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Décisions

CA Orléans, ch. com., 11 septembre 2025, n° 23/01517

ORLÉANS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

Cofidis (SA), BNP Paribas Personal Finance (SA), Ekip' (SELARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Chegaray

Conseillers :

Mme Chenot, M. Desforges

Avocats :

Me Alexandre, Me Pesme, Me Hascoet, Me Vilain, Me Mendes Gil

TJ Localité 11, du 30 mars 2023

30 mars 2023

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE :

Au cours de l'été 2018, M. [T] [C] a été amené à passer plusieurs commandes successives auprès de la société Sweetcom :

- suivant bon de commande n°13090 du 24 juillet 2018, une pompe à chaleur d'un montant de 18.200 euros financé par un emprunt souscrit auprès de la société BNP Paribas Personal Finance au taux d'intérêt contractuel de 5,32% remboursable en 120 échéances de 200,28 euros hors assurance (222,82 euros avec assurance),

- suivant bon de commande n°13003 du 26 juillet 2018, un monte-escalier d'un montant de 18.280 euros financé par un emprunt souscrit auprès de la société BNP Paribas Personal Finance au taux d'intérêt contractuel de 5,32% remboursable en 140 échéances de 179,46 euros, hors assurance (199,66 euros assurance comprise),

- suivant bon de commande n°14968 du 10 septembre 2018, des panneaux photovoltaïques en autoconsommation avec vente pour le surplus, d'un montant de 10.900 euros financé par un emprunt souscrit auprès de la société Cofidis, remboursable en 120 mensualités d'un montant de 106,42 euros, hors assurances (129,24 euros avec assurance), au taux d'intérêt contractuel de 2,65%,

- suivant bon de commande n°14969 du même jour, du carrelage extérieur pour un prix de 7.600 euros financé par un emprunt souscrit auprès de la société Cofidis remboursable en 120 mensualités d'un montant de 74,20 euros, hors assurance (90,19 euros assurance comprise), au taux d'intérêt contractuel de 2,65%.

Par actes du 25 mai 2020 et du 10 juin 2020, M. [T] [C] a fait assigner la société Sweetcom, la société BNP Paribas Personal Finance et la société Cofidis devant le tribunal judiciaire de Tours aux fins notamment d'obtenir l'annulation des quatre contrats souscrits auprès de la société Sweetcom et la caducité des quatre contrats de crédit affectés régularisés avec les sociétés BNP Paribas Personal Finance et Cofidis.

M. [T] [C] a été placé sous curatelle renforcée par jugement du juge des tutelles de [Localité 11] en date du 11 juin 2020.

Une procédure de redressement judiciaire a été ouverte par le tribunal de commerce de Bordeaux à l'égard de la société Sweetcom le 3 février 2021, convertie en liquidation judiciaire à la suite d'un jugement arrêtant un plan de cession le 14 avril 2021.

Par acte d'huissier du 28 février 2022, M. [T] [C] a appelé en intervention forcée la Selarl Ekip', ès-qualités de liquidateur de la société Sweetcom.

Par jugement du 30 mars 2023, le tribunal judiciaire de Tours a :

- déclaré irrecevable la demande en condamnation formée par M. [T] [C], assisté de l'ATRC, à l'égard de la Selarl Ekip', ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Sweetcom, en paiement de la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts;

- prononcé la nullité des contrats formés entre la société Sweetcom et M. [T] [C] suivant bon de commande n°13090 du 24 juillet 2018, bon de commande n°13003 du 26 juillet 2018, bon de commande n°14968 du 10 septembre 2018 et bon de commande n°14969 du 10 septembre 2018 ;

- dit qu'il appartiendra au liquidateur judiciaire de la société Sweetcom de faire procéder, aux frais de la liquidation judiciaire, à la dépose de l'installation de la centrale solaire photovoltaïque Systovi intégrée à la toiture, de la pompe à chaleur et du monte-escalier, du carrelage et à la remise en état des lieux dans leur état antérieur à l'exécution des contrats ;

- dit qu'à défaut de remise en état des lieux dans un délai de 3 mois à compter de la signification du présent jugement, M. [T] [C] pourra conserver ces installations;

