Livv
Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 11 septembre 2025, n° 21/12327

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 21/12327

11 septembre 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4

ARRÊT AU FOND

DU 11 SEPTEMBRE 2025

Rôle N° RG 21/12327 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BH7HZ

S.A. CCF

C/

[S] [O]

Copie exécutoire délivrée

le : 11 Septembre 2025

à :

Me [Localité 9] CHERFILS

Me Philippe-laurent SIDER

Décision déférée à la Cour :

Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 7] en date du 16 Juillet 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 18/00038.

APPELANTE

S.A. CCF

prise en la personne de ses représentants légaux substituée de plein droit à la société HSBC CONTINENTAL EUROPE auparavant dénommée HSBC France par apport partiel d'actifs soumis au régime des scissions ayant pris effet au 1er janvier 2024

, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Séverine VALADE de la SELARL BARBIER ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS substitué à l'audience par Maître Astrid BOURGOGNE, avocate au barreau de PARIS

INTIMÉE

Madame [S] [O]

née le 22 Novembre 1969 à [Localité 6] (92), demeurant [Adresse 10] (SUISSE)

représentée par Me Philippe-laurent SIDER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Franck VEISSE, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Mai 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente

Madame Laetitia VIGNON, Conseillère

Madame Gaëlle MARTIN, Conseillère

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Septembre 2025.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Septembre 2025

Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 25 juillet 1962, M. [G] [C] a donné à bail commercial à M. [V] [Z] un local à usage commercial situé [Adresse 3], pour une durée de 9 années, du 15 mai 1962 pour se terminer le 15 mai 1971.

Le local commercial est situé au rez-de-chaussée d'un bâtiment dénommé Nice Palais, élevé de 6 étages sur rez-de-chaussée et sous-sol (caves), caractéristique de l'architecture Belle-Epoque, construit autour de 1917.

Le droit au bail a été cédé le 3 mai 1963 au Crédit Commercial de France.

Le bail commercial a fait l'objet de renouvellements successifs. Celui du 14 mai 1971 a modifié la destination contractuelle des lieux, laquelle est désormais définie comme étant "à usage exclusif de banque".

Le dernier bail commercial renouvelé, datant du 20 novembre 2006, au profit de la banque HSBC France, indique que la location est notamment faite sous les clauses, charges et conditions ordinaires et de droit en matière commerciale et sous celles du bail initial du 25 juillet 1962 cédé le 3 mai 1963 et de ses renouvellements successifs.

Le 25 janvier 2016 Mme [S] [O] (venant aux droits des bailleurs) a fait signifier à la société à HSBC France (désormais HSBC Continentale Europe aux droits de laquelle est venue la société CCF) un congé avec offre de renouvellement pour le 30 septembre 2016, proposant au locataire un renouvellement dudit bail pour une nouvelle durée de neuf années à compter du 1er octobre 2016 moyennant un loyer annuel d'un montant de 30 000 € hors charges impôts et taxes à compter de cette même date.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 24 septembre 2018, Mme [S] [O] a notifié un mémoire préalable à la société HSBC France, aux termes duquel elle sollicitait la fixation du loyer à la somme de 22.500 euros l'an HT et HC pour le renouvellement du bail à effet du 1 er octobre 2016.

Par acte d'huissier en date du 21 novembre 2018, Mme [S] [O] a assigné la société HSBC France devant le juge des loyers commerciaux de [Localité 7] en fixation du montant du loyer renouvelé à 22.500 € l'an HT et HC pour le renouvellement du bail à effet du 1 er octobre 2016.

Selon un premier jugement mixte rendu le 15 mai 2019, le juge des loyers commerciaux se prononçait en ces termes :

- constate l'accord des parties sur le renouvellement du bail commercial au 1 er octobre 2016,

- nomme M. [N] [P] en qualité d'expert avec pour mission de fournir à la juridiction tous éléments permettant d'estimer la valeur locative des locaux à la date de renouvellement du bail, soit au 1 er octobre 2016,

- met à la charge de Mme [S] [O] le préfinancement des frais et honoraires de M. [N] [P].

L'expert judiciaire, M. [N] [P], déposait son rapport le 15 décembre 2020, concluant à la valeur locative du local à la somme de 28.500 euros l'an HC et HT pour le renouvellement du bail à effet du 1 er octobre 2016.

Par jugement en date du 16 juillet 2021, le juge des loyers commerciaux près le tribunal judiciaire de Nice s'est prononcé en ces termes :

vu le jugement avant - dire -droit du 15 mai 2019,

- rappelle que le loyer sur renouvellement au 1er octobre 2016 doit être fixé à la valeur locative,

- en conséquence, fixe le loyer sur renouvellement au 1er octobre 2016 des locaux loués par la société HSBC à usage exclusif de "banque ", situes [Adresse 4] à la somme de 22 500 € par an, hors charges et hors taxes, jusqu'au 12 janvier 2021, puis à la somme de 28 500 euros par an hors charges et hors taxes à compter du 13 janvier 2021,

- condamne la société HSBC à verser à Mme [S] [O] le complément de loyers depuis le 1er octobre 2016 dans les conditions sus énoncées, ainsi que les intérêts de plein droit au taux légal à compter du 1er octobre 2016 sur le différentiel ainsi dû avec les sommes payées,

- dit qu'à compter de cette même date, les intérêts échus depuis plus d'un an porteront eux même intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil,

- condamne la société HSBC à payer à Mme [S] [O] la somme de 1800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires,

- condamne la société HSBC aux dépens, en ce compris les frais et honoraires de l'expert

Par déclaration en date du 13 août 2021, la société HSBC Continental Europe a interjeté appel de ce jugement en ces termes : l'appel tend à la réformation et/ou à l'annulation du jugement, en ses dispositions qui ont:

- fixé le loyer sur renouvellement au 1er octobre 2016 des locaux loués par la société HSBC à usage exclusif de "banque ", situés à [Adresse 8] : ° à la somme de 22.500 € par an, hors charges et hors taxes, jusqu'au 12 janvier 2021, ° puis à la somme de 28.500 € par an, hors charges et hors taxes, à compter du 13 janvier 2021,

- condamné la société HSBC à verser à Mme [S] [O] le complément de loyers dû depuis le 1er octobre 2016 dans les conditions sus énoncées, ainsi que les intérêts de plein droit au taux légal à compter du 1er octobre 2016 sur le différentiel ainsi dû avec les sommes payées,

- dit qu'à compter de cette même date, les intérêts échus depuis plus d'un an porteront eux-mêmes intérêts en application de l'article 1343-2du code civil,

- condamné la société HSBC à payer à Mme [S] [O] la somme de 1.800€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires,

- condamné la société HSBC aux dépens, en ce compris les frais et honoraires de l'expert.

Aux termes d'un traité d'apport partiel d'actifs ayant pris effet au 1 er janvier 2024, le droit au bail des locaux loués, faisant l'objet de la présente instance, a été transféré à la société CCF laquelle s'est substituée de plein droit à la société HSBC Continental Europe dans tous les droits et actions découlant du droit au bail.

La procédure a été clôturée par ordonnance prononcée le 29 avril 2025.

CONCLUSIONS DES PARTIES :

Par conclusions notifiées par voie électronique le 14 février 2024, la société CCF demande à la cour de:

vu les articles 1103, 1104, 1192 et 1302-1 du code civil, L.145-16, L.236-27 à L.236-30, s L.145-36, R.145-11, R.145-21 du code de commerce.

- déclarer recevables les demandes de la société CCF qui s'est substituée à la société HSBC Continental Europe,

- confirmer le jugement en ce qu'il a rappelé que le loyer sur renouvellement au 1 er octobre

2016 doit être fixé à la valeur locative ;

- infirmer le jugement pour le surplus en ce qu'il a :

- fixé le loyer sur renouvellement au 1 er octobre 2016 des locaux loués par la société HSBC à usage exclusif de « banque », situés à [Adresse 8] à la somme de 22.500 € par an, hors charges et hors taxes, jusqu'au 12 janvier 2021, puis à la somme de 28.500 € par an hors charges et hors taxes à compter du 13 janvier 2021 ;

- condamné la société HSBC à verser à Madame [S] [O] le complément de loyers dû depuis le 1 er octobre 2016 dans les conditions sus énoncées, ainsi que les intérêts de plein droit au taux légal à compter du 1 er octobre 2016 sur le différentiel ainsi dû avec les sommes payées,

- dit qu'à compter de cette même date, les intérêts échus depuis plus d'un an porteront eux-mêmes intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil,

- condamné la société HSBC à payer à Mme [S] [O] la somme de 1.800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires,

- condamné la société HSBC aux dépens, en ce compris les frais et honoraires de l'expert.

et statuant de nouveau :

au principal,

- débouter Mme [S] [O] de ses demandes,

- fixer à 14.635 € l'an en principal le loyer du bail renouvelé à effet du 1 er octobre 2016, dont bénéficie la société CCF, sur le local situé [Adresse 3],

- condamner Mme [S] [O] à rembourser à la société CCF les trop-versés de loyers depuis le 1 er octobre 2016, majorés des intérêts au taux légal, depuis le 1 er octobre 2016, puis à compter de chaque échéance contractuelle,

- ordonner l'anatocisme,

subsidiairement,

- fixer à 20.690 € par an en principal le loyer du bail renouvelé à effet du 1 er octobre 2016, dont bénéficie la société CCF, sur le local situé [Adresse 3],

très subsidiairement,

- dire que le nouveau loyer, s'il est fixé dans la limite de 22.500 € l'an HT et HC ne pourra s'appliquer qu'à compter du 24 septembre 2018 jusqu'au 12 janvier 2021 inclus.,

- dire que, si le nouveau loyer fixé est supérieur à 22.500 € l'an HT et HC, il ne pourra s'appliquer qu'à compter du 13 janvier 2021,

en tout état de cause,

- condamner Mme [S] [O] au paiement d'une somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

- condamner Mme [S] [O] aux entiers dépens distraits au profit de Maître Romain Cherfils, membre la SELARL LX Aix-en-Provence, avocats associés, à les recouvrer directement.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 17 mars 2022, Mme [S] [O] demande à la cour de:

vu les articles 1103, 1104, 1192 et 1302-1 du code civil, L.145-36, R.145-11 du code de commerce, R.145-21 du code de commerce.

- confirmer le jugement du 16 juillet 2021 en ce qu'il a rappelé que le loyer sur renouvellement au 1er octobre 2016 doit être fixé à la valeur locative,

- confirmer le jugement du 16 juillet 2021 en ce qu'il a fixé le loyer sur renouvellement au 1er octobre 2016 des locaux loués par la société HSBC à usage exclusif de « banque », situés à [Adresse 8] à la somme de 28.500 euros par an hors charges et hors taxes,

- confirmer le jugement du 16 juillet 2021 en ce qu'il a condamné la société HSBC à verser des intérêts à Mme [S] [O] sur les sommes dues et ordonné leur capitalisation en application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil;

- confirmer le jugement du 16 juillet 2021 en ce qu'il a condamné la société HSBC à verser à Mme [S] [O] la sommes de 1800 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

- confirmer le jugement du 16 juillet 2021 en ce qu'il a condamné la société HSBC aux dépens, en ce compris les frais et honoraires de l'expert judiciaire;

- confirmer le jugement du 16 juillet 2021 en ce qu'il a rejeté les demandes de la société HSBC.

- infirmer le jugement du 16 juillet 2021 en ce qu'il a différé l'application du loyer annuel en principal de 28 500 euros hors charges et hors taxes au 13 janvier 2021 (au lieu du 1er octobre 2016),

statuant à nouveau :

- débouter la S.A HSBC Continental Europe de toutes ses demandes,

- fixer le montant du loyer du bail renouvelé au 1 er octobre 2016 au titre des locaux sis [Adresse 2] à la somme en principal de 28.500 euros annuellement, hors taxes et hors charges;

- condamner la S.A HSBC Continental Europe à verser à Mme [S] [O] le complément de loyers dû depuis le 1 er octobre 2016 sur la base du loyer annuel initial de 28 500 euros hors taxes et hors charges, majoré du montant de l'indexation légale;

- condamner la S.A HSBC Continental Europe à régler à Mme [S] [O] les intérêts de plein droit au taux légal en vertu des dispositions de l'article 1231-6 du code civil à compter du 1er octobre 2016 sur le différentiel ainsi dû avec les sommes payées;

- dire qu'à compter de cette même date les intérêts échus depuis plus d'un an porteront eux-mêmes intérêts en application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil;

en tout état de cause,

- condamner la S.A HSBC Continental Europe au paiement d'une somme de 14.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.,

- condamner la S.A HSBC Continental Europe aux entiers dépens, ce compris les frais et honoraires de l'expert judiciaire M.[N] [P]

La procédure a été clôturée par ordonnance prononcée le 29 avril 2025.

