CA Douai, 2e ch. sect. 2, 11 septembre 2025, n° 23/04540
DOUAI
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Oxialive (SARL)
Défendeur :
S-pass Moto Invest (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Barbot
Conseillers :
Mme Cordier, Mme Soreau
Avocats :
Me Lamoril, Me Le Roy, Me Penaud
FAITS ET PROCEDURE
Le 30 novembre 2017, la société S-Pass moto invest (la société S-Pass) a conclu avec la société Oxialive un contrat de louage d'emplacement, ayant pour objet l'installation et l'exploitation d'un écran numérique derrière sa vitrine commerciale.
Le 24 septembre 2021, l'écran n'étant toujours pas installé, la société Oxialive a mis en demeure la société S-Pass de lui préciser la date à laquelle la livraison et la mise en place du matériel pourraient être réalisées.
Le 6 octobre 2021, la société S-Pass a indiqué à la société Oxiliave qu'elle n'était plus propriétaire du fonds de commerce et qu'elle ne pouvait pas obliger le nouveau propriétaire à faire poser le matériel.
Le 22 avril 2022, la société Oxialive a assigné la société S-Pass devant le tribunal de commerce de Valenciennes, lequel a, par jugement du 19 septembre 2023 :
- résilié le contrat aux torts de la société S-Pass ;
- débouté la société Oxialive de sa demande de dommages et intérêts ;
- condamné la société S-Pass à payer à la société Oxialive la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
- condamné la société S-Pass aux entiers dépens.
Par déclaration du 11 octobre 2023, la société Oxialive a interjeté appel du chef de la décision l'ayant déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
PRETENTIONS
Par conclusions signifiées par voie électronique le 10 mars 2025, la société Oxialive demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts ;
- confirmer le jugement pour le surplus ;
- condamner la société S-Pass à lui verser :
- à titre principal, la somme de 76 304, 14 euros HT, soit 91 156, 97 euros TTC ;
- « au titre des intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2021 : mémoire » ;
- y ajoutant,
- condamner la société S-Pass à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel ;
- condamner la société S-Pass aux dépens.
Par conclusions signifiées le 26 février 2025, la société S-Pass demande à la cour de :
- déclarer l'appel principal de la société Oxialive mal fondé, et l'en débouter ;
- déclarer son appel incident recevable et bien fondé et, en conséquence, infirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a débouté la société Oxialive de sa demande de dommages et intérêts ;
- statuant à nouveau,
- prononcer la nullité du contrat de louage d'emplacement ;
- subsidiairement :
- dire que le contrat de louage d'emplacement est atteint d'un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties,
- en conséquence, condamner la société Oxialive à lui verser, à titre de dommages et intérêts, une somme équivalant à celle que cette dernière devrait lui verser au titre de l'inexécution du contrat, et dire que les condamnations réciproques se compenseront ;
- déclarer la société Oxialive mal fondée en toutes ses demandes, et l'en débouter ;
- en tout état de cause :
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Oxialive de sa demande de dommages et intérêts ;
- condamner la société Oxialive à lui payer la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Oxialive aux entiers dépens, avec pour ceux d'appel la faculté pour [6] de les recouvrer directement dans les termes et conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
MOTIVATION
I - Sur la demande de nullité du contrat de louage d'emplacement
La société Oxialive s'oppose à la nullité du contrat sollicitée par la société S-Pass et réplique que :
- le contrat contenait le descriptif détaillé de la prestation de services, ce qui constituait une information suffisante sur les caractéristiques essentielles du contrat ;
- elle peine à identifier le déséquilibre qu'engendrait le contrat, invoqué par la société S-Pass, étant précisé que les sanctions du déséquilibre ne sont aucunement la nullité du contrat, mais des dommages et intérêts pour réparer le préjudice éventuellement causé ;
- il importe peu que la société S- Pass ne soit pas propriétaire du fonds de commerce, sa responsabilité étant engagée en qualité de cocontractante dudit contrat ;
- aucun élément n'est versé aux débats pour attester des allégations de mauvaise exécution du contrat invoquées par la société S-Pass.
La société S-Pass soutient que :
- le contrat doit respecter les dispositions du code de l'environnement (couverture d'une baie, visibilité de l'autoroute, demande d'autorisation administrative) et celles du règlement local de publicité, ce qui n'est nullement le cas en l'espèce ;
- faute d'information sur les éléments précités, le contrat est nul et tout bonnement impossible à exécuter.
1) Sur la qualité de cocontractante de la société S-Pass
La société Oxialive fait remarquer qu'il importe peu que la société S- Pass ne soit pas propriétaire du fonds de commerce, sa responsabilité étant engagée en qualité de cocontractante dudit contrat.
La société S-Pass soutient que :
- il est sollicité sa condamnation, alors qu'elle n'est propriétaire ni des locaux, ni du fonds de commerce exploité dans ces locaux, que ce soit au moment de la signature du contrat ou actuellement, le préposé de la société Oxyliave lui ayant indiqué que cela ne posait pas de difficulté, ce qui « pose nécessairement la question du consentement et de la capacité à contracter ».
Réponse de la cour
Aux termes des dispositions de l'article 1128 du code civil, sont nécessaires à la validité d'un contrat :
1° le consentement des parties ;
2° leur capacité de contracter ;
3° un contenu licite et certain.