- prononcé la nullité des deux contrats de crédit affectés conclus entre M. [T] [C] et la société BNP Paribas Personal Finance le 24 juillet 2018 et le 26 juillet 2018,

- prononcé la nullité des deux contrats de crédit affectés conclus entre M. [T] [C] et la société Cofidis le 10 septembre 2018 ;

- ordonné l'inscription au passif de la liquidation judiciaire de la société Sweetcom de la somme de 15 000 euros correspondant à des dommages et intérêts ;

- condamné M. [T] [C], assisté de l'ATRC, ès-qualités de curateur de M. [T] [C], à payer à la société Cofidis :

* la somme de 10 900 euros au titre de la restitution du capital prêté, dont à déduire le montant des échéances remboursées à la date du présent jugement,

* la somme de 7 600 euros au titre de la restitution du capital prêté le 10 septembre 2018, dont à déduire le montant des échéances remboursées à la date du présent jugement ;

- condamné M. [T] [C], assisté de l'ATRC, ès-qualités de curateur de M. [T] [C], à payer à la société BNP Paribas Personal Finance les sommes de :

* 18 200 euros au titre de la restitution du capital prêté le 24 juillet 2018, dont à déduire le montant des échéances remboursées à la date du présent jugement,

* 18 280 euros au titre de la restitution du capital prêté le 26 juillet 2018, dont à déduire le montant des échéances remboursées à la date du présent jugement ;

- dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du présent jugement;

- débouté M. [T] [C] de ses demandes en dommages et intérêts formées à l'égard de la société Cofidis et de la société BNP Paribas Personal Finance ;

- déclaré sans objet les demandes reconventionnelles de la société Cofidis en condamnation de M. [T] [C] en paiement du principal des prêts avec intérêt au taux contractuel, en capitalisation annuelle des intérêts conventionnels et en résolution judiciaire des deux contrats ;

- dit que chaque partie supportera la charge des frais irrépétibles non compris dans les dépens qu'il a exposés ;

- dit que les dépens seront partagés à parts égales entre les parties ;

- accordé à la Selarl 2BMP le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

M. [T] [C], assisté par l'association ATRC en qualité de curateur, a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 15 juin 2023, en intimant à la fois les sociétés BNP Paribas Personal Finance et Cofidis ainsi que la Selarl Ekip' ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Sweetcom, et en critiquant le jugement limitativement en ce qu'il a :

- condamné M. [T] [C], assisté de l'ATRC, ès-qualités de curateur de M. [T] [C], à payer à la société Cofidis :

* la somme de 10 900 euros au titre de la restitution du capital prêté, dont à déduire le montant des échéances remboursées à la date du présent jugement,

* la somme de 7 600 euros au titre de la restitution du capital prêté le 10 septembre 2018, dont à déduire le montant des échéances remboursées à la date du présent jugement ;

- condamné M. [T] [C], assisté de l'ATRC, ès-qualités de curateur de M. [T] [C], à payer à la société BNP Paribas Personal Finance les sommes de :

* 18 200 euros au titre de la restitution du capital prêté le 24 juillet 2018, dont à déduire le montant des échéances remboursées à la date du présent jugement,

* 18 280 euros au titre de la restitution du capital prêté le 26 juillet 2018, dont à déduire le montant des échéances remboursées à la date du présent jugement ;

- dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du présent jugement;

- débouté M. [T] [C] de ses demandes en dommages et intérêts formées à l'égard de la société Cofidis et de la société BNP Paribas Personal Finance ;

- dit que chaque partie supportera la charge des frais irrépétibles non compris dans les dépens qu'il a exposés ;

- dit que les dépens seront partagés à parts égales entre les parties ;

- accordé à la Selarl 2BMP le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 10 septembre 2024, M. [T] [C], assisté par l'association ATRC en qualité de curateur, demande à la cour de :

Vu l'article L237-24 du code de commerce,

Vu les articles L121-1 et suivants du code de la consommation (pratiques commerciales déloyales, trompeuses ou agressives),

Vu les articles L313-11 et suivants du code de la consommation (obligation de mise en garde du prêteur),

Vu l'article L121-8 du code de la consommation (abus de faiblesse),

Vu les articles 1186 et suivants du code civil (caducité du contrat),

Vu les articles 1193 et suivants du code civil (force obligatoire du contrat), vu l'article 1137 du code civil (dol),

