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Décisions

CA Douai, ch. 8 sect. 4, 11 septembre 2025, n° 24/05453

DOUAI

Ordonnance

Autre

CA Douai n° 24/05453

11 septembre 2025

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 4

ORDONNANCE DU 11/09/2025

*

* *

N° de MINUTE :25/617

N° RG 24/05453 - N° Portalis DBVT-V-B7I-V4CN

Jugement rendu par le TJ de [Localité 10] en date du 05 Décembre 2023

DEMANDEUR A L'INCIDENT

Monsieur [I] [C], [Y] [W]

né le 23 Juillet 1980 à [Localité 10]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représenté pr Me Crunelle, avocat au barreau de Béthune , avocat constitué

DEFENDEURS A L'INCIDENT

Monsieur [N] [Z]

né le 01 Juin 1975 à [Localité 11]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 8]

Représenté par Me Congos, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

Monsieur [T] [O]

né le 18 Juin 1985 à [Localité 13]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 7]

Madame [A] [G] épouse [O]

née le 18 Novembre 1986 à [Localité 13]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentés par Me Schôner, avocat au barreau de Béthune, avocat constitué

Madame [P] [F]

née le 06 Décembre 1973 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Bertrand, avocat au barreau de Béthune, avocat constitué

MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT : Isabelle Facon

GREFFIER : Harmony Poyteau

DÉBATS : à l'audience du 17 juin 2025

ORDONNANCE prononcée par mise à disposition au greffe le 11/09/2025

***

Par acte sous seing privé du 5 mai 2018, M. [N] [Z] a donné à bail commercial à société DH Carrosserie un local situé à [Adresse 12], moyennant un loyer annuel de 12 000 euros hors taxes, soit par termes mensuels de 1 000 euros hors taxes plus un acompte provisionnel de 150 euros pour la part contributive du preneur dans la taxe foncière, sauf remboursement du solde en fin d'année.

MM. [I] [W] et [T] [O], Mmes [A] [G] et [P] [F] se sont portés cautions solidaires du preneur.

Par jugement du tribunal de commerce d'Arras en date du 20 novembre 2020, la société DH Carrosserie a été placée en liquidation judiciaire simplifiée.

Par acte signifié le 12 janvier 2022, M. [Z] a fait assigner MM. [I] [W] et [T] [O] ainsi que Mmes [A] [G] et [P] [F] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de judiciaire de Béthune en vue d'obtenir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, leur condamnation solidaire au paiement de la somme de 50 311,80 euros au titre d'un arriéré de loyers correspondant à la période du 5 mai 2021 au 4 mai 2024 ainsi que 7 191,34 euros au titre des loyers impayés pour la période du 1er décembre 2020 au 4 mai 2021, en sus des dépens.

Suivant jugement en date du 5 décembre 2023, auquel il y a lieu de se référer pour un exposé exhaustif du dispositif s'agissant du rappel de mentions légales, le juge des contentieux de la protection a :

Condamné solidairement MM. [W] et [O] ainsi que Mmes [G] et [F], cautions de la société DH Carrosserie, à payer à M. [Z] la somme de 1 645,16 euros au titre des loyers impayés pour la période courant du 1er décembre 2020 au 20 janvier 2021 ;

Rejeté toutes demandes plus amples ou contraires ;

Dit que M. [Z] supportera les entiers dépens ;

Rappelé que ce jugement bénéficie de l'exécution provisoire de plein droit.

M. [Z] a interjeté appel de cette décision par déclaration du 19 novembre 2024, déclaration d'appel critiquant chacune des dispositions de la décision entreprise.

M. [T] [O] et Mme [A] [G] ont constitué avocat le 6 décembre 2024, M. [I] [W] le 19 décembre 2024 et Mme [F] le 23 janvier 2025.

