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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 11 septembre 2025, n° 22/05513

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Kart'in (SAS)

Défendeur :

Sécurité Incendie Aide Aux Personnes 3 Société Privée (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Renard

Conseillers :

Mme Soudry, Mme Prigent

Avocats :

Me Fromantin, Selarl Samuel Bequet Avocat, Me Boccon Gibod, Selarl Aklea Avocat

T. com. Lyon, du 24 févr. 2022, n° 2019J…

24 février 2022

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Kart'In [Localité 4], qui exploite un circuit de karting sur la commune de [Localité 5], a conclu avec la société Sécurité Incendie Aide Aux Personnes 3 Société Privée (SIAP 3), le 1er janvier 2009, un contrat de gardiennage.

La profession d'agent de sécurité privée a été réformée par la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 dite « loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure » (LOPPSI) et par l'ordonnance n° 2012-351 du 12 mars 2012.

Cette réforme entraînait la création du Conseil National des Activités Privées de Sécurité (CNAPS) financé notamment par une taxe CNAPS, et en charge de l'attribution et du contrôle des différents agréments, autorisations d'exercice et cartes professionnelles.

A l'occasion d'un contrôle réalisé dans la nuit du 26 au 27 décembre 2018, le CNAPS a relevé que ni la société SIAP 3, ni son dirigeant, ni l'agent contrôlé n'étaient titulaires des autorisations d'exercice, cartes professionnelles et agréments nécessaires à l'exercice de cette activité depuis l'entrée en vigueur de la loi LOPPSI.

Le CNAPS en a informé la société Kart'In [Localité 4].

Par lettre recommandée du 30 janvier 2019, la société Kart'In a notifié à la société SIAP 3 la résiliation immédiate du contrat de gardiennage aux torts exclusifs de cette dernière.

Par acte du 25 mars 2019, la société Kart'In Lyon a assigné la société SIAP 3 devant le tribunal de commerce de Lyon en caducité du contrat, subsidiairement en résolution du contrat, en restitution de sommes et en indemnisation.

Par jugement du 24 février 2022, le tribunal de commerce de Lyon a :

- Rejeté la demande de sursis à statuer de la société SIAP 3 ;

- Déclaré que l'action de la société Kart'In [Localité 4] était prescrite depuis le 12 mars 2017 ;

- Débouté la société Kart'In [Localité 4] de l'ensemble de ses demandes, celles-ci étant irrecevables ;

- Rejeté tous autres moyens, fins et conclusions contraires des parties ;

- Prononcé l'exécution provisoire du présent jugement, nonobstant appel et sans caution ;

- Dit qu'il n'y avait pas lieu à condamnation en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Dit que les dépens étaient partagés par moitié entre les parties.

Par déclaration du 14 mars 2022, la société Kart'In [Localité 4] a interjeté appel du jugement en ce qu'il a :

- Déclaré que l'action de la société Kart'In [Localité 4] était prescrite depuis le 12 mars 2017 ;

- Débouté la société Kart'In [Localité 4] de l'ensemble de ses demandes, celles-ci étant irrecevables ;

- Rejeté tous autres moyens, fins et conclusions contraires des parties.

Par ses dernières conclusions notifiées le 26 février 2025, la société Kart'In [Localité 4] demande, au visa de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983, de la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011, de l'ordonnance n° 2012-351 du 12 mars 2012, des articles L. 611-1 et suivants du code de la sécurité intérieure, de la jurisprudence, et sa codification « à droit constant » notamment aux articles 1186 et suivants, 1229 et 1352 du code civil dans leur rédaction issue de la réforme du droit des obligations, de :

- Réformer le jugement rendu le 24 février 2022 par le tribunal de commerce de Lyon en ce qu'il a :

* Déclaré que l'action de la société Kart'In [Localité 4] était prescrite depuis le 12 mars 2017 ;

* Débouté la société Kart'In [Localité 4] de l'ensemble de ses demandes, celles-ci étant irrecevables ;

* Rejeté tous autres moyens, fins et conclusions contraires des parties ;

- En tant que de besoin, réparer l'omission de statuer affectant le jugement quant à la demande tendant au prononcé de la résolution du contrat de gardiennage du 1er janvier 2009 ;

