CA Amiens, référés 1re pp, 11 septembre 2025, n° 25/00028
AMIENS
Ordonnance
Autre
ORDONNANCE
N° 59
Copies certifiées conformes
Me Aurélie GUYOT
Me Nathalie COLIGNON-BERTIN
Me Jérôme LE ROY
Me Philippe COURT
Cour d'appel Amiens - Chambre économique
Copies exécutoires
Me Jérôme LE ROY
Me Philippe COURT
COUR D'APPEL D'AMIENS
RÉFÉRÉS
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DU 11 SEPTEMBRE 2025
*************************************************************
A l'audience publique des référés tenue le 26 Juin 2025 par Madame Chantal Mantion, Présidente de chambre déléguée par ordonnance de Madame la Première Présidente de la Cour d'Appel d'AMIENS en date du 19 Décembre 2024,
Assistée de Madame Charlotte RODRIGUES, Cadre-Greffier.
Dans la cause enregistrée sous le N° RG 25/00028 - N° Portalis DBV4-V-B7J-JJ6W du rôle général.
ENTRE :
S.A.R.L. AISNE PLASTIQUES INDUSTRIES
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par Me Aurélie GUYOT, avocat au barreau d'AMIENS
Ayant pour avocat par Me Nathalie COLIGNON-BERTIN de la SELARL SELARL COLIGNON-BERTIN, avocat au barreau de SOISSONS
Assignant en référé suivant exploit du 05 Mars 2025 par la SAS RUDEAUX et Associés, Commissaires de Justice à Chauny, d'un jugement rendu le 08 Août 2024 par le tribunal judiciaire de Soissons, enregistré sous le n° 58/24.
ET :
COMMUNE DE [Localité 6]
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée et plaidant par Me Eric POILLY, avocat au barreau d'AMIENS, substituant Me Jérôme LE ROY de la SELARL LX AVOCATS, avocat au barreau d'AMIENS
Ayant pour avocat Me Philippe COURT, avocat au barreau de SOISSONS
DEFENDERESSE au référé.
Madame la Présidente après avoir constaté qu'il s'était écoulé un temps suffisant depuis l'assignation pour que la partie assignée puisse se défendre.
Après avoir entendu en ses conclusions et sa plaidoirie Me Eric POILLY, l'affaire a été mise en délibéré au 11 Septembre 2025 pour rendre l'ordonnance par mise à disposition au Greffe.
Vu le jugement du tribunal judiciaire de Soissons en date du 8 août 2024 qui a:
- déclaré recevable la demande formée par la commune de [Localité 6] ;
- dit que la Sarl Aisne Plastiques Industrie est occupante sans droit ni titre ;
- ordonné en conséquence à la Sarl Aisne Plastiques Industrie de libérer les lieux et restituer les clés dans un délai de trois mois à compter de la signification du jugement ;
- condamné la Sarl Aisne Plastiques Industrie à verser à la commune de [Localité 6] la somme de 73.840 euros au titre de l'indemnité d'occupation due pour les cinq dernières années comprises du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2020 avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;
- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
- condamné la Sarl Aisne Plastiques Industrie à payer à la commune de [Localité 6] la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rappelé que l'exécution provisoire du jugement est de droit.
Vu l'appel formé par la Sarl Aisne Plastiques Industrie par déclaration reçue le 27 décembre 2024 au greffe de la cour ;
Par acte de commissaire de justice en date du 5 mars 2025, la Sarl Aisne Plastiques Industrie a fait assigner la commune de Château-Thierry à comparaître à l'audience de référé du 27 mars 2025 à 9h30 devant madame la Première Présidente de la Cour d'appel d'Amiens et demande de :
- constater que l'appelant est dans l'impossibilité d'exécuter la décision conformément à l'article 514-3 du code de procédure civile ;
- constater que l'exécution provisoire serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ;
En conséquence,
- ordonner la suspension de l'exécution provisoire ;
- débouter la commune de [Localité 6] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à l'encontre de la Sarl Aisne Plastiques Industrie.
L'affaire ayant été renvoyée à l'audience du 15 mai 2025, la commune de [Localité 6]
a transmis des conclusions en date du 23 avril 2025 et demande de :
- prononcer l'irrecevabilité sinon le rejet de la demande de suspension de l'exécution provisoire formulée par la Sarl Aisne Plastiques Industrie ;
- condamner la Sarl Aisne Plastiques Industrie au paiement d'une somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la Sarl Aisne Plastiques Industrie aux entiers dépens ;
- débouter la Sarl Aisne Plastiques Industrie de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires.
