CA Paris, Pôle 5 - ch. 3, 11 septembre 2025, n° 22/12267
PARIS
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRAN'AISE
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 11 SEPTEMBRE 2025
(n° 143/2025 , 13 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 22/12267 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGCCD
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 mai 2022- Tribunal judiciaire de PARIS (18ème chambre, 2ème section) - RG n° 20/11013
APPELANTE
S.A.R.L. BLOSSOM CONSULTING
Immatriculée au R.C.S. de [Localité 8] sous le n° 441 339 710
Agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée et assistée par Me Clémentine COLÉ, avocat au barreau de PARIS, toque : E1387
INTIMÉE
S.C. SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE DE [Localité 7]
Immatriculée au R.C.S. de [Localité 8] sous le n° 039 250 618
Prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Nicolas SIDIER de la SELAS PECHENARD & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R047
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 07 avril 2025, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Marie Girousse, conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
- Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre
- Mme Stéphanie Dupont, conseillère
- Mme Marie Girousse, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Sandrine Stassi-Buscqua
ARRÊT :
- contradictoire ;
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre et par M. Soufiane HASSAOUI, greffier présent lors de la mise à disposition.
FAITS ET PROCÉDURE
Selon acte sous seing privé enregistré le 5 mai 2014, la société civile immobilière de [Localité 7] a donné à bail à la société Blossom Consulting des locaux à usage de bureaux situés [Adresse 3] à [Localité 11], pour une durée de neuf ans commençant le 1er juillet 2014, moyennant un loyer principal annuel de 55.860 euros payable « aux quatre termes d'usage, les premier janvier, avril, juillet et octobre de chaque année et d'avance ».
La destination du bail est la suivante : « le preneur a l'obligation d'y installer exclusivement des bureaux pour l'exercice des activités de formation et de conseil en organisation aux entreprises ou aux personnes physiques, à l'exclusion de tout autre commerce ou industrie ou de tout autre utilisation des lieux, à l'exception de l'application éventuelle des dispositions de la section VIII du Code de commerce relative à la déspécialisation (articles L. 145-47 à L. 145-55 du Code de commerce) ».
Par courrier de relance du 20 avril 2020, la SCI de Castelnau-Madeleine a rappelé à la société Blossom Consulting qu'elle restait lui devoir la somme de 22.101,27 euros au titre de la quittance du 2ème trimestre 2020 et sollicité qu'un règlement intervienne sous huitaine.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 11 mai 2020, la société Blossom Consulting lui a adressé un chèque de 3.848 euros, correspondant au montant de la taxe sur les bureaux 2020 et la provision sur charges et a indiqué attendre s'agissant du règlement du loyer une clarification des décisions et préconisations qui ressortiront des échanges en cours entre les pouvoirs publics et les principales organisations de bailleurs, lesquelles ayant donné pour instructions à leurs adhérents « d'annuler trois mois de loyers aux très petites entreprises (TPE) dont l'activité est arrêtée par la crise sanitaire en cours, ce qui est le cas de notre société ».
La bailleresse a de nouveau adressé une relance par courrier recommandé avec accusé de réception le 18 mai 2020 à la société Blossom Consulting, la sommant de régler la quittance du 2ème trimestre 2020.
Par acte d'huissier du 7 juillet 2020, la SCI de [Adresse 6] a fait délivrer à la société Blossom Consulting un commandement de payer visant la clause résolutoire, pour une somme totale de 20.314,32 euros, correspondant aux loyers et charges dus au titre du 2ème trimestre 2020, à l'indemnité forfaitaire de 10 % prévue au bail et au coût du commandement, déduction faite du règlement de la somme de 3.848 euros.
Par acte d'huissier du 21 juillet 2020, la société bailleresse a fait délivrer à la société locataire un second commandement de payer visant la clause résolutoire, pour la somme de 19.098,81 euros en principal au titre des loyers et charges du 3ème trimestre 2020, outre l'indemnité forfaitaire contractuelle et le coût du commandement.
Le 23 juillet 2020, la société Blossom Consulting a réglé le loyer relatif au 3ème trimestre 2020, à l'exclusion de l'indemnité forfaitaire contractuelle y afférent et du coût du second commandement.
Se prévalant du défaut de régularisation du premier commandement, du paiement partiel des causes du second commandement et du paiement partiel de l'échéance trimestrielle exigible au 1er octobre 2020, la SCI de Castelnau-Madeleine a fait assigner la société Blossom Consulting par acte d'huissier du 4 novembre 2020, devant le tribunal judiciaire de Paris, aux fins essentielles de constatation de l'acquisition de la clause résolutoire et de prononcé de l'expulsion de sa locataire.
Par jugement du 18 mai 2022, le tribunal judiciaire de Paris a :
débouté la société Blossom Consulting de sa demande tendant à voir "dire et juger les commandements délivrés les 7 et 21 juillet 2020 nuls et non avenus, à tout le moins insusceptibles de produire le moindre effet" ;
constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial liant les parties et portant sur les locaux situés [Adresse 4] à [Localité 11] , avec effet au 7 août 2020 à minuit ;
condamné la société Blossom Consulting à payer à la société la société civile immobilière de [Localité 7] la somme de 18.253,27 euros à titre de loyers et de provisions sur charges selon décompte arrêté au 29 janvier 2021, échéance du 1er trimestre 2021 incluse avec intérêts au taux légal à compter du commandement de payer du 7 juillet 2020 ;
condamné la société Blossom Consulting à payer à la société civile immobilière de [Localité 7] la somme de 201 euros à titre de pénalités contractuelles ;
débouté la société civile immobilière de [Localité 7] de sa demande de condamnation de la société Blossom Consulting à la somme de 204,36 euros au titre des frais de recherche de fuites ;
accordé à la société Blossom Consulting des délais de paiement et dit qu'elle pourra s'acquitter de la somme susvisée par 23 versements mensuels de 769 euros, en plus des loyers et des charges courants, étant précisé :
que chaque versement mensuel devra intervenir avant le 05 de chaque mois ;
que le premier versement devra avoir lieu avant le 05 du mois suivant la signification du présent jugement ;
que le solde de la dette devra être réglé le 24ème mois ;
suspendu les effets de la clause résolutoire pendant le temps des délais ainsi consentis ;
dit qu'en cas de paiement de la dette selon les termes de l'échéancier susvisé, la clause résolutoire sera réputée ne jamais avoir joué ;
dit qu'en revanche, à défaut de paiement d'une seule mensualité au terme exact, la totalité de la dette deviendra immédiatement exigible, la clause résolutoire sera acquise et la société Blossom Consulting devra alors quitter les lieux susvisés ;
dit qu'à défaut de départ volontaire, la société Blossom Consulting pourra être expulsée, ainsi que tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique et l'assistance d'un serrurier ;
dit que le sort des meubles sera régi conformément aux articles R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;
dit que la société Blossom Consulting devra payer à la société civile immobilière de [Localité 7], à compter de la résiliation du bail et jusqu'à la complète libération des lieux, une indemnité d'occupation d'un montant égal au montant du dernier loyer indexé, outre toutes taxes et charges locatives précédemment exigibles ;
dit que la société civile immobilière de [Localité 7] sera autorisée à conserver la somme de 500 euros par prélèvement sur le dépôt de garantie, à titre de pénalité contractuelle ;
débouté la société Blossom Consulting de ses demandes en paiement de la somme de 5.000 euros au titre du défaut d'exécution de bonne foi du contrat de bail et de la somme de 5.000 euros pour procédure abusive ;
condamné la société Blossom Consulting à payer à la société civile immobilière de [Localité 7] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné la société Blossom Consulting aux dépens de l'instance, en ce compris le coût des commandements de payer des 7 et 21 juillet 2020 ;
débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
Rappelé que le présent jugement est assorti de l'exécution provisoire de droit.
Par déclaration du 1er juillet 2022, la société Blossom Consulting a interjeté appel du jugement.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 5 mars 2025.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Aux termes de ses conclusions notifiées le 18 décembre 2024, la société Blossom Consulting, appelante, demande à la cour de :
infirmer le jugement rendu le 18 mai 2022 dont appel en ce qu'il a :
débouté la société Blossom Consulting de sa demande de nullité et d'absence d'effet des commandements délivrés les 7 et 21 juillet 2020 ;
constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial liant les parties et portant sur les locaux situés [Adresse 3] à [Localité 11], avec effet au 7 août 2020 à minuit ;
condamné la société Blossom Consulting à payer à la société civile immobilière de [Localité 7], à compter du commandement de payer du 7 juillet 2020, les intérêts au taux légal sur la somme de 18.253,27 euros ;
condamné la société Blossom Consulting à payer à la société civile immobilière de [Localité 7] la somme de 201 euros à titre de pénalités contractuelles ;
dit qu'à défaut de paiement d'une seule mensualité au terme exact, la totalité de la dette deviendra immédiatement exigible, la clause résolutoire sera acquise et la société Blossom Consulting devra alors quitter les lieux susvisés ;
dit que la société civile immobilière de [Localité 7] sera autorisée à conserver la somme de 500 euros par prélèvement sur le dépôt de garantie, à titre de pénalité contractuelle ;
condamné la société Blossom Consulting à payer à la société civile immobilière de [Localité 7] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné la société Blossom Consulting aux dépens de l'instance, en ce compris le coût des commandements de payer des 7 et 21 juillet 2020 ;
débouté la société Blossom Consulting de ses demandes en paiement de la somme de 5.000 euros au titre de défaut d'exécution de bonne foi du contrat de bail et de la somme de 5.000 euros pour procédure abusive ;
débouté la société Blossom Consulting de sa demande de condamnation de la société civile immobilière de [Localité 7] à la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Statuant à nouveau,
juger que la société Blossom Consulting prouve bien qu'elle était non seulement susceptible de bénéficier du fonds de solidarité, mais qu'elle en a effectivement bénéficié, et qu'en conséquence elle devait bénéficier de la protection des articles 1 et 4 de l'ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020 et de ses modifications, et ne pouvait donc encourir de pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages - intérêts, d'astreinte, d'exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance pour le défaut de paiement de l'échéance du 1er avril 2020 (et également pour le défaut de paiement de l'échéance du 1er juillet 2020, au demeurant régularisée dès le 23 juillet) ;
En conséquence,
juger les commandements délivrés les 7 et 21 juillet 2020 nuls et non avenus, à tout le moins insusceptibles de produire le moindre effet ;
débouter la société civile immobilière de [Localité 7] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions, et notamment :
d'acquisition de clause résolutoire ;
d'expulsion,
de séquestration des meubles,
d'indemnité contractuelle forfaitaire (clause pénale),
d'intérêts de retard,
d'indemnité d'occupation,
d'acquisition du dépôt de garantie,
d'article 700,
de paiement des dépens, inclus le coût des commandements.
