qu'à ce jour, la société intimée n'établit aucun préjudice, ni risque de préjudice pouvant justifier le licenciement disciplinaire intervenu.

En ce qui concerne la prétendue obligation contractuelle tenant à l'information préalable d'AXA France relativement aux rémunérations perçues au sein d'AGIPI, le salarié relève qu'elle n'existe pas, qu'il a toujours été transparent, qu'AXA et AGIPI ont fixé de concert sa rémunération de base et sa rémunération cible sur objectifs, que le recours à un avion privé pour ses déplacements professionnels ne constitue pas une rémunération complémentaire puisqu'il ne s'est pas enrichi de ce fait et que le licenciement est donc dénué de cause réelle et sérieuse.

La société AXA France souligne la faute grave commise par le salarié, déjà rappelé à l'ordre en avril 2010, qui a facturé en sa qualité de gérant de la société Plein'Air, puis d'associé de M. [S] dans leur société Voyag'Air, à titre de frais d'avion privé entre 2008 et 2012 des sommes très importantes, assouvissant également sa passion du pilotage lors de ses déplacements - la plupart professionnels, mais aussi personnels-, mis à la charge de l'association AGIPI pour des montants déconnectés des distances parcourues et des coûts pratiqués pour des liaisons par train plus rapides. Elle souligne que ces déplacements en avion privé sont par nature en contradiction avec l'objet social de l'association, que la dissimulation des factures au conseil d'administration d'AGIPI, sans contrat, ni convention réglementée, démontre que le salarié souhaitait s'exonérer de ses responsabilités de dirigeant et que les frais de pilotage, payés par AGIPI, n'avaient aucun rapport avec l'activité professionnelle du salarié et ne peuvent être considérés comme entrant dans le cadre de son droit individuel à la formation, eu égard à la valorisation horaire de ce droit ne pouvant dépasser 1 800 €.

En ce qui concerne la réputation d'AXA France, elle l'estime déterminée par la médiatisation du comportement de son représentant et rappelle que depuis un courrier du 28 avril 2010, le salarié devait informer de toute modification de ses conditions de rémunération.

Si les éléments factuels relatifs aux facturations de trajets en avion privé, de frais de maintenance et de leçons de pilotage, vérifiés par les pièces produites et qui ne peuvent être légitimés par l'autorisation donnée par le président de l'association, ne sont pas compatibles avec les obligations contractuelles d'un salarié travaillant dans le courtage en assurances, force est de constater qu'ils ne peuvent lui être reprochés que dans le cadre de la relation salariale avec l'association AGIPI, la société AXA France - employeur distinct- ne pouvant invoquer des manquements relevant d'une relation contractuelle à laquelle elle n'est pas partie.

Par ailleurs, en ce qui concerne l'atteinte à la réputation de la société AXA France, il n'en est pas justifié, ni même d'un trouble objectif dans le fonctionnement de l'entreprise à raison de faits reprochés dans le cadre de l'autre relation de travail de M. [M].

En revanche, il est établi qu'un avenant a été signé par les parties, à l'occasion de l'envoi par la société AXA France le 28 avril 2010 d'un rappel des éléments de rémunération ( fixe et variable) de M. [M] tant au sein de cette dernière qu'au sein d'AGIPI et stipulant ' il est expressément convenu que la rémunération versée par l'AGIPI ne pourra pas être modifiée sans l'accord formel de la DRH d'AXA France. Ceci vaut pour le montant de la rémunération fixe, pour la rémunération variable si le montant payé devait être supérieur à 110 % du montant cible défini précédemment, et pour tout autre avantage financier et/ou en nature qui pourrait vous être octroyé.

De manière générale, et pour rester en conformité avec votre contrat de travail, toute rémunération complémentaire, directe ou indirecte, à celle versée par AXA France doit faire l'objet d'une information et d'une autorisation préalable de la Direction des Ressources Humaines d'AXA France.

Cette lettre ayant valeur d'avenant à votre contrat de travail, je vous remercie de me renvoyer par retour de courrier, le double joint, une fois que vous l'aurez paraphé, daté, signé et complété de la mention manuscrite « lu et approuvé ' bon pour accord ».'

