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Décisions

CA Paris, Pôle 6 - ch. 9, 11 septembre 2025, n° 22/02120

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 22/02120

11 septembre 2025

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRET DU 11 SEPTEMBRE 2025

(n° , 16 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/02120 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFGAU

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Février 2022 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/08593

APPELANT

Monsieur [L] [V]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Nadine SOULAN, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

S.A.S.U. [F] FRANCE

[Adresse 6]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Audrey HINOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 Mai 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Stéphane MEYER, président de chambre

Madame Florence MARGUERITE, présidente de chambre

Madame Nelly CHRETIENNOT, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Nelly CHRETIENNOT, conseillère, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Marika WOHLSCHIES

ARRET :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Monsieur Stéphane MEYER, président de chambre et par Madame Marika WOHLSCHIES, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

La société [F] FRANCE SAS appartenant au groupe WOLTERS KLUWER est spécialisée dans le secteur d'activité de la tierce maintenance de systèmes et d'applications informatiques.

Monsieur [L] [V] a travaillé dans le groupe WOLTERS KLUWER d'abord au sein de la société TELEROUTE du 1er mars 2007 au 25 février 2011 en qualité de «responsable grands comptes ». Il a ensuite exercé les fonctions de « responsable régional des ventes » pour la société OVID du 20 avril 2011 au 16 février 2018.

A compter d'octobre 2017, Monsieur [V] et la société [F] France sont entrés en relation, notamment par l'intermédiaire de Madame [C] qui occupait à l'époque le poste de directrice des opérations France au sein de la société.

Des pourparlers ont ensuite eu lieu avec le projet de recruter Monsieur [V].

Les parties ont signé le 12 janvier 2018 un contrat de travail à durée indéterminée à effet au 19 février 2018, par lequel la société [F] France a engagé Monsieur [V] en qualité de «'Directeur Commercial et Marketing'» avec':

- une période d'essai de 4 mois,

- une rémunération fixe de 120.000 € sur 12 mois et variable pouvant atteindre 100.000 € en fonction des objectifs quantitatifs et qualitatifs atteints.

Les relations contractuelles étaient régies par les dispositions de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques (« Syntec »).

A compter du 19 novembre 2018, Monsieur [V] a été arrêté pour maladie jusqu'au 14 janvier 2019.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 14 décembre 2018, la société l'a convoqué à un entretien préalable à une mesure de licenciement, qui s'est tenu le 3 janvier 2019.

Il s'est vu notifier son licenciement pour faute grave par courrier recommandé en date du 9 janvier 2019.

Monsieur [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 27 septembre 2019 afin de contester son licenciement et de solliciter la condamnation de son employeur au paiement de diverses sommes.

Par jugement du 24 janvier 2022, le conseil de prud'hommes de Paris a dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse et a condamné la société [F] au paiement des sommes suivantes :

' 30.000 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

' 3.000 € au titre des congés payés y afférents,

' 2.500 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,

' 22.502,71 € au titre de rappel de rémunération variable,

' 2.250,27 € au titre des congés payés y afférents,

' 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il a débouté Monsieur [V] du surplus de ses demandes et la société [F] de sa demande reconventionnelle au titre des frais de procédure.

Monsieur [V] a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration du 8 février 2022, en visant expressément les dispositions critiquées.

Par écritures récapitulatives notifiées électroniquement le 24 octobre 2022, Monsieur [V] demande à la cour de':

- Débouter la société [F] de sa demande tendant à ce que soit jugé irrecevable la prétendue demande nouvelle visant à solliciter l'annulation du contrat de travail du 12 janvier 2018,

- Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 24 janvier 2022 en ce qu'il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la société [F] FRANCE au paiement de la somme de 22.502,71 € au titre de rappel de rémunération variable et à celle de 2.250,27 € au titre des congés payés y afférents qu'à la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Juger que les contrats transmis constituent des promesses de contrat et prononcer la nullité du contrat signé le 12 janvier 2018,

En conséquence,

- Infirmer le jugement et juger que l'ancienneté de Monsieur [V] commence le 1er février 2005 et fixer son salaire annuel à 180.000 € pour la partie fixe et à 120.000 € pour la partie variable,

- Infirmer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [V] de sa demande de rappel de salaire et condamner la société [F] FRANCE au paiement de la somme de 45.000 € à titre de rappel de salaire ainsi qu'à celle de 4.500 € à titre de congés payés y afférents,

- Infirmer le jugement sur son chiffrage des conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la société [F] FRANCE au paiement des sommes suivantes':

- 84.999 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés ainsi que 8.499,90 € de congés payés y afférents,

- 114.120,36 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 310.000 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-À titre subsidiaire, condamner la société [F] FRANCE au paiement des sommes suivantes :

- 70.000 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés outre 7.000 € de congés payés y afférents,

- 99.981,74 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 280.000 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Infirmer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [V] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral et non-respect des dispositions afférentes à la sécurité de la santé du salarié et condamner la société [F] FRANCE au paiement de la somme de 100.000 € à ce titre,