M. [N] [Z] a notifié ses conclusions au fond aux autres parties par courrier électronique du 5 décembre 2024.

Dans ses conclusions d'incident notifiées par voie électronique le 10 février 2025, M. [W] demande au conseiller de la mise en état de :

Prononcer la caducité de la déclaration d'appel de M. [Z] en date du 19 novembre 2023 en ce qu'elle indique que « Monsieur [Z] [N] interjette appel nullité et ou réformation du jugement rendu le 05 12 2023 par le tribunal judiciaire de Béthune en toutes ses dispositions » ;

Prononcer la caducité de la déclaration d'appel de M. [Z] en date du 19 novembre 2023 en ce qu'elle indique : « et notamment en ce qu'il a débouté Monsieur de ses demandes de paiement des loyers pour la période du 05 mai 2021 au 04 mai 2024 » ;

En conséquence, prononcer la caducité de la déclaration d'appel n° 24/06678 de M. [Z] en date du 19 novembre 2024 en ce qu'elle indique que « Monsieur [Z] [N] interjette appel nullité et ou réformation du jugement rendu le 05 12 2023 par le tribunal judiciaire de Béthune en toutes ses dispositions ; et notamment en ce qu'il a débouté Monsieur de ses demandes de paiement des loyers pour la période du 05 mai 2021 au 04 mai 2024 » ;

Déclarer l'irrecevabilité des conclusions d'appelant de M. [Z] en date du 19 décembre 2023 en ce que le dispositif se contente d'indiquer « Réformer la décision entreprise en toutes ses dispositions » ;

Condamner M. [Z] à payer à M. [W] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamner M. [Z] aux entiers dépens de l'appel.

Dans ses conclusions d'incident notifiées par voie électronique le 27 février 2025, M. [O] demande au conseiller de la mise en état de :

Prononcer la caducité de la déclaration d'appel de M. [Z] du 19 novembre 2023 en ce qu'elle indique interjeter « appel nullité ou réformation du jugement rendu le 05 12 2023 par le tribunal judiciaire de Béthune en toutes ses dispositions » ;

Prononcer la caducité de la déclaration d'appel de M. [Z] du 19 novembre 2023 en ce qu'elle mentionne « en ce qu'il a débouté Monsieur de ses demandes de paiement des loyers pour la période du 05 mai 2021 au 04 mai 2024 » ;

Déclarer l'irrecevabilité des conclusions d'appelant de M. [Z] du 19 décembre 2023 en ce que le dispositif se borne à indiquer « réformer la décision entreprise en toutes ses dispositions » ;

Condamner M. [Z] à payer à M. [O] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner M. [Z] aux entiers dépens de l'appel.

Dans ses conclusions d'incident notifiées par voie électronique le 11 mars 2025, Mme [P] [F] demande au conseiller de la mise en état de :

Prononcer la nullité de la déclaration d'appel de M. [Z] en date du 19 novembre 2023 en ce qu'elle indique que « Monsieur [Z] [N] interjette appel nullité et ou réformation du jugement rendu le 5 décembre 2023 par le tribunal judiciaire de Béthune dans toutes ses dispositions » ;

Prononcer la nullité de la déclaration d'appel de M. [Z] en date du 19 novembre 2023 en ce qu'elle indique : « et notamment en ce qu'il a débouté Monsieur de ses demandes de paiement des loyers pour la période du 5 mai 2021 au 4 mai 2024 » ;

Déclarer irrecevables les conclusions d'appelant de M. [Z] signifiées à Mme [F] le 11 décembre 2024 en ce que le dispositif se contente d'indiquer « réformer la décision entreprise dans toutes ces dispositions » ;

Condamner M. [Z] à payer à Mme [F] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de du code de procédure civile.