Ce document a été daté, complété et signé conformément à la demande par M. [M] le 11 mai 2010.

Or, alors qu'il n'est justifié d'aucune information adressée à la société AXA France, ni d'aucune autorisation préalable de la part de la direction des ressources humaines, ni même d'un autre service de la direction de cette entreprise, l'appelant -qui a bénéficié d'avantages financiers et en nature de l'association AGIPI- a donc manqué à ses obligations contractuelles.

Le fait que ces manquements aient été commis avec l'autorisation du président d'AGIPI ne retire pas aux agissements leur caractère fautif, l'absence de transparence vis-à-vis d'AXA France étant manifeste.

La durée de ces manquements multiples, sur plusieurs années, mais également la valeur considérable des avantages ainsi retirés par le salarié, en sa qualité de cadre de l'entreprise déjà sensibilisé à l'importance du niveau de sa rémunération et rappelé à son obligation de transparence et d'exemplarité, justifiaient le licenciement pour faute grave intervenu.

Les demandes présentées à ce titre par le salarié et relativement à la perte de chance de lever ses stock options, doivent donc être rejetées, par confirmation du jugement entrepris de ce chef.

Sur les soldes de congés payés:

Le salarié sollicite de l'association AGIPI la somme de 8 086,80 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, une somme de 1 570,74 € seulement lui ayant été versée au titre du solde de tout compte.

Il réclame en outre, pour l'exercice 2012/2013, la somme de 14 323 € à la société AXA France, le bulletin de salaire d'août 2013 mentionnant un solde de 33 jours de congés payés.

L'association AGIPI et la société AXA France soulignent que M. [M] ne fonde ses demandes ni en fait, ni en droit et qu'elles doivent donc être rejetées.

La lecture des bulletins de salaire émis par AXA France permet de vérifier un solde de 33 jours de congés payés sur l'exercice 2012-2013. Il convient donc d'accueillir la demande à hauteur du montant réclamé, correspondant aux droits du salarié.

En revanche, en l'état du nombre de jours de travail contractualisé, à savoir 43 jours sur l'année, dans le cadre de la relation de travail avec l'association AGIPI, à défaut de toute mention sur un reliquat à faire valoir au titre des congés payés sur les bulletins de salaire 2012-2013 et alors que le nombre maximal de jours induit par les jours de travail effectif dans le cadre d'un temps plein a d'ores et déjà été pris en compte, il convient de rejeter la demande.

Sur l'intéressement :

L'appelant fait valoir que l'AGIPI 'était couverte' par un accord d'intéressement, dont il aurait dû percevoir une part pour l'exercice 2013, payable en 2014, cette somme étant due quelque soit le motif de la rupture. Il réclame 3 637 € à ce titre.

L'association AGIPI souligne que le salarié ne fonde sa demande ni en fait, ni en droit et doit donc en être débouté.

Aux termes de l'article L.3311-2 du code du travail, l'intéressement, qui a pour objet d'associer collectivement les salariés aux résultats ou aux performances de l'entreprise, est aléatoire, résultant d'une formule de calcul liée à ces résultats ou performances et facultatif.

A défaut de justifier de la signature d'un accord par l'association AGIPI ou d'une décision unilatérale de l'employeur et de démontrer qu'il remplit les conditions requises pour bénéficier d'un intéressement sur les résultats et performances de l'entreprise au titre de l'exercicie 2013, M. [M] doit être débouté de sa demande.

Sur le remboursement des primes d'intéressement:

Faisant état de la somme de 587'886 € au titre des intéressements de 2007 à 2009 dont le salarié a bénéficié du fait des décisions du comité des rémunérations mis en place par M. [S], l'association AGIPI réclame remboursement de cette somme par le salarié.

Estimant que cette demande n'est pas une action en répétition de salaire mais est soumise à la prescription de cinq ans applicable à l'enrichissement sans cause, elle conclut au rejet de cette fin de non-recevoir qui lui est opposée.

M. [M] soulève la prescription de la demande de remboursement des éléments de rémunération variable perçus en 2007, 2008 et 2009, présentée pour la première fois par lettre du 27 février 2014 au conseil de prud'hommes, alors que le délai pour agir est de trois ans.

