CA Grenoble, ch. com., 11 septembre 2025, n° 25/00697
GRENOBLE
Arrêt
Autre
N° RG 25/00697 - N° Portalis DBVM-V-B7J-MS5H
C4
Minute N°
Copie exécutoire
délivrée le :
la SELARL L.[Localité 6]-MOLLARD
la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 11 SEPTEMBRE 2025
Appel d'un jugement (N° RG 24/02359)
rendu par le Tribunal judiciaire de Grenoble
en date du 10 février 2025
suivant déclaration d'appel du 24 février 2025
APPELANTE :
SCI DU [Adresse 3], [11] civile immobiliére au capital de 74.090,22 €, inscrite au RCS de GRENOBLE sous le numéro 425 376 738, représentée par sa gérante en exercice domiciliée ès qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Laurence BESSON-MOLLARD de la SELARL L.BESSON-MOLLARD, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉE :
La Société [Localité 7] INVEST HOTEL, Société par Actions Simplifiée, au capital de 3 841,30 €, inscrite au RCS de [Localité 9] sous le n° 902 813 039, représentée par sa Présidente en exercice la Société SOFRA, Société Anonyme à conseil d'administration, RCS [Localité 9] 324 803 915, elle-même agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés es-qualité audit siège, exerçant sous le nouveau nom commercial « CAMPANILE [Localité 7] CENTRE GARE » venant aux droits au bail commercial de la SARL 3984, pour en être cessionnaire
[Adresse 3]
[Localité 2]
représenté par Me Alain GONDOUIN, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Marie-Pierre FIGUET, Présidente,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
Mme Raphaële FAIVRE, Conseillère,
Assistés lors des débats de Mme Solène ROUX, greffière
DÉBATS :
A l'audience publique du 22 Mai 2025, M. Bruno, Conseiller, a été entendu en son rapport,
Les avocats ont été entendus en leurs conclusions,
Puis l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu ce jour,
Faits et procédure :
1. Par acte notarié en date du 31 décembre 1987, la Sci du [Adresse 5] a donné à bail à la Société Suisse & Bordeaux, aux droits de laquelle s'est trouvée la Sarl 3984 puis la société [Localité 7] Invest Hôtel, la partie hôtel avec appartement de fonction d'un immeuble situé [Adresse 5] (38) à usage d'hôtel et de restauration à titre accessoire dans le cadre de séminaires ou groupes et à usage exclusif des personnes participant à ces séminaires ou groupes.
2. Par avenant du 13 octobre 2004, le bail a été renouvelé pour une durée de 9 années à compter du 1er novembre 2004. II a été de nouveau renouvelé par avenant du 1er septembre 2016, pour une durée de 9 années à compter du 1er novembre 2014. Le loyer a été porté à la somme de 88.000 euros hors taxes (HT) et hors charges (HC).
3. la Sci du [Adresse 3] a fait délivrer au preneur un congé avec offre de renouvellement pour le 31 octobre 2023, par acte extra-judiciaire du 26 avril 2023 moyennant le prix de 118.000 euros annuel HT et HC, le loyer en cours étant de 100.287,36 euros HT et HC.
4. Par acte du 26 octobre 2023, la Sarl 3984 a répondu accepter le principe du renouvellement du bail mais pas le loyer proposé, qu'elle a entendu voir maintenu à celui de l'ancien bail, soit la somme de 98.000 euros HT et HC.
5. Par un mémoire notifié le 28 décembre 2023 à la société locataire, par lettre recommandée avec accusé de réception, la Sci du [Adresse 5] a sollicité la désignation d'un expert judiciaire chargé de rechercher la valeur locative en considération de la méthode hôtelière et le maintien, durant l'instance, de l'ancien loyer, ou à défaut, d'un loyer de 100.287,36 euros HT et HC.
6. Par acte du 12 avril 2024,la Sci du [Adresse 5] a assigné la Sarl 3984 devant le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Grenoble, afin notamment de voir constater le renouvellement du bail la liant à la Sarl 3984, et, avant dire droit, de désigner un expert chargé de rechercher la valeur locative des lieux loués, aux frais avancés de la Sci du [Adresse 3]. Elle a demandé, à titre subsidiaire, de fixer le loyer provisionnel dû à compter du 1er novembre 2023 et jusqu'à fixation du prix définitif à la somme de 100.287,36 euros HT / an, outre charges, taxes et accessoires, avec indexation conformément à la clause d'échelle mobile du bail expiré.
7. Par jugement du 10 février 2025, le juge des loyers commerciaux :
- a reçu l'intervention volontaire de la Sas [Localité 7] Invest Hôtel ;
- a mis hors de cause la Sarl 3984 ;
- s'est déclaré incompétent au profit de la 4ème chambre civile du tribunal judiciaire de Grenoble pour connaître du présent litige opposant la Sci du [Adresse 4] à la Sas [Localité 7] Invest Hôtel ;
- a dit que le dossier de l'affaire avec copie du présent jugement sera transmis par le secrétariat greffe à la juridiction sus-désignée, faute d'appel dans les quinze jours de la notification de la présente décision, en application des dispositions de l'article 82 du code de procédure civile ;
- a réservé les demandes.
8. la Sci du [Adresse 3] a interjeté appel de cette décision le 24 février 2025, en ce que le juge des loyers commerciaux :
- s'est déclaré incompétent au profit de la 4ème chambre civile du tribunal judiciaire de Grenoble pour connaître du présent litige opposant la Sci du [Adresse 4] à la Sas [Localité 7] Invest Hôtel ;
- a dit que le dossier de l'affaire avec copie du présent jugement sera transmis par le secrétariat greffe à la juridiction sus-désignée, faute d'appel dans les quinze jours de la notification de la présente décision, en application des dispositions de l'article 82 du code de procédure civile.