Par conclusions en réponse transmises le 14 mai 2025 et 25 juin 2025, la Sarl Aisne Plastiques Industrie fait valoir qu'il existe des moyens sérieux de réformation du jugement dont appel en ce que le tribunal judiciaire de Soissons n'était pas compétent pour juger que la Sarl Aisne Plastiques Industrie occupait sans droit ni titre des locaux dépendant du domaine public et pour lui enjoindre de quitter les lieux et la condamner au paiement de la somme de 73.840 euros à titre d'indemnité d'occupation.
Ainsi, elle entend démontrer qu'il existe des moyens sérieux de réformation du jugement dont appel, précisant que, contrairement à ce qui est allégué par la commune de [Localité 6], elle a formé appel de l'ensemble des dispositions du jugement.
S'agissant des conséquences manifestement excessives de l'exécution provisoire du jugement, la Sarl Aisne Plastiques Industrie fait valoir que le bâtiment occupé abrite une usine équipée de machine industrielles dont le déménagement reviendra à plus de 800.000 euros et obligera à un arrêt de l'activité, avec un risque pour la pérennité de l'entreprise alors que plusieurs dizaines d'emplois sont en jeu.
Ainsi, la Sarl Aisne Plastiques Industrie demande l'entier bénéfice de son exploit introductif d'instance et y ajoutant, elle demande subsidiairement de dire que l'exécution provisoire attachée aux condamnations pécuniaires mises à la charge de la société API s'accompagnera d'une consignation sur le compte séquestre de Monsieur le Bâtonnier de l'Ordre des Avocats de [Localité 7] ou de la caisse des dépôts et consignations.
Dans tous les cas, la Sarl Aisne Plastiques Industrie demande de débouter la commune de [Localité 6] de l'ensemble de ses demandes et de la condamner aux dépens et au paiement de la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE
Sur la suspension de l'exécution provisoire
L'article 514-3 du code de procédure civile dispose : 'En cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.
La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.'
Il y a lieu de rappeler qu'il n'appartient pas au premier président de se substituer à la cour saisie de l'appel mais de rechercher s'il existe des moyens sérieux de réformation ou d'annulation du jugement et si l'exécution provisoire du jugement risque d'avoir des conséquences manifestement excessives, les conditions de l'article 514-3 du code de procédure civile étant cumulatives.
Il ressort des termes de l'assignation délivrée à la requête de la commune de [Localité 6] à la Sarl Aisne Plastiques Industrie par acte en date du 21 mai 2021 que cette dernière, locataire suivant bail emphythéotique en date du 12 décembre 1994 consenti par la société Biscuits Belin, a conclu avec Sarl Aisne Plastiques Industrie une convention d'occupation précaire portant sur des locaux situés [Adresse 4]) pour une durée commençant le 1er janvier 1995 et se terminant le 1er janvier 1998, de nouvelles conventions d'occupation temporaire ayant été régularisées en 1998, 2002 et le 28 avril 2005.
La commune de [Localité 6] fait valoir que depuis 2008 aucune convention n'est intervenue entre les parties relativement à l'occupation de lieux malgré ses demandes adressées à la Sarl Aisne Plastiques Industrie les 5 juin 2008, 15 septembre 2008 et 20 octobre 2008 d'avoir à renouveler la convention destinée à régir l'occupation des lieux par cette dernière qui a cependant continué à régler une indemnité d'occupation jusqu'au 31 décembre 2015, la commune de [Localité 6] ayant acquis le bien le 29 juin 2016.
Aux termes de son assignation, la commune de Château-Thierry demandait principalement au tribunal de dire et juger que la Sarl Aisne Plastiques Industrie est occupante sans droit ni titre.
A titre subsidiaire, elle demandait au tribunal de prononcer la résiliation de la convention d'occupation précaire pour défaut de paiement des loyers.
Dans tous les cas, la commune de [Localité 6] demandait la condamnation de la Sarl Aisne Plastiques Industrie à lui payer la somme de 73.840 euros à titre d'indemnité d'occupation et subsidiairement à titre de loyers et son expulsion ainsi que celle de tous occupants de son chef.
