CA Paris, Pôle 1 - ch. 2, 11 septembre 2025, n° 24/18850
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 2
ARRÊT DU 11 SEPTEMBRE 2025
(n° , 14 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/18850 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CKKWN
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 25 Octobre 2024 -Président du TJ de [Localité 12] - RG n° 23/01191
APPELANTE
S.A.S. LIFTEAM, RCS de [Localité 11] sous le n°491 839 031, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représentée par Me Charles GUIEN de la SCP GUIEN LUGNANI & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0488
PARTIES INTERVENANTES :
S.E.L.A.S. AJ UP, prise en la personne de Maître [S] [O], ès-qualités d'administrateur judiciaire de la société LIFTEAM suivant jugement du TC de [Localité 11] rendu le 3 juin 2025
[Adresse 4]
[Localité 7]
S.C.P. BTSG², prise en la personne de Maître [P] [G], ès-qualités de mandataire judiciaire de la société LIFTEAM suivant jugement du TC de [Localité 11] rendu le 3 juin 2025
[Adresse 1]
[Localité 10]
Représentées par Me Charles GUIEN de la SCP GUIEN LUGNANI & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0488
INTIMÉE
S.C.C.V. [Adresse 13], RCS de [Localité 14] sous le n°833 815 228, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 9]
Représentée par Me Romain ROSSI LANDI de la SELEURL ROSSI-LANDI AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D0014
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 19 Juin 2025, en audience publique, Laurent NAJEM, Conseiller, ayant été entendu en son rapport dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile, devant la cour composée de :
Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,
Michèle CHOPIN, Conseillère,
Laurent NAJEM, Conseiller,
Qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
***
EXPOSE DU LITIGE
La société Le passage du bon vieux temps est une société civile de construction vente, spécialisée dans la création de programmes immobiliers.
La société [Adresse 13] avait un projet de construction d'un immeuble d'habitation R+3 combles sur un niveau de sous-sol ; composé de 65 logements et d'un commerce, sis [Adresse 5] à [Localité 15] (Val-de-Marne). La maîtrise d''uvre allant de la conception de l'ouvrage au suivi de l'exécution des travaux était confiée à M. [U], architecte.
Pour la réalisation de ce projet, la société Le passage du bon vieux temps lançait un appel d'offre, auquel la société Lifteam répondait par plusieurs propositions. Son offre n°OF19L-016.001 du 27 juin 2019 était finalement acceptée et un acte d'engagement était signé avec la société Lifteam, le 20 juillet 2019.
Le prix du marché initial était de 8.300.000 euros HT, et la société Lifteam devait réaliser les travaux dans un délai de 21 mois, soit avec une livraison prévue en mars 2022.
Par acte sous seing privé en date du 10 juin 2022, les sociétés [Adresse 13] et Lifteam ont signé un avenant n°1 à l'acte d'engagement, en raison de modifications des travaux initialement prévus.
À la suite de cet avenant, le nouveau montant du marché s'élevait alors à la somme de 9.081.173,11 euros HT.
Par acte du 13 septembre 2022, les parties ont signé un avenant n°2 en raison de l'ajout de travaux supplémentaires, portant le montant global du marché à la somme de 9.092.008,23 euros HT.
La société [Adresse 13] indique que de nombreuses réserves et malfaçons ont été dénoncées et qu'aucun accord n'a pu intervenir sur l'établissement du décompte général définitif.
Par acte du 5 juillet 2023, la société Le passage du bon vieux temps a fait assigner la société Lifteam devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil aux fins de, notamment obtenir la désignation d'un expert judiciaire, aux frais avancés de la société Lifteam.
Par acte du 21 décembre 2023, la société [Adresse 13] a fait assigner la société QBE Europe SA/NV, prise en sa qualité d'assureur responsabilité civile et décennale de la société Lifteam et la Compagnie européenne de garanties et cautions, prise en sa qualité de caution personnelle et solidaire de la société Lifteam aux fins de voir ordonner la jonction de cette instance avec celle en cours, enrôlée sous le numéro de RG23/1191, l'opposant à la société Lifteam et rendre commune l'ordonnance à intervenir aux sociétés QBE Europe SA/NV et la Compagnie européenne de garanties et cautions.
Par ordonnance contradictoire du 25 octobre 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil, a :
rejeté la demande de mise hors de cause de la Compagnie européenne de garanties et cautions (CEGC) ;
ordonné une mesure d'expertise au contradictoire de l'ensemble des parties à l'instance principale et à l'instance jointe ;
désigné pour y procéder M. [R], expert inscrit sur les listes de la cour d'appel de Paris, lequel, lequel pourra prendre l'initiative de recueillir l'avis d'un autre technicien, mais seulement dans une spécialité distincte de la sienne, avec mission de :
se faire préciser les liens contractuels entre les divers intervenants ;
relever et décrire les réserves non levées, faire le départ entre les réserves dénoncées dans les annexes des 4 procès-verbaux de réception partielle et les griefs formulés après ces actes dans le cadre de la garantie de parfait achèvement ; faire le départ entre les réserves à la réception non levée par la société Lifteam selon qu'elles portent ou non sur des travaux ayant fait l'objet des actes de caution numéros 2022-8483 et 2022-98569 délivrées les 3 février et 5 décembre 2022 par la Compagnie européenne de garanties et cautions (CEGC) ;
suites à ces constatations et conclusions établir précisément les comptes entre les parties en vérifiant et détaillant le montant exact des sommes dont la société [Adresse 13] s'est acquittée auprès de la société Lifteam au titre de la réalisation des travaux TCE déclarés à la Compagnie européenne de garanties et cautions (CEGC) ;
relever et décrire les désordres et malfaçons allégués expressément dans l'assignation et dans les conclusions en réponse de la société [Adresse 13], en pages 4 à 7 de ses conclusions (procès-verbal de constat du 21 mars 2023) et en page 14 s'agissant des désordres signalés postérieurement à la réception visant les pièces 16 à 19 de la société Le passage du bon vieux temps et affectant l'immeuble litigieux, ainsi que les non conformités et/ou inachèvements allégués détaillés dans le décompte général définitif du 16 juin 2023 (pièce n° 11 de la société [Adresse 13]), au regard des documents contractuels liant les parties ;
en détailler l'origine, les causes et l'étendue, et fournir tous éléments permettant à la juridiction de déterminer à quels intervenants ces désordres, malfaçons, non conformités et/ou inachèvements sont imputables, et dans quelles proportions ;
donner son avis sur les conséquences de ces désordres, malfaçons, non conformités et/ou inachèvements quant à la solidité, l'habitabilité, l'esthétique du bâtiment, et, plus généralement quant à l'usage qui peut en être attendu ou quant à la conformité à sa destination ;
dire si les travaux ont été conduits conformément aux documents contractuels et aux règles de l'art ;
à partir de devis d'entreprises fournis par les parties, sur proposition, le cas échéant du maître d''uvre de leur choix, donner un avis sur la ou les solutions appropriées pour remédier aux désordres entachant l'ouvrage et sur le coût des travaux utiles ;
donner son avis sur les préjudices et coûts induits par ces désordres, malfaçons, inachèvements ou non conformités et sur leur évaluation, dès lors que ces demandes sont présentées de manière motivée ;
donner son avis sur les décomptes définitifs communiqués par les parties et suite à ses constatations et conclusions établir précisément les comptes entre les parties ;
rapporter toutes autres constatations utiles à l'examen des prétentions des parties ;
désigné le magistrat chargé du contrôle des expertises pour contrôler les opérations d'expertise ;
dit que pour procéder à sa mission l'expert devra :
convoquer et entendre les parties, assistées, le cas échéant, de leurs conseils, et recueillir leurs observations à l'occasion de l'exécution des opérations ou de la tenue des réunions d'expertise ;
se faire remettre toutes pièces utiles à l'accomplissement de sa mission, notamment, s'il le juge utile, les pièces définissant le marché, les plans d'exécution, le dossier des ouvrages exécutés ;
se rendre sur les lieux, [Adresse 6] à [Localité 15] (Val-de-Marne) et si nécessaire en faire la description, au besoin en constituant un album photographique et en dressant des croquis ;
(')
fixé à la somme de 10.000 euros la provision concernant les frais d'expertise qui devra être consignée par la société Le passage du bon vieux temps à la régie du tribunal judiciaire de Créteil dans le mois qui suit la demande de consignation adressée par le greffe ;
(')
dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de provision formées par la société [Adresse 13] et par la société Lifteam ;
constaté que la société Lifteam accepte de déléguer à la société [Adresse 13] le paiement du solde du marché des sous-traitants évalué à la somme de 181.710 euros HT qui pourra être déduite du solde du marché réclamé par la société Lifteam ;
débouté la société Lifteam de sa demande de condamnation de la société [Adresse 13] à lui fournir la garantie de paiement prévue par les dispositions de l'article 1799-1 du code civil ;
dit que les dépens resteront à la charge de la société Le passage du bon vieux temps ;
dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
rappelé que la présente ordonnance bénéficie de plein droit de l'exécution provisoire.