Prétentions et moyens de la Sci du [Adresse 3] :
9. Selon son assignation à jour fixe signifiée le 25 mars 2025, elle demande à la cour :
- d'infirmer le jugement déféré en ce que le juge des loyers commerciaux s'est déclaré incompétent au profit de la 4ème chambre civile du tribunal judiciaire de Grenoble pour connaître de l'ensemble des demandes dont il était saisi ;
- statuant à nouveau, de con'rmer la compétence du juge des loyers à connaître des demandes relatives à la 'xation du prix du loyer du bail renouvelé et notamment des demandes suivantes :
* constater le renouvellement du bail liant la Sci du [Adresse 3] à la [10] 3984 et portant sur la partie du bâtiment dédiée à l'exploitation de l'hôtel outre appartement de fonction et dépendances sis [Adresse 5] au 1er novembre 2023 ;
* avant dire droit, désigner un expert chargé de rechercher la valeur locative des lieux loués, en considération de la méthode hôtelière, à la date du 1er novembre 2023 en vue de la 'xation du prix du loyer du bail renouvelé à cette échéance, aux frais avancés de la Sci du [Adresse 3] et sous réserve de compte ;
* rappeler qu'à compter du 1er novembre 2023 et jusqu'à 'xation du prix définitif, la Sarl 3984 reste tenue au paiement du loyer sur la base de l'ancien loyer, outre indexation conforme à la clause d'échelle mobile du bail expiré, accessoires, charges et taxes en sus ;
* à titre subsidiaire, fixer le loyer provisionnel dû à compter du 1er novembre 2023 et jusqu'à 'xation du prix dé'nitif à la somme de 100.287,36 euros HT/ an, outre charges, taxes et accessoires ;
* dire que le loyer provisionnel sera indexé conformément à la clause d'échelle mobile du bail expiré ;
* à titre plus subsidiaire, fixer le loyer provisionnel dû à compter du 1er novembre 2023 et jusqu'à 'xation du prix dé'nitif à la somme de 100.287,36 euros HT/an, outre charges, taxes et accessoires ;
* dire que le loyer provisionnel sera indexé annuellement et automatiquement en fonction de l'lLC au 1er novembre de chaque année, à compter du 1er novembre 2024, l'indice de référence étant le dernier indice publié à la date de l'indexation par référence au même indice l'année précédente ;
* surseoir à statuer, dans l'attente du rapport de l'expertise judiciaire, sur la demande de 'xation définitive du prix du loyer du bail renouvelé au 1er novembre 2023 et la demande d'indemnisation au titre des frais irrépétibles formée par la concluante ainsi que sur le sort des dépens de l'instance en ce compris la charge 'nale des frais d'expertise ;
- de renvoyer l'affaire devant le juge des loyers commerciaux de [Localité 7] pour qu'il statue sur ces demandes ;
- de con'rmer, en revanche, la compétence du tribunal judiciaire à connaître des demandes en nullité de la clause d'échelle mobile et de la demande de production sous astreinte de quittance de loyer, formées à titre reconventionnel par la Sas [Localité 7] Invest Hôtel et renvoyer l'affaire devant le tribunal judiciaire de Grenoble pour qu'il statue sur ces demandes ;
- de condamner la Sas [Localité 7] Invest Hôtel à payer à la concluante une indemnité de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d'appel.
10. L'appelante expose :
11. - que pour se déclarer incompétent à connaître non seulement de la demande reconventionnelle relative à la nullité de la clause d'échelle mobile, considération soutenue par les parties, mais aussi des demandes principales tendant à la 'xation du prix du loyer du bail renouvelé ( désignation d'un expert avant dire droit, 'xation d'un loyer provisionnel pendant l'instance), le premier juge a retenu que la compétence du juge des loyers commerciaux est d'interprétation stricte et qu'il ne peut connaître que des demandes incidentes entrant dans sa compétence d'attribution, et ainsi pas de la demande en nullité de la clause d'échelle mobile, ce que personne ne conteste ;
12. - que cependant, ce dernier point ne l'autorisait pas à décliner sa compétence concernant la fixation du prix du bail renouvelé, qui constituait l'objet de la demande principale, et qui entrait dans son champ de compétence d'ordre public, au titre de l'article R145-23 du code de commerce ;
13. - que pour fixer le prix du bail renouvelé, le juge n'avait pas besoin de statuer sur la validité de la clause d'échelle mobile qui s'appliquait au bail échu, de sorte qu'il n'existe pas de question préjudicielle, cette question ne concernant que la fixation du loyer provisionnel pendant l'instance en fixation au sens de l'article L145-57 du code de commerce ;
14. - que le premier juge disposait ainsi d'une alternative lui permettant, tout en ordonnant l'expertise, soit de dire que le preneur est tenu de continuer à régler le loyer au prix ancien dans l'attente de la décision à intervenir sur la validité de la clause d'échelle mobile, soit de fixer lui-même le loyer provisionnel avec ses conditions d'évolution pendant le cours de l'instance.
