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Décisions

CA Paris, Pôle 6 - ch. 12, 12 septembre 2025, n° 23/00311

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 23/00311

12 septembre 2025

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 12 Septembre 2025

(n° , 27 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 23/00311 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CG52U

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Novembre 2022 par le Pole social du TJ de [Localité 19] RG n° 20/00616

APPELANT

Monsieur [U] [K]

Elisant domicile au cabinet BORNHAUSER

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Marc BORNHAUSER, avocat au barreau de PARIS, toque : C1522 substitué par Me Sandra MOREIRA AFONSO, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

[Adresse 34]

[Adresse 18]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Mme [V] [P] en vertu d'un pouvoir spécial

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 19 Juin 2025, en audience publique et double rapporteur, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, présidente de chambre et Madame Sandrine BOURDIN, Conseillère, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée

de :

Madame Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, présidente de chambre

Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre,

Madame Sandrine BOURDIN, conseillère

Greffière : Madame Agnès IKLOUFI, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, présidente de chambre et Mme Agnès IKLOUFI, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par M. [U] [K] d'un jugement rendu le

24 novembre 2022, sous le RG 20/00616, par le tribunal judiciaire de Paris dans un litige l'opposant à l'[24].

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que par courrier du 26 novembre 2018, l'[Adresse 28] (L'URSSAF) a adressé à M. [U] [K] un appel de cotisation au titre de son assujettissement à la cotisation subsidiaire maladie ([11]) de l'année 2017, l'informant que selon les éléments transmis par l'administration fiscale, il était redevable de la somme de 20 838 euros calculée sur ses revenus du patrimoine 2017 et exigible au 28 décembre 2018.

M. [K] s'est acquitté de l'intégralité de la somme réclamée par chèque du

22 décembre 2018.

Par courrier, le 8 janvier 2019, M. [K] a saisi la commission de recours amiable de l'URSSAF d'une demande de dégrèvement en contestant le principe de son assujettissement.

Par courrier du 25 juin 2019 les services de l'URSSAF ont informé M. [K] d'une rectification du montant de la [11] réduit à 20 797 euros.

Le 29 juillet 2019, M. [K] a saisi la Commission de recours amiable de l'URSSAF (la [10]), laquelle, par décision du 18 décembre 2019, a rejeté sa demande de décharge de la [11].

Le 5 février 2020, M. [K] a saisi le Pôle social du Tribunal judiciaire de Paris, lequel, par jugement du 24 novembre 2022 a :

- déclaré M. [K] recevable mais mal fondé en son recours ;

- débouté M. [K] de l'intégralité de ses demandes ;

- déclaré régulier l'appel de [11] du 26 novembre 2018 ;

- validé l'appel de [11] du 26 novembre 2018 pour le montant rectifié de 20 797 euros ;

- condamné M. [K] aux dépens.

Pour juger ainsi le tribunal a :

- relevé, sur le moyen tiré de la violation de la date butoir et du délai d'exigibilité prévus à l'article R. 380-4 du code de la sécurité sociale, qu'en l'absence de sanction prévue par la loi et en l'absence de grief spécifique invoqué par le cotisant, il convenait de dire que l'appel de cotisation du 26 novembre 2018 n'était pas entaché d'irrégularité du seul fait de l'éventuel caractère tardif de sa réception par M. [K]; que, s'agissant de l'éventuelle violation du délai d'exigibilité de la cotisation, il relevait qu'aucun grief n'était invoqué par le cotisant, puisque d'une part l'URSSAF avait respecté le délai légal, fixant au 28 décembre 2018 la date d'exigibilité de la cotisation, soit plus de trente jours après la date de l'appel de cotisation du 26 novembre 2018, et que d'autre part le règlement effectué ne valait en aucun cas acquiescement à la cotisation;

- rejeté les moyens tirés de l'inconstitutionnalité de la cotisation subsidiaire maladie et de la violation des principes d'égalité devant les charges publiques et d'interdiction des discriminations, le tribunal les ayant considérés comme étant non fondés ;

- rejeté le moyen relatif à la compétence territoriale de l'URSSAF Centre -Val de [Localité 17], en retenant d'une part, que l'[30] avait délégué à l'[Adresse 28] le calcul, l'appel et le recouvrement des cotisations dues en application de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, par une convention de délégation ayant été approuvée par décision du directeur de l'ACOSS en date du

11 décembre 2017, qui avait fait l'objet d'une publication ; d'autre part, il relevait que les organismes territorialement compétents évoqués dans l'avis de la [9] du

26 octobre 2017 ne désignaient pas uniquement l'URSSAF du lieu du résidence du cotisant mais également les organismes territorialement compétents par voie de délégation, conformément à l'article L. 122-7 du code de la sécurité sociale ;

- a relevé, sur les moyens tirés la violation des principes réglementant la transmission et le traitement des données personnelles, qu'en premier lieu, l'appel de cotisation du

26 novembre 2018, qui répondait aux exigences du décret 2017-1530 du 3 novembre 2017, n'apparaissait pas entaché d'une quelconque irrégularité du fait de prétendus manquements aux exigences de la réglementation sur la transmission et le traitement des données personnelles ; qu'en second lieu, concernant l'obligation d'information spécifique aux intéressés du transfert de leurs données personnelles, obligation notamment prévue par l'article 32 de la loi informatique et liberté, les personnes identifiées par la direction générale finances publiques comme susceptibles d'être redevables de la cotisation subsidiaire maladie avaient été informées par courriers individuels, sous forme de lettres circulaires envoyées par l'URSSAF dans le courant du mois de novembre 2018, indiquant que " cette cotisation sera appelée au cours du quatrième trimestre 2018 sur la base des éléments transmis dans (la) déclaration fiscale au titre des revenus 2017 ", et que les termes de cette lettre-circulaire et sa réception n'étaient pas contestés par la partie demanderesse ; qu'en tout état de cause, qu'en dépit du caractère tardif de l'information spécifique de l'information spécifique, un éventuel manquement aux dispositions de la loi informatique et libertés ne saurait être sanctionné par la nullité de l'appel de cotisation litigieux, en l'absence de grief particulier invoqué par M. [K];

- a également rejeté le moyen tiré de la violation de l'article 4 de la Convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l'homme.

Le jugement lui ayant été notifié le 5 décembre 2022, M. [K] en a interjeté appel par courrier recommandé posté le 21 décembre 2022.

Les parties ont alors été convoquées à l'audience du conseiller rapporteur du

22 janvier 2025, à laquelle l'affaire a été renvoyée à l'audience du 16 juin 2025, date à laquelle, faute de conciliation possible, elles ont plaidé.

Par conclusions n°3 déposées et visées à l'audience du 19 juin 2025, M. [K] demande à la cour, de :

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris ;

- le décharger la somme de 20 797 euros due au titre de la [11] ;

A titre subsidiaire de :

- saisir la Cour de justice de l'Union européenne de la question préjudicielle suivante :

' Le règlement n° 2016/679 et le principe d'effectivité du droit de l'Union européenne doivent-ils être interprétés en ce sens que le juge national a l'obligation d'annuler un appel de cotisation établi sur la base de données traitées et transférées illégalement ''

En tout état de cause de :

- condamner l'[Adresse 28] à lui payer la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner l'[29] aux dépens.

Par conclusions déposées et visées à l'audience du 19 juin 2025, l'URSSAF [Adresse 6] demande à la cour de :

- confirmer le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Paris du

24 novembre 2022 en toutes ses dispositions,

- valider l'appel de [11] du 26 novembre 2018 pour le montant rectifié de 20 797 euros,

En tout état de cause,

- débouter M. [K] de toutes ses demandes,

- condamner M. [K] aux dépens.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, et en application du deuxième alinéa de l'article 446-2 et de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du 19 juin 2025 qu'elles ont respectivement soutenues oralement.

Après s'être assuré de l'effectivité d'un échange préalable des pièces et écritures, la cour a retenu l'affaire et mis son arrêt en délibéré au 12 septembre 2025.

SUR CE :

Sur la régularité de l'appel de cotisations au regard de la date butoir

Moyens des parties:

M. [K] allègue que conformément aux dispositions du I de l'article R. 380-2 du code de la sécurité sociale, la cotisation devait être appelée au plus tard le 30 novembre. Or, si l'appel de cotisation, qui lui a été adressé, est daté du 26 novembre 2018, il estime que cette date ne peut être retenue comme établissant que l'appel de cotisation a été émis avant la date limite prévue à l'article R. 380-4 du code de la sécurité sociale. Les appels de cotisation datés du 28 novembre 2019 (sic) n'ont été postés par l'URSSAF que le 2 décembre 2019 (sic). Ainsi, l'organisme ne rapporte pas la preuve que l'appel de cotisation a été envoyé avant le 30 novembre alors que le cotisant n'a reçu l'appel de cotisation qu'en décembre 2018. Il en ressort que l'appel de cotisation qui lui a été adressé au-delà de la date fixée par l'article R. 380-4 du code précité est nul.

M. [K] se prévaut des décisions rendues en ce sens par certaines juridictions du fond et en particulier d'un jugement du tribunal judiciaire de Lille du 14 mai 2019 (n°18/0818 et n°18/00817) ainsi que des conclusions de l'avocat général dans deux arrêts du 28 janvier 2021 (Civ 2è, 28 janvier 2021, n°19-22.255 et n°19-25.853). Il précise qu'en présence de telles solutions divergentes entre les juges du fond et la Cour de cassation, la saisine de l'Assemblée plénière lors de l'examen du nouveau pourvoi de l'URSSAF contre le jugement du tribunal judiciaire de Lille du 8 décembre 2021 mais que la Cour de cassation a injustement refuser de renvoyer l'affaire devant l'Assemblée plénière au motif que les moyens de cassation invoqués au soutien du pourvoi n'étaient pas les mêmes que ceux présentés à l'occasion du pourvoi ayant donné à l'arrêt du

28 janvier 2021.