- Infirmer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [V] de sa demande afférente à la prime de vacances et condamner, le cas échéant, la société [F] FRANCE, sous astreinte de 50 € par jour de retard, passé un délai de 2 semaines après signification de l'arrêt à intervenir, à communiquer la masse globale des indemnités de congés payés au titre de l'année 2018, les modalités de calcul de la prime et à verser le montant de la prime de vacances telle que convenue à la convention collective,

- Infirmer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [V] de sa demande de paiement de complément de salaire et condamner la société [F] FRANCE au paiement de la somme de 25.410,88 € au titre du complément de salaire,

- Condamner la société [F] FRANCE à délivrer, sous astreinte de 50 € (pour chaque document) par jour de retard passé un délai de 2 semaines après la signification de l'arrêt à intervenir, une attestation pôle emploi rectifiée et un certificat de travail rectifié conformément à l'arrêt,

- Condamner la société [F] FRANCE au paiement de la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par écritures récapitulatives notifiées électroniquement le 25 avril 2025, la société [F] France demande à la cour de':

A titre préliminaire, sur la demande de nullité du contrat de travail du 12 janvier 2018':

- Déclarer irrecevable cette demande en ce qu'elle constitue une demande nouvelle,

Subsidiairement,

- Juger que le consentement de Monsieur [V] n'a pas été vicié lors de la signature du contrat de travail du 12 janvier 2018,

En conséquence,

- Débouter Monsieur [V] de sa demande au titre de la nullité du contrat de travail du 12 janvier 2018,

Sur le licenciement de Monsieur [V]':

- Infirmer le jugement en ce qu'il a jugé que le licenciement de Monsieur [V] était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- Juger le licenciement pour faute grave de Monsieur [V] valable et fondé,

En conséquence, statuant à nouveau,

- Juger que Monsieur [V] devra rembourser les sommes perçues en application du jugement de première instance, soit les sommes suivantes :

30 000 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

3 000 € au titre de congés payés y afférents,

2 500 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- Débouter Monsieur [V] de ses demandes au titre':

de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et/ou nulle,

de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

de l'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents,

de l'indemnité compensatrice de congés payés et congés payés afférents,

Subsidiairement,

- Juger la faute reprochée à Monsieur [V] comme constitutive d'une cause réelle et sérieuse de licenciement,

- Débouter Monsieur [V] de sa demande au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et/ou nulle,

A titre infiniment subsidiaire,

- Confirmer les montants indemnitaires accordés en première instance,

- Fixer l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au minimum légal,

Sur l'ancienneté de Monsieur [V]':

- Confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que le contrat de travail de Monsieur [V] ne prévoyait pas de reprise d'ancienneté,

- Juger que l'ancienneté de Monsieur [V] doit être décomptée à compter du 19 février 2018,

En conséquence,

- Débouter Monsieur [V] de sa demande de décompte de son ancienneté à compter du 1er mars,

2007,

- Débouter Monsieur [V] de sa demande de rappels de salaire au titre des dispositions relatives au maintien de salaire de la Convention collective nationale des Bureaux d'études techniques (« Syntec ») applicable,

- Débouter Monsieur [V] de sa demande de rappel de commissions et de communication du détail du calcul de ses commissions pour l'année 2018,

Sur les rappels de salaire':

- Infirmer le jugement en ce qu'il a considéré que la société n'avait pas justifié le fait que Monsieur [V] ait perçu l'entièreté de ses droits à rémunération variable,

En conséquence, statuant à nouveau,

- Juger que Monsieur [V] devra rembourser les sommes perçues en application du jugement de première instance, soit les sommes suivantes :

22 502,71 € au titre de la rémunération variable,

2 250,27 € au titre de congés payés y afférents,

- Confirmer le jugement pour le surplus, en ce qu'il a jugé':

- qu'il n'y a jamais eu de promesse unilatérale de la société sur le paiement d'une rémunération annuelle brute de 180.000 € au profit de Monsieur [V],

- qu'aucune prime de vacances ne restait due à Monsieur [V],

- que la prime de vacances a déjà été versée à Monsieur [V] et qu'il n'y a donc pas lieu de communiquer à Monsieur [V] la masse globale des indemnités de congés payés au titre de l'année 2018,

En conséquence,

- Débouter Monsieur [V] de sa demande de rappel de salaire au titre de la prime de vacances et de communication de la masse globale des indemnités de congés payés au titre de l'année 2018,

Sur le harcèlement moral et le non-respect des dispositions afférentes à la santé et sécurité du salarié':

- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [V] de ses demandes relatives au harcèlement moral et au non-respect des dispositions afférentes à la santé et à la sécurité,

En conséquence,

- Débouter Monsieur [V] de sa demande de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral et du non-respect des dispositions afférentes à la santé et sécurité du salarié,

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile':

- Débouter Monsieur [V] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner Monsieur [V] au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 30 avril 2025.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions.