Vu les pièces versées aux débats, vu la jurisprudence,

- recevoir M. [T] [C], assisté de son curateur l'ATRC, en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

En conséquence,

- infirmer le jugement rendu le 30 mars 2023 par le tribunal judiciaire de Tours seulement en ce qu'il a statué comme suit :

* condamne M. [T] [C], assisté de l'ATRC, ès qualités de curateur de M. [T] [C], à payer à la société Cofidis :

la somme de 10 900 euros au titre de la restitution du capital prêté, dont à déduire le montant des échéances remboursées à la date du présent jugement ;

la somme de 7 600 euros au titre de la restitution du capital prêté le 10 septembre 2018, dont à déduire le montant des échéances remboursées à la date du présent jugement ;

* condamne M. [C], assisté de l'ATRC, ès qualités de curateur de M. [T] [C], à payer à la société BNP Paribas Personal Finance les sommes de :

18 200 euros au titre de la restitution du capital prêté le 24 juillet 2018, dont à déduire le montant des échéances remboursées à la date du présent jugement ;

18 280 euros au titre de la restitution du capital prêté le 26 juillet 2018, dont à déduire le montant des échéances remboursées à la date du présent jugement ;

* dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du présent jugement;

* déboute M. [T] [C] de ses demandes en dommages et intérêts formées à l'égard de la société Cofidis et de la société BNP Paribas Personal Finance ;

* dit que chaque partie supportera la charge des frais irrépétibles non compris dans les dépens qu'il a exposés ;

* dit que les dépens seront partagés à parts égales entre les parties ;

* accorde à la Selarl 2BMP le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

- débouter les sociétés BNP Paribas et Cofidis de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- juger que les sociétés BNP Paribas et Cofidis ont fautivement manqué à leurs obligations à l'égard de M. [T] [C],

- juger que les sociétés BNP Paribas et Cofidis ont commis une faute en ne vérifiant pas la régularité des bons de commande avant d'octroyer les crédits litigieux,

- juger que les sociétés BNP Paribas et Cofidis ont commis une faute en ne vérifiant pas la bonne exécution des prestations de la société Sweetcom,

- juger que les fautes commises par les sociétés BNP Paribas et Cofidis ont fait perdre à M. [C] une chance de ne pas contracter avec Sweetcom,

- juger que les fautes commises par les sociétés BNP Paribas et Cofidis ont causé à M. [C] un préjudice du fait de l'obligation de payer des mensualités de prêt pour des installations non fonctionnelles,

- priver les sociétés BNP Paribas et Cofidis de leur droit à restitution de la créance,

- condamner solidairement les sociétés BNP Paribas et Cofidis à rembourser à M. [T] [C] et son curateur toutes les sommes perçues en exécution des quatre contrats de crédits litigieux, à savoir :

129,24 euros par mois depuis le 11 avril 2019 s'agissant du prêt Cofidis de 10 900 euros,

90,19 euros par mois depuis le 10 mai 2019 s'agissant du prêt Cofidis de 7 600 euros,

199,57 euros par mois depuis le mois d'août 2018 s'agissant du prêt BNP Paribas du 24 juillet 2018,

222,73 euros par mois depuis le mois de mai 2019 s'agissant du prêt BNP Paribas du 26 juillet 2018,

- condamner solidairement la société Ekip' ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Sweetcom, la SA BNP Paribas personal finance et la SA Cofidis à payer à M. [T] [C] une indemnité de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts,

Et en tout état de cause,

- condamner in solidum la société Ekip' ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Sweetcom, la SA BNP Paribas personal finance et la SA Cofidis à payer à M. [T] [C] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum la société Ekip' ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Sweetcom, la SA BNP Paribas Personal Finance et la SA Cofidis aux entiers dépens d'instance qui comprendront le coût éventuel des frais d'exécution, sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 31 janvier 2025, la société Cofidis demande à la cour de :

À titre principal,

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a reproché à la société Cofidis d'avoir financé un bon de commande entaché de causes de nullité,

Statuant à nouveau,

- déclarer M. [T] [C] mal fondé à reprocher à la société Cofidis d'avoir financé un bon de commande entaché de causes de nullité,