En défense, la Sarl Aisne Plastiques Industrie revendiquait l'existence d'un bail commercial conformément à l'article L.145-5 du code de commerce, s'opposant en outre à l'expulsion demandée au motif que des délais de paiement de 24 mois lui ont été accordés par ordonnance de référé du président du tribunal de commerce de Soissons en date du 28 janvier 2022 confirmée par arrêt de la Cour d'appel d'Amiens en date du 16 février 2023.
Aux termes du jugement dont appel, le tribunal a retenu que la convention précaire est exclue du champ d'application du statut des baux commerciaux en application de l'article L.145-5-1 de code de commerce et que les dispositions du code général de la propriété publique notamment son article L.2122-2, permet de retenir que le bien objet de la convention entre la Sarl Aisne Plastiques Industrie et la commune de Château-Thierry fait partie du domaine public de telle sorte que la convention doit être qualifiée de convention d'occupation précaire, la demande de la Sarl Aisne Plastiques Industrie de voir retenue la qualification de bail dérogatoire étant rejetée.
Or, le moyen tiré de l'application des dispositions du code la propriété publique n'ayant pas été soumis à la discussion des parties, la Sarl Aisne Plastiques Industrie est bien fondée à faire valoir qu'il n'appartient pas au juge judiciaire de se prononcer sur le fait que le bien litigieux et la convention y afférant, relèvent du domaine public.
Sur ce point, la commune de [Localité 6] entend faire valoir que le moyen ne constitue pas un moyen sérieux de réformation du jugement en ce que la cour n'est pas saisie par la Sarl Aisne Plastiques Industrie d'une demande d'infirmation du jugement s'agissant de la question de son occupation sans droit ni titre et de l'obligation qui lui est faite de libérer les lieux outre sa condamnation au paiement de la somme de 73.840 euros.
Or, il ressort de la déclaration d'appel en date du 27 décembre 2024 et des premières conclusions déposées par la Sarl Aisne Plastiques Industrie devant la cour que cette dernière conteste le fait pour le tribunal d'avoir déclaré qu'elle occupe les locaux sans droit ni titre avec toutes conséquences y attachées s'agissant notamment de son expulsion des lieux loués.
Ainsi la cour qui est saisie de la totalité des chefs du jugement, pourra apprécier l'existence d'un droit au maintien dans les lieux de la Sarl Aisne Plastiques Industrie dont il apparaît qu'elle n'a pas donné suite aux demandes de renouvellement de la convention précaire existant jusqu'en 2008 et n'a réglé aucune somme au titre de son occupation depuis plusieurs années sachant qu'il lui appartient de démontrer que l'exécution provisoire du jugement aurait pour elle des conséquences manifestement excessives, les conditions de l'article 514-3 du code de procédure civile étant cumulatives.
A défaut pour elle d'avoir formé des observations en premier instance sur les conséquences de l'exécution provisoire, il lui appartient de démontrer que ses conséquences se sont révélées postérieurement au jugement dont appel.
Or, tout en revendiquant le droit de jouir des locaux appartenant au domaine privé de la commune de [Localité 6], la Sarl Aisne Plastiques Industrie ne prétend, ni ne démontre avoir réglé quelque somme que ce soit au propriétaire des lieux et que l'exécution provisoire aurait pour elle des conséquences manifestement excessives apparues après le jugement, le risque d'une expulsion étant connu depuis plusieurs années par la Sarl Aisne Plastiques Industrie.
En effet, la Sarl Aisne Plastiques Industrie n'a pas réglé les sommes mises à sa charge aux termes de l'ordonnance de référé du président du tribunal de commerce en date du 28 janvier 2022, confirmée par arrêt de la Cour d'appel d'Amiens en date du 16 février 2023, les délais de paiement qui lui étaient accordés étant expirés et son maintien dans les lieux sans qu'elle ne règle même les sommes dues à titre de loyers et / ou d'indemnités d'occupation courants excluant de retenir que l'exécution provisoire du jugement dont appel aurait pour elle des conséquences manifestement excessives, son expulsion et le coût élevé de son déménagement n'étant que la conséquence de sa défaillance.
Ainsi, il y a lieu compte tenu de ce qui précède de débouter la Sarl Aisne Plastiques Industrie de sa demande de suspension de l'exécution provisoire du jugement dont appel.