Prétentions et moyens de la société [Localité 7] Invest Hôtel, venant aux droits de la Sarl 3984 :
15. Selon ses conclusions remises par voie électronique le 15 mai 2025, elle demande à la cour :
- de déclarer la Sci du [Adresse 3] irrecevable en son appel sur la compétence, et la débouter de toutes ses prétentions ;
- subsidiairement, de confirmer le jugement déféré en ce que le juge s'est déclaré incompétent au profit de la 4ème chambre civile du tribunal judiciaire de Grenoble pour connaître du litige opposant les parties; dit que le dossier de l'affaire avec une copie du jugement sera transmis par le secrétariat greffe à la juridiction sus-désignée, faute d'appel dans les 15 jours de la notification du jugement, en application de l'article 82 du code de procédure civile; réservé les demandes ;
- de déclarer irrecevable les demandes subsidiaires de fixation d'un loyer provisionnel, car nouvelles en cause d'appel ;
- à défaut, de débouter l'appelante de ses demandes subsidiaires de fixation d'un loyer provisionnel et de fixation d'un loyer provisionnel annuel à hauteur de 100.287,36 euros ;
- si la cour entend évoquer cette question, de fixer le loyer provisionnel à la somme de 98.000 euros annuel telle que déterminée dans le rapport d'expertise de M.[I] ;
- de débouter la Sci du [Adresse 3] de sa demande d'indexation du loyer provisionnel sur la base de la clause d'échelle mobile puisque la validité de celle-ci est contestée sur le fond et que c'est bien en raison de ses demandes complexes que la Sci du [Adresse 3] a elle-même amené une décision complexe sur la compétence ;
- de débouter la Sci du [Adresse 3] de sa demande de substitution de l'[8] à l'indice initial nul ;
- de renvoyer en tout état de cause l'affaire et les parties ensuite de l'acceptation du renouvellement du bail devant le juge des loyers commerciaux de Grenoble qui a réservé les demandes, mais confirmé conformément aux demandes de l'appelante la compétence du tribunal judiciaire à connaître des demandes en
nullité de la clause d'échelle mobile et de la demande de production sous astreinte des quittances de loyer ;
- de débouter la Sci du [Adresse 3] de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens ;
- de condamner la Sci du [Adresse 3] à payer la société [Localité 7] Invest Hôtel une somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
16. L'intimée soutient :
17.- sur la recevabilité de l'appel, que l'appelante a relevé appel uniquement sur le fait que le premier juge a décliné sa compétence à statuer sur le prix du loyer du bail renouvelé, sans interjeter appel de la disposition par laquelle le juge a réservé les demandes au fond sur ce point ;
18. - sur le fond, que la concluante s'en remet à l'appréciation de la cour, puisqu'il n'est pas contesté que l'appréciation de la validité de la clause d'échelle mobile échappe à la compétence du juge des loyers commerciaux, alors que l'article R142-23 dispose que si les contestations relatives à la fixation du prix du loyer sont de la compétence du juge des loyers commerciaux, alors que les autres contestations sont portées devant le tribunal judiciaire, ce dernier peut, accessoirement, se prononcer sur les contestations concernant le prix du loyer ;
19. - que la difficulté résulte dans le fait que l'appelante a demandé de fixer un loyer provisionnel, sur la base de l'ancien loyer qui procédait d'une indexation contestée au fond ;
20. - que la concluante ne s'oppose pas à ce que la cour, si elle estime devoir évoquer, désigne un expert afin de déterminer le montant du loyer du bail renouvelé ;
21. - que la demande de l'appelante tendant à la fixation d'un loyer provisionnel sur la base de l'ancien loyer indexé n'est pas recevable, puisque l'appelante reconnaît que la question de la validité de la clause d'indexation reste dépendante du jugement à intervenir devant le tribunal judiciaire ;
22. - qu'elle ne peut pas plus demander la fixation de ce loyer provisionnel au montant du loyer du bail écoulé, puisque ce montant tient compte de l'indexation contestée, alors que l'appelante reconnaît que le tribunal judiciaire est compétent pour statuer sur la validité de la clause d'échelle mobile ;
23. - que l'appelante ne peut, non plus, demander de fixer le loyer provisionnel au montant de l'ancien loyer, avec indexation sur l'indice des loyers commerciaux, cette demande étant nouvelle et ainsi irrecevable devant la cour;
24. - que la Sci du [Adresse 3] ne peut solliciter qu'il soit sursis à statuer, tout en demandant à la cour de ne pas évoquer et de renvoyer l'affaire devant le juge des loyers commerciaux pour qu'il statue sur ces demandes.
*****
25. Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS DE LA DECISION :
26. Selon le juge des loyers commerciaux, sa compétence, telle que définie par l'article L145-56 du code de commerce, est une compétence d'exception d'interprétation stricte. En tant que juridiction d'exception, il ne peut connaître, aux termes de l'article 51 du code de procédure civile, que des demandes incidentes qui entrent dans sa compétence d'attribution. Aux termes de l'article R145-23 du code de commerce, les contestations relatives au prix du bail révisé ou renouvelé sont portées, quel que soit le montant du loyer, devant le président du tribunal judiciaire ou le juge qui le remplace. Les autres contestations sont portées devant le tribunal judiciaire qui peut, accessoirement, se prononcer sur les demandes de l'alinéa précédent.
27. Pour le premier juge, si les parties s'entendent sur l'instauration d'une mesure d'expertise judiciaire destinée à évaluer le montant de la valeur locative en application de la méthode hôtelière, force est de constater qu'elles s'opposent sur la clause d'échelle mobile, dont le preneur demande la nullité. Or, en vertu des dispositions sus-visées, il est compétent pour interpréter une clause d'échelle mobile afin de déterminer le montant du loyer, mais il ne peut en aucune façon l'annuler.
28. Le juge des loyers commerciaux a ainsi relevé d'office son incompétence pour connaître de ces questions et a renvoyé, aux fins d'une bonne administration de la justice, l'ensemble de la procédure devant la 4ème chambre du tribunal judiciaire de Grenoble qui aura compétence pour statuer sur le tout.