- confirmer le jugement pour le surplus, notamment en ce qu'il a condamné M. [T] [C] au remboursement des capitaux pour les deux crédits,

À titre subsidiaire,

- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

À titre infiniment subsidiaire,

- condamner M. [T] [C] à rembourser à la société Cofidis le capital d'un montant de 7 600 euros pour la pose du carrelage extérieur,

- condamner M. [T] [C] à rembourser à la société Cofidis une partie du capital concernant les panneaux solaires dont le montant sera fixé à 8 000 euros,

En tout état de cause,

- condamner M. [T] [C] à payer à la société Cofidis la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [T] [C] aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 4 décembre 2023, la société BNP Paribas Personal Finance demande à la cour de :

Vu l'article 564 du code de procédure civile,

Vu l'article 122 du code de procédure civile,

Vu les articles 1315 du code civil et 9 du code de procédure civile,

Vu l'article 1103 du code civil,

Vu l'article L 312-55 du code de la consommation,

Vu les articles L 111-1, L 221-5, L 221-8 du code de la consommation dans leur rédaction applicable à la date de l'offre, vu l'article 1182 du code civil, vu l'article 1227 du code civil,

Vu les articles L 311-1 et suivants du code de la consommation dans leur rédaction applicable à la date de signature du contrat,

Vu l'article 1231-1 du code civil,

Vu l'article 1240 du code civil,

- confirmer le jugement du 30 mars 2023 en ce qu'il a :

* débouté M. [T] [C] de ses demandes en dommages et intérêts formées à l'égard de la société BNP Paribas Personal Finance ;

* condamné M. [T] [C], assisté de l'ATRC, ès-qualités de curateur de M. [T] [C], à payer à la société BNP Paribas Personal Finance les sommes de :

18 200 euros au titre de la restitution du capital prêté le 24 juillet 2018, dont à déduire le montant des échéances remboursées à la date du présent jugement ;

18 280 euros au titre de la restitution du capital prêté le 26 juillet 2018, dont à déduire le montant des échéances remboursées à la date du présent jugement ;

En conséquence :

- déclarer irrecevable la demande de dommages et intérêts formée par M. [T] [C], à tout le moins l'en débouter ;

- condamner, en conséquence, M. [T] [C] à régler à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de :

18 200 euros au titre du contrat en date du 24 juillet 2018,

18 280 euros au titre du contrat en date du 26 juillet 2018,

- déclarer irrecevables les demandes de M. [T] [C] visant à voir condamnée la société BNP Paribas Personal Finance à des dommages et intérêts en privation de sa créance en restitution du capital, ainsi, à tout le moins, le débouter de ses demandes ;

- subsidiairement, limiter la réparation qui serait due par la société BNP Paribas Personal Finance eu égard au préjudice effectivement subi par l'emprunteur à charge pour lui de l'établir et eu égard à la faute de l'emprunteur ayant concouru à son propre préjudice ; limiter, en conséquence, la demande de dommages et intérêts à concurrence du préjudice subi à charge pour M. [T] [C] d'en justifier ; et dire et juger que M. [T] [C] reste tenu de restituer l'entier capital à hauteur de :

18 200 euros au titre du contrat en date du 24 juillet 2018,

18 280 euros au titre du contrat en date du 26 juillet 2018,

- débouter M. [T] [C] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que de sa demande formée au titre des dépens,

- ordonner le cas échéant la compensation des créances réciproques à due concurrence,

- en tout état de cause, condamner M. [T] [C] au paiement à la société BNP Paribas Personal Finance de la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit du cabinet Celce-Vilain.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.

La Selarl Ekip', ès-qualités de liquidateur de la société Sweetcom, bien qu'assignée à hauteur d'appel par acte du 11 septembre 2023 signifié à personne morale, n'a pas constitué avocat.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 27 mars 2025. L'affaire a été plaidée le 24 avril suivant.

MOTIFS :

Il sera relevé au préalable que la société BNP Paribas Personal Finance demande à la cour de déclarer M. [T] [C] irrecevable en ses demandes de dommages et intérêts, mais qu'elle ne développe aucune fin de non-recevoir en ce sens, ne présentant de moyens que sur le fond. Aussi sera-t-il considéré qu'il s'agit d'une formulation erronée, et la recevabilité des demandes de M. [T] [C] sera tenue pour acquise.