Par déclaration du 6 novembre 2024, la société Lifteam a relevé appel de cette décision en ce qu'elle a :
dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de provision formées par la société [Adresse 13] et par la société Lifteam ;
débouté la société Lifteam de sa demande de condamnation de la société [Adresse 13] à lui fournir la garantie de paiement prévue par les dispositions de l'article 1799-1 du code civil ; et
dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Lifteam a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Chambéry du 3 juin 2025.
Les sociétés S.E.L.A.S. AJ UP et Société BTSG sont intervenues à la procédure respectivement en qualité d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire de la société Lifteam.
Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 16 juin 2025, les sociétés Lifteam, S.E.L.A.S. AJ UP, ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Lifteam et BTSG, ès qualités de mandataire judiciaire de la société Lifteam demandent à la cour de :
constater l'intervention volontaire à l'instance de la société AJ UP, prise en la personne de Me [O], ès-qualités d'administrateur judiciaire de la société Lifteam, placée en redressement judiciaire selon un jugement du Tribunal de commerce de Chambéry rendu le 3 juin 2025 (pièce n° 33) ;
constater l'intervention volontaire à l'instance de la société BTSG, prise en la personne de Me [G], ès-qualités de mandataire judiciaire de la société Lifteam, placée en redressement judiciaire selon un jugement du Tribunal de commerce de Chambéry rendu le 3 juin 2025 (pièce n° 33) ;
infirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a :
dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de provision formées par la société [Adresse 13] et par la société Lifteam ;
débouté la société Lifteam de sa demande de condamnation de la société [Adresse 13] à lui fournir la garantie de paiement prévue par les dispositions de l'article 1799-1 du code civil ; et
dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
statuant à nouveau,
I - sur la demande de provision au titre du solde du marché
dire que la société Le passage du bon vieux temps a l'obligation non sérieusement contestable de verser à la société Lifteam la somme de 987.528,52 euros TTC au titre du solde du marché, tel que calculé dans son projet de décompte final, réputé accepté en vertu de la loi contractuelle, après déduction du poste 3 « travaux supplémentaires hors marchés » et des délégations de paiement à mettre en place au profit des sous-traitants (solde du décompte final : 1.260.403,35 euros TTC - travaux supplémentaires hors marchés : 91.164,83 euros TTC - délégation de paiement : 181.710 euros HT [TVA en autoliquidation]) ;
dire que la société [Adresse 13] a l'obligation non sérieusement contestable de verser les intérêts moratoires sur la somme due au principal, calculés conformément aux dispositions d'ordre public de l'article L. 441-10 du code de commerce, auxquelles renvoient les dispositions d'ordre public de l'article L. 124-2 du code de la construction et de l'habitation ;
en conséquence,
condamner la société Le passage du bon vieux temps à verser à la société Lifteam la somme provisionnelle de 987.528,52 euros TTC au titre du solde du marché, assortie des intérêts moratoires au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne (BCE) à son opération de refinancement la plus récente, majoré de 10 points de pourcentage, à compter du 2 juillet 2023 et jusqu'à complet paiement ;
ordonner la capitalisation des intérêts par année à compter du 2 juillet 2024 ;
II - sur la remise de la garantie légale de paiement
dire que la société [Adresse 13] a l'obligation non sérieusement contestable de fournir à la société Lifteam la garantie de paiement prévue par les dispositions d'ordre public de l'article 1799-1 du code civil, à concurrence d'un montant de 393.516,01 euros TTC et, subsidiairement, de 381.063, 86 euros TTC, correspondant au solde du prix des travaux exécutés et non réglés au titre du marché de base et des travaux supplémentaires sur avenants régularisés ;
en conséquence,
condamner la société [Adresse 13] à fournir à la société Lifteam une garantie de paiement conforme aux dispositions d'ordre public de l'article 1799-1 du code civil, pour la somme de 393.516,01 euros TTC, et, subsidiairement, de 381.063,86 euros TTC sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard commençant à courir passé un délai de 30 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;
III - en tout état de cause
débouter la société [Adresse 13] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
déclarer la société Le passage du bon vieux temps irrecevable en ses demandes de provisions ;
condamner la société [Adresse 13] à verser à la société Lifteam la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; et
condamner la société [Adresse 13] aux dépens d'appel
Elles font valoir essentiellement que le projet de décompte final a été établi conformément à la procédure contractuelle d'établissement des comptes du marché ; que la notification était régulière en ce qu'elle a été effectuée au dernier domicile connu du maître d''uvre ; qu'il n'est pas sérieusement contestable que faute de notification du décompte général dans le délai contractuel, le projet de décompte final qu'elle a adressé est « réputé accepté » par le maître d'ouvrage.
Elles soutiennent que le premier juge a fait une lecture erronée du CCAP, le délai de 45 jours commence à courir non à compter de la réception du projet de décompte établi par le maître d''uvre mais à compter de la réception par le maître d''uvre du mémoire définitif de l'entrepreneur ; que la sanction de ces stipulations est une forclusion contractuelle c'est-à-dire une irrecevabilité qui porte sur l'ensemble des postes du décompte à l'exception des travaux supplémentaires non régularisés ; que l'ensemble des postes totalisent la somme de 1.169.238,92 euros.
A titre subsidiaire, elles font état de l'absence de réponse du maître d'ouvrage aux observations subsidiaires que la société Lifteam a émise sur le décompte général. Elles allèguent que le premier juge a commis une erreur de pièces en ce que ces observations ont été formulées non le 7 juillet mais le 20 juin 2023 ; que l'existence d'une assignation en référé - expertise avant la notification des observations est sans incidence sur l'application de la forclusion. Elle en conclut que la demande n'est pas sérieusement contestable en son principe et en son montant. Elle considère qu'il entre dans les pouvoirs du juge des référés de constater la nullité de la clause subordonnant le paiement du solde du marché à la remise du quitus de levée des réserves.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 18 juin 2025, la SCCV [Adresse 13] demande à la cour de :
La juger recevable et bien-fondée en ses demandes ;
Prendre acte de l'intervention volontaire des organes de la procédure collective de la société Lifteam ;
Confirmer l'ordonnance de référé en ce qu'elle a :
Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de provision formées par la société Lifteam,
Débouté la société Lifteam de sa demande de condamnation de la SCCV [Adresse 13] à lui fournir la garantie de paiement prévue par les dispositions de l'article 1799-1 du code civil,
Constaté que la société Lifteam accepte de déléguer à la SCCV [Adresse 13] le paiement du solde du marché des sous-traitants évalué à la somme de 181.710 euros HT qui pourra être déduite du solde du marché réclamé par la société Lifteam,
Infirmer l'ordonnance de référé en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de provision formées par la SCCV [Adresse 13] ;
Statuant à nouveau,
Fixer au passif de la société Lifteam prise en la personne de ses organes de la procédure collective les sommes de :
374.011,91 euros pour les travaux non effectués ou non terminés,
342.000 euros pour les provisions de réserves non levées,
454.600,41 euros pour les pénalités de retard (plafonnées à 5% du montant global du marché HT),
90.920,08 euros pour le retard dans la mise à disposition du logement témoin (pénalité forfaitaire équivalente à 1% du marché global HT),
Et en tout état de cause,
Débouter la société Lifteam prise en la personne de ses organes de la procédure collective de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
Juger que les créances invoquées par la société Lifteam relèvent exclusivement du passif de la procédure de redressement judiciaire ouverte par jugement du tribunal de commerce de Chambéry du 3 juin 2025 ;
Juger que la présente instance est en tout état de cause devenue sans objet à défaut de créance certaine, liquide et exigible pouvant faire l'objet d'une provision ;
Condamner la société Lifteam prise en la personne de ses organes de la procédure collective à payer à la SCCV [Adresse 13] la somme de 10.000 euros, par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamner la société Lifteam prise en la personne de ses organes de la procédure collective aux dépens d'appel.
Elle allègue que le procès-verbal du 2 mars 2023 ne vaut pas réception au sens contractuel du CCAP ; qu'il y a eu de multiples opérations de réception ou « tentatives » compte tenu des travaux non terminés.
Elle fait valoir que les documents exigés par le CCAP n'avaient pas été fournis.
Elle considère que le document transmis par l'appelante est entaché d'irrégularités substantielles, en l'absence de DOE, de fiches d'auto-contrôles notamment et qu'il porte la mention de « Projet ». Elle allègue qu'à la suite du rendez-vous du 2 mars 2023, il a été constaté que de très nombreuses réserves n'avaient pas été levées ; que la procédure d'établissement du décompte général et définitif ne pouvait débuter sans la levée des réserves et l'achèvement des travaux. Elle fait état de la somme de 371.278, 82 euros réglée pour lever lesdites réserves.
Elle expose que le décompte général ne peut être établi que par la maîtrise d''uvre et qu'en l'espèce, le projet de décompte a été reçu par cette dernière qu'avec retard.
Elle considère qu'elle a respecté le délai de 45 jours de l'article 3.04 du CCAP.
Elle soutient que la société Lifteam tente d'obtenir le paiement de prétendus travaux supplémentaires non validés par le maître d'ouvrage en se prévalant du caractère prétendument définitif de son décompte général.
Elle considère qu'il s'infère des stipulations de l'acte d'engagement qu'une compensation de plein droit intervient entre les sommes que le maître d'ouvrage est contraint d'engager pour palier la carence de l'entrepreneur dans son obligation de levée des réserves et les sommes qui lui seraient encore dues.