- Rejeter l'appel incident formé par la société SIAP 3 ;

En conséquence,

- A titre principal, constater la caducité du contrat de gardiennage du 1er janvier 2009 par l'effet de l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2012-351 du 12 mars 2012 instituant le code de la sécurité intérieure, faute pour la société SIAP 3 de détenir les agréments et autorisations nécessaires à l'exercice de son activité ;

- A titre subsidiaire, constater la résolution du contrat de gardiennage du 1er janvier 2009, à la date du 30 janvier 2019, avec effet rétroactif, « aux torts de la société Kart'In [Localité 4] », du fait d'un manquement grave à ses obligations contractuelles par l'exercice d'une activité irrégulière du fait du défaut d'agrément et d'autorisation nécessaires, et l'usage de man'uvres visant à créer artificiellement une apparence d'activité de sécurité privée exercée de manière régulière ;

- En toute hypothèse, ordonner la restitution par la société SIAP 3 de l'ensemble des sommes versées par la société Kart'In [Localité 4] en application du contrat du 1er janvier 2009 au cours des cinq années précédant l'introduction de la présente procédure, soit la somme de 244 862,30 euros, et l'y condamner en tant que de besoin ;

- Dire que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de chaque règlement successif, avec capitalisation par année entière ;

- Condamner la société SIAP 3 à payer la somme de 20 000 euros à la société Kart'In [Localité 4] à titre de dommage et intérêts en réparation du préjudice en résultant ;

- Débouter la société SIAP 3 de tout appel incident, demandes, prétentions fins et moyens contraires ;

- Rejeter spécialement toute demande de compensation avec le paiement des prestations illicites, et toute demande de paiement telle que dirigée contre la société Kart'In [Localité 4] ;

- Condamner la société SIAP 3 à payer à la société Kart'In [Localité 4] la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par ses dernières conclusions notifiées le 3 avril 2023, la société SIAP 3 demande, au visa des articles L.110-1, L. 442-6, L. 441-10 du code de commerce, des articles 9, 378, 700 du code de procédure civile, des articles 1134, 1147, 1132 du code civil, des dispositions de l'ordonnance n° 2012-351 du 12 mars 2012 relative à la partie législative du code de la sécurité intérieure, des dispositions de l'article L. 612 du code de la sécurité intérieure, de :

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* Déclaré que l'action de la société Kart'In [Localité 4] était prescrite depuis le 12 mars 2017 ;

* Débouté la société Kart'In [Localité 4] de l'ensemble de ses demandes, celles-ci étant irrecevables ;

* Rejeté tous autres moyens, fins et conclusions contraires des parties mais seulement lorsqu'il a rejeté les moyens, fins et conclusions de la société Kart'in [Localité 4] ;

A titre subsidiaire, sur la demande de restitutions et de dommages et intérêts,

- Juger que les restitutions sont réciproques et incluent donc une restitution en valeur des prestations de services effectuées par la société SIAP 3 au profit de la société Kart'In [Localité 4] pendant plus de 10 ans, sans qu'aucun reproche ne soit jamais formulé ;

- Juger que la demande de dommages et intérêts formulée par la société Kart'In [Localité 4] n'est ni fondée juridiquement ni justifiée ;

En conséquence,

- Ordonner une compensation entre les sommes versées par la société Kart'In [Localité 4] à la société SIAP 3 avec la valeur des prestations de services que doit restituer la société Kart'In [Localité 4] à la société SIAP 3 d'une somme équivalente ;

- En tout état de cause, dire que la taxe sur la valeur ajoutée ne peut pas entrer dans l'assiette des restitutions, ni le montant des factures de la société SIAP 3, n'ayant jamais été payées par la société Kart'In [Localité 4] ;

- Débouter la société Kart'In [Localité 4] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

En tout état de cause,

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* Rejeté tous autres moyens, fins et conclusions contraires des parties mais seulement lorsqu'il a rejeté les moyens, fins et conclusions de la société SIAP 3 ;

* Dit que les dépens étaient partagés par moitié entre les parties ;