MOTIFS

Sur la demande de nullité du contrat de travail signé le 12 janvier 2018

- Sur l'irrecevabilité de la demande nouvelle soulevée par la société [F]

Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Aux termes de l'article 565 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

Aux termes de l'article 566, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

La société [F] sollicite que la demande du salarié aux fins de nullité du contrat de travail du 12 janvier 2018 soit jugée irrecevable car elle constitue une demande nouvelle, ce à quoi s'oppose Monsieur [V].

La cour relève que la demande de nullité du contrat de travail signé par les parties le 12 janvier 2018 vient au soutien des demandes formées en première instance par Monsieur [V], visant à voir reconnaître qu'il devait':

- percevoir un rappel de salaires sur la base de la rémunération prévue par ce qu'il considère comme des promesses de contrat de travail émises avant la signature de ce contrat, dont il ne faudrait donc pas prendre en considération les dispositions ;

- se voir reconnaître une ancienneté au 1er février 2005, compte tenu de son ancienneté au sein du groupe, reprise d'ancienneté prévue par les promesses de contrat émises avant la signature de ce contrat qui ne prévoit aucune reprise d'ancienneté. Il formait des demandes d'indemnité sur la base de cette ancienneté revendiquée.

Il faisait donc valoir dès la procédure de première instance que ce contrat ne devait pas être pris en considération, et que les relations de travail devaient être régies par ce qu'il estime être des promesses de contrat de travail émises avant le 12 janvier 2018.

Il ressort de ces éléments que la demande de nullité du contrat du 12 janvier 2018 est la conséquence ou le complément nécessaire de demandes déjà formées en première instance, de sorte qu'elle est recevable. Il convient en conséquence de rejeter la demande d'irrecevabilité soulevée par la société [F].

- Sur la nullité alléguée du contrat de travail du 12 janvier 2018

L'article 1140 du code civil stipule qu'il y a violence lorsqu'une partie s'engage sous la pression d'une contrainte qui lui inspire la crainte d'exposer sa personne, sa fortune ou celles de ses proches un mal considérable.

L'article 1142 du code civil précise que la violence est une cause de nullité qu'elle ait été exercée par une partie ou par un tiers.

En l'espèce, Monsieur [V] expose qu'alors que lui avaient été transmis le 2janvier 2018 par Madame [C], directrice des opérations [F], des promesses de contrat de travail ne prévoyant pas de période d'essai, portant une reprise d'ancienneté au 1er février 2005 et comportant un «'package rémunération'» de 300.000 € (180.000 € fixe et 120.000 € variable), l'employeur a attendu qu'il démissionne de son précédant poste le 10 janvier 2018 pour lui transmettre un projet de contrat final signé le 12 janvier 2018 qui lui était préjudiciable puisqu'il comprenait une période d'essai de 4 mois, ne prévoyait pas de reprise d'ancienneté, et mentionnait un « package rémunération » de 220.000 € (120.000 € fixe et 100.000 € variable). Il indique avoir été contraint de signer ce contrat car il avait déjà démissionné et se trouvait sinon sans emploi, ce qui caractérise une violence motivant le prononcé de la nullité du contrat.

La cour observe cependant que les projets de contrat dont il a eu connaissance début janvier 2018 lui ont été transmis par Madame [C] de façon informelle, car il entretenait une relation sentimentale avec celle-ci, et ne peuvent donc constituer une communication officielle de la part de son employeur de nature à l'engager. Par ailleurs, il ressort de la teneur des mails produits qu'il s'agissait uniquement de projets de contrat dont les mentions étaient de nature à évoluer en considération des discussions internes à l'entreprise relativement à l'embauche de Monsieur [V].

La cour relève également que Monsieur [V] a explicitement indiqué dans un mail du 8 janvier 2018 que l'ancienneté n'était pas importante pour lui et qu'elle pouvait démarrer à la date de son arrivée au sein de la société [F].

En outre, Monsieur [V] a signé la version finale du contrat de travail transmise le 12 janvier 2018, en en prenant connaissance, a accepté son exécution durant de nombreux mois et n'a pas émis d'observations ultérieures sur la validité de celui-ci pendant l'exécution de son contrat de travail.

La rémunération prévue dans ce contrat (120.000 € fixe et 100.000 € variable) n'est par ailleurs pas manifestement dérisoire au regard de celle qu'il percevait dans son précédent poste au sein de la société OVID, à savoir une rémunération annuelle fixe de 62.000 € et une rémunération variable cible de 43.000 €, soit un package potentiel global de 105.000 €.

En considération de ces éléments, il y a lieu de débouter Monsieur [V] de sa demande de nullité du contrat de travail du 12 janvier 2018.

Sur le licenciement

Il résulte des dispositions de l'article L.1234-1 du code du travail que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle nécessite le départ immédiat du salarié, sans indemnité.

La preuve de la faute grave incombe à l'employeur, conformément aux dispositions des articles 1353 du code civil et 9 du code de procédure civile.