L'URSSAF rappelle que l'article R. 380-4 du code de la sécurité sociale, qui prévoit un appel de cotisation « au plus tard le dernier jour ouvré du mois de novembre de l'année suivant celle au titre de laquelle elle est due », n'est assorti d'aucune sanction. En l'absence de forclusion ou de péremption prévue pour sanctionner un appel tardif, l'URSSAF demeure en droit d'appeler et de recouvrer la [11] y compris lorsqu'elle procède à cet appel au-delà de la date butoir. Ainsi, il ne saurait être considéré que l'appel de cotisation du 26 novembre 2018 ayant été reçu postérieurement au

30 novembre 2018, l'[Adresse 28] était définitivement déchue de son droit d'appeler et de recouvrer cette cotisation. Selon l'URSSAF, cette interprétation du texte viendrait ajouter une condition sans fondement juridique. A cet effet, l'URSSAF rappelle le principe en vertu duquel nulle sanction ne peut être prononcée sans texte.

Elle souligne que l'appel à cotisations ne constitue pas un acte administratif faisant grief à l'usager et qu'il ne peut donc être annulé. De plus, s'appuyant sur les deux arrêts de principe de la Cour de cassation en date du 28 janvier 2021, confirmé dans un arrêt du 25 avril 2024, elle indique que le dépassement du délai a pour seul effet de repousser le point de départ du délai d'exigibilité de 30 jours.

Réponse de la cour :

L'alinéa 1er de l'article R. 380-4 du code de la sécurité sociale dispose :

La cotisation mentionnée à l'article L. 380-2 est appelée au plus tard le dernier jour ouvré du mois de novembre de l'année suivant celle au titre de laquelle elle est due. Elle est exigible dans les trente jours suivant la date à laquelle elle est appelée.

L'article L. 244-3 du code de la sécurité sociale dispose que :

Les cotisations et contributions sociales se prescrivent par trois ans à compter de la fin de l'année civile au titre de laquelle elles sont dues. Pour les cotisations et contributions sociales dont sont redevables les travailleurs indépendants, cette durée s'apprécie à compter du 30 juin de l'année qui suit l'année au titre de laquelle elles sont dues.

L'article L. 244-8-1 du code de la sécurité sociale dispose que :

Le délai de prescription de l'action civile en recouvrement des cotisations ou des majorations de retard, intentée indépendamment ou après extinction de l'action publique, est de trois ans à compter de l'expiration du délai imparti par les avertissements ou mises en demeure prévus aux articles L. 244-2 et L. 244-3.

Le non-respect par l'organisme de recouvrement de la date limite mentionnée par l'article R. 380-4 a pour seul effet de reporter le délai au terme duquel la cotisation devient exigible (2e Civ., 28 janvier 2021, pourvoi n° 19-22.255 ; 2e Civ., 6 janvier 2022, pourvoi n° 20-16.379 ; 2è Civ., 25 avril 2024 pourvoi n°22-13.481), étant rappelé qu'aucune sanction de nullité n'est prévue en cas de non-respect du délai. Dès lors, le dépassement du délai prévu entraîne uniquement le report de l'exigibilité et du point de départ de calcul des majorations de retard.

En l'espèce, l'appel de cotisation litigieux est daté du 26 novembre 2018 sans qu'il ne soit justifié de sa date d'envoi effectif.

La seule tardiveté de l'appel de cotisation n'est pas de nature à en justifier son annulation. Le report de l'exigibilité de la cotisation ne fait pas grief au cotisant. En effet, il convient de distinguer, d'une part, la prescription de la dette et d'autre part, la prescription de l'action en recouvrement. En application de l'article L. 244-3 du code de la sécurité sociale, quelle que soit la date de l'appel à cotisation, la dette de cotisation de M. [K] se prescrit par trois ans à compter de la fin de l'année civile au titre de laquelle elle est due. Un décalage de l'appel à cotisation sera donc sans effet sur le cours de la prescription de la dette, qui commence toujours à courir le 31 décembre de l'année au titre de laquelle elle est due.

En revanche, le report de l'exigibilité influe sur la prescription de l'action en recouvrement qui ne pourra courir qu'à compter de la délivrance de la mise en demeure ; un décalage de l'appel à cotisation retardera donc le point de départ de la prescription de l'action en recouvrement, qui est sans autre effet sur le cotisant que d'allonger le délai de paiement, étant précisé que si l'appel à cotisation intervient après le délai triennal de prescription de la dette, l'[27] ne pourra plus réclamer aucune somme.

En conséquence le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [K] de sa demande d'annulation de l'appel de [11] du fait de son caractère prétendument tardif.

Sur le caractère excessif de l'appel à cotisation au regard de la réserve d'interprétation émise par le Conseil constitutionnel le 27 septembre 2018 et de la méconnaissance du principe de non-discrimination

Moyens des parties :

M. [K] fait valoir que les modalités de calcul de la [11] 2017, en application des articles D. 380-1 et D.380-2 du code de la sécurité sociale dans leur version en vigueur au 15 décembre 2017 ont eu pour effet de l'assujettir à une cotisation de 20 797 euros alors que s'il avait perçu 3 923 euros de revenus d'activité soit 327 euros par mois, il aurait été assujetti à des cotisations sociales se limitant à celles prélevées sur ses revenus d'activités comprises entre 500 euros et 1 000 euros. Dans ce cadre, la différence de traitement résultant de la simple perception ou non de 3 923 euros de revenus d'activité apparaît excessive et a amené les cotisants à engager un recours devant le Conseil constitutionnel. Il précise également qu'outre la question relative à la constitutionnalité de la cotisation, ces modalités de calculs interrogent sur leur conformité à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale.

Il soutient dès lors, en premier lieu, que la cotisation a été établie sur le fondement de textes réglementaires incomplets contraires à la réserve d'interprétation émise par le Conseil constitutionnel le 27 septembre 2018. Le cotisant expose que les textes d'origine de la [11], qui lui ont été appliqués, ont fixé un taux élevé de cotisation et ont omis son plafonnement. Il en résulte que la [11] peut atteindre des montants « stratosphériques (sic) », sans rapport aucun avec le bénéfice supposé d'un accès à une couverture sociale collective. Les juges ont alors reconnu que cette situation était constitutive d'une rupture d'égalité devant les charges publiques et le Conseil d'Etat a saisi le Conseil constitutionnel d'une question prioritaire de constitutionnalité visant l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale. Il estime que le Conseil constitutionnel a sanctionné cette irrégularité dans sa décision du 27 septembre 2018 mais qu'il a, pour une raison technique liée aux limites de sa compétence, refusé de censurer la disposition légale de la [11]. En effet, celle-ci étant une cotisation sociale et non un impôt, c'est le règlement et non la loi qui doit en déterminer les modalités. Or, le contrôle de la conformité du Conseil constitutionnel s'arrête au domaine de la loi. Toutefois, le Conseil a exprimé une réserve d'interprétation à l'attention du pouvoir réglementaire afin qu'il fixe le taux et les modalités de cette cotisation de telle sorte qu'elle n'entraine pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. M. [K] expose que cette décision du Conseil constitutionnel prend un effet immédiatement et vise donc les articles D. 380-1 et D.380-2 du code de la sécurité sociale dans leur version en vigueur au jour de la décision, qui doivent dès lors être considérées comme dépourvues de tout effet juridique. Il souligne d'ailleurs que la décision du Conseil constitutionnel est rédigée au présent de l'indicatif, et non au futur comme lorsque les réserves d'interprétation visent les textes réglementaires à venir.

M. [K] expose qu'à la suite de la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel, le pouvoir exécutif, après avoir exposé dans la discussion parlementaire les défauts de conception de la [11], notamment au regard des effets de seuils et de l'absence de plafonnement, a proposé une modification de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, dans le PLFSS 2019, pour remédier aux difficultés pointées dans la réserve d'interprétation. Il souligne toutefois que malgré les mises en garde, l'application de cette modification du texte a été différée jusqu'aux cotisations dues pour l'année 2019.

Le cotisant fait valoir que, dans sa décision du 10 juillet 2019, le Conseil d'Etat n'a pu appliquer la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel, pour des raisons liées à son office de juge saisi d'un recours pour excès de pouvoir. Il ne pouvait dans ce cadre étudier le moyen dit d'incompétence négative, c'est-à-dire la lacune du texte quant à l'absence de plafonnement. Les dispositions réglementaires existantes qui lui étaient soumises n'étaient pas contraires à la Constitution. Dans ce cadre, il estime qu'il appartient au juge judiciaire de faire respecter la réserve d'interprétation.

En effet, il rappelle que, par application de l'article 62 de la Constitution, la réserve d'interprétation doit s'appliquer erga omnes, avec une autorité équivalente à une loi. La réserve étant directive, elle a une valeur juridique équivalente à la loi et paralyse l'exécution de des articles D. 380-1 et D. 380-2 du code de la sécurité sociale dans la rédaction qui lui est antérieure aussi longtemps que les pouvoirs publics n'adoptent pas les mesures correctives nécessaires en matière réglementaire pour s'y conformer.

M. [K] estime ainsi que le juge judiciaire est compétent pour appliquer l'article 62 de la Constitution et donner plein effet à la décision du Conseil constitutionnel du

27 septembre 2018 ainsi qu'il résulte de l'arrêt du tribunal des conflits SCEA du Chéneau du 17 octobre 2011, dès lors que le pouvoir réglementaire n'a pas adopté les mesures requises par le Conseil constitutionnel.

Le cotisant oppose à l'argumentation de l'URSSAF que les réserves d'interprétation du Conseil constitutionnel ont un effet rétroactif et qu'elles s'appliquent dès la date d'entrée en vigueur du texte qui en est frappé.

M. [K] soutient, en second lieu, que la [11] mise à sa charge porte une atteinte disproportionnée au principe de non-discrimination protégé par les articles 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du premier protocole additionnel à cette convention qui prohibent les discriminations et les ingérences injustifiées concernant le droit de propriété. Il précise qu'au cas d'espèce, l'effet de seuil des modalités de calcul de la [11] ont pour effet de l'assujettir à une cotisation plus de 20 fois supérieure à celle à laquelle elle aurait été assujettie s'il avait perçu 3 923 euros de revenus d'activité. Il souligne alors que si l'instauration de la [11] poursuit un but légitime, les moyens mis en 'uvre sont en revanche disproportionnés dès lors qu'ils créent des effets de seuil excessifs. Ainsi, à patrimoine égal, la différence de situation entre deux cotisants qui disposent de revenus exceptionnels similaires mais de revenus professionnels légèrement différents peut être disproportionnée. Or, une telle différence de traitement n'est ni justifiée par la différence entre ces deux situations, ni par un motif d'intérêt général.