Et statuant à nouveau, au besoin en y ajoutant,

- Condamner la société Kart'In [Localité 4] à verser à la société SIAP 3 la somme de 16 821 euros toutes taxes comprises au titre des factures échues au principal, augmentée des intérêts de retard de la Banque Centrale Européenne applicables jusqu'au complet paiement (fixés à 4 784,64 euros au jour des présentes conclusions), avec capitalisation ;

- Condamner la société Kart'In [Localité 4] à verser à la société SIAP 3 la somme de 12 600 euros toutes taxes comprises au titre du préavis contractuel ;

- Condamner la société Kart'In [Localité 4] à verser à la société SIAP 3 la somme de 841,05 euros au titre de la majoration contractuelle ;

- Condamner la société Kart'In [Localité 4] à verser à la société SIAP 3 la somme de 46 200 euros toutes taxes comprises au titre de la rupture abusive du contrat ou à tout le moins la somme de 42 000 euros au titre de la rupture brutale de la relation commerciale entretenue avec la société SIAP 3 ;

- Débouter la société Kart'In [Localité 4] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- Condamner la société Kart'In [Localité 4] au versement de la somme de 15 000 euros à la société SIAP 3 sur le fondement de l'article 700 code de procédure civile ;

- Condamner la société Kart'In [Localité 4] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 20 mars 2025.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Le chef de dispositif du jugement ayant rejeté la demande de sursis à statuer n'est pas critiqué.

Sur la prescription de l'action

La société SIAP 3 soutient que l'action civile, fondée sur une violation de l'ordonnance n° 2012-351 relative à la partie législative du code de la sécurité intérieure, est prescrite depuis le 12 mars 2017.

La société Kart'In [Localité 4] fait valoir que la création d'une apparence de régularité par la société SIAP 3 a eu pour effet de retarder la date à laquelle elle aurait pu avoir connaissance de la cause de caducité, fixant le point de départ de la prescription au sens de l'article 2224 du code civil.

Selon l'article L. 110-4 du code de commerce, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans.

L'article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 entrée en vigueur le 19 juin 2008, dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Le contrat conclu entre les parties le 1er janvier 2009 porte sur la « mise en place d'un gardiennage » avec un paiement facturé à l'heure.

L'article 1, intitulé « nature de la prestations », stipule :

« Le concessionnaire s'engage à intervenir physiquement (suivant un planning d'intervention convenu avec le demandeur ou sur appel de celui-ci) aux conditions particulières qui font partie intégrantes du présent contrat, afin d'assurer une protection et de prévenir tout incident, quelle qu'en soit la nature,

qui pourrait survenir pendant les heures d'ouverture de votre établissement. Pour ce faire, la société S.I.A.P.3, met en 'uvre pendant toute la durée du contrat, tous les moyens nécessaires à assurer un maximum de sécurité étant précisé qu'elle n'est tenue qu'à une obligation de moyens et non de résultats.

Les prestations sont effectuées par des agents de prévention de sécurité titulaire du diplôme s.s.i.a.p1.

En cas de problèmes importants, nos agents peuvent ou non solliciter l'appui des services de police ou des pompiers a'n d'optimiser sur leur efficacité.

Si une issue a été fracturée, nous plaçons un agent jusqu'à l'arrivée d'un responsable. Nous pouvons avec votre accord, faire intervenir différents corps de métiers (menuisiers, serruriers, etc. ...). Nous effectuerons de notre propre initiative, toutes les interventions qui nous paraissent nécessaires en cas d'éléments suspects relevés au cours des opérations de surveillance, ou de ronde. »

La société Kart'In [Localité 4] agit en caducité du contrat de gardiennage du 1er janvier 2009 par l'effet de l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2012-351 du 12 mars 2012 instituant le code de la sécurité intérieure, et subsidiairement en résolution du contrat.

L'ordonnance n° 2012-351 du 12 mars 2012 « relative à la partie législative du code de la sécurité intérieure » a imposé la délivrance d'un agrément pour exercer les activités ayant pour objet « la surveillance humaine ou la surveillance par des systèmes électroniques de sécurité ou le gardiennage de biens meubles ou immeubles ainsi que la sécurité des personnes se trouvant dans ces immeubles ».