Si elle ne retient pas la faute grave, il appartient à la juridiction saisie d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l'employeur, conformément aux dispositions de l'article L.1232-1 du code du travail.

Aux termes de l'article L.1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Aux termes de l'article L.1235-1 du code du travail, le juge, pour apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles, et, si un doute persiste, il profite au salarié.

En l'espèce, la lettre de licenciement du 9 janvier 2019, qui fixe les limites du litige en application des dispositions de l'article L.1232-6 du code du travail, fait état des griefs suivants :

- La désorganisation de l'entreprise et l'instauration d'un climat hostile au sein de la société,

- La menace d'une rupture de la période d'essai à défaut d'acceptation par la société de lui accorder une carte Visa Entreprise,

- Une réaction disproportionnée à la publication d'une offre d'emploi Linkedin sur son poste, événement non-imputable à la société et une instrumentalisation mensongère des agissements de la société,

- La demande d'une augmentation de salaire de 25 % assortie d'un chantage à la démission.

Monsieur [V] conteste les griefs et soutient que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

- La désorganisation de l'entreprise et l'instauration d'un climat hostile au sein de la société':

La société [F] expose que plusieurs salariés ont fait état de difficultés relationnelles importantes avec Monsieur [F], dont l'arrivée a selon eux conduit à une dégradation de leurs conditions de travail. Elle ajoute qu'entre le mois de février et de novembre 2018, en seulement 9 mois et suivant l'arrivée de Monsieur [V], pas moins de 6 collaboratrices, y compris Madame [T], ont donné leur démission.

Elle produit à l'appui de ses dires les attestations de Monsieur [E] et Mesdames [I] et [T].

La cour observe que Monsieur [E] et Madame [R] se plaignent d'un management trop vertical à leur goût, mais ce mode de management, s'il n'était pas apprécié par ceux-ci, n'est pas en lui-même fautif dès lors qu'il ne nuit pas au fonctionnement de l'entreprise, ce qui n'est pas prouvé en l'espèce. Madame [T] se plaint également du management de Monsieur [V] sans décrire les points problématiques, ce qui est insuffisant à démontrer un comportement fautif.

Par ailleurs, alors que l'employeur évoque le départ de 6 collaborateurs en lien avec le comportement de Monsieur [V], seule la démission de Madame [T] est démontrée, étant précisé que celle-ci indique qu'elle ne se projetait pas avec le management de Monsieur [V], sans décrire de comportement fautif de sa part pour autant.

En outre, Monsieur [V] produit une attestation de Monsieur [A], ancien collaborateur dans la société [F], qui témoigne pour sa part des qualités professionnelles et de travail en équipe de celui-ci, et une évaluation obtenue en 2017 dans le cadre de son emploi précédant louant ses qualités en matière de travail en équipe.

Au regard de ces éléments, le grief n'est pas établi.

- La menace d'une rupture de la période d'essai à défaut d'acceptation par la société de lui accorder une carte Visa Entreprise':

L'employeur expose que le salarié a sollicité fin mai 2018 le renouvellement de sa période d'essai pour finalement indiquer vouloir rompre le contrat pour enfin indiquer qu'il souhaitait rester et la renouveler, pour un motif dérisoire, à savoir la non attribution d'une carte bancaire professionnelle au niveau espéré.

Monsieur [V] répond qu'il a effectivement hésité à démissionner à la fin de sa période d'essai, après en avoir demandé le renouvellement, ce qui était son droit, non pas à cause d'une carte bancaire, mais car il était déstabilisé car son employeur ne mettait pas à sa disposition les moyens nécessaires pour qu'il effectue convenablement ses missions, notamment s'agissant de la signature d'un contrat important.

La cour observe qu'il ne ressort pas des échanges produits que le changement de position du salarié relativement à sa période d'essai serait dû à une carte bancaire non obtenue, le seul élément au soutien de cette affirmation étant une attestation de Monsieur [K], insuffisante compte tenu de sa subjectivité en qualité de salarié de la société [F] et de proche collaborateur de Madame [C], étant précisé que Madame [C] et Monsieur [V] sont en très mauvais termes depuis leur rupture sentimentale en novembre 2018.

La cour souligne également qu'il relève de la liberté du salarié d'envisager une rupture en cours de période d'essai ou un renouvellement de celle-ci, étant précisé que les échanges à ce sujet n'ont duré que trois jours et qu'il n'est pas démontré qu'ils aient perturbé le fonctionnement de l'entreprise.

Ce grief n'est donc pas établi.

- Une réaction disproportionnée à la publication d'une offre d'emploi Linkedin sur son poste, événement non-imputable à la société et une instrumentalisation mensongère des agissements de la société':

La société reproche au salarié d'avoir eu une réaction excessive lorsqu'il a découvert qu'une annonce avait été passée sur Linkedin pour le poste qu'il occupait. Toutefois, la publication d'une telle annonce, même si elle s'est avérée erronée, était de nature à susciter son inquiétude légitime, et sa réaction telle qu'elle ressort des mails produits n'apparaît pas excessive au regard de la suspicion légitime qu'une telle publication a pu entraîner.