condamner la société civile immobilière de [Adresse 6] à la somme de 5.000 euros au titre de du défaut d'exécution de bonne foi du contrat de bail ;
condamner la société civile immobilière de [Localité 7] à la somme de 5.000 euros au titre de procédure abusive ;
condamner la société civile immobilière de [Adresse 6] à la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner la société civile immobilière de [Localité 7] aux entiers dépens;
confirmer les délais de paiement accordés par le jugement à la société Blossom Consulting, sans intérêt.
Aux termes de ses conclusions notifiées le 20 décembre 2022, la SCI de [Adresse 6], intimée, demande à la cour de :
débouter la société Blossom Consulting de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
confirmer le jugement entrepris en ce qu'il :
« déboute la société Blossom Consulting de sa demande tendant à voir « DIRE et JUGER les commandements délivrés le 7 et 21 juillet 2020 nul et non avenus, à tout le moins insusceptibles de produire le moindre effet » ;
constate l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial liant les parties et portant sur les locaux situés [Adresse 4] à [Localité 10], avec effet au 7 août 2020 à minuit ;
condamne la société Blossom Consulting à payer à la société civile immobilière de [Localité 7] la somme de 18.253,27 euros à titre de loyers et de provisions sur charges selon décompte arrêté au 29 janvier 2021, échéance du 1er trimestre 2021 incluse avec intérêts aux taux légal à compter du commandement de payer du 7 juillet 2020 ;
« déboute la société Blossom Consulting de ses demandes en paiement de la somme de 5.000 euros au titre de défaut d'exécution de bonne foi du contrat de bail et de la somme de 5.000 euros pour procédure abusive » ;
« condamne la société Blossom Consulting à payer à la société civile immobilière de [Localité 7] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile » ;
« condamne la société Blossom Consulting aux dépens de l'instance, en ce compris le coût des commandements de payer des 7 et 21 juillet 2020 ».
infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :
« accorde à la société Blossom Consulting des délais de paiement et dit qu'elle pourra s'acquitter de la somme susvisée par 23 virements mensuels de 769 euros, en plus des loyers et des charges courants, étant précisé :
que chaque versement mensuel devra intervenir avant le 05 de chaque mois,
que le premier versement devra avoir lieu avant le 05 du mois suivant la signification du présent jugement,
que le solde de la dette devra être réglé le 24ème mois ;
suspend les effets de la clause résolutoire pendant le temps des délais ainsi consentis ;
condamne la société Blossom Consulting à payer à la société civile immobilière de [Localité 7] la somme de 201 euros à titre de pénalités contractuelles ;
dit que la société Blossom Consulting devra payer à la société civile immobilière de [Localité 7], à compter de la résiliation du bail et jusqu'à la complète libération des lieux, une indemnité d'occupation d'un montant égal au montant du dernier loyer indexé, outre toutes taxes et charges locatives précédemment exigibles ;
dit que la société civile immobilière de [Localité 7] sera autorisée à conserver la somme de 500 euros par prélèvement sur le dépôt de garantie, à titre de pénalité contractuelle ».
Et, statuant à nouveau,
constater acquise, au profit de la société civile immobilière de [Localité 7], la clause résolutoire visée au commandement de payer du 7 juillet 2020 ;
En conséquence,
ordonner l'expulsion de la société Blossom Consulting des lieux qu'elle occupe [Adresse 4] à [Localité 9], ainsi que de tous occupants de son chef, en la forme ordinaire et avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier s'il y a lieu ;
ordonner la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux en tel garde meubles qu'il plaira au tribunal de désigner, aux frais, risques et périls de la société Blossom Consulting ;
condamner la société Blossom Consulting au paiement de la somme de 18.457,63 euros, correspondant aux loyers frais et charges arrêtés au terme du 4ème trimestre 2020 inclus sauf à parfaire au jour de la décision à intervenir ;
condamner la société Blossom Consulting au paiement de la somme de 3.735,80 euros, correspondant à l'indemnité forfaitaire ;
condamner la société Blossom Consulting au paiement des intérêts de retard jusqu'au jour du parfait paiement des sommes dues ;
condamner la société Blossom Consulting au paiement d'une indemnité d'occupation, à compter du 8 août 2020 et jusqu'à parfaite libération des lieux, égale à trois fois le montant du loyer en principal, charges et taxes en sus ;
ordonner que la somme de 15.028,71 euros correspondant au montant du dépôt de garantie versé par la société Blossom Consulting entre les mains de la société civile immobilière de [Localité 5], lui demeurera acquise ;
condamner la société Blossom Consulting au paiement de la somme de 5.000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner la société Blossom Consulting aux entiers dépens en ce compris le coût des commandements des 7 et 21 juillet 2020 soit la somme de 460,45 euros (article 696 du code de procédure civile).
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.
MOTIFS DE L'ARRET
Sur l'application du mécanisme de suspension mis en place par l'article 4 de l'ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020
Selon l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Aux termes de l'article 4 de l'ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020, « Les personnes mentionnées à l'article 1er ne peuvent encourir de pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d'astreinte, d'exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d'activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux, nonobstant toute stipulation contractuelle et les dispositions des articles L.622-14 et L.641-12 du code de commerce. Les dispositions ci-dessus s'appliquent aux loyers et charges locatives dont l'échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai de deux mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020. »
L'article 1er dispose quant à lui que « peuvent bénéficier des dispositions des articles 2 à 4, les personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique qui sont susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité mentionné à l'article 1er de l'ordonnance n°2020-317 du 25 mars 2020. Celles qui poursuivent leur activité dans le cadre d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire peuvent également bénéficier de ces dispositions au vu de la communication d'une attestation de l'un des mandataires de justice désignés par le jugement qui a ouvert cette procédure. Les critères d'éligibilité aux dispositions mentionnées ci-dessus sont précisés par décret, lequel détermine notamment les seuils d'effectifs et de chiffre d'affaires des personnes concernées ainsi que le seuil de perte de chiffre d'affaires constatée du fait de la crise sanitaire. »
L'article 1er de l'ordonnance n°2020-317 du 25 mars 2020 prévoit qu'il « est institué, jusqu'au 31 décembre 2021, un fonds de solidarité ayant pour objet le versement d'aides financières aux personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du covid-19 et des mesures prises pour en limiter la propagation » et son article 3, « qu'un décret fixe le champ d'application du dispositif, les conditions d'éligibilité et d'attribution des aides, leur montant ainsi que les conditions de fonctionnement et de gestion du fonds. »
Ainsi, selon les termes de l'article 2 du décret n°2020-371 du 30 mars 2020, relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, qui précise les catégories d'entreprises éligibles au bénéfice de l'article 4 de l'ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020, « les aides financières prévues à l'article 3 prennent la forme de subventions attribuées par décision du ministre de l'action et des comptes publics aux entreprises mentionnées à l'article 1er du présent décret qui remplissent les conditions suivantes :
1° Elles ont fait l'objet d'une interdiction d'accueil du public intervenue entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020 ;
2° Ou elles ont subi une perte de chiffre d'affaires d'au moins 50 % durant la période comprise entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020,
- par rapport à la même période de l'année précédente ;
- ou, pour les entreprises créées après le 1er mars 2019, par rapport au chiffre d'affaires mensuel moyen sur la période comprise entre la date de création de l'entreprise et le 29 février 2020 ;
- ou, pour les personnes physiques ayant bénéficié d'un congé pour maladie, accident du travail ou maternité durant la période comprise entre le 1er mars 2019 et le 31 mars 2019, ou pour les personnes morales dont le dirigeant a bénéficié d'un tel congé pendant cette période, par rapport au chiffre d'affaires mensuel moyen sur la période comprise entre le 1er avril 2019 et le 29 février 2020.