Après l'entrée en vigueur de cette ordonnance, la société SIAP 3 a facturé la taxe CNAPS, ainsi qu'il résulte des factures produites des mois de mai à octobre 2015 et octobre 2018.

La société Kart'In [Localité 4] a été informée, par courriel du 15 janvier 2019 du CNAPS, qu'un contrôle réalisé dans la nuit du 26 au 27 décembre 2018 avait révélé que ni la société SIAP 3, ni son dirigeant, ni son agent contrôlé n'étaient titulaires des autorisations d'exercice, cartes professionnelles et agréments nécessaires à l'exercice de l'activité de sécurité privée depuis l'entrée en vigueur de la loi LOPPS, alors que la société SIAP3 avait déclaré un code APE 8010Z, correspondant aux activités de sécurité privée, et facturé la taxe CNAPS.

Il résulte de ces éléments que le point de départ de la prescription de l'action de la société Kart'In [Localité 4] doit être fixé au 15 janvier 2019, jour où la société Kart'In [Localité 4] a connu ces irrégularités lui permettant d'exercer l'action en caducité du contrat, et subsidiairement en résolution, pour défaut des agréments et autorisations nécessaires à l'exercice de l'activité de sécurité privée.

L'action ayant été introduite par acte du 25 mars 2019, n'est pas prescrite.

L'action de la société Kart'In [Localité 4] est dès lors recevable.

Le jugement sera infirmé.

Sur l'activité de sécurité privée

La société SIAP 3 soutient qu'elle n'a plus exercé d'activité de sécurité privée à compter de 2012, mais uniquement des prestations relevant de la sécurité incendie.

La société Kart'In [Localité 4] prétend que la société SIAP 3 a poursuivi l'exécution de ses prestations de gardiennage et donc de sécurité privée dans des conditions strictement identiques après la réforme de la profession d'agent de sécurité privée et l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 12 mars 2012, qu'elle a indûment appliqué la « taxe CNAPS » spécifique aux activités de sécurité privée, et qu'elle était seule chargée d'assurer l'intégralité de la sécurité et du gardiennage de l'établissement.

La société SIAP 3 a conclu le contrat de gardiennage le 1er janvier 2009 en étant autorisée à exercer ses activités de surveillance et de gardiennage en vertu d'un arrêté d'autorisation de fonctionnement du 12 septembre 2008.

Après l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2012-351 du 12 mars 2012 « relative à la partie législative du code de la sécurité intérieure », les parties n'ont pas modifié le contrat conclu.

La société SIAP 3 fait valoir qu'elle exerçait des prestations de prévention et de sécurité incendie, produisant notamment des attestations de salariés de la société Kart'In [Localité 4].

Aux termes de son courriel du 15 janvier 2019, le CNAPS a informé la société Kart'In [Localité 4] « avoir contrôlé M. [H] [F], en position de surveillance gardiennage de votre site », que « cette mission a été confirmée par l'agent qui nous indique intervenir pour la société SIAP3 en remplacement de M. [B] [F], souffrant. »

Les factures produites des mois de mai à octobre 2015 comportent les mêmes mentions que la facture produite du 31 décembre 2011 relatives à la prestation de « gardiennage » et au code APE 8010Z, et ajoutent la taxe CNAPS.

Il n'est produit aucun échange entre les parties sur une modification des prestations convenues.

La société SIAP 3 invoque la relaxe de M. [B] [F], son gérant, prononcée par le tribunal correctionnel de Lyon par jugement définitif du 7 janvier 2022, des faits d'exercice d'activité de surveillance, gardiennage, transport de fonds, protection des personnes ou des navires sans agrément et d'emploi de personne non titulaire d'une carte professionnelle pour l'exercice de l'activité de surveillance, gardiennage, transport de fonds, protection des personnes ou des navires.

Cependant, cette relaxe a été prononcée au regard de la seule date du 26 décembre 2018 visée par les poursuites pénales, le tribunal ayant relevé que M. [B] [F] n'était pas présent à cette date.