Elle considère que la demande relative à la garantie légale de paiement est sans objet puisqu'elle a bien souscrit un crédit spécifique pour les travaux et elle expose qu'en raison de son incapacité à fournir un cautionnement bancaire garantissant le marché de ses sous-traitants, la société Lifteam a été contrainte d'opérer une délégation de paiement vers le maître d'ouvrage mais qu'il subsiste un reliquat qui n'a été ni cautionné, ni délégué au maître d'ouvrage.
Elle soutient que la production des fiches d'autocontrôle, requise par le CCAP, est tardive et lacunaire.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 juin 2025, avant l'ouverture des débats et sans opposition des parties.
Le 9 juillet 2025, le message électronique (RPVA) suivant a été adressé aux parties : « Aux termes de ses dernières conclusions, la SCCV [Adresse 13] demande la fixation au passif de la société Lifteam prise en la personne de ses organes de la procédure collective de différentes créances.
Aux termes des dispositions de l'article L. 622-21 du code de commerce, le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au 1 de l'article L. 622-17 du code de commerce et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.
L'article L. 622-22 du code de commerce dispose par ailleurs que :
"Sous réserve des dispositions de l'article L. 625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L. 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant ".
Toutefois, l'instance en cours telle qu'évoquée par l'article L. 622-22 du code de commerce suspendue jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance est celle qui tend à obtenir de la juridiction du principal une décision définitive sur l'existence et le montant de la créance.
La cour sollicite les observations des parties sur le fait de savoir s'il entre dans les pouvoirs du juge des référés de fixer le montant d'une créance, comme le sollicite l'intimée, avec l'autorité de la chose jugée qui s'attacherait à cette fixation, dans le cadre d'une procédure collective, le juge des référés ne pouvant qu'allouer des provisions en l'absence de contestation sérieuse.
Les parties sont invitées à adresser par voie électronique (RPVA) lesdites observations sous la forme de notes en délibéré synthétiques portant sur cette seule question et ce, avant le 15 juillet 2025. »
Par message du 10 juillet, la société Lifteam expose que le maintien d'une demande de provision à l'égard d'une partie placée en redressement judiciaire est irrecevable, ce qu'elle a relevé dans ses conclusions et qui n'est pas contredit par les écritures adverses.
Dans un message du 11 juillet, la société [Adresse 13] indique que sa demande actuelle porte uniquement sur la reconnaissance provisionnelle de créances, à fins déclaratives dans le cadre de la procédure collective ouverte contre la société Lifteam ; qu'elle n'entend aucunement obtenir un titre exécutoire ni une décision dotée de l'autorité de la chose jugée au fond.
Elle fait valoir que le juge des référés peut, dans le cadre d'une instance introduite avant l'ouverture de la procédure collective, constater l'existence d'une créance sérieusement fondée, sans qu'il soit statué définitivement sur le fond du droit. Elle précise que sa demande est antérieure à la procédure collective, revêt un caractère provisionnel et qu'elle a déclaré sa créance.
SUR CE,
Il convient de donner acte à la société AJ UP, prise en la personne de Me [O], ès-qualités d'administrateur judiciaire de la société Lifteam et de la société BTSG, prise en la personne de Me [G], ès-qualités de mandataire judiciaire de la société Lifteam de leur intervention volontaire, la société Lifteam a été placée en redressement judiciaire par un jugement du tribunal de commerce de Chambéry rendu le 3 juin 2025.
Sur la demande de condamnation provisionnelle formée par la société Lifteam
En application de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le juge des référés peut accorder une provision au créancier dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable.
Le montant de la provision en référé n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.
Une contestation sérieuse est caractérisée lorsque l'un des moyens de défense opposés aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.
La société Lifteam réclame le paiement de la somme de 987.528,52 euros TTC au titre du solde du marché.
Elle se prévaut de l'article 3.04 du cahier des charges administratives particulières (CCAP) relatif au décompte définitif ainsi rédigé :
« Le décompte définitif des travaux devra être présenté par l'entrepreneur au Maître d''uvre dans un délai maximum de quarante-cinq jours, à compter de la date de réception, ou de la date de la résiliation de son marché.
Apres ces délais, aucune facturation ne sera acceptée, et conformément à la norme NF P 03.001, le décompte définitif pourra être établi d'office par le Maître d''uvre.
Les frais d'établissement d'un tel décompte définitif seront alors mis à la charge de l'entrepreneur. D'ores et déjà, les parties conviennent de fixer forfaitairement le montant des frais qui serait ainsi supporté par l'entrepreneur, à une somme égale à 1% H.T. du montant global H.T. de son marché.
Le décompte définitif ne sera réglé à l'entrepreneur qu'après fourniture au Maitre d''uvre notamment par application des articles du présent CCAP :
des attestations d'assurances à jour,
les fiches d'auto contrôle de ses travaux,
des attestations CONSUEL,
dossier DOE, plans de récolement, notices d'utilisation, notes de calculs, etc..., des quitus des levées des réserves portées au PV et la réception, quitus des réserves faites en cours de chantier par le bureau de contrôle,
des documents nécessaires à l'établissement du DIUO définitif et transmis au SPS.
La notification du décompte définitif sera faite par le Maître d'Ouvrage à l'entrepreneur dans un délai de 45 jours à dater de la réception du mémoire définitif.
Si le décompte n'est pas notifié à l'entrepreneur dans ce délai, le Maître d'Ouvrage est réputé avoir accepté le mémoire définitif. »
La société Lifteam verse des procès-verbaux de réception des 29 septembre 2022, 14 octobre 2022, 18 janvier 2023 et 2 mars 2023 (pièce 7) au titre des travaux effectués par l'entreprise générale (Lifteam), la liste des réserves y est annexée.
Le procès-verbal du 2 mars 2023 a été signé par l'intimée, dès lors, la réception ne peut être contestée, peu important qu'elle soit assortie de réserves.
Un document intitulé « Projet de décompte final - tout corps d'état » a été établi par la société Lifteam le 15 avril 2023.
Le maître d''uvre (cabinet [Z] [U] Architecte) a adressé au maître d'ouvrage (SCCV [Adresse 13]) par courrier daté du 15 avril 2023 le décompte général qui arrête un solde en faveur du maître de l'ouvrage de 1.004.279,89 euros HT invoquant la défaillance de l'entreprise, la non-réalisation de certaines prestations prévues au marché et l'abandon de la levée des réserves (pièce 10 de l'intimée).
Ainsi qu'il résulte du relevé postal, le courrier a été pris en charge le 19 mai et distribué le 22 mai 2023.
La société Le passage du bon vieux temps a transmis à l'entreprise générale (Lifteam) le décompte général définitif maîtrise d'ouvrage par courrier daté du 16 juin 2023 et effectivement remis à la Poste à cette même date et distribué le 20 juin.
La société Lifteam soutient que le délai de 45 jours du CCAP a commencé à courir le 19 avril, soit le lendemain de la date de présentation de sa lettre recommandée portant remise au maître d''uvre avec copie au maître d'ouvrage (ses pièces 9 bis et 10 pour le relevé postal) et que ledit délai expirait au 2 juin. L'accusé de réception est revenu avec la mention « n'habite pas à l'adresse indiquée » s'agissant du maître d''uvre.
Cependant, les stipulations contractuelles du CCAP ne mentionnent pas une transmission directe du décompte définitif de l'entrepreneur au maître d'ouvrage mais une transmission uniquement au maître d''uvre (« le décompte définitif des travaux devra être présenté par l'entrepreneur au Maître d''uvre »), lequel dès lors le notifie au maître d'ouvrage.
Il sera rappelé qu'il n'appartient pas au juge des référés d'interpréter des stipulations contractuelles, lesquelles en l'espèce ne prévoient pas une telle transmission directe.
Il en résulte que le délai de 45 jours auquel est tenu le maître d'ouvrage pour notifier son propre décompte court à compter de la réception du décompte définitif de l'entrepreneur, laquelle est consécutive à l'envoi du décompte par le maître d''uvre et non d'un envoi direct par l'entreprise.
Si l'article 3.04 déroge à l'article 19.6.2 de la norme NF P 03-011 qui prévoit un délai de 30 jours et non 45 jours, il est indiqué « le maître de l'ouvrage notifie à l'entrepreneur un décompte général dans un délai de 30 jours à dater de la réception de la réception du projet de décompte final par le maître d''uvre » (caractères soulignés de la cour) et non à compter d'un envoi direct par l'entreprise au maître de l'ouvrage. Sur ce point, la norme ne contredit pas le CCAP.
La société [Adresse 13] a reçu le décompte le 22 mai, elle a donc respecté le délai de 45 jours en adressant sa réponse le 16 juin 2023, courrier réceptionné le 20 juin.
Il en résulte que, comme l'a retenu à bon droit le premier juge, la société Lifteam ne peut soutenir que la société [Adresse 13] a accepté son mémoire définitif au sens de l'article 3.04.