3° Leur bénéfice imposable augmenté le cas échéant des sommes versées au dirigeant, au titre de l'activité exercée, n'excède pas 60.000 euros au titre du dernier exercice clos. Pour les entreprises n'ayant pas encore clos un exercice, le bénéfice imposable augmenté le cas échéant des sommes versées au dirigeant est établi, sous leur responsabilité, à la date du 29 février 2020, sur leur durée d'exploitation et ramené sur douze mois ;
4° Les personnes physiques ou, pour les personnes morales, leur dirigeant majoritaire ne sont pas titulaires, au 1er mars 2020, d'un contrat de travail à temps complet ou d'une pension de vieillesse et n'ont pas bénéficié, au cours de la période comprise entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020, d'indemnités journalières de sécurité sociale d'un montant supérieur à 800 euros ;
5° Lorsqu'elles contrôlent une ou plusieurs sociétés commerciales au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce, la somme des salariés, des chiffres d'affaires et des bénéfices des entités liées respectent les seuils fixés aux 3°, 7° et 8° du présent article ;
6° Elles ont débuté leur activité avant le 1er février 2020 ;
7° Leur effectif est inférieur ou égal à dix salariés. Ce seuil est calculé selon les modalités prévues par le I de l'article L.130-1 du code de la sécurité sociale ;
8° Le montant de leur chiffre d'affaires constaté lors du dernier exercice clos est inférieur à un million d'euros. Pour les entreprises n'ayant pas encore clos d'exercice, le chiffre d'affaires mensuel moyen sur la période comprise entre la date de création de l'entreprise et le 29 février 2020 doit être inférieur à 83.333 euros ».
Au soutien de ses prétentions, l'appelante fait valoir que les commandements de payer des 7 et 21 juillet 2020 sont intervenus pendant la période protégée, soit entre le 12 mars et le 10 septembre 2020 et concernaient des échéances locatives couvertes par les mesures de suspension prévues par l'article 4 de l'ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020, dans la mesure où elle est éligible au fonds de solidarité et ne pourrait ainsi encourir aucune pénalité, exécution de la clause résolutoire ou autre sanction financière. Elle soutient qu'il suffit d'être susceptible de bénéficier du fonds de solidarité et pas d'en avoir réellement bénéficié, pour pouvoir prétendre au mécanisme de suspension précité et que le juge n'a pas compétence pour vérifier si une société remplit les conditions d'éligibilité audit fonds, ce pouvoir appartenant exclusivement au Trésor public, qu'il ressort par ailleurs des accusés de réception produits et délivrés par la Direction générale des Finances publiques, une baisse de son chiffre d'affaires de plus de 50 % et un effectif de zéro salarié, ces éléments suffisant à établir qu'elle était bien susceptible de bénéficier du fonds de solidarité et qu'enfin, en appel, elle prouverait avoir effectivement perçu les aides du fonds pour les mois de mars, avril et mai 2020 en versant aux débats ses relevés de comptes afférents aux mois précités et ne pourrait donc subir aucune pénalité ni clause résolutoire pour les échéances impayées des 1er avril et 1er juillet 2020.
L'intimée fait valoir que l'appelante aurait refusé de payer les loyers et charges des 2ème et 3ème trimestres 2020 dans le délai d'un mois suivant les commandements de payer des 7 et 21 juillet 2020. Conformément à l'article relatif à la clause résolutoire insérée dans le bail, le non-paiement de toute somme due entraîne la résiliation de plein droit du bail un mois après un commandement resté sans effet, qu'en l'espèce, la somme de 18.253,27 euros n'a pas été réglée dans le délai imparti, justifiant ainsi l'acquisition de la clause résolutoire et l'expulsion de l'appelante, cette dernière ayant finalement réglé uniquement le loyer du 3ème trimestre 2020 le 23 juillet 2020, sans s'acquitter de l'indemnité forfaitaire et du coût du commandement, qui restent dus ; qu'en outre, les commandements de payer seraient pleinement valides, car l'appelant ne fournirait aucun élément pour justifier de son éligibilité au fonds, outre les accusés de réception invoqués et les relevés bancaires produits en cause d'appel, qui ne suffisent pas à établir que celle-ci était susceptible de bénéficier d'une aide dont l'attribution repose sur un système déclaratif et dont il appartenait au premier juge d'en contrôler le bénéfice. En conséquence, l'intimée estime que l'appelante doit être déboutée de sa demande consistant à bénéficier du régime de neutralisation mis en place par les textes susvisés ; il y aurait donc lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a également débouté l'appelante de sa demande tendant à voir dire et juger lesdits commandements nuls et non avenus.
En l'espèce, s'il n'appartient pas à l'autorité judicaire de vérifier l'éligibilité de la société Blossom au dispositif d'aide susvisé, en revanche il lui appartient de vérifier qu'elle justifie remplir les conditions d'application des textes dont elle revendique le bénéfice au titre du moyen soutenu à savoir, son droit à bénéficier des dispositions protectrices de l'ordonnance précitée, pour fonder sa demande en nullité des commandements de payer visant la clause résolutoire. A l'appui de sa prétention, l'appelante verse aux débats deux accusés de réception des demandes adressées à la Direction générale des finances publiques, les 8 avril et 2 mai 2020 au titre du fonds de solidarité et, en cause d'appel, les copies de ses relevés de compte pour les mois d'avril, mai et juin 2020, dont il ressort qu'elle a effectivement perçu la somme de 1.500 euros au titre du fonds de solidarité pour ces trois mois.
Cependant, c'est par des motifs détaillés auxquels la cour renvoie et qu'elle adopte, que le premier juge a, à bon droit, estimé que l'appelante échouait à justifier remplir les conditions d'éligibilité lui permettant de bénéficier du fonds de solidarité, dans la mesure où elle ne produit aucune pièce comptable attestant de la perte de chiffre d'affaires subie, du nombre de salariés employés par l'entreprise, ni encore du montant du bénéfice et du chiffre d'affaires de l'exercice clos, comme l'exige l'article 2 du décret du 30 mars 2020 susvisé. Il sera simplement ajouté que le fait pour l'appelante de verser aux débats en cause d'appel ses relevés de compte, dont il ressort qu'elle a effectivement perçu une aide financière au titre du fonds de solidarité, est inopérant, dans la mesure où la perception de ladite aide, qui repose sur un système purement déclaratif, ne permet pas d'en déduire qu'elle remplit effectivement les conditions ouvrant droit au bénéfice du fonds. Elle ne saurait davantage prétendre que le premier juge s'est arrogé un pouvoir qui ne lui appartient pas, dans la mesure où il incombe évidemment au juge de vérifier que les conditions d'éligibilité posées par le décret précité sont réunies.
Par conséquent, l'appelante échouant à démontrer remplir les conditions mises en place par décret pour bénéficier du fonds de solidarité, celle-ci ne peut se prévaloir des mesures de suspension prévues par l'article 4 de l'ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020.
Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.
Sur l'acquisition de la clause résolutoire
En application de l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce, une partie peut résilier unilatéralement un contrat en mettant en 'uvre une clause résolutoire stipulée au contrat, pour les causes qu'elle prévoit.
L'article L.145-41 du code de commerce, dans sa version également applicable à l'espèce, dispose que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit, ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux et que le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
Il est constant que, pour que ledit commandement produise ses effets et permette la mise en 'uvre de la clause résolutoire, il doit être précis pour permettre à son destinataire d'apprécier la nature ou le bien-fondé des demandes qui lui sont adressées et remédier au manquement contractuel reproché. Le commandement doit également être délivré de bonne foi.
L'article 9 du bail conclu entre les parties prévoit en substance qu'à défaut de paiement de quelque somme que ce soit à son échéance, un mois après une mise en demeure restée sans effet, le bail sera résilié de plein droit si bon semble au bailleur, même dans le cas de paiement postérieur à l'expiration du délai d'un mois.
En l'espèce, par actes d'huissier du 7 puis du 21 juillet 2020, l'intimée a adressé à l'appelante des commandements de payer visant la clause résolutoire susvisée et précisant le délai d'un mois, relatifs aux loyers des 2ème et 3ème trimestres 2020 impayés à l'échéance. S'il est constant que l'appelante a réglé le loyer du 3ème trimestre 2020 quelques jours après le second acte, elle ne conteste pas ne pas avoir réglé le loyer du 2ème trimestre 2020 et rester devoir à l'intimée la somme de 18.253,27 euros à ce titre.
Par conséquent, à défaut de paiement dans le délai imparti d'un mois, ladite clause est bien acquise et le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a jugé valables les commandements de payer visant la clause résolutoire délivrés les 7 et 21 juillet 2020 et débouté l'appelante de sa demande tendant à voir dire et juger lesdits commandements de payer nuls et non avenus.
Sur les délais de paiement et la suspension de la clause résolutoire
Selon l'alinéa 2 de l'article L.145-41 précité, dans sa rédaction applicable à l'espèce, le juge saisi d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues aux articles 1244-1 à 1244-3 (devenu 1343-5) du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.
L'intimée sollicite la réformation du jugement ayant accordé à l'appelante des délais de paiement de la dette de loyer susvisée, soutenant que celle-ci serait de mauvaise foi notamment en ce qu'elle tente de profiter de dispositions qui lui sont en réalité inapplicables, car elle n'établit pas être dans une situation financière qui ne lui permet pas de régler les sommes dues.
L'appelante pour sa part sollicite la confirmation du jugement attaqué en ce qu'il lui a accordé des délais de paiement de sa dette locative.