Ce grief n'est donc pas établi.

- La demande d'une augmentation de salaire de 25 % assortie d'un chantage à la démission':

La société reproche au salarié d'avoir eu une réaction excessive et d'avoir opéré un chantage à la démission lorsqu'il a découvert qu'il ne bénéficierait que de 12% d'augmentation au lieu des 25% qu'il espérait.

Il ressort toutefois des échanges de mails produits que Monsieur [V] a tenté de négocier une augmentation supérieure, ce qui n'est pas fautif en soi mais relève des sujets qui peuvent être abordés entre salarié et employeur, et a évoqué un possible départ si ses revendications salariales venaient à ne pas être satisfaites, ce qui relève également du domaine de la négociation. La nature des échanges et les termes employés n'apparaissent pas excessifs au regard du contexte.

Ce grief n'est donc pas établi.

En considération de ces éléments, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a dit le licenciement de Monsieur [F] sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences du licenciement

- Sur l'ancienneté de Monsieur [V]

Monsieur [V] revendique une ancienneté au 1er février 2007, correspondant à sa date d'entrée dans le groupe, au motif que la promesse de contrat valant contrat de travail qui lui a été communiquée avant signature du contrat mentionnait une reprise d'ancienneté au 1er février 2005, et que cette reprise d'ancienneté engageait l'employeur.

La cour rappelle toutefois comme précédemment exposé que ces projets de contrat transmis par l'intermédiaire de Madame [C] de façon non officielle compte tenu de leurs relations, et relevant d'une phase de discussion interne dans le cadre de pour parlers ne constituaient pas des promesses engageant l'employeur. Ce dernier étant tenu uniquement par le contrat de travail signé par les parties le 12 janvier 2018, lequel ne prévoit pas de reprise d'ancienneté, il convient de retenir pour le calcul des indemnités consécutives au licenciement une ancienneté au 19 février 2018, date d'effet du contrat.

- Sur la rémunération de Monsieur [V]

S'agissant de la rémunération à prendre en considération pour le calcul des indemnités, Monsieur [V] revendique également la prise en considération des sommes prévus dans les projets de contrat. Toutefois, ceux-ci n'engageant pas l'employeur, pour les motifs sus-exposés, il convient de retenir la rémunération telle que prévu au contrat signé le 12 janvier 2018.

- Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents

Dans le dispositif de ses écritures, le salarié évoque une «'demande au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés et congés payés y afférents'», mais il ressort de la lecture des conclusions qu'il s'agit d'une erreur de plume et qu'il sollicite en réalité une indemnité de préavis et les congés payés afférents.

Au regard de la convention collective applicable, le salarié a droit à 3 mois de préavis. Sur la base du salaire annuel de 120 000 € et d'une rémunération variable accordée de 137 497,29 €, la société [F] France doit au salarié la somme de 64 374,32 € brut ((120 000 + 137 497,29)/12X 3) ainsi qu'à celle de 6437,43 € brut à titre de congés payés y afférents.

Le jugement sera donc infirmé sur les quantums alloués et statuant de nouveau, l'employeur sera condamné à verser ces sommes au salarié.

- Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement

La convention collective Syntec prévoit qu'il est attribué à tout salarié licencié justifiant d'au moins huit mois d'ancienneté ininterrompue une indemnité de licenciement. Pour les cadres ayant une ancienneté de moins de deux ans, l'indemnité conventionnelle de licenciement est égale à 1/4 de mois par année de présence avec un maximum de 12 mois.

Au regard de ces éléments, l'indemnité conventionnelle de licenciement due s'élève à la somme de 5.364 €.

Le jugement sera donc infirmé sur les quantums alloués et statuant de nouveau, l'employeur sera condamné à verser cette somme au salarié.

- Sur les dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le salarié justifie d'un an d'ancienneté et l'entreprise emploie habituellement plus de 10 salariés.

En dernier lieu, il percevait un salaire mensuel brut de 21.458 €.

En application des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, il est fondé à obtenir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse égale à une somme comprise entre 1 et 2 mois de salaire. Il ne peut se prévaloir des dispositions relatives au licenciement nul dès lors qu'il n'a pas sollicité et obtenu le prononcé de la nullité du licenciement.

Au moment de la rupture, il était âgé de 41 ans et il justifie de sa situation de demandeur d'emploi jusqu'en juin 2019. Il a ensuite créé une société de conseil dont les revenus de l'ordre de 85.000 € par an étaient inférieurs au salaire perçu au sein de la société [F].

Au vu de cette situation, et de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle il convient d'évaluer son préjudice à 30.000 €.

Le jugement sera donc infirmé sur ce point et statuant de nouveau, l'employeur sera condamné à verser cette somme au salarié.