En liminaire de ses développements relatifs à la nullité du contrat, la société S- Pass soutient successivement, d'abord, qu'elle n'est ni propriétaire ni locataire des locaux, ensuite, qu'elle aurait « cédé la société Addic Motoà, locataire des locaux, en mars 2018, à une autre société, et, enfin, que la cessionnaire ne souhaite pas la pose de l'écran et que le propriétaire des locaux, une société distincte, ne peut l'imposer au locataire des lieux.
La société S-Pass ajoute in fine que « cela pose nécessairement la question du consentement et de la capacité à contracter et donc de la validité du contrat ».
Outre que l'assertion prêtée au préposé de la société Oxialive - qui lui aurait « indiqué que ce n'était pas un problème » qu'elle ne soit ni locataire ni propriétaire des lieux - n'est établie par aucune pièce probante, la société S-Pass procède par affirmations successives, qui ne sont pas nécessairement liées entre elles, sans en tirer de conséquences juridiques précises et argumentées quant à sa capacité ou son consentement qui auraient été altérés par les faits dénoncés. Elle ne prend pas plus le soin d'apporter les preuves de nature à illustrer ces allégations.
Ainsi, ce moyen doit être disqualifié en pur argument auquel la cour n'est pas tenue de répondre.
Il sera, en tout état de cause, ajouté que la société S-Pass, lors de la conclusion du contrat, le 30 novembre 2017, disposait de la personnalité morale, et que nul ne conteste que le signataire de l'acte avait qualité et pouvoir pour engager la société.
L'absence de qualité de propriétaire du fonds de commerce ou locataire des locaux n'est de nature à priver la société S-Pass ni de la capacité à conclure l'opération ni de son consentement à cette dernière, étant observé qu'à la date de conclusion de l'opération, cette société détenait bien, comme elle l'indique elle-même, la société locataire des lieux, qui n'a été cédée qu'en mars 2018, selon ses propres affirmations.
Aucune remise en cause de l'engagement souscrit de ce chef ne pourrait en l'espèce, à supposer que la cour en fût valablement saisi, prospérer.
2) Sur les caractéristiques incertaines du contrat
La société Oxialive fait valoir que :
- contrairement à ce que soutient la société S-Pass, non seulement l'objet du contrat est licite, mais en outre cette société a eu toutes les informations nécessaires ;
- elle n'a procédé à aucune rétention d'information, en contravention avec l'article 1112-1 du code civil, comme le prétend la société S-Pass ;
- le contrat contenait le descriptif détaillé de la prestation de services, ce qui constituait une information suffisante sur les caractéristiques essentielles du contrat.
La société S-Pass soutient que :
- il manque des caractéristiques essentielles dans la description de l'objet du contrat, notamment la taille de l'écran qui est, s'agissant d'un tel bien, particulièrement importante pour la détermination de l'emplacement ;
- il n'est pas plus précisé la valeur économique, le loyer étant prévu « en nature ».
Réponse de la cour
La troisième des conditions nécessaires à la validité d'un contrat, posée par l'article 1128 du code civil, est « un contenu licite et certain ».
L'article 1163 du code civil précise que l'obligation a pour objet une prestation présente ou future. Celle-ci doit être possible et déterminée ou déterminable. La prestation est déterminable lorsqu'elle peut être déduire du contrat ou par référence aux usages ou aux relations antérieures des parties, sans qu'un nouvel accord soit nécessaire.
L'article 1112-1 du code civil dispose en outre que :
Celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.
Néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation.
Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.
Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie.
Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.
Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants.
A titre liminaire, il sera observé que la société S-Pass, qui excipe d'une information incomplète de la part de la société Oxialive, ne fonde nullement sa demande de nullité du contrat sur les dispositions des articles 1130 et suivant du code civil, et plus particulièrement sur l'erreur ou le dol.
Si la société S-Pass soutient que l'ensemble des informations sur les caractéristiques du contrat ne lui aurait pas été donné, elle ne caractérise pas précisément l'information qui aurait fait l'objet d'une rétention de la part de la société Oxialive et ne justifie pas plus du caractère déterminant de ladite information.
Contrairement à ce qu'elle sous-entend, le simple fait que la contrepartie ne soit pas exprimée en termes de « valeur économique » , sous la forme de loyer exprimé en monnaie, n'implique pas nécessairement l'inexistence de toute contrepartie à son obligation.
De fait, il existait bien une prestation de service en nature due par le locataire, en contrepartie de l'obligation de mise à disposition par le bailleur d'un emplacement derrière la vitrine, à savoir la production de 6 créations de spots par an pour les besoins de l'activité du bailleur et la réalisation régulière du nettoyage de la vitrine.
Outre un descriptif détaillé des obligations particulières et générales (§4) pesant sur chacune des parties, et notamment de la prestation de service (§1 loyer), due au titre de loyer, contrepartie de l'emplacement (§2 objet), le contrat de louage comportait également, d'une part, une définition précise de la durée de la convention et des modalités de sa reconduction (§3), d'autre part, des stipulations quant à la cession/sous-location et à la résiliation du contrat (§4, 4).
La société S-Pass ne peut prendre prétexte du fait que les dimensions et l'emplacement précis de l'écran n'ont pas été mentionnés au contrat pour soutenir que le contenu de la convention était incertain, dès lors que les parties ont expressément stipulé que « l'emplacement du dispositif a été déterminé d'un commun accord en considération tant de la nécessité de l'exploitation publicitaire que de la commodité du bailleur ».