La nullité des quatre crédits affectés prononcée par le tribunal en conséquence de l'annulation pour dol des quatre contrats principaux souscrits par M. [T] [C] auprès de la société Sweetcom est admise tant par la société BNP Paribas Personal Finance que par la société Cofidis.

Demeure en débat devant la cour l'obligation de M. [T] [C] de restituer le montant des capitaux prêtés par chacune des deux banques ensuite de l'annulation des crédits.

L'appelant demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné à restituer l'ensemble des fonds prêtés. Il souhaite voir la cour juger que les sociétés BNP Paribas Personal Finance et Cofidis ont commis des fautes, d'une part en ne vérifiant pas la régularité des bons de commande avant d'octroyer les crédits litigieux, d'autre part en ne vérifiant pas la bonne exécution des prestations de la société Sweetcom, génératrices d'un préjudice justifiant qu'elles se voient privées de leur droit à restitution.

Il formule par ailleurs une demande indemnitaire complémentaire à hauteur de 15'000 euros.

De leur côté, les banques intimées soutiennent que dès lors que M. [T] [C] a sollicité et obtenu la nullité des contrats principaux sur le seul fondement du dol, il ne peut plus leur être reproché d'avoir financé un bon de commande irrégulier au regard des dispositions du code de la consommation. Elles estiment encore que l'appelant n'apporte pas la preuve d'un préjudice en lien avec une faute de leur part, et qu'à supposer même un préjudice avéré, celui-ci ne résulterait que des agissements dolosifs de la société Sweetcom dont elles n'ont pas à répondre.

Le tribunal, tout en retenant, pour deux des quatre contrats annulés, la faute des établissements bancaires pour avoir libéré les fonds au vu de bons de commande irréguliers, a néanmoins jugé que M. [T] [C] ne rapportait pas la preuve du préjudice qu'il alléguait en faisant alors valoir uniquement son endettement excessif.

Sur la demande de M. [T] [C] de privation des banques de leur droit à restitution des capitaux prêtés :

Il est de jurisprudence désormais bien établie que le prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal, peut-être privé en tout ou partie de sa créance de restitution en cas d'annulation dudit contrat et par suite du contrat de crédit affecté, dès lors que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.

En leur qualité de professionnels du crédit intervenant de façon habituelle pour le financement de ventes conclues dans le cadre de démarchages à domicile, les sociétés Cofidis et BNP Paribas Personal Finance étaient bel et bien tenues, ne serait-ce que pour s'assurer de l'efficacité des contrats de crédit souscrits, de vérifier le respect par le vendeur des dispositions d'ordre public du droit de la consommation. Le défaut d'une telle vérification caractérise une faute de leur part.

Le fait que le vendeur principal ait commis un dol à l'origine de l'annulation des contrats principaux ne saurait dispenser les banque prêteuses de répondre de cette obligation de vérification qui leur incombe.

À supposer d'ailleurs que les banques aient accepté de financer des contrats irréguliers, force est alors d'admettre que sans une telle faute de leur part, le vendeur, privé de leur concours, n'aurait pu mener son dol à terme. Aussi, en cas de préjudice avéré pour M. [T] [C], il ne saurait être soutenu que ce préjudice serait dépourvu de lien avec la faute des banques dans l'examen des contrats principaux. Un tel lien s'inscrit au demeurant dans la logique de l'opération commerciale unique, telle que voulue par le législateur.

C'est pourquoi il convient d'examiner, pour chacun des financements octroyés, si, comme le soutient l'appelant, la banque prêteuse a commis une faute en libérant les fonds au vu de contrats irréguliers, et dans l'affirmative si une telle faute a causé un préjudice à M. [T] [C], justifiant la privation de l'établissement bancaire de sa créance au titre de la restitution du capital prêté.

* l'achat d'une pompe à chaleur d'un montant de 18 200 euros le 24 juillet 2018 :

M. [T] [C] indique dans ses écritures qu'aucun bon de commande ne lui a été remis et qu'il n'en a obtenu une copie que dans le cadre des échanges ultérieurs avec la société venderesse. Il ne conteste toutefois pas que l'exemplaire qu'il produit est bel et bien revêtu de sa signature précédée des mentions portées de sa main « lu et approuvé » et « bon pour commande ».

