CA Paris, Pôle 4 ch. 6, 12 septembre 2025, n° 22/06300
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Greenyellow (SAS)
Défendeur :
France Iso Energie (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Delacourt
Conseillers :
Mme Tardy, Mme Szlamovicz
Avocats :
Me Fromantin, Me Semoun, Me Mengeot
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
La société GreenYellow a pour activité le développement de projet d'efficacité énergétique, notamment le développement et l'exploitation de contrats de performance énergétique à travers le dispositif des certificats d'économie d'énergie (CEE).
La société France Iso Energie a pour activité la réalisation de travaux de bâtiment, notamment de plâtrerie et de carrelage.
Le 28 mai 2019, les sociétés GreenYellow et France Iso Energie ont signé un contrat de partenariat sur les certificats d'économie d'énergie, pour une durée limitée au 30 juin 2019. Elles en ont poursuivi l'exécution au-delà de la date d'expiration prévue.
Deux factures n'ont pas été réglées par la société GreenYellow à la société France Iso Energie et celle-ci a refusé de rembourser l'indu réclamé par la société Green Yellow résultant d'une facture payée deux fois.
Autorisée par le président du tribunal de commerce de Créteil par ordonnance du 13 novembre 2019, la société GreenYellow a fait pratiquer une saisie conservatoire sur les comptes détenus par la société France Iso Energie au Crédit Agricole d'Ile de France.
Par ordonnance de référé du 24 juillet 2020 du président du tribunal de commerce de Paris, la société GreenYellow a obtenu la condamnation de la société France Iso Energie au paiement par provision de la somme de 239 916,80 euros.
Par acte du 27 novembre 2019, la société Green Yellow a assigné la société France Iso Energie en paiement des sommes dues et indemnisation de son préjudice.
Par jugement du 28 janvier 2022, le tribunal commerce de Paris a statué en ces termes :
Condamne la société France Iso Energie à payer à la société Green Yellow la somme de 239 916,80 euros majoré des intérêts calculés au taux légal à compter du 30 octobre 2019 ;
Condamne la société France Iso Energie à verser la somme de 20 000 euros à la société Green Yellow au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette les autres demandes des parties, plus amples ou au contraire ;
Ordonne l'exécution provisoire du jugement ;
Condamne la société France Iso Energie aux dépens dont ceux à recouvrer par le greffe.
Par déclaration en date du 25 mars 2022, la société Green Yellow a interjeté appel du jugement, intimant devant la cour la société France Iso Energie.
EXPOSE DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 22 juillet 2024, la société GreenYellow demande à la cour de :
Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a rejeté toutes les demandes indemnitaires de la société France Iso Energie ;
Réformer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de paiement de 119 779,40 euros HT formulée par la société Green Yellow, ainsi que sa demande pour procédure abusive;
En tout état de cause,
Sur la condamnation de la société France Iso Energie au remboursement des primes versées par la société Green Yellow au titre de travaux non-conformes,
Constater que la société France Iso Energie a adressé à la société Green Yellow des factures correspondant à un volume total de 163 936 500 kWh au titre de travaux réalisés devant entrer dans le dispositif des certificats d'économie d'énergie ;
Constater que la société Green Yellow a procédé au règlement de ces factures ;
Constater qu'il est avéré qu'un certain nombre de dossiers facturés par la société France Iso Energie et payés par la société Green Yellow ont dû être modifiés avant leur dépôt au pôle national des certificats d'économie d'énergie car les éléments transmis par la société France Iso Energie étaient inexacts ;
Constater que cela a conduit la société Green Yellow à déposer un volume de CEE inférieur au volume qui a été facturé par la société France Iso Energie et payé par la société Green Yellow ;
Constater que la société Green Yellow a obtenu la délivrance par le pôle national des certificats d'économie d'énergie de CEE pour un volume total de 145 315 600 kWh laissant apparaître un écart de 18 620 900 kWh soit 130 346,40 euros HT ;
Constater qu'une partie des sommes versées par la société Green Yellow au profit de la société France Iso Energie sont devenues sans cause et ont été manifestement indument perçues ;
En conséquence,
Condamner la société France Iso France au paiement à la société Green Yellow de la somme de 130 346,40 euros HT, outre intérêt au taux légal à compter du 28 septembre 2019 ;
Sur la condamnation de la société France Iso Energie pour résistance abusive,