En outre, et conformément à ces stipulations, le règlement du décompte définitif de l'entreprise impose la fourniture d'un certain nombre de documents (DOE et fiches d'auto-contrôle, levées des réserves) que la société Lifteam ne démontre pas avoir fournis en annexe de son projet de décompte définitif. Ainsi les fiches d'auto-contrôle sont versées aux débats (pièce 34), mais il n'est pas démontré qu'elles ont été produites lors de la transmission du décompte litigieux par la société Lifteam.
Par ailleurs, l'article 19.6.2 de la norme précitée, en son second alinéa prévoit que « si le décompte général n'est pas notifié dans ce délai, le maître d'ouvrage est réputé avoir accepté le projet de décompte final remis au maître d''uvre, après mise en demeure adressée par l'entrepreneur au maître de l'ouvrage, et restée infructueuse pendante 15 jours. Le projet de décompte final devient alors le décompte général et définitif ».
Ce préalable de mise en demeure portant sur le projet de décompte n'est pas incompatible avec les stipulations du CCAP et la société Lifteam ne justifie pas avoir satisfait à cette diligence, puisqu'elle a directement mis en demeure la société [Adresse 13] de régler le solde du projet de décompte, par courrier recommandé du 21 juin 2023 (pièce 17 de l'appelante).
A titre subsidiaire, la société Lifteam se prévaut de l'absence de réponse du maître d'ouvrage aux observations subsidiaires qu'elle a formulées sur le décompte général.
Selon l'article 19.6.3 de la norme NF P 03-001 : « l'entrepreneur dispose de 30 jours à compter de la notification du décompte général pour présenter, par écrit, ses observations éventuelles au maître de l'ouvrage avec copie au maître d''uvre. Passé ce délai, il est réputé avoir accepté le décompte général qui devient alors le décompte général et définitif. »
L'article 19.6.4 prévoit que « Le Maître de l'ouvrage dispose alors de 30 jours pour faire connaître, par écrit, s'il accepte ou non les observations de l'entrepreneur. Passé ce délai, il est réputé avoir accepté ces observations ».
La société Lifteam fait valoir que ses observations n'ont pas été formulées dans un courrier du 7 juin 2023 comme l'a retenu le premier juge, mais par un courrier du 20 juillet 2023 dont l'objet était « Observations subsidiaires et conservatoires de Lifteam sur le décompte général notifié par le MOA le 20 juin 2023 ». Elle considère en outre que, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, l'introduction d'une instance est indifférente et n'a pas pour effet de suspendre ni d'interrompre les délais résultant de la procédure contractuelle de vérification des créances.
Si les deux parties conviennent que la norme en question a un caractère supplétif, la société [Adresse 13] fait valoir à juste titre que l'article 3.04 du CCAP propre au marché en cause réglemente précisément la procédure d'établissement des décomptes, modifie les délais notamment, mais ne prévoit pas cette étape complémentaire.
En outre, dans un courrier du 3 août 2023, et donc dans le délai précité de 30 jours, le maître d'ouvrage a sollicité la mise en 'uvre de la garantie de parfait achèvement, puis le 22 août 2023 a actualisé la liste des réserves non levées à cette date, suite à la réception du 2 mars 2023.
L'analyse de la portée de ces deux courriers, en ce qu'ils pourraient constituer une réponse aux observations subsidiaires de la société Lifteam qui ne sauraient dans cette hypothèse être considérées comme acceptées, procède d'un débat de fond.
La conciliation du CCAP avec cette norme relève d'une interprétation des clauses du CCAP qui échappe aux pouvoirs du juge des référés. Dès lors, la demande de la Lifteam afin qu'il soit considéré que le maître d'ouvrage a accepté ses observations et que son décompte présenterait un caractère définitif se heurte à une contestation sérieuse.
L'ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande provisionnelle de la société Lifteam.
Sur la remise de la garantie légale de paiement
Selon l'article 1799-1 du code civil, le maître de l'ouvrage qui conclut un marché de travaux privé visé au 3° de l'article 1779 doit garantir à l'entrepreneur le paiement des sommes dues lorsque celles-ci dépassent un seuil fixé par décret en Conseil d'Etat.
Lorsque le maître de l'ouvrage recourt à un crédit spécifique pour financer les travaux, l'établissement de crédit ne peut verser le montant du prêt à une personne autre que celles mentionnées au 3° de l'article 1779 tant que celles-ci n'ont pas reçu le paiement de l'intégralité de la créance née du marché correspondant au prêt. Les versements se font sur l'ordre écrit et sous la responsabilité exclusive du maître de l'ouvrage entre les mains de la personne ou d'un mandataire désigné à cet effet.
Lorsque le maître de l'ouvrage ne recourt pas à un crédit spécifique ou lorsqu'il y recourt partiellement, et à défaut de garantie résultant d'une stipulation particulière, le paiement est garanti par un cautionnement solidaire consenti par un établissement de crédit, une société de financement, une entreprise d'assurance ou un organisme de garantie collective, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. Tant qu'aucune garantie n'a été fournie et que l'entrepreneur demeure impayé des travaux exécutés, celui-ci peut surseoir à l'exécution du contrat après mise en demeure restée sans effet à l'issue d'un délai de quinze jours.
Les dispositions de l'alinéa précédent ne s'appliquent pas lorsque le maître de l'ouvrage conclut un marché de travaux pour son propre compte et pour la satisfaction de besoins ne ressortissant pas à une activité professionnelle en rapport avec ce marché.
Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux marchés conclus par un organisme visé à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation, ou par une société d'économie mixte, pour des logements à usage locatif aidés par l'Etat et réalisés par cet organisme ou cette société.
En l'espèce, le premier juge a considéré que la société [Adresse 13] justifiait avoir souscrit un crédit auprès du CIC Est d'un montant de 5.000.000 euros affecté à hauteur de 3.000.000 euros pour les travaux et qu'elle répondait ainsi aux exigences de l'article 1799-1 du code civil.
La société Lifteam fait valoir qu'il s'agit d'une « offre » uniquement non d'un contrat dûment signé, qu'il s'agit d'un crédit global et non d'un crédit spécifique affecté en totalité aux travaux. Elle émet un doute sur le fait que ce crédit à échéance au 31 décembre 2019 ait été renouvelé et relève qu'elle n'est pas désignée comme bénéficiaire du crédit. Elle en conclut que ce crédit ne satisfait pas aux dispositions de l'article 1799-1 du code civil.
L'offre produite (annexe de la pièce 26 - Lifteam) constitue cependant un crédit spécifique pour financer les travaux à hauteur de 3.000.000 euros et démontre suffisamment que la société [Adresse 13] a satisfait à ses obligations, comme l'a retenu le premier juge par des motifs que la cour approuve.
L'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a débouté la société Lifteam de sa demande de condamnation de la société [Adresse 13] à lui fournir la garantie de paiement prévue par les dispositions de l'article 1799-1 du code civil.
Sur les demandes de fixation formées par la société Le passage du bon vieux temps
Dans ses dernières conclusions et compte tenu de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Lifteam, l'intimée forme des demandes de fixation de créances.
Aux termes des dispositions de l'article L622-21 du code de commerce, le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au 1 de l'article L622-17 du code de commerce et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.
L'article L622-22 du même code dispose par ailleurs que :
« Sous réserve des dispositions de l'article L. 625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L. 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant ».
L'instance en cours telle qu'évoquée par l'article L622-22 du code de commerce suspendue jusqu' à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance est celle qui tend à obtenir de la juridiction du principal, une décision définitive sur l'existence et le montant de la créance.
Il n'entre donc pas dans les pouvoirs du juge des référés de fixer le montant d'une créance, avec l'autorité de la chose jugée qui s'attacherait à cette fixation, dans le cadre d'une procédure collective, le juge des référés ne pouvant qu'allouer des provisions en l'absence de contestation sérieuse.
Contrairement à ce qu'expose l'intimée, sa demande tend à la fixation de créance au passif de la société Lifteam et ne revêt donc pas un caractère provisionnel.
Dès lors, il n'y a pas lieu à référé sur les demandes de fixation au passif de la société Lifteam de différentes créances.
Sur les demandes accessoires
La cour n'est pas saisie de demande d'infirmation de la condamnation aux dépens, étant relevé que le présent appel ne portait que sur une partie seulement des chefs de la première décision qui avait à titre principal ordonné une expertise, mise à la charge de la partie qui la demandait.
Perdant en appel à titre principal, la société Lifteam, représentée par la Selas AJ UP, ès qualités d'administrateur judiciaire, et la SCP BTSG2 ès qualités de mandataire judiciaire sera condamnée aux dépens.