Dans ses conclusions d'incident notifiées par voie électronique le 26 février 2025, M. [Z] demande au conseiller de la mise en état de :

Constater la régularité de la déclaration d'appel en ce qu'elle n'était pas limitée ;

Déclarer les conclusions d'appelant recevables ;

En tout état de cause :

Débouter les intimés de l'ensemble de leurs demandes plus amples et contraires au titre de l'article 901 du code de procédure civile ;

Condamner solidairement les intimés au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est renvoyé aux conclusions pour un exposé détaillé des demandes et des moyens en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS :

Sur la nullité de la déclaration d'appel

Aux termes de l'article 901 du code de procédure civile, la déclaration d'appel, qui peut comporter une annexe, est faite par un acte contenant, à peine de nullité :

1° Pour chacun des appelants :

a) Lorsqu'il s'agit d'une personne physique, ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ;

b) Lorsqu'il s'agit d'une personne morale, sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement ;

2° Pour chacun des intimés, l'indication de ses nom, prénoms et domicile s'il s'agit d'une personne physique ou de sa dénomination et de son siège social s'il s'agit d'une personne morale ;

3° La constitution de l'avocat de l'appelant ;

4° L'indication de la cour devant laquelle l'appel est porté ;

5° L'indication de la décision attaquée ;

6° L'objet de l'appel en ce qu'il tend à l'infirmation ou à l'annulation du jugement ;

7° Les chefs du dispositif du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est, sans préjudice du premier alinéa de l'article 915-2, limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement.

Elle est datée et signée par l'avocat constitué. Elle est accompagnée d'une copie de la décision et sa remise au greffe vaut demande d'inscription au rôle.

Les demandeurs à l'incident demande la nullité ou la caducité de la déclaration d'appel pour deux motifs, l'un d'entre eux évoquant l'absence d'effet dévolutif :

- la déclaration d'appel indique que l'appelant interjette appel nullité et ou réformation de la décision entreprise

- la déclaration d'appel ne précise pas les chefs de jugement critiqués, et ne permettrait pas de connaître précisément ce que l'appelant entend remettre en question devant la cour.

La déclaration d'appel du 19 novembre 2024 mentionne l'objet suivant :

'Monsieur [Z] [N] interjette appel nullité et ou réformation du jugement rendu le 5 décembre 2023 par le tribunal judiciaire de Béthune en toutes ses dispositions ; et notamment en ce qu'il a débouté Monsieur de ses demandes de paiements des loyers pour la période du 05 mai 2021 au 04 mai 2024 et en ce qu'il l'a condamné aux entiers dépens.'

Sur le premier point, la cour de cassation a jugé que l'appelant peut faire, dans la même déclaration d'appel, un appel-nullité principal et un appel-réformation subsidiaire. (Civ. 2ème, 8 juin 2023, n° 21-22.263), de sorte qu'il devra être retenu que l'appel de M. [N] [Z] visait tant la nullité que la réformation du jugement.

Sur le second point, il convient de comparer le dispositif de la décision contestée avec la déclaration d'appel.

Etant rappelé que la sanction de la nullité de la déclaration d'appel se distingue de celle de l'absence d'effet dévolutif, la cour de cassation a jugé qu'en application des articles L. 311-1 du code de l'organisation judiciaire et 542 du code de procédure civile, seule la cour d'appel, dans sa formation collégiale, a le pouvoir de statuer sur l'absence d'effet dévolutif, à l'exclusion du conseiller de la mise en état dont les pouvoirs sont strictement définis à l'article 914 du code de procédure civile. (Civ 2e, 19 mai 2022, n° 121-106854)

En l'espèce, M. [N] [Z] a saisi le tribunal de deux demandes en paiement de loyers, l'une à hauteur de 50 311.80 euros pour la période du 5 mai 2021 au 4 mai 2024 et une autre à hauteur de 7 191.34 euros pour la période du 1er décembre 2020 au 4 mai 2021, outre la charge des dépens.

Le jugement du 5 décembre 2023 a rejeté la première demande, a limité la seconde à hauteur de la somme de 1 645.16 euros et a condamné M. [N] [Z] aux dépens.

Il résulte de la déclaration d'appel que M. [N] [Z] a exposé faire notamment appel des dispositions du jugement le déboutant de sa première demande en paiement des loyers pour la période du 05 mai 2021 au 04 mai 2024 et le condamnant aux entiers dépens.