Le tribunal l'a déclaré coupable des faits de travail dissimulé, M. [H] [F] s'étant rendu sur le site sans avoir fait l'objet d'une déclaration préalable à l'embauche.

Il résulte de ces éléments que, contrairement à ce qu'elle soutient, la société SIAP 3 a poursuivi l'exécution de ses prestations de gardiennage et de sécurité privée.

Sur la caducité du contrat

La société Kart'In [Localité 4] prétend que l'exercice par la société SIAP 3 de l'activité en conformité avec la réglementation en vigueur était une condition essentielle et déterminante du contrat, sans laquelle elle n'aurait jamais accepté de contracter, que la société SIAP 3 a créé une apparence de régularité, et que le contrat de gardiennage conclu le 1er janvier 2009 est devenu caduc à compter du jour où cette société n'a plus bénéficié des autorisations d'exercice nécessaires, soit depuis le 12 mars 2012.

La société SIAP 3 soutient que l'article 1186 du code civil invoqué, issu de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, n'est pas applicable en l'espèce, le contrat ayant été conclu en 2009.

Elle fait valoir qu'elle n'a jamais perdu sa « capacité juridique » à exécuter le contrat et n'a commis aucune man'uvre de tromperie.

L'article 1186 du code civil, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, n'est pas applicable en l'espèce, le contrat ayant été conclu avant l'entrée en vigueur de cette réforme.

Antérieurement à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, il était admis que la caducité était la sanction appliquée à un contrat qui perd, en cours d'exécution, un de ses éléments essentiels, l'objet, la cause ou un élément nécessaire à sa perfection, du fait de la survenance d'un événement indépendant de la volonté des parties.

A la suite du contrôle opéré par le CNAPS, la société Kart'In [Localité 4] a résilié le contrat.

Les prestations de gardiennage ont été exécutées jusqu'à cette résiliation.

La société Kart'In [Localité 4] s'est engagée contractuellement en considération des prestations convenues.

Dès lors, l'absence de l'agrément, imposé par les dispositions légales, n'entraîne pas la caducité du contrat qui a été exécuté.

La demande de la société Kart'In [Localité 4] en caducité du contrat de gardiennage sera rejetée.

Sur la demande subsidiaire en résolution du contrat

La société Kart'In [Localité 4] prétend qu'en exerçant sciemment une activité de gardiennage soumise aux dispositions des articles L. 611-1 et suivant du code de sécurité intérieure sans détenir les agréments et autorisations nécessaires, la société SIAP 3 a commis des fautes d'une gravité telle qu'elles ont justifié la résolution unilatérale du contrat de gardiennage à ses torts exclusifs, et qu'en outre elle a usé de manière continue de man'uvres frauduleuses.

La société SIAP 3 soutient que l'article 1226 du code civil invoqué, issu de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, n'est pas applicable en l'espèce, le contrat ayant été conclu en 2009.

Elle fait valoir qu'elle n'était pas soumise aux dispositions concernant un agrément du CNAPS, que le contrôle du CNAPS a été initié par la société Kart'In [Localité 4] à dessein, qu'aucun « faux numéro » d'autorisation n'a été transmis à cette dernière.

Elle ajoute que la « résolution » mise en 'uvre par la société Kart'In [Localité 4] est irrégulière, en l'absence de mise en demeure et de courrier de « résolution ». Aucune faute n'a été reprochée, et que le contrat ne prévoit aucune clause de « résiliation » ou de « résolution » anticipée pour faute de l'une ou de l'autre des parties.

En vertu des articles 1147 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, la gravité du comportement d'une partie à un contrat peut justifier que l'autre partie y mettre fin de façon unilatérale à ses risques et périls, dès lors que la faute revêt un degré de gravité suffisant pour justifier la rupture.

Par lettre recommandée du 30 janvier 2019, la société Kart'In [Localité 4] a notifié à la société SIAP 3 la résiliation immédiate aux torts exclusifs de celle-ci du contrat de gardiennage conclu en 2009, en visant l'absence des autorisations d'exercice, cartes professionnelles et agréments nécessaires à l'exercice d'activités privées de sécurité.