L'équité commande de ne pas prononcer de condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant dans les limites de la saisine,
Donne acte à la société AJ UP, prise en la personne de Me [O], ès-qualités d'administrateur judiciaire de la société Lifteam et de la société BTSG2, prise en la personne de Me [G], ès-qualités de mandataire judiciaire de la société Lifteam de leur intervention volontaire ;
Confirme l'ordonnance entreprise ;
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de fixation au passif de la société Lifteam formées par la société [Adresse 13] ;
Condamne la société Lifteam, représentée par la Selas AJ UP, prise en la personne de Me [O], ès-qualités d'administrateur judiciaire, et la SCP BTSG2, prise en la personne de Me [G], ès qualités de mandataire judiciaire aux dépens d'appel ;
Rejette toute autre demande.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 2
ARRÊT DU 11 SEPTEMBRE 2025
(n° , 14 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/18850 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CKKWN
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 25 Octobre 2024 -Président du TJ de [Localité 12] - RG n° 23/01191
APPELANTE
S.A.S. LIFTEAM, RCS de [Localité 11] sous le n°491 839 031, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représentée par Me Charles GUIEN de la SCP GUIEN LUGNANI & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0488
PARTIES INTERVENANTES :
S.E.L.A.S. AJ UP, prise en la personne de Maître [S] [O], ès-qualités d'administrateur judiciaire de la société LIFTEAM suivant jugement du TC de [Localité 11] rendu le 3 juin 2025
[Adresse 4]
[Localité 7]
S.C.P. BTSG², prise en la personne de Maître [P] [G], ès-qualités de mandataire judiciaire de la société LIFTEAM suivant jugement du TC de [Localité 11] rendu le 3 juin 2025
[Adresse 1]
[Localité 10]
Représentées par Me Charles GUIEN de la SCP GUIEN LUGNANI & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0488
INTIMÉE
S.C.C.V. [Adresse 13], RCS de [Localité 14] sous le n°833 815 228, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 9]
Représentée par Me Romain ROSSI LANDI de la SELEURL ROSSI-LANDI AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D0014
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 19 Juin 2025, en audience publique, Laurent NAJEM, Conseiller, ayant été entendu en son rapport dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile, devant la cour composée de :
Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,
Michèle CHOPIN, Conseillère,
Laurent NAJEM, Conseiller,
Qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
***
EXPOSE DU LITIGE
La société Le passage du bon vieux temps est une société civile de construction vente, spécialisée dans la création de programmes immobiliers.
La société [Adresse 13] avait un projet de construction d'un immeuble d'habitation R+3 combles sur un niveau de sous-sol ; composé de 65 logements et d'un commerce, sis [Adresse 5] à [Localité 15] (Val-de-Marne). La maîtrise d''uvre allant de la conception de l'ouvrage au suivi de l'exécution des travaux était confiée à M. [U], architecte.
Pour la réalisation de ce projet, la société Le passage du bon vieux temps lançait un appel d'offre, auquel la société Lifteam répondait par plusieurs propositions. Son offre n°OF19L-016.001 du 27 juin 2019 était finalement acceptée et un acte d'engagement était signé avec la société Lifteam, le 20 juillet 2019.
Le prix du marché initial était de 8.300.000 euros HT, et la société Lifteam devait réaliser les travaux dans un délai de 21 mois, soit avec une livraison prévue en mars 2022.
Par acte sous seing privé en date du 10 juin 2022, les sociétés [Adresse 13] et Lifteam ont signé un avenant n°1 à l'acte d'engagement, en raison de modifications des travaux initialement prévus.
À la suite de cet avenant, le nouveau montant du marché s'élevait alors à la somme de 9.081.173,11 euros HT.
Par acte du 13 septembre 2022, les parties ont signé un avenant n°2 en raison de l'ajout de travaux supplémentaires, portant le montant global du marché à la somme de 9.092.008,23 euros HT.
La société [Adresse 13] indique que de nombreuses réserves et malfaçons ont été dénoncées et qu'aucun accord n'a pu intervenir sur l'établissement du décompte général définitif.
Par acte du 5 juillet 2023, la société Le passage du bon vieux temps a fait assigner la société Lifteam devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil aux fins de, notamment obtenir la désignation d'un expert judiciaire, aux frais avancés de la société Lifteam.
Par acte du 21 décembre 2023, la société [Adresse 13] a fait assigner la société QBE Europe SA/NV, prise en sa qualité d'assureur responsabilité civile et décennale de la société Lifteam et la Compagnie européenne de garanties et cautions, prise en sa qualité de caution personnelle et solidaire de la société Lifteam aux fins de voir ordonner la jonction de cette instance avec celle en cours, enrôlée sous le numéro de RG23/1191, l'opposant à la société Lifteam et rendre commune l'ordonnance à intervenir aux sociétés QBE Europe SA/NV et la Compagnie européenne de garanties et cautions.
Par ordonnance contradictoire du 25 octobre 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil, a :
rejeté la demande de mise hors de cause de la Compagnie européenne de garanties et cautions (CEGC) ;
ordonné une mesure d'expertise au contradictoire de l'ensemble des parties à l'instance principale et à l'instance jointe ;
désigné pour y procéder M. [R], expert inscrit sur les listes de la cour d'appel de Paris, lequel, lequel pourra prendre l'initiative de recueillir l'avis d'un autre technicien, mais seulement dans une spécialité distincte de la sienne, avec mission de :
se faire préciser les liens contractuels entre les divers intervenants ;
relever et décrire les réserves non levées, faire le départ entre les réserves dénoncées dans les annexes des 4 procès-verbaux de réception partielle et les griefs formulés après ces actes dans le cadre de la garantie de parfait achèvement ; faire le départ entre les réserves à la réception non levée par la société Lifteam selon qu'elles portent ou non sur des travaux ayant fait l'objet des actes de caution numéros 2022-8483 et 2022-98569 délivrées les 3 février et 5 décembre 2022 par la Compagnie européenne de garanties et cautions (CEGC) ;
suites à ces constatations et conclusions établir précisément les comptes entre les parties en vérifiant et détaillant le montant exact des sommes dont la société [Adresse 13] s'est acquittée auprès de la société Lifteam au titre de la réalisation des travaux TCE déclarés à la Compagnie européenne de garanties et cautions (CEGC) ;
relever et décrire les désordres et malfaçons allégués expressément dans l'assignation et dans les conclusions en réponse de la société [Adresse 13], en pages 4 à 7 de ses conclusions (procès-verbal de constat du 21 mars 2023) et en page 14 s'agissant des désordres signalés postérieurement à la réception visant les pièces 16 à 19 de la société Le passage du bon vieux temps et affectant l'immeuble litigieux, ainsi que les non conformités et/ou inachèvements allégués détaillés dans le décompte général définitif du 16 juin 2023 (pièce n° 11 de la société [Adresse 13]), au regard des documents contractuels liant les parties ;
en détailler l'origine, les causes et l'étendue, et fournir tous éléments permettant à la juridiction de déterminer à quels intervenants ces désordres, malfaçons, non conformités et/ou inachèvements sont imputables, et dans quelles proportions ;
donner son avis sur les conséquences de ces désordres, malfaçons, non conformités et/ou inachèvements quant à la solidité, l'habitabilité, l'esthétique du bâtiment, et, plus généralement quant à l'usage qui peut en être attendu ou quant à la conformité à sa destination ;
dire si les travaux ont été conduits conformément aux documents contractuels et aux règles de l'art ;
à partir de devis d'entreprises fournis par les parties, sur proposition, le cas échéant du maître d''uvre de leur choix, donner un avis sur la ou les solutions appropriées pour remédier aux désordres entachant l'ouvrage et sur le coût des travaux utiles ;
donner son avis sur les préjudices et coûts induits par ces désordres, malfaçons, inachèvements ou non conformités et sur leur évaluation, dès lors que ces demandes sont présentées de manière motivée ;
donner son avis sur les décomptes définitifs communiqués par les parties et suite à ses constatations et conclusions établir précisément les comptes entre les parties ;
rapporter toutes autres constatations utiles à l'examen des prétentions des parties ;
désigné le magistrat chargé du contrôle des expertises pour contrôler les opérations d'expertise ;
dit que pour procéder à sa mission l'expert devra :
convoquer et entendre les parties, assistées, le cas échéant, de leurs conseils, et recueillir leurs observations à l'occasion de l'exécution des opérations ou de la tenue des réunions d'expertise ;
se faire remettre toutes pièces utiles à l'accomplissement de sa mission, notamment, s'il le juge utile, les pièces définissant le marché, les plans d'exécution, le dossier des ouvrages exécutés ;
se rendre sur les lieux, [Adresse 6] à [Localité 15] (Val-de-Marne) et si nécessaire en faire la description, au besoin en constituant un album photographique et en dressant des croquis ;
(')
fixé à la somme de 10.000 euros la provision concernant les frais d'expertise qui devra être consignée par la société Le passage du bon vieux temps à la régie du tribunal judiciaire de Créteil dans le mois qui suit la demande de consignation adressée par le greffe ;
(')
dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de provision formées par la société [Adresse 13] et par la société Lifteam ;
constaté que la société Lifteam accepte de déléguer à la société [Adresse 13] le paiement du solde du marché des sous-traitants évalué à la somme de 181.710 euros HT qui pourra être déduite du solde du marché réclamé par la société Lifteam ;
débouté la société Lifteam de sa demande de condamnation de la société [Adresse 13] à lui fournir la garantie de paiement prévue par les dispositions de l'article 1799-1 du code civil ;
dit que les dépens resteront à la charge de la société Le passage du bon vieux temps ;
dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
rappelé que la présente ordonnance bénéficie de plein droit de l'exécution provisoire.