Eu égard aux circonstances de l'espèce, liées à la crise sanitaire consécutive à l'épidémie de Covid-19, c'est par des motifs pertinents et détaillés que la cour adopte et auxquels elle renvoie, que le premier juge a estimé qu'il y avait lieu de faire droit à la demande de délais de paiement sollicité par l'appelante, l'intimée échouant au demeurant à démontrer sa mauvaise foi, l'appelante s'étant toujours acquittée de ses loyers au cours du bail, à l'exception de celui afférent au 2ème trimestre 2020. Il sera en outre précisé que l'intimée ne soutient pas en cause d'appel que la preneuse ne respecterait pas les modalités d'étalement de sa dette fixées en première instance.
En conséquence, les modalités d'étalement de la dette locative de 18.523,67 euros définies par le premier juge seront confirmées. Il sera également confirmé le fait que, conformément aux textes susvisés, les délais accordés auront pour effet de suspendre la clause résolutoire et que s'ils ne sont pas respectés, l'intégralité de la dette sera immédiatement exigible, la clause résolutoire reprenant son plein effet et la preneuse devant alors quitter les lieux loués.
Sur les intérêts de retard, l'indemnité forfaitaire, l'acquisition du dépôt de garantie et l'indemnité d'occupation
Aux termes de l'article 1152 du code civil, devenu l'article 1231-5, lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre. Néanmoins le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
Aux termes du bail conclu entre les parties, l'article 10 « Intérêts de retard », prévoit qu'à défaut de règlement d'une quelconque somme exigible à sa date d'échéance, celle-ci sera automatiquement productive d'un intérêt calculé sur le taux d'intérêt légal majoré de 5 points, et en son article 12 « Indemnité forfaitaire », que dans le cas où le bailleur exercerait des poursuites ou prendraient des mesures conservatoires à l'encontre du preneur, il aurait droit à une indemnité forfaitaire correspondant à 10% des sommes pour lesquelles les procédures seraient engagées, sans qu'il soit nécessaire de le mettre en demeure préalablement par dérogation à l'article 1230 du code civil, indépendamment de tous frais de commandements, sommation, mise en demeure ou signification, y compris les intérêts de retard calculées dans les conditions visées à l'article 10.
En outre, l'alinéa 4 de l'article 9 « Clause résolutoire » et l'article 11 « Indemnité d'occupation », stipulent tous deux en substance qu'en cas de résiliation du bail, le dépôt de garantie prévu à l'article 8, restera acquis au bailleur à titre d'indemnité, sans préjudice de son droit à tous dommages et intérêts et ce, même article 11 stipule également que dès la résiliation le preneur sera débiteur de plein droit jusqu'à la reprise de possession des lieux par le bailleur, d'une indemnité d'occupation fixée forfaitairement à trois fois le montant du loyer en principal en vigueur à la date de ladite résiliation, outre les accessoires dudit loyer.
L'intimée fait valoir à titre reconventionnel que l'appelante n'ayant pas réglé les loyers dus, malgré les commandements mentionnés, elle devrait, en application de l'article 12 du bail, une indemnité forfaitaire de 10 % et que sur le fondement de l'article L.441-10 du code de commerce et de l'article 10 du bail, l'appelante n'ayant pas payé des sommes exigibles, elle devrait être condamnée au paiement d'intérêts de retard jusqu'au jour du parfait paiement des sommes dues. Elle soutient également qu'en application de l'article 8 du bail, le dépôt de garantie de 15.028,71 euros lui est acquis à titre d'indemnité et qu'enfin l'appelante devrait être condamnée au paiement d'une indemnité d'occupation à compter du 8 août 2020, date de l'acquisition de la clause résolutoire, jusqu'à la complète libération des lieux, qu'il convient de fixer à une somme égale à trois fois le montant du loyer en principal, charges et taxes en sus, conformément à l'article 11 du bail liant les parties.
Pour échapper à ces différentes sanctions, l'appelante se prévaut du mécanisme de suspension déjà évoqué.
En l'espèce, dans la mesure où les dispositions de l'article 4 de l'ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020 ne sont pas applicables à l'espèce, il y a lieu d'approuver le premier juge pour avoir considéré que la majoration de 5 points du taux d'intérêt légal prévue à l'article 10 du bail pouvait être modérée en application de l'article 1152 susvisé, étant donné que cette majoration est destinée tant à inciter le preneur à remplir ses obligations qu'à indemniser le bailleur du préjudice subi du fait du retard dans le paiement de sommes exigibles, remplissant ainsi un double rôle comminatoire et indemnitaire, s'analysant donc en une clause pénale susceptible d'être modérée par le juge, quand bien même le contrat ne l'a pas dénommée ainsi.
De la même manière, dans la mesure où la pénalité de 10% qui se trouve prévue l'article 12 du bail a pour objet de fixer par avance et de manière forfaitaire l'indemnité due par le preneur en cas d'inexécution de son obligation de paiement du loyer, il faut approuver le premier juge pour avoir estimé que ladite indemnité pouvait également être modérée en application de l'article 1152 du code civil, applicable à l'espèce.
Il y a également lieu d'approuver le premier juge pour avoir estimé que compte tenu de l'économie générale du contrat et du fait que ces pénalités se cumulent, celles-ci apparaissent manifestement excessives et qu'il y a lieu de les réduire à 1 euros pour la majoration des intérêts et 200 euros pour l'indemnité forfaitaire de l'article 12, étant précisé que le preneur n'avait jusqu'alors jamais été défaillant dans le paiement de son loyer et qu'il n'est pas démontré par l'intimée qu'il l'eut été depuis.
Par ailleurs, dans la mesure où l'article 11 du bail prévoit qu'en cas de résiliation, l'indemnité d'occupation qui sera due par le preneur sera égal à trois fois le montant du loyer et que le dépôt de garantie restera acquis au bailleur à titre d'indemnité, il y a également lieu d'approuver le premier juge pour avoir estimé que ces dispositions, en ce qu'elles fixent à l'avance et de façon forfaitaire les indemnités perçues par le bailleur en cas de résiliation, constituent des pénalités soumises au pouvoir modérateur du juge et qu'eu égard au fait qu'elles apparaissent en l'espèce manifestement excessives au regard du seul préjudice résultant du défaut de paiement d'un mois de loyer, il convenait de réduire l'indemnité d'occupation au montant du loyer indexé convenu entre les parties, outre les taxes et charges locatives précédemment exigibles et de réduire à 500 euros au lieu de 15.028,71 euros le montant du dépôt de garantie que le bailleur sera autorisé à conserver à titre d'indemnité en cas résiliation du bail et d'expulsion de la preneuse, étant précisé que cette somme ne sera acquise à la bailleresse que dans le cas où les délais de paiement consentis au terme du jugement attaqué ne seraient pas respectés, entraînant l'acquisition de la clause résolutoire prévue au bail.
Par conséquent le jugement attaqué sera confirmé au titre de ces différents chefs.
Sur la demande d'allocation de dommages-intérêts au titre de l'exécution du contrat de mauvaise foi et de procédure abusive
L'article 1134 du code civil (devenu 1104) dispose que les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Aux termes de l'article 1147 du même code, dans sa version applicable à l'espèce, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part. La mise en 'uvre de ces dispositions implique la démonstration d'une faute en lien de causalité avec un préjudice démontré en son principe et sa mesure.
Selon l'article 32-1 du code de procédure civile, « Celui qui agit en justice de manière abusive ou dilatoire peut être condamné à une amende civile (...) sans préjudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés ».
Il sera rappelé que l'exercice d'une action en justice ou d'une voie de recours constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, ou d'erreur grossière équipollente au dol.
L'appelante sollicite la condamnation de l'intimée pour exécution de mauvaise foi du contrat de bail, ayant multiplié les relances et procédures sans jamais tenter de négociation, malgré la crise exceptionnelle et le comportement exemplaire de l'appelante jusque-là, laquelle attendait les décisions du gouvernement. Ce recours abusif à la voie contentieuse révèlerait une volonté de rompre le bail pour d'autres raisons, ce qui est déloyal.
L'intimée estime avoir respecté ces obligations, contrairement l'appelante qui a annulé unilatéralement des loyers et soutient avoir simplement envoyé des relances et commandements de payer en raison des loyers impayés ; elle fait valoir en outre que l'appelante n'a fourni aucun justificatif valable sur son éligibilité au fonds de solidarité, malgré plusieurs relances.
En l'espèce, au regard des éléments soumis à son appréciation, la cour retient que le premier juge a, par des motifs précis et pertinents qu'elle approuve, fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties, en estimant que l'appelante échouait à démontrer un manquement de l'intimée à l'exécution de bonne foi de la convention les liant et un abus de son droit d'agir en justice, résultant du seul fait d'assigner en paiement et en constat de l'acquisition de la clause résolutoire inscrite au bail trois mois après un commandement de payer, étant ajouté qu'en cause d'appel la preuve de la mauvaise foi de la bailleresse n'est pas davantage rapportée.
L'appelante sera en conséquence déboutée de sa demande à ces titres, faute pour elle de rapporter la preuve d'une quelconque intention de nuire ou légèreté blâmable de la part de l'intimé et à défaut d'établir l'existence d'un préjudice autre que celui subi du fait des frais de justice exposés.
Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
Sur les demandes accessoires
Le jugement étant confirmé au principal, il le sera également au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.
En cause d'appel, l'équité commande de condamner la SARL Blossom Consulting à payer la SCI de Castelnau-Madeleine la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La SARL Blossom Consulting qui succombe en son appel sera condamnée aux dépens d'appel, lesquels comprennent notamment les frais relatifs aux commandements de payer.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,
Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Paris rendu le 18 mai 2022 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant
Condamne la SARL Blossom Consulting, à payer à la SCI de [Adresse 6] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SARL Blossom Consulting aux dépens d'appel.