29. La cour rappelle que selon l'article R 145-23 du code de commerce, les contestations relatives à la 'xation du prix du bail révisé ou renouvelé sont portées, quelque soit le montant du loyer, devant le président du tribunal judiciaire ou le juge qui le remplace. ll est statué sur mémoire. Les autres contestations sont portées devant le tribunal judiciaire qui peut, accessoirement, se prononcer sur les demandes mentionnées à l'alinéa précédent. La juridiction territorialement compétente est celle du lieu de la situation de l'immeuble.
30. L'article L 145-57 dispose que pendant la durée de l'instance relative à la 'xation du prix du bail révisé ou renouvelé, le locataire est tenu de continuer à payer les loyers échus au prix ancien ou, le cas échéant, au prix qui peut, en tout état de cause, être 'xé à titre provisionnel par la juridiction saisie, sauf compte à faire entre le bailleur et le preneur, après 'xation définitive du prix du loyer.
31. En la cause, la cour constate que le juge des loyers commerciaux n'a pas été saisi d'une demande formée à titre principal tendant à prononcer la nullité de la clause d'indexation, mais d'une exception portant sur la fixation du loyer provisionnel. Le mémoire n°2 du preneur, rappelé par le premier juge, lui a demandé de limiter le loyer prévisionnel dû pendant l'instance à 98.000 euros HTHC, et de juger que conformément à l'article L145-57 du code de commerce, et aux dispositions d'ordre public du code monétaire et financier, il ne peut être admis de fixer un loyer provisionnel contenant une clause d'échelle mobile manifestement nulle et illicite.
32. Au regard des articles R145-23 et L145-57 du code de commerce, le juge des loyers commerciaux ne pouvait ainsi se déclarer incompétent au profit de la chambre civile du tribunal judiciaire pour connaître de l'ensemble du litige opposant les parties, visant tout à la fois la fixation du loyer du bail renouvelé, et la poursuite du paiement des loyers du bail échu, ou un loyer provisionnel fixé par le juge, le compte étant à faire ensuite par les parties après fixation définitive du prix du loyer du bail renouvelé, au besoin en écartant la clause d'échelle mobile, puisqu'il n'a pas été saisi d'une demande d'annulation de cette clause dans le cadre de la fixation du loyer provisionnel.
33. En conséquence, le jugement déféré ne peut qu'être infirmé en ce que le juge des loyers commerciaux s'est déclaré incompétent pour connaître du litige et a renvoyé au tribunal judiciaire, avec transfert du dossier de la procédure.
34. La cour note qu'elle n'est pas saisie d'une demande nouvelle de l'appelante, puisqu'il est seulement demandé de confirmer la compétence du juge des loyers à connaître de ses demandes formulées dans son mémoire déposé postérieurement au jugement avant dire droit ayant rouvert les débats afin que les parties puissent faire valoir leurs observations sur le moyen relevé d'office tenant à l'incompétence du juge pour trancher sur la nullité de la clause d'échelle mobile, le dispositif de l'appelante figurant dans ce mémoire étant identique à celui présenté devant la cour, tenant à confirmer la compétence du premier juge à connaître des demandes relatives à la fixation du prix du loyer du bail renouvelé.
35. En outre, la cour ne peut qu'infirmer le jugement déféré concernant la disposition par laquelle le premier juge a réservé les demandes, puisque si l'appelante n'a pas interjeté appel de cette disposition, elle est l'accessoire nécessaire de la disposition prise sur la compétence, qui se trouve infirmée par le présent arrêt.
36. Le jugement déféré sera par contre confirmé en ce que le juge des loyers commerciaux s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande du preneur sollicitant la délivrance des quittances concernant ses paiements, puisqu'il n'a compétence que pour fixer, en la cause, le prix du bail renouvelé, et le cas échéant, le paiement d'un loyer provisionnel pour le cours de l'instance. Il sera également confirmé sur le renvoi de l'appréciation de la validité de la clause d'indexation, ce point n'étant pas contesté par les parties.
37. Succombant devant cet appel, le preneur sera condamné à payer au bailleur la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, outre les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS :
la Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu les articles R145-23 et L145-57 du code de commerce ;
Infirme le jugement déféré en ce que le juge des loyers commerciaux :
- s'est déclaré incompétent au profit de la 4ème Chambre civile du tribunal judiciaire de Grenoble pour connaître du présent litige opposant la Sci du [Adresse 4] à la Sas [Localité 7] Invest Hôtel ;
- a dit que le dossier de l'affaire avec copie du présent jugement sera transmis par le secrétariat greffe à la juridiction sus-désignée, faute d'appel dans les quinze jours de la notification de la présente décision, en application des dispositions de l'article 82 du code de procédure civile ;
- a réservé les demandes ;
Confirme le jugement déféré en ses autres dispositions soumises à la cour ;
statuant à nouveau ;
Déclare le juge des loyers commerciaux compétent pour statuer sur les demandes formées par la Sci du [Adresse 3] ;
Déclare le juge des loyers commerciaux incompétent pour statuer sur les demandes de la Sas [Localité 7] Invest Hôtel sur la nullité de la clause d'indexation, ainsi que sur la production des quittances des loyers qu'elle a réglés ;
Renvoie ainsi la cause et les parties devant la quatrième chambre civile du tribunal judiciaire de Grenoble afin qu'il soit tranché sur ces deux demandes ;
Dit qu'une copie du présent arrêt sera ainsi adressée, à la diligence du greffe de la cour, à quatrième chambre civile du tribunal judiciaire de Grenoble dans les quinze jours suivant le prononcé du présent arrêt ;