Il résulte des éléments susvisés que la société SIAP 3 a poursuivi l'exécution de ses prestations de gardiennage et de sécurité privée sans avoir sollicité son agrément et son autorisation en application de l'ordonnance n° 2012-351 du 12 mars 2012.

Par décisions du 6 février 2020, la Commission nationale d'agrément et de contrôle a retenu, à la suite contrôlé opéré le 26 décembre 2018, la violation des dispositions législatives et réglementaires régissant l'exercice des activités privées de sécurité, en l'absence d'agrément de M. [B] [F], d'autorisation de fonctionnement de la société SIAP 3 et de carte professionnelle de M. [H] [F], et a prononcé une interdiction temporaire d'exercice et une pénalité financière, à l'encontre de M. [B] [F] et de la société SIAP 3.

Cette décision a été confirmée par la cour administrative de [Localité 4] le 1er juin 2023.

La société Kart'In [Localité 4] demande de « constater la résolution du contrat à la date du 30 janvier 2019 ».

Le contrat de gardiennage ayant été exécuté jusqu'à sa résiliation, la société Kart'In [Localité 4], qui n'en demande pas la nullité, n'est pas fondée à invoquer un effet rétroactif et à réclamer la restitution des sommes versées.

La rupture immédiate, sans préavis, des relations contractuelles par la société Kart'In [Localité 4] était justifiée par l'absence des autorisations d'exercice, cartes professionnelles et agréments nécessaires à l'exercice de l'activité de sécurité privée depuis l'entrée en vigueur de la loi LOPPSI, constituant un manquement grave et répété de la société SIAP 3 à ses obligations contractuelles.

La nature et la gravité de ce manquement rendait matériellement impossible la poursuite des relations contractuelles.

La résiliation sans préavis étant justifiée, la demande indemnitaire de la société SIAP 3 pour rupture abusive, ou pour rupture brutale de la relation commerciale sur le fondement des dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, n'est pas fondée.

Les demandes de la société SIAP 3 en paiement d'une somme au titre du préavis contractuel et d'une indemnité pour rupture abusive du contrat ou rupture brutale de la relation commerciale seront donc rejetées.

Sur la restitution et les factures impayées

La société Kart'In [Localité 4] prétend qu'à défaut de détention d'autorisations imposées par la loi, la société SIAP 3 n'avait pas les compétences ni les garanties utiles pour assurer les prestations confiées. Elle ajoute que les prestations de sécurité ont été exécutées par l'effet d'une tromperie, que leur valorisation se heurte à l'adage Nemo auditur, et que la société SIAP 3 ne prouve pas la valorisation alléguée.

La société SIAP 3 soutient que les articles 1186 et suivants et 1352 et suivants du code civil, issus de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, ne s'appliquent pas.

Elle fait valoir qu'en cas d'anéantissement du contrat, la société Kart'In doit restituer les prestations de services qui ont été exécutées, en valeur.

Elle réclame le paiement de factures.

Le contrat de gardiennage conclu entre les parties est un contrat de prestations de service à exécution successive.

Les prestations ayant été effectuées en vertu d'un contrat dont la nullité n'est pas demandée, il n'y a pas lieu d'ordonner une restitution des sommes réglées.

La demande de la société Kart'In [Localité 4] en restitution de sommes versées sera rejetée.

La société SIAP 3 produit ses factures relatives aux gardiennages d'octobre, novembre, décembre 2018 et janvier 2019, pour des montants respectifs de 4 221 euros, 4 200 euros, 4 200 euros et 4 200 euros.

La société SIAP 3 reconnait avoir appliqué par erreur une « taxe CNAPS » de 0,5 %, soit 17, 50 euros HT sur la facture d'octobre 2018.

Ainsi, la somme totale de 16 800 euros TTC (4 200 euros x 4) est due par la société Kart'In [Localité 4] au titre des prestations de gardiennage effectuées jusqu'à la résiliation du contrat et non réglées.

La société Kart'In [Localité 4] sera condamnée à verser à la société SIAP 3 la somme de 16 800 euros au titre des factures échues.

L'article 7 des conditions générales du contrat de gardiennage, intitulé « conditions de règlement », stipule :

« 1- Le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues, soit par chèque ou par virement bancaire, ne peut dépasser 45 jours fin de mois ou 60 jours à compter de la date d'émission de la facture.