Par déclaration du 6 novembre 2024, la société Lifteam a relevé appel de cette décision en ce qu'elle a :
dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de provision formées par la société [Adresse 13] et par la société Lifteam ;
débouté la société Lifteam de sa demande de condamnation de la société [Adresse 13] à lui fournir la garantie de paiement prévue par les dispositions de l'article 1799-1 du code civil ; et
dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Lifteam a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Chambéry du 3 juin 2025.
Les sociétés S.E.L.A.S. AJ UP et Société BTSG sont intervenues à la procédure respectivement en qualité d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire de la société Lifteam.
Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 16 juin 2025, les sociétés Lifteam, S.E.L.A.S. AJ UP, ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Lifteam et BTSG, ès qualités de mandataire judiciaire de la société Lifteam demandent à la cour de :
constater l'intervention volontaire à l'instance de la société AJ UP, prise en la personne de Me [O], ès-qualités d'administrateur judiciaire de la société Lifteam, placée en redressement judiciaire selon un jugement du Tribunal de commerce de Chambéry rendu le 3 juin 2025 (pièce n° 33) ;
constater l'intervention volontaire à l'instance de la société BTSG, prise en la personne de Me [G], ès-qualités de mandataire judiciaire de la société Lifteam, placée en redressement judiciaire selon un jugement du Tribunal de commerce de Chambéry rendu le 3 juin 2025 (pièce n° 33) ;
infirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a :
dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de provision formées par la société [Adresse 13] et par la société Lifteam ;
débouté la société Lifteam de sa demande de condamnation de la société [Adresse 13] à lui fournir la garantie de paiement prévue par les dispositions de l'article 1799-1 du code civil ; et
dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
statuant à nouveau,
I - sur la demande de provision au titre du solde du marché
dire que la société Le passage du bon vieux temps a l'obligation non sérieusement contestable de verser à la société Lifteam la somme de 987.528,52 euros TTC au titre du solde du marché, tel que calculé dans son projet de décompte final, réputé accepté en vertu de la loi contractuelle, après déduction du poste 3 « travaux supplémentaires hors marchés » et des délégations de paiement à mettre en place au profit des sous-traitants (solde du décompte final : 1.260.403,35 euros TTC - travaux supplémentaires hors marchés : 91.164,83 euros TTC - délégation de paiement : 181.710 euros HT [TVA en autoliquidation]) ;
dire que la société [Adresse 13] a l'obligation non sérieusement contestable de verser les intérêts moratoires sur la somme due au principal, calculés conformément aux dispositions d'ordre public de l'article L. 441-10 du code de commerce, auxquelles renvoient les dispositions d'ordre public de l'article L. 124-2 du code de la construction et de l'habitation ;
en conséquence,
condamner la société Le passage du bon vieux temps à verser à la société Lifteam la somme provisionnelle de 987.528,52 euros TTC au titre du solde du marché, assortie des intérêts moratoires au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne (BCE) à son opération de refinancement la plus récente, majoré de 10 points de pourcentage, à compter du 2 juillet 2023 et jusqu'à complet paiement ;
ordonner la capitalisation des intérêts par année à compter du 2 juillet 2024 ;
II - sur la remise de la garantie légale de paiement
dire que la société [Adresse 13] a l'obligation non sérieusement contestable de fournir à la société Lifteam la garantie de paiement prévue par les dispositions d'ordre public de l'article 1799-1 du code civil, à concurrence d'un montant de 393.516,01 euros TTC et, subsidiairement, de 381.063, 86 euros TTC, correspondant au solde du prix des travaux exécutés et non réglés au titre du marché de base et des travaux supplémentaires sur avenants régularisés ;
en conséquence,
condamner la société [Adresse 13] à fournir à la société Lifteam une garantie de paiement conforme aux dispositions d'ordre public de l'article 1799-1 du code civil, pour la somme de 393.516,01 euros TTC, et, subsidiairement, de 381.063,86 euros TTC sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard commençant à courir passé un délai de 30 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;
III - en tout état de cause
débouter la société [Adresse 13] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
déclarer la société Le passage du bon vieux temps irrecevable en ses demandes de provisions ;
condamner la société [Adresse 13] à verser à la société Lifteam la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; et
condamner la société [Adresse 13] aux dépens d'appel
Elles font valoir essentiellement que le projet de décompte final a été établi conformément à la procédure contractuelle d'établissement des comptes du marché ; que la notification était régulière en ce qu'elle a été effectuée au dernier domicile connu du maître d''uvre ; qu'il n'est pas sérieusement contestable que faute de notification du décompte général dans le délai contractuel, le projet de décompte final qu'elle a adressé est « réputé accepté » par le maître d'ouvrage.
Elles soutiennent que le premier juge a fait une lecture erronée du CCAP, le délai de 45 jours commence à courir non à compter de la réception du projet de décompte établi par le maître d''uvre mais à compter de la réception par le maître d''uvre du mémoire définitif de l'entrepreneur ; que la sanction de ces stipulations est une forclusion contractuelle c'est-à-dire une irrecevabilité qui porte sur l'ensemble des postes du décompte à l'exception des travaux supplémentaires non régularisés ; que l'ensemble des postes totalisent la somme de 1.169.238,92 euros.
A titre subsidiaire, elles font état de l'absence de réponse du maître d'ouvrage aux observations subsidiaires que la société Lifteam a émise sur le décompte général. Elles allèguent que le premier juge a commis une erreur de pièces en ce que ces observations ont été formulées non le 7 juillet mais le 20 juin 2023 ; que l'existence d'une assignation en référé - expertise avant la notification des observations est sans incidence sur l'application de la forclusion. Elle en conclut que la demande n'est pas sérieusement contestable en son principe et en son montant. Elle considère qu'il entre dans les pouvoirs du juge des référés de constater la nullité de la clause subordonnant le paiement du solde du marché à la remise du quitus de levée des réserves.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 18 juin 2025, la SCCV [Adresse 13] demande à la cour de :
La juger recevable et bien-fondée en ses demandes ;
Prendre acte de l'intervention volontaire des organes de la procédure collective de la société Lifteam ;
Confirmer l'ordonnance de référé en ce qu'elle a :
Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de provision formées par la société Lifteam,
Débouté la société Lifteam de sa demande de condamnation de la SCCV [Adresse 13] à lui fournir la garantie de paiement prévue par les dispositions de l'article 1799-1 du code civil,
Constaté que la société Lifteam accepte de déléguer à la SCCV [Adresse 13] le paiement du solde du marché des sous-traitants évalué à la somme de 181.710 euros HT qui pourra être déduite du solde du marché réclamé par la société Lifteam,
Infirmer l'ordonnance de référé en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de provision formées par la SCCV [Adresse 13] ;
Statuant à nouveau,
Fixer au passif de la société Lifteam prise en la personne de ses organes de la procédure collective les sommes de :
374.011,91 euros pour les travaux non effectués ou non terminés,
342.000 euros pour les provisions de réserves non levées,
454.600,41 euros pour les pénalités de retard (plafonnées à 5% du montant global du marché HT),
90.920,08 euros pour le retard dans la mise à disposition du logement témoin (pénalité forfaitaire équivalente à 1% du marché global HT),
Et en tout état de cause,
Débouter la société Lifteam prise en la personne de ses organes de la procédure collective de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
Juger que les créances invoquées par la société Lifteam relèvent exclusivement du passif de la procédure de redressement judiciaire ouverte par jugement du tribunal de commerce de Chambéry du 3 juin 2025 ;
Juger que la présente instance est en tout état de cause devenue sans objet à défaut de créance certaine, liquide et exigible pouvant faire l'objet d'une provision ;
Condamner la société Lifteam prise en la personne de ses organes de la procédure collective à payer à la SCCV [Adresse 13] la somme de 10.000 euros, par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamner la société Lifteam prise en la personne de ses organes de la procédure collective aux dépens d'appel.
Elle allègue que le procès-verbal du 2 mars 2023 ne vaut pas réception au sens contractuel du CCAP ; qu'il y a eu de multiples opérations de réception ou « tentatives » compte tenu des travaux non terminés.
Elle fait valoir que les documents exigés par le CCAP n'avaient pas été fournis.
Elle considère que le document transmis par l'appelante est entaché d'irrégularités substantielles, en l'absence de DOE, de fiches d'auto-contrôles notamment et qu'il porte la mention de « Projet ». Elle allègue qu'à la suite du rendez-vous du 2 mars 2023, il a été constaté que de très nombreuses réserves n'avaient pas été levées ; que la procédure d'établissement du décompte général et définitif ne pouvait débuter sans la levée des réserves et l'achèvement des travaux. Elle fait état de la somme de 371.278, 82 euros réglée pour lever lesdites réserves.
Elle expose que le décompte général ne peut être établi que par la maîtrise d''uvre et qu'en l'espèce, le projet de décompte a été reçu par cette dernière qu'avec retard.
Elle considère qu'elle a respecté le délai de 45 jours de l'article 3.04 du CCAP.
Elle soutient que la société Lifteam tente d'obtenir le paiement de prétendus travaux supplémentaires non validés par le maître d'ouvrage en se prévalant du caractère prétendument définitif de son décompte général.
Elle considère qu'il s'infère des stipulations de l'acte d'engagement qu'une compensation de plein droit intervient entre les sommes que le maître d'ouvrage est contraint d'engager pour palier la carence de l'entrepreneur dans son obligation de levée des réserves et les sommes qui lui seraient encore dues.