Sur la consignation
Aux termes de l'article 514-5 du code de procédure civile, le rejet de la demande d'arrêter l'exécution provisoire de droit peut être subordonné, à la demande d'une partie ou d'office, à la constitution d'une garantie suffisante pour répondre de toute restitution ou réparation.
En l'espèce, la demande de consignation de la Sarl Aisne Plastiques Industrie n'apparaît pas fondée en ce que le jugement dont appel relève que les parties sont d'accord sur le fait que l'indemnité annuelle due aux termes de la dernière convention d'occupation temporaire datée du 25 avril 2005 a été payée jusqu'au 31 décembre 2015, aucun versement n'ayant été effectué depuis, la somme allouée à titre de provision par l'ordonnance de référé en date du 28 février 2022 confirmé par arrêt du 16 février 2023 soit 73.840 euros correspondant au indemnités impayées entre 2016 et 2020 soit sur 5 années.
Or, la condamnation du tribunal reprenant le montant de la provision allouée en référé, laquelle ne peut donner lieu à consignation sur le fondement de l'article 521 du code de procédure civile, il y a lieu de débouter la Sarl Aisne Plastiques Industrie de sa demande, les délais antérieurement accordés ayant expiré.
Sur les frais et dépens
Il parait inéquitable de laisser à la charge de la commune de [Localité 6] les sommes qu'elle a dû exposer non comprises dans les dépens.
Il y a donc lieu de condamner la Sarl Aisne Plastiques Industrie à payer à la commune de [Localité 6] la somme de 3000 euros en application de
l'article 700 du code de procédure civile.
Enfin, la Sarl Aisne Plastiques Industrie qui succombe sera condamnée aux dépens de la présente instance en référé.
Par ces motifs,
Déboutons la Sarl Aisne Plastiques Industrie de l'ensemble de ses demandes,
Condamnons la Sarl Aisne Plastiques Industrie à payer à la commune de [Localité 6] la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
La condamnons aux dépens de la présente instance en référé.
A l'audience du 11 Septembre 2025, l'ordonnance a été rendue par mise à disposition au Greffe et la minute a été signée par Mme MANTION, Présidente et Mme VIDECOQ-TYRAN, Greffier.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,
N° 59
Copies certifiées conformes
Me Aurélie GUYOT
Me Nathalie COLIGNON-BERTIN
Me Jérôme LE ROY
Me Philippe COURT
Cour d'appel Amiens - Chambre économique
Copies exécutoires
Me Jérôme LE ROY
Me Philippe COURT
COUR D'APPEL D'AMIENS
RÉFÉRÉS
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DU 11 SEPTEMBRE 2025
*************************************************************
A l'audience publique des référés tenue le 26 Juin 2025 par Madame Chantal Mantion, Présidente de chambre déléguée par ordonnance de Madame la Première Présidente de la Cour d'Appel d'AMIENS en date du 19 Décembre 2024,
Assistée de Madame Charlotte RODRIGUES, Cadre-Greffier.
Dans la cause enregistrée sous le N° RG 25/00028 - N° Portalis DBV4-V-B7J-JJ6W du rôle général.
ENTRE :
S.A.R.L. AISNE PLASTIQUES INDUSTRIES
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par Me Aurélie GUYOT, avocat au barreau d'AMIENS
Ayant pour avocat par Me Nathalie COLIGNON-BERTIN de la SELARL SELARL COLIGNON-BERTIN, avocat au barreau de SOISSONS
Assignant en référé suivant exploit du 05 Mars 2025 par la SAS RUDEAUX et Associés, Commissaires de Justice à Chauny, d'un jugement rendu le 08 Août 2024 par le tribunal judiciaire de Soissons, enregistré sous le n° 58/24.
ET :
COMMUNE DE [Localité 6]
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée et plaidant par Me Eric POILLY, avocat au barreau d'AMIENS, substituant Me Jérôme LE ROY de la SELARL LX AVOCATS, avocat au barreau d'AMIENS
Ayant pour avocat Me Philippe COURT, avocat au barreau de SOISSONS
DEFENDERESSE au référé.
Madame la Présidente après avoir constaté qu'il s'était écoulé un temps suffisant depuis l'assignation pour que la partie assignée puisse se défendre.