Le greffier, La présidente,
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 11 SEPTEMBRE 2025
(n° 143/2025 , 13 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 22/12267 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGCCD
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 mai 2022- Tribunal judiciaire de PARIS (18ème chambre, 2ème section) - RG n° 20/11013
APPELANTE
S.A.R.L. BLOSSOM CONSULTING
Immatriculée au R.C.S. de [Localité 8] sous le n° 441 339 710
Agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée et assistée par Me Clémentine COLÉ, avocat au barreau de PARIS, toque : E1387
INTIMÉE
S.C. SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE DE [Localité 7]
Immatriculée au R.C.S. de [Localité 8] sous le n° 039 250 618
Prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Nicolas SIDIER de la SELAS PECHENARD & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R047
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 07 avril 2025, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Marie Girousse, conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
- Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre
- Mme Stéphanie Dupont, conseillère
- Mme Marie Girousse, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Sandrine Stassi-Buscqua
ARRÊT :
- contradictoire ;
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre et par M. Soufiane HASSAOUI, greffier présent lors de la mise à disposition.
FAITS ET PROCÉDURE
Selon acte sous seing privé enregistré le 5 mai 2014, la société civile immobilière de [Localité 7] a donné à bail à la société Blossom Consulting des locaux à usage de bureaux situés [Adresse 3] à [Localité 11], pour une durée de neuf ans commençant le 1er juillet 2014, moyennant un loyer principal annuel de 55.860 euros payable « aux quatre termes d'usage, les premier janvier, avril, juillet et octobre de chaque année et d'avance ».
La destination du bail est la suivante : « le preneur a l'obligation d'y installer exclusivement des bureaux pour l'exercice des activités de formation et de conseil en organisation aux entreprises ou aux personnes physiques, à l'exclusion de tout autre commerce ou industrie ou de tout autre utilisation des lieux, à l'exception de l'application éventuelle des dispositions de la section VIII du Code de commerce relative à la déspécialisation (articles L. 145-47 à L. 145-55 du Code de commerce) ».
Par courrier de relance du 20 avril 2020, la SCI de Castelnau-Madeleine a rappelé à la société Blossom Consulting qu'elle restait lui devoir la somme de 22.101,27 euros au titre de la quittance du 2ème trimestre 2020 et sollicité qu'un règlement intervienne sous huitaine.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 11 mai 2020, la société Blossom Consulting lui a adressé un chèque de 3.848 euros, correspondant au montant de la taxe sur les bureaux 2020 et la provision sur charges et a indiqué attendre s'agissant du règlement du loyer une clarification des décisions et préconisations qui ressortiront des échanges en cours entre les pouvoirs publics et les principales organisations de bailleurs, lesquelles ayant donné pour instructions à leurs adhérents « d'annuler trois mois de loyers aux très petites entreprises (TPE) dont l'activité est arrêtée par la crise sanitaire en cours, ce qui est le cas de notre société ».
La bailleresse a de nouveau adressé une relance par courrier recommandé avec accusé de réception le 18 mai 2020 à la société Blossom Consulting, la sommant de régler la quittance du 2ème trimestre 2020.
Par acte d'huissier du 7 juillet 2020, la SCI de [Adresse 6] a fait délivrer à la société Blossom Consulting un commandement de payer visant la clause résolutoire, pour une somme totale de 20.314,32 euros, correspondant aux loyers et charges dus au titre du 2ème trimestre 2020, à l'indemnité forfaitaire de 10 % prévue au bail et au coût du commandement, déduction faite du règlement de la somme de 3.848 euros.
Par acte d'huissier du 21 juillet 2020, la société bailleresse a fait délivrer à la société locataire un second commandement de payer visant la clause résolutoire, pour la somme de 19.098,81 euros en principal au titre des loyers et charges du 3ème trimestre 2020, outre l'indemnité forfaitaire contractuelle et le coût du commandement.
Le 23 juillet 2020, la société Blossom Consulting a réglé le loyer relatif au 3ème trimestre 2020, à l'exclusion de l'indemnité forfaitaire contractuelle y afférent et du coût du second commandement.
Se prévalant du défaut de régularisation du premier commandement, du paiement partiel des causes du second commandement et du paiement partiel de l'échéance trimestrielle exigible au 1er octobre 2020, la SCI de Castelnau-Madeleine a fait assigner la société Blossom Consulting par acte d'huissier du 4 novembre 2020, devant le tribunal judiciaire de Paris, aux fins essentielles de constatation de l'acquisition de la clause résolutoire et de prononcé de l'expulsion de sa locataire.
Par jugement du 18 mai 2022, le tribunal judiciaire de Paris a :
débouté la société Blossom Consulting de sa demande tendant à voir "dire et juger les commandements délivrés les 7 et 21 juillet 2020 nuls et non avenus, à tout le moins insusceptibles de produire le moindre effet" ;
constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial liant les parties et portant sur les locaux situés [Adresse 4] à [Localité 11] , avec effet au 7 août 2020 à minuit ;
condamné la société Blossom Consulting à payer à la société la société civile immobilière de [Localité 7] la somme de 18.253,27 euros à titre de loyers et de provisions sur charges selon décompte arrêté au 29 janvier 2021, échéance du 1er trimestre 2021 incluse avec intérêts au taux légal à compter du commandement de payer du 7 juillet 2020 ;
condamné la société Blossom Consulting à payer à la société civile immobilière de [Localité 7] la somme de 201 euros à titre de pénalités contractuelles ;
débouté la société civile immobilière de [Localité 7] de sa demande de condamnation de la société Blossom Consulting à la somme de 204,36 euros au titre des frais de recherche de fuites ;
accordé à la société Blossom Consulting des délais de paiement et dit qu'elle pourra s'acquitter de la somme susvisée par 23 versements mensuels de 769 euros, en plus des loyers et des charges courants, étant précisé :
que chaque versement mensuel devra intervenir avant le 05 de chaque mois ;
que le premier versement devra avoir lieu avant le 05 du mois suivant la signification du présent jugement ;
que le solde de la dette devra être réglé le 24ème mois ;
suspendu les effets de la clause résolutoire pendant le temps des délais ainsi consentis ;
dit qu'en cas de paiement de la dette selon les termes de l'échéancier susvisé, la clause résolutoire sera réputée ne jamais avoir joué ;
dit qu'en revanche, à défaut de paiement d'une seule mensualité au terme exact, la totalité de la dette deviendra immédiatement exigible, la clause résolutoire sera acquise et la société Blossom Consulting devra alors quitter les lieux susvisés ;
dit qu'à défaut de départ volontaire, la société Blossom Consulting pourra être expulsée, ainsi que tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique et l'assistance d'un serrurier ;
dit que le sort des meubles sera régi conformément aux articles R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;
dit que la société Blossom Consulting devra payer à la société civile immobilière de [Localité 7], à compter de la résiliation du bail et jusqu'à la complète libération des lieux, une indemnité d'occupation d'un montant égal au montant du dernier loyer indexé, outre toutes taxes et charges locatives précédemment exigibles ;
dit que la société civile immobilière de [Localité 7] sera autorisée à conserver la somme de 500 euros par prélèvement sur le dépôt de garantie, à titre de pénalité contractuelle ;
débouté la société Blossom Consulting de ses demandes en paiement de la somme de 5.000 euros au titre du défaut d'exécution de bonne foi du contrat de bail et de la somme de 5.000 euros pour procédure abusive ;
condamné la société Blossom Consulting à payer à la société civile immobilière de [Localité 7] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné la société Blossom Consulting aux dépens de l'instance, en ce compris le coût des commandements de payer des 7 et 21 juillet 2020 ;
débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
Rappelé que le présent jugement est assorti de l'exécution provisoire de droit.
Par déclaration du 1er juillet 2022, la société Blossom Consulting a interjeté appel du jugement.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 5 mars 2025.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Aux termes de ses conclusions notifiées le 18 décembre 2024, la société Blossom Consulting, appelante, demande à la cour de :
infirmer le jugement rendu le 18 mai 2022 dont appel en ce qu'il a :
débouté la société Blossom Consulting de sa demande de nullité et d'absence d'effet des commandements délivrés les 7 et 21 juillet 2020 ;
constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial liant les parties et portant sur les locaux situés [Adresse 3] à [Localité 11], avec effet au 7 août 2020 à minuit ;
condamné la société Blossom Consulting à payer à la société civile immobilière de [Localité 7], à compter du commandement de payer du 7 juillet 2020, les intérêts au taux légal sur la somme de 18.253,27 euros ;
condamné la société Blossom Consulting à payer à la société civile immobilière de [Localité 7] la somme de 201 euros à titre de pénalités contractuelles ;
dit qu'à défaut de paiement d'une seule mensualité au terme exact, la totalité de la dette deviendra immédiatement exigible, la clause résolutoire sera acquise et la société Blossom Consulting devra alors quitter les lieux susvisés ;
dit que la société civile immobilière de [Localité 7] sera autorisée à conserver la somme de 500 euros par prélèvement sur le dépôt de garantie, à titre de pénalité contractuelle ;
condamné la société Blossom Consulting à payer à la société civile immobilière de [Localité 7] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné la société Blossom Consulting aux dépens de l'instance, en ce compris le coût des commandements de payer des 7 et 21 juillet 2020 ;
débouté la société Blossom Consulting de ses demandes en paiement de la somme de 5.000 euros au titre de défaut d'exécution de bonne foi du contrat de bail et de la somme de 5.000 euros pour procédure abusive ;
débouté la société Blossom Consulting de sa demande de condamnation de la société civile immobilière de [Localité 7] à la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Statuant à nouveau,
juger que la société Blossom Consulting prouve bien qu'elle était non seulement susceptible de bénéficier du fonds de solidarité, mais qu'elle en a effectivement bénéficié, et qu'en conséquence elle devait bénéficier de la protection des articles 1 et 4 de l'ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020 et de ses modifications, et ne pouvait donc encourir de pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages - intérêts, d'astreinte, d'exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance pour le défaut de paiement de l'échéance du 1er avril 2020 (et également pour le défaut de paiement de l'échéance du 1er juillet 2020, au demeurant régularisée dès le 23 juillet) ;
En conséquence,
juger les commandements délivrés les 7 et 21 juillet 2020 nuls et non avenus, à tout le moins insusceptibles de produire le moindre effet ;
débouter la société civile immobilière de [Localité 7] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions, et notamment :
d'acquisition de clause résolutoire ;
d'expulsion,
de séquestration des meubles,
d'indemnité contractuelle forfaitaire (clause pénale),
d'intérêts de retard,
d'indemnité d'occupation,
d'acquisition du dépôt de garantie,
d'article 700,
de paiement des dépens, inclus le coût des commandements.