Elle considère que la demande relative à la garantie légale de paiement est sans objet puisqu'elle a bien souscrit un crédit spécifique pour les travaux et elle expose qu'en raison de son incapacité à fournir un cautionnement bancaire garantissant le marché de ses sous-traitants, la société Lifteam a été contrainte d'opérer une délégation de paiement vers le maître d'ouvrage mais qu'il subsiste un reliquat qui n'a été ni cautionné, ni délégué au maître d'ouvrage.
Elle soutient que la production des fiches d'autocontrôle, requise par le CCAP, est tardive et lacunaire.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 juin 2025, avant l'ouverture des débats et sans opposition des parties.
Le 9 juillet 2025, le message électronique (RPVA) suivant a été adressé aux parties : « Aux termes de ses dernières conclusions, la SCCV [Adresse 13] demande la fixation au passif de la société Lifteam prise en la personne de ses organes de la procédure collective de différentes créances.
Aux termes des dispositions de l'article L. 622-21 du code de commerce, le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au 1 de l'article L. 622-17 du code de commerce et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.
L'article L. 622-22 du code de commerce dispose par ailleurs que :
"Sous réserve des dispositions de l'article L. 625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L. 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant ".
Toutefois, l'instance en cours telle qu'évoquée par l'article L. 622-22 du code de commerce suspendue jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance est celle qui tend à obtenir de la juridiction du principal une décision définitive sur l'existence et le montant de la créance.
La cour sollicite les observations des parties sur le fait de savoir s'il entre dans les pouvoirs du juge des référés de fixer le montant d'une créance, comme le sollicite l'intimée, avec l'autorité de la chose jugée qui s'attacherait à cette fixation, dans le cadre d'une procédure collective, le juge des référés ne pouvant qu'allouer des provisions en l'absence de contestation sérieuse.
Les parties sont invitées à adresser par voie électronique (RPVA) lesdites observations sous la forme de notes en délibéré synthétiques portant sur cette seule question et ce, avant le 15 juillet 2025. »
Par message du 10 juillet, la société Lifteam expose que le maintien d'une demande de provision à l'égard d'une partie placée en redressement judiciaire est irrecevable, ce qu'elle a relevé dans ses conclusions et qui n'est pas contredit par les écritures adverses.
Dans un message du 11 juillet, la société [Adresse 13] indique que sa demande actuelle porte uniquement sur la reconnaissance provisionnelle de créances, à fins déclaratives dans le cadre de la procédure collective ouverte contre la société Lifteam ; qu'elle n'entend aucunement obtenir un titre exécutoire ni une décision dotée de l'autorité de la chose jugée au fond.
Elle fait valoir que le juge des référés peut, dans le cadre d'une instance introduite avant l'ouverture de la procédure collective, constater l'existence d'une créance sérieusement fondée, sans qu'il soit statué définitivement sur le fond du droit. Elle précise que sa demande est antérieure à la procédure collective, revêt un caractère provisionnel et qu'elle a déclaré sa créance.
SUR CE,
Il convient de donner acte à la société AJ UP, prise en la personne de Me [O], ès-qualités d'administrateur judiciaire de la société Lifteam et de la société BTSG, prise en la personne de Me [G], ès-qualités de mandataire judiciaire de la société Lifteam de leur intervention volontaire, la société Lifteam a été placée en redressement judiciaire par un jugement du tribunal de commerce de Chambéry rendu le 3 juin 2025.
Sur la demande de condamnation provisionnelle formée par la société Lifteam
En application de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le juge des référés peut accorder une provision au créancier dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable.
Le montant de la provision en référé n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.
Une contestation sérieuse est caractérisée lorsque l'un des moyens de défense opposés aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.
La société Lifteam réclame le paiement de la somme de 987.528,52 euros TTC au titre du solde du marché.
Elle se prévaut de l'article 3.04 du cahier des charges administratives particulières (CCAP) relatif au décompte définitif ainsi rédigé :
« Le décompte définitif des travaux devra être présenté par l'entrepreneur au Maître d''uvre dans un délai maximum de quarante-cinq jours, à compter de la date de réception, ou de la date de la résiliation de son marché.
Apres ces délais, aucune facturation ne sera acceptée, et conformément à la norme NF P 03.001, le décompte définitif pourra être établi d'office par le Maître d''uvre.
Les frais d'établissement d'un tel décompte définitif seront alors mis à la charge de l'entrepreneur. D'ores et déjà, les parties conviennent de fixer forfaitairement le montant des frais qui serait ainsi supporté par l'entrepreneur, à une somme égale à 1% H.T. du montant global H.T. de son marché.
Le décompte définitif ne sera réglé à l'entrepreneur qu'après fourniture au Maitre d''uvre notamment par application des articles du présent CCAP :
des attestations d'assurances à jour,
les fiches d'auto contrôle de ses travaux,
des attestations CONSUEL,
dossier DOE, plans de récolement, notices d'utilisation, notes de calculs, etc..., des quitus des levées des réserves portées au PV et la réception, quitus des réserves faites en cours de chantier par le bureau de contrôle,
des documents nécessaires à l'établissement du DIUO définitif et transmis au SPS.
La notification du décompte définitif sera faite par le Maître d'Ouvrage à l'entrepreneur dans un délai de 45 jours à dater de la réception du mémoire définitif.
Si le décompte n'est pas notifié à l'entrepreneur dans ce délai, le Maître d'Ouvrage est réputé avoir accepté le mémoire définitif. »
La société Lifteam verse des procès-verbaux de réception des 29 septembre 2022, 14 octobre 2022, 18 janvier 2023 et 2 mars 2023 (pièce 7) au titre des travaux effectués par l'entreprise générale (Lifteam), la liste des réserves y est annexée.
Le procès-verbal du 2 mars 2023 a été signé par l'intimée, dès lors, la réception ne peut être contestée, peu important qu'elle soit assortie de réserves.
Un document intitulé « Projet de décompte final - tout corps d'état » a été établi par la société Lifteam le 15 avril 2023.
Le maître d''uvre (cabinet [Z] [U] Architecte) a adressé au maître d'ouvrage (SCCV [Adresse 13]) par courrier daté du 15 avril 2023 le décompte général qui arrête un solde en faveur du maître de l'ouvrage de 1.004.279,89 euros HT invoquant la défaillance de l'entreprise, la non-réalisation de certaines prestations prévues au marché et l'abandon de la levée des réserves (pièce 10 de l'intimée).
Ainsi qu'il résulte du relevé postal, le courrier a été pris en charge le 19 mai et distribué le 22 mai 2023.
La société Le passage du bon vieux temps a transmis à l'entreprise générale (Lifteam) le décompte général définitif maîtrise d'ouvrage par courrier daté du 16 juin 2023 et effectivement remis à la Poste à cette même date et distribué le 20 juin.
La société Lifteam soutient que le délai de 45 jours du CCAP a commencé à courir le 19 avril, soit le lendemain de la date de présentation de sa lettre recommandée portant remise au maître d''uvre avec copie au maître d'ouvrage (ses pièces 9 bis et 10 pour le relevé postal) et que ledit délai expirait au 2 juin. L'accusé de réception est revenu avec la mention « n'habite pas à l'adresse indiquée » s'agissant du maître d''uvre.
Cependant, les stipulations contractuelles du CCAP ne mentionnent pas une transmission directe du décompte définitif de l'entrepreneur au maître d'ouvrage mais une transmission uniquement au maître d''uvre (« le décompte définitif des travaux devra être présenté par l'entrepreneur au Maître d''uvre »), lequel dès lors le notifie au maître d'ouvrage.
Il sera rappelé qu'il n'appartient pas au juge des référés d'interpréter des stipulations contractuelles, lesquelles en l'espèce ne prévoient pas une telle transmission directe.
Il en résulte que le délai de 45 jours auquel est tenu le maître d'ouvrage pour notifier son propre décompte court à compter de la réception du décompte définitif de l'entrepreneur, laquelle est consécutive à l'envoi du décompte par le maître d''uvre et non d'un envoi direct par l'entreprise.
Si l'article 3.04 déroge à l'article 19.6.2 de la norme NF P 03-011 qui prévoit un délai de 30 jours et non 45 jours, il est indiqué « le maître de l'ouvrage notifie à l'entrepreneur un décompte général dans un délai de 30 jours à dater de la réception de la réception du projet de décompte final par le maître d''uvre » (caractères soulignés de la cour) et non à compter d'un envoi direct par l'entreprise au maître de l'ouvrage. Sur ce point, la norme ne contredit pas le CCAP.
La société [Adresse 13] a reçu le décompte le 22 mai, elle a donc respecté le délai de 45 jours en adressant sa réponse le 16 juin 2023, courrier réceptionné le 20 juin.
Il en résulte que, comme l'a retenu à bon droit le premier juge, la société Lifteam ne peut soutenir que la société [Adresse 13] a accepté son mémoire définitif au sens de l'article 3.04.