Sur la demande au titre de rappel de rémunération variable et les congés payés y afférents

Aux termes de son contrat de travail, Monsieur [V] devait percevoir en sus de sa rémunération fixe une rémunération variable dont le pourrait atteindre 100.000 € si 100 % des objectifs quantitatifs et qualitatifs étaient atteints.

La société [F] France a versé à Monsieur [V] la somme de 137 497,29 € brut au titre de la partie variable de son salaire pour l'année 2018. Le salarié estime qu'il aurait dû percevoir une somme de 160.000 € à ce titre, se fondant sur un mail de Madame [C] du 9 octobre 2018 mentionnant cette somme. Toutefois, outre que ce mail n'engage pas l'employeur dès lors qu'il indique explicitement qu'il ne constitue qu'une estimation, la somme perçue par le salarié est supérieure à la rémunération variableprévue contractuellement, et il ne peut donc solliciter de rappel à ce titre.

En conséquence, il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'employeur à verser au salarié la somme de 22.502,71 € au titre de rappel de rémunération variable et de 2.250,27 € au titre des congés payés y afférents. Statuant de nouveau, le salarié sera débouté de sa demande.

Sur la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral et non-respect des dispositions afférentes à la sécurité de la santé du salarié

- Sur l'allégation de harcèlement

Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur a l'obligation de protéger la santé physique et mentale de ses salariés.

Aux termes de l'article L.1152-4 du même code, l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

Aux termes de l'article L.1152-1 du même code, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Conformément aux dispositions de l'article L.1154-1 du même code, il appartient au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces faits ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il juge utiles.

En l'espèce, Monsieur [V] fait valoir les éléments suivants à l'appui de ses allégations de harcèlement :

- L'employeur lui a transmis deux contrats de travail avec une rémunération annuelle de base de 150.000 € pour finalement signer un contrat mentionnant un salaire de 120 000 €, et d'un contrat avec reprise de l'ancienneté au 1er février 2005 pour finalement lui faire signer un contrat sans mention de ladite reprise d'ancienneté :

La cour relève toutefois qu'ainsi que précédemment exposé, ces projets de contrat élaborés dans le cadre de pourparlers n'engageaient pas l'employeur et ont été transmis de façon non officielle au salarié par Madame [C] avec laquelle il entretenait une relation sentimentale, sans que son employeur en soit informé. En outre, ces faits sont antérieurs à la signature du contrat. Au regard de ces éléments, ils ne peuvent venir à l'appui d'un harcèlement moral.

- L'employeur aurait fait preuve d'inertie pour supprimer l'offre d'emploi du poste occupé par Monsieur [V] sur LinkedIn':

La cour relève qu'il ressort des échanges et pièces produites que l'employeur a au contraire réagi immédiatement suite à la publication par erreur de cette annonce sur Linkedin suite à une mise à jour informatique erronée, et qu'il s'est excusé auprès du salarié. Au regard de ces circonstances, ces faits ne peuvent venir à l'appui d'un harcèlement moral.

- Des propos dégradants et insultants auraient été tenus par Madame [C], supérieure hiérarchique et ancienne relation sentimentale, et son collègue Monsieur [K]':

Monsieur [V] expose que le 15 novembre 2018, dans l'attente de l'entretien préalable, il a entendu ces personnes discuter de lui et de leur intention de «'l'expédier'» aux prud'hommes pour que l'opération ne leur coûte pas trop cher. Il a également entendu des propos extrêmement méprisants et dégradants à son égard, à savoir : « faut qu'il dégage, cette raclure de bidet de chiotte d'hôtel de passe de Gare du [5]. ».

La cour relève cependant qu'aucune pièce ne permet de retenir que ces faits auraient pu avoir lieu, en l'absence de tout témoin.

- L'employeur lui a annoncé la mise en 'uvre d'une procédure de rupture conventionnelle le 12 novembre 2018, alors qu'il n'avait jamais fait part de son intention de quitter l'entreprise.'

La cour observe que l'employeur a proposé à une reprise une rupture conventionnelle au salarié qui avait préalablement évoqué une volonté de départ en raison de l'absence de satisfaction de ses désirs d'augmentation salariale. Cette unique proposition ne peut constituer un élément à l'appui d'un harcèlement moral.

- L'employeur lui a donné instruction de changer de bureau':

La cour observe que Monsieur [V], après avoir entretenu pendant plusieurs mois une relation sentimentale avec Madame [C], a mis fin à leur relation au début du mois de novembre 2018, cette rupture créant une inimitié entre les deux ex-amants. Dans la mesure où il partageait son bureau avec celle-ci, la cohabitation était difficilement tenable et il était au contraire sain de lui proposer un changement de bureau, étant précisé qu'elle occupait déjà le bureau avant son arrivée.

- Monsieur [V] évoque un management agressif de la part de Madame [C]':

A l'appui de ses dires, il produit une attestation de Monsieur [A] qui évoque un management «'à la dure'» de madame [C] qui le rabaissait et le menaçait, ce qui a eu un effet néfaste sur sa santé et sa vie de famille. Il produit également un mail de Monsieur [H] qui faisait part à la direction de management harcelant de Madame [C] en juillet 2020. Il fait valoir que le témoignage de ces deux anciens salariés démontre le mode de management de Madame [C].