condamner la société civile immobilière de [Adresse 6] à la somme de 5.000 euros au titre de du défaut d'exécution de bonne foi du contrat de bail ;
condamner la société civile immobilière de [Localité 7] à la somme de 5.000 euros au titre de procédure abusive ;
condamner la société civile immobilière de [Adresse 6] à la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner la société civile immobilière de [Localité 7] aux entiers dépens;
confirmer les délais de paiement accordés par le jugement à la société Blossom Consulting, sans intérêt.
Aux termes de ses conclusions notifiées le 20 décembre 2022, la SCI de [Adresse 6], intimée, demande à la cour de :
débouter la société Blossom Consulting de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
confirmer le jugement entrepris en ce qu'il :
« déboute la société Blossom Consulting de sa demande tendant à voir « DIRE et JUGER les commandements délivrés le 7 et 21 juillet 2020 nul et non avenus, à tout le moins insusceptibles de produire le moindre effet » ;
constate l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial liant les parties et portant sur les locaux situés [Adresse 4] à [Localité 10], avec effet au 7 août 2020 à minuit ;
condamne la société Blossom Consulting à payer à la société civile immobilière de [Localité 7] la somme de 18.253,27 euros à titre de loyers et de provisions sur charges selon décompte arrêté au 29 janvier 2021, échéance du 1er trimestre 2021 incluse avec intérêts aux taux légal à compter du commandement de payer du 7 juillet 2020 ;
« déboute la société Blossom Consulting de ses demandes en paiement de la somme de 5.000 euros au titre de défaut d'exécution de bonne foi du contrat de bail et de la somme de 5.000 euros pour procédure abusive » ;
« condamne la société Blossom Consulting à payer à la société civile immobilière de [Localité 7] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile » ;
« condamne la société Blossom Consulting aux dépens de l'instance, en ce compris le coût des commandements de payer des 7 et 21 juillet 2020 ».
infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :
« accorde à la société Blossom Consulting des délais de paiement et dit qu'elle pourra s'acquitter de la somme susvisée par 23 virements mensuels de 769 euros, en plus des loyers et des charges courants, étant précisé :
que chaque versement mensuel devra intervenir avant le 05 de chaque mois,
que le premier versement devra avoir lieu avant le 05 du mois suivant la signification du présent jugement,
que le solde de la dette devra être réglé le 24ème mois ;
suspend les effets de la clause résolutoire pendant le temps des délais ainsi consentis ;
condamne la société Blossom Consulting à payer à la société civile immobilière de [Localité 7] la somme de 201 euros à titre de pénalités contractuelles ;
dit que la société Blossom Consulting devra payer à la société civile immobilière de [Localité 7], à compter de la résiliation du bail et jusqu'à la complète libération des lieux, une indemnité d'occupation d'un montant égal au montant du dernier loyer indexé, outre toutes taxes et charges locatives précédemment exigibles ;
dit que la société civile immobilière de [Localité 7] sera autorisée à conserver la somme de 500 euros par prélèvement sur le dépôt de garantie, à titre de pénalité contractuelle ».
Et, statuant à nouveau,
constater acquise, au profit de la société civile immobilière de [Localité 7], la clause résolutoire visée au commandement de payer du 7 juillet 2020 ;
En conséquence,
ordonner l'expulsion de la société Blossom Consulting des lieux qu'elle occupe [Adresse 4] à [Localité 9], ainsi que de tous occupants de son chef, en la forme ordinaire et avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier s'il y a lieu ;
ordonner la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux en tel garde meubles qu'il plaira au tribunal de désigner, aux frais, risques et périls de la société Blossom Consulting ;
condamner la société Blossom Consulting au paiement de la somme de 18.457,63 euros, correspondant aux loyers frais et charges arrêtés au terme du 4ème trimestre 2020 inclus sauf à parfaire au jour de la décision à intervenir ;
condamner la société Blossom Consulting au paiement de la somme de 3.735,80 euros, correspondant à l'indemnité forfaitaire ;
condamner la société Blossom Consulting au paiement des intérêts de retard jusqu'au jour du parfait paiement des sommes dues ;
condamner la société Blossom Consulting au paiement d'une indemnité d'occupation, à compter du 8 août 2020 et jusqu'à parfaite libération des lieux, égale à trois fois le montant du loyer en principal, charges et taxes en sus ;
ordonner que la somme de 15.028,71 euros correspondant au montant du dépôt de garantie versé par la société Blossom Consulting entre les mains de la société civile immobilière de [Localité 5], lui demeurera acquise ;
condamner la société Blossom Consulting au paiement de la somme de 5.000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner la société Blossom Consulting aux entiers dépens en ce compris le coût des commandements des 7 et 21 juillet 2020 soit la somme de 460,45 euros (article 696 du code de procédure civile).
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.
MOTIFS DE L'ARRET
Sur l'application du mécanisme de suspension mis en place par l'article 4 de l'ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020
Selon l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Aux termes de l'article 4 de l'ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020, « Les personnes mentionnées à l'article 1er ne peuvent encourir de pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d'astreinte, d'exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d'activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux, nonobstant toute stipulation contractuelle et les dispositions des articles L.622-14 et L.641-12 du code de commerce. Les dispositions ci-dessus s'appliquent aux loyers et charges locatives dont l'échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai de deux mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020. »
L'article 1er dispose quant à lui que « peuvent bénéficier des dispositions des articles 2 à 4, les personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique qui sont susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité mentionné à l'article 1er de l'ordonnance n°2020-317 du 25 mars 2020. Celles qui poursuivent leur activité dans le cadre d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire peuvent également bénéficier de ces dispositions au vu de la communication d'une attestation de l'un des mandataires de justice désignés par le jugement qui a ouvert cette procédure. Les critères d'éligibilité aux dispositions mentionnées ci-dessus sont précisés par décret, lequel détermine notamment les seuils d'effectifs et de chiffre d'affaires des personnes concernées ainsi que le seuil de perte de chiffre d'affaires constatée du fait de la crise sanitaire. »
L'article 1er de l'ordonnance n°2020-317 du 25 mars 2020 prévoit qu'il « est institué, jusqu'au 31 décembre 2021, un fonds de solidarité ayant pour objet le versement d'aides financières aux personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du covid-19 et des mesures prises pour en limiter la propagation » et son article 3, « qu'un décret fixe le champ d'application du dispositif, les conditions d'éligibilité et d'attribution des aides, leur montant ainsi que les conditions de fonctionnement et de gestion du fonds. »
Ainsi, selon les termes de l'article 2 du décret n°2020-371 du 30 mars 2020, relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, qui précise les catégories d'entreprises éligibles au bénéfice de l'article 4 de l'ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020, « les aides financières prévues à l'article 3 prennent la forme de subventions attribuées par décision du ministre de l'action et des comptes publics aux entreprises mentionnées à l'article 1er du présent décret qui remplissent les conditions suivantes :
1° Elles ont fait l'objet d'une interdiction d'accueil du public intervenue entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020 ;
2° Ou elles ont subi une perte de chiffre d'affaires d'au moins 50 % durant la période comprise entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020,
- par rapport à la même période de l'année précédente ;
- ou, pour les entreprises créées après le 1er mars 2019, par rapport au chiffre d'affaires mensuel moyen sur la période comprise entre la date de création de l'entreprise et le 29 février 2020 ;
- ou, pour les personnes physiques ayant bénéficié d'un congé pour maladie, accident du travail ou maternité durant la période comprise entre le 1er mars 2019 et le 31 mars 2019, ou pour les personnes morales dont le dirigeant a bénéficié d'un tel congé pendant cette période, par rapport au chiffre d'affaires mensuel moyen sur la période comprise entre le 1er avril 2019 et le 29 février 2020.
