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Décisions

CA Paris, Pôle 1 - ch. 3, 11 septembre 2025, n° 24/17482

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 24/17482

11 septembre 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 3

ARRÊT DU 11 SEPTEMBRE 2025

(n° 345 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/17482 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CKGTD

Décision déférée à la cour : ordonnance du 20 septembre 2024 - président du TJ de [Localité 8] - RG n° 24/53599

APPELANTE

S.A.S. FONCIERE [Localité 8] BOURSE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

Ayant pour avocat plaidant Me Jean-Bernard LUNEL, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

E.U.R.L. V ST HONORE, RCS de [Localité 8] n°813039930, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Aurélie GUILLARD de la SELARL PAULHAN & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L 196

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 juin 2025, en audience publique, rapport ayant été fait par Valérie GEORGET, conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 906 du CPC, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Michel RISPE, président de chambre

Anne-Gaël BLANC, conseillère

Valérie GEORGET, conseillère

Greffier lors des débats : Jeanne PAMBO

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Michel RISPE, président de chambre et par Jeanne PAMBO, greffier, présent lors de la mise à disposition.

La société du [Adresse 3] était propriétaire d'un immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 9].

Par acte sous seing privé du 16 juillet 2018, la société du [Adresse 3] a consenti à la société V St Honoré un bail commercial portant sur un local situé au rez-de-chaussée, pour un usage exclusif de salon de coiffure et/ou soins/ modelages esthétiques et/ou vente de produits en lien avec l'activité de coiffure et esthétique, pour une durée de neuf années à compter du 16 juillet 2018, moyennant le paiement d'un loyer de 22 000 euros hors taxes et hors charges, payable trimestriellement d'avance.

Par acte authentique de vente du 31 mars 2022, la société du [Adresse 3] a cédé la propriété de l'immeuble du [Adresse 4] à [Localité 9] à la société Foncière [Localité 8] Bourse, celle-ci devenant alors le bailleur de la société V St Honoré.

Par acte extrajudiciaire du 6 mars 2024, le bailleur a fait délivrer au preneur un commandement de payer visant la clause résolutoire pour un montant en principal de 5 397,44 euros au titre des loyers et charges impayés arrêté au mois de février 2024.

Par acte extrajudiciaire du 17 mai 2024, la société Foncière [Localité 8] Bourse a fait assigner la société V St Honoré devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins de constat de l'acquisition de la clause résolutoire et de paiement, à titre provisionnel, de plusieurs sommes.

Par ordonnance contradictoire du 20 septembre 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a :

dit n'y avoir lieu à référé sur la demande relative à l'acquisition de la clause résolutoire formulée par la société Foncière [Localité 8] Bourse ;

dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes ;

condamné la société Foncière [Localité 8] Bourse aux dépens et à verser à la société V St Honoré la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

rappelé que l'ordonnance bénéficie de plein droit de l'exécution provisoire.

Par déclaration du 14 octobre 2024, la société Foncière [Localité 8] Bourse a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions, remises et notifiées le 10 avril 2025, la société Foncière [Localité 8] Bourse demande à la cour de :

la recevoir en son appel et en ses demandes, fins et conclusions, la juger bien fondée ;

infirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle :

dit n'y avoir lieu à référé sur la demande relative à l'acquisition de la clause résolutoire formulée par la société Foncière [Localité 8] Bourse ;

dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes ;

condamne la société Foncière [Localité 8] Bourse aux dépens et à verser à la société V St Honoré la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

rappelle que la présente ordonnance bénéficie de plein droit de l'exécution provisoire ;

statuant à nouveau,

constater l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail pour défaut de paiement des loyers, charges et taxes objet de l'article 10 du bail liant les parties ;

en conséquence,

ordonner l'expulsion de la société V St Honoré et de tous occupants de son chef du local commercial qu'elle occupe situé [Adresse 4] à [Localité 9] et ce au besoin avec l'appui de la force publique et l'assistance d'un serrurier ;

ordonner le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux loués, dans tel garde-meubles qu'il plaira à monsieur le président de désigner, aux frais, risques et périls de la société V St Honoré et ce, en garantie des réparations locatives et indemnités d'occupation qui pourraient être dues ;

fixer le montant de l'indemnité d'occupation due par la société V St Honoré à compter de la résiliation du bail, à titre provisionnel, à la somme 100,89 euros augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée à hauteur de 20 %, ainsi que des charges journalières à hauteur de 4, 57 euros, et autres taxes, aux clauses et conditions actuelles de révision prévue par le contrat de bail à compter du lendemain de l'acquisition de la clause résolutoire jusqu'au délaissement effectif des lieux ;