Sur le fond, il considère la demande parfaitement infondée, les sommes perçues ayant été décidées par le président de l'AGIPI eu égard aux résultats des collaborateurs.

La durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance invoquée.

Aux termes de l'article L. 3245-1 du code du travail, 'l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat. l'action en paiement ou en répétition de salaire'.

Le délai de cette prescription court à compter du jour du paiement de cette indemnité, si à cette date, l'employeur était en mesure de déceler le paiement indu et d'en demander la restitution.

Selon l'article 21 V de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, les dispositions du nouvel article

L. 3245-1 du code du travail s'appliquent aux prescriptions en cours à compter du 16 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, soit cinq ans.

En l'espèce, l'association, qui réclame -dans des conclusions qui ne sont pas contestées comme ayant été notifiées le 27 février 2014- le remboursement de sommes payées de 2007 à 2009 au titre du contrat de travail, ayant la nature de rémunération variable, et alors que leur versement avait été découvert en janvier 2010 par la société AXA France, a agi dans le délai requis par l'article L.3245-1 du code du travail.

En revanche, alors que ces sommes avaient été décidées, sans interaction du salarié lui-même, par le président de l'association, en fonction des résultats et performances de ce dernier, dans le cadre du contrat de travail, la demande de remboursement doit être rejetée, à défaut de tout élément démontrant qu'elles n'étaient pas justifiées en leur principe et en leur montant.

Sur le remboursement des frais de transport et de formation :

L'association AGIPI sollicite que M. [M], assujetti à l'article L.612-5 du code de commerce en sa qualité d'administrateur, soit condamné à lui rembourser la somme de 502'607 euros à titre de frais de transport injustifiés, celle de 57'408 euros à titre de frais fixes d'avion et celle de 18'090 euros à titre de remboursement de frais de formation de pilotage.

Le salarié considère la demande infondée puisque sa responsabilité financière ne peut être engagée qu'en cas de faute lourde, relève que ces dépenses ont été engagées par le représentant légal de l'association et non par lui-même, les sommes litigieuses - dont il n'a pas été bénéficiaire- étant des frais professionnels incombant à l'employeur et l'association devant se tourner vers les entités Voyag'Air et Plein'Air qui ont facturé lesdits frais.

Aux termes de l'article L.612-5 du code de commerce, 'le représentant légal ou, s'il en existe un, le commissaire aux comptes d'une personne morale de droit privé non commerçante ayant une activité économique ou d'une association visée à l'article L. 612-4 présente à l'organe délibérant ou, en l'absence d'organe délibérant, joint aux documents communiqués aux adhérents un rapport sur les conventions passées directement ou par personne interposée entre la personne morale et l'un de ses administrateurs ou l'une des personnes assurant un rôle de mandataire social.

Il est de même des conventions passées entre cette personne morale et une autre personne morale dont un associé indéfiniment responsable, un gérant, un administrateur, le directeur général, un directeur général délégué, un membre du directoire ou du conseil de surveillance, un actionnaire disposant d'une fraction des droits de vote supérieure à 10 % est simultanément administrateur ou assure un rôle de mandataire social de ladite personne morale.

L'organe délibérant statue sur ce rapport.

Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions dans lesquelles le rapport est établi.

Une convention non approuvée produit néanmoins ses effets. Les conséquences préjudiciables à la personne morale résultant d'une telle convention peuvent être mises à la charge, individuellement ou solidairement selon le cas, de l'administrateur ou de la personne assurant le rôle de mandataire social.

Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux conventions courantes conclues à des conditions normales qui, en raison de leur objet ou de leurs implications financières, ne sont significatives pour aucune des parties.'

Force est de constater, en l'espèce, que s'il était administrateur d'AGIPI, parallèlement à ses fonctions salariées au sein de cette association, M. [M] n'en était pas le représentant légal.

Par ailleurs, alors que le coût des frais de déplacements pour motifs professionnels incombe à l'employeur, que l'association admet que M. [S] a été condamné par le tribunal correctionnel à lui rembourser 90% des frais d'avion et que M. [M] - qui n' a pas profité directement des fonds versés à ce titre - n' a pas été licencié pour faute lourde, seule sanction autorisant la mise en jeu de la responsabilité financière d'un salarié, la demande doit être rejetée.