L'URSSAF rappelle tout d'abord que la décision du Conseil constitutionnel du

27 septembre 2018 a validé la conformité à la Constitution de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige. Elle indique ensuite que la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel ne peut conduire à écarter purement et simplement l'application des articles D. 380-1 et D. 380-2 du code de la sécurité sociale. L'URSSAF précise alors que la réserve d'interprétation est "directive" c'est-à-dire qu'elle dont l'interprétation à retenir et comporte une prescription à l'égard du pouvoir réglementaire chargé de l'application de la loi. Par conséquent, la réserve d'interprétation ne permet pas de considérer que le Conseil constitutionnel a entendu déclarer rétroactivement non conformes à la Constitution les dispositions réglementaires régissant la [11] 2017. L'URSSAF explique que ladite réserve d'interprétation s'adresse exclusivement aux autorités de l'Etat chargées de l'application de la loi et ne peut être invoquée par les justiciables à l'appui de contestations d'appel de [11], cette décision du 27 septembre 2018 ne valant que pour l'avenir. Enfin, il est impropre de considérer que les modifications des articles susvisés par la [16] 2019 auraient été prises uniquement en application de la réserve d'interprétation formulée par le Conseil constitutionnel et qu'elles doivent s'appliquer rétroactivement. L'URSSAF rappelle que le législateur a précisément entendu faire application de ces dispositions à compter du 1er janvier 2019.

Sur la méconnaissance du principe de non-discrimination garanti par les articles 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du premier protocole additionnel à cette convention, l'URSSAF rappelle que le Conseil d'Etat a rappelé qu'une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables. Or tel n'est pas le cas de l'appel à [11], notamment parce que l'objectif poursuivi est de permettre le financement de la couverture sociale de cette catégorie d'assurés particulièrement démunie, par mécanisme de solidarité et de redistribution entre les personnes disposant des revenus du patrimoine suffisants et celles qui disposent de revenus d'activités faibles ou inexistants. L'organisme ajoute que M. [K] rempli bien les conditions d'assujettissement à cette [11], au titre de l'année 2017 et qu'il ne saurait se prévaloir de la perception hypothétique d'une somme pour se voir exonérer.

Réponse de la cour :

L'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, dispose :

Les personnes mentionnées à l'article L. 160-1 sont redevables d'une cotisation annuelle lorsqu'elles remplissent les conditions suivantes :

1° Leurs revenus tirés, au cours de l'année considérée, d'activités professionnelles exercées en France sont inférieurs à un seuil fixé par décret. En outre, lorsqu'elles sont mariées ou liées à un partenaire par un pacte civil de solidarité, les revenus tirés d'activités professionnelles exercées en France de l'autre membre du couple sont également inférieurs à ce seuil ;

2° Elles n'ont perçu ni pension de retraite, ni rente, ni aucun montant d'allocation de chômage au cours de l'année considérée. Il en est de même, lorsqu'elles sont mariées ou liées à un partenaire par un pacte civil de solidarité, pour l'autre membre du couple.

Cette cotisation est fixée en pourcentage du montant des revenus fonciers, de capitaux mobiliers, des plus-values de cession à titre onéreux de biens ou de droits de toute nature, des bénéfices industriels et commerciaux non professionnels et des bénéfices des professions non commerciales non professionnels, définis selon les modalités fixées au IV de l'article 1417 du code général des impôts, qui dépasse un plafond fixé par décret. Servent également au calcul de l'assiette de la cotisation, lorsqu'ils ne sont pas pris en compte en application du IV de l'article 1417 du code général des impôts, l'ensemble des moyens d'existence et des éléments de train de vie, notamment les avantages en nature et les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers, dont le bénéficiaire de la couverture maladie universelle a disposé, en quelque lieu que ce soit, en France ou à l'étranger, et à quelque titre que ce soit. Ces éléments de train de vie font l'objet d'une évaluation dont les modalités sont fixées par décret en Conseil d'Etat. Un décret détermine le taux et les modalités de calcul de cette cotisation ainsi que les obligations déclaratives incombant aux assujettis.

Lorsque les revenus d'activité mentionnés au 1° sont inférieurs au seuil défini au même 1° mais supérieurs à la moitié de ce seuil, l'assiette de la cotisation fait l'objet d'un abattement dans des conditions fixées par décret. Cet abattement croît à proportion des revenus d'activité, pour atteindre 100% à hauteur du seuil défini audit 1°.

La cotisation est recouvrée l'année qui suit l'année considérée, mentionnée aux 1° et 2° du présent article, selon les dispositions des sections 2 à 4 du chapitre III et du chapitre IV du titre IV du livre II du présent code, sous réserve des adaptations prévues par décret du Conseil d'Etat. (')

L'article D. 380-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable, prévoit :

I.-Le montant de la cotisation mentionné à l'article L. 380-2 due par les assurés dont les revenus tirés d'activités professionnelles sont inférieurs à un seuil fixé à 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale est déterminé selon les formules suivantes :

1° Si les revenus tirés d'activités professionnelles sont inférieurs à 5 % du plafond annuel de la sécurité sociale :

Montant de la cotisation = 8 % × (A-D)

Où :

A est l'assiette des revenus définie au quatrième alinéa de l'article L. 380-2 ;

D, qui correspond au plafond mentionné au quatrième alinéa du même article, est égal à 25% du plafond annuel de la sécurité sociale ;

2° Si les revenus tirés d'activités professionnelles sont compris entre 5% et 10% du plafond annuel de la sécurité sociale :

Montant de la cotisation = 8 % × (A-D) × 2 × (1-R/ S)

Où :

R est le montant des revenus tirés d'activités professionnelles ;

S, qui correspond au seuil des revenus tirés d'activités professionnelles mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 380-2, est égal à 10% du plafond annuel de la sécurité sociale.

II.-Lorsque le redevable de cette cotisation ne remplit les conditions mentionnées à l'article L. 160-1 que pour une partie de l'année civile, le montant de la cotisation due est calculé au prorata de cette partie de l'année.

III.- Si, au titre d'une période donnée, l'assuré est redevable de la cotisation prévue à l'article L. 380-3-1, il ne peut être redevable de la cotisation prévue à l'article L. 380-2 pour la même période. Le montant de celle-ci est alors calculé dans les conditions prévues au II.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision QPC n° 2018-735 du 27 septembre 2018, a déclaré l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale instituant la cotisation subsidiaire maladie conforme à la Constitution, sous la réserve d'interprétation énoncée au paragraphe 19, à savoir « la seule absence de plafonnement d'une cotisation dont les modalités de détermination de l'assiette ainsi que le taux sont fixés par voie réglementaire n'est pas, en elle-même, constitutive d'une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Toutefois, il appartient au pouvoir réglementaire de fixer ce taux et ces modalités de façon à ce que la cotisation n'entraîne pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. » Le Conseil constitutionnel a donc validé l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à l'espèce, et, partant, a validé l'existence d'un seuil d'assujettissement.

L'article D. 380-1 du code de la sécurité sociale fait partie des dispositions réglementaires prises en application de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale et visées par la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel.

Saisi d'un recours pour excès de pouvoir de la décision par laquelle le Premier ministre a implicitement rejeté la demande d'un requérant tendant à l'adoption de nouvelles mesures réglementaires d'application de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale pour les cotisations dues sur les revenus antérieurs au 1er janvier 2019, à la suite de la décision du Conseil constitutionnel n° 2018-735 QPC du 27 septembre 2018, le Conseil d'Etat a statué sur la constitutionnalité des dispositions réglementaires prises en application de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, telles que rédigées à la suite du décret du 19 juillet 2016, dans un arrêt de la première chambre du 29 juillet 2020 (CE, 29 juillet 2020, n° 430326). Il a ainsi décidé « qu'en fixant, dans le cadre déterminé par les dispositions de l'article L. 380-2 précité, le seuil de revenus professionnels prévu au deuxième alinéa de cet article, en deçà duquel la cotisation est due, à 10% du plafond annuel de la sécurité sociale, soit 3 922,80 euros en 2017, le montant des revenus du patrimoine mentionné au quatrième alinéa du même article, au-delà duquel s'applique le prélèvement, à 25% de ce même plafond, soit 9 807 euros en 2017, et le taux de la cotisation en cause à 8%, le pouvoir réglementaire a défini les modalités de calcul de cette cotisation dans des conditions qui n'entraînent pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Il s'en suit que l'article D. 380-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret du 19 juillet 2016 précité, ne méconnaît pas le principe d'égalité devant les charges publiques garanti par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'Homme et des citoyens de 1789, pas plus que les dispositions de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale telles qu'interprétées par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2018-735 QPC du 27 septembre 2018, qui, contrairement à ce qui est soutenu, n'impliquait pas l'adoption de mesures réglementaires pour le passé. »

En outre, la Cour de cassation a déduit de ces deux décisions que ne soulève pas de difficulté sérieuse de légalité la circonstance que l'article 3 du décret n°2019-349 du

23 avril 2019 selon lequel l'article D. 380-1, dans sa rédaction issue de ce texte, s'applique aux cotisations dues au titre des périodes courant à compter du 1er janvier 2019, dès lors que les modalités de calcul de la cotisation litigieuse ont été antérieurement définies pour le pouvoir réglementaire dans des conditions qui n'entrainent pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ( 2e Civ., 27 février 2025, pourvoi n° 22-24.094).

Il résulte de cet arrêt que M. [K] n'est pas fondé à soutenir que le pouvoir réglementaire était tenu de modifier les mesures réglementaires d'application des dispositions de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale relatives à la cotisation subsidiaire maladie pour les périodes d'assujettissement antérieures au 1er janvier 2019. L'article D. 380-1 du code de la sécurité sociale, tel que rédigé pour l'appel de la [11] 2016, est donc conforme à la Constitution.