à titre subsidiaire, pour le cas où il serait accordé des délais de paiement et de suspension corrélative des effets de la clause résolutoire,

ordonner qu'à défaut de règlement par la société V St Honoré d'une seule échéance à bonne date, ainsi que de règlement des loyers et provisions de charges courants à leur date d'exigibilité contractuelle, à savoir par trimestre, terme à échoir, les 1er janvier, 1er avril, 1er juillet et 1er octobre de chaque année :

dire que la société V St Honoré sera déchue du bénéfice du terme, l'intégralité des sommes dues étant alors immédiatement exigible ;

juger que la clause résolutoire reprendra son plein et entier effet ;

dire qu'elle pourra en conséquence poursuivre l'expulsion de la Société V St Honoré ainsi que celle de tous occupants de son chef des lieux loués au rez-de-chaussée de l'immeuble sis [Adresse 5] [Localité 9], au besoin avec le concours de la force publique ;

en tout état de cause,

débouter la société V St Honoré de son appel incident et de toutes ses demandes plus amples ou contraires à aux siennes ;

condamner la société V St Honoré à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

y ajoutant,

condamner la société V St Honoré à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel.

Dans ses dernières conclusions, remises et notifiées le 14 février 2025, la société V St Honoré demande à la cour de :

confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a dit qu'il n'y avoir lieu à référé sur la demande relative à l'acquisition de la clause résolutoire formulée par la société Foncière [Localité 8] Bourse et dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes ;

réformer l'ordonnance en ce qu'il a limité la condamnation de la société Foncière [Localité 8] Bourse à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

statuant à nouveau,

condamner la société Foncière [Localité 8] Bourse aux dépens et à lui verser la somme de 4 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance ;

débouter la société Foncière [Localité 8] Bourse de l'intégralité de ses demandes ;

y ajoutant,

condamner la société Foncière [Localité 8] Bourse à lui payer la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel ;

condamner la société Foncière [Localité 8] Bourse aux entiers dépens d'appel.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 mai 2025.

Sur ce,

Sur la demande de constat de l'acquisition de la clause résolutoire

Aux termes de l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

En application de ce texte, il entre dans les pouvoirs du juge des référés, même en l'absence d'urgence, de constater la résiliation de plein droit d'un contrat de bail en application d'une clause résolutoire lorsque celle-ci est mise en oeuvre régulièrement, en l'absence de toute contestation sérieuse.

Aux termes de l'article L. 145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

Au cas présent, pour s'opposer au constat de l'acquisition de la clause résolutoire, le preneur fait valoir que les causes du commandement de payer n'étaient pas dues au jour de sa délivrance et que, en tout état de cause, il a régularisé la situation dans le délai d'un mois suivant la signification dudit commandement. Il soutient, d'une part, que le bailleur n'a pas procédé à la régularisation des charges pour les années 2022 et 2023 avant la signification du commandement de payer, d'autre part, que l'absence de régularisation des charges et communication des justificatifs ouvre au preneur le droit de solliciter le remboursement des provisions pour charges appelées, si celles-ci n'apparaissent pas justifiées. La société V St Honoré ajoute qu'elle a réglé les causes du commandement de payer signifié le 6 mars 2024 par virements bancaires du 5 mars 2024 et du 3 avril 2024. Enfin, elle affirme que le bailleur a mis en oeuvre la clause résolutoire de mauvaise foi pour obtenir son éviction du local.