MOTIFS

1-sur la recevabilité des demandes de la société CCF

L'appelante preneuse demande de ' déclarer recevables les demandes de la société CCF qui s'est substituée à la société HSBC Continental Europe', ce à quoi l'intimée ne s'oppose pas.

En tout état de cause, l'appelante justifie bénéficier désormais du droit au bail à la place de la société HSBC Continental Europe, en produisant notamment des éléments sur le fait qu'elle a bénéficié d'un apport partiel d'actifs de cette dernière, apport ayant pris effet au 1 er janvier 2024.

Conformément à la demande de l'appelante il y al lieu de déclarer recevables les demandes de la société CCF qui s'est substituée à la société HSBC Continental Europe.

2- sur la fixation du loyer à la valeur locative

L'article R.145-11 prévoit :le prix du bail des locaux à usage exclusif de bureaux est fixé par référence aux prix pratiqués pour des locaux équivalents, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence'.

Il résulte du rapport d'expertise judiciaire et des débats que les locaux loués litigieux rentrent dans le cadre de la catégorie des « bureaux-boutiques », la destination contractuelle des lieux étant à usage exclusif de banque.

Les activités de banque étant assimilées à celles de bureaux, elles se soustraient au régime du plafonnement découlant de l'article L.145-34 du code de commerce et, au regard de l'article R 145-11 du code de commerce, le loyer est de plein droit déplafonné lors du renouvellement. Il doit correspondre à la valeur locative.

La cour ne peut que confirmer le jugement en ce qu'il a rappelé que le loyer sur renouvellement au 1 er octobre 2016 doit être fixé à la valeur locative.

3-sur la valeur locative

Selon l'article L145-33 du code de commerce :Le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.A défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après :

1 Les caractéristiques du local considéré ;

2 La destination des lieux ;

3 Les obligations respectives des parties ;

4 Les facteurs locaux de commercialité ;

5 Les prix couramment pratiqués dans le voisinage ;

Selon l'article R145-3 du code de commerce :Les caractéristiques propres au local s'apprécient en considération :

1° De sa situation dans l'immeuble où il se trouve, de sa surface et de son volume, de la commodité de son accès pour le public,

2° De l'importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l'exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux,

3° De ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d'activité qui y est exercée,

4° De l'état d'entretien, de vétusté ou de salubrité et de la conformité aux normes exigées par la législation du travail,

5° De la nature et de l'état des équipements et des moyens d'exploitation mis à la disposition du locataire.

En l'espèce, les valeurs suivantes doivent être retenues :

- l'expert judiciaire propose un loyer, pour le bail renouvelé, de 28.500 € l'an au 1 er octobre 2016 sur la base d'un prix unitaire de 500 € le m² HT et HC,

- le jugement déféré fixe le loyer sur renouvellement au 1er octobre 2016 à la somme de 22 500 € par an, hors charges et hors taxes, jusqu'au 12 janvier 2021, puis à la somme de 28 500 euros par an hors charges et hors taxes à compter du 13 janvier 2021,

- la preneuse appelante sollicite la fixation du loyer renouvelé à 14.635 € l'an à effet du 1 er octobre 2016, subsidiairement à 20.690 € , à défaut à 22 500 euros HT et HC l'an,

- la bailleresse intimée sollicite un montant de loyer renouvelé de 28 500 euros dès le 1er octobre 2016.

3-2-sur la surface de la cave

Pour la preneuse, seule la surface du rez-de-chaussée doit être retenue tandis que celle de la cave ne doit pas être incluse dans la surface totale à valoriser.Elle ajoute qu'en prévoyant le contraire, l'expert a dénaturé les clauses claires et précises du bail,dès lors que tant le bail initial de 1962 que le bail renouvelé de 1971, précisent :« dans le cas où il existe une cave, elle est concédée à titre de supplément gratuit sans aucune garantie ni responsabilité du bailleur ».

Pour la bailleresse intimée, l'expert judiciaire a, à juste titre, admis qu'une utilisation exceptionnelle des sous-sols justifie l'application d'un coefficient de pondération positif. Elle ajoute que ladite cave est aménagée, pourvue d'une salle de coffres, constituant une véritable annexe commerciale indispensable à l'activité du locataire.

Le dernier renouvellement du bail commercial, fait au profit de la société HSBC France, aux droits de laquelle vient la société CCF, stipule que la location se fait sous les clauses, charges, et conditions ordinaires en matière commerciale et sous celles du bail initial du 25 juillet 1962 et de ses renouvellements successifs.

,En l'espèce, s'agissant de la cave, tant le bail commercial initial, que le bail renouvelé du 14 mai 1971, stipulent :dans le cas où il existe une cave, elle est concédée à titre de supplément gratuit, sans aucune garantie, ni responsabilité du bailleur.

L'expert judiciaire a effectivement intégré, dans le calcul de la surface des lieux loués, le sous-sol. Il a donc tenu compte de la surface de la cave pour proposer une valeur locative des lieux loués.

Toutefois, il ressort tant du bail initial que du bail renouvelé du 14 mai 1971 que l'usage de la cave a clairement été envisagé par les parties lors de la signature du bail. Si la cave , ou le sous-sol, doivent donc être considérés comme étant inclus dans le périmètre des surfaces louées, rien ne permet à la cour , pour autant, d'écarter la clause de gratuité. Cette clause , applicable' dans le cas où il y a une cave , ce qui est le cas du bail objet du litige, n'a pas été rayée ni biffée par les parties lors de la signature du bail, de telle sorte que les deux parties en ont accepté la portée, à savoir la gratuité d'une part, l'absence de responsabilité du bailleur d'autre part.Cette clause expressément acceptée par les parties est donc applicable, au visa de l'article 1134 du code civil.

Par ailleurs, si la cave fait bien partie de l'assiette des lieux objet du bail, de telle sorte que le locataire peut l'utiliser, la superficie de cette cave ne doit pas être prise en compte pour la détermination de la valeur locative puisqu'elle a été concédée à titre gratuit.

En conséquence, pour déterminer la superficie des locaux utiles pour fixer la valeur locative, il convient d'exclure la superficie du sous-sol, ce qui, selon les calculs faits par la preneuse, ramène la surface à prendre en considération (juste le rez-de-chaussée) à 56,10 mètres carrés.

3-3 sur la pondération de la surface de l'accueil clientèle

Concernant la surface pondérée des bureaux-boutiques et donc de l'agence bancaire, il est d'usage d'appliquer la même pondération que celle des boutiques.L'expert judiciaire retient une surface pondérée arrondie à 57,42 mètres carrés.

Pour la preneuse appelante, la méthode de pondération des experts, qui se fonde sur la charte de l'expertise en évaluation immobilière, devrait conduire à calculer une surface pondérée de 52,66 m².

En l'espèce, il est exact que l'espace dédié à l'accueil clientèle constitue seulement une 'partie d'un angle' (l'expert judiciaire mentionnant 'partie local d'angle') de sorte que le coefficient de pondération à appliquer sera de 1,10 (comme demandé par la preneuse) au lieu de 1,20 (comme retenu à tort par l'expert judiciaire). La charte de l'expertise en évaluation immobilière retient en effet des coefficients de pondération variant entre 1,10 et 1,30 mais seulement pour des zones d'angle entières (et non pas pour des parties de zones d'angle).

En conséquence, la surface pondérée à retenir, pour les locaux litigieux, est de 52, 66 mètres carrés conformément aux calculs faits par la preneuse.

3-4 sur les prix couramment pratiqués dans le voisinage

L'article R.145-11 prévoit :le prix du bail des locaux à usage exclusif de bureaux est fixé par référence aux prix pratiqués pour des locaux équivalents, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence'.

Il convient de rappeler que les activités de banque étant assimilées à celles de bureaux, elles échappent au régime du plafonnement découlant de l'article L.145-34 du code de commerce.

En outre, pour déterminer le prix unitaire des locaux de même nature que l'agence bancaire, la cour se référera au prix unitaire des locaux de même nature, c'est-à-dire les prix des bureaux-boutiques localisées dans le même endroit ou dans un secteur équivalent.

L'expert a relevé 4 éléments de comparaison situés à proximité du local et retenu un prix unitaire de 500 € le m².

La bailleresse intimée estime que l'évaluation par l'expert judiciaire du prix unitaire est juste.

La preneuse appelante s'oppose à cette évaluation de l'expert judiciaire, estimant tout d'abord qu'au cours de la procédure, les parties se seraient accordées sur un prix unitaire de 300 euros le mètre carré et qu'elles seraient désormais liées par ce prix.

En l'espèce, contrairement à ce qu'elle affirme, la société CCF ne démontre pas l'existence d'un accord formel des parties pour voir fixer définitivement un prix unitaire de 300 euros le mètre carré et pour laisser la justice trancher les autres points en conflit. Les actes de procédure sont ambigus sur la question et témoignent seulement d'évolutions des parties sur ledit prix unitaire.

Ainsi, tant dans son mémoire du 24 septembre 2018 que dans son assignation du 21 novembre suivant, la bailleresse mentionne seulement : 'afin de connaître la réelle valeur locative des locaux, Mme [S] [O] n'a pas manqué de solliciter l'avis d'un cabinet d'expertise (...) qui a rendu un rapport circonstancié dont les conclusions permettent de retenir une valeur locative supérieure à 300 euros HT HC/mètre carré en 2014".

De son côté, dans un dire adressé le 10 décembre 2020 à l'expert judiciaire, la banque mentionnait que la moyenne des références relevées s'établissait à 415 euros le mètre carré.

En conséquence, il n'y a pas lieu de retenir un prix unitaire de 300 euros le mètre carré sur la base d'un supposé accord des parties en ce sens.

La preneuse appelante sollicite un prix unitaire de 415 euros le mètre carré à défaut pour la cour de retenir celui de 300 euros le mètre carré.

Elle fait valoir :

- la moyenne des références relevées par l'expert s'élève à 415 € le m²,

- les deux références du [Adresse 5] à plus de 500 € le m² sont situées sur le trottoir nord et sont donc en position plus favorable que l'agence HSBC,

- l'expert n'explique aucunement la raison pour laquelle il majore le prix unitaire de l'agence HSBC de plus de 20 % par rapport à la moyenne des références qu'il cite.

Il est de principe que la valeur locative ne peut être estimée en se référant à la moyenne arithmétique des loyers sélectionnés. Seule l'analyse comparative de chacun des éléments de référence, en considération de l'ensemble des facteurs de valorisation, permet d'apprécier la valeur locative.

L'expert judiciaire a retenu des éléments de comparaison adaptés et pertinents pour déterminer les prix couramment pratiqués dans le voisinage. Il a pris en considération des agences bancaires uniquement et a détaillé les surfaces utiles et pondérées, les montants des loyers, les valeurs locatives. Il a conclu que les valeurs locatives les plus proches de la banque étaient supérieurs à 500 euros le mètre carré.

Compte tenu de tout ce qui précède le prix unitaire du bail commercial doit être fixé à 500 euros par mètres carré, conformément à l'analyse faite par l'expert judiciaire.

3-5-sur le transfert de charge au titre de la taxe foncière

Selon l'article R145-8 du code de commerce :Du point de vue des obligations respectives des parties, les restrictions à la jouissance des lieux et les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative. Il en est de même des obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages. Les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l'acceptation d'un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge.Les obligations découlant de la loi et génératrices de charges pour l'une ou l'autre partie depuis la dernière fixation du prix peuvent être invoquées par celui qui est tenu de les assumer.

Il est aussi tenu compte des modalités selon lesquelles le prix antérieurement applicable a été originairement fixé.

Il y a lieu de rappeler que le dernier renouvellement du bail commercial, fait au profit de la société HSBC France, aux droits de laquelle vient la société CCF, stipule que la location se fait sous les clauses, charges, et conditions ordinaires en matière commerciale et sous celles du bail initial du 25 juillet 1962 et de ses renouvellements successifs.

Concernant les impôts fonciers, le bail commercial initial ainsi que le bail renouvelé du 14 mai 1971 stipulent: ' le présent bail est fait aux charges et conditions suivantes, que le preneur s'oblige à exécuter à peine de tous dommages-intérêts et résiliation : (...)4°) d'acquitter exactement les contributions mobilières (...) de rembourser à chaque terme de loyer (...) Tous impôts, taxes. D'une manière générale, il paiera de plus à la décharge du bailleur, outres ses contributions personnelles (...) y compris l'impôt foncier'.'

Pour la preneuse appelante, le bail commercial ayant transféré sur elle la charge de l'impôt foncier, une déduction au réel de 1163 euros HT doit être opérée sur la valeur locative,ce qui correspond au montant du remboursement effectué par ses soins à la bailleresse en 2016 au titre de la taxe foncière.

Pour s'opposer à toute diminution de la valeur locative en raison d'un transfert de la taxe foncière sur la preneuse, la bailleresse soutient l'appréciation de la valeur locative appartenant aux juges du fond et que ces derniers appliquent la méthode qui leur paraît la plus appropriée.

En l'espèce, le bail commercial met expressément à la charge de la preneuse le paiement de la taxe foncière.

Pourtant, le débiteur de la taxe foncière est légalement le propriétaire bailleur en application de l'article 1400 du code général des impôts.

Or, il est de principe que la clause du bail mettant à la charge de la preneuse le paiement des impôts fonciers constitue une clause exorbitante de droit commun opérant transfert d'obligations et de charges sur la preneuse. De plus, les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci s'est déchargé sur le locataire constituent un facteur de diminution de la valeur locative.

Le montant de la taxe foncière sera en conséquence déduit de la valeur locative, le fait que les références citées par l'expert concernent des baux prévoyant également transfert de charge étant sans incidence sur l'application de cette minoration.

Par ailleurs, la valeur locative est déterminée en fonction des éléments visés à l'article L145-33 du code de commerce sans qu'il soit nécessaire d'opérer une quelconque majoration des références retenues par l'expert judiciaire puis par la cour, en ce que les baux concernés prévoiraient aussi un transfert de la taxe foncière sur le preneur.

En conséquence, la cour fait droit à la demande de la preneuse d'appliquer une déduction d'un montant de 1163 euros HT.

3-6-sur le calcul du montant du loyer renouvelé

Selon l'article R145-21 du code de commerce :Le prix fixé judiciairement ne peut, en aucun cas, excéder les limites de l'offre et de la demande faite, selon le cas, en application de l'article L. 145-37 et conformément à l'article R. 145-20 ou en application de l'article L. 145-11, sauf si depuis lors les parties ont varié dans leurs prétentions.En ce dernier cas, le prix ne peut prendre effet, dans la mesure où il excéderait les limites fixées par les prétentions originaires des parties, qu'à dater de la notification des nouvelles prétentions.

Le montant du loyer renouvelé doit prendre en considération les éléments tranchés suivants :

- une surface pondérée globale des locaux loués de 52,66 mètre carré

- un prix au m 2 moyen de 500 euros,

- une minoration de 1163 euros HT au titre du transfert des taxes foncières.

Par conséquent, la valeur locative au 1er octobre 2016 (sous réserve de l'application de l'article R 145-21 du code de commerce précédemment reproduit) se calcule de la façon suivante :(52,66 m2 x 500 euros par m 2) - 1163 euros , total : 25 167 euros HT/HC par an.

Pour s'opposer à ce que la cour diffère l'application d'un loyer annuel de 28 500 euros au 13 janvier 2021 (soit le montant de la valeur locative proposée par l'expert judiciaire), la bailleresse intimée soutient qu'aux termes de son congé avec offre de renouvellement daté du 25 janvier 2016, elle sollicitait la somme de 30 000 euros à titre de loyer annuel hors charges hors taxes, soit un montant supérieur à celui de 28.500 euros mentionné dans son mémoire du 13 janvier 2021.

Toutefois, en l'espèce, la cour ne peut fixer le prix du bail renouvelé qu'en considération de l'offre et de la demande, sauf si depuis lors les parties ont varié dans leurs prétentions. En outre, en ce dernier cas, le prix ne peut prendre effet, dans la mesure où il excéderait les limites fixées par les prétentions originaires des parties, qu'à dater de la notification des nouvelles prétentions.

La loi impose donc au juge de tenir compte de l'évolution des prétentions des parties concernant l'offre et la demande relatives au prix du bail renouvelé.

Or, contrairement à ce que soutient la bailleresse intimée, le congé avec offre de renouvellement, signifié le 25 janvier 2016, contenant une proposition de loyer renouvelé à 30 000 euros, ne constitue pas une prétention originaire, de sa part, au sens du code de procédure civile.La seule prétention originaire de Mme [S] [O], en fixation du loyer du bail renouvelé, a été faite dans son mémoire notifié le 24 septembre 2018 et était de 22 500 euros HT HC au 1er octobre 2016. Ensuite, l'intéressée a porté ses prétentions à 28 500 euros, après dépôt du rapport d'expertise, par mémoire notifié le 13 janvier 2021.

Ainsi, infirmant le jugement la cour fixe le montant du loyer renouvelé :

- au 1er octobre 2016, à la somme de 22 500 euros par an hors charges et hors taxes, jusqu'au 12 janvier 2021,

- au 1er octobre 2016, à la somme de 25 167 euros hors charges et hors taxes à compter du 13 janvier 2021.

4-sur les restitutions et les intérêts

L'article 1155 ancien du code civil dispose :Néanmoins, les revenus échus, tels que fermages, loyers, arrérages de rentes perpétuelles ou viagères, produisent intérêt du jour de la demande ou de la convention.La même règle s'applique aux restitutions de fruits, et aux intérêts payés par un tiers aux créanciers en acquit du débiteur.

Il est de principe que les intérêts dus sur la différence entre le nouveau loyer du bail renouvelé et le loyer provisionnel courent à compter de la délivrance de l'assignation introductive d'instance en fixation du prix, lorsque le bailleur est à l'origine de la procédure, et à compter de la notification du premier mémoire en défense lorsque c'est le preneur qui a saisi le juge, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Infirmant le jugement en ce qu'il condamne la société HSBC (et non la société CCF) à compléter les sommes payées, statuant à nouveau, la cour :

- condamne la société CCF à payer à Mme [S] [O] le complément de loyers depuis le 1er octobre 2016, ainsi que les intérêts de plein droit au taux légal à compter du 1er octobre 2016 sur le différentiel ainsi dû avec les sommes payées,

- dit qu'à compter de cette même date, les intérêts échus depuis plus d'un an porteront eux-même avec intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil.

S'agissant des demandes de Mme [S] [O], relatives à l'application d'une majoration pour indexation légale, elles sont irrecevables, celle-ci ayant saisi le juge des loyers commerciaux dans le cadre d'une procédure de fixation du montant du loyer renouvelé uniquement.

5-sur les frais du procès

Au regard de la solution apportée au litige (le montant du loyer renouvelé fixé est largement supérieur au montant proposé par la preneuse et payé jusqu'alors), la cour, infirmant le jugement (en ce qu'il condamne la société HSBC et non la société CCF), condamne la société CCF aux entiers dépens de première instance et d'appel et à payer une somme de 6000 euros à Mme [S] [O] pour ses frais exposés tant en première instance qu'à hauteur d'appel.

En revanche, infirmant le jugement, la cour dit que les frais d'expertise judiciaire seront supportés à hauteur de la moitié par la bailleresse et la preneuse, cette expertise ayant été diligentée dans l'intérêt de ces deux dernières.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement

- déclare recevables les demandes de la société CCF qui s'est substituée à la société HSBC Continental Europe,

- infirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a rappelé que le loyer sur renouvellement au 1 er octobre 2016 doit être fixé à la valeur locative;

statuant à nouveau,

- déclare irrecevables les demandes de Mme [S] [O] relatives à l'application d'une majoration pour indexation légale,

- fixe le montant du loyer renouvelé :

- au 1er octobre 2016, à la somme de 22 500 euros par an hors charges et hors taxes, jusqu'au 12 janvier 2021,

- au 1er octobre 2016, à la somme de 25 167 euros hors charges et hors taxes à compter du 13 janvier 2021,

- condamne la société CCF à payer à Mme [S] [O] le complément de loyers depuis le 1er octobre 2016, ainsi que les intérêts de plein droit au taux légal à compter du 1er octobre 2016 sur le différentiel ainsi dû avec les sommes payées,

- dit qu'à compter de cette même date, les intérêts échus depuis plus d'un an porteront eux-même intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil,

- dit que les frais d'expertise judiciaire seront supportés à hauteur de la moitié par Mme [S] [O] et par la société CCF,

- condamne la société CCF à payer à Mme [S] [O] une somme de 6000 euros pour ses frais exposés tant en première instance qu'à hauteur d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne la société CCF aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier, La Présidente,

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site