2- A défaut de non-paiement dans les 15 jours, suivant les conditions de règlement, une majoration de 5% est applicable ».

En application de l'article L.441-6 du code de commerce, dans sa version applicable au litige, les quatre factures produisent intérêts au taux égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage, à compter de leur échéance respective, soit 14 décembre 2018 pour la facture du 31 octobre 2018, 14 janvier 2019 pour la facture du 30 novembre 2018, 14 février 2019 pour la facture du 31 décembre 2018 et 14 mars 2019 pour la facture du 31 janvier 2019.

Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, seront capitalisés, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, à compter du 13 septembre 2022, date de la demande formée dans les premières conclusions d'appel.

La société Kart'In [Localité 4] n'ayant pas payé les quatre factures d'octobre, novembre décembre 2018 et janvier 2019, la majoration de 5% est applicable sur le montant total de 16 800 euros.

La société Kart'In [Localité 4] sera condamnée à verser à la société SIAP 3 la somme de 840 euros (5% de 16 800 euros) au titre de la majoration contractuelle.

Sur la demande indemnitaire de la société Kart'In [Localité 4]

La société Kart'In [Localité 4] fait valoir qu'en fournissant une prestation dépourvue de toute régularité au regard de la législation, et en exposant à des risques importants, la société SIAP lui a causé un trouble dans l'entreprise.

Cependant, dès la révélation, par le contrôle opéré par le CNAPS, de l'absence d'agrément de la société SIAP 3 pour exercer les activités de surveillance et de sécurité, la société Kart'In [Localité 4] a résilié le contrat.

Jusqu'à la résiliation du contrat, la société Kart'In [Localité 4] ne s'est pas plainte de la qualité des prestations exécutées.

Elle ne démontre pas avoir subi un préjudice moral résultant de prestations réalisées dans l'irrespect des dispositions légales.

Sa demande indemnitaire sera rejetée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles seront confirmées.

Les parties succombant partiellement en leurs prétentions, seront tenues chacune pour moitié aux dépens d'appel.

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais qu'elles ont exposés en appel, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Les demandes à ce titre seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déclare recevable l'action de la société Kart'In [Localité 4] ;

Infirme le jugement du 24 février 2022 du tribunal de commerce de Lyon sauf en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Rejette la demande de la société Kart'In [Localité 4] en caducité du contrat de gardiennage ;

Dit que la résiliation sans préavis du contrat de gardiennage par la société Kart'In [Localité 4] était justifiée ;

Rejette la demande de la société Kart'In [Localité 4] en restitution de sommes versées ;

Rejette la demande de la société Sécurité Incendie Aide Aux Personnes 3 Société Privée au titre d'un préavis contractuel ;

Rejette les demandes de la société Sécurité Incendie Aide Aux Personnes 3 Société Privée pour rupture abusive du contrat ou pour rupture brutale de la relation commerciale ;

Condamne la société Kart'In [Localité 4] à payer à la société Sécurité Incendie Aide Aux Personnes 3 Société Privée la somme de 16 800 euros au titre des factures d'octobre, novembre, décembre 2018 et janvier 2019, avec intérêts au taux égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage, à compter du 14 décembre 2018 pour la facture du 31 octobre 2018, du 14 janvier 2019 pour la facture du 30 novembre 2018, du 14 février 2019 pour la facture du 31 décembre 2018 et du 14 mars 2019 pour la facture du 31 janvier 2019 ;

Ordonne la capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil et à compter du 13 septembre 2022 ;

Condamne la société Kart'In [Localité 4] à payer à la société Sécurité Incendie Aide Aux Personnes 3 Société Privée la somme de 840 euros au titre de la majoration contractuelle ;

Rejette la demande indemnitaire de la société Kart'In [Localité 4] en réparation d'un préjudice moral ;

Rejette les demandes des parties au titre des frais exposés en appel, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Kart'In [Localité 4] et la société Sécurité Incendie Aide Aux Personnes 3 Société Privée chacune pour moitié aux dépens d'appel.

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