Par ailleurs, en vertu du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires posé par l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et par le décret du 16 fructidor an III, sous réserve des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire et sauf dispositions législatives contraires, il n'appartient qu'à la juridiction administrative de connaître des recours tendant à l'annulation ou à la réformation des décisions prises par l'administration dans l'exercice de ses prérogatives de puissance publique. De même, le juge administratif est en principe seul compétent pour statuer, le cas échéant par voie de question préjudicielle, sur toute contestation de la légalité de telles décisions, soulevée à l'occasion d'un litige relevant à titre principal de l'autorité judiciaire (CE, 16 juin 1923, [N] c/ [7], n° 00732). Toutefois, ces principes doivent être conciliés tant avec l'exigence de bonne administration de la justice qu'avec les principes généraux qui gouvernent le fonctionnement des juridictions, en vertu desquels tout justiciable a droit à ce que sa demande soit jugée dans un délai raisonnable. Il suit de là que si, en cas de contestation sérieuse portant sur la légalité d'un acte administratif, les tribunaux de l'ordre judiciaire statuant en matière civile doivent surseoir à statuer jusqu'à ce que la question préjudicielle de la légalité de cet acte soit tranchée par la juridiction administrative, il en va autrement lorsqu'il apparaît manifestement, au vu d'une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie par le juge saisi au principal (Tribunal des conflits, 17/10/2011, SCEA du Cheneau et autres c/ [15], C3828).

Ainsi, contrairement à ce que soutient M. [K], le juge judiciaire ne peut statuer sur la légalité de dispositions réglementaires que si leur illégalité est manifeste, au vu d'une jurisprudence établie. Or, ainsi qu'il vient d'être rappelé ci-dessus, la légalité des articles D. 380-1 et D. 380-2 du code de la sécurité sociale, dans leur version applicable au litige, n'a pas été remise en cause par le Conseil d'Etat dans sa décision susvisée du

29 juillet 2020. Les conditions pour permettre au juge judiciaire d'apprécier la légalité des articles D. 380-1 et D. 380-2 du code de la sécurité sociale ne sont donc pas réunies.

Dès lors, dans les litiges relatifs à la [11] pour la période antérieure au 1er janvier 2019, le juge judiciaire ne peut, sans enfreindre la dualité des ordres de juridictions, écarter de lui-même, directement dans un jugement, les articles D. 380-1 et D. 380-2 du code de la sécurité sociale, dans leur version applicable.

Par ailleurs, l'article 12 II de la loi 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019, qui introduit une modification de l'article L.380-2 du code de la sécurité sociale, dispose :

« II.-Le présent article s'applique aux cotisations dues au titre des périodes courant à compter du 1er janvier 2019. »

Les nouvelles modalités de calcul issues de la [16] 2019 ne s'appliquent donc qu'aux cotisations dues au titre des années 2019 et suivantes. Le législateur n'a prévu aucune rétroactivité. Il n'y a donc pas lieu d'en faire application pour la [11] 2017 objet du présent litige.

En conséquence, l'appel à cotisations délivré par l'[Adresse 28] à

M. [K] sera déclaré régulier au regard de la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel en date du 27 septembre 2018.

Sur la régularité de l'appel à cotisations au regard du principe de non-discrimination protégé par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme :

Réponse de la cour :

L'article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme stipule :

« La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance a une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »

L'article1er du Premier Protocole à cette Convention stipule :

« 1. Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être prive de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; 2. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément a l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ».

M. [K] conteste ici la conventionnalité des modalités de calcul de la [11] au motif que leur application à son cas particulier est disproportionnée par rapport au but recherché. Il demande donc à la cour de contrôler la conventionnalité du calcul de la cotisation dans son cas particulier.

Les juridictions ordinaires ont la possibilité d'effectuer ce contrôle de conventionnalité, non pas en appréciant la légalité des dispositions réglementaires, mais en les écartant dans un cas particulier, dans l'hypothèse où elle se révélerait contraire aux principes supérieurs du corpus juridique européen (Cass., Com., 6 mai 1996, pourvoi n° 94-13.347, et Tribunal des conflits, 17/10/2011, SCEA [14] et autres c/ [15], C3828). Dans ce cadre, une mesure prise en application d'une loi dont la conformité aux dispositions constitutionnelles protectrices des droits fondamentaux est établie peut néanmoins être jugée incompatible avec ces mêmes droits tels qu'ils se trouvent garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme à raison par exemple de son caractère disproportionné dans les circonstances de la cause (CEDH,

16 janvier 2018, n° 22612/15, [T] et autres c./ France, paragraphe 28). Il convient donc d'apprécier si, dans le cas de M. [K], l'assujettissement à la [11] est conforme aux principes fondamentaux de non-discrimination et de droit de propriété.

Une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens des stipulations susvisées de la Convention européenne des droits de l'Homme, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi.

Les dispositions de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale créent une différence de traitement entre les assurés sociaux redevables de cotisations sociales sur leurs seuls revenus professionnels et ceux qui, dès lors que leur revenu d'activité professionnelle est inférieur au seuil fixé par le pouvoir réglementaire en application du 1° de l'article D. 380-1 susvisé et qu'ils n'ont perçu aucun revenu de remplacement, sont redevables d'une cotisation assise sur l'ensemble de leurs revenus du patrimoine.

Toutefois, ces dispositions visent à faire contribuer à la prise en charge des frais de santé les personnes qui, tout en bénéficiant de revenus du patrimoine supérieurs à un certain niveau, ne perçoivent pas de revenus professionnels ou perçoivent des revenus professionnels insuffisants pour que les cotisations assises sur ces revenus constituent une participation effective à cette prise en charge.

En créant une différence de traitement entre les cotisants pour la détermination des modalités de leur participation au financement de l'assurance maladie selon le montant de leurs revenus professionnels, les textes du code de la sécurité sociale précités poursuivent un but légitime, en ce qu'ils contribuent à l'exigence de valeur constitutionnelle qui s'attache à l'équilibre financier de la sécurité sociale par une répartition équitable entre les assurés sociaux de la charge de financement du régime général d'assurance maladie. (Cass. Civ 2ème, 27 février 2025, pourvoi 22-21.800).

Il ressort des articles L. 380-2 et D. 380-1 précités que le taux de la cotisation subsidiaire maladie est fixé à 8 % des revenus du patrimoine mentionnés par le premier, que l'assiette de la cotisation fait l'objet d'un abattement croissant à proportion des revenus d'activité et que la cotisation n'est assise que sur la fraction des revenus du patrimoine dépassant un plafond fixé à 25 % du plafond annuel de la sécurité sociale. Ainsi, la différence de traitement entre les assurés sociaux, exposée ci-dessus, inhérente à l'existence d'un seuil validée par la décision du conseil constitutionnel QPC 2018-735 susvisée, se trouve atténuée par ces mécanismes d'abattement d'assiette et de limitation de l'assiette aux revenus du patrimoine dépassant ce plafond.

En outre, la cotisation constitue, pour les personnes qui en sont redevables, des versements à caractère obligatoire constituant la contrepartie légale du bénéfice des prestations en nature qui leur sont servies conformément à l'article L. 160-1 du code de la sécurité sociale.

Dès lors, les articles L. 380-2 et D. 380-1 précités ménagent un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé, sans que l'absence de plafonnement du montant de la cotisation soit de nature à entraîner une atteinte disproportionnée à la situation financière du cotisant. Il en résulte que les dispositions de ces textes sont compatibles avec les stipulations de l'article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, combiné avec l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à cette Convention, (Cass., Civ 2e, 27 février 2025, pourvoi n° 22-21.800), de sorte que M. [K], qui soutient le contraire, n'est pas fondée.

Par ailleurs, M. [K] ne démontre pas, de façon chiffrée, dans ses conclusions, que sa participation au financement de l'assurance maladie est disproportionnée par rapport à celle fournie par un assuré qui aurait des revenus d'un montant comparable aux siens, mais provenant d'une activité professionnelle plutôt que de son patrimoine. Il ne justifie donc pas, dans ce cas, d'une différence de traitement pour deux personnes dans des situations comparables.

M. [K] se contente d'évoquer la situation de deux personnes ayant des revenus du patrimoine comparables, mais avec des revenus d'activité professionnelle différents, les revenus de la première étant inférieurs au seuil et les revenus de la seconde étant supérieurs au seuil. Il précise que la cotisation due par la première serait alors vingt fois supérieure à celle due par la seconde. Il sera observé que M. [K] expose des considérations générales sans faire de démonstration chiffrée précise. De plus, la différence évoquée, selon que le revenu d'activité professionnelle est inférieur ou supérieur au seuil prévu par le 1° de l'article L. 380-2, est inhérente à l'existence d'un seuil ' qui n'est pas, en lui-même inconstitutionnel ainsi qu'il a été rappelé plus haut ' et se trouve atténuée par le mécanisme d'abattement d'assiette prévu au cinquième alinéa de cet article, de même que par les dispositions prévoyant que la cotisation n'est assise que sur la fraction des revenus du patrimoine dépassant un plafond fixé par décret. Dans ces conditions, la différence évoquée par M. [K], en ce qu'elle repose sur un montant de revenus d'activité différent et en ce qu'elle a été atténuée par un mécanisme d'abattement, n'a pas de conséquences disproportionnées, ni en termes d'égalité de traitement, ni en termes d'atteinte au droit de propriété.

Le moyen tiré de la violation des principes fondamentaux européens sera en conséquence rejeté.

Sur la régularité de l'appel de cotisation au regard du principe d'égalité affirmé par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789

Moyens des parties :

M. [K] rappelle que conformément à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789, la loi doit être la même pour tous, ce qui, selon lui, n'a pas été observé par les dispositions régissant la [11]. Le cotisant soutient que le taux de 8% continue d'être appliqué au titre des années 2016, 2017 et 2018 en méconnaissance de la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel. Par ailleurs, il fait valoir que les assujettis à la [11] au titre de l'année 2019 seront soumis à un taux de 6,5% et auront droit à un plafonnement fixé à 20 000 euros de cotisation et qu'ils bénéficieront de la réserve d'interprétation. Dès lors, M. [K] note que, s'il est toujours loisible au pouvoir réglementaire d'établir des distinctions entre cotisants sociaux et de changer une contribution d'un exercice à l'autre, il doit fonder son appréciation sur des critères rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Or, selon le cotisant, le but de la [16] 2019 et de son décret d'application du 23 avril 2019 était de modifier le régime de la cotisation pour le mettre en conformité avec la décision du Conseil constitutionnel du

27 septembre 2018, sans qu'aucun autre but ne soit exprimé.