Par ailleurs, si cet exemplaire ne permet pas de déchiffrer les mentions manuscrites portées par le vendeur s'agissant des caractéristiques de la pompe à chaleur, probablement en raison de la qualité de la photocopie versée au débat, le tribunal, qui a manifestement eu entre les mains une copie de meilleure qualité, a pu relever que les caractéristiques essentielles du bien, marque, modèle, puissance et intensité, étaient mentionnées, ce que l'appelant ne remet pas en cause devant la cour.

M. [T] [C] n'explique dès lors pas en quoi la société BNP Paribas Personal Finance aurait, en acceptant de financer ce contrat, manqué à son obligation préalable d'en vérifier la régularité au regard des dispositions d'ordre public du code de la consommation, et aucune faute ne peut en l'état être retenue à l'encontre de la banque. Aussi le jugement déféré ne pourra-t-il qu'être confirmé en ce qu'il a condamné l'appelant à verser à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 18'200 euros en restitution du capital emprunté, sous déduction des mensualités déjà payées.

* l'achat d'un monte-escalier d'un montant de 18'280 euros le 26 juillet 2018 :

Le bon de commande du 26 juillet 2018 indiquant lapidairement « monte escalier tournant » sans aucune autre indication sur les caractéristiques et la marque du matériel commandé, le tribunal a retenu à bon droit qu'il n'était pas conforme aux mentions informatives légalement exigées par les articles L 111-1 et suivants, L 221-5 à L 221-8 du code de consommation, en ce qu'il ne désignait pas les caractéristiques des biens livrés et des prestations fournies, outre qu'il ne comportait aucune information sur les délais de livraison et d'installation du matériel.

La BNP Paribas Personal Finance, en libérant les fonds prêtés à hauteur de 18'280 euros malgré les irrégularités manifestes qui affectaient ce contrat, a donc commis une faute.

Or, et contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges sur ce point, cette faute cause un préjudice à M. [T] [C], celui-ci se voyant en effet tenu de restituer les fonds prêtés en conséquence de l'annulation du crédit affecté, alors que parallèlement :

- la société Sweetcom, aujourd'hui en liquidation judiciaire, n'est plus en situation de lui restituer le prix de vente de l'installation,

- cette installation, à défaut de pouvoir être reprise par le vendeur, doit néanmoins pouvoir être retirée pour éviter des frais d'entretien ou de réparation (voir sur ce point Civ 1ère, 10 juillet 2024, n°22-24.754), frais qui s'avèrent d'autant plus inévitables au cas d'espèce que l'appelant produit le constat d'un commissaire de justice en date du 13 juin 2024 faisant ressortir le dysfonctionnement de ce monte-escalier.

M. [T] [C] justifie dès lors d'une perte subie équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat de vente annulé, en lien de causalité avec la faute de la banque qui, avant de verser au vendeur le capital emprunté, n'a pas vérifié la régularité formelle du contrat principal (Civ 1ère, 10 juillet 2024, précité).

Aussi, et par infirmation du jugement déféré sur ce point, la société BNP Paribas Personal Finance sera déboutée de sa demande en restitution du capital emprunté de 18'280 euros au titre du financement du contrat annulé souscrit par M. [T] [C] auprès de la société Sweetcom le 26 juillet 2018. Elle restera de son côté tenue de restituer à M. [T] [C] l'ensemble des échéances acquittées par ce dernier au titre de ce prêt, ainsi que l'a jugé le tribunal en ordonnant leur déduction de sa créance, cette obligation de restitution découlant au demeurant de plein droit de l'annulation du prêt (Civ 1re, 24 janv. 2024, n°21-20.693). Elle y sera donc condamnée au besoin.

* l'achat de panneaux photovoltaïques pour 10 900 euros le 10 septembre 2018 :

M. [T] [C] fait notamment valoir que le bon de commande de ces panneaux photovoltaïques ne détaille aucunement les caractéristiques des produits commandés, et pas même le nombre de panneaux.

Force est en effet de relever que les mentions relatives aux caractéristiques du matériel commandé sont largement insuffisantes, seule figurant l'indication d'une marque, «V-SYS », et d'une puissance, 2 kW, sans aucune précision sur ce que signifie ce chiffre et sur ce qu'il concerne, chaque panneau -sans que l'on en connaisse au demeurant le nombre- ou l'ensemble de l'installation. Il n'est pas donné davantage d'indications sur la puissance et la marque de l'onduleur, pièce maîtresse d'une telle installation. De

telles omissions n'ont pas permis à l'acquéreur d'effectuer toute comparaison utile et d'être suffisamment renseigné sur la performance et la capacité de production pouvant être réellement attendues de l'installation, caractéristiques essentielles dans ce type d'investissement.

Aussi, et contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, les seules indications portées sur ce bon de commande ne satisfont pas à l'obligation de désignation des caractéristiques essentielles du bien ou du service commandé telle qu'elle découle des textes visés plus haut du code de la consommation.

La société Cofidis, en libérant les fonds prêtés à hauteur de 10 900 euros malgré les irrégularités manifestes qui affectaient ce contrat, a donc commis une faute, laquelle cause un préjudice à M. [T] [C] tenu de restituer les fonds prêtés en conséquence de l'annulation de ce crédit affecté, alors que :

- comme déjà observé ci-avant, la société Sweetcom, aujourd'hui en liquidation judiciaire, n'est plus en situation de lui restituer le prix de vente de l'installation,

- cette installation, à défaut de pouvoir être reprise par le vendeur, doit pouvoir être retirée pour éviter des frais d'entretien ou de réparation, étant observé que le constat précité du commissaire de justice en date du 13 juin 2024 montre que l'un des panneaux est troué et apparaît donc d'ores et déjà à changer.

M. [T] [C] justifie dans ces conditions d'une perte subie équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat de vente annulé en lien de causalité avec la faute de la banque qui, avant de verser au vendeur le capital emprunté, n'a pas vérifié la régularité formelle du contrat principal.

Dès lors, et par infirmation du jugement déféré, la société Cofidis sera déboutée de sa demande en restitution du capital emprunté de 10 900 euros au titre du financement du contrat annulé souscrit par M. [T] [C] auprès de la société Sweetcom le 10 septembre 2018. Elle restera néanmoins tenue de son côté de restituer à M. [T] [C] l'ensemble des échéances acquittées par ce dernier au titre de ce prêt et y sera donc condamnée au besoin.

* l'achat d'un carrelage extérieur d'un montant de 7600 euros le 10 septembre 2018 :

Le tribunal a constaté à bon droit l'irrégularité de ce quatrième bon de commande également lapidaire, puisque se contentant de mentionner « fourniture et pose d'un carrelage extérieur avec ré ajustage de la dalle existante, joins et finition inclus », sans spécifier les caractéristiques essentielles du bien commandé telles que la marque, le type de carrelage, les dimensions, et sans par ailleurs indiquer aucun délai de livraison et de pose.

Si la société Cofidis engage dès lors sa responsabilité pour avoir accepté de financer un tel contrat, M. [T] [C] ne justifie toutefois pas ici subir de préjudice résiduel en lien avec son obligation de restituer le capital du prêt annulé. En effet la société Sweetcom n'est certes plus en capacité de lui retourner le prix de vente de cette installation, mais l'appelant ne conteste pas qu'en contrepoint ce carrelage extérieur, qui n'appelle de sa part aucune critique et constitue sauf preuve contraire une amélioration de son bien immobilier, ne pourra être ni déposé ni repris par le liquidateur de la société venderesse. Le tribunal avait à toute fin imparti à la Selarl Ekip' un délai de 3 mois pour procéder à une telle opération, et M. [T] [C] ne prétend pas que celle-ci y ait

procédé, de sorte qu'il a vocation à conserver cet embellissement de son bien immobilier. Dans ces conditions, son obligation de restituer le capital ayant permis de le financer ne suffit pas à caractériser l'existence d'un dommage résiduel, dont il ne démontre la réalité d'aucune autre manière.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a condamné M. [T] [C] à payer à la société Cofidis la somme de 7 600 euros au titre de la restitution du capital emprunté le 10 septembre 2018, sauf à déduire l'ensemble des mensualités payées dans le cadre de ce prêt annulé.