Ainsi, le contenu était déterminé et déterminable, quand bien même la contrepartie était exprimée en nature, ce qui n'est en aucun cas illicite comme le prétend le bailleur, lequel ne soutient pas et démontre encore moins que cette contrepartie serait illusoire ou dérisoire.
La demande de nullité de ce chef est également rejetée.
3) Sur l'illicéité du dispositif proposé au regard des dispositions du code de l'environnement
La société Oxialive fait valoir que :
- l'objet du contrat est licite ;
- le contrat, par son objet, s'agissant d'une enseigne située à l'intérieur d'un local, dédiée en outre à l'activité de la société S-Pass, n'est pas soumis aux dispositions du code de l'environnement, qui l'excluent expressément ;
- la réglementation interdisant les enseignes lumineuses lorsqu'elles sont visibles d'une autoroute ou d'une bretelle d'accès à l'autoroute ne s'applique pas non plus en l'espèce, étant précisé que le dispositif ne s'applique qu'aux enseignes scellées au sol, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;
- le règlement local de publicité de l'agglomération de [Localité 8] n'interdit pas plus l'écran publicitaire litigieux ;
- il ne peut être tiré argument des échanges de courriels avec la mairie, produits par la société S-Pass ; il n'existe certes aucune déclaration ou autorisation préalable demandée aux services municipaux pour ce dispositif. Cependant, le dispositif litigieux n'est pas concerné par de telles démarches.
La société S-Pass soutient que :
- le contrat doit respecter les dispositions du code de l'environnement (couverture d'une baie, visibilité de l'autoroute, demande d'autorisation administrative) et celles du règlement local de publicité, ce qui n'est nullement le cas en l'espèce ;
- faute d'information sur les éléments précités, le contrat est nul et tout bonnement impossible à exécuter.
Réponse de la cour
L'article L. 581-25 du code de l'environnement dispose que ;
Le contrat de louage d'emplacement privé aux fins d'apposer de la publicité ou d'installer une préenseigne se fait par écrit. Il est conclu pour une période qui ne peut excéder six ans à compter de sa signature. Il peut être renouvelé par tacite reconduction par périodes d'une durée maximale d'un an, sauf dénonciation par l'une des parties trois mois au moins avant son expiration.
Le preneur doit maintenir en permanence l'emplacement loué en bon état d'entretien. Faute d'exécution de cette obligation, et après mise en demeure, le bailleur peut obtenir, à l'expiration d'un délai d'un mois, du juge des référés, à son choix, soit l'exécution des travaux nécessaires, soit la résolution du contrat et la remise des lieux en bon état aux frais du preneur.
A défaut de paiement du loyer, le contrat est résilié de plein droit au bénéfice du bailleur après mise en demeure de payer restée sans effet durant un mois.
Le preneur doit remettre l'emplacement loué dans son état antérieur dans les trois mois suivant l'expiration du contrat.
Le contrat doit comporter la reproduction des quatre alinéas précédents.
Les dispositions du présent article sont d'ordre public.
Mis à part l'encadrement du contenu du message publicitaire, pouvant relever du code des collectivités publiques ou du code de la santé publique, le code l'environnement renferme l'essentiel de la législation concernant la publicité et l'affichage extérieur, avec des règles applicables aux supports de la publicité extérieure, des règles protégeant la sécurité de la circulation routière, d'autres protégeant le droit de propriété et enfin d'autres visant à assurer la protection du cadre de vie.
Sur ce dernier point, les dispositions du code de l'environnement comportent un grand nombre de règles nationales protectrices du cadre de vie, imposant notamment des contraintes de dimensions et d'emplacement aux supports de publicité extérieure, qu'il s'agisse de publicités, d'enseignes ou de préenseignes, ces règles nationales pouvant faire l'objet d'adaptations locales, par le biais de règlements locaux de publicité mis en place dans un cadre communal ou intercommunal .
L'article L. 581-2 du code de l'environnement dispose qu'afin d'assurer la protection du cadre de vie, le présent chapitre fixe les règles applicables à la publicité, aux enseignes et aux préenseignes, visibles de toute voie ouverte à la circulation publique, au sens précisé par décret en Conseil d'État. Ses dispositions ne s'appliquent pas à la publicité, aux enseignes et aux préenseignes situées à l'intérieur d'un local, sauf si l'utilisation de celui-ci est principalement celle d'un support de publicité.
En application de ce texte, le Conseil d'État a jugé que relevaient de ces dispositions, et constituaient donc une publicité située à l'intérieur d'un local, des photographies de deux mètres de long sur deux mètres de large, visibles depuis la voie publique, mais placées derrière les baies à l'intérieur d'un magasin de vente de vêtements, dès lors que l'espace réservé à la vente, qui n'était pas séparé de celui où étaient implantées les photographies, n'était pas utilisé principalement comme support de publicité (CE, 28 oct. 2009, n° 322758, min. Écologie - Zara France).
Néanmoins, selon l'article L581-14-4 du code de l'environnement, « par dérogation à l'article L. 581-2, le règlement local de publicité peut prévoir que les publicités lumineuses et les enseignes lumineuses situées à l'intérieur des vitrines ou des baies d'un local à usage commercial qui n'est pas principalement utilisé comme un support de publicité et destinées à être visibles d'une voie ouverte à la circulation publique respectent des prescriptions qu'il définit en matière d'horaires d'extinction, de surface, de consommation énergétique et de prévention des nuisances lumineuses ».