Constater que la société France Iso Energie a incontestablement perçu indument à deux reprises le règlement de la même facture n°2019-19, soit une somme indument perçue de 239 916,80 euros ;
Constater que le jugement du tribunal de commerce de Paris a " confirmé " la décision du juge des référés dans son ordonnance en date du 24 juillet 2020 condamnant, à titre provisionnel, la société France Iso Energie au paiement à la société Green Yellow de la somme de 239 916,80 euros outre intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 30 octobre 2019 ;
Constater qu'alors que l'obligation de restitution de la société France Iso Energie est incontestable, cette dernière s'est toujours abstenue de procéder au remboursement de la somme indument perçue et ce jusqu'à ce qu'une décision du juge des référés et du juge du fond ne la condamne ;
Constater que la société Green Yellow a été contrainte de saisir jusqu'à trois voies de recours judiciaires pour finalement obtenir de la société France Iso Energie qu'elle s'exécute, impliquant des frais et retardant inutilement l'issue de la procédure ;
En conséquence,
Dire que la résistance avec laquelle la société France Iso Energie s'est obstinée à ne pas rembourser, même pour partie, ladite somme est manifestement abusive ;
Condamner la société France Iso Energie au paiement à la société Green Yellow de la somme de 50 000 euros pour résistance abusive ;
Sur le rejet des demandes de la société France Iso Energie,
Sur les demandes infondées au titre des factures 2019-22 et 2019-23, l'impossible compensation des créances,
Débouter la société France Iso Energie de ses demandes de paiement au titre des pénalités de retard et d'indemnisation en raison d'un refus de dossiers motivés et conformes aux délais contractuels ;
Débouter la société France Iso Energie de ses demandes indemnitaires résultant prétendument du refus de prise en charge de dossiers par la société Green Yellow;
Sur la prétendue rupture du contrat et de la relation commerciale prétendument établie à l'initiative de la société Green Yellow,
Débouter la société France Iso Energie de ses demandes indemnitaires de la société Iso Energie tant au titre d'une prétendue rupture abusive du contrat que d'une cessation prétendument brutale de la relation ;
En tout état de cause,
Condamner la société France Iso Energie au paiement à la société Green Yellow de la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 27 septembre 2022, la société France Iso Energie demande à la cour de :
Déclarer la société Green Yellow mal fondée en son appel ;
Déclarer recevable et bien fondée la société la société France Iso Energie en son appel incident ;
Y faisant droit,
Infirmer le jugement dont appel sauf en ce qu'il a débouté la société Green Yellow de ses demandes de condamnations au titre des remboursements de primes et de la résistance abusive ;
Statuant à nouveau,
Condamner la société Green Yellow à régler à la société France Iso Energie les sommes suivantes au titre des factures n°2019-22 et 2019-23 des 28 juillet et 6 août 2019 :
248 151,02 euros HT ainsi décomposée :
28 919,64 euros HT au titre des pénalités contractuelles,
173 195,38 euros HT à titre de dommages et intérêts en raison du manque à gagner,
46 036 euros HT au titre des frais engagés par la société Iso Energie pour opérer le changement de délégataire ;
Au titre de la rupture brutale des relations commerciales,
A titre principal,
551 122 euros HT à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice principal, consistant en la perte du gain manqué (sic) pendant la période de préavis de trois mois prévue au contrat ;
A titre subsidiaire,
125 418,96 euros HT à parfaire, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la brutalité de la rupture des relations commerciales établies ;
Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Green Yellow de ses demandes de condamnations au titre des remboursements de primes et de la résistance abusive ;
En tout état de cause,
Ordonner la compensation entre la créance invoquée par la société Green Yellow au titre de la restitution de l'indu et les créances de la société France Iso Energie résultant de la présente instance ;
Débouter la société Green Yellow de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné la société France Iso Energie en première instance au paiement de la somme de 20 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 et débouter la société Green Yellow de cette demande ;
Condamner la société Green Yellow à payer la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La clôture a été prononcée par ordonnance du 10 avril 2025 et l'affaire a été appelée à l'audience du 22 mai 2025, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré.
MOTIVATION
Sur la durée du contrat
Moyens des parties
La société France Iso Energie fait valoir que la société GreenYellow a été son unique cliente sur toute la durée de leurs relations contractuelles et que le contrat à durée déterminée s'est poursuivi en accord des deux parties jusqu'à sa rupture par la société GreenYellow qui n'a pas respecté les dispositions de préavis et qui a été brutale et fautive. Elle réclame la somme de 551 122 euros HT au titre du préjudice subi du fait de l'absence de préavis.
La société GreenYellow soutient qu'il n'y a pas eu de rupture brutale d'une relation commerciale établie mais que le contrat s'est poursuivi car la société France Iso Energie n'avait pas fourni à la date d'expiration le volume de 250 GWh cumac (unité de mesure spécifique utilisée dans le cadre des certificats d'économies d'énergie) prévu contractuellement avec une tolérance de + ou - 10%.
Elle prétend que le contrôle dont elle a fait l'objet de la part du PNCEE concernant une autre entreprise lui permettait de refuser tous les dossiers, tant passés que futurs, de la société France Iso Energie et que celle-ci ne lui a plus adressé de dossier à compter du mois d'août 2019 actant ainsi la rupture des relations commerciales.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Aux termes de l'article 1104 du code civil, les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public.
Aux termes de l'article 1120 du code civil, le silence ne vaut pas acceptation, à moins qu'il n'en résulte autrement de la loi, des usages, des relations d'affaires ou de circonstances particulières.
Aux termes de l'article 1214 du même code, le contrat à durée déterminée peut être renouvelé par l'effet de la loi ou par l'accord des parties. Le renouvellement donne naissance à un nouveau contrat dont le contenu est identique au précédent mais dont la durée est indéterminée.
Aux termes de l'article 1215 du même code, lorsqu'à l'expiration du terme d'un contrat conclu à durée déterminée, les contractants continuent d'en exécuter les obligations, il y a tacite reconduction. Celle-ci produit les mêmes effets que le renouvellement du contrat.
Selon l'article L. 442-1-II du code de commerce, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l'absence d'un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels, et, pour la détermination du prix applicable durant sa durée, des conditions économiques du marché sur lequel opèrent les parties. En cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la responsabilité de l'auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d'une durée insuffisante dès lors qu'il a respecté un préavis de dix-huit mois. Les dispositions du présent II ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure.
La preuve du fait juridique ou du fait simple peut être faite par tous moyens et l'appréciation par les juges du fond des éléments de fait et de preuve est souveraine.
En l'espèce,
Les sociétés GreenYellow et France Iso Energie ont conclu le 28 mai 2019, un contrat de partenariat sur les certificats d'économie d'énergie en prévoyant une date d'expiration au 30 juin 2019.
A cette date, leur relation s'est poursuivie dans les faits jusqu'en août 2019, la société GreenYellow prétendant qu'il s'agit du 9 août 2019 et la société France Iso Energie du 31 août 2019.
Sur le défaut de préavis : la clause 6 du contrat liant les parties prévoit notamment que la résiliation unilatérale du contrat sans manquement de la part de l'autre partie sera notifiée par courrier recommandé moyennant un préavis de 3 mois.
La société GreenYellow produit un message électronique du 9 août 2019 indiquant que la société étant sous contrôle du PNCEE, elle ne pouvait plus prendre de dossier.
Ce courrier ne mentionne pas de destinataire et la société France Iso Energie conteste l'avoir reçu.
En l'absence de mention du destinataire dans le corps de ce courrier, celui-ci ne peut servir de preuve de la rupture du contrat sans faute par la société GreenYellow.
De plus, son contenu ne traduit aucunement l'intention non équivoque de la société GreenYellow de mettre unilatéralement fin au contrat la liant à la société France Iso Energie.
Ce courrier n'établit donc pas à lui seul la rupture anticipée du contrat à la date du 9 août 2019.
La société France Iso Energie qui revendique la fin du mois d'août 2019 comme date de rupture du contrat, justifie avoir envoyé des dossiers à la société GreenYellow jusqu'au 5 août 2019 et elle communique l'attestation de son expert-comptable Eurofidec établissant que la société GreenYellow a été son unique cliente du 28 juin 2019 au 31 août 2019.
En conséquence, la société GreenYellow n'a pas rompu le contrat, la société France Iso Energie a cessé d'envoyer des dossiers sans réclamation de la part du délégataire ; il s'agit donc d'une résiliation du contrat par la société France Iso Energie au 31 août 2019 acceptée par la société Green Yellow.
Sur la rupture brutale : la société France Iso Energie, qui justifie que la société GreenYellow a été son partenaire commercial exclusif pendant quatre mois en 2019, échoue à démontrer le caractère établi de ladite relation commerciale en l'absence de continuité de contrats et d'un chiffre d'affaires significatif ; la durée limitée des relations commerciales ne suffisant pas à constituer une relation établie dans le temps.
La société France Iso Energie ne justifie pas qu'elle pouvait raisonnablement anticiper la poursuite des relations commerciales, n'établissant pas de son côté qu'elle souhaitait poursuivre la relation et qu'elle a continué d'envoyer des dossiers à la société GreenYellow après le 5 août 2019. De plus, la société France Iso Energie a dès septembre 2019 travaillé avec un autre délégataire.
En conséquence, en l'absence d'éléments nouveaux, la décision du tribunal de commerce qui a débouté la société France Iso Energie de sa demande d'indemnisation au titre du défaut de respect du préavis de trois mois et au titre de la rupture brutale du contrat sera confirmée. Statuant à nouveau, il sera précisé que la date de fin des relations commerciales entre les parties sera fixée au 31 août 2019 et non au 9 août 2019, au regard de l'attestation de l'expert comptable.
Sur les manquements de la société France Iso Energie
Moyens des parties
La société GreenYellow demande la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société France Iso Energie et le remboursement des primes indument perçues par celle-ci car les dossiers déposés par la société France Iso Energie se sont avérés non-conformes minorant ainsi leur valorisation auprès du PNCEE.
Elle rappelle que les opérations éligibles au dispositif sont assorties d'un volume forfaitaire d'économies d'énergie déterminé par rapport à une situation de référence de performance énergétique correspondant à certains critères déterminés par arrêté ministériel et que ce volume peut être pondéré notamment en fonction de la nature des bénéficiaires des économies d'énergie.
Ainsi une bonification des volumes des CEE délivrés est prévue pour les ménages en situation de précarité ou de grande précarité énergétique caractérisée par un revenu fiscal de référence qui est, compte tenu de la composition du ménage, inferieur à un plafond, fixé par l'arrêté du 29 décembre 2014.
Pour en bénéficier, le dossier doit contenir les justificatifs ad hoc lesquels sont fournis par le partenaire professionnel, en l'espèce la société France Iso Energie. La société GreenYellow soutient que celle-ci a manqué à ses obligations contractuelles à ce titre, car spécialisée dans le domaine des travaux d'isolation, elle ne pouvait ignorer le cadre réglementaire applicable notamment concernant la documentation et spécifiquement les avis d'imposition nécessaires à la constitution d'un dossier CEE.
La société France Iso Energie prétend que la société GreenYellow n'a pas rempli ses propres obligations notamment de vérification, de validation des dossiers, de calcul du montant des primes et de conseil du professionnel avant règlement des factures. Elle soutient que la société appelante ne rapporte pas la preuve des manquements qu'elle lui reproche. Elle fait valoir que les manquements de la société GreenYellow justifient la résiliation du contrat à ses torts exclusifs.
Réponse de la cour
Selon l'article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.
La situation de précarité énergétique du ménage selon l'article 3-1 de l'arrêté du 29 décembre 2014 modifié relatif aux modalités d'application du dispositif des certificats d'économies d'énergie est justifiée par :
le ou les avis d'imposition ou de non-imposition de chaque foyer fiscal intégré au ménage au titre des revenus de l'année N-1 ou de l'année N-2 par rapport à la date de référence ; ou
le justificatif d'impôt sur le revenu délivré par l'administration fiscale de chaque foyer fiscal intégré au ménage au titre des revenus de l'année N-1 ou de l'année N-2 par rapport à la date de référence [']
En l'espèce,
Sur le mécanisme des CEE : les articles 14 et suivants de la loi n°2005-781 du 31 juillet 2005 imposent notamment aux personnes qui vendent de l'électricité, du gaz, du fioul domestique, de la chaleur ou du froid aux consommateurs finals et dont les ventes annuelles sont supérieures à un seuil défini par décret en Conseil d'Etat, l'obligation d'effectuer des économies d'énergie et elles peuvent se libérer de ces obligations soit en réalisant, directement ou indirectement, des économies d'énergie, soit en acquérant des certificats d'économies d'énergie. Ces certificats sont attribués sous certaines conditions par les services du ministère chargé de l'énergie.
En application de ce dispositif, la société France Iso Energie réalise des travaux chez les bénéficiaires qu'elle facture à un euro et elle constitue un dossier incluant les éléments nécessaires à l'obtention des CEE qu'elle adresse avec sa facture correspondant au montant des travaux réalisés à la société GreenYellow qui lui règle celle-ci.
Les obligations de la société France Iso Energie : aux termes de l'article 2.1.2 du contrat de partenariat, la société France Iso Energie s'engage à fournir à la société GreenYellow, au plus tard deux mois après la date d'émission de la facture des travaux, notamment l'avis d'imposition ou de non-imposition du bénéficiaire, pour justifier de sa situation fiscale, de l'année N-1 ou N-2 par rapport à la date de la facture émise par le professionnel ou le justificatif d'impôt sur le revenu délivré par l'administration fiscale de l'année N-1 ou de l'année N-2 par rapport à la date de la facture.
La société GreenYellow fait valoir que les dossiers communiqués en pièce 14 comprennent des revenus d'imposition de 2016 soit de l'année N-3 par rapport à la date de la facture.
Ces documents produits mentionnent les impositions 2017 pour les revenus 2016 des bénéficiaires et pour certains d'entre eux les impositions 2018 pour les revenus 2017 (M. [R], M. [D], Mme [E]).
La société GreenYellow n'apporte pas d'élément quant à l'option choisie par ses soins concernant les dossiers de la société France Iso Energie : avis d'imposition ou justificatif et la cour ne peut raisonner seulement par analogie avec la non-conformité des dossiers " Lamy ".
Le 3 décembre 2021, le PNCEE a informé la société GreenYellow que la demande de certificat d'économie d'énergie adressée le 17 mars 2020 concernant l'isolation de particuliers pour 41 225 200 kwh cumac " hors précarité énergétique " et 104 090 400 kwh cumac " précarité énergétique " avait fait l'objet de décisions de délivrance le 21 août 2020.
Ce dossier comprend tous les bénéficiaires concernés par la non-conformité des justificatifs d'imposition (N-3) pour lesquels les volumes ont été présentés hors précarité énergétique et n'ont donc pas bénéficié de la bonification qui pouvait être attendue.
Il est ainsi établi que la société France Iso Energie n'a pas rempli ses obligations contractuelles ce qui a causé un préjudice à la société GreenYellow qui n'a pas pu bénéficier de la bonification attendue pour les dossiers " précarité énergétique. "
La faute de la société GreenYellow : selon le contrat de partenariat, la société GreenYellow a pour obligation de vérifier les dossiers transmis, de les valider ou de les refuser au maximum 30 jours ouvrés après la réception du dossier complet adressé par le professionnel.
Il est démontré par la société France Iso Energie que ses dossiers non-conformes au regard de la justification de la précarité énergétique n'ont pas été refusés par la société GreenYellow ni même contestés, et qu'elle n'a pas été mise en demeure de régulariser les dossiers adressés lesquels pouvaient être régularisés dans les deux mois de la facture.
La société GreenYellow a donc également commis une faute dans la gestion de ces dossiers. En conséquence , la responsabilité du défaut de conformité des dossiers " précarité énergétique " de façon égale entre les deux professionnels.
Le préjudice : la société GreenYellow produit les documents justifiant de la perte de bonification par le fichier numérique décrit dans le procès-verbal de constat du 9 décembre 2022 établissant le préjudice à 130 346,30 euros. Ce calcul qui n'est pas sérieusement contesté par la société France Iso Energie sera retenu au titre du préjudice de la société GreenYellow du fait de l'absence de bonification due au défaut de justification des dossiers de précarité.
Compte tenu de la faute de la société GreenYellow ayant contribué à la survenance de son préjudice, il convient de ne retenir, au titre de l'indemnisation de celui-ci, que la moitié de la perte financière établie, soit la somme de 65 179,15 euros.
En conséquence, la décision du tribunal sera infirmée de ce chef et statuant à nouveau, la cour condamnera la société France Iso Energie à payer à la société GreenYellow la somme de 65 179,15 euros.
Sur les paiements
Moyens des parties
La société GreenYellow fait valoir que la société France Iso Energie qui indique lui avoir adressé le 30 juillet 2019, la facture n° 2019-22 du 28 juillet 2019 et le 5 août 2019 la facture n°2019-23 du 6 août 2019 (sic) a en fait récupéré ces dossiers en août 2019 pour les revendre à un tiers.
La société France Iso Energie demande le paiement des factures 2019-22 et 2019-23 avec pénalités contractuelles. Elle argue que le contrôle des dossiers " Lamy " par le PNCEE ne justifie pas l'absence de paiement de ses propres dossiers. Elle soutient qu'outre le montant des factures et les pénalités contractuelles, ce refus de paiement l'a contrainte à chercher un autre délégataire et que sur les 116 dossiers refusés par la société GreenYellow, 53 n'ont pas été déposés aboutissant à un manque à gagner de 168 882,55 euros, auquel il faut rajouter 21 654 euros HT au titre des factures de fournisseurs et 24 382 euros HT au titre des frais d'essence liés à la régularisation du changement de délégataire.
Réponse de la cour
Selon l'article 1302 du code civil, tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution.
Aux termes de l'article 1302-1 du même code, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.
La charge de la preuve du paiement indu incombe au demandeur en restitution.
Il résulte des articles 1383 et 1383-2 du code civil que l'aveu, qu'il soit judiciaire ou extrajudiciaire, exige de la part de son auteur une manifestation non équivoque de sa volonté de reconnaître pour vrai un fait de nature à produire contre lui des conséquences juridiques. Méconnaît, dès lors, ces dispositions, l'arrêt d'une cour d'appel qui retient que la reconnaissance, par une partie, des modalités de calcul de son préjudice constitue un aveu judiciaire, alors que les conclusions de celle-ci portaient sur une appréciation en droit du contenu du préjudice indemnisable et ne constituaient pas l'aveu d'un fait (2ème Civ., 8 décembre 2022, pourvoi n° 21-17.446)
En l'espèce,
S'agissant du non-paiement des factures 2019-22 et 2019-23 : il n'est pas contesté que ces factures n'ont pas été payées mais il ressort également des conclusions responsives n°2 de la société France Iso Energie devant le président du tribunal de commerce en référé (RG 2019065497) produites en pièce 34 par la société GreenYellow que pour s'opposer à la demande de condamnation provisionnelle pour remboursement du trop-perçu (facture payée deux fois), la société France Iso Energie a fait état des deux factures impayées en indiquant :
"19. Aussi devant le comportement de GreenYellow, qui en violation de ses obligations contractuelles, n'a pas traité les dossiers déposés par France Iso Energie et n'a pas réglé les factures correspondantes, France Iso Energie a décidé de se tourner vers un autre délégataire pour céder les dossiers se rapportant aux factures impayées par Green Yellow.
20.Toutefois, non seulement la société France Iso Energie n'a pas pu céder l'intégralité des dossiers qui avaient été déposés auprès de GreenYellow mais pour les dossiers cédés à un autre délégataire, la cession a eu un coût et s'est effectuée à un prix inférieur à celui qui avait été convenu avec la société GreenYellow [']
21. le 11 septembre 2019, la société GreenYellow a procédé à un second règlement de la facture 2019-19 du 10 juillet s'élevant à 239 916,80 euros TTC.
22. Compte tenu de l'application des pénalités prévues au contrat en l'absence de traitement par GreenYellow des dossiers déposés par France Iso Energie, et du préjudice subi par France Iso Energie de ce fait et en raison de la cession des dossiers correspondant aux factures impayées par la société GreenYellow à un autre délégataire la société France Iso Energie n'a naturellement pas procédé au remboursement de cette somme. "
Il résulte de ces écritures que :
d'une part, la société France Iso Energie reconnaît le double paiement de la facture 2019-19 et donc un second paiement indu, en conséquence la décision du tribunal de commerce sera confirmée en ce qui concerne la condamnation de la société France Iso Energie à rembourser à la société GreenYellow la somme de 239 916,80 euros avec les intérêts,
d'autre part, la société France Iso Energie reconnaît expressément avoir vendu à un autre délégataire plusieurs des dossiers inclus dans les factures 2019-22 et 2019-23 mais à des conditions moins avantageuses moyennant une rémunération de 6,9 euros HT/MWh cumac au lieu de 7 euros HT/MWh cumac prévu dans le contrat de partenariat du 28 mai 2019, soit une différence de 0,1 euros HT/MWh cumac et elle en conclu qu'elle doit être indemnisée d'un manque à gagner de 4 819,94 euros HT et des pénalités contractuelles à hauteur de 24 099,70 euros HT, soit 28 919,64 euros HT. Au visa de l'article 3.4.3 du contrat de partenariat, la société GreenYellow est débitrice des pénalités en cas de non achat pour raison non motivée de 0,50 euros/MWh cumac à livré à la date limite de livraison (45 jours). La société GreenYellow qui ne démontre pas que son refus de paiement est justifié par les non-conformités des 115 dossiers concernés par les factures 2019-22 et 2019-23 doit ainsi indemniser la société France Iso Energie au titre de son manque à gagner sur ces dossiers facturés puis revendus à des conditions moins intéressantes et il convient de fixer l'indemnisation à la somme de 28 919,64 euros HT. Les demandes supplémentaires de la société France Iso Energie au titre du manque à gagner des 53 dossiers non déposés et des frais de changement de délégataire n'étant pas justifiées, la décision du tribunal de commerce sera confirmée sur ce point.
Sur la procédure abusive
Moyens des parties
La société GreenYellow sollicite la condamnation de la société France Iso Energie à lui régler la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.
La société France Iso Energie s'oppose à cette demande faisant valoir son droit à défendre sur l'action de la société GreenYellow.
Réponse de la cour
La simple résistance à une action en justice ne peut constituer un abus de droit (3ème Civ., 6 mai 2014, pourvoi n° 13-14.407).
En l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation et compte tenu des condamnations prononcées au profit de la société France Iso Energie, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties en refusant de faire droit à la demande compte tenu de ce qui précède ; il convient en conséquence de confirmer la décision déférée sur ce point.
Sur la compensation
Moyens des parties
La société France Iso Energie demande la compensation entre la créance invoquée par la société GreenYellow titre de la restitution de l'indu et ses créances.
La société GreenYellow s'oppose à la demande de compensation.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 1347 du code civil, la compensation est l'extinction simultanée d'obligations réciproques entre deux personnes. Elle s'opère, sous réserve d'être invoquée, à due concurrence, à la date où ses conditions se trouvent réunies.
En l'espèce, compte tenu de la nature des condamnations prononcées à l'égard de chacune des parties, la compensation pourra s'opérer, à concurrence de la plus faible des deux créances et en tenant compte du cours des intérêts.
Sur les frais du procès
Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement sur la condamnation aux dépens et sur celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
En cause d'appel, la société France Iso Energie, partie succombante, sera condamnée aux dépens et à payer à la société GreenYellow la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile sera accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il déboute :
la société GreenYellow de sa demande de condamnation en paiement de la somme de 119 729,40 euros HT de la société France Iso Energie au titre du remboursement des primes versées au titre des dossiers de travaux non conformes,
la société France Iso Energie de sa demande en paiement de la somme de 28 919,64 euros HT,
L'infirme sur ces points et statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la société France Iso Energie à payer à la société GreenYellow la somme de 65 179,15 euros HT à titre d'indemnisation du préjudice résultant de la faute dans la constitution des dossiers précarité donnant lieu à bonification des CEE,
Condamne la société GreenYellow à payer à la société France Iso Energie la somme de 28 919,64 euros HT, à titre d'indemnisation du préjudice résultant du non-paiement des factures 2019-22 et 2019-23,
Dit que la compensation s'opère entre les condamnations prononcées, à concurrence de la plus faible des deux créances et en tenant compte du cours des intérêts,
Condamne la société France Iso Energie aux dépens d'appel,
Admet les avocats qui en ont fait la demande et peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société France Iso Energie et la condamne à payer à la société GreenYellow la somme de 5 000 euros à ce titre.