3° Leur bénéfice imposable augmenté le cas échéant des sommes versées au dirigeant, au titre de l'activité exercée, n'excède pas 60.000 euros au titre du dernier exercice clos. Pour les entreprises n'ayant pas encore clos un exercice, le bénéfice imposable augmenté le cas échéant des sommes versées au dirigeant est établi, sous leur responsabilité, à la date du 29 février 2020, sur leur durée d'exploitation et ramené sur douze mois ;
4° Les personnes physiques ou, pour les personnes morales, leur dirigeant majoritaire ne sont pas titulaires, au 1er mars 2020, d'un contrat de travail à temps complet ou d'une pension de vieillesse et n'ont pas bénéficié, au cours de la période comprise entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020, d'indemnités journalières de sécurité sociale d'un montant supérieur à 800 euros ;
5° Lorsqu'elles contrôlent une ou plusieurs sociétés commerciales au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce, la somme des salariés, des chiffres d'affaires et des bénéfices des entités liées respectent les seuils fixés aux 3°, 7° et 8° du présent article ;
6° Elles ont débuté leur activité avant le 1er février 2020 ;
7° Leur effectif est inférieur ou égal à dix salariés. Ce seuil est calculé selon les modalités prévues par le I de l'article L.130-1 du code de la sécurité sociale ;
8° Le montant de leur chiffre d'affaires constaté lors du dernier exercice clos est inférieur à un million d'euros. Pour les entreprises n'ayant pas encore clos d'exercice, le chiffre d'affaires mensuel moyen sur la période comprise entre la date de création de l'entreprise et le 29 février 2020 doit être inférieur à 83.333 euros ».
Au soutien de ses prétentions, l'appelante fait valoir que les commandements de payer des 7 et 21 juillet 2020 sont intervenus pendant la période protégée, soit entre le 12 mars et le 10 septembre 2020 et concernaient des échéances locatives couvertes par les mesures de suspension prévues par l'article 4 de l'ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020, dans la mesure où elle est éligible au fonds de solidarité et ne pourrait ainsi encourir aucune pénalité, exécution de la clause résolutoire ou autre sanction financière. Elle soutient qu'il suffit d'être susceptible de bénéficier du fonds de solidarité et pas d'en avoir réellement bénéficié, pour pouvoir prétendre au mécanisme de suspension précité et que le juge n'a pas compétence pour vérifier si une société remplit les conditions d'éligibilité audit fonds, ce pouvoir appartenant exclusivement au Trésor public, qu'il ressort par ailleurs des accusés de réception produits et délivrés par la Direction générale des Finances publiques, une baisse de son chiffre d'affaires de plus de 50 % et un effectif de zéro salarié, ces éléments suffisant à établir qu'elle était bien susceptible de bénéficier du fonds de solidarité et qu'enfin, en appel, elle prouverait avoir effectivement perçu les aides du fonds pour les mois de mars, avril et mai 2020 en versant aux débats ses relevés de comptes afférents aux mois précités et ne pourrait donc subir aucune pénalité ni clause résolutoire pour les échéances impayées des 1er avril et 1er juillet 2020.
L'intimée fait valoir que l'appelante aurait refusé de payer les loyers et charges des 2ème et 3ème trimestres 2020 dans le délai d'un mois suivant les commandements de payer des 7 et 21 juillet 2020. Conformément à l'article relatif à la clause résolutoire insérée dans le bail, le non-paiement de toute somme due entraîne la résiliation de plein droit du bail un mois après un commandement resté sans effet, qu'en l'espèce, la somme de 18.253,27 euros n'a pas été réglée dans le délai imparti, justifiant ainsi l'acquisition de la clause résolutoire et l'expulsion de l'appelante, cette dernière ayant finalement réglé uniquement le loyer du 3ème trimestre 2020 le 23 juillet 2020, sans s'acquitter de l'indemnité forfaitaire et du coût du commandement, qui restent dus ; qu'en outre, les commandements de payer seraient pleinement valides, car l'appelant ne fournirait aucun élément pour justifier de son éligibilité au fonds, outre les accusés de réception invoqués et les relevés bancaires produits en cause d'appel, qui ne suffisent pas à établir que celle-ci était susceptible de bénéficier d'une aide dont l'attribution repose sur un système déclaratif et dont il appartenait au premier juge d'en contrôler le bénéfice. En conséquence, l'intimée estime que l'appelante doit être déboutée de sa demande consistant à bénéficier du régime de neutralisation mis en place par les textes susvisés ; il y aurait donc lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a également débouté l'appelante de sa demande tendant à voir dire et juger lesdits commandements nuls et non avenus.
En l'espèce, s'il n'appartient pas à l'autorité judicaire de vérifier l'éligibilité de la société Blossom au dispositif d'aide susvisé, en revanche il lui appartient de vérifier qu'elle justifie remplir les conditions d'application des textes dont elle revendique le bénéfice au titre du moyen soutenu à savoir, son droit à bénéficier des dispositions protectrices de l'ordonnance précitée, pour fonder sa demande en nullité des commandements de payer visant la clause résolutoire. A l'appui de sa prétention, l'appelante verse aux débats deux accusés de réception des demandes adressées à la Direction générale des finances publiques, les 8 avril et 2 mai 2020 au titre du fonds de solidarité et, en cause d'appel, les copies de ses relevés de compte pour les mois d'avril, mai et juin 2020, dont il ressort qu'elle a effectivement perçu la somme de 1.500 euros au titre du fonds de solidarité pour ces trois mois.
Cependant, c'est par des motifs détaillés auxquels la cour renvoie et qu'elle adopte, que le premier juge a, à bon droit, estimé que l'appelante échouait à justifier remplir les conditions d'éligibilité lui permettant de bénéficier du fonds de solidarité, dans la mesure où elle ne produit aucune pièce comptable attestant de la perte de chiffre d'affaires subie, du nombre de salariés employés par l'entreprise, ni encore du montant du bénéfice et du chiffre d'affaires de l'exercice clos, comme l'exige l'article 2 du décret du 30 mars 2020 susvisé. Il sera simplement ajouté que le fait pour l'appelante de verser aux débats en cause d'appel ses relevés de compte, dont il ressort qu'elle a effectivement perçu une aide financière au titre du fonds de solidarité, est inopérant, dans la mesure où la perception de ladite aide, qui repose sur un système purement déclaratif, ne permet pas d'en déduire qu'elle remplit effectivement les conditions ouvrant droit au bénéfice du fonds. Elle ne saurait davantage prétendre que le premier juge s'est arrogé un pouvoir qui ne lui appartient pas, dans la mesure où il incombe évidemment au juge de vérifier que les conditions d'éligibilité posées par le décret précité sont réunies.
Par conséquent, l'appelante échouant à démontrer remplir les conditions mises en place par décret pour bénéficier du fonds de solidarité, celle-ci ne peut se prévaloir des mesures de suspension prévues par l'article 4 de l'ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020.
Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.
Sur l'acquisition de la clause résolutoire
En application de l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce, une partie peut résilier unilatéralement un contrat en mettant en 'uvre une clause résolutoire stipulée au contrat, pour les causes qu'elle prévoit.
L'article L.145-41 du code de commerce, dans sa version également applicable à l'espèce, dispose que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit, ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux et que le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
Il est constant que, pour que ledit commandement produise ses effets et permette la mise en 'uvre de la clause résolutoire, il doit être précis pour permettre à son destinataire d'apprécier la nature ou le bien-fondé des demandes qui lui sont adressées et remédier au manquement contractuel reproché. Le commandement doit également être délivré de bonne foi.
L'article 9 du bail conclu entre les parties prévoit en substance qu'à défaut de paiement de quelque somme que ce soit à son échéance, un mois après une mise en demeure restée sans effet, le bail sera résilié de plein droit si bon semble au bailleur, même dans le cas de paiement postérieur à l'expiration du délai d'un mois.
En l'espèce, par actes d'huissier du 7 puis du 21 juillet 2020, l'intimée a adressé à l'appelante des commandements de payer visant la clause résolutoire susvisée et précisant le délai d'un mois, relatifs aux loyers des 2ème et 3ème trimestres 2020 impayés à l'échéance. S'il est constant que l'appelante a réglé le loyer du 3ème trimestre 2020 quelques jours après le second acte, elle ne conteste pas ne pas avoir réglé le loyer du 2ème trimestre 2020 et rester devoir à l'intimée la somme de 18.253,27 euros à ce titre.
Par conséquent, à défaut de paiement dans le délai imparti d'un mois, ladite clause est bien acquise et le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a jugé valables les commandements de payer visant la clause résolutoire délivrés les 7 et 21 juillet 2020 et débouté l'appelante de sa demande tendant à voir dire et juger lesdits commandements de payer nuls et non avenus.
Sur les délais de paiement et la suspension de la clause résolutoire
Selon l'alinéa 2 de l'article L.145-41 précité, dans sa rédaction applicable à l'espèce, le juge saisi d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues aux articles 1244-1 à 1244-3 (devenu 1343-5) du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.
L'intimée sollicite la réformation du jugement ayant accordé à l'appelante des délais de paiement de la dette de loyer susvisée, soutenant que celle-ci serait de mauvaise foi notamment en ce qu'elle tente de profiter de dispositions qui lui sont en réalité inapplicables, car elle n'établit pas être dans une situation financière qui ne lui permet pas de régler les sommes dues.
L'appelante pour sa part sollicite la confirmation du jugement attaqué en ce qu'il lui a accordé des délais de paiement de sa dette locative.
Eu égard aux circonstances de l'espèce, liées à la crise sanitaire consécutive à l'épidémie de Covid-19, c'est par des motifs pertinents et détaillés que la cour adopte et auxquels elle renvoie, que le premier juge a estimé qu'il y avait lieu de faire droit à la demande de délais de paiement sollicité par l'appelante, l'intimée échouant au demeurant à démontrer sa mauvaise foi, l'appelante s'étant toujours acquittée de ses loyers au cours du bail, à l'exception de celui afférent au 2ème trimestre 2020. Il sera en outre précisé que l'intimée ne soutient pas en cause d'appel que la preneuse ne respecterait pas les modalités d'étalement de sa dette fixées en première instance.