Après avoir entendu en ses conclusions et sa plaidoirie Me Eric POILLY, l'affaire a été mise en délibéré au 11 Septembre 2025 pour rendre l'ordonnance par mise à disposition au Greffe.
Vu le jugement du tribunal judiciaire de Soissons en date du 8 août 2024 qui a:
- déclaré recevable la demande formée par la commune de [Localité 6] ;
- dit que la Sarl Aisne Plastiques Industrie est occupante sans droit ni titre ;
- ordonné en conséquence à la Sarl Aisne Plastiques Industrie de libérer les lieux et restituer les clés dans un délai de trois mois à compter de la signification du jugement ;
- condamné la Sarl Aisne Plastiques Industrie à verser à la commune de [Localité 6] la somme de 73.840 euros au titre de l'indemnité d'occupation due pour les cinq dernières années comprises du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2020 avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;
- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
- condamné la Sarl Aisne Plastiques Industrie à payer à la commune de [Localité 6] la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rappelé que l'exécution provisoire du jugement est de droit.
Vu l'appel formé par la Sarl Aisne Plastiques Industrie par déclaration reçue le 27 décembre 2024 au greffe de la cour ;
Par acte de commissaire de justice en date du 5 mars 2025, la Sarl Aisne Plastiques Industrie a fait assigner la commune de Château-Thierry à comparaître à l'audience de référé du 27 mars 2025 à 9h30 devant madame la Première Présidente de la Cour d'appel d'Amiens et demande de :
- constater que l'appelant est dans l'impossibilité d'exécuter la décision conformément à l'article 514-3 du code de procédure civile ;
- constater que l'exécution provisoire serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ;
En conséquence,
- ordonner la suspension de l'exécution provisoire ;
- débouter la commune de [Localité 6] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à l'encontre de la Sarl Aisne Plastiques Industrie.
L'affaire ayant été renvoyée à l'audience du 15 mai 2025, la commune de [Localité 6]
a transmis des conclusions en date du 23 avril 2025 et demande de :
- prononcer l'irrecevabilité sinon le rejet de la demande de suspension de l'exécution provisoire formulée par la Sarl Aisne Plastiques Industrie ;
- condamner la Sarl Aisne Plastiques Industrie au paiement d'une somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la Sarl Aisne Plastiques Industrie aux entiers dépens ;
- débouter la Sarl Aisne Plastiques Industrie de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires.
Par conclusions en réponse transmises le 14 mai 2025 et 25 juin 2025, la Sarl Aisne Plastiques Industrie fait valoir qu'il existe des moyens sérieux de réformation du jugement dont appel en ce que le tribunal judiciaire de Soissons n'était pas compétent pour juger que la Sarl Aisne Plastiques Industrie occupait sans droit ni titre des locaux dépendant du domaine public et pour lui enjoindre de quitter les lieux et la condamner au paiement de la somme de 73.840 euros à titre d'indemnité d'occupation.
Ainsi, elle entend démontrer qu'il existe des moyens sérieux de réformation du jugement dont appel, précisant que, contrairement à ce qui est allégué par la commune de [Localité 6], elle a formé appel de l'ensemble des dispositions du jugement.
S'agissant des conséquences manifestement excessives de l'exécution provisoire du jugement, la Sarl Aisne Plastiques Industrie fait valoir que le bâtiment occupé abrite une usine équipée de machine industrielles dont le déménagement reviendra à plus de 800.000 euros et obligera à un arrêt de l'activité, avec un risque pour la pérennité de l'entreprise alors que plusieurs dizaines d'emplois sont en jeu.
Ainsi, la Sarl Aisne Plastiques Industrie demande l'entier bénéfice de son exploit introductif d'instance et y ajoutant, elle demande subsidiairement de dire que l'exécution provisoire attachée aux condamnations pécuniaires mises à la charge de la société API s'accompagnera d'une consignation sur le compte séquestre de Monsieur le Bâtonnier de l'Ordre des Avocats de [Localité 7] ou de la caisse des dépôts et consignations.
Dans tous les cas, la Sarl Aisne Plastiques Industrie demande de débouter la commune de [Localité 6] de l'ensemble de ses demandes et de la condamner aux dépens et au paiement de la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE
Sur la suspension de l'exécution provisoire
L'article 514-3 du code de procédure civile dispose : 'En cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.
La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.'