Le bailleur poursuit l'infirmation de l'ordonnance qui a retenu que la demande de constat de l'acquisition de la clause résolutoire se heurtait à une contestation sérieuse. Tout d'abord, il fait valoir que le preneur lui a imposé un paiement mensuel du loyer alors que le contrat prévoit un paiement trimestriel. Il ajoute que le premier juge a, à tort, retranché des sommes exigées dans le commandement celles correspondant aux provisions sur charges. Sur ce point, la société Foncière [Localité 8] Bourse expose, d'une part, que les charges locatives appelées correspondent à celles réellement dues ainsi qu'attesté par le relevé individuel de charges des années 2022 et 2023, d'autre part, que, selon la jurisprudence, le défaut de communication de l'état récapitulatif dans le délai annuel prévu par l'article R. 145-36 du code de commerce ne constitue pas une contestation sérieuse dès lors que cette méconnaissance n'est pas sanctionnée. La société Foncière [Localité 8] Bourse considère que les causes du commandement n'ont pas été payées par le preneur dans le délai d'un mois prévu par l'article L. 145-41 du code de commerce. Elle conteste avoir délivré le commandement de payer de mauvaise foi.

En premier lieu, la cour observe que le commandement n'a pas été délivré en raison du paiement mensuel du loyer et des charges par le preneur alors que le bail prévoit un paiement trimestriel de sorte que le débat sur ce point est inopérant.

Ensuite, le preneur conteste le constat de l'acquisition de la clause résolutoire en arguant du paiement des causes du commandement avant le 6 avril 2024.

L'article 1342-10 du code civil dispose que le débiteur de plusieurs dettes peut indiquer, lorsqu'il paie, celle qu'il entend acquitter. A défaut d'indication par le débiteur, l'imputation a lieu comme suit : d'abord sur les dettes échues ; parmi celles-ci, sur les dettes que le débiteur avait le plus d'intérêt d'acquitter. A égalité d'intérêt, l'imputation se fait sur la plus ancienne ; toutes choses égales, elle se fait proportionnellement.

Il est constant que la société Foncière [Localité 8] Bourse a, le 6 mars 2024, fait délivrer un commandement de payer, reproduisant la clause résolutoire insérée dans le bail et les dispositions de l'article L. 145-41 du code de commerce, pour un montant de 5 397, 44 euros, somme arrêtée au 29 février 2024.

Or, la société V St Honoré a réglé la somme totale de 5 400 euros par deux virements, l'un de 2 600 euros (le 5 mars 2024), l'autre de 2 900 euros (le 3avril 2024).

La société Foncière [Localité 8] Bourse affirme que ces règlements correspondent au paiement des loyers postérieurs au 29 février 2024. Elle se fonde sur un courriel aux termes duquel, selon elle, le preneur indique qu'il entend régler les loyers et charges afférents aux mois de mars 2024 et d'avril 2024 (pièce n° 16 de l'intimée).

Mais dans ce courriel du 6 mars 2024, envoyé le lendemain de la signification du commandement de payer, le gérant de la société V St Honoré se borne à indiquer : 'je vien (s) de recevoir le papier en PJ dans ma boîte aux lettres. Je vous ai fait il y a quelques jours un règlement de 2 600 euros. Pourriez-vous m'indiquer l'urgence à vous régler quelle somme (sachant que je paie chaque mois sans exception). Merci par avance pour vos explications.'

Il existe donc un doute sur le sens de la décision que pourrait prendre le juge du fond quant à la détermination des dettes payées par les virements des 5 mars 2024 et 3 avril 2024.

La contestation de la société V St Honoré, concernant le règlement de la cause du commandement de payer dans le délai d'un mois après sa signification, est donc sérieuse.

Pour ces seuls motifs, il n'y a donc pas lieu à référé sur la demande de constat de l'acquisition de la clause résolutoire.

L'ordonnance sera confirmée de ce chef.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le sens de l'arrêt commande de confirmer l'ordonnance en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

La société Foncière [Localité 8] Bourse, qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel.

Elle sera également condamnée à payer à la société V St Honoré la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise en ses dispositions soumises à la cour ;

Y ajoutant,

Condamne la société Foncière [Localité 8] Bourse aux dépens d'appel ;

Condamne la société Foncière [Localité 8] Bourse à payer à la société V St Honoré la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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