Enfin, il en va de même en ce qui concerne le coût de la formation de pilotage et des frais fixes d'avion, facturés par des sociétés tierces, d'autant qu'il n'est pas démontré que ces frais aient été pris en charge par l'association AGIPI du fait d'interventions de la part de M. [M] en sa qualité de directeur, placé hiérarchiquement sous la présidence de M. [S].

Sur les intérêts:

Conformément aux dispositions des articles 1153, 1153-1 anciens, 1231-6 et 1231-7 du Code civil et R.1452-5 du code du travail, les intérêts au taux légal, avec capitalisation dans les conditions de l'article 1343-2 du Code civil, courent sur les créances de sommes d'argent dont le principe et le montant résultent du contrat ou de la loi ( indemnités compensatrices de congés payés, de préavis et de congés payés sur préavis, indemnité de licenciement) à compter de l'accusé de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes et sur les autres sommes à compter du présent arrêt.

Sur la remise de documents:

La remise d'une attestation Pôle Emploi, devenu France Travail, d'un certificat de travail et d'un bulletin de salaire rectificatif, conformes à la teneur du présent arrêt, s'impose sans qu'il y ait lieu de prévoir une astreinte, aucun élément laissant craindre une résistance de l'association AGIPI n'étant versé aux débats.

Sur le remboursement des indemnités de chômage:

Les dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail permettent, dans le cas d'espèce, le licenciement de M. [M] étant sans cause réelle et sérieuse, d'ordonner le remboursement par l'association AGIPI des indemnités de chômage éventuellement perçues par l'intéressé, dans la limite de six mois d'indemnités.

Le présent arrêt devra, pour assurer son effectivité, être porté à la connaissance de France Travail, conformément aux dispositions de l'article R.1235-2 alinéas 2 et 3 du code du travail.

Sur les dépens et les frais irrépétibles:

L'association AGIPI et la société AXA France, qui succombent, doivent être tenues aux dépens de première instance, par infirmation du jugement entrepris, et d'appel.

L'équité commande d'infirmer le jugement de première instance relativement aux frais irrépétibles, de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice du salarié également en cause d'appel et de lui allouer à ce titre la somme globale de 4 000 € à la charge de l'association AGIPI, dont les demandes à ce titre sont rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe à une date dont les parties ont été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

INFIRME le jugement déféré, sauf en ses dispositions relatives au licenciement notifié par la société AXA France, aux indemnités de rupture dans ce cadre, à la perte de chance de lever les stock options, aux préjudices moraux, à l'indemnité compensatrice de congés payés et à l'intéressement 2013 réclamés à l'AGIPI, au remboursement des primes d'intéressement 2007 à 2009, des frais de transport et de formation au pilotage, lesquelles sont confirmées,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

DIT le licenciement de M. [X] [M] par l'association AGIPI dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE l'association AGIPI à payer à M. [M] les sommes de :

- 25 090,08 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 2 509 € au titre des congés payés y afférents,

- 19 472,02 € à titre d'indemnité de licenciement,

- 51 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société AXA France à payer à M. [M] la somme de 14 323 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

DIT que les intérêts au taux légal, avec capitalisation dans les conditions de l'article 1343-2 du Code civil, sont dus à compter de l'accusé de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau d'orientation et de conciliation du conseil de prud'hommes pour les créances de sommes d'argent dont le principe et le montant résultent du contrat ou de la loi et à compter du présent arrêt pour le surplus,

ORDONNE la remise par l'association AGIPI à M. [M] d'une attestation France Travail, d'un certificat de travail et d'un bulletin de salaire récapitulatif conformes à la teneur du présent arrêt, au plus tard dans les deux mois suivant sa signification,

ORDONNE le remboursement par l'association AGIPI aux organismes sociaux concernés des indemnités de chômage éventuellement payées à M. [M] dans la limite de six mois,

ORDONNE l'envoi par le greffe d'une copie certifiée conforme du présent arrêt, par lettre simple, à la Direction Générale de France Travail,

REJETTE les autres demandes des parties,

CONDAMNE l'association AGIPI et la société AXA France , in solidum, aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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