Il produit également des mails adressés à ses supérieurs hiérarchiques':

Le 12 novembre Monsieur [V] écrit à Monsieur [D]': « je suis en détresse depuis une semaine, j'ai besoin d'aide. S'il vous plaît, aidez-moi ». Il lui sera répondu qu'il y a beaucoup d'émotion dans ce qu'il écrit mais qu'il doit continuer à travailler et rester dans son bureau pendant les heures de travail.

Le 15 novembre 2018, il écrit à Madame [N] [X] (DRH division) : « je me sens complètement détruit. Ces derniers jours, j'ai été harcelé si durement'. je vous ai prévenu à plusieurs reprises'' j'ai besoin maintenant d'une assistance médicale'' elle me harcèle tellement et c'est tellement rude qu'elle m'a peut-être fait perdre la vie !!!!! ».

Il indique que les ressources humaines lui ont conseillé d'aller voir la médecine du travail le 15 novembre, mais qu'il a fait un malaise le jour même compte tenu de ce contexte puis a été placé en arrêt de travail pour raisons psychologiques. Il produit en ce sens un rapport d'intervention des pompiers du 15 novembre 2018, ainsi que des documents médicaux notamment des prescriptions d'anti-dépresseurs.

Ces éléments de fait laissent supposer l'existence d'un harcèlement.

En réponse à ces éléments, l'employeur expose que c'est Monsieur [V] qui était un salarié problématique, et non Madame [C], évoquant les témoignages de Monsieur [E] et Mesdames [I] et [T] qui se plaignaient du management de celui-ci. Toutefois, outre que ces témoignages ne mettaient pas en évidence un comportement fautif du salarié, comme sus-examiné, ils ne disent rien de la relation entre Monsieur [V] et Madame [C].

L'employeur fait également valoir que les témoignages de Messieurs [H] et [A] ne sont pas probants car ils ne concernent pas Monsieur [V] et que l'un deux est en conflit avec la société. La cour relève cependant que si ces deux témoignages sont concordants sur le mode de management de Madame [C], d'autres salariés témoignent au contraire de ce que celle-ci était une bonne manageuse, à l'écoute et compréhensive dès lors qu'ils ne font pas état de la situation spécifique de Monsieur [V],les témoignages de Messieurs [H] et [A] ne sont pas à eux seuls probants.

En ce qui concerne les mails d'alerte de Monsieur [V] la cour observe le premier mail envoyé par celui-ci le 12 novembre 2018 était inquiétant et aurait nécessité une réaction rapide et appropriée de l'employeur, qui a au contraire dans un premier temps uniquement dit au salarié de rester calme et de continuer à travailler. Ce n'est que suite à son deuxième mail du 15 novembre qu'il lui aurait conseillé de se rendre chez le médecin du travail, sans pour autant organiser cette visite, le salarié faisant à la suite un malaise nécessitant l'intervention des pompiers.

Il ressort de ces éléments que l'employeur a laissé subsister une situation qui apparaissait intolérable pour le salarié, menant à la survenance d'un malaise. Ces faits, même brefs et ayant lieu sur quelques jours, sont, compte tenu de leur intensité, constitutifs d'un harcèlement moral.

- Sur le manquement allégué à l'obligation de sécurité

Aux termes de l'article L.4121-1 du code du travail, l'employeur a l'obligation d'assurer la sécurité et de protéger la santé physique et mentale de ses salariés et aux termes de l'article L.4121-2, il met en oeuvre ces mesures sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L.1152-1 et L.1153-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

Ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les textes susvisés.

Il appartient à l'employeur de démontrer qu'il a pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des salariés.

En l'espèce, en ne réagissant que tardivement et de façon incomplète à l'alerte pourtant inquiétante du salarié formalisée par mails du 12 novembre puis du 15 novembre 2018, l'employeur a manqué à son obligation de sécurité.

Au regard de ces éléments, il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a débouté le salarié sur ce point, et statuant de nouveau, de condamner l'employeur à lui verser la somme de 3.000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi au titre du harcèlement moral et du manquement à l'obligation de sécurité.

Sur la demande de rappel de salaire et congés payés y afférents

Monsieur [V] sollicite un rappel de salaire sur le fondement des projets de contrat qu'il considère comme des promesses de contrat engageant l'employeur. Pour les motifs sus-exposés et au regard des termes du contrat de travail signé le 12 janvier 2018, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté le salarié de cette demande.

Sur la demande afférente à la prime de vacances

L'article 31 de la convention collective Syntec prévoit le bénéficie d'une prime de vacances d'un montant au moins égal à 10 % de la masse globale des indemnités de congés payés par la convention collective de l'ensemble des salariés.