y ajoutant ;
Condamne la Sas [Localité 7] Invest Hôtel à payer à la Sci du [Adresse 3] la somme de 2.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la Sas [Localité 7] Invest Hôtel aux dépens d'appel ;
Signé par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente
C4
Minute N°
Copie exécutoire
délivrée le :
la SELARL L.[Localité 6]-MOLLARD
la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 11 SEPTEMBRE 2025
Appel d'un jugement (N° RG 24/02359)
rendu par le Tribunal judiciaire de Grenoble
en date du 10 février 2025
suivant déclaration d'appel du 24 février 2025
APPELANTE :
SCI DU [Adresse 3], [11] civile immobiliére au capital de 74.090,22 €, inscrite au RCS de GRENOBLE sous le numéro 425 376 738, représentée par sa gérante en exercice domiciliée ès qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Laurence BESSON-MOLLARD de la SELARL L.BESSON-MOLLARD, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉE :
La Société [Localité 7] INVEST HOTEL, Société par Actions Simplifiée, au capital de 3 841,30 €, inscrite au RCS de [Localité 9] sous le n° 902 813 039, représentée par sa Présidente en exercice la Société SOFRA, Société Anonyme à conseil d'administration, RCS [Localité 9] 324 803 915, elle-même agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés es-qualité audit siège, exerçant sous le nouveau nom commercial « CAMPANILE [Localité 7] CENTRE GARE » venant aux droits au bail commercial de la SARL 3984, pour en être cessionnaire
[Adresse 3]
[Localité 2]
représenté par Me Alain GONDOUIN, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Marie-Pierre FIGUET, Présidente,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
Mme Raphaële FAIVRE, Conseillère,
Assistés lors des débats de Mme Solène ROUX, greffière
DÉBATS :
A l'audience publique du 22 Mai 2025, M. Bruno, Conseiller, a été entendu en son rapport,
Les avocats ont été entendus en leurs conclusions,
Puis l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu ce jour,
Faits et procédure :
1. Par acte notarié en date du 31 décembre 1987, la Sci du [Adresse 5] a donné à bail à la Société Suisse & Bordeaux, aux droits de laquelle s'est trouvée la Sarl 3984 puis la société [Localité 7] Invest Hôtel, la partie hôtel avec appartement de fonction d'un immeuble situé [Adresse 5] (38) à usage d'hôtel et de restauration à titre accessoire dans le cadre de séminaires ou groupes et à usage exclusif des personnes participant à ces séminaires ou groupes.
2. Par avenant du 13 octobre 2004, le bail a été renouvelé pour une durée de 9 années à compter du 1er novembre 2004. II a été de nouveau renouvelé par avenant du 1er septembre 2016, pour une durée de 9 années à compter du 1er novembre 2014. Le loyer a été porté à la somme de 88.000 euros hors taxes (HT) et hors charges (HC).
3. la Sci du [Adresse 3] a fait délivrer au preneur un congé avec offre de renouvellement pour le 31 octobre 2023, par acte extra-judiciaire du 26 avril 2023 moyennant le prix de 118.000 euros annuel HT et HC, le loyer en cours étant de 100.287,36 euros HT et HC.
4. Par acte du 26 octobre 2023, la Sarl 3984 a répondu accepter le principe du renouvellement du bail mais pas le loyer proposé, qu'elle a entendu voir maintenu à celui de l'ancien bail, soit la somme de 98.000 euros HT et HC.
5. Par un mémoire notifié le 28 décembre 2023 à la société locataire, par lettre recommandée avec accusé de réception, la Sci du [Adresse 5] a sollicité la désignation d'un expert judiciaire chargé de rechercher la valeur locative en considération de la méthode hôtelière et le maintien, durant l'instance, de l'ancien loyer, ou à défaut, d'un loyer de 100.287,36 euros HT et HC.
6. Par acte du 12 avril 2024,la Sci du [Adresse 5] a assigné la Sarl 3984 devant le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Grenoble, afin notamment de voir constater le renouvellement du bail la liant à la Sarl 3984, et, avant dire droit, de désigner un expert chargé de rechercher la valeur locative des lieux loués, aux frais avancés de la Sci du [Adresse 3]. Elle a demandé, à titre subsidiaire, de fixer le loyer provisionnel dû à compter du 1er novembre 2023 et jusqu'à fixation du prix définitif à la somme de 100.287,36 euros HT / an, outre charges, taxes et accessoires, avec indexation conformément à la clause d'échelle mobile du bail expiré.
7. Par jugement du 10 février 2025, le juge des loyers commerciaux :
- a reçu l'intervention volontaire de la Sas [Localité 7] Invest Hôtel ;
- a mis hors de cause la Sarl 3984 ;
- s'est déclaré incompétent au profit de la 4ème chambre civile du tribunal judiciaire de Grenoble pour connaître du présent litige opposant la Sci du [Adresse 4] à la Sas [Localité 7] Invest Hôtel ;
- a dit que le dossier de l'affaire avec copie du présent jugement sera transmis par le secrétariat greffe à la juridiction sus-désignée, faute d'appel dans les quinze jours de la notification de la présente décision, en application des dispositions de l'article 82 du code de procédure civile ;
- a réservé les demandes.
8. la Sci du [Adresse 3] a interjeté appel de cette décision le 24 février 2025, en ce que le juge des loyers commerciaux :
- s'est déclaré incompétent au profit de la 4ème chambre civile du tribunal judiciaire de Grenoble pour connaître du présent litige opposant la Sci du [Adresse 4] à la Sas [Localité 7] Invest Hôtel ;
- a dit que le dossier de l'affaire avec copie du présent jugement sera transmis par le secrétariat greffe à la juridiction sus-désignée, faute d'appel dans les quinze jours de la notification de la présente décision, en application des dispositions de l'article 82 du code de procédure civile.