Il y a lieu de rappeler qu'il n'appartient pas au premier président de se substituer à la cour saisie de l'appel mais de rechercher s'il existe des moyens sérieux de réformation ou d'annulation du jugement et si l'exécution provisoire du jugement risque d'avoir des conséquences manifestement excessives, les conditions de l'article 514-3 du code de procédure civile étant cumulatives.
Il ressort des termes de l'assignation délivrée à la requête de la commune de [Localité 6] à la Sarl Aisne Plastiques Industrie par acte en date du 21 mai 2021 que cette dernière, locataire suivant bail emphythéotique en date du 12 décembre 1994 consenti par la société Biscuits Belin, a conclu avec Sarl Aisne Plastiques Industrie une convention d'occupation précaire portant sur des locaux situés [Adresse 4]) pour une durée commençant le 1er janvier 1995 et se terminant le 1er janvier 1998, de nouvelles conventions d'occupation temporaire ayant été régularisées en 1998, 2002 et le 28 avril 2005.
La commune de [Localité 6] fait valoir que depuis 2008 aucune convention n'est intervenue entre les parties relativement à l'occupation de lieux malgré ses demandes adressées à la Sarl Aisne Plastiques Industrie les 5 juin 2008, 15 septembre 2008 et 20 octobre 2008 d'avoir à renouveler la convention destinée à régir l'occupation des lieux par cette dernière qui a cependant continué à régler une indemnité d'occupation jusqu'au 31 décembre 2015, la commune de [Localité 6] ayant acquis le bien le 29 juin 2016.
Aux termes de son assignation, la commune de Château-Thierry demandait principalement au tribunal de dire et juger que la Sarl Aisne Plastiques Industrie est occupante sans droit ni titre.
A titre subsidiaire, elle demandait au tribunal de prononcer la résiliation de la convention d'occupation précaire pour défaut de paiement des loyers.
Dans tous les cas, la commune de [Localité 6] demandait la condamnation de la Sarl Aisne Plastiques Industrie à lui payer la somme de 73.840 euros à titre d'indemnité d'occupation et subsidiairement à titre de loyers et son expulsion ainsi que celle de tous occupants de son chef.
En défense, la Sarl Aisne Plastiques Industrie revendiquait l'existence d'un bail commercial conformément à l'article L.145-5 du code de commerce, s'opposant en outre à l'expulsion demandée au motif que des délais de paiement de 24 mois lui ont été accordés par ordonnance de référé du président du tribunal de commerce de Soissons en date du 28 janvier 2022 confirmée par arrêt de la Cour d'appel d'Amiens en date du 16 février 2023.
Aux termes du jugement dont appel, le tribunal a retenu que la convention précaire est exclue du champ d'application du statut des baux commerciaux en application de l'article L.145-5-1 de code de commerce et que les dispositions du code général de la propriété publique notamment son article L.2122-2, permet de retenir que le bien objet de la convention entre la Sarl Aisne Plastiques Industrie et la commune de Château-Thierry fait partie du domaine public de telle sorte que la convention doit être qualifiée de convention d'occupation précaire, la demande de la Sarl Aisne Plastiques Industrie de voir retenue la qualification de bail dérogatoire étant rejetée.
Or, le moyen tiré de l'application des dispositions du code la propriété publique n'ayant pas été soumis à la discussion des parties, la Sarl Aisne Plastiques Industrie est bien fondée à faire valoir qu'il n'appartient pas au juge judiciaire de se prononcer sur le fait que le bien litigieux et la convention y afférant, relèvent du domaine public.
Sur ce point, la commune de [Localité 6] entend faire valoir que le moyen ne constitue pas un moyen sérieux de réformation du jugement en ce que la cour n'est pas saisie par la Sarl Aisne Plastiques Industrie d'une demande d'infirmation du jugement s'agissant de la question de son occupation sans droit ni titre et de l'obligation qui lui est faite de libérer les lieux outre sa condamnation au paiement de la somme de 73.840 euros.
Or, il ressort de la déclaration d'appel en date du 27 décembre 2024 et des premières conclusions déposées par la Sarl Aisne Plastiques Industrie devant la cour que cette dernière conteste le fait pour le tribunal d'avoir déclaré qu'elle occupe les locaux sans droit ni titre avec toutes conséquences y attachées s'agissant notamment de son expulsion des lieux loués.