En outre, et conformément à ces stipulations, le règlement du décompte définitif de l'entreprise impose la fourniture d'un certain nombre de documents (DOE et fiches d'auto-contrôle, levées des réserves) que la société Lifteam ne démontre pas avoir fournis en annexe de son projet de décompte définitif. Ainsi les fiches d'auto-contrôle sont versées aux débats (pièce 34), mais il n'est pas démontré qu'elles ont été produites lors de la transmission du décompte litigieux par la société Lifteam.
Par ailleurs, l'article 19.6.2 de la norme précitée, en son second alinéa prévoit que « si le décompte général n'est pas notifié dans ce délai, le maître d'ouvrage est réputé avoir accepté le projet de décompte final remis au maître d''uvre, après mise en demeure adressée par l'entrepreneur au maître de l'ouvrage, et restée infructueuse pendante 15 jours. Le projet de décompte final devient alors le décompte général et définitif ».
Ce préalable de mise en demeure portant sur le projet de décompte n'est pas incompatible avec les stipulations du CCAP et la société Lifteam ne justifie pas avoir satisfait à cette diligence, puisqu'elle a directement mis en demeure la société [Adresse 13] de régler le solde du projet de décompte, par courrier recommandé du 21 juin 2023 (pièce 17 de l'appelante).
A titre subsidiaire, la société Lifteam se prévaut de l'absence de réponse du maître d'ouvrage aux observations subsidiaires qu'elle a formulées sur le décompte général.
Selon l'article 19.6.3 de la norme NF P 03-001 : « l'entrepreneur dispose de 30 jours à compter de la notification du décompte général pour présenter, par écrit, ses observations éventuelles au maître de l'ouvrage avec copie au maître d''uvre. Passé ce délai, il est réputé avoir accepté le décompte général qui devient alors le décompte général et définitif. »
L'article 19.6.4 prévoit que « Le Maître de l'ouvrage dispose alors de 30 jours pour faire connaître, par écrit, s'il accepte ou non les observations de l'entrepreneur. Passé ce délai, il est réputé avoir accepté ces observations ».
La société Lifteam fait valoir que ses observations n'ont pas été formulées dans un courrier du 7 juin 2023 comme l'a retenu le premier juge, mais par un courrier du 20 juillet 2023 dont l'objet était « Observations subsidiaires et conservatoires de Lifteam sur le décompte général notifié par le MOA le 20 juin 2023 ». Elle considère en outre que, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, l'introduction d'une instance est indifférente et n'a pas pour effet de suspendre ni d'interrompre les délais résultant de la procédure contractuelle de vérification des créances.
Si les deux parties conviennent que la norme en question a un caractère supplétif, la société [Adresse 13] fait valoir à juste titre que l'article 3.04 du CCAP propre au marché en cause réglemente précisément la procédure d'établissement des décomptes, modifie les délais notamment, mais ne prévoit pas cette étape complémentaire.
En outre, dans un courrier du 3 août 2023, et donc dans le délai précité de 30 jours, le maître d'ouvrage a sollicité la mise en 'uvre de la garantie de parfait achèvement, puis le 22 août 2023 a actualisé la liste des réserves non levées à cette date, suite à la réception du 2 mars 2023.
L'analyse de la portée de ces deux courriers, en ce qu'ils pourraient constituer une réponse aux observations subsidiaires de la société Lifteam qui ne sauraient dans cette hypothèse être considérées comme acceptées, procède d'un débat de fond.
La conciliation du CCAP avec cette norme relève d'une interprétation des clauses du CCAP qui échappe aux pouvoirs du juge des référés. Dès lors, la demande de la Lifteam afin qu'il soit considéré que le maître d'ouvrage a accepté ses observations et que son décompte présenterait un caractère définitif se heurte à une contestation sérieuse.
L'ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande provisionnelle de la société Lifteam.
Sur la remise de la garantie légale de paiement
Selon l'article 1799-1 du code civil, le maître de l'ouvrage qui conclut un marché de travaux privé visé au 3° de l'article 1779 doit garantir à l'entrepreneur le paiement des sommes dues lorsque celles-ci dépassent un seuil fixé par décret en Conseil d'Etat.
Lorsque le maître de l'ouvrage recourt à un crédit spécifique pour financer les travaux, l'établissement de crédit ne peut verser le montant du prêt à une personne autre que celles mentionnées au 3° de l'article 1779 tant que celles-ci n'ont pas reçu le paiement de l'intégralité de la créance née du marché correspondant au prêt. Les versements se font sur l'ordre écrit et sous la responsabilité exclusive du maître de l'ouvrage entre les mains de la personne ou d'un mandataire désigné à cet effet.
Lorsque le maître de l'ouvrage ne recourt pas à un crédit spécifique ou lorsqu'il y recourt partiellement, et à défaut de garantie résultant d'une stipulation particulière, le paiement est garanti par un cautionnement solidaire consenti par un établissement de crédit, une société de financement, une entreprise d'assurance ou un organisme de garantie collective, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. Tant qu'aucune garantie n'a été fournie et que l'entrepreneur demeure impayé des travaux exécutés, celui-ci peut surseoir à l'exécution du contrat après mise en demeure restée sans effet à l'issue d'un délai de quinze jours.
Les dispositions de l'alinéa précédent ne s'appliquent pas lorsque le maître de l'ouvrage conclut un marché de travaux pour son propre compte et pour la satisfaction de besoins ne ressortissant pas à une activité professionnelle en rapport avec ce marché.
Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux marchés conclus par un organisme visé à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation, ou par une société d'économie mixte, pour des logements à usage locatif aidés par l'Etat et réalisés par cet organisme ou cette société.
En l'espèce, le premier juge a considéré que la société [Adresse 13] justifiait avoir souscrit un crédit auprès du CIC Est d'un montant de 5.000.000 euros affecté à hauteur de 3.000.000 euros pour les travaux et qu'elle répondait ainsi aux exigences de l'article 1799-1 du code civil.
La société Lifteam fait valoir qu'il s'agit d'une « offre » uniquement non d'un contrat dûment signé, qu'il s'agit d'un crédit global et non d'un crédit spécifique affecté en totalité aux travaux. Elle émet un doute sur le fait que ce crédit à échéance au 31 décembre 2019 ait été renouvelé et relève qu'elle n'est pas désignée comme bénéficiaire du crédit. Elle en conclut que ce crédit ne satisfait pas aux dispositions de l'article 1799-1 du code civil.
L'offre produite (annexe de la pièce 26 - Lifteam) constitue cependant un crédit spécifique pour financer les travaux à hauteur de 3.000.000 euros et démontre suffisamment que la société [Adresse 13] a satisfait à ses obligations, comme l'a retenu le premier juge par des motifs que la cour approuve.
L'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a débouté la société Lifteam de sa demande de condamnation de la société [Adresse 13] à lui fournir la garantie de paiement prévue par les dispositions de l'article 1799-1 du code civil.
Sur les demandes de fixation formées par la société Le passage du bon vieux temps
Dans ses dernières conclusions et compte tenu de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Lifteam, l'intimée forme des demandes de fixation de créances.
Aux termes des dispositions de l'article L622-21 du code de commerce, le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au 1 de l'article L622-17 du code de commerce et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.
L'article L622-22 du même code dispose par ailleurs que :
« Sous réserve des dispositions de l'article L. 625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L. 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant ».
L'instance en cours telle qu'évoquée par l'article L622-22 du code de commerce suspendue jusqu' à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance est celle qui tend à obtenir de la juridiction du principal, une décision définitive sur l'existence et le montant de la créance.
Il n'entre donc pas dans les pouvoirs du juge des référés de fixer le montant d'une créance, avec l'autorité de la chose jugée qui s'attacherait à cette fixation, dans le cadre d'une procédure collective, le juge des référés ne pouvant qu'allouer des provisions en l'absence de contestation sérieuse.
Contrairement à ce qu'expose l'intimée, sa demande tend à la fixation de créance au passif de la société Lifteam et ne revêt donc pas un caractère provisionnel.
Dès lors, il n'y a pas lieu à référé sur les demandes de fixation au passif de la société Lifteam de différentes créances.
Sur les demandes accessoires
La cour n'est pas saisie de demande d'infirmation de la condamnation aux dépens, étant relevé que le présent appel ne portait que sur une partie seulement des chefs de la première décision qui avait à titre principal ordonné une expertise, mise à la charge de la partie qui la demandait.
Perdant en appel à titre principal, la société Lifteam, représentée par la Selas AJ UP, ès qualités d'administrateur judiciaire, et la SCP BTSG2 ès qualités de mandataire judiciaire sera condamnée aux dépens.
L'équité commande de ne pas prononcer de condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant dans les limites de la saisine,
Donne acte à la société AJ UP, prise en la personne de Me [O], ès-qualités d'administrateur judiciaire de la société Lifteam et de la société BTSG2, prise en la personne de Me [G], ès-qualités de mandataire judiciaire de la société Lifteam de leur intervention volontaire ;
Confirme l'ordonnance entreprise ;
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de fixation au passif de la société Lifteam formées par la société [Adresse 13] ;
Condamne la société Lifteam, représentée par la Selas AJ UP, prise en la personne de Me [O], ès-qualités d'administrateur judiciaire, et la SCP BTSG2, prise en la personne de Me [G], ès qualités de mandataire judiciaire aux dépens d'appel ;
Rejette toute autre demande.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE