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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 11 septembre 2025, n° 23/07388

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

A2c Air Concept Construction (SARL)

Défendeur :

Edeis Concessions (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Renard

Conseillers :

Mme Ranoux-Julien, Mme Prigent

Avocats :

Me Courrege, Me Bertrand, Me Rondoux, Me Mouriesse, Me Benatsou

T. com. Paris, 13e ch., du 11 avr. 2023,…

11 avril 2023

EXPOSÉ DU LITIGE

La société A2C Air Concept Construction a fourni à la société Edeis Concessions, intervenant dans les domaines de la gestion, l'exploitation et le développement d'infrastructures de transports, de bâtiments publics et privés, diverses prestations de consultant, selon un contrat du 17 octobre 2019, moyennant le versement de la somme forfaitaire mensuelle de 27 000 euros HT.

La société Edeis a suspendu le règlement des factures d'honoraires à compter d'avril 2021 et a résilié le contrat au mois de juillet 2021.

Par acte du 21 avril 2022, la société A2C Air Concept a assigné la société Edeis Concessions devant le tribunal de commerce de Paris en paiement de la somme de 81 000 euros au titre des factures impayées et de la somme de 135 000 euros sur le fondement de la rupture brutale des relations commerciales établies.

Par jugement du 11 avril 2023, le tribunal de commerce de Paris a :

- Condamné la société Edeis Concessions à verser à la société A2C Air Concept Construction une somme de 11 250 euros au titre de la rupture contractuelle ;

- Débouté la société A2C Air Concept Construction de sa demande de règlement de ses factures d'avril, mai et juin 2021 ;

- Condamné la société Edeis Concessions à payer à la société A2C Air Concept Construction la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

- Rappelé que l'exécution provisoire est de droit ;

- Condamné la société Edeis Concessions aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 70,86 euros dont 11,60 euros de TVA.

Par déclaration du 19 avril 2023, la société A2C Air Concept Construction a interjeté appel du jugement en ce qu'il a :

- Condamné la société Edeis Concessions à verser à la société A2C Air Concept Construction une somme de 11 250 euros au titre de la rupture contractuelle ;

- Débouté la société A2C Air Concept Construction de sa demande de règlement de ses factures d'avril, mai et juin 2021 ;

- Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires.

Par ses dernières conclusions notifiées le 19 juillet 2023, la société A2C Air Concept Construction demande de :

- Repoussant toutes conclusions contraires mal fondées ;

- Dire l'appel tel qu'interjeté régulier en la forme et justifié au fond ;

Y faire droit, réformer et infirmer le jugement en ce qu'il :

- Condamne seulement la société Edeis Concessions à verser à la société A2C Air Concept Construction une somme de 11 250,00 euros au titre de la rupture contractuelle ;

- Déboute la société A2C Air Concept Construction de sa demande de règlement de ses factures d'avril, mai et juin 2021 ;

- Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples et contraires ;

- Rejeter toutes les prétentions de la société Edeis Concessions ;

- Condamner la société Edeis Concessions à payer à la société A2C Air Concept Construction :

- la somme de 135.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour brusque rupture de la relation contractuelle établie ;

- la somme de 81.000,00 euros au titre des factures de prestations dues pour la période d'avril à juin 2021 ;

- les intérêts sur cette dernière somme au taux de 3 fois celui de l'intérêt légal à compter de l'échéance respective des factures émises ;

- Au titre de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 5 000 euros ;

- Les entiers frais et dépens de première instance et d'appel, en vertu de l'article 696 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions notifiées le 18 octobre 2023, la société Edeis Concessions demande, au visa des articles 1103, 1217 et 1219 du code civil, de :

- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 11 avril 2023 en ce qu'il a débouté la société A2C Air Concept Construction de sa demande de règlement de ses factures d'avril, mai et juin 2021 ;

- Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 11 avril 2023 en ce qu'il a condamné la société Edeis Concessions à verser à la société A2C Air Concept Construction une somme de 11 250 euros au titre de la rupture contractuelle ;

- Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 11 avril 2023 en ce qu'il a condamné la société Edeis Concessions à verser à la société A2C Air Concept Construction une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 11 avril 2023 en ce qu'il a condamné la société Edeis Concessions aux dépens ;

- Débouter la société A2C Air Concept Construction de l'ensemble de ses conclusions et demandes ;

- Condamner la société A2C Air Concept Construction au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 10 avril 2025.

La cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la demande en paiement de la société A2C Air Concept Construction de la somme de 81 000 euros

La société A2C Air Concept Construction (A2C) fait valoir que :

- la société Edeis Concessions ( Edeis) n'a émis aucune réserve sur la période d'avril, mai et juin 2021 au titre des prestations de conseil opérées, n'émettant ni grief ni la moindre relance au titre d'une inexécution des prestations ;

- la communication interne au Groupe Edeis se fait via une plateforme intranet, dont l'accès a été coupé dès que le contrat a été résilié ;

- la société Edeis reconnait que des prestations ont bien été fournies par la société A2C, tentant d'en remettre en cause le bien-fondé ou la validité, mais étant dans l'incapacité de rapporter la preuve de ces assertions gratuites.

La société Edeis répond que :

- par courrier reçu le 15 juillet 2021, elle a fait part à la société A2C de l'ensemble des griefs quant à l'exécution du contrat ;

- la société A2C ne saurait se prévaloir de l'impossibilité d'accès à l'outil Sharepoint pour justifier de l'absence de production de ses livrables puisque M. [U] ne déposait aucun document sur la plateforme intranet ;

- les prestations de service de la société A2C étaient divisées en deux activités : la partie développement et la partie mise en exploitation ;

- la société A2C a manifestement manqué à ses obligations contractuelles en ce que le seul projet accepté a subi d'importants retards et blocages, d'autres n'ont fait l'objet d'aucun avancement et les missions de développement ont été quasiment inexistantes ;

- la société A2C est dans l'incapacité de produire tout élément exploitable de type compte-rendu ou rapport contrairement à ses engagements contractuels.

L'article 1103 du code civil dispose que : « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. »

L'article 1217 du code civil dispose que : « La partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :

- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;

- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;

- obtenir une réduction du prix ;

- provoquer la résolution du contrat ;

- demander réparation des conséquences de l'inexécution.

Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter. »

L'article 1219 du code civil prévoit que : « Une partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave. »

L'article 1 du contrat de mission de consultant définit ainsi la prestation : « Edeis confie au consultant, qui l'accepte, la réalisation de prestations de conseil auprès de la direction pour l'accompagner dans son développement.

L'objectif du consultant est d'aider la société Edeis dans la recherche de projets, la gestion et le développement de projets « parking » au sein du groupe. »

Aux termes de l'article 2 du contrat, le consultant s'engage à :

« - réaliser les missions objet du présent contrat avec soin et conformément aux usages de la profession,

- Tenir informer par des réunions et des rapports réguliers de l'avancée de ses travaux,

- faire bénéficier la société Edeis de son relationnel. »

Il est prévu à l'article 3 du contrat, en contrepartie des services effectués, des honoraires forfaitaires mensuels de 22 500 euros HT, frais inclus. »

Dès lors qu'il était prévu une rémunération forfaitaire, il ne peut être reproché à la société A2C l'émission d'une facture sans précision des tâches réalisées pour obtenir le paiement de ses honoraires, cette présentation ne signifiant pas l'absence de prestations. De plus, il était précisé au contrat que « le paiement des honoraires du consultant et l'indemnisation de ses frais seront effectués sur présentation d'une facture mensuelle pour honoraires et frais, sur le modèle de celle jointe au présent contrat. » Cependant, aucun modèle de facture n'est annexé au contrat.

Il n'est produit aucune pièce pertinente quant à la plateforme Sharepoint qui est aurait servi d'outil de communication entre les sociétés Edeis et A2C.

Aux termes du courrier de résiliation du contrat du 8 juillet 2021, la société Edeis reprochait à la société A2C l'absence d'offres déposées, le fait que la plateforme relative au parking de [Localité 13] n'était pas opérationnelle, l'absence d'informations sur le projet situé à [Localité 15].

Les courriels échangés entre les sociétés Edeis et A2C démontrent que cette dernière est intervenue dans le projet de [Localité 15].

Par courriel du 9 juin 2021 adressé à M. [Y], président de la société Edeis avec en copie M. [M] directeur général de la société, M. [U], dirigeant de la société A2C, écrivait : « sans réponse à mes différents mails et messages et devant l'urgence, je reviens vers toi concernant l'appel à candidature [Localité 15] Logistique Urbaine qui doit être remis pour le 11 juin, soit dans 48 heures' cela fait six mois que je travaille sur cet appel d'offre avec le délégant. J'attends par retour tes instructions et je souhaiterais pouvoir te rencontrer rapidement afin de clarifier cette situation ».

Par courriel du 11 juin 2021, M. [U] interrogeait M. [Y] : « Je n'ai à ce jour pas de réponse à mes différents mails concernant la remise de l'appel à candidature MIN [Localité 15] qui doit être remis ce jour. Ce projet engageant sur plusieurs années la société ainsi que la structure ingénierie, l'absence de réponse et de communication est incompréhensible. Je réitère mes demandes afin d'avoir, par retour de mail, des directives claires sur cette remise de candidature et les actions à mener, faute de quoi je considèrerai que la société ne souhaite pas s'investir dans ce projet' »

Par courriel du 11 juin 2021, M. [Y], répondait à M. [U] « il faut répondre à l'appel d'offre. Merci ».

M. [U], dirigeant de la société A2C, justifie avoir déposé le dossier d'appel d'offre pour ce projet le 11 juin 2021.

Il résulte des échanges de courriels entre la société Edeis et la société A2C que celle-ci n'a pu poursuivre ses démarches relatives au projet de [Localité 15] en raison de la résiliation du contrat.

Quant au projet de parking à [Localité 13], il résulte du rapport de M. [K] sur l'activité de la société Edeis Park que ce projet dont la mise en service était prévue en mai 2019 a été reportée à l'été 2020 en raison de difficultés cumulées liées à l'opposition des riverains, à l'intervention d'un concurrent, à l'implantation du parking dans une zone de prévention des risques d'inondation.

Par courriel du 3 juin 2021 adressé à M. [Y], président de la société Edeis, M. [U], dirigeant de la société A2C, demandait : » n'ayant plus de contact ni réponse à mes SMS et mails pour demande de rendez-vous, je vous demande de bien vouloir me faire part de vos directives concernant le suivi du chantier [Localité 13] Km Delta et des réponses aux appels d'offre en cours ».

La société A2C justifie également qu'elle s'est heurtée à l'inertie de la société Edeis quant au paiement des factures de ses deux principaux prestataires.

Il résulte des courriels versés aux débats que la société Scheidt & Bachmann, fournisseur de contrôle d'accès et de sécurité qui a livré et facturé son matériel en juin 2019, a perçu le règlement de ses factures deux ans plus tard en avril 2021 comme en attestent les courriels suivants :

- Un courriel interne à la société Edeis en date du 6 avril 2021 indique : « J'ai validé la facture de Scheidt & Bachmann aussi il faudrait la mettre en paiement car c'est urgent pour la mise en place du parking sur [Localité 13]. »

- Un courriel de la société Scheidt & Bachmann en date du 6 avril 2021 adressé à M. [U] : « » ci-joint le retour de notre comptabilité, merci pour tes actions. Nous avons été réglés de la facture de 2019. »

La société [X] dans un courriel du 21 février 2021 adressé à M. [U] se plaignait « nous sommes toujours dans l'attente du paiement de la facture FA00001181 de 78 000 euros qui date du 17/12/2020 » puis le 10 mars 2021 M. [M], directeur général de la société Edeis demandait : « merci de faire débloquer la facture de 78 K euros indiquée en retard ».

M. [X], écrivait le 17 juin 2021 à la société Edeis « vous comprendrez qu'ayant attendu plus d'un an le règlement de nos factures, nous souhaitons une garantie de règlement avant d'intervenir sur le chantier de [Localité 13] parking ».

M. [X] indiquait à M. [U] par courriel du 8 juillet 2021 : « Suite à une longue attente, nous avons bien reçu celui-ci le 05/07/2021. »

Aux termes d'une attestation en date du 1er octobre 2021, M. [X] a confirmé qu'il n'était pas envisageable d'entamer la 2ème tranche de travaux tant que les deux factures n'étaient pas acquittées alors que la première tranche de travaux avaient débuté en février 2019. Il a précisé que M. [U] avait toujours assisté aux réunions de chantier et répondu à chaque demande de sa part.

La société A2C démontre ainsi les motifs financiers inhérents à la société Edeis faisant obstacle à l'avancement du chantier de [Localité 13].

La société Edeis se plaignant du manque d'investissement de la société A2C dans sa mission, celle-ci verse aux débats le rapport d'audit établi en avril 2020 par M. [K], directeur du développement de la société Edeis Park, duquel il ressort que depuis sa création, celle-ci avait « travaillé sur toutes les concessions qui présentaient un potentiel afin de monétiser l'activité parking ».

La société Edeis allègue que la société Edeis Park est une société différente de la société Edeis. Cependant si le rôle des sociétés est différent, elles font partie du même groupe et mènent des projets communs. L'audit en date d'avril 2020 porte sur l'activité parking de la société Edeis, objet de la mission de la société A2C.

Les missions évoquées par M. [K] dans son audit sont celles évoquées par la société Edeis notamment relatives au projet de parking à [Localité 15] et à [Localité 13].

Sont énumérés les 38 projets auxquels a participé M. [U], alors qu'il était directeur général de la société Edeis Park dont les cinq projets de [Localité 14] ([Localité 10]), d' [Localité 5], de [Localité 11], d'[Localité 6] (Yonne), de l'aire de [Localité 7], autoroute A61 (Aude).

La société Edeis a ensuite confié à la société A2C dont le dirigeant était M. [U] une mission de consultant, M. [U] conservant son poste de directeur général de la société Edeis Park, sans être rémunéré.

M. [K], a conclu aux termes de l'audit, que M. [U] a :

- « répondu aux différentes demandes internes concernant l'activité parking avec ambition et proximité ;

- mené une activité de prospection intense riche et concrète sur le terrain avec lesquels il sait mettre en 'uvre des relations de confiance ;

- a toujours défendu et travaillé pour l'entreprise avec entrain, fidélité et engagement ;

- inspiré confiance chez nos différents délégants ou prospects' »

La société Edeis ne verse aucune pièce démontrant l'inexécution de sa mission par la société A2C. [Localité 8]-ci verse aux débats trois factures émises pour les prestations des mois d'avril à juin 2021 pour un montant de 22 500 euros HT soit 27 000 euros TTC X 3 mois = 81 000 euros.

La société Edeis qui n'a adressé à la société A2C aucune mise en demeure sur la qualité de ses prestations, doit lui régler ces trois factures.

Le jugement sera infirmé et la société Edeis sera condamnée à payer à la société A2C la somme de 81.000,00 euros au titre des factures de prestations dues pour la période d'avril à juin 2021, augmentée des intérêts au taux de 3 fois celui de l'intérêt légal à compter de l'échéance de chaque facture.

Sur la demande de la société A2C au titre de la rupture brutale des relations

La société A2C allègue que :

- Les parties sont liées par convention depuis le 17 octobre 2019 pour une durée d'un an, renouvelée tacitement ce qui caractérise une relation commerciale établie ;

- La société Edeis Concession ne pouvait y mettre un terme à effet immédiat en juillet 2021 sans respecter le moindre préavis ;

- En l'espèce, au regard de l'ancienneté de la relation contractuelle, un préavis de six mois aurait dû être respecté.

La société Edeis réplique que :

- En vertu de l'article L442-1 du code de commerce, la rupture brutale suppose une soudaineté et une imprévisibilité résultant d'une absence de préavis écrit suffisant ;

- Seules l'exception d'inexécution et la force majeure peuvent justifier l'absence de préavis ;

- En l'espèce, la résiliation du contrat de mission du 17 octobre 2019 n'a rien de soudain ou d'imprévisible pour la société A2C Air Concept Construction eu égard à l'absence de prestations les mois précédents la rupture ;

- La société A2C ayant gravement manqué à ses obligations contractuelles, la société Edeis Concessions était fondée à procéder à la résiliation du contrat de mission du 17 octobre 2019 et ce, sans préavis.

L'article L.442-1 du code de commerce énonce : « II. ' Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l'absence d'un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels. En cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la responsabilité de l'auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d'une durée insuffisante dès lors qu'il a respecté un préavis de dix huit mois. Les dispositions du présent II ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. »

La relation commerciale, pour être établie au sens de ces dispositions, doit présenter un caractère suivi, stable et habituel. Le critère de la stabilité s'entend de la stabilité prévisible, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial.

Le texte précité vise à sanctionner, non la rupture elle-même, mais sa brutalité caractérisée par l'absence de préavis écrit ou l'insuffisance de préavis.

Le délai de préavis doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée, de la nature et des spécificités de la relation commerciale établie, du produit ou du service concerné.

Les principaux critères à prendre en compte sont l'ancienneté des relations, le volume d'affaires et la progression du chiffre d'affaires, les investissements spécifiques effectués, les relations d'exclusivité, la spécificité des produits et la dépendance économique.

Le contrat était d'une durée d'un an. Il était prévu au contrat que 'deux mois avant la date anniversaire du contrat le consultant et son référent feront le point sur les résultats et décideront de la prolongation de ce contrat.'

Il était ajouté que la résiliation du contrat était possible, en respectant un préavis de 15 jours calendaires en cas de non respect des clauses contractuelles ou accord entre les parties.

Le contrat a été conclu le 17 octobre 2019 avec une date d'effet au 1er novembre 2019 et a été résilié le 15 juillet 2021. Le contrat a été renouvelé une fois. La société A2C, aux termes de ses factures et la société Edeis, dans la lettre de résiliation, mentionnent une date d'effet du contrat au 1er novembre 2018.

Le flux d'affaires régulier et ininterrompu entre les deux sociétés durant cette période et le nombre de projets en cours caractérisent une relation commerciale établie.

L'absence de paiement de trois factures ne pouvait laisser supposer à la société A2C que le contrat serait résilié dans la mesure où les relations se sont poursuivies jusqu'à la résiliation du contrat.

Il n'a été retenu aucune inexécution de la société A2C dans la réalisation de ses prestations.

Compte tenu de la durée des relations commerciales et du volume d'affaires, la société A2C pouvait prétendre à un préavis de deux mois afin de lui permettre de retrouver des missions équivalentes.

Aux termes du contrat, la mission était rémunérée par l'allocation de la somme de 22 500 euros par mois, frais inclus. Le préjudice n'est pas équivalent au montant des honoraires mais à la marge brute. Il y a donc lieu de déduire les frais inhérents à la mission que la société A2C n'a plus exposés.

En l'absence d'élément produit, au vu de la nature de l'activité constituée de prestations intellectuelles, le montant de la marge brute sera fixé à 80% des honoraires perçus.

22 500 euros / 80% X 2 mois = 36 000 euros

Le jugement sera infirmé et la société Edeis sera condamnée à verser à la société A2C la somme de 36 000 euros en réparation du préjudice subi.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions de première instance relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.

La société Edeis sera condamnée aux dépens d'appel et devra verser à la société A2C la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. La demande de la société Edeis à ce titre sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 11 avril 2023, sauf en qu'il a condamné la société Edeis Concessions aux dépens et à payer à la société A2C Air Concept Construction la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société Edeis Concessions à payer à la société A2C Air Concept Construction la somme de 81.000 euros au titre des factures, augmentée des intérêts au taux de 3 fois celui de l'intérêt légal à compter de l'échéance de chaque facture ;

Condamne la société Edeis Concessions à payer à la société A2C Air Concept Construction la somme de 36 000 euros en réparation du préjudice subi résultant de la rupture brutale des relations commerciales établies ;

Condamne la société Edeis Concessions à payer à la société A2C Air Concept Construction la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Edeis Concessions aux dépens d'appel.

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