Ainsi la cour qui est saisie de la totalité des chefs du jugement, pourra apprécier l'existence d'un droit au maintien dans les lieux de la Sarl Aisne Plastiques Industrie dont il apparaît qu'elle n'a pas donné suite aux demandes de renouvellement de la convention précaire existant jusqu'en 2008 et n'a réglé aucune somme au titre de son occupation depuis plusieurs années sachant qu'il lui appartient de démontrer que l'exécution provisoire du jugement aurait pour elle des conséquences manifestement excessives, les conditions de l'article 514-3 du code de procédure civile étant cumulatives.
A défaut pour elle d'avoir formé des observations en premier instance sur les conséquences de l'exécution provisoire, il lui appartient de démontrer que ses conséquences se sont révélées postérieurement au jugement dont appel.
Or, tout en revendiquant le droit de jouir des locaux appartenant au domaine privé de la commune de [Localité 6], la Sarl Aisne Plastiques Industrie ne prétend, ni ne démontre avoir réglé quelque somme que ce soit au propriétaire des lieux et que l'exécution provisoire aurait pour elle des conséquences manifestement excessives apparues après le jugement, le risque d'une expulsion étant connu depuis plusieurs années par la Sarl Aisne Plastiques Industrie.
En effet, la Sarl Aisne Plastiques Industrie n'a pas réglé les sommes mises à sa charge aux termes de l'ordonnance de référé du président du tribunal de commerce en date du 28 janvier 2022, confirmée par arrêt de la Cour d'appel d'Amiens en date du 16 février 2023, les délais de paiement qui lui étaient accordés étant expirés et son maintien dans les lieux sans qu'elle ne règle même les sommes dues à titre de loyers et / ou d'indemnités d'occupation courants excluant de retenir que l'exécution provisoire du jugement dont appel aurait pour elle des conséquences manifestement excessives, son expulsion et le coût élevé de son déménagement n'étant que la conséquence de sa défaillance.
Ainsi, il y a lieu compte tenu de ce qui précède de débouter la Sarl Aisne Plastiques Industrie de sa demande de suspension de l'exécution provisoire du jugement dont appel.
Sur la consignation
Aux termes de l'article 514-5 du code de procédure civile, le rejet de la demande d'arrêter l'exécution provisoire de droit peut être subordonné, à la demande d'une partie ou d'office, à la constitution d'une garantie suffisante pour répondre de toute restitution ou réparation.
En l'espèce, la demande de consignation de la Sarl Aisne Plastiques Industrie n'apparaît pas fondée en ce que le jugement dont appel relève que les parties sont d'accord sur le fait que l'indemnité annuelle due aux termes de la dernière convention d'occupation temporaire datée du 25 avril 2005 a été payée jusqu'au 31 décembre 2015, aucun versement n'ayant été effectué depuis, la somme allouée à titre de provision par l'ordonnance de référé en date du 28 février 2022 confirmé par arrêt du 16 février 2023 soit 73.840 euros correspondant au indemnités impayées entre 2016 et 2020 soit sur 5 années.
Or, la condamnation du tribunal reprenant le montant de la provision allouée en référé, laquelle ne peut donner lieu à consignation sur le fondement de l'article 521 du code de procédure civile, il y a lieu de débouter la Sarl Aisne Plastiques Industrie de sa demande, les délais antérieurement accordés ayant expiré.
Sur les frais et dépens
Il parait inéquitable de laisser à la charge de la commune de [Localité 6] les sommes qu'elle a dû exposer non comprises dans les dépens.
Il y a donc lieu de condamner la Sarl Aisne Plastiques Industrie à payer à la commune de [Localité 6] la somme de 3000 euros en application de
l'article 700 du code de procédure civile.
Enfin, la Sarl Aisne Plastiques Industrie qui succombe sera condamnée aux dépens de la présente instance en référé.
Par ces motifs,
Déboutons la Sarl Aisne Plastiques Industrie de l'ensemble de ses demandes,
Condamnons la Sarl Aisne Plastiques Industrie à payer à la commune de [Localité 6] la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
La condamnons aux dépens de la présente instance en référé.
A l'audience du 11 Septembre 2025, l'ordonnance a été rendue par mise à disposition au Greffe et la minute a été signée par Mme MANTION, Présidente et Mme VIDECOQ-TYRAN, Greffier.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,