En conséquence, les modalités d'étalement de la dette locative de 18.523,67 euros définies par le premier juge seront confirmées. Il sera également confirmé le fait que, conformément aux textes susvisés, les délais accordés auront pour effet de suspendre la clause résolutoire et que s'ils ne sont pas respectés, l'intégralité de la dette sera immédiatement exigible, la clause résolutoire reprenant son plein effet et la preneuse devant alors quitter les lieux loués.
Sur les intérêts de retard, l'indemnité forfaitaire, l'acquisition du dépôt de garantie et l'indemnité d'occupation
Aux termes de l'article 1152 du code civil, devenu l'article 1231-5, lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre. Néanmoins le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
Aux termes du bail conclu entre les parties, l'article 10 « Intérêts de retard », prévoit qu'à défaut de règlement d'une quelconque somme exigible à sa date d'échéance, celle-ci sera automatiquement productive d'un intérêt calculé sur le taux d'intérêt légal majoré de 5 points, et en son article 12 « Indemnité forfaitaire », que dans le cas où le bailleur exercerait des poursuites ou prendraient des mesures conservatoires à l'encontre du preneur, il aurait droit à une indemnité forfaitaire correspondant à 10% des sommes pour lesquelles les procédures seraient engagées, sans qu'il soit nécessaire de le mettre en demeure préalablement par dérogation à l'article 1230 du code civil, indépendamment de tous frais de commandements, sommation, mise en demeure ou signification, y compris les intérêts de retard calculées dans les conditions visées à l'article 10.
En outre, l'alinéa 4 de l'article 9 « Clause résolutoire » et l'article 11 « Indemnité d'occupation », stipulent tous deux en substance qu'en cas de résiliation du bail, le dépôt de garantie prévu à l'article 8, restera acquis au bailleur à titre d'indemnité, sans préjudice de son droit à tous dommages et intérêts et ce, même article 11 stipule également que dès la résiliation le preneur sera débiteur de plein droit jusqu'à la reprise de possession des lieux par le bailleur, d'une indemnité d'occupation fixée forfaitairement à trois fois le montant du loyer en principal en vigueur à la date de ladite résiliation, outre les accessoires dudit loyer.
L'intimée fait valoir à titre reconventionnel que l'appelante n'ayant pas réglé les loyers dus, malgré les commandements mentionnés, elle devrait, en application de l'article 12 du bail, une indemnité forfaitaire de 10 % et que sur le fondement de l'article L.441-10 du code de commerce et de l'article 10 du bail, l'appelante n'ayant pas payé des sommes exigibles, elle devrait être condamnée au paiement d'intérêts de retard jusqu'au jour du parfait paiement des sommes dues. Elle soutient également qu'en application de l'article 8 du bail, le dépôt de garantie de 15.028,71 euros lui est acquis à titre d'indemnité et qu'enfin l'appelante devrait être condamnée au paiement d'une indemnité d'occupation à compter du 8 août 2020, date de l'acquisition de la clause résolutoire, jusqu'à la complète libération des lieux, qu'il convient de fixer à une somme égale à trois fois le montant du loyer en principal, charges et taxes en sus, conformément à l'article 11 du bail liant les parties.
Pour échapper à ces différentes sanctions, l'appelante se prévaut du mécanisme de suspension déjà évoqué.
En l'espèce, dans la mesure où les dispositions de l'article 4 de l'ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020 ne sont pas applicables à l'espèce, il y a lieu d'approuver le premier juge pour avoir considéré que la majoration de 5 points du taux d'intérêt légal prévue à l'article 10 du bail pouvait être modérée en application de l'article 1152 susvisé, étant donné que cette majoration est destinée tant à inciter le preneur à remplir ses obligations qu'à indemniser le bailleur du préjudice subi du fait du retard dans le paiement de sommes exigibles, remplissant ainsi un double rôle comminatoire et indemnitaire, s'analysant donc en une clause pénale susceptible d'être modérée par le juge, quand bien même le contrat ne l'a pas dénommée ainsi.
De la même manière, dans la mesure où la pénalité de 10% qui se trouve prévue l'article 12 du bail a pour objet de fixer par avance et de manière forfaitaire l'indemnité due par le preneur en cas d'inexécution de son obligation de paiement du loyer, il faut approuver le premier juge pour avoir estimé que ladite indemnité pouvait également être modérée en application de l'article 1152 du code civil, applicable à l'espèce.
Il y a également lieu d'approuver le premier juge pour avoir estimé que compte tenu de l'économie générale du contrat et du fait que ces pénalités se cumulent, celles-ci apparaissent manifestement excessives et qu'il y a lieu de les réduire à 1 euros pour la majoration des intérêts et 200 euros pour l'indemnité forfaitaire de l'article 12, étant précisé que le preneur n'avait jusqu'alors jamais été défaillant dans le paiement de son loyer et qu'il n'est pas démontré par l'intimée qu'il l'eut été depuis.
Par ailleurs, dans la mesure où l'article 11 du bail prévoit qu'en cas de résiliation, l'indemnité d'occupation qui sera due par le preneur sera égal à trois fois le montant du loyer et que le dépôt de garantie restera acquis au bailleur à titre d'indemnité, il y a également lieu d'approuver le premier juge pour avoir estimé que ces dispositions, en ce qu'elles fixent à l'avance et de façon forfaitaire les indemnités perçues par le bailleur en cas de résiliation, constituent des pénalités soumises au pouvoir modérateur du juge et qu'eu égard au fait qu'elles apparaissent en l'espèce manifestement excessives au regard du seul préjudice résultant du défaut de paiement d'un mois de loyer, il convenait de réduire l'indemnité d'occupation au montant du loyer indexé convenu entre les parties, outre les taxes et charges locatives précédemment exigibles et de réduire à 500 euros au lieu de 15.028,71 euros le montant du dépôt de garantie que le bailleur sera autorisé à conserver à titre d'indemnité en cas résiliation du bail et d'expulsion de la preneuse, étant précisé que cette somme ne sera acquise à la bailleresse que dans le cas où les délais de paiement consentis au terme du jugement attaqué ne seraient pas respectés, entraînant l'acquisition de la clause résolutoire prévue au bail.
Par conséquent le jugement attaqué sera confirmé au titre de ces différents chefs.
Sur la demande d'allocation de dommages-intérêts au titre de l'exécution du contrat de mauvaise foi et de procédure abusive
L'article 1134 du code civil (devenu 1104) dispose que les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Aux termes de l'article 1147 du même code, dans sa version applicable à l'espèce, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part. La mise en 'uvre de ces dispositions implique la démonstration d'une faute en lien de causalité avec un préjudice démontré en son principe et sa mesure.
Selon l'article 32-1 du code de procédure civile, « Celui qui agit en justice de manière abusive ou dilatoire peut être condamné à une amende civile (...) sans préjudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés ».
Il sera rappelé que l'exercice d'une action en justice ou d'une voie de recours constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, ou d'erreur grossière équipollente au dol.
L'appelante sollicite la condamnation de l'intimée pour exécution de mauvaise foi du contrat de bail, ayant multiplié les relances et procédures sans jamais tenter de négociation, malgré la crise exceptionnelle et le comportement exemplaire de l'appelante jusque-là, laquelle attendait les décisions du gouvernement. Ce recours abusif à la voie contentieuse révèlerait une volonté de rompre le bail pour d'autres raisons, ce qui est déloyal.
L'intimée estime avoir respecté ces obligations, contrairement l'appelante qui a annulé unilatéralement des loyers et soutient avoir simplement envoyé des relances et commandements de payer en raison des loyers impayés ; elle fait valoir en outre que l'appelante n'a fourni aucun justificatif valable sur son éligibilité au fonds de solidarité, malgré plusieurs relances.
En l'espèce, au regard des éléments soumis à son appréciation, la cour retient que le premier juge a, par des motifs précis et pertinents qu'elle approuve, fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties, en estimant que l'appelante échouait à démontrer un manquement de l'intimée à l'exécution de bonne foi de la convention les liant et un abus de son droit d'agir en justice, résultant du seul fait d'assigner en paiement et en constat de l'acquisition de la clause résolutoire inscrite au bail trois mois après un commandement de payer, étant ajouté qu'en cause d'appel la preuve de la mauvaise foi de la bailleresse n'est pas davantage rapportée.
L'appelante sera en conséquence déboutée de sa demande à ces titres, faute pour elle de rapporter la preuve d'une quelconque intention de nuire ou légèreté blâmable de la part de l'intimé et à défaut d'établir l'existence d'un préjudice autre que celui subi du fait des frais de justice exposés.
Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
Sur les demandes accessoires
Le jugement étant confirmé au principal, il le sera également au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.
En cause d'appel, l'équité commande de condamner la SARL Blossom Consulting à payer la SCI de Castelnau-Madeleine la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La SARL Blossom Consulting qui succombe en son appel sera condamnée aux dépens d'appel, lesquels comprennent notamment les frais relatifs aux commandements de payer.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,
Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Paris rendu le 18 mai 2022 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant
Condamne la SARL Blossom Consulting, à payer à la SCI de [Adresse 6] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SARL Blossom Consulting aux dépens d'appel.
Le greffier, La présidente,