En l'espèce, la société S-Pass soutient que le contrat litigieux heurterait les dispositions du code de l'environnement, notamment en matière d'affichage lumineux visible d'une autoroute ou bretelle d'accès, cette critique étant selon la société Oxialive infondée faute pour ledit dispositif de ressortir des dispositions protectrices dont il est argué par le preneur.
En premier lieu, s'agissant d'un contrat de louage d'emplacement privé à des fins publicitaires, cette convention se trouve régie par les dispositions d'ordre public de l'article L. 581-25 précité, qui est d'ailleurs expressément rappelé dans le contrat, lequel répond ainsi aux exigences posées par ce texte, ce qui ne fait l'objet d'aucune critique de la part de la société S-Pass.
Néanmoins cette dernière ne peut s'emparer de ce renvoi à l'article L. 581-25 du code de l'environnement pour soutenir que l'ensemble du dispositif publicitaire en lui-même, et donc la diffusion via l'écran envisagé, serait nécessairement régi par les dispositions du code de l'environnement et contreviendrait à ces dernières, faisant de l'objet même du contrat, un objet illicite selon elle.
En effet, ce contrat visait « un temps de communication permanent sur l'écran installé dans la concession BMW à Valenciennes », « le bailleur autoris[ant] le preneur qui l'accepte à installer et exploiter un écran numérique à installer derrière la vitrine commerciale du bailleur dans la concession BMWMotorad à Valenciennes » (soulignements de la cour d'appel).
Il s'ensuit que ces stipulations établissent que l'écran loué devait se situer à l'intérieur du local commercial, derrière la vitrine, étant observé que ce local hébergeait une concession moto.
La nature même de l'activité exploitée, qui comprend à tout le moins un espace de vente, voire de réparation, implique que ledit local n'était pas principalement utilisé à titre de support publicitaire.
Aucun des éléments versés aux débats n'atteste d'une utilisation principale du local comme support publicitaire ' la société S Pass ne le soutient d'ailleurs pas -, pas plus qu'il n'est allégué et prouvé que l'espace d'exploitation de la concession ait été séparé de celui où était implanté l'écran.
Ce dispositif relève donc de l'exclusion envisagée par le dernier alinéa de l'article L. 581-2 du code de l'environnement, le bailleur ne pouvant dès lors exciper des dispositions réglementaires dudit code applicables notamment aux affichages hors agglomérations et visibles des voies routières.
Par contre, il peut se prévaloir de l'article L. 581-14-4 du code de l'environnement, lequel réserve la possibilité de faire exception à l'exclusion envisagée par l'article L. 581-2 du même code concernant les dispositifs publicitaires à l'intérieur d'un local non principalement utilisé comme support publicitaire, en excipant des dispositions du règlement local de publicité.
Il appartient donc à la société S-Pass de justifier de l'existence et du contenu du règlement local de publicité intercommunal de [Localité 8] dont elle se prévaut.
Or, la société S-Pass ne peut s'emparer de la page 62, d'un document qui comporte essentiellement des définitions de termes, en particulier celle du mot « micro-affichage », sans aucune réglementation, et qui ne provient pas du règlement adopté mais uniquement du dossier d'approbation comme en atteste la mention suivante y figurant en italique :« règlement local de publicité intercomunalité ( RLPI) [Localité 8]-- dossier d'approbation ».
Elle ne peut pas plus prétendre établir l'illicéité du dispositif en arguant de la réponse établie à sa demande par l'instructeur ADS et contentieux de l'urbanisme de la ville de [Localité 8] le 29 novembre 2022.
Outre que cette réponse ne permet pas de connaître l'état de la réglementation applicable lors de la conclusion du contrat, elle mentionne uniquement qu' « au regard des éléments décrits, le dispositif projeté ne serait pas conforme aux dispositions prévues par le projet de RLPi, [règlement local de publicité intercommunal], lequel a d'ores et déjà fait l'objet d'une enquête publique ».
Il se déduit d'ailleurs de cette réponse, qu'à cette date, soit en 2022, l'intercommunalité n'était toujours pas dotée d'une réglementation locale contraignante en matière de dispositif de publicité.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la société S-Pass échoue à établir que le dispositif litigieux aurait un objet illicite, entraînant de facto la nullité de la convention de louage d'emplacement publicitaire.
En conséquence, la demande de nullité de la convention formée par la société S-Pass au titre de l'ensemble de ces griefs est rejetée. Il convient d'ajouter au jugement entrepris, en ce que les premiers juges ont statué dans les motifs de leur décision sur ces points, mais omis, dans le dispositif de leur jugement, de consacrer un chef distinct à la demande de nullité.
II ' Sur la demande de la société S-Pass au titre du déséquilibre du contrat
La société Oxialive indique peiner à identifier le déséquilibre qu'engendrait le contrat, invoqué par la société S-Pass, étant précisé que les sanctions du déséquilibre ne sont aucunement la nullité du contrat, mais des dommages et intérêts pour réparer le préjudice éventuellement causé.
La société S-Pass plaide que le refus de la société Oxialive de tenir compte des dispositions de l'article 4 intitulé « résiliation du contrat » met en exergue le déséquilibre significatif créé par son contrat. Elle souligne l'absence de réciprocité et de contrepartie en l'espèce, le contrat « taillant la part du lion à la société Oxialive », en matière de gain financier, de renouvellement du contrat, de faculté de résiliation.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article L. 442-1, I, du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-691 du 9 décembre 2016, dont les dispositions sont sur ce point identiques à celles de l'article L. 442-1 du code de commerce invoqué de manière erronée par la société S- Pass, non applicable en l'espèce, « engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers [...] 2° de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ».
Selon la jurisprudence, il appartient à la partie qui invoque un tel déséquilibre de l'établir dans toutes ses composantes, et donc de caractériser, d'une part, la rupture dans l'équilibre des obligations et droits souscrits, d'autre part, le caractère significatif de ce déséquilibre, qui doit ainsi être marquant et d'une certaine importance, et non uniquement exister.
Pour apprécier le caractère abusif d'une clause créant « un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat », il convient de prendre en compte le contexte dans lequel le contrat a été conclu et son économie, après une appréciation et concrète du ou des contrats liant les parties (Com. 3 mars 2015 n° 13-27.525).
Ainsi une clause doit s'apprécier au regard de toutes les autres clauses du contrat, le déséquilibre instauré par une clause pouvant être corrigé par l'effet d'une autre, ou compensé par une autre clause (CPCE, avis n°15-23 du 25 juin 2015 ou CPEC, avis n° 19-01 du 17 janvier 2019 ; Com. 26 févr. 2025, F-B, n° 23-20.225).
L'absence de réciprocité dans l'attribution d'un droit peut être significative d'un déséquilibre, lequel peut être financier ou juridique.
Au préalable, il doit être noté que c'est de manière inopérante que la société Oxialive soutient qu'il ne peut être demandé par la société S-Pass sur ce fondement la nullité de la convention litigieuse, dès lors que cette société se garde bien de prétendre cela, en sollicitant uniquement l'octroi de dommages et intérêts.
En premier lieu, en l'espèce, il pèse sur la société S-Pass la charge de caractériser l'existence d'un déséquilibre significatif.
La cour peine à comprendre l'allégation de la société S- Pass selon laquelle « le refus de la société Oxialive de tenir compte des dispositions de l'article 4 Résiliation du contrat met en exergue le déséquilibre significatif créé par son contrat-type de louage d'emplacement publicitaire'.
De première part, la société S- Pass affirme, sans aucune preuve à l'appui, qu'il s'agirait d'un « contrat-type », alors que les stipulations renfermées par cette convention sont constituées d'un rappel des dispositions légales obligatoires, et également de stipulations relatives à des conditions générales et particulières, qui paraissent négociées entre les parties.
De deuxième part, la société S-Pass, loin de s'astreindre à démontrer la création par les différentes stipulations d'un déséquilibre, entrevoit ce déséquilibre dans la mise en 'uvre des stipulations, et plus particulièrement dans « ''une pratique'', un comportement».
De troisième part, le déséquilibre résulterait de l'exécution du contrat, et plus particulièrement du refus de la société Oxialive de tenir compte de l'article 4 du contrat, lequel offre une possibilité de résiliation au preneur qui, convient-il de le rappeler, est la société Oxialive et non la société S- Pass.
S'agissant d'une faculté, il appartient à la société S-Pass de démontrer l'abus ou l'intention dolosive de la société Oxialive, ce qu'elle ne fait pas en l'espèce.
L'examen de l'article 4 permet de constater que cette stipulation prévoit uniquement que « dans les cas d'impossibilité d'installation ou d'exploitation du dispositif autre du fait des parties et pour les cas non limitatifs suivants : Modifications des conditions d'exploitation en raison de dispositions législatives, administratives ou fiscales, perte de valeur de l'emplacement, perte de visibilité totale ou partielle du fait de la végétation ou autre causes, fin d'une tolérance ou d'une autorisation accordée par un tiers, obstacles techniques liés aux caractéristiques ou à l'occupation du sol ou du sous-sol, guerre ou événement paralysant l'activité économique, événement climatique perturbant l'exploitation du dispositif, le preneur pourra ['] résilier le contrat sans qu'aucune des parties puissent réclamer une quelconque indemnité ».
La rupture invoquée de la relation contractuelle par la société S-Pass ne relève ainsi d'aucun des cas listés dans la stipulation précitée, cette dernière ne pouvant dès lors faire grief à la société Oxialive de ne pas avoir mis en 'uvre cette faculté de résiliation.
En deuxième lieu, il appartient à la société S-Pass d'établir l'absence de réciprocité et de contrepartie dans les droits et obligations des parties, après étude des différentes clauses du contrat, et non de se contenter de l'affirmer.
Le seul fait que l'article 4 offre une possibilité au seul preneur de résilier le contrat pour un changement dans les conditions d'application du contrat, n'est, à lui seul, pas suffisant pour établir le déséquilibre invoqué.
Il doit être observé que les éléments dont la disparition peuvent donner lieu à une résolution du contrat par le preneur, tels qu'envisagés à l'article 4 précité, sont des éléments qui revêtent un caractère imprévisible et/ou irrésistible, et à tout le moins extérieur au preneur, et non une simple volonté de cette partie de ne plus tenir compte de l'engagement passé.
Par ailleurs, le contrat prévoit, d'une part, une possibilité de résiliation de plein droit au profit du bailleur, à savoir en l'absence de réalisation de la contrepartie et des éléments constituant le loyer et en l'absence d'entretien de l'emplacement et, d'autre part, il conserve la possibilité pour le bailleur d'obtenir la résolution du contrat sur le fondement du droit commun, notamment en se prévalant de la disparition d'un élément essentiel dudit contrat.
Ainsi, contrairement à ce que sous-entend la société S-Pass, il existe bien des contreparties à la perception par la société Oxialive de l'intégralité du prix des prestations et la prise en charge par le preneur de l'alimentation électrique du dispositif, à savoir l'entretien de l'emplacement (nettoyage des vitres) et la réalisation de 6 spots par an par le preneur en lien avec l'activité du bailleur et leur diffusion, quand bien même la convention demeure taisante sur la fréquence de cette diffusion.
Le seul fait que le contrat stipule une préférence en faveur du preneur en cas de renouvellement, aux conditions des offres présentées par les concurrents, et une possibilité pour le preneur de sous-louer le dispositif à un tiers, sans droit de regard du bailleur, n'est pas de nature à créer un déséquilibre, qui plus est significatif dans les droits et obligations des parties, s'agissant de clauses courantes en matière de bail.
En dernier lieu, comme le fait justement observer le preneur, la société S-Pass se garde bien de décrire le préjudice qui serait en lien avec le déséquilibre qu'elle invoque, entendant uniquement par ce biais, obtenir à titre des dommages et intérêts « une somme équivalent à celle que [la société S-Pass] devrait lui [i.e. à la société Oxialive] verser au titre d'une inexécution du contrat, et dire que les condamnations réciproques se compenseront ». Le préjudice invoqué n'est donc ni direct ni personnel, en ce qu'il découle du préjudice subi éventuellement par l'autre partie, et, en tout état de cause, n'est pas en lien avec le déséquilibre invoqué.
Pour toutes ces raisons, la demande de dommages et intérêts présentée par la société S-Pass au titre du déséquilibre significatif ne peut qu'être rejetée.
Il convient d'ajouter sur ce point au jugement entrepris, en ce qu'il a omis de statuer sur cette demande dans son dispositif, quand bien même il consacre des développements de ce chef dans ses motifs.
III - Sur la demande de « résiliation » du contrat
La société Oxialive s'estime bien fondée à solliciter la confirmation de la décision ayant résilié le contrat aux torts de la société S-Pass. Elle ajoute que le contrat doit être exécuté de bonne foi et qu'en qualité de preneur, elle ne pouvait utilement résilier le contrat, aucune des causes contractuelles ne trouvant à s'appliquer en l'espèce.
Elle souligne que la société S-Pass, se prévalant de sa propre turpitude, détourne le dispositif contractuel.
La société S-Pass conclut à l'impossibilité d'exécuter le contrat, ce qui justifie qu'il y soit mis un terme. La vente de la concession comme l'absence d'autorisation du nouveau preneur à bail des locaux sont expressément prévues comme des causes entraînant l'impossibilité de mettre en 'uvre le dispositif, ce qui aurait dû conduire à la suspension ou à la résiliation du contrat, sans qu'aucune des parties ne puisse réclamer d'indemnité.
Il existe en outre une impossibilité technique d'exécuter le contrat, qui ne pouvait qu'être constatée, les dimensions de l'écran étant supérieures à celles d'un des pans de verre constituant la vitrine. Elle souligne que, dès la conclusion du contrat, elle avait expressément indiqué la nécessité d'un écran dont les dimensions et le poids permettraient une installation conforme aux contraintes structurelles du bâtiment, sans suspension à la charpente métallique.
Quand bien même le contrat ne prévoit pas dans le présent cas une résiliation, elle soutient que cela ne prive pas la juridiction de la possibilité de prononcer la résolution du contrat.
Réponse de la cour
Au préalable, ce n'est que par une impropriété de langage que la société Oxialive sollicite la « résiliation » de la convention, au lieu de sa « résolution », s'agissant d'un contrat auquel il manquerait un élément dès sa conclusion.
Il doit tout autant être noté que la société S-Pass évoque, quant à elle, dans les motifs de ses écritures, la « résolution » du contrat, faute d'un élément de formation dès l'origine, sans toutefois saisir expressément la cour, dans le dispositif de ses écritures, d'une demande de résolution du contrat litigieux, alors qu'en application de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour n'est saisie que des prétentions énoncées au dispositif.
Elle sollicite cependant l'infirmation de la décision ayant prononcé la « résiliation » du contrat à ses torts.
La cour déduit de ces éléments qu'elle se trouve saisie d'une demande de résolution du contrat litigieux et qu'il lui appartient, compte tenu des développements croisés des parties sur ce point, de déterminer si la résolution dudit contrat est justifiée et, surtout, sur qui pèse la charge de la preuve de cette résolution du contrat.
En premier lieu, il doit être noté que la convention des parties prévoit uniquement « dans le cas d'impossibilité d'installation ou d'exploitation du dispositif autre du fait des parties et pour les cas non limitatifs » suivants, une résiliation possible au profit du preneur, sans réclamation possible pour l'une des parties d' « une quelconque indemnité » (article 4 des conditions générales cité ci-dessus).
La société S-Pass cite ces stipulations pour essayer de justifier être dans l'un des cas listés, sans d'ailleurs préciser expressément les cas concernés, lesquels, au vu des éléments qu'elle invoque - absence d'autorisation du preneur des locaux suite à la cession, absence d'autorisation de la commune et impossibilité technique -, pourraient se rattacher à la « fin d'une tolérance ou d'une autorisation accordée par un tiers » et à des « obstacles techniques liés aux caractéristiques ou à l'occupation du sol ou du sous-sol ».
Cependant, cette stipulation ne réserve, dans les cas précités, la possibilité de solliciter la résolution qu'au preneur, et donc à la société Oxialive, rendant dès lors inopérante l'argumentation de la société S-Pass sur ce fondement.
En deuxième lieu, la société Oxialive fonde sa demande de résolution non sur la stipulation contractuelle précitée, mais sur le droit commun, ce qu'il convient donc d'examiner.
Cette stipulation n'interdit pas qu'il soit sollicité par l'une ou l'autre des parties la résolution du contrat, et ce conformément au droit commun, compte tenu de l'absence d'un élément nécessaire à sa formation, dès l'origine, privant les parties de la possibilité d'exécuter l'engagement litigieux.
L'article L. 581-25 du code de l'environnement disposant que la résolution du contrat peut être sollicitée par le bailleur, soit, sur décision judiciaire, faute d'exécution de l'obligation pesant sur le preneur de bon entretien de l'emplacement, soit, de plein droit, à défaut de paiement des loyers à la suite d'une mise en demeure, n'empêche pas plus les parties de solliciter la résolution dudit contrat pour d'autres causes, dans les conditions du droit commun.
Cette solution est admise par les parties, qui toutefois s'opposent sur les torts imputables à chacune d'elles, à savoir pour le preneur, un refus d'exécution de la convention par le bailleur, et pour ce dernier une impossibilité technique d'installation de la solution envisagée par les parties et un changement des conditions d'exploitation, outre un défaut d'autorisation de la commune.
C'est sans aucune pièce objective et précise à l'appui que la société S-Pass prétend que l'objet du contrat se heurtait à une impossibilité technique, les dimensions de l'écran envisagé étant, selon elles, supérieures à celles des pans de mur et la charpente ne permettant pas de supporter la pose de cet écran.
Les photographies de la vitrine, produites aux débats, sur lesquelles ont été ajoutées par incrustation les dimensions des pans de verre, ne sont pas à elles seules probantes, fautes d'être accompagnées soit d'un constat d'huissier, soit d'une description de la vitrine ou de la structure métallique des locaux, issue du contrat de bail ou d'un constat d'entrée dans les lieux par exemple.
L'absence d'autorisation donnée par la commune n'est pas plus établie, dès lors que la société S-Pass ne démontre pas avoir sollicité ladite autorisation, pas plus d'ailleurs qu'elle ne prouve, à la date de la conclusion de la convention, avoir sollicité le preneur en place pour obtenir de ce dernier l'autorisation nécessaire.
Elle invoque, en effet, l'absence d'autorisation donnée par le nouveau preneur et les effets de la vente de la concession par ses soins en mars 2018, ce qui est impropre à fonder une résolution de la convention aux torts de la société Oxialive, qui plus est dès l'origine de la conclusion de la convention.
En revanche, le preneur démontre, au vu des pièces versées aux débats, que le bailleur a différé l'exécution du contrat, avant d'invoquer la cession de la concession intervenue en mars 2018 comme ne lui permettant plus d'exécuter la convention litigieuse, peu important que le preneur n'ait pas mis en demeure en bonne et due forme le bailleur d'avoir à le laisser exécuter ladite convention, dans la mesure où, compte tenu de sa validité, celle-ci avait force de loi entre les parties dès sa formation.
La cour d'appel estime que cette absence d'exécution de la société S-Pass est suffisamment grave pour justifier l'anéantissement rétroactif de la convention litigieuse aux torts de cette société prononcée par les premiers juges.
La décision entreprise est donc confirmée, sauf à rectifier l'impropriété de vocabulaire entachant le chef du dispositif concerné, en précisant qu'il s'agit en l'espèce d'une résolution, et non d'une résiliation, de la convention litigieuse.
IV- Sur la demande de dommages et intérêts de la société Oxialive
La société Oxialive conclut à sa nécessaire indemnisation, les manquements de la société S-Pass « caus[ant] immanquablement un dommage », en ce qu'elle a acheté pour les besoins du contrat le matériel, l'écran ne pouvant être utilisé ailleurs que dans les locaux de la société S-Pass et étant remisé dans ses locaux, à elle, depuis plusieurs années désormais.
Elle souligne qu'elle avait en outre escompté la réalisation d'un chiffre d'affaires par l'exploitation de cet écran.
La société S-Pass observe que :
- la société Oxialive ne fait pas la démonstration d'un préjudice direct, notamment par l'acquisition de l'écran litigieux ;
- les pièces versées pour attester de ce préjudice n'établissent nullement l'achat invoqué ;
- rien ne permet en outre d'affirmer que l' écran acheté, si tel est le cas, ne puisse pas être exploité ailleurs ;
- la société Oxialive ne peut à la fois réclamer la perte de marge et les charges afférentes au contrat ;
- au titre de la perte de marge, si elle était prouvée, cela ne pourrait être qu'une perte de chance de réaliser une marge sur l'exploitation de l'écran.
Réponse de la cour
Aux termes des dispositions de l'article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.
En vertu des dispositions des articles 6 et 9 du code de procédure civile, à l'appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à les fonder et il leur incombe de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de leurs prétentions.
En l'espèce, le dommage dont se prévaut la société Oxialive et dont elle sollicite réparation, est constitué de l'achat de l'écran, qu'elle se devait de livrer, installer puis exploiter à l'emplacement litigieux, et de la perte des retombées financières au titre des bénéfices attendus de l'exploitation de cet écran.
Ainsi, ces deux préjudices supposent que soit démontré par la société Oxialive qu'elle avait acquis ledit écran.
Or, la seule production aux débats d'un devis auprès d'une société tierce pour la réalisation et la livraison d'un écran devant être installé, selon les dires de la société Oxialive, dans les locaux litigieux, sans même qu'il soit démontré que ce devis ait été accepté, n'établit pas que cette société aurait passé commande de l'écran litigieux et démontre encore moins que cet écran aurait été payé par ses soins. Au surplus, ce devis ne porte aucune référence au lieu d'installation de l'écran concerné.
L'extrait du journal comptable de la société Oxialive, et plus particulièrement l'écriture passée le 5 septembre 2019 (portant n° de pièce 14229 ; n° de compte 401000 et nom de tiers FDYNAMICLED pour un montant de 16 260 euros), ne peut être rattaché à l'opération litigieuse, l'intitulé de l'écriture ne renvoyant pas expressément au devis précité.
En outre, le nom du destinataire Dynamicled est distinct de celui de l'auteur du devis, la société Interface création, de même que le montant répertorié de 16 260 euros, présenté par la mention manuscrite apposée sur l'extrait, comme le règlement du solde, qui diffère du coût de 32 520 euros figurant sur le devis.
De plus, tandis que le contrat de location d'emplacement est du 30 novembre 2017, il doit être observé, d'une part, que le devis est daté du 20 septembre 2017, d'autre part, que l'écriture précitée, figurant sur l'extrait de journal et correspondant selon la société Oxialive à l'opération de 2017, a été passée le 5 septembre 2019, date à laquelle cette société n'ignorait pas les réticences de la société S-Pass à l'installation du dispositif, ce qui permet de douter de la passation de cette commande et de son règlement.
Enfin, alors même que la société Oxialive prétend avoir remisé cet écran depuis de nombreuses années, aucune pièce n'établit ce fait, les deux photographies d'étagères avec des boîtes sur des rayonnages, produites aux débats, n'établissant pas la détention de l'écran alléguée.
Aucune facture dudit écran n'est d'ailleurs communiquée par la société Oxialive, pas plus que ne sont produits les contrats avec les annonceurs invoqués au titre des spots devant être diffusés sur l'écran litigieux.
La société Oxialive, qui ne justifie ni de l'achat de l'écran ni des contrats conclus en vue de son exploitation, ne prouve pas le préjudice invoqué, tant au titre des dépenses d'acquisition et de détention du matériel qu'au titre des bénéfices attendus de l'exploitation de cet écran.
Les attestations de l'expert comptable relatives, d'une part « à la marge moyenne par écran exercice 2016-2017 à 2019-2020 », d'autre part, « sur le chiffre d'affaires moyens des deux écrans dits transparents de grand format sur l'exercice clôturant au 30 septembre 2023 et 30 septembre 2022 », sont insuffisamment détaillées pour permettre de déterminer si l'ensemble des éléments, et notamment les charges pesant sur la société Oxialive, en vue de produire, réaliser, puis diffuser les spots, ont été pris en compte et sont, si ce n'est identiques, à tout le moins similaires, aux charges et résultats pouvant être escomptés pour l'opération envisagée dans le cadre de la convention d'emplacement litigieux.
L'attestation du cogérant de la société Oxialive relative aux chiffres d'affaires moyens des deux écrans sur [Localité 5] et [Localité 4] n'est pas plus probante.
La société Oxialive n'établissant pas le préjudice dont elle se prévaut, il convient de confirmer la décision entreprise qui l'a déboutée de sa demande de ce chef.
V- Sur les dépens et accessoires
En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la société S- Pass succombant principalement en ses prétentions, il convient de la condamner aux dépens d'appel.
Les chefs de la décision entreprise relatifs aux dépens et à l'indemnité procédurale sont confirmés.
La société S- Pass supportant la charge des dépens, il convient de la condamner à payer à la société Oxialive la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de la débouter de sa propre demande.
PAR CES MOTIFS
CONFIRME le jugement du tribunal de commerce de Valenciennes du 19 septembre 2023 en toutes ses dispositions, sauf à préciser qu'il s'agit d'une résolution du contrat de location d'emplacement aux torts de la société S-Pass et non d'une résiliation comme indiqué à tort dans le dispositif de ce jugement ;
Y ajoutant,
REJETTE la demande de la société S-Pass de nullité de la convention de louage d'emplacement de louage conclue le 30 novembre 2017 ;
REJETTE la demande de dommages et intérêts de la société S-Pass au titre du déséquilibre significatif du contrat ;
CONDAMNE la société S-Pass aux dépens d'appel ;
CONDAMNE la société S-Pass à payer à la société Oxialive la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE la société S-Pass de sa demande d'indemnité procédurale.