Prétentions et moyens de la Sci du [Adresse 3] :
9. Selon son assignation à jour fixe signifiée le 25 mars 2025, elle demande à la cour :
- d'infirmer le jugement déféré en ce que le juge des loyers commerciaux s'est déclaré incompétent au profit de la 4ème chambre civile du tribunal judiciaire de Grenoble pour connaître de l'ensemble des demandes dont il était saisi ;
- statuant à nouveau, de con'rmer la compétence du juge des loyers à connaître des demandes relatives à la 'xation du prix du loyer du bail renouvelé et notamment des demandes suivantes :
* constater le renouvellement du bail liant la Sci du [Adresse 3] à la [10] 3984 et portant sur la partie du bâtiment dédiée à l'exploitation de l'hôtel outre appartement de fonction et dépendances sis [Adresse 5] au 1er novembre 2023 ;
* avant dire droit, désigner un expert chargé de rechercher la valeur locative des lieux loués, en considération de la méthode hôtelière, à la date du 1er novembre 2023 en vue de la 'xation du prix du loyer du bail renouvelé à cette échéance, aux frais avancés de la Sci du [Adresse 3] et sous réserve de compte ;
* rappeler qu'à compter du 1er novembre 2023 et jusqu'à 'xation du prix définitif, la Sarl 3984 reste tenue au paiement du loyer sur la base de l'ancien loyer, outre indexation conforme à la clause d'échelle mobile du bail expiré, accessoires, charges et taxes en sus ;
* à titre subsidiaire, fixer le loyer provisionnel dû à compter du 1er novembre 2023 et jusqu'à 'xation du prix dé'nitif à la somme de 100.287,36 euros HT/ an, outre charges, taxes et accessoires ;
* dire que le loyer provisionnel sera indexé conformément à la clause d'échelle mobile du bail expiré ;
* à titre plus subsidiaire, fixer le loyer provisionnel dû à compter du 1er novembre 2023 et jusqu'à 'xation du prix dé'nitif à la somme de 100.287,36 euros HT/an, outre charges, taxes et accessoires ;
* dire que le loyer provisionnel sera indexé annuellement et automatiquement en fonction de l'lLC au 1er novembre de chaque année, à compter du 1er novembre 2024, l'indice de référence étant le dernier indice publié à la date de l'indexation par référence au même indice l'année précédente ;
* surseoir à statuer, dans l'attente du rapport de l'expertise judiciaire, sur la demande de 'xation définitive du prix du loyer du bail renouvelé au 1er novembre 2023 et la demande d'indemnisation au titre des frais irrépétibles formée par la concluante ainsi que sur le sort des dépens de l'instance en ce compris la charge 'nale des frais d'expertise ;
- de renvoyer l'affaire devant le juge des loyers commerciaux de [Localité 7] pour qu'il statue sur ces demandes ;
- de con'rmer, en revanche, la compétence du tribunal judiciaire à connaître des demandes en nullité de la clause d'échelle mobile et de la demande de production sous astreinte de quittance de loyer, formées à titre reconventionnel par la Sas [Localité 7] Invest Hôtel et renvoyer l'affaire devant le tribunal judiciaire de Grenoble pour qu'il statue sur ces demandes ;
- de condamner la Sas [Localité 7] Invest Hôtel à payer à la concluante une indemnité de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d'appel.
10. L'appelante expose :
11. - que pour se déclarer incompétent à connaître non seulement de la demande reconventionnelle relative à la nullité de la clause d'échelle mobile, considération soutenue par les parties, mais aussi des demandes principales tendant à la 'xation du prix du loyer du bail renouvelé ( désignation d'un expert avant dire droit, 'xation d'un loyer provisionnel pendant l'instance), le premier juge a retenu que la compétence du juge des loyers commerciaux est d'interprétation stricte et qu'il ne peut connaître que des demandes incidentes entrant dans sa compétence d'attribution, et ainsi pas de la demande en nullité de la clause d'échelle mobile, ce que personne ne conteste ;
12. - que cependant, ce dernier point ne l'autorisait pas à décliner sa compétence concernant la fixation du prix du bail renouvelé, qui constituait l'objet de la demande principale, et qui entrait dans son champ de compétence d'ordre public, au titre de l'article R145-23 du code de commerce ;
13. - que pour fixer le prix du bail renouvelé, le juge n'avait pas besoin de statuer sur la validité de la clause d'échelle mobile qui s'appliquait au bail échu, de sorte qu'il n'existe pas de question préjudicielle, cette question ne concernant que la fixation du loyer provisionnel pendant l'instance en fixation au sens de l'article L145-57 du code de commerce ;
14. - que le premier juge disposait ainsi d'une alternative lui permettant, tout en ordonnant l'expertise, soit de dire que le preneur est tenu de continuer à régler le loyer au prix ancien dans l'attente de la décision à intervenir sur la validité de la clause d'échelle mobile, soit de fixer lui-même le loyer provisionnel avec ses conditions d'évolution pendant le cours de l'instance.
Prétentions et moyens de la société [Localité 7] Invest Hôtel, venant aux droits de la Sarl 3984 :
15. Selon ses conclusions remises par voie électronique le 15 mai 2025, elle demande à la cour :
- de déclarer la Sci du [Adresse 3] irrecevable en son appel sur la compétence, et la débouter de toutes ses prétentions ;
- subsidiairement, de confirmer le jugement déféré en ce que le juge s'est déclaré incompétent au profit de la 4ème chambre civile du tribunal judiciaire de Grenoble pour connaître du litige opposant les parties; dit que le dossier de l'affaire avec une copie du jugement sera transmis par le secrétariat greffe à la juridiction sus-désignée, faute d'appel dans les 15 jours de la notification du jugement, en application de l'article 82 du code de procédure civile; réservé les demandes ;
- de déclarer irrecevable les demandes subsidiaires de fixation d'un loyer provisionnel, car nouvelles en cause d'appel ;
- à défaut, de débouter l'appelante de ses demandes subsidiaires de fixation d'un loyer provisionnel et de fixation d'un loyer provisionnel annuel à hauteur de 100.287,36 euros ;
- si la cour entend évoquer cette question, de fixer le loyer provisionnel à la somme de 98.000 euros annuel telle que déterminée dans le rapport d'expertise de M.[I] ;
- de débouter la Sci du [Adresse 3] de sa demande d'indexation du loyer provisionnel sur la base de la clause d'échelle mobile puisque la validité de celle-ci est contestée sur le fond et que c'est bien en raison de ses demandes complexes que la Sci du [Adresse 3] a elle-même amené une décision complexe sur la compétence ;
- de débouter la Sci du [Adresse 3] de sa demande de substitution de l'[8] à l'indice initial nul ;
- de renvoyer en tout état de cause l'affaire et les parties ensuite de l'acceptation du renouvellement du bail devant le juge des loyers commerciaux de Grenoble qui a réservé les demandes, mais confirmé conformément aux demandes de l'appelante la compétence du tribunal judiciaire à connaître des demandes en
nullité de la clause d'échelle mobile et de la demande de production sous astreinte des quittances de loyer ;
- de débouter la Sci du [Adresse 3] de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens ;
- de condamner la Sci du [Adresse 3] à payer la société [Localité 7] Invest Hôtel une somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
16. L'intimée soutient :
17.- sur la recevabilité de l'appel, que l'appelante a relevé appel uniquement sur le fait que le premier juge a décliné sa compétence à statuer sur le prix du loyer du bail renouvelé, sans interjeter appel de la disposition par laquelle le juge a réservé les demandes au fond sur ce point ;
18. - sur le fond, que la concluante s'en remet à l'appréciation de la cour, puisqu'il n'est pas contesté que l'appréciation de la validité de la clause d'échelle mobile échappe à la compétence du juge des loyers commerciaux, alors que l'article R142-23 dispose que si les contestations relatives à la fixation du prix du loyer sont de la compétence du juge des loyers commerciaux, alors que les autres contestations sont portées devant le tribunal judiciaire, ce dernier peut, accessoirement, se prononcer sur les contestations concernant le prix du loyer ;
19. - que la difficulté résulte dans le fait que l'appelante a demandé de fixer un loyer provisionnel, sur la base de l'ancien loyer qui procédait d'une indexation contestée au fond ;
20. - que la concluante ne s'oppose pas à ce que la cour, si elle estime devoir évoquer, désigne un expert afin de déterminer le montant du loyer du bail renouvelé ;
21. - que la demande de l'appelante tendant à la fixation d'un loyer provisionnel sur la base de l'ancien loyer indexé n'est pas recevable, puisque l'appelante reconnaît que la question de la validité de la clause d'indexation reste dépendante du jugement à intervenir devant le tribunal judiciaire ;
22. - qu'elle ne peut pas plus demander la fixation de ce loyer provisionnel au montant du loyer du bail écoulé, puisque ce montant tient compte de l'indexation contestée, alors que l'appelante reconnaît que le tribunal judiciaire est compétent pour statuer sur la validité de la clause d'échelle mobile ;
23. - que l'appelante ne peut, non plus, demander de fixer le loyer provisionnel au montant de l'ancien loyer, avec indexation sur l'indice des loyers commerciaux, cette demande étant nouvelle et ainsi irrecevable devant la cour;
24. - que la Sci du [Adresse 3] ne peut solliciter qu'il soit sursis à statuer, tout en demandant à la cour de ne pas évoquer et de renvoyer l'affaire devant le juge des loyers commerciaux pour qu'il statue sur ces demandes.
*****
25. Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS DE LA DECISION :
26. Selon le juge des loyers commerciaux, sa compétence, telle que définie par l'article L145-56 du code de commerce, est une compétence d'exception d'interprétation stricte. En tant que juridiction d'exception, il ne peut connaître, aux termes de l'article 51 du code de procédure civile, que des demandes incidentes qui entrent dans sa compétence d'attribution. Aux termes de l'article R145-23 du code de commerce, les contestations relatives au prix du bail révisé ou renouvelé sont portées, quel que soit le montant du loyer, devant le président du tribunal judiciaire ou le juge qui le remplace. Les autres contestations sont portées devant le tribunal judiciaire qui peut, accessoirement, se prononcer sur les demandes de l'alinéa précédent.
27. Pour le premier juge, si les parties s'entendent sur l'instauration d'une mesure d'expertise judiciaire destinée à évaluer le montant de la valeur locative en application de la méthode hôtelière, force est de constater qu'elles s'opposent sur la clause d'échelle mobile, dont le preneur demande la nullité. Or, en vertu des dispositions sus-visées, il est compétent pour interpréter une clause d'échelle mobile afin de déterminer le montant du loyer, mais il ne peut en aucune façon l'annuler.
28. Le juge des loyers commerciaux a ainsi relevé d'office son incompétence pour connaître de ces questions et a renvoyé, aux fins d'une bonne administration de la justice, l'ensemble de la procédure devant la 4ème chambre du tribunal judiciaire de Grenoble qui aura compétence pour statuer sur le tout.