Toutes primes ou gratifications versées à l'ensemble des salariés en cours d'année à divers titres et quelle qu'en soit la nature, peuvent être considérées comme primes de vacances à condition qu'elles soient au moins égales aux 10% prévus au présent article et qu'une partie soit versée pendant la période située entre le 1er mai et le 31 octobre.

En revanche, ne peuvent se substituer au paiement de la prime de vacances :

- un treizième mois ;

- l'indemnité de précarité des enquêteurs vacataires prévue par l'article 53 de l'accord de branche du 16 décembre 1991 (annexe 4) ;

- une prime d'objectifs prévue par le contrat de travail.

En l'espèce, Monsieur [V] expose que la société [F] se contente d'affirmer qu'elle a versé la prime de vacances le 30 juin 2018 pour un montant de 340 € et qu'elle apparaît sur l'attestation pôle emploi, mais malgré la sommation de communiquer qui lui a été adressée en ce sens, elle ne justifie pas de la masse globale des indemnités de congés payés 2018, qui aurait permis de s'assurer du montant dû.

La cour relève que la société [F] qui soutient avoir rempli le salarié de ses droits par le versement de cette prime de 340 € ne justifie pas de l'exactitude du quantum versé, à défaut de produire des éléments établissant que le montant est au moins égal à 10 % de la masse globale des indemnités de congés payés par la convention collective de l'ensemble des salariés.

En conséquence, il convient d'infirmer le jugement sur ce point, et d'ordonner, sans qu'une astreinte semble nécessaire, à la société [F] FRANCE de communiquer la masse globale des indemnités de congés payés au titre de l'année 2018 à Monsieur [V], les modalités de calcul de la prime et à verser le montant de la prime de vacances telle que convenue à la convention collective, déduction faite de la somme de 340 € déjà versée.

Sur la demande de paiement de complément de salaire

La convention collective Syntec prévoit un maintien du salaire à 100 % pendant 3 mois en cas d'arrêt maladie pour les salariés dont l'ancienneté est supérieure à 1 an.

Monsieur [V] revendique sur le fondement de ce texte le versement d'un complément de salaire pour son arrêt maladie du 16 novembre 2018 au 15 février 2019.

La cour relève cependant qu'il n'a atteint l'année d'ancienneté que le 19 février 2019, au regard de la prise d'effet de son contrat de travail le 19 février 2018, et qu'il ne peut donc pas prétendre au complément qu'il sollicite.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande à ce titre.

Sur la remise des documents

Il convient d'ordonner la remise d'un bulletin de salaire rectificatif, ainsi que d'un certificat de travail et d'une attestation destinée à Pôle emploi, devenu France travail, conformes aux dispositions du présent arrêt, sans que le prononcé d'une astreinte apparaisse nécessaire.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Il y a lieu de confirmer la décision du conseil de prud'hommes sur ces points, et y ajoutant, de condamner l'employeur aux dépens de l'appel ainsi qu'à verser à Monsieur [V] la somme de 2.500 € au titre des frais de procédure engagés en cause d'appel.

L'employeur sera débouté de sa demande au titre des frais de procédure.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a':

- condamné l'employeur à verser au salarié la somme de 22.502,71 € au titre de rappel de rémunération variable et de 2.250,27 € au titre des congés payés y afférents,

- débouté le salarié de sa demande à titre de dommages et intérêts en raison du harcèlement moral et du manquement à l'obligation de sécurité,

- débouté le salarié de sa demande au titre de la prime de vacances,

Et en ce qui concerne les quantums attribués au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents, de l'indemnité conventionnelle de licenciement et de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Statuant de nouveau et y ajoutant,

Rejette la demande d'irrecevabilité de la demande nouvelle de nullité du contrat de travail signé le 12 janvier 2018,

Dit cette demande recevable mais déboute Monsieur [V] de celle-ci,

Déboute Monsieur [V] de sa demande à titre de rappel de rémunération variable et congés afférents,

Condamne la société [F] France à verser à Monsieur [V]':

- 64.374,32 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 6.437,43 € de congés payés y afférents,

- 5.364 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 30.000 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3.000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi au titre du harcèlement moral et du manquement à l'obligation de sécurité,

Ordonne, sans qu'une astreinte soit nécessaire, à la société [F] FRANCE de communiquer la masse globale des indemnités de congés payés au titre de l'année 2018 à Monsieur [V], les modalités de calcul de la prime de vacances et condamne en tant que besoin la société [F] France à verser le montant de la prime de vacances telle que convenue à la convention collective, déduction faite de la somme de 340 € déjà versée,

Ordonne la remise d'un bulletin de salaire rectificatif, ainsi que d'un certificat de travail et d'une attestation destinée à Pôle emploi, devenu France travail, conformes aux dispositions du présent arrêt, sans que le prononcé d'une astreinte apparaisse nécessaire,

Condamne la société [F] France aux dépens de l'appel,

Condamne la société [F] France à verser à Monsieur [V] la somme de 2.500 € au titre des frais de procédure engagés en cause d'appel,

Déboute la société [F] France de sa demande au titre des frais de procédure.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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