L'URSSAF oppose que l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale conduit à assujettir à la [11] les personnes n'ayant pas ou peu contribué au titre d'une activité professionnelle, à savoir pour les cotisations 2016, 2017 et 2018 un seuil de 10% du PASS. Ainsi, pour l'URSSAF l'existence d'un effet de seuil découle directement du texte de loi qui a été déclaré conforme à la Constitution par décision QPC n°2018-735 du 27 septembre 2018 du Conseil constitutionnel. Le Conseil a alors estimé que l'existence d'un seuil d'assujettissement ne méconnaissait pas le principe d'égalité devant les charges publiques. Sur la violation du principe d'égalité prévu à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme alléguée par le cotisant, l'URSSAF expose qu'au paragraphe 19 de sa décision n°2018-735 QPC du 27 septembre 2018, le Conseil constitutionnel a décidé que l'absence de plafonnement de la [11] n'était pas, en elle-même, constitutive d'une rupture caractérisée d'égalité devant les charges publiques et a validé la conformité de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale malgré l'absence de plafonnement. Par ailleurs, l'URSSAF fait valoir que le taux de la [11] qui est fixé à 8% n'a rien de disproportionné ni d'exceptionnel par rapport aux autres cotisations d'assurance maladie. Elle précise qu'une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi. Or, l'URSSAF mentionne une décision du Conseil d'Etat du

24 juin 2019 qui a relevé, au sujet de l'article L.380-2 du code de la sécurité sociale, que « le législateur, en créant une distinction entre les personnes pour la détermination des modalités de leur participation au financement de l'assurance maladie selon le montant de leurs revenus professionnels, a fondé son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts qu'il se proposait ». Dans ces conditions, l'URSSAF fait valoir que la [11], qui s'applique de façon proportionnelle aux revenus du capital sur lesquels elle est assise, ne saurait être contestée au motif qu'elle porterait atteinte au principe d'égalité.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen

La loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents.

Il résulte de ce qui a été dit précédemment concernant la constitutionnalité et la conventionnalité du dispositif légal et réglementaire régissant la [11] 2017, que la différence de traitement, selon que le revenu d'activité professionnelle est inférieur ou supérieur au seuil prévu par le 1° de l'article L. 380-2, est inhérente à l'existence d'un seuil ' qui n'est pas, en lui-même inconstitutionnel' et se trouve atténuée par le mécanisme d'abattement d'assiette prévu au cinquième alinéa de cet article, de même que par les dispositions prévoyant que la cotisation n'est assise que sur la fraction des revenus du patrimoine dépassant un plafond fixé par décret. Dans ces conditions, la différence évoquée par M. [K] n'a pas de conséquences disproportionnées, ni en termes d'égalité de traitement, ni en termes d'atteinte au droit de propriété et elle n'est pas non plus contraire au principe d'égalité devant les charges publiques prévu à l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

En outre, même si ultérieurement l'article L. 380-2 précité a été complété par un mécanisme de plafonnement de l'assiette de la cotisation par l'article 12 de la loi du

22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019, M. [K] n'est pas fondé à prétendre que l'article D. 380-1 du code de la sécurité sociale instituerait une rupture d'égalité de traitement prohibée.

Le moyen tiré de la violation de l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen sera en conséquence rejeté. Le jugement est confirmé sur ce point.

Sur la régularité de l'appel à cotisations au regard de la réglementation en matière de protection des données personnelles

Moyens des parties

M. [K] soutient que l'[Adresse 28] a méconnu les règles de droit européen et de droit interne en matière de protection des données personnelles des individus.

En premier lieu, le cotisant fait valoir que l'information préalable des personnes concernées par le traitement en vertu de l'article 32 de la loi informatique et libertés ainsi que des articles 10 et 11 de la directive 95/45/CE, repris à l'article 14 du RGPD, n'a pas été respecté, alors même que ce principe a été rappelé par la [8] dans son arrêt C201/14 du 1er octobre 2015. Elle rappelle que dans le cadre de la [11], les données, collectées par l'administration fiscale auprès des cotisants, sont ensuite communiquées par l'administration fiscale à l'ACOSS. Cette situation est couverte par l'article 14 du RGPD et le III de l'article 32 de la loi informatique et libertés, qui prévoient une information du cotisant au plus tard lors de la communication des données. Or, le cotisant fait valoir que ni l'administration fiscale ni l'URSSAF ne l'ont informé de la mise en 'uvre de ces traitements et de leur finalité. Au surplus, contrairement à ce que soutient l'URSSAF, la publication au Journal Officiel du décret ayant autorisé le traitement des données à caractère personnel ne saurait constituer une information préalable des personnes concernées au sens du [20] et de la loi informatique et liberté. En effet, les personnes concernées par le traitement n'étant pas identifiées dans le décret, la seule publication de ce dernier ne permet pas aux personnes entrant dans le champ d'application du traitement d'être informées qu'elles sont concernées par le traitement. Par conséquent, le cotisant considère que la méconnaissance d'une des garanties visant à protéger à l'information concernant les deux traitements dont les données des cotisants ont fait l'objet, constitue en soi un grief constituant l'illégalité des traitements et la nullité des actes subséquents.

En outre, M. [K] s'oppose à l'argumentation de l'URSSAF, qui invoque plusieurs exceptions prévues à l'article 14 du [20] afin de justifier l'absence d'obligation d'information personnelle à réaliser auprès des cotisants après avoir collecté leurs données personnelles. Il expose qu'il résulte de la lecture de cet article 14 que l'exception prévue est applicable uniquement lorsque les mesures prévues constituent « des mesures appropriées visant à protéger les intérêts légitimes de la personne concernée ». Ainsi, les mesures de droit interne doivent garantir aux personnes concernées un niveau de protection au moins égal à la protection accordée par l'obligation d'information prévue par les paragraphes 1 à 4 du RGPD et à l'article 32 de la loi informatique et libertés. Or, il estime que ni les articles L. 152 du livre des procédures fiscales, ni l'articles L. 380-2 du code de la sécurité sociale, ni le décret n° 2017-736 du 3 mai 2017, ni le décret n°2017-1530 du 3 novembre 2017 ne prévoient expressément « l'obtention ou la communication » aux personnes concernées des informations énumérées aux paragraphes 1 et 2 de l'article 14 du RGPD. Il ajoute qu'au contraire, l'article 7 du décret du 24 mai 2018 portant création d'un traitement automatisé de transfert de données fiscales relatives aux redevables de la cotisation annuelle prévue à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale marque nécessairement la volonté du pouvoir réglementaire de se conformer aux dispositions de l'article 14 du RPGD et de l'article 32 de la loi informatique et liberté. Par ailleurs, la [9] dans sa délibération n°2017-279 du 26 octobre 2017 indique que le projet demeure silencieux sur les modalités d'information des personnes concernées et que l'ACOSS devra également assurer l'information des personnes concernées pour le traitement qu'elle en 'uvre. Ainsi, le cotisant fait valoir que l'obligation d'information des articles 14 du RGPD et 32 de la loi informatique et libertés s'imposait aux responsables des traitements tant lors de la transmission des informations entre l'administration fiscale et l'Acoss qu'au stade du traitement des informations par l'[21].

Il précise enfin que l'entrée en vigueur de la [11] a nécessité la mise en place de deux traitements :

- l'un pour la sélection des contribuables entrant dans le champ d'application de la [11] par l'administration fiscale puis le transfert des données entre l'administration fiscale et l'ACOSS, autorisé par décret n°2018-392 du 24 mai 2018 après délibération n°2017-250 de la [9] du 14 septembre 2017 ;

- l'autre pour le traitement des données reçues permettant de calculer la cotisation des [22], autorisé par décret n°2017-1530 du 3 novembre 2017 après délibération n°2017-1530 de la [9] du 3 novembre 2017.

Il apparaît à la lecture de ces deux décrets qu'il s'agit de deux traitements différents et que l'ACOSS et l'URSSAF sont responsables du second traitement. Ainsi, l'URSSAF ne peut donc valablement invoquer n'avoir jamais été responsable de traitement mais avoir été uniquement destinataire de données préalablement collectée par l'administration fiscale, seule responsable du traitement. Il demande, en outre, si par extraordinaire la cour considérait que l'obligation d'information incombait seulement à l'administration fiscale, de constater que cette obligation n'a pas été respectée et que cette méconnaissance entraîne l'illégalité des traitements et la nullité des actes subséquents.

M. [K] invoque en second lieu, que l'[Adresse 28] a violé les dispositions de l'article 27 de la loi relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés en traitant un fichier contenant des données personnelles sans en avoir reçu l'autorisation.

A cet effet, il indique que, dans son avis du 26 octobre 2017, la [9] prévoyait un traitement des données par les [22] territorialement compétentes, alors que le traitement des données a été, en réalité, réalisé par des [22] non territorialement compétentes. A cet égard, la délégation intervenue le 1er décembre 2017, soit postérieurement à l'autorisation du traitement a modifié ce traitement afin que les [22] non territorialement compétentes puissent procéder au calcul de la [11]. Cette modification postérieure à la procédure d'autorisation de la [9] méconnaît, selon la cotisante, l'article 27 de la loi informatique et libertés. Il précise que cette organisation lui porte préjudice, puisqu'il ne pouvait exercer son droit d'accès qu'à l'égard de l'URSSAF à laquelle elle était rattachée territorialement, c'est-à-dire l'[35], alors que c'est l'[Adresse 25] qui a traité ses données personnelles. Il estime donc qu'il a été privé des garanties offertes par la loi relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

Enfin, il soutient que le juge judiciaire est compétent pour se prononcer sur les méconnaissances du [20] et de la loi informatique et libertés et partant pour annuler l'ensemble des actes pris en application d'un traitement illégal des données des cotisants. Néanmoins, si la cour considérait que les règles de droit interne ne permettaient pas de conclure à l'annulation des actes résultant d'un traitement illégal de données, M. [K] demande de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle sur le fondement de l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. La question préjudicielle est la suivante : « Le règlement n°2016/679 et le principe d'effectivité du droit de l'Union européenne doivent-ils être interprétés en ce sens que le juge national a l'obligation d'annuler un appel de cotisation établi sur la base de données traitées et transférées illégalement ' ».