29. La cour rappelle que selon l'article R 145-23 du code de commerce, les contestations relatives à la 'xation du prix du bail révisé ou renouvelé sont portées, quelque soit le montant du loyer, devant le président du tribunal judiciaire ou le juge qui le remplace. ll est statué sur mémoire. Les autres contestations sont portées devant le tribunal judiciaire qui peut, accessoirement, se prononcer sur les demandes mentionnées à l'alinéa précédent. La juridiction territorialement compétente est celle du lieu de la situation de l'immeuble.
30. L'article L 145-57 dispose que pendant la durée de l'instance relative à la 'xation du prix du bail révisé ou renouvelé, le locataire est tenu de continuer à payer les loyers échus au prix ancien ou, le cas échéant, au prix qui peut, en tout état de cause, être 'xé à titre provisionnel par la juridiction saisie, sauf compte à faire entre le bailleur et le preneur, après 'xation définitive du prix du loyer.
31. En la cause, la cour constate que le juge des loyers commerciaux n'a pas été saisi d'une demande formée à titre principal tendant à prononcer la nullité de la clause d'indexation, mais d'une exception portant sur la fixation du loyer provisionnel. Le mémoire n°2 du preneur, rappelé par le premier juge, lui a demandé de limiter le loyer prévisionnel dû pendant l'instance à 98.000 euros HTHC, et de juger que conformément à l'article L145-57 du code de commerce, et aux dispositions d'ordre public du code monétaire et financier, il ne peut être admis de fixer un loyer provisionnel contenant une clause d'échelle mobile manifestement nulle et illicite.
32. Au regard des articles R145-23 et L145-57 du code de commerce, le juge des loyers commerciaux ne pouvait ainsi se déclarer incompétent au profit de la chambre civile du tribunal judiciaire pour connaître de l'ensemble du litige opposant les parties, visant tout à la fois la fixation du loyer du bail renouvelé, et la poursuite du paiement des loyers du bail échu, ou un loyer provisionnel fixé par le juge, le compte étant à faire ensuite par les parties après fixation définitive du prix du loyer du bail renouvelé, au besoin en écartant la clause d'échelle mobile, puisqu'il n'a pas été saisi d'une demande d'annulation de cette clause dans le cadre de la fixation du loyer provisionnel.
33. En conséquence, le jugement déféré ne peut qu'être infirmé en ce que le juge des loyers commerciaux s'est déclaré incompétent pour connaître du litige et a renvoyé au tribunal judiciaire, avec transfert du dossier de la procédure.
34. La cour note qu'elle n'est pas saisie d'une demande nouvelle de l'appelante, puisqu'il est seulement demandé de confirmer la compétence du juge des loyers à connaître de ses demandes formulées dans son mémoire déposé postérieurement au jugement avant dire droit ayant rouvert les débats afin que les parties puissent faire valoir leurs observations sur le moyen relevé d'office tenant à l'incompétence du juge pour trancher sur la nullité de la clause d'échelle mobile, le dispositif de l'appelante figurant dans ce mémoire étant identique à celui présenté devant la cour, tenant à confirmer la compétence du premier juge à connaître des demandes relatives à la fixation du prix du loyer du bail renouvelé.
35. En outre, la cour ne peut qu'infirmer le jugement déféré concernant la disposition par laquelle le premier juge a réservé les demandes, puisque si l'appelante n'a pas interjeté appel de cette disposition, elle est l'accessoire nécessaire de la disposition prise sur la compétence, qui se trouve infirmée par le présent arrêt.
36. Le jugement déféré sera par contre confirmé en ce que le juge des loyers commerciaux s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande du preneur sollicitant la délivrance des quittances concernant ses paiements, puisqu'il n'a compétence que pour fixer, en la cause, le prix du bail renouvelé, et le cas échéant, le paiement d'un loyer provisionnel pour le cours de l'instance. Il sera également confirmé sur le renvoi de l'appréciation de la validité de la clause d'indexation, ce point n'étant pas contesté par les parties.
37. Succombant devant cet appel, le preneur sera condamné à payer au bailleur la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, outre les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS :
la Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu les articles R145-23 et L145-57 du code de commerce ;
Infirme le jugement déféré en ce que le juge des loyers commerciaux :
- s'est déclaré incompétent au profit de la 4ème Chambre civile du tribunal judiciaire de Grenoble pour connaître du présent litige opposant la Sci du [Adresse 4] à la Sas [Localité 7] Invest Hôtel ;
- a dit que le dossier de l'affaire avec copie du présent jugement sera transmis par le secrétariat greffe à la juridiction sus-désignée, faute d'appel dans les quinze jours de la notification de la présente décision, en application des dispositions de l'article 82 du code de procédure civile ;
- a réservé les demandes ;
Confirme le jugement déféré en ses autres dispositions soumises à la cour ;
statuant à nouveau ;
Déclare le juge des loyers commerciaux compétent pour statuer sur les demandes formées par la Sci du [Adresse 3] ;
Déclare le juge des loyers commerciaux incompétent pour statuer sur les demandes de la Sas [Localité 7] Invest Hôtel sur la nullité de la clause d'indexation, ainsi que sur la production des quittances des loyers qu'elle a réglés ;
Renvoie ainsi la cause et les parties devant la quatrième chambre civile du tribunal judiciaire de Grenoble afin qu'il soit tranché sur ces deux demandes ;
Dit qu'une copie du présent arrêt sera ainsi adressée, à la diligence du greffe de la cour, à quatrième chambre civile du tribunal judiciaire de Grenoble dans les quinze jours suivant le prononcé du présent arrêt ;
y ajoutant ;
Condamne la Sas [Localité 7] Invest Hôtel à payer à la Sci du [Adresse 3] la somme de 2.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la Sas [Localité 7] Invest Hôtel aux dépens d'appel ;
Signé par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente