CA Douai, ch. 1 sect. 2, 11 septembre 2025, n° 22/04216
DOUAI
Arrêt
Autre
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 2
ARRÊT DU 11/09/2025
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N° de MINUTE :
N° RG 22/04216 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UPDK
Jugement (N° 20/03886)
rendu le 08 août 2022 par le tribunal judiciaire de Lille
APPELANTE
La SA [Adresse 6]
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Me Marie-Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assistée de Me José-Manuel Oliveira, avocat au barreau de Nancy, avocat plaidant
INTIMÉES
La SARL Bauer Peinture
prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social [Adresse 3]
[Localité 5]
La SARL [Localité 9] Peinture
prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social [Adresse 10]
[Localité 2]
représentées par Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai, avocat constitué substitué par Me Paquita Santos, avocat au barreau de Douai
assistées de Me Jean-François Monvoisin, avocat au barreau de Reims, avocat plaidant
DÉBATS à l'audience publique du 03 février 2025, tenue par Véronique Galliot magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Anaïs Millescamps
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Catherine Courteille, présidente de chambre
Véronique Galliot, conseiller
Carole Van Goetsenhoven, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 11 septembre 2025 après prorogation du délibéré en date du 15 mai 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Catherine Courteille, présidente et Anaïs Millescamps, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 27 janvier 2025
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EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 20 juin 2019, la SARL [Localité 9] Peinture et la SARL Bauer Peinture, constituées en groupement [Localité 9]-bauer, ont conclu avec la SA d'[Adresse 8] un marché de prestations de services.
Par procès-verbal de constat d'huissier du 8 octobre 2019, la SA d'HLM Mon Logis a procédé au contrôle de la situation sur les lieux des travaux et des modalités d'intervention des personnes.
Par courrier recommandé du 16 octobre 2019, la SA d'[Adresse 8] a résilié de manière unilatérale le marché de prestation de services en indiquant qu'elle avait constaté la présence de sous-traitants non déclarés sur le chantier.
Par acte d'huissier du 7 juillet 2020, la SARL [Localité 9] Peinture et la SARL Bauer Peinture ont fait assigner la SA d'[Adresse 8] devant le tribunal judiciaire de Lille aux fins :
Dire et juger que la faute contractuelle de la SA d'HLM Mon Logis entraine un préjudice pour les SARL [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture directement lié à cette faute.
En conséquence,
condamner la SA d'[Adresse 8] à régler à la SARL [Localité 9] Peinture 572 395.82 euros à titre de dommages et intérêts.
condamner la SA d'[Adresse 8] à régler à la SARL Bauer Peinture 129 602.65 euros à titre de dommages et intérêts.
condamner la SA d'[Adresse 8] à régler à la SARL [Localité 9] Peinture 10 000 euros au titre de l'Article 700 du code de procédure Civile.
condamner la SA d'[Adresse 8] à régler à la SARL Bauer Peinture 10 000 euros au titre de l'Article 700 du code de procédure civile,
condamner la SA d'[Adresse 8] en tous les dépens.
Par jugement du 8 août 2022, le tribunal judiciaire de Lille a :
condamné la société Mon Logis - Groupe Action Logement payer à la société [Localité 9] Peinture la somme de 149 239 euros en réparation de son préjudice,
condamné la société Mon Logis - Groupe Action Logement à payer à la société Bauer Peinture la somme de 35 300 euros en réparation de son préjudice,
débouté les sociétés requérantes du surplus de leurs demandes indemnitaires,
débouté la société Mon Logis - Groupe Action Logement de sa demande indemnitaire,
condamné la société Mon Logis - Groupe Action Logement à payer à la société [Localité 9] Peinture et la société Bauer Peinture la somme de 1 500 euros chacune pour leurs frais non compris dans les dépens,
condamné la société Mon Logis - Groupe Action Logement aux entiers dépens,
dit que l'exécution provisoire est de droit,
débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Par déclaration déposée au greffe de la cour d'appel de Douai le 2 septembre 2022, la SA d'[Adresse 8] a interjeté appel du jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 24 mai 2023, la SA d'HLM Mon Logis demande à la cour, au visa des articles 30 et suivants et 122 et suivants du code de procédure civile, des articles 1103, 1231 et suivants et 1984 du code civil, de :
juger que Mon Logis Groupe Action Logement a exécuté l'accord cadre en litige de bonne foi et n'a commis aucune faute dans l'exécution du contrat au sens des dispositions de l'article 1231-1 du Code Civil,
déclarer Mon Logis Groupe Action Logement fondée en son appel,
infirmer le jugement dont appel en ce qu'il l'a :
condamné la société Mon Logis - Groupe Action Logement payer à la société [Localité 9] Peinture la somme de 149 239 euros en réparation de son préjudice,
condamné la société Mon Logis - Groupe Action Logement à payer à la société Bauer Peinture la somme de 35 300 euros en réparation de son préjudice,
débouté la société Mon Logis - Groupe Action Logement de sa demande indemnitaire,
condamné la société Mon Logis - Groupe Action Logement à payer à la société [Localité 9] Peinture et la société Bauer Peinture la somme de 1 500 euros chacune pour leurs frais non compris dans les dépens,
condamné la société Mon Logis - Groupe Action Logement aux entiers dépens,
dit que l'exécution provisoire est de droit,
débouté la société Mon Logis - Groupe Action Logement de ses demandes plus amples ou contraires.
débouter les sociétés [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture de l'ensemble de leurs demandes en paiement dirigées contre la Mon Logis Groupe Action Logement,
ordonner la restitution par les Sociétés [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture des sommes versées par Mon Logis Groupe Action Logement au titre de l'exécution provisoire du jugement dont appel,
en tout état de cause, quand bien même la cour devant à confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire du chef des condamnations à paiement prononcées contre la SA Mon Logis en faveur des sociétés [Localité 9] Peinture ET Bauer Peinture,
juger Mon Logis Groupe Action Logement bien fondée en sa demande reconventionnelle,
juger que les sociétés [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture n'ont pas respecté leurs engagements contractuels.
condamner in solidum les sociétés [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture à verser à Mon Logis Groupe Action Logement la somme de DIX MILLE euros (10 000 euros) au titre des dispositions des articles 1231 et suivant du code civil en réparation du préjudice subi du fait des fautes contractuelles commises par les Sociétés [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture.
condamner in solidum les sociétés [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture à verser à Mon Logis Groupe Action Logement la somme de quinze mille euros (15 000 euros) au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
condamner in solidum les sociétés [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture aux dépens d'instance et d'appel , lesquels seront recouvrés par la SELAS FIDAL sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile,
débouter les sociétés [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture de toutes demandes, fins ou conclusions plus amples ou contraires en ce comprises les demandes formulées au titre de l'appel incident.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par RPAV le 26 juillet 2023, la SARL [Localité 9] Peinture et la SARL Bauer Peinture demandent à la cour, au visa des articles 548 du code de procédure civile et des articles 1103 et 1104 du code civil, de :
confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions sauf en celles énonçant :
condamné la société Mon Logis - Groupe Action Logement payer à la société [Localité 9] Peinture la somme de 149 239 euros en réparation de son préjudice,
condamné la société Mon Logis - Groupe Action Logement à payer à la société Bauer Peinture la somme de 35 300 euros en réparation de son préjudice,
statuant de nouveau, mais uniquement de ces chefs,
condamner la SA d'[Adresse 8] à régler à la SARL [Localité 9] Peinture la somme de 572 395.82 euros à titre de dommages et intérêts (547 923,40 au titre de la perte de marge brute + 24 472.42 euros au titre du préjudice suite à rupture conventionnelle rendue nécessaire suite à rupture du marché),
condamner la SA d'[Adresse 8] à régler à la SARL Bauer Peinture la somme de 129 602,65 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de marge brute,
débouter la SA d'[Adresse 8] de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires,
condamner la SA d'HLM Mon Logis à régler à la SARL [Localité 9] Peinture 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
condamner la SA d'[Adresse 8] à régler à la SARL Bauer Peinture 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
condamner la SA d'[Adresse 8] en tous les dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Bernard FRANCHI avocat aux offres de droit par application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Par arrêt du 12 septembre 2024, la cour d'appel de Douai a ordonné la réouverture des débats aux fins que les sociétés [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture communiquent tous les éléments utiles au calcul de leur éventuel préjudice, à savoir la marge nette dont elles auraient été privées.
Aux termes de ses dernières écritures après réouverture des débats, les sociétés [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture demandent à la cour de :
confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions sauf celles fixant le montant du préjudice des SARL [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture,
statuant, mais uniquement de ces chefs,
condamner la SA d'[Adresse 8] à régler à la SARL [Localité 9] Peinture la somme de 572 395.82 euros à titre de dommages et intérêts (547 923,40 au titre de la perte de marge brute + 24 472.42 euros au titre du préjudice suite à rupture conventionnelle rendue nécessaire suite à rupture du marché),
condamner la SA d'[Adresse 8] à régler à la SARL Bauer Peinture la somme de 129 602,65 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de marge brute,
débouter la SA d'[Adresse 8] de sa demande d'article 700 formulée devant la cour,
condamner la SA d'HLM Mon Logis à régler à la SARL [Localité 9] Peinture 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
condamner la SA d'[Adresse 8] à régler à la SARL Bauer Peinture 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
débouter la SA d'[Adresse 8] de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires,
condamner la SA d'HLM Mon Logis en tous les dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Bernard Franchi avocat aux offres de droit par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Les sociétés [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture affirment avoir toujours sollicité la réparation de leur préjudice sur la perte de marge brute, celle-ci étant constitué de la différence entre les revenus générés par un chantier et les coûts directement liés à la réalisation de ce même chantier. Ces coûts incluent généralement les achats de matières premières, la sous-traitance et les autres frais directs liés au projet.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées et rappelées ci-dessus.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 27 janvier 2025.
MOTIVATION DE LA DECISION
Sur la résiliation du contrat
La SA d'[Adresse 8] soutient n'avoir commis aucune faute contractuelle en résiliant unilatéralement le contrat la liant avec les sociétés SARL [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture. Elle fait valoir qu'en application de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, de l'article 5.4 du cahier des clauses particulières dont sont tenues les sociétés intimées et des articles 133 à 135 du décret n°2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics applicables à l'accord-cadre, les SARL [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture ont commis une faute en employant des sous-traitants sans les avoir au préalable déclarés auprès d'elle. Elle affirme qu'aucune disposition n'autorisait l'usage d'un sous-traitant non déclaré même qu'une seule fois, d'autant plus qu'il s'agit d'une infraction pénale prévue à l'article L. 8271-1-1 du code du travail. Elle ajoute qu'elle n'a jamais reçu le courrier simple du 2 août 2019 que les SARL [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture affirment avoir envoyé par et qu'en tout état de cause, un courrier recommandé était exigé pour faire cette déclaration. De surcroît, elle précise que les documents transmis le 5 décembre 2019 par les SARL [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture ne sont pas signés par le représentant de la société Ramo, la société sous-traitante, et sont dotés d'incohérence, notamment sur les noms des ouvriers, sont donc irréguliers.
Les sociétés SARL [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture font valoir n'avoir commis aucune faute contractuelle aux motifs qu'elles ont transmis le 2 août 2019 une demande d'agrément de sous-traitance pour l'entreprise Ramo et, qu'en tout état de cause, la SA d'HLM Mon Logis ne pouvait régulièrement résilier unilatéralement le contrat que si elle faisait le constat deux fois dans l'année de l'usage de sous-traitants non déclarés ; or une seule infraction dans l'année a été constatée.
Aux termes de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Aux termes de l'article 1104 du code civil, les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Cette disposition est d'ordre public.
Aux termes de l'article 1226 du code civil, le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.
La mise en demeure mentionne expressément qu'à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat.
Lorsque l'inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent.
Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l'inexécution
L'article 3 de la loi du 31 décembre 1975 dispose que « L'entrepreneur qui entend exécuter un contrat ou un marché en recourant à un ou plusieurs sous-traitants doit, au moment de la conclusion et pendant toute la durée du contrat ou du marché, faire accepter chaque sous-traitant et agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance par le maître de l'ouvrage ; l'entrepreneur principal est tenu de communiquer le ou les contrats de sous-traitance au maître de l'ouvrage lorsque celui-ci en fait la demande.
Lorsque le sous-traitant n'aura pas été accepté ni les conditions de paiement agréées par le maître de l'ouvrage dans les conditions prévues à l'alinéa précédent, l'entrepreneur principal sera néanmoins tenu envers le sous-traitant mais ne pourra invoquer le contrat de sous-traitance à l'encontre du sous-traitant. »
L'article 5.4 du cahier des clauses particulières, opposables aux sociétés [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture stipule : « La sous-traitance pour tout ou partie du marché est interdite sans l'accord préalable du POUVOIR ADJUDICATEUR. Le TITULAIRE devra adresser sa demande au POUVOIR ADJUDICATEUR par lettre recommandée avec accusé de réception avec tous les documents administratifs de l'entreprise du sous-traitant.
En cas d'acceptation par le POUVOIR ADJUDICATEUR, la responsabilité du TITULAIRE du marché reste entière pour l'ensemble du marché. »
L'article 11.1 du Cahier des Clauses Particulières précise pour sa part que :
« Le présent marché pourra être résilié de plein droit dans les cas suivants :
' Cas fixés à l'Article 20 du CCAG FCS
' Pendant la période d'essai défini à l'Article 2.2
' En cas de non-respect de l'Article 2.3
' En cas de non-respect de l'ARTICLE 3 - impossibilité récurrente d'intervention (plus de 3 fois dans une même année)
' En cas de non-respect de l'ARTICLE 12 ' SOS Mon Logis (plus de 3 fois dans une même année)
' En cas d'application des pénalités :
' Définies à l'Article 6.1 (plus de 5 fois dans une même année)
' Définies à l'Article 6.3 (plus de 3 fois dans une même année)
' Définies à l'Article 6.5 (plus de 5 fois dans une même année)
' Définies à l'Article 6.7 (plus d'1 fois dans une même année)
' La carence du TITULAIRE permettra la résiliation pour faute, sans indemnité ni préavis.
L'article 46.3 du cahier des clauses administratives générales intitulé « Résiliation pour faute du titulaire » stipule que :
« 46. 3. Résiliation pour faute du titulaire :
46. 3. 1. Le représentant du pouvoir adjudicateur peut résilier le marché pour faute du titulaire dans les cas suivants :
a) Le titulaire contrevient aux obligations légales ou réglementaires, relatives au travail ou à la protection de l'environnement ;
b) Le titulaire a refusé de représenter ou de restituer des bâtiments, terrains, matériels, produits de construction, équipements et approvisionnements qui lui ont été confiés, ou il a dégradé ou utilisé de manière abusive ces bâtiments, terrains, matériels, objets et approvisionnements ;
c) Le titulaire, dans les conditions prévues à l'article 48, ne s'est pas acquitté de ses obligations dans les délais contractuels, après que le manquement a fait l'objet d'une constatation contradictoire et d'un avis du maître d''uvre, et si le titulaire n'a pas été autorisé par ordre de service à reprendre l'exécution des travaux ; dans ce cas, la résiliation du marché décidée peut être soit simple, soit aux frais et risques du titulaire et, dans ce dernier cas, les dispositions des articles 48. 4 à 48. 7 s'appliquent ;
d) Dans le cas où le marché prévoit un contrôle de prix de revient, le titulaire a contrevenu à ses obligations ;
e) Le titulaire a sous-traité en contrevenant aux dispositions législatives et réglementaires relatives à la sous-traitance, ou il ne respecte pas les obligations relatives aux sous-traitants mentionnées à l'article 3. 6 ;
(')
46. 3. 2. Sauf dans les cas prévus aux g, i, k et l du 46. 3. 1 ci-dessus, une mise en demeure, assortie d'un délai d'exécution, doit avoir été préalablement notifiée au titulaire et être restée infructueuse.
Dans le cadre de la mise en demeure, le représentant du pouvoir adjudicateur informe le titulaire de la sanction envisagée et l'invite à présenter ses observations.
46. 3. 3. La résiliation du marché ne fait pas obstacle à l'exercice des actions civiles ou pénales qui pourraient être intentées contre le titulaire. »
L'article 3.6 du CCAG travaux intitulé « sous-traitance » précise que :
« (') 3.6.1.1. Le « sous-traitant direct » est le sous-traitant du titulaire ou, dans le cas d'entrepreneurs groupés, le sous-traitant de l'un des membres du groupement.
3.6.1.2. Dès la signature de l'acte spécial constatant l'acceptation du sous-traitant et l'agrément des conditions de paiement, le pouvoir adjudicateur notifie au titulaire et à chacun des sous-traitants concernés l'exemplaire de l'acte spécial qui leur revient. Dès réception de cette notification, le titulaire du marché fait connaître au pouvoir adjudicateur le nom de la personne physique habilitée à représenter le sous-traitant.
La notification portant acceptation d'un sous-traitant et agrément des conditions de son paiement précise qu'il doit adresser ses demandes de paiement au titulaire du marché ainsi qu'au maître d''uvre désigné par le marché.
Le représentant du pouvoir adjudicateur peut demander que le montant des prestations du sous-traitant soit présenté selon une décomposition en correspondance avec celle du marché du titulaire.
3.6.1.3. Dès que l'acceptation et l'agrément des conditions de paiement ont été obtenus, le titulaire fait connaître au maître d''uvre le nom de la personne physique qui le représente pour l'exécution des prestations sous-traitées.
3.6.1.4. Le recours à la sous-traitance, sans acceptation préalable du sous-traitant et sans agrément préalable des conditions de paiement, expose le titulaire à l'application des mesures prévues à l'article 46.3. Il en est de même si le titulaire a fourni, en connaissance de cause, des renseignements inexacts à l'appui de sa demande de sous-traitance. (') »
L'article 6.7 du cahier des clauses particulières stipule : « pénalité en cas de sous-traitance non-déclarée :
La pénalité P' pour sous-traitance non déclarée ou non agrée par le POUVOIR ADJUDICATEUR sera de :
P' = 1 000 euros HT + 25% du montant HT des prestations réalisées sur le lieu de constatation de la sous-traitance occulte et pour la partie de la commande réalisée par celle-ci.
Si les formalités de déclaration et d'acceptation par le POUVOIR ADJUDICATEUR de la sous-traitance n'ont pas été effectuées avant tout démarrage des prestations commandées par ordre de service, le marché, dans sa globalité, pourra être résilié selon les conditions de l'article 11.1 ».
Il ressort de la combinaison de ces articles que l'entrepreneur ne peut avoir recours à un sous-traitant sans l'accord préalable de l'adjudicateur, du maître de l'ouvrage ; que ce manquement est un motif pour résilier unilatéralement le contrat les liant, avec l'envoi d'une mise en demeure préalable si ce manquement a été constaté qu'une seule fois et sans mise en en demeure préalable s'il a été constaté « plus d'une fois dans la même année ».
En l'espèce, il n'est pas contesté que les sociétés [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture ont eu recours à un sous-traitant, la société Ramo, comme l'a constaté l'huissier dans son procès-verbal du 8 octobre 2019.
Si les sociétés [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture affirment avoir demandé l'autorisation d'avoir recours à ce sous-traitant à la SA d'HLM Mon Logis par courrier du 2 août 2019, elle ne justifie pas la réception de courrier. Dès lors, c'est à juste titre que les premiers juges ont indiqué que le recours à ce sous-traitant a été fait sans l'accord préalable de la SA d'[Adresse 8].
Il s'agit effectivement d'un manquement aux obligations contractuelles commis par les sociétés [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture.
Néanmoins, si ce manquement peut justifier la résiliation du contrat liant les sociétés [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture avec la SA d'[Adresse 8], les stipulations contractuelles imposent l'envoi d'une mise en demeure préalable à cette résiliation si le manquement a été constaté une seule fois dans la même année. Il est bien mentionné que la résiliation de plein droit, et donc sans mise en demeure, n'est possible que si le manquement a été constaté deux fois dans la même année, ce qui n'était pas le cas en l'espèce
En conséquence, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties ; il convient en conséquence de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a considéré la résiliation effectuée par la SA d'HLM Mon Logis le 16 octobre 2019 était fautive.
2) Sur l'indemnisation
Sur l'indemnisation sollicitée par les sociétés [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture
La SARL [Localité 9] Peinture soutient avoir subi un préjudice de perte globale en termes de marge brute, d'un montant de 547 923,40 euros et un préjudice relatif au coût de la rupture conventionnelle d'un salarié de la société [Localité 9] Peinture d'un montant de 24 472,42 euros. La SARL Bauer Peinture affirme avoir subi un préjudice de perte de marge brute d'un montant de 129 602,65 euros.
Les sociétés [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture font valoir qu'en l'absence de résiliation fautive du contrat par la SA d'[Adresse 8], le contrat se serait poursuivi jusqu'à son terme et se serait renouvelé par tacite reconduction comme cela était le cas depuis plus de 10 ans. Elles affirment qu'à ce titre, elles justifient une perte pour 43,5 mois.
La SA d'HLM Mon Logis conteste le calcul de l'indemnisation réalisé par les sociétés intimées et soutient qu'en l'absence de prestations réalisées, seule une indemnisation d'une marge nette et non brute escomptée peut être octroyée.
Aux termes de l'article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.
La Cour de cassation a rappelé que sauf circonstances particulières, non invoquées en l'espèce, seule la perte de marge brute résultant de la rupture du contrat constitue un chef de préjudice indemnisable (Com., 25 octobre 2017, pourvoi n° 16-14.520).
Par ailleurs, s'il n'est possible d'allouer des dommages-intérêts en réparation d'un préjudice purement éventuel, il en est autrement lorsque le préjudice, bien que futur, apparaît aux juges du fait comme la prolongation certaine et directe d'un état de chose actuel et comme étant susceptible d'estimation immédiate (Req., 1er juin 1932).
En l'espèce, les sociétés [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture, qui ont été privée d'une chance sérieuse d'exécuter le contrat de prestations de service jusqu'à son terme, ont droit à être indemnisées du manque à gagner qu'elles ont subi du fait de la résiliation fautive. Le gain dont elles ont été ainsi privées et dont elles sont fondées à demander à être indemnisées s'entend de la marge brute qu'elles auraient retirée de l'exécution du contrat.
La durée d'exécution initiale du contrat était prévue pour une période de douze mois, du 1er juillet 2019 au 30 juin 2020.
Les sociétés [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture exposent que si la SA d'HLM Mon Logis avait respecté le contrat en lui envoyant une mise en demeure, celle-ci ne serait pas restée infructueuse et le contrat se serait poursuivi jusqu'à son terme et se serait renouvelé par tacite reconduction comme ce fut le cas depuis 10 ans (depuis 2008). Le marché se serait poursuivi par tacite reconduction pour les trois années suivantes.
Aux termes des CCP, la durée de l'exécution initiale du contrat est prévue pour une période de douze mois, du 1er juillet 2019 au 30 juin 2020.
L'article 4 de l'acte d'engagement stipule : « Le présent marché est conclu pour une période allant du 1er juillet 2019 au 30 juin 2020. Il pourra être reconduit 3 fois tacitement pour une période d'un, soit jusqu'au 30 juin 2023 ».
La relation commerciale des parties dure, de manière continue, depuis 2008 et les éléments apportés aux débats permettent d'affirmer qu'il est certain que les relations contractuelles se seraient maintenues après le 30 juin 2020.
La perte de marge brute jusqu'au 30 juin 2023 est un préjudice, bien que futur, certain.
Elles produisent une attestation de l'expert-comptable, M. [T] [O], du 21 mars 2020, aux termes de laquelle, il certifie que les marges brutes dégagées par les sociétés au titre des exercices 2018 et 2017 sont les suivantes :
Exercice 2018 : Houdre Peinture : 49,14 % et Bauer Peinture : 62,96%
EXERCICE 2019 : Houdre Peinture : 45,69 % et Bauer Peinture : 64,17%
Les sociétés [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture soutiennent justifier de leur préjudice suite à la résiliation, soit une perte pour 43.5 mois de 1 359 375 euros, soit respectivement :
- 1 155 469 euros pour [Localité 9] Peinture
- 203 609 euros pour Bauer Peinture
En termes de marge brute, la perte est de :
- 1 155 469 euros x 47.42 % de marge brute soit 547 923.40 euros pour Houdre Peinture
- 203 609 euros x 63.56 % de marge brute soit 129 602.65 euros pour Bauer Peinture.
Dans ces conditions, il y a lieu de condamner la SA d'[Adresse 8] à régler à la SARL [Localité 9] Peinture la somme de 547 923.80 euros en réparation de son préjudice de perte de marge et à la SARL Bauer Peinture la somme de 129 602.65 euros au titre de son préjudice de perte de marge brute. Le jugement est infirmé de ces chefs.
Par ailleurs, la demande d'indemniser le coût de la rupture conventionnelle d'un salarié de la société [Localité 9] Peinture ne peut être que rejetée puisqu'il n'est nullement démontré le lien de causalité entre la rupture du contrat de travail de ce salarié et la résiliation fautive du contrat liant les parties. Le jugement sera confirmé de chef.
Sur la demande d'indemnisation formulée par la SA d'HLM Mon Logis
La SA d'[Adresse 8] soutient que les sociétés intimées ont commis une faute contractuelle en ayant recours à un sous-traitant sans avoir sollicité préalablement son autorisation ; que cette faute lui a causé, d'une part, un préjudice financier puisqu'elle a été contrainte d'initier une nouvelle procédure d'accord cadre sous forme d'appel d'offre afin de substituer le groupement fautif, préjudice évalué à la somme de 8 000 euros et, d'autre part, une atteinte à son image étant donné qu'elle n'a pas pu honorer ses engagements de mise à disposition de logement dans les délais convenu, préjudice évalué à 1 000 euros. Elle ajoute avoir également subi un préjudice moral en ce qu'elle a subi une tentative d'intimidation par le secrétaire général de la section [Localité 7] Est/ Marne de la Fédération Française du Bâtiment qui était intervenu afin que la SA d'HLM Mon Logis revienne sur sa décision de résiliation. Elle évalue ce préjudice à la somme de 1 000 euros.
Les sociétés intimées contestent l'existence de ces préjudices aux motifs que si la SA d'[Adresse 8] a procédé à une nouvelle procédure d'accord-cadre ce n'est qu'en raison de la résiliation abusive effectuée par elle-même ; qu'il n'y pas eu de menace proférée à l'encontre du directeur de la SA d'HLM Mon Logis et de surcroît ce dernier n'est pas parti à la procédure et qu'enfin le préjudice moral n'est pas démontré.
En l'espèce, il a bien été constaté un manquement contractuel commis par les sociétés [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture en ce qu'elles ont eu recours à un sous-traitant sans l'avoir préalablement déclaré auprès de la SA d'[Adresse 8]. Le préjudice dont il est demandé réparation est le fait que la SA d'HLM Mon Logis a été contrainte d'initier une nouvelle procédure d'appel d'offre ; or ce préjudice résulte de la résiliation réalisée de manière irrégulière par la SA d'[Adresse 8]. Si elle avait respecté les stipulations contractuelles, par l'envoi d'une mise en demeure préalable, il n'est pas certain que le contrat aurait été résilié et que la SA d'HLM Mon Logis aurait dû initier une nouvelle procédure d'appel d'offre. C'est donc à juste titre que les premiers juges ont rejeté cette demande.
De même, étant donné que nul ne peut invoquer sa propre turpitude, la cour estime que les premiers juges, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation en rejetant les demandes relatives au préjudice moral et atteinte à l'image.
3) Sur les demandes accessoires
Le jugement sera confirmé de ces chefs.
La société SA d'[Adresse 8] sera condamnée aux entiers dépens et à payer à la SARL [Localité 9] Peinture et à la SARL Bauer Peinture la somme de 2 500 euros à chacune des sociétés, au titre des frais irrépétibles engagés en appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
CONFIRME le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lille le 8 août 2022 en ce qu'il a :
débouté les sociétés requérantes du surplus de leurs demandes indemnitaires relatives à la rupture conventionnelle d'un salarié de la société [Localité 9] Peinture, au préjudice moral à l'atteinte à l'image de la SA d'HLM Mon Logis,
débouté la société Mon Logis - Groupe Action Logement de sa demande indemnitaire,
condamné la société Mon Logis - Groupe Action Logement à payer à la société [Localité 9] Peinture et la société Bauer Peinture la somme de 1 500 euros chacune pour leurs frais non compris dans les dépens,
condamné la société Mon Logis - Groupe Action Logement aux entiers dépens,
dit que l'exécution provisoire est de droit,
INFIRME le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lille le 8 août 2022 en ce qu'il a :
condamné la société Mon Logis - Groupe Action Logement payer à la société [Localité 9] Peinture la somme de 149 239 euros en réparation de son préjudice,
condamné la société Mon Logis - Groupe Action Logement à payer à la société Bauer Peinture la somme de 35 300 euros en réparation de son préjudice,
y ajoutant,
CONDAMNE la société Mon Logis - Groupe Action Logement à payer à la SARL [Localité 9] Peinture la somme de 547 923.80 euros en réparation de son préjudice de perte de marge brute
CONDAMNE la société Mon Logis - Groupe Action Logement à payer à la SARL Bauer Peinture la somme de 129 602.65 euros au titre de son préjudice de perte de marge brute,
DEBOUTE les SARL [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture de leur demande indemnitaire au titre de la rupture conventionnelle du contrat de travail de M. [J] [P],
CONDAMNE la société Mon Logis - Groupe Action Logement à payer à la SARL [Localité 9] Peinture la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles engagés en appel,
CONDAMNE la société Mon Logis - Groupe Action Logement à payer à la SARL Bauer Peinture la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles engagés en appel,
CONDAMNE la société Mon Logis - Groupe Action Logement aux entiers dépens engagés en appel, dont distraction au profit de Maître Bernard Franchi avocat aux offres de droit.
Le greffier
Anaïs Millescamps
La présidente
Catherine Courteille
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 2
ARRÊT DU 11/09/2025
****
N° de MINUTE :
N° RG 22/04216 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UPDK
Jugement (N° 20/03886)
rendu le 08 août 2022 par le tribunal judiciaire de Lille
APPELANTE
La SA [Adresse 6]
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Me Marie-Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assistée de Me José-Manuel Oliveira, avocat au barreau de Nancy, avocat plaidant
INTIMÉES
La SARL Bauer Peinture
prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social [Adresse 3]
[Localité 5]
La SARL [Localité 9] Peinture
prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social [Adresse 10]
[Localité 2]
représentées par Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai, avocat constitué substitué par Me Paquita Santos, avocat au barreau de Douai
assistées de Me Jean-François Monvoisin, avocat au barreau de Reims, avocat plaidant
DÉBATS à l'audience publique du 03 février 2025, tenue par Véronique Galliot magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Anaïs Millescamps
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Catherine Courteille, présidente de chambre
Véronique Galliot, conseiller
Carole Van Goetsenhoven, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 11 septembre 2025 après prorogation du délibéré en date du 15 mai 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Catherine Courteille, présidente et Anaïs Millescamps, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 27 janvier 2025
****
EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 20 juin 2019, la SARL [Localité 9] Peinture et la SARL Bauer Peinture, constituées en groupement [Localité 9]-bauer, ont conclu avec la SA d'[Adresse 8] un marché de prestations de services.
Par procès-verbal de constat d'huissier du 8 octobre 2019, la SA d'HLM Mon Logis a procédé au contrôle de la situation sur les lieux des travaux et des modalités d'intervention des personnes.
Par courrier recommandé du 16 octobre 2019, la SA d'[Adresse 8] a résilié de manière unilatérale le marché de prestation de services en indiquant qu'elle avait constaté la présence de sous-traitants non déclarés sur le chantier.
Par acte d'huissier du 7 juillet 2020, la SARL [Localité 9] Peinture et la SARL Bauer Peinture ont fait assigner la SA d'[Adresse 8] devant le tribunal judiciaire de Lille aux fins :
Dire et juger que la faute contractuelle de la SA d'HLM Mon Logis entraine un préjudice pour les SARL [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture directement lié à cette faute.
En conséquence,
condamner la SA d'[Adresse 8] à régler à la SARL [Localité 9] Peinture 572 395.82 euros à titre de dommages et intérêts.
condamner la SA d'[Adresse 8] à régler à la SARL Bauer Peinture 129 602.65 euros à titre de dommages et intérêts.
condamner la SA d'[Adresse 8] à régler à la SARL [Localité 9] Peinture 10 000 euros au titre de l'Article 700 du code de procédure Civile.
condamner la SA d'[Adresse 8] à régler à la SARL Bauer Peinture 10 000 euros au titre de l'Article 700 du code de procédure civile,
condamner la SA d'[Adresse 8] en tous les dépens.
Par jugement du 8 août 2022, le tribunal judiciaire de Lille a :
condamné la société Mon Logis - Groupe Action Logement payer à la société [Localité 9] Peinture la somme de 149 239 euros en réparation de son préjudice,
condamné la société Mon Logis - Groupe Action Logement à payer à la société Bauer Peinture la somme de 35 300 euros en réparation de son préjudice,
débouté les sociétés requérantes du surplus de leurs demandes indemnitaires,
débouté la société Mon Logis - Groupe Action Logement de sa demande indemnitaire,
condamné la société Mon Logis - Groupe Action Logement à payer à la société [Localité 9] Peinture et la société Bauer Peinture la somme de 1 500 euros chacune pour leurs frais non compris dans les dépens,
condamné la société Mon Logis - Groupe Action Logement aux entiers dépens,
dit que l'exécution provisoire est de droit,
débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Par déclaration déposée au greffe de la cour d'appel de Douai le 2 septembre 2022, la SA d'[Adresse 8] a interjeté appel du jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 24 mai 2023, la SA d'HLM Mon Logis demande à la cour, au visa des articles 30 et suivants et 122 et suivants du code de procédure civile, des articles 1103, 1231 et suivants et 1984 du code civil, de :
juger que Mon Logis Groupe Action Logement a exécuté l'accord cadre en litige de bonne foi et n'a commis aucune faute dans l'exécution du contrat au sens des dispositions de l'article 1231-1 du Code Civil,
déclarer Mon Logis Groupe Action Logement fondée en son appel,
infirmer le jugement dont appel en ce qu'il l'a :
condamné la société Mon Logis - Groupe Action Logement payer à la société [Localité 9] Peinture la somme de 149 239 euros en réparation de son préjudice,
condamné la société Mon Logis - Groupe Action Logement à payer à la société Bauer Peinture la somme de 35 300 euros en réparation de son préjudice,
débouté la société Mon Logis - Groupe Action Logement de sa demande indemnitaire,
condamné la société Mon Logis - Groupe Action Logement à payer à la société [Localité 9] Peinture et la société Bauer Peinture la somme de 1 500 euros chacune pour leurs frais non compris dans les dépens,
condamné la société Mon Logis - Groupe Action Logement aux entiers dépens,
dit que l'exécution provisoire est de droit,
débouté la société Mon Logis - Groupe Action Logement de ses demandes plus amples ou contraires.
débouter les sociétés [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture de l'ensemble de leurs demandes en paiement dirigées contre la Mon Logis Groupe Action Logement,
ordonner la restitution par les Sociétés [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture des sommes versées par Mon Logis Groupe Action Logement au titre de l'exécution provisoire du jugement dont appel,
en tout état de cause, quand bien même la cour devant à confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire du chef des condamnations à paiement prononcées contre la SA Mon Logis en faveur des sociétés [Localité 9] Peinture ET Bauer Peinture,
juger Mon Logis Groupe Action Logement bien fondée en sa demande reconventionnelle,
juger que les sociétés [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture n'ont pas respecté leurs engagements contractuels.
condamner in solidum les sociétés [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture à verser à Mon Logis Groupe Action Logement la somme de DIX MILLE euros (10 000 euros) au titre des dispositions des articles 1231 et suivant du code civil en réparation du préjudice subi du fait des fautes contractuelles commises par les Sociétés [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture.
condamner in solidum les sociétés [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture à verser à Mon Logis Groupe Action Logement la somme de quinze mille euros (15 000 euros) au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
condamner in solidum les sociétés [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture aux dépens d'instance et d'appel , lesquels seront recouvrés par la SELAS FIDAL sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile,
débouter les sociétés [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture de toutes demandes, fins ou conclusions plus amples ou contraires en ce comprises les demandes formulées au titre de l'appel incident.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par RPAV le 26 juillet 2023, la SARL [Localité 9] Peinture et la SARL Bauer Peinture demandent à la cour, au visa des articles 548 du code de procédure civile et des articles 1103 et 1104 du code civil, de :
confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions sauf en celles énonçant :
condamné la société Mon Logis - Groupe Action Logement payer à la société [Localité 9] Peinture la somme de 149 239 euros en réparation de son préjudice,
condamné la société Mon Logis - Groupe Action Logement à payer à la société Bauer Peinture la somme de 35 300 euros en réparation de son préjudice,
statuant de nouveau, mais uniquement de ces chefs,
condamner la SA d'[Adresse 8] à régler à la SARL [Localité 9] Peinture la somme de 572 395.82 euros à titre de dommages et intérêts (547 923,40 au titre de la perte de marge brute + 24 472.42 euros au titre du préjudice suite à rupture conventionnelle rendue nécessaire suite à rupture du marché),
condamner la SA d'[Adresse 8] à régler à la SARL Bauer Peinture la somme de 129 602,65 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de marge brute,
débouter la SA d'[Adresse 8] de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires,
condamner la SA d'HLM Mon Logis à régler à la SARL [Localité 9] Peinture 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
condamner la SA d'[Adresse 8] à régler à la SARL Bauer Peinture 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
condamner la SA d'[Adresse 8] en tous les dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Bernard FRANCHI avocat aux offres de droit par application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Par arrêt du 12 septembre 2024, la cour d'appel de Douai a ordonné la réouverture des débats aux fins que les sociétés [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture communiquent tous les éléments utiles au calcul de leur éventuel préjudice, à savoir la marge nette dont elles auraient été privées.
Aux termes de ses dernières écritures après réouverture des débats, les sociétés [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture demandent à la cour de :
confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions sauf celles fixant le montant du préjudice des SARL [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture,
statuant, mais uniquement de ces chefs,
condamner la SA d'[Adresse 8] à régler à la SARL [Localité 9] Peinture la somme de 572 395.82 euros à titre de dommages et intérêts (547 923,40 au titre de la perte de marge brute + 24 472.42 euros au titre du préjudice suite à rupture conventionnelle rendue nécessaire suite à rupture du marché),
condamner la SA d'[Adresse 8] à régler à la SARL Bauer Peinture la somme de 129 602,65 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de marge brute,
débouter la SA d'[Adresse 8] de sa demande d'article 700 formulée devant la cour,
condamner la SA d'HLM Mon Logis à régler à la SARL [Localité 9] Peinture 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
condamner la SA d'[Adresse 8] à régler à la SARL Bauer Peinture 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
débouter la SA d'[Adresse 8] de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires,
condamner la SA d'HLM Mon Logis en tous les dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Bernard Franchi avocat aux offres de droit par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Les sociétés [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture affirment avoir toujours sollicité la réparation de leur préjudice sur la perte de marge brute, celle-ci étant constitué de la différence entre les revenus générés par un chantier et les coûts directement liés à la réalisation de ce même chantier. Ces coûts incluent généralement les achats de matières premières, la sous-traitance et les autres frais directs liés au projet.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées et rappelées ci-dessus.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 27 janvier 2025.
MOTIVATION DE LA DECISION
Sur la résiliation du contrat
La SA d'[Adresse 8] soutient n'avoir commis aucune faute contractuelle en résiliant unilatéralement le contrat la liant avec les sociétés SARL [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture. Elle fait valoir qu'en application de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, de l'article 5.4 du cahier des clauses particulières dont sont tenues les sociétés intimées et des articles 133 à 135 du décret n°2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics applicables à l'accord-cadre, les SARL [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture ont commis une faute en employant des sous-traitants sans les avoir au préalable déclarés auprès d'elle. Elle affirme qu'aucune disposition n'autorisait l'usage d'un sous-traitant non déclaré même qu'une seule fois, d'autant plus qu'il s'agit d'une infraction pénale prévue à l'article L. 8271-1-1 du code du travail. Elle ajoute qu'elle n'a jamais reçu le courrier simple du 2 août 2019 que les SARL [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture affirment avoir envoyé par et qu'en tout état de cause, un courrier recommandé était exigé pour faire cette déclaration. De surcroît, elle précise que les documents transmis le 5 décembre 2019 par les SARL [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture ne sont pas signés par le représentant de la société Ramo, la société sous-traitante, et sont dotés d'incohérence, notamment sur les noms des ouvriers, sont donc irréguliers.
Les sociétés SARL [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture font valoir n'avoir commis aucune faute contractuelle aux motifs qu'elles ont transmis le 2 août 2019 une demande d'agrément de sous-traitance pour l'entreprise Ramo et, qu'en tout état de cause, la SA d'HLM Mon Logis ne pouvait régulièrement résilier unilatéralement le contrat que si elle faisait le constat deux fois dans l'année de l'usage de sous-traitants non déclarés ; or une seule infraction dans l'année a été constatée.
Aux termes de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Aux termes de l'article 1104 du code civil, les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Cette disposition est d'ordre public.
Aux termes de l'article 1226 du code civil, le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.
La mise en demeure mentionne expressément qu'à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat.
Lorsque l'inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent.
Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l'inexécution
L'article 3 de la loi du 31 décembre 1975 dispose que « L'entrepreneur qui entend exécuter un contrat ou un marché en recourant à un ou plusieurs sous-traitants doit, au moment de la conclusion et pendant toute la durée du contrat ou du marché, faire accepter chaque sous-traitant et agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance par le maître de l'ouvrage ; l'entrepreneur principal est tenu de communiquer le ou les contrats de sous-traitance au maître de l'ouvrage lorsque celui-ci en fait la demande.
Lorsque le sous-traitant n'aura pas été accepté ni les conditions de paiement agréées par le maître de l'ouvrage dans les conditions prévues à l'alinéa précédent, l'entrepreneur principal sera néanmoins tenu envers le sous-traitant mais ne pourra invoquer le contrat de sous-traitance à l'encontre du sous-traitant. »
L'article 5.4 du cahier des clauses particulières, opposables aux sociétés [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture stipule : « La sous-traitance pour tout ou partie du marché est interdite sans l'accord préalable du POUVOIR ADJUDICATEUR. Le TITULAIRE devra adresser sa demande au POUVOIR ADJUDICATEUR par lettre recommandée avec accusé de réception avec tous les documents administratifs de l'entreprise du sous-traitant.
En cas d'acceptation par le POUVOIR ADJUDICATEUR, la responsabilité du TITULAIRE du marché reste entière pour l'ensemble du marché. »
L'article 11.1 du Cahier des Clauses Particulières précise pour sa part que :
« Le présent marché pourra être résilié de plein droit dans les cas suivants :
' Cas fixés à l'Article 20 du CCAG FCS
' Pendant la période d'essai défini à l'Article 2.2
' En cas de non-respect de l'Article 2.3
' En cas de non-respect de l'ARTICLE 3 - impossibilité récurrente d'intervention (plus de 3 fois dans une même année)
' En cas de non-respect de l'ARTICLE 12 ' SOS Mon Logis (plus de 3 fois dans une même année)
' En cas d'application des pénalités :
' Définies à l'Article 6.1 (plus de 5 fois dans une même année)
' Définies à l'Article 6.3 (plus de 3 fois dans une même année)
' Définies à l'Article 6.5 (plus de 5 fois dans une même année)
' Définies à l'Article 6.7 (plus d'1 fois dans une même année)
' La carence du TITULAIRE permettra la résiliation pour faute, sans indemnité ni préavis.
L'article 46.3 du cahier des clauses administratives générales intitulé « Résiliation pour faute du titulaire » stipule que :
« 46. 3. Résiliation pour faute du titulaire :
46. 3. 1. Le représentant du pouvoir adjudicateur peut résilier le marché pour faute du titulaire dans les cas suivants :
a) Le titulaire contrevient aux obligations légales ou réglementaires, relatives au travail ou à la protection de l'environnement ;
b) Le titulaire a refusé de représenter ou de restituer des bâtiments, terrains, matériels, produits de construction, équipements et approvisionnements qui lui ont été confiés, ou il a dégradé ou utilisé de manière abusive ces bâtiments, terrains, matériels, objets et approvisionnements ;
c) Le titulaire, dans les conditions prévues à l'article 48, ne s'est pas acquitté de ses obligations dans les délais contractuels, après que le manquement a fait l'objet d'une constatation contradictoire et d'un avis du maître d''uvre, et si le titulaire n'a pas été autorisé par ordre de service à reprendre l'exécution des travaux ; dans ce cas, la résiliation du marché décidée peut être soit simple, soit aux frais et risques du titulaire et, dans ce dernier cas, les dispositions des articles 48. 4 à 48. 7 s'appliquent ;
d) Dans le cas où le marché prévoit un contrôle de prix de revient, le titulaire a contrevenu à ses obligations ;
e) Le titulaire a sous-traité en contrevenant aux dispositions législatives et réglementaires relatives à la sous-traitance, ou il ne respecte pas les obligations relatives aux sous-traitants mentionnées à l'article 3. 6 ;
(')
46. 3. 2. Sauf dans les cas prévus aux g, i, k et l du 46. 3. 1 ci-dessus, une mise en demeure, assortie d'un délai d'exécution, doit avoir été préalablement notifiée au titulaire et être restée infructueuse.
Dans le cadre de la mise en demeure, le représentant du pouvoir adjudicateur informe le titulaire de la sanction envisagée et l'invite à présenter ses observations.
46. 3. 3. La résiliation du marché ne fait pas obstacle à l'exercice des actions civiles ou pénales qui pourraient être intentées contre le titulaire. »
L'article 3.6 du CCAG travaux intitulé « sous-traitance » précise que :
« (') 3.6.1.1. Le « sous-traitant direct » est le sous-traitant du titulaire ou, dans le cas d'entrepreneurs groupés, le sous-traitant de l'un des membres du groupement.
3.6.1.2. Dès la signature de l'acte spécial constatant l'acceptation du sous-traitant et l'agrément des conditions de paiement, le pouvoir adjudicateur notifie au titulaire et à chacun des sous-traitants concernés l'exemplaire de l'acte spécial qui leur revient. Dès réception de cette notification, le titulaire du marché fait connaître au pouvoir adjudicateur le nom de la personne physique habilitée à représenter le sous-traitant.
La notification portant acceptation d'un sous-traitant et agrément des conditions de son paiement précise qu'il doit adresser ses demandes de paiement au titulaire du marché ainsi qu'au maître d''uvre désigné par le marché.
Le représentant du pouvoir adjudicateur peut demander que le montant des prestations du sous-traitant soit présenté selon une décomposition en correspondance avec celle du marché du titulaire.
3.6.1.3. Dès que l'acceptation et l'agrément des conditions de paiement ont été obtenus, le titulaire fait connaître au maître d''uvre le nom de la personne physique qui le représente pour l'exécution des prestations sous-traitées.
3.6.1.4. Le recours à la sous-traitance, sans acceptation préalable du sous-traitant et sans agrément préalable des conditions de paiement, expose le titulaire à l'application des mesures prévues à l'article 46.3. Il en est de même si le titulaire a fourni, en connaissance de cause, des renseignements inexacts à l'appui de sa demande de sous-traitance. (') »
L'article 6.7 du cahier des clauses particulières stipule : « pénalité en cas de sous-traitance non-déclarée :
La pénalité P' pour sous-traitance non déclarée ou non agrée par le POUVOIR ADJUDICATEUR sera de :
P' = 1 000 euros HT + 25% du montant HT des prestations réalisées sur le lieu de constatation de la sous-traitance occulte et pour la partie de la commande réalisée par celle-ci.
Si les formalités de déclaration et d'acceptation par le POUVOIR ADJUDICATEUR de la sous-traitance n'ont pas été effectuées avant tout démarrage des prestations commandées par ordre de service, le marché, dans sa globalité, pourra être résilié selon les conditions de l'article 11.1 ».
Il ressort de la combinaison de ces articles que l'entrepreneur ne peut avoir recours à un sous-traitant sans l'accord préalable de l'adjudicateur, du maître de l'ouvrage ; que ce manquement est un motif pour résilier unilatéralement le contrat les liant, avec l'envoi d'une mise en demeure préalable si ce manquement a été constaté qu'une seule fois et sans mise en en demeure préalable s'il a été constaté « plus d'une fois dans la même année ».
En l'espèce, il n'est pas contesté que les sociétés [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture ont eu recours à un sous-traitant, la société Ramo, comme l'a constaté l'huissier dans son procès-verbal du 8 octobre 2019.
Si les sociétés [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture affirment avoir demandé l'autorisation d'avoir recours à ce sous-traitant à la SA d'HLM Mon Logis par courrier du 2 août 2019, elle ne justifie pas la réception de courrier. Dès lors, c'est à juste titre que les premiers juges ont indiqué que le recours à ce sous-traitant a été fait sans l'accord préalable de la SA d'[Adresse 8].
Il s'agit effectivement d'un manquement aux obligations contractuelles commis par les sociétés [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture.
Néanmoins, si ce manquement peut justifier la résiliation du contrat liant les sociétés [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture avec la SA d'[Adresse 8], les stipulations contractuelles imposent l'envoi d'une mise en demeure préalable à cette résiliation si le manquement a été constaté une seule fois dans la même année. Il est bien mentionné que la résiliation de plein droit, et donc sans mise en demeure, n'est possible que si le manquement a été constaté deux fois dans la même année, ce qui n'était pas le cas en l'espèce
En conséquence, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties ; il convient en conséquence de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a considéré la résiliation effectuée par la SA d'HLM Mon Logis le 16 octobre 2019 était fautive.
2) Sur l'indemnisation
Sur l'indemnisation sollicitée par les sociétés [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture
La SARL [Localité 9] Peinture soutient avoir subi un préjudice de perte globale en termes de marge brute, d'un montant de 547 923,40 euros et un préjudice relatif au coût de la rupture conventionnelle d'un salarié de la société [Localité 9] Peinture d'un montant de 24 472,42 euros. La SARL Bauer Peinture affirme avoir subi un préjudice de perte de marge brute d'un montant de 129 602,65 euros.
Les sociétés [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture font valoir qu'en l'absence de résiliation fautive du contrat par la SA d'[Adresse 8], le contrat se serait poursuivi jusqu'à son terme et se serait renouvelé par tacite reconduction comme cela était le cas depuis plus de 10 ans. Elles affirment qu'à ce titre, elles justifient une perte pour 43,5 mois.
La SA d'HLM Mon Logis conteste le calcul de l'indemnisation réalisé par les sociétés intimées et soutient qu'en l'absence de prestations réalisées, seule une indemnisation d'une marge nette et non brute escomptée peut être octroyée.
Aux termes de l'article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.
La Cour de cassation a rappelé que sauf circonstances particulières, non invoquées en l'espèce, seule la perte de marge brute résultant de la rupture du contrat constitue un chef de préjudice indemnisable (Com., 25 octobre 2017, pourvoi n° 16-14.520).
Par ailleurs, s'il n'est possible d'allouer des dommages-intérêts en réparation d'un préjudice purement éventuel, il en est autrement lorsque le préjudice, bien que futur, apparaît aux juges du fait comme la prolongation certaine et directe d'un état de chose actuel et comme étant susceptible d'estimation immédiate (Req., 1er juin 1932).
En l'espèce, les sociétés [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture, qui ont été privée d'une chance sérieuse d'exécuter le contrat de prestations de service jusqu'à son terme, ont droit à être indemnisées du manque à gagner qu'elles ont subi du fait de la résiliation fautive. Le gain dont elles ont été ainsi privées et dont elles sont fondées à demander à être indemnisées s'entend de la marge brute qu'elles auraient retirée de l'exécution du contrat.
La durée d'exécution initiale du contrat était prévue pour une période de douze mois, du 1er juillet 2019 au 30 juin 2020.
Les sociétés [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture exposent que si la SA d'HLM Mon Logis avait respecté le contrat en lui envoyant une mise en demeure, celle-ci ne serait pas restée infructueuse et le contrat se serait poursuivi jusqu'à son terme et se serait renouvelé par tacite reconduction comme ce fut le cas depuis 10 ans (depuis 2008). Le marché se serait poursuivi par tacite reconduction pour les trois années suivantes.
Aux termes des CCP, la durée de l'exécution initiale du contrat est prévue pour une période de douze mois, du 1er juillet 2019 au 30 juin 2020.
L'article 4 de l'acte d'engagement stipule : « Le présent marché est conclu pour une période allant du 1er juillet 2019 au 30 juin 2020. Il pourra être reconduit 3 fois tacitement pour une période d'un, soit jusqu'au 30 juin 2023 ».
La relation commerciale des parties dure, de manière continue, depuis 2008 et les éléments apportés aux débats permettent d'affirmer qu'il est certain que les relations contractuelles se seraient maintenues après le 30 juin 2020.
La perte de marge brute jusqu'au 30 juin 2023 est un préjudice, bien que futur, certain.
Elles produisent une attestation de l'expert-comptable, M. [T] [O], du 21 mars 2020, aux termes de laquelle, il certifie que les marges brutes dégagées par les sociétés au titre des exercices 2018 et 2017 sont les suivantes :
Exercice 2018 : Houdre Peinture : 49,14 % et Bauer Peinture : 62,96%
EXERCICE 2019 : Houdre Peinture : 45,69 % et Bauer Peinture : 64,17%
Les sociétés [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture soutiennent justifier de leur préjudice suite à la résiliation, soit une perte pour 43.5 mois de 1 359 375 euros, soit respectivement :
- 1 155 469 euros pour [Localité 9] Peinture
- 203 609 euros pour Bauer Peinture
En termes de marge brute, la perte est de :
- 1 155 469 euros x 47.42 % de marge brute soit 547 923.40 euros pour Houdre Peinture
- 203 609 euros x 63.56 % de marge brute soit 129 602.65 euros pour Bauer Peinture.
Dans ces conditions, il y a lieu de condamner la SA d'[Adresse 8] à régler à la SARL [Localité 9] Peinture la somme de 547 923.80 euros en réparation de son préjudice de perte de marge et à la SARL Bauer Peinture la somme de 129 602.65 euros au titre de son préjudice de perte de marge brute. Le jugement est infirmé de ces chefs.
Par ailleurs, la demande d'indemniser le coût de la rupture conventionnelle d'un salarié de la société [Localité 9] Peinture ne peut être que rejetée puisqu'il n'est nullement démontré le lien de causalité entre la rupture du contrat de travail de ce salarié et la résiliation fautive du contrat liant les parties. Le jugement sera confirmé de chef.
Sur la demande d'indemnisation formulée par la SA d'HLM Mon Logis
La SA d'[Adresse 8] soutient que les sociétés intimées ont commis une faute contractuelle en ayant recours à un sous-traitant sans avoir sollicité préalablement son autorisation ; que cette faute lui a causé, d'une part, un préjudice financier puisqu'elle a été contrainte d'initier une nouvelle procédure d'accord cadre sous forme d'appel d'offre afin de substituer le groupement fautif, préjudice évalué à la somme de 8 000 euros et, d'autre part, une atteinte à son image étant donné qu'elle n'a pas pu honorer ses engagements de mise à disposition de logement dans les délais convenu, préjudice évalué à 1 000 euros. Elle ajoute avoir également subi un préjudice moral en ce qu'elle a subi une tentative d'intimidation par le secrétaire général de la section [Localité 7] Est/ Marne de la Fédération Française du Bâtiment qui était intervenu afin que la SA d'HLM Mon Logis revienne sur sa décision de résiliation. Elle évalue ce préjudice à la somme de 1 000 euros.
Les sociétés intimées contestent l'existence de ces préjudices aux motifs que si la SA d'[Adresse 8] a procédé à une nouvelle procédure d'accord-cadre ce n'est qu'en raison de la résiliation abusive effectuée par elle-même ; qu'il n'y pas eu de menace proférée à l'encontre du directeur de la SA d'HLM Mon Logis et de surcroît ce dernier n'est pas parti à la procédure et qu'enfin le préjudice moral n'est pas démontré.
En l'espèce, il a bien été constaté un manquement contractuel commis par les sociétés [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture en ce qu'elles ont eu recours à un sous-traitant sans l'avoir préalablement déclaré auprès de la SA d'[Adresse 8]. Le préjudice dont il est demandé réparation est le fait que la SA d'HLM Mon Logis a été contrainte d'initier une nouvelle procédure d'appel d'offre ; or ce préjudice résulte de la résiliation réalisée de manière irrégulière par la SA d'[Adresse 8]. Si elle avait respecté les stipulations contractuelles, par l'envoi d'une mise en demeure préalable, il n'est pas certain que le contrat aurait été résilié et que la SA d'HLM Mon Logis aurait dû initier une nouvelle procédure d'appel d'offre. C'est donc à juste titre que les premiers juges ont rejeté cette demande.
De même, étant donné que nul ne peut invoquer sa propre turpitude, la cour estime que les premiers juges, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation en rejetant les demandes relatives au préjudice moral et atteinte à l'image.
3) Sur les demandes accessoires
Le jugement sera confirmé de ces chefs.
La société SA d'[Adresse 8] sera condamnée aux entiers dépens et à payer à la SARL [Localité 9] Peinture et à la SARL Bauer Peinture la somme de 2 500 euros à chacune des sociétés, au titre des frais irrépétibles engagés en appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
CONFIRME le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lille le 8 août 2022 en ce qu'il a :
débouté les sociétés requérantes du surplus de leurs demandes indemnitaires relatives à la rupture conventionnelle d'un salarié de la société [Localité 9] Peinture, au préjudice moral à l'atteinte à l'image de la SA d'HLM Mon Logis,
débouté la société Mon Logis - Groupe Action Logement de sa demande indemnitaire,
condamné la société Mon Logis - Groupe Action Logement à payer à la société [Localité 9] Peinture et la société Bauer Peinture la somme de 1 500 euros chacune pour leurs frais non compris dans les dépens,
condamné la société Mon Logis - Groupe Action Logement aux entiers dépens,
dit que l'exécution provisoire est de droit,
INFIRME le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lille le 8 août 2022 en ce qu'il a :
condamné la société Mon Logis - Groupe Action Logement payer à la société [Localité 9] Peinture la somme de 149 239 euros en réparation de son préjudice,
condamné la société Mon Logis - Groupe Action Logement à payer à la société Bauer Peinture la somme de 35 300 euros en réparation de son préjudice,
y ajoutant,
CONDAMNE la société Mon Logis - Groupe Action Logement à payer à la SARL [Localité 9] Peinture la somme de 547 923.80 euros en réparation de son préjudice de perte de marge brute
CONDAMNE la société Mon Logis - Groupe Action Logement à payer à la SARL Bauer Peinture la somme de 129 602.65 euros au titre de son préjudice de perte de marge brute,
DEBOUTE les SARL [Localité 9] Peinture et Bauer Peinture de leur demande indemnitaire au titre de la rupture conventionnelle du contrat de travail de M. [J] [P],
CONDAMNE la société Mon Logis - Groupe Action Logement à payer à la SARL [Localité 9] Peinture la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles engagés en appel,
CONDAMNE la société Mon Logis - Groupe Action Logement à payer à la SARL Bauer Peinture la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles engagés en appel,
CONDAMNE la société Mon Logis - Groupe Action Logement aux entiers dépens engagés en appel, dont distraction au profit de Maître Bernard Franchi avocat aux offres de droit.
Le greffier
Anaïs Millescamps
La présidente
Catherine Courteille