Sur la demande indemnitaire complémentaire de M. [T] [C] à hauteur de 15 000 euros :

M. [T] [C] n'apporte pas la preuve d'un préjudice autre que celui résidant dans la privation, du fait de l'insolvabilité de la société Sweetcom, de la restitution des prix de vente en contrepartie de la restitution ou de la dépose des biens vendus. Or un tel préjudice se voit déjà réparé par la privation des banques de leur créance de restitution s'agissant des financements octroyés pour les panneaux solaires et le monte-escalier.

Si M. [T] [C] fait encore valoir, à l'appui de sa demande indemnitaire complémentaire, un endettement excessif ayant obéré sa situation financière, source selon lui d'un préjudice à la fois économique et moral, le caractère excessif de son endettement n'apparaît pas ou plus caractérisé dès lors qu'il se voit dispensé, aux termes du présent arrêt, de restituer près de 30'000 euros sur environ 55'000 euros prêtés au total dans le cadre des quatre financements annulés, et ce avant la déduction de l'ensemble des échéances qu'il a déjà acquittées et qui devront lui être restituées.

L'appelant ne justifie d'aucun autre préjudice, qu'il soit économique ou moral.

Il sera ajouté à toutes fins que le tribunal a écarté la responsabilité des sociétés Cofidis et BNP Paribas Personal Finance du chef du défaut de mise en garde contre un risque d'endettement excessif par une motivation pertinente, complète et exemple de critique, que la cour adopte au besoin.

En définitive, le jugement déféré ne pourra qu'être confirmé en son rejet de la demande complémentaire de dommages et intérêts formée par M. [T] [C].

Sur les demandes accessoires :

Le jugement déféré sera infirmé en ses dispositions statuant sur les dépens et les frais irrépétibles. La Selarl Ekip', ès-qualités de liquidateur de la société Sweetcom, la société BNP Paribas Personal Finance et la société Cofidis seront condamnées in solidum aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à verser à M. [T] [C] une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés pour l'ensemble de la procédure.

La compensation entre les créances réciproque des parties, invoquée par la société BNP Paribas Personal Finance conformément à l'article 1347 du code civil, sera constatée.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris uniquement en sa condamnation de M. [T] [C] à payer :

- à la société Cofidis la somme de 10 900 euros au titre de la restitution du capital prêté pour le crédit consenti le 10 septembre 2018 relatif aux panneaux photovoltaïques,

- à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 18 280 euros au titre de la restitution du capital prêté le 26 juillet 2018,

et en ce qu'il a été dit que chacune des parties supporterait la charge des frais irrépétibles non compris dans les dépens et que ces derniers seraient partagés à parts égales,

Statuant à nouveau sur les seuls chefs infirmés et y ajoutant,

Déboute la société Cofidis de sa demande de condamnation de M. [T] [C] à lui payer la somme de 10 900 euros au titre de la restitution du capital prêté le 10 septembre 2018 pour le financement du contrat d'achat de panneaux photovoltaïques annulé par le tribunal,

Ordonne néanmoins la restitution par la société Cofidis à M. [T] [C], assisté de son curateur l'ATRC, de l'ensemble des sommes acquittées par celui-ci dans le cadre de l'exécution de ce prêt, en capital, intérêts et assurance, et au besoin l'y condamne,

Déboute la société BNP Paribas Personal Finance de sa demande de condamnation de M. [T] [C] à lui payer la somme de 18 280 euros au titre de la restitution du capital prêté le 26 juillet 2018 pour le financement du contrat d'achat d'un monte-escalier annulé par le tribunal,

Ordonne néanmoins la restitution par la société BNP Paribas Personal Finance à M. [T] [C], assisté de son curateur l'ATRC, de l'ensemble des sommes acquittées par celui-ci dans le cadre de l'exécution de ce prêt, en capital, intérêts et assurance, et au besoin l'y condamne,

Condamne in solidum la Selarl Ekip', ès-qualités de liquidateur de la société Sweetcom, la société BNP Paribas Personal Finance et la société Cofidis aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à verser à M. [T] [C], assisté de son curateur l'ATRC, une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés pour l'ensemble de la procédure,

Confirme le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions soumises à la cour,

Ordonne la compensation entre les créances réciproques des parties.

Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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