L'[Adresse 28] oppose sur la violation de l'article 14 du [20] et de l'arrêt de la CJUE du 1er octobre 2015 alléguée par M. [K] qu'elle n'est pas responsable du traitement des données à caractère personnel et n'est donc pas débitrice des informations prévues par les articles L. 380-2, D. 380-2, I et R. 380-3 du code de la sécurité sociale. Elle invoque, en effet, qu'il résulte de la combinaison de ces articles que l'administration fiscale communique aux [22] chargées du calcul et du recouvrement de la [11] les éléments nécessaires à son calcul. De même, il résulte de la loi du 6 janvier 1978 et notamment de son article 32 III, de l'article 14 du RGPD, du décret n°2017-1530 du 30 novembre 2017 et du décret du 30 novembre 2017 qu'une distinction doit être opérée entre le responsable du traitement à l'origine du transfert de données et les destinataires et tiers qui reçoivent ces données et peuvent éventuellement en faire usage. En l'espèce, c'est la [12] qui est responsable du traitement et qui est comme telle tenue de l'obligation d'information alléguée. Ainsi, c'est la loi du

6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés qui régit les conditions de la transmission des données à caractères personnel. Par suite, le décret du 24 mai 2018 entré en vigueur le 25 mai 2018 a prévu un transfert automatisé des données entre la [12] et l'ACOSS pour le calcul de la [11] et confirme que seule la [12] est responsable du traitement et non pas l'URSSAF. C'est encore ce qu'a relevé la [9] dans son avis du 14 septembre 2017 visé par ce décret du 24 mai 2018.

Toutefois, si la cour venait à considérer que l'URSSAF était responsable du traitement des données, elle fait alors valoir qu'elle ne serait tenue que d'une obligation générale d'information.

En outre, l'URSSAF rappelle que l'article 14 du [20] soumet le responsable du traitement à l'obligation de fournir un certain nombre d'informations à la personne concernée lorsque les données à caractère personnel n'ont pas été collectées auprès d'elle. L'URSSAF fait valoir que cette obligation d'information ne s'applique pas dans la mesure où la personne concernée dispose déjà de ces informations, lorsque la fourniture de telles informations se révèlerait impossible ou exigerait des efforts disproportionnés ou encore l'obtention ou la communication des informations prévues par le droit interne. Ces exceptions ont vocation à s'appliquer en raison du grand nombre de personnes concernées par la [11] et l'URSSAF ne saurait fournir de manière obligatoire une information dite personnelle. Il s'agit donc pour l'usager d'en faire expressément la demande conformément à l'article 15 du RGPD. L'URSSAF se prévaut également de l'exception à cette obligation d'information personnelle lorsque l'obtention ou la communication des informations sont prévues par le droit de l'Etat membre.

Au cas d'espèce, l'URSSAF invoque que l'obtention d'informations en provenance des services fiscaux et leur mise à disposition de l'URSSAF Centre-Val de [Localité 17] résulte bien d'un cadre légal et réglementaire. De plus, conformément aux dispositions des articles L. 380-2, R. 380-3 et D. 380-5-1 du code de la sécurité sociale, définissant le cadre juridique de la communication aux [22] des données et éléments nécessaires au calcul de la [11] par l'administration fiscale, les données ont été transmises en novembre par l'administration fiscale et ce pour toutes les personnes remplissant les conditions d'assujettissement à la [11], y compris M. [K]. L'organisme précise que les usagers ont reçu de leur organisme de recouvrement un courrier adressé mi-novembre 2018 qui avait pour objectif de présenter les modalités de recouvrement de la cotisation. De plus, outre les informations disponibles sur le site internet, l'appel de cotisation qui constitue une simple invitation à régler précise les coordonnées d'identification du cotisant, les règles applicables en matière de la [11], le mode et les éléments de calcul et le montant. Il comporte à ce titre les éléments relatifs à l'article 14 du [20] puisqu'il mentionne bien les éléments transmis par l'administration fiscale, à savoir le montant des revenus pris en compte pour le calcul de l'assiette et de la cotisation ainsi que la base légale. Ainsi, démonstration est faite que le traitement automatique des données personnelles entre l'administration fiscale et l'URSSAF s'inscrit bien dans l'exception prévue au §5c) de l'article 14 du RGPD et que par conséquent il ne contrevient pas à cette disposition.

S'agissant de la violation de l'article 27 de loi relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés alléguée, l'URSSAF oppose que ces dispositions ont bien été respectée dès lors que le traitement de données à caractère personnel destiné au calcul de la [11] a été autorisé par décret du 3 novembre 2017 pris après avis motivé et publié de la [9] du 26 octobre 2017. En effet, ce décret autorise le traitement par l'ACOSS et les [22] des informations nominatives déclarées pour l'établissement de l'impôt sur le revenu par les personnes remplissant les conditions pour verser cette cotisation. Le décret n°2018-392 du 24 mai 2018 vient compléter le dispositif existant de transfert de données entre la [12] et l'ACOSS, et de traitement de ces données par l'ACOSS tel qu'autorisé et prévu par le décret du 3 novembre 2017 en permettant à la [12] pour la cotisation 2017, appelée en 2018 d'effectuer à son niveau un premier traitement automatisé des données. Ainsi, sont bien autorisés un transfert de données entre la [12] et l'ACOSS et un traitement de ces données par l'ACOSS et les [22] pour le calcul de la [11].

Par ailleurs, l'[Adresse 28] indique être compétente pour procéder au recouvrement de la [11], par suite de la convention de mutualisation approuvée par le directeur de l'Accoss du 11 décembre 2017. Elle précise que, par suite de cette convention, elle est également l'URSSAF territorialement compétente pour répondre au droit d'accès et de rectification de l'usager, qui conserve donc ses droits et garanties prévus par la loi relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

Réponse de la cour

1°) sur le droit européen applicable au litige :

La directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données a été transposée en droit interne par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel, qui a modifié la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Les juridictions doivent donc faire application du droit interne et non directement de la directive.

De plus, le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, dit [20], a, par application de ses articles 94 et 99, abrogé la directive 95/46/CE, et est directement applicable dans les états membres à compter de son entrée en vigueur, le 25 mai 2018.

Compte tenu de la date de l'appel à cotisation, à savoir le 26 novembre 2018 la réglementation européenne à prendre en compte est donc le règlement [20].

2°) sur la régularité de l'appel à cotisation au regard de l'obligation d'information du cotisant

Le paragraphe I de l'article 32, III, de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-493 du 20 juin 2018, dispose :

I.-La personne auprès de laquelle sont recueillies des données à caractère personnel la concernant est informée, sauf si elle l'a été au préalable, par le responsable du traitement ou son représentant :

1° De l'identité du responsable du traitement et, le cas échéant, de celle de son représentant ;

2° De la finalité poursuivie par le traitement auquel les données sont destinées ;

3° Du caractère obligatoire ou facultatif des réponses ;

4° Des conséquences éventuelles, à son égard, d'un défaut de réponse ;

5° Des destinataires ou catégories de destinataires des données ;

6° Des droits qu'elle tient des dispositions de la section 2 du présent chapitre dont celui de définir des directives relatives au sort de ses données à caractère personnel après sa mort ;

7° Le cas échéant, des transferts de données à caractère personnel envisagés à destination d'un Etat non membre de la Communauté européenne ;

8° De la durée de conservation des catégories de données traitées ou, en cas d'impossibilité, des critères utilisés permettant de déterminer cette durée.

Lorsque de telles données sont recueillies par voie de questionnaires, ceux-ci doivent porter mention des prescriptions figurant aux 1°, 2°, 3° et 6°.

L'article 14 du règlement RGPD, intitulé « informations à fournir lorsque les données à caractère personnel n'ont pas été collectées auprès de la personne concerné » prévoit, dans son paragraphe 5 :

Les paragraphes 1 à 4 ne s'appliquent pas lorsque et dans la mesure où :

a) la personne concernée dispose déjà de ces informations ;

b) la fourniture de telles informations se révèle impossible ou exigerait des efforts disproportionnés, en particulier pour le traitement à des fins archivistiques dans l'intérêt public, à des fins de recherche scientifique ou historique ou à des fins statistiques sous réserve des conditions et garanties visées à l'article 89, paragraphe 1, ou dans la mesure où l'obligation visée au paragraphe 1 du présent article est susceptible de rendre impossible ou de compromettre gravement la réalisation des objectifs dudit traitement. En pareils cas, le responsable du traitement prend des mesures appropriées pour protéger les droits et libertés ainsi que les intérêts légitimes de la personne concernée, y compris en rendant les informations publiquement disponibles ;

c) l'obtention ou la communication des informations sont expressément prévues par le droit de l'Union ou le droit de l'État membre auquel le responsable du traitement est soumis et qui prévoit des mesures appropriées visant à protéger les intérêts légitimes de la personne concernée; ou

d) les données à caractère personnel doivent rester confidentielles en vertu d'une obligation de secret professionnel réglementée par le droit de l'Union ou le droit des États membre, y compris une obligation légale de secret professionnel.

Aux termes de l'article 32, III, alinéa 1er, de la loi du 6 janvier 1978 susvisée, lorsque les données à caractère personnel n'ont pas été recueillies auprès de la personne concernée, le responsable du traitement ou son représentant doit fournir à cette dernière les informations énumérées au I dès l'enregistrement des données ou, si une communication des données à des tiers est envisagée, au plus tard lors de la première communication des données.

Selon l'article 32, III, alinéa 2, de la loi du 6 janvier 1978, susvisée, le responsable du traitement n'est pas tenu de fournir à la personne concernée les informations énumérées au I de ce texte lorsque celle-ci est déjà informée.

Selon le paragraphe 5 du règlement [20], il est fait exception à l'obligation de fournir des informations à la personne concernée auprès de laquelle les données à caractère personnel n'ont pas été collectées lorsque et dans la mesure où l'obtention ou la communication des données sont expressément prévues par le droit de l'Union ou le droit de l'État membre auquel le responsable du traitement est soumis et qui prévoit des mesures appropriées visant à protéger les intérêts légitimes de la personne concernée (CJUE, arrêt du 28 novembre 2024, Másdi, C-169/23, § 45).

Il résulte des articles L. 380-2, dernier alinéa, R. 380-3 et D. 380-5, I, du code de la sécurité sociale, susvisés, le premier dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015, le deuxième dans sa rédaction issue du décret n° 2017-736 du 3 mai 2017 et le dernier dans sa rédaction issue du décret n° 2016-979 du 19 juillet 2016, que les éléments nécessaires à la détermination des revenus composant l'assiette de la cotisation subsidiaire maladie sont communiqués par l'administration fiscale aux organismes chargés du calcul et du recouvrement des cotisations.

Le décret n° 2017-1530 du 3 novembre 2017 susvisé autorise la mise en 'uvre par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale d'un traitement de données à caractère personnel destiné au calcul de la cotisation prévue à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale. Il prévoit l'identité du responsable du traitement des données, les finalités poursuivies par le traitement, les destinataires des données, la durée de conservation des données traitées, ainsi que l'existence d'un droit d'accès et de rectification aux données et les modalités d'exercice de ces droits.

Il résulte de la combinaison de ces textes que, dès lors que la communication des données fiscales du cotisant à l'URSSAF est expressément prévue par les articles L. 380-2, dernier alinéa, R. 380-3 et D. 380-5, I, du code de la sécurité sociale précités et qu'il est prévu, par le décret n° 2017-1530 du 3 novembre 2017, des mesures appropriées visant à protéger les intérêts légitimes du cotisant, il est fait exception, pour les cotisations appelées à compter de cette dernière date, à l'obligation d'information, prévue au paragraphe III de l'article 32 de la loi du 6 janvier 1978 susvisé, pesant sur le responsable du traitement des données personnelles, à l'égard de la personne concernée par celles-ci lorsqu'elles n'ont pas été recueillies auprès d'elle (2e Civ., 27 février 2025, pourvoi n° 23-22.218).

En l'espèce, l'appel de cotisation a été adressé au cotisant le 26 novembre 2018, c'est-à-dire postérieurement à l'entrée en vigueur du décret du 03 novembre 2017, contenant des mesures appropriées visant à protéger les intérêts légitimes du cotisant.

M. [K] a eu connaissance de la transmission de ses données personnelles, de l'administration fiscale vers l'organisme chargé du recouvrement, par la publication au Journal Officiel des dispositions législatives et réglementaires susvisées (article L. 380-2, R. 380-3 et D. 380-5 du code de la sécurité sociale).

L'[Adresse 28] le lui a rappelé directement dans l'appel de cotisation du 26 novembre 2018, après avoir exposé les informations générales sur la [11], précise « selon les éléments transmis par la [13] ([12]), vous êtes redevable de la somme de 20 838,00 € euros, calculée sur vos revenus du patrimoine et exigible au 28/12/2018 ». Cet appel à cotisations invite également le cotisant à consulter le site de l'URSSAF ou à contacter un conseiller pour davantage d'informations ou pour contestation des montants retenus.

Ainsi, en présence de mesures appropriées visant à protéger les intérêts légitimes de la cotisante, le responsable de traitement n'est pas tenu de l'obligation d'information, prévue au paragraphe III de l'article 32 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

Le moyen d'irrégularité de l'appel à cotisations fondé sur l'article 32 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés sera donc écarté.

Dès lors la question de la sanction du traitement et du transfert illégaux des données personnelles ne se pose pas, puisqu'il a été jugé qu'il n'y avait pas lieu de faire application de l'article 32 III de la loi n°78-17 du 16 janvier 1978 relative à l'informatique et aux libertés.

3°) sur la régularité de l'appel à cotisation au regard de l'article 22 (ancien article 27) de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978

D'une part, l'article 22 de la loi 78-17 du 6 janvier 1978 (ancien article 27), dans sa version applicable au litige telle qu'elle résulte de la loi 2018-493 du 20 juin 2018 relative à la protection des données personnelles, dispose :

Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, détermine les catégories de responsables de traitement et les finalités de ces traitements au vu desquelles ces derniers peuvent être mis en 'uvre lorsqu'ils portent sur des données comportant le numéro d'inscription des personnes au répertoire national d'identification des personnes physiques. La mise en 'uvre des traitements intervient sans préjudice des obligations qui incombent aux responsables de traitement ou à leurs sous-traitants en application de la section 3 du chapitre IV du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 précité.

Le principe du partage d'informations nominatives entre l'administration fiscale et les organismes de sécurité sociale préexistait à l'instauration de la [11] et est prévu à l'article L. 152 du livre des procédures fiscales, qui dispose, dans sa version applicable au présent litige :

Les agents des administrations fiscales communiquent aux organismes et services chargés de la gestion d'un régime obligatoire de sécurité sociale, de l'attribution de la protection complémentaire en matière de santé visée à l'article du code de la sécurité sociale, aux services chargés de la gestion et du paiement des pensions aux fonctionnaires de l'Etat et assimilés, aux institutions mentionnées au chapitre Ier du titre II du livre IX du code de la sécurité sociale, au service mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 815-7 du même code ainsi qu'à l'institution mentionnée à l'article L.5312-1 du code du travail les informations nominatives nécessaires :

1° à l'appréciation des conditions d'ouverture et de maintien des droits aux prestations ;

2° au calcul des prestations ;

3° à l'appréciation des conditions d'assujettissement aux cotisations et contributions ;

4° à la détermination de l'assiette et du montant des cotisations et contributions ainsi qu'à leur recouvrement ;

5° Au recouvrement des prestations indûment versées ;

6° A l'appréciation des conditions d'ouverture et de maintien des prestations versées dans le cadre de leur mission légale en matière d'action sanitaire et sociale ;

7° Au calcul des prestations versées dans le cadre de leur mission légale en matière d'action sanitaire et sociale.

Le numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques peut être utilisé pour les demandes, échanges et traitements nécessaires à la communication des informations mentionnées aux 1° à 7°, lorsqu'elles concernent des personnes physiques.

Dans le but de contrôler les conditions d'ouverture, de maintien ou d'extinction des droits aux prestations de sécurité sociale de toute nature, ainsi que le paiement des cotisations et contributions, les organismes et services mentionnés au premier alinéa peuvent demander aux administrations fiscales de leur communiquer une liste des personnes qui ont déclaré soit n'avoir plus leur domicile en France, soit n'avoir perçu que des revenus du patrimoine ou de placement.

Les agents des administrations fiscales signalent aux directeurs régionaux des affaires sanitaires et sociales et aux chefs des services régionaux de l'inspection du travail, de l'emploi et de la politique sociale agricoles, ainsi qu'aux organismes de protection sociale les faits susceptibles de constituer des infractions qu'ils relèvent en ce qui concerne l'application des lois et règlements relatifs au régime général, au régime des travailleurs indépendants non agricoles, aux régimes spéciaux, au régime agricole de sécurité sociale ou à l'assurance chômage.

La loi instituant la [11], cotisation fixée en fonction, notamment, des revenus du patrimoine et de l'activité professionnelle, prévoit que cette cotisation est déterminée sur la base de ce partage d'informations, puisque l'article L. 380-2, dernier alinéa, du code de la sécurité sociale, qui fixe l'assiette de la cotisation, dispose :

Les agents des administrations fiscales communiquent aux organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-2 les informations nominatives déclarées pour l'établissement de l'impôt sur le revenu par les personnes remplissant les conditions mentionnées au premier alinéa de l'article L. 380-2, conformément à l'article L. 152 du livre des procédures fiscales.

Ce partage d'informations entre l'administration fiscale et les organismes de recouvrement, prévu par la loi, existait également dans les dispositions réglementaires rendues applicables à la [11], puisque l'article R.380-3 du code de la sécurité sociale, préexistant à la [11], prévoit, dans sa version applicable au présent litige :

Les cotisations mentionnées à l'article L. 380-2 et au deuxième alinéa du IV de l'article L. 380-3-1 sont calculées, appelées et recouvrées par les organismes chargés du recouvrement des cotisations du régime général au vu des éléments transmis par l'administration fiscale ou par les personnes redevables de ces cotisations.

Et l'article D.380-5-I du code de la sécurité sociale, également préexistant à la [11], précise, dans sa version applicable au présent litige :

Les éléments nécessaires à la détermination des revenus mentionnés aux articles D. 380-1 et D. 380-2 sont communiqués par l'administration fiscale aux organismes chargés du calcul et du recouvrement des cotisations mentionnées à l'article L. 380-2 et au deuxième alinéa du IV de l'article L. 380-3-1.

Les organismes de sécurité sociale, et notamment les [22], disposaient donc d'un accès aux données fiscales sur la base du corpus législatif et réglementaire existant, sans qu'il ne soit nécessaire d'attendre le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article 22 de la loi 78-17 du 6 janvier 1978. En revanche, ce sont les modalités de traitement de ces données pour déterminer les personnes assujetties et le montant de la cotisation qui ont dû être fixées par décret, conformément aux obligations fixées par la loi 78-17 du

6 janvier 1978.

Par application de l'article 27 devenu 22 de la loi 78-17 du 6 janvier 1978, l'article 1er du décret 2017-1530 du 3 novembre 2017, pris après avis motivé et publié de la [9] sous le numéro 2017-279 en date du 26 octobre 2017, prévoit :

I - Pour l'application des dispositions de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale est autorisée la création par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale d'un traitement de données à caractère personnel dénommé « Cotisation spécifique maladie ».

Les finalités de ce traitement sont le calcul et le recouvrement par les organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-2 du code de la sécurité sociale de la cotisation spécifique maladie prévue par l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale.

II. - Le traitement autorisé par le présent article porte sur les catégories de données suivantes :

1° Données relatives à l'identité des personnes (')

2° Données fiscales relatives aux revenus :

- traitements et salaires ;

- pensions, retraites et rentes ;

- revenus et plus-values des professions non salariées : revenus agricoles, revenus industriels et commerciaux professionnels, revenus industriels et commerciaux non professionnels, revenus non commerciaux professionnels, revenus non commerciaux non professionnels ;

- divers : montant net des revenus agricoles, revenus industriels et commerciaux, revenus non commerciaux non soumis aux contributions sociales par les organismes sociaux, indemnités d'élus locaux, revenus étrangers imposables en France, ouvrant droit à un crédit d'impôt égal au montant de l'impôt français ;

- revenus des valeurs et capitaux mobiliers ;

- plus-values et gains divers ;

- revenus fonciers ;

- revenus fonciers exceptionnels ou différés ;

- le cas échéant, rectifications apportées, par le contribuable ou les services de la direction générale des finances publiques, aux mêmes données, en cas d'émission de rôles supplémentaires et de dégrèvements.

III. - Sont destinataires des données à caractère personnel mentionnées au II du présent article, à raison de leurs attributions respectives et dans la limite du besoin d'en connaître :

1° Les agents de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale individuellement habilités par le directeur de l'Agence ;

2° Les agents des organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-2 du code de la sécurité sociale chargés du calcul, du recouvrement et du contrôle de la cotisation prévue par l'article L. 380-2, individuellement habilités par le directeur de l'organisme concerné. (')

V. - Les droits d'accès et de rectification prévus aux articles 39 et 40 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée s'exercent auprès du directeur de l'organisme mentionné aux articles L. 213-1 et L. 752-2 du code de la sécurité sociale auquel la personne est rattachée au vu de l'adresse de domicile qu'elle a déclarée à l'administration fiscale.

Le droit d'opposition prévu par l'article 38 de la même loi ne s'applique pas au traitement dont la création est autorisée par le présent article. »

Le décret n°2017-1530 du 03 novembre 2017 a été complété ultérieurement par le décret n° 2018-392 du 24 mai 2018, qui a prévu l'autorisation d'un traitement automatisé au niveau de la [12] avant transmission des données entre la [12] et l'Acoss ainsi qu'il est dit dans son article 1 :

Pour l'application du dernier alinéa de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, est autorisée la mise en 'uvre par la direction générale des finances publiques d'un traitement automatisé de transfert de données à caractère personnel à destination de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale.

Ce traitement automatisé a pour finalité de communiquer à l'agence centrale des organismes de sécurité sociale les informations nominatives dont dispose l'administration fiscale nécessaires à la détermination de l'assiette et du montant de la cotisation prévue par les dispositions de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale ci-dessus mentionné.

Le transfert est mis en 'uvre par un service informatique de la direction générale des finances publiques.

Le décret n°2018-392 a été pris après délibération n° 2017-250 du 14 septembre 2017 portant avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Le traitement automatisé par la [12] a été mis en place pour la [11] 2017 appelée à la fin de l'année 2018. Il était donc autorisé pour l'appel à cotisation litigieux du 26 novembre 2018 adressé à M. [K].

Il résulte de l'ensemble de ces textes qu'au jour de l'appel à cotisations litigieux, étaient donc prévus :

- par des dispositions législatives (article L152 du livre des procédures fiscales et article L.380-2 du code de la sécurité sociale), le partage des données fiscales entre l'administration fiscale, l'Acoss et les [22] ;

- par un décret en Conseil d'Etat n° 2017-1530 du 03 novembre 2017 après avis de la [9], la collecte, le traitement et la transmission des données fiscales par l'Acoss et les [22],

- par un décret en Conseil d'Etat n° 2018-392 du 24 mai 2018, après avis de la [9], le traitement automatisé de transfert de données à caractère personnel par la direction générale des finances publiques à destination de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale.

D'autre part, s'agissant plus particulièrement, de la modification du traitement suite au transfert de compétence à l'URSSAF [Adresse 5].

L'alinéa 9 de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale relatif à la cotisation subsidiaire maladie dispose que :

« La cotisation est recouvrée l'année qui suit l'année considérée, mentionnée aux 1° et 2° du présent article, selon les dispositions des sections 2 à 4 du chapitre III et du chapitre IV du titre IV du livre II du présent code, sous réserve des adaptations prévues par décret en Conseil d'Etat. »

Le livre I du code de la sécurité sociale est intitulé 'Livre I : Généralités - Dispositions communes à tout ou partie des régimes de base (Articles L. 111-1 à L. 184-1)'. Il a donc vocation à s'appliquer à tous les organismes de sécurité sociale et à toutes les cotisations, dès lors qu'aucune disposition spécifique dérogatoire n'est prévue dans les livres suivants. Les chapitres III et IV du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale, visés par l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale susvisé, ne comportent aucune disposition spécifique dérogatoire au livre I en matière de délégation entre organismes. Dès lors, l'article L. 122-7 du code de la sécurité sociale, compris dans le livre I susvisé, trouve application pour le recouvrement de la cotisation subsidiaire maladie.

L'alinéa 1 de l'article L. 122-7 du code de la sécurité sociale, dans sa version modifiée par la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 prévoit :

Le directeur d'un organisme local ou régional peut déléguer à un organisme local ou régional la réalisation des missions ou activités liées à la gestion des organismes, au service des prestations, au recouvrement et à la gestion des activités de trésorerie, par une convention qui prend effet après approbation par le directeur de l'organisme national de chaque branche concernée.

Lorsque la mutualisation inclut des activités comptables, financières ou de contrôle relevant de l'agent comptable, la convention est également signée par les agents comptables des organismes concernés.

En l'espèce, la convention relative à la centralisation du recouvrement de la cotisation d'assurance maladie visée à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, communiquée par l'URSSAF en pièce 15, a été signée le 1er décembre 2017 entre, notamment, les directeurs des [31] ainsi que par les agents comptables de ces [22].

Elle stipule que « la présente convention est applicable à compter de la décision d'approbation du Directeur de l'Acoss et conclue pour une durée indéterminée » (article 2), que « les [22] délégantes transfèrent à l'URSSAF délégataire l'ensemble des droits et obligations afférents à l'exercice des missions de recouvrement résultant des articles R. 380-3 et suivants du code de la sécurité sociale sur le champ de la cotisation d'assurance maladie visée à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale » (article 3) et enfin que « l'URSSAF délégataire assure l'encaissement centralisé et la gestion du recouvrement de la cotisation visée à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, dont le contrôle et les suites amiables et judiciaires des contestations soulevées par les cotisants » (article 4).

Par décision du 11 décembre 2017 (pièce 14 de l'URSSAF) prise par le directeur de l'Acoss en application de l'article L. 122-7 du code de la sécurité sociale et relative au recouvrement des cotisations dues en application de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, « sont approuvées les conventions de mutualisation interrégionales, prises en application de l'article L. 122-7 du code de la sécurité sociale et conclues entre les [22] aux fins de délégation de calcul, de l'appel et du recouvrement des cotisations dues en application de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, à des [22] délégataires conformément à la répartition figurant sur le tableau annexé à la présente décision ».

Dans le tableau annexé, il est précisé que l'URSSAF d'Île-de-France est « l'URSSAF délégante » et que l'[Adresse 23], devenue en cours de procédure l'[26], est « l'URSSAF délégataire » de la première.

Il résulte de l'alinéa premier de l'article L. 122-7 du code de la sécurité sociale susvisé que la convention de délégation prend effet dès son approbation par le directeur de l'organisme national de la branche concernée et qu'en conséquence, l'organisme délégataire est habilité à exercer les pouvoirs résultant de cette délégation à compter de la décision d'approbation, sans qu'il n'y ait lieu d'attendre la publication (Cass., Civ. 2e, 16 novembre 2023, n° 21-25.534).

L'[Adresse 32] était donc territorialement compétente pour calculer, appeler et recouvrer la cotisation subsidiaire maladie des assujettis vivant à [Localité 19] dès le 11 décembre 2017.

L'appel de cotisation émis le 26 novembre 2018 et envoyé ensuite à M. [K] a donc été émis par une URSSAF ayant bénéficié d'une délégation pour calculer, appeler et recouvrer les cotisations subsidiaires maladie au jour de l'appel de cotisation.

Ainsi, en raison de la convention de mutualisation qu'elle avait signée avec l'URSSAF d'Île-de-France, l'[33] était bien, à compter du

11 décembre 2017, l'URSSAF en charge du calcul, du recouvrement et du contrôle de la cotisation subsidiaire maladie des cotisants dont le domicile est situé en Île-de-France. De plus, au regard de l'avis de la [9] et du décret du 03 novembre 2017, elle avait la possibilité de procéder au traitement des données transmises par l'administration fiscale pour les cotisants dont le domicile était situé en Ile de France. En effet, comme déjà indiqué, le décret du 03 novembre 2017 permettait un transfert de compétence d'une [22] à une autre, sans qu'il ne soit nécessaire d'envisager une nouvelle autorisation par décret en Conseil d'Etat.

Par ailleurs, dans le paragraphe V de l'article 1 du décret 2017-1530 du 3 novembre 2017 le droit d'accès et de rectification des cotisants est respecté, puisqu'il est prévu qu'il s'exerce auprès du directeur de l'organisme auquel la personne est rattachée au vu de l'adresse déclarée, c'est-à-dire ici auprès de l'URSSAF Centre ' [36].

Ainsi, le moyen d'irrégularité fondé sur l'article 27 devenu article 22 de la loi 78-17 du 6 janvier 1978 sera donc écarté.

De même, s'agissant de la question de la sanction et de la demande subsidiaire de saisine de la [8] aux fins de questions préjudicielle, il convient de rappeler que l'article 267 du traité de fonctionnement de l'Union Européenne (TFUE) prévoit :

La Cour de justice de l'Union européenne est compétente pour statuer, à titre préjudiciel : a) sur l'interprétation des traités, b) sur la validité et l'interprétation des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l'Union.

Lorsqu'une telle question est soulevée devant une juridiction d'un des États membres, cette juridiction peut, si elle estime qu'une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de statuer sur cette question.

Lorsqu'une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour. (')

Telle qu'interprétée par la [8], dans son arrêt de principe S.r.l. CILFIT et Lanificio di Gavardo S.p.a. c/ Ministère de la santé du 6 octobre 1982, l'obligation posée par l'article 267 du TFUE ne s'applique pas lorsque la juridiction constate que la « question soulevée n'est pas pertinente ou que la disposition (du droit de l'Union) en cause a déjà fait l'objet d'une interprétation de la part de la Cour ou que l'application correcte du droit (de l'Union) s'impose avec une telle évidence qu'elle ne laisse place à aucun doute raisonnable ».

En l'espèce, la question de la sanction du traitement et du transfert illégaux des données personnelles ne se pose pas, puisqu'il a été jugé qu'il n'y avait pas lieu de faire application de l'obligation d'information prévue à l'article 32 III de la loi n° 78-17 du

6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

La demande subsidiaire de question préjudicielle sera donc écartée.

- Sur les demandes accessoires :

M. [K], succombant à l'instance, sera tenu aux entiers dépens et sera débouté de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, après en avoir délibéré, par arrêt contradictoire ;

DÉCLARE recevable l'appel formé par M. [U] [K] ;

CONFIRME le jugement rendu le 24 novembre 2022, sous le RG 20/00616, par le tribunal judiciaire de Paris, en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

DÉBOUTE M. [U] [K] de toutes ses demandes ;

CONDAMNE M. [U] [K] aux dépens d'appel.

PRONONCÉ par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

La greffière, La présidente.

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