Statuant dans la limite des compétences du conseiller de la mise en état, il apparaît que la déclaration d'appel, telle qu'elle a été rédigé, n'est pas nulle, sur le fondement de l'article 901 du code de procédure civile, en ce qu'elle expose les chefs du dispositif du jugement expressément critiqués.

Sur l'irrecevabilité des conclusions

Aux termes des dispositions de l'article 915-2 du code de procédure civile, résultant du décret de procédure du 29 décembre 2023, en vigueur au 1er septembre 2024, l'appelant principal peut compléter, retrancher ou rectifier, dans le dispositif de ses premières conclusions remises dans les délais prévus au premier alinéa de l'article 906-2 et à l'article 908, les chefs du dispositif du jugement critiqués mentionnés dans la déclaration d'appel. La cour est saisie des chefs du dispositif du jugement ainsi déterminés et de ceux qui en dépendent.

A peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 906-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

Néanmoins, et sans préjudice de l'article 914-3, demeurent recevables, dans les limites des chefs du dispositif du jugement critiqués et de ceux qui en dépendent, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Le dispositif des conclusions de M. [Z] est rédigé de la façon suivante :

'Vu l'article 1134 du code civil, les moyens qui précèdent et les pièces versées aux débats,

Vu les articles 1103, 1104 et 2288 du code civil,

Vu 1'article L145-9 du code de commerce,

Vu le contrat de bail commercial et les cautions,

DECLARER l'appel recevable ;

REFORMER la décision entreprise en toutes ses dispositions ;

A titre principal,

CONDAMNER solidairement Monsieur [I] [W], Monsieur [T] [O], Madame [A] [G] et Madame [P] [F], au paiement de la somme de 57 503,14 € à Monsieur [Z] [N] au titre des de loyers impayés du 1er décembre 2020 au 4 mai 2024, au taux légal ç compter de l'assignation introductive d'instance

A titre subsidiaire,

CONDAMNER solidairement Monsieur [I] [W], Monsieur [T] [O], Madame [A] [G] et Madame [P] [F], au paiement de la somme de

7 191,34 € à Monsieur [Z] [N] au titre des loyers impayés du 1er décembre 2020 au

04 mai 2021 au taux légal à compter du l'assignation introductive d'instance.

En tout état de cause,

CONDAMNER Monsieur [I] [W], Monsieur [T] [O], Madame [A] [G] et Madame [P] [F] au paiement de 2 400 euros au titre de l'article 700 du CPC.

CONDAMNER Monsieur [I] [W], Monsieur [T] [O], Madame [A] [G], Madame [P] [F], aux dépens.'

Les parties demanderesses à l'incident reproche à l'appelant de ne pas avoir régularisé la déclaration d'appel en demandant la réformation de la décision entreprise en toutes ses dispositions, 'sans compléter, retrancher ou rectifier le dispositif du jugement'.

Il résulte pour autant du dispositif des conclusions d'appel qu'il donne à connaître de manière très claire ce qui est soumis à réformation, les parties ne reprochant pas à l'appelant de ne pas avoir spécifiquement sollicité l'infirmation de la décision.

Les conclusions de M. [N] [Z] seront par conséquent déclarées recevables.

Sur les frais de l'incident de procédure

En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, le sens du présent arrêt conduit à condamner in solidum les intimées, parties perdantes à l'incident de procédure, aux dépens de l'incident.

En outre, en équité, elles seront condamnées in solidum à payer à M. [N] [Z] la somme de 500 euros, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés pour sa défense au présent incident d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Déboute MM. [I] [W] et [T] [O], Mmes [A] [G] et [P] [F] de leurs demandes aux fins de nullité de la déclaration d'appel de M. [N] [Z] et d'irrecevabilité de ses conclusions.

Condamne MM. [I] [W] et [T] [O], Mmes [A] [G] et [P] [F] in solidum aux dépens de l'incident et à payer à M. [N] [Z] la somme de 500 euros, au titre des frais irrépétibles exposés pour sa défense au présent incident d'appel.

La Greffière Le Conseiller de la mise en état

Harmony Poyteau Isabelle Facon

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