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Décisions

CA Amiens, 1re ch. civ., 11 septembre 2025, n° 23/02592

AMIENS

Arrêt

Autre

CA Amiens n° 23/02592

11 septembre 2025

ARRET



S.A. FRANFINANCE

C/

[T]

[D]

[T]

[T]

[D]

CJ/BT

COUR D'APPEL D'AMIENS

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU ONZE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT CINQ

Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 23/02592 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IZJC

Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE [Localité 11] DU TRENTE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

PARTIES EN CAUSE :

S.A. FRANFINANCE agissant poursuites et diligences de son Directeur domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 9]

Représentée par Me Jean-rené CATÉ, avocat au barreau de BEAUVAIS

APPELANTE

ET

Monsieur [P] [T] décédé le 18 mars 2023 à [Localité 13]

Madame [J] [D] épouse [T]

née le 14 Juillet 1954 à [Localité 12] (92)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Marie DUPONCHELLE, avocat au barreau de COMPIEGNE

INTIMES

Madame [L] [T] épouse [K] es-qualité d'héritière de Monsieur [P] [U] [B] [T], et suivant acte de notoriété en date du 31 juillet 2023 établi par Maître [R] [O], Notaire

née le 31 Juillet 1975 à [Localité 10]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 7]

Madame [N] [T] es-qualité d'héritière de Monsieur [P] [U] [B] [T], et suivant acte de notoriété en date du 31 juillet 2023 établi par Maître [R] [O], Notaire

née le 21 Novembre 1979 à [Localité 10]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 8]

Madame [J] [D] épouse [T] es-qualité d'héritière de Monsieur [P] [U] [B] [T], et suivant acte de notoriété en date du 31 juillet 2023 établi par Maître [R] [O], Notaire

née le 14 Juillet 1954 à [Localité 12]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentées par Me Marie DUPONCHELLE, avocat au barreau de COMPIEGNE

PARTIES INTERVENANTES

DEBATS :

A l'audience publique du 05 juin 2025, l'affaire est venue devant Mme Clémence JACQUELINE, magistrat chargé du rapport siégeant sans opposition des avocats en vertu de l'article 805 du Code de procédure civile. Ce magistrat a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 11 septembre 2025.

La Cour était assistée lors des débats de Mme Blanche THARAUD, greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Le magistrat chargé du rapport en a rendu compte à la Cour composée de Mme Graziella HAUDUIN, Présidente de chambre, Présidente, M. Douglas BERTHE, Président de chambre et Mme Clémence JACQUELINE, Conseillère, qui en ont délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE DE L'ARRET :

Le 11 septembre 2025, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Graziella HAUDUIN, Présidente de chambre et Mme Sarah BOURDEAUDUCQ, greffière placée.

*

* *

DECISION :

Dans le cadre d'un démarchage à domicile, M. [P] [T] et Mme [J] [D] épouse [T] ont conclu le 7 novembre 2017 avec la société France Pac environnement un contrat de fourniture et de pose de panneaux photovoltaïques et chauffe-eau thermodynamique pour un montant total de 24 500 euros, financé par un crédit affecté Franfinance du même montant souscrit selon offre de prêt du même jour, remboursable en 162 mensualités d'un montant de 243 euros chacune.

Par acte d'huissier en date du 22 février 2021, M. et Mme [T] ont fait assigner la SAS France Pac environnement et la SA Franfinance devant le tribunal judiciaire de Compiègne, en nullité des contrats suscités.

La société France Pac environnement a fait l'objet d'une liquidation judiciaire prononcée le 15 septembre 2021 et Me [I] [V] a été désignée es qualité de liquidatrice de la société France Pac environnement.

M. et Mme [T] ont procédé à la déclaration de leur créance le 27 octobre 2021 et ont attrait Me [V] à la procédure par assignation en intervention forcée du 2 décembre 2021. Ils ont par ailleurs procédé à un rachat de crédit pour rembourser le crédit souscrit auprès de la SA Franfinance par anticipation.

Par jugement rendu le 30 novembre 2022, le tribunal judiciaire de Compiègne a :

Déclaré recevables les demandes formulées par M. [P] [T] et Mme [J] [T] ;

Annulé le contrat de vente conclu le 7 novembre 2017 entre M. [P] [T] et Mme [J] [T] et la société France Pac environnement ;

Condamné Me [V] en sa qualité de liquidateur de la SAS France Pac environnement à récupérer à ses frais le matériel posé et remettre les lieux en l'état dans les deux mois suivant la signification du jugement à intervenir et dit qu'à défaut les demandeurs seront autorisés à disposer dudit matériel ;

Annulé le contrat de crédit conclu entre M. [P] [T] et Mme [J] [T] et la société Franfinance, et par conséquent a ordonné la restitution des sommes versées par M. [P] [T] et Mme [J] [T] à cette dernière au titre du remboursement des échéances de leur prêt, soit la somme de 23 707,07 euros au principal et l'intégralité des intérêts perçus depuis le début de l'emprunt ;

Dit qu'il incombe à Me [V] es qualité de liquidatrice de la SAS France Pac environnement de restituer les fonds reçus de ce chef à Franfinance ;

Condamné la SA Franfinance aux dépens ;

Condamné la SA Franfinance à payer à M. [P] [T] et Mme [J] [T] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejeté le surplus des demandes des parties ;

Rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

Par ordonnance rectificative, le tribunal judiciaire de Compiègne a :

Ordonné que le jugement rendu le 30 novembre 2022 par le juge des contentieux de la protection au bénéfice de M. et Mme [T] soit rectifié comme suit (les termes recti és en gras) :

« en ses motifs: « ce en quoi M. [P] [T] et Mme [J] [T] ne seront pas tenu au remboursement des 24 500 euros empruntés.''

en son dispositif:

« Annule le contrat de crédit conclu entre M. [P] [T] et Mme [J] [T] et la société Franfinance »

« Rejette la demande de remboursement des 24 500 euros empruntés par M. [P] [T] et Mme [J] [T] formulée par la SA Franfinance »

le reste du jugement sans changement.

Dit qu'il sera fait mention de la présente ordonnance par les soins du greffier sur la minute et toutes les expéditions du jugement du 30 novembre 2022,

Dit que les dépens de la présente ordonnance resteront à la charge du trésor public ».

Par déclaration du 12 juin 2023, la SA Franfinance a interjeté appel de cette décision des chefs suivants :

« - Rejette la demande de remboursement des 24 500 euros empruntés par M. [P] [T] et Mme [J] [T] formulée par la SA Franfinance ;

- Condamne la SA Franfinance aux dépens ;

- Condamne la SA Franfinance à payer à M. [P] [T] et Mme [J] [T] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ».

M. [P] [T] est décédé le 18 mars 2023. Mmes [J] [D] épouse [T], [L] [T] épouse [K] et [N] [T] sont intervenus volontairement à la procédure en leur qualité d'héritières de M. [P] [T].

Par ordonnance du 3 avril 2024, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel d'Amiens a :

Débouté Mmes [J] [D] épouse [T], [L] [T] épouse [K] et [N] [T] de leur demande d'irrecevabilité de l'appel formé par la société Franfinance,

Condamné in solidum Mmes [J] [D] épouse [T], [L] [T] épouse [K] et [N] [T] à payer à la SA Franfinance la somme de 1 500 euros au titre des dispositions prévues par l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné in solidum Mmes [J] [D] épouse [T], [L] [T] épouse [K] et [N] [T] aux dépens de l'incident,

Rejette les autres demandes.

Par arrêt du 15 octobre 2024, la cour d'appel d'Amiens, a :

Confirmé l'ordonnance rendue le 3 avril 2024 par le conseiller de la mise en état en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamné in solidum Mme [J] [D] veuve [T], Mme [L] [T] épouse [K] et Mme [N] [T] aux dépens du déféré;

Débouté les parties de leurs demandes respectives au titre de leurs frais irrépétibles.

Par conclusions notifiées le 14 février 2025, la SA Franfinance demande à la cour de :

- Infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté la demande de remboursement des 24 500 euros empruntés par M. [P] [T] et Mme [J] [T] et statuant à nouveau sur ce chef infirmé :

- Condamner Mme [J] [T], Mme [L] [T], épouse [K] es-qualités d'héritière de M. [P] [T] et Mme [N] [T] es-qualités d'héritière de M. [P] [T] à payer à la SA Franfinance la somme de 24 500 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 décembre 2017, date de souscription du contrat de crédit,

- Infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné la SA Franfinance aux dépens, ainsi qu'à payer la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et statuant à nouveau également de ce chef,

- Statuer ce que de droit quant aux dépens et dire n'y avoir lieu à condamnation de la SA Franfinance au titre de l'article 700 du code de procédure civile et rejeter la demande formée à ce titre par les consorts [T], ainsi que celle qu'ils forment au titre des dépens.

La SA Franfinance soutient que toutes les indications prévues par l'article L.111-1 du code de la consommation sont mentionnées dans le bon de commande, que les mentions manquantes relatives au prix unitaire des différents éléments des panneaux photovoltaïques ne sont pas requises à peine de nullité et que les dispositions applicables en la matière n'exigeant aucun prix unitaire mais un prix global.

La SA Franfinance estime qu'en sa qualité de prêteur, elle n'a commis aucune faute, puisque le contrat de vente est conforme au code de la consommation et que l'absence de prix unitaire sur le bon de commande n'est pas sanctionnable, selon elle.

Elle expose qu'elle a débloqué les fonds au regard de l'attestation de livraison et note que la demande de financement signée par l'emprunteur le 7 décembre 2017 précède l'attestation de conformité établie par l'installateur le 13 décembre 2017.

Elle soutient que le liquidateur ne viendra pas démonter le matériel qui va rester en possession de consorts [T] sans aucune contrepartie s'ils ne règlent pas les 24 500 euros.

La SA Franfinance fait valoir que la résolution du contrat de crédit emporte pour les consorts [T] l'obligation de rembourser à la société le capital prêté, soit la somme de 24 500 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 décembre 2017.

Par conclusions notifiées le 17 janvier 2025, Mme [J] [T], Mme [L] [T] et Mme [N] [T] demandent à la cour de :

Confirmer dans son intégralité le jugement entrepris, et rectifié suivant ordonnance rectificative, en ce qu'il a :

- Annulé le contrat de vente conclu n°0004 entre M. [P] [T] et Mme [J] [T] et la société France Pac environnement,

- Condamné Me [V] en sa qualité de liquidateur de la SAS France Pac environnement à récupérer à ses frais le matériel posé et mettre les lieux en l'état dans les deux mois suivant la signification du jugement à intervenir et dit qu'à défaut, les demandeurs seront autorisés à disposer dudit matériel,

- Annulé le contrat de crédit conclu entre M. [P] [T] et Mme [J] [T] et la société Franfinance,

- Par conséquent ordonné la restitution des sommes versées par M. [P] [T] et Mme [J] [T] à la société Franfinance au titre du remboursement des échéances de leur prêt, soit la somme de 23 707,07 euros au principal et l'intégralité des intérêts perçus depuis le début de l'emprunt,

- Dit qu'il incombe à Me [V] es qualité de liquidatrice de la SAS France Pac Environnement de restituer les fonds reçus de ce chef à Franfinance,

- Condamné la SA Franfinance aux dépens,

- Condamné la SA Franfinance à payer à M. [P] [T] et Mme [J] [T] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Rejeté le surplus des demandes des parties,

- Rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

Puis par ordonnance rectificative en date du 30 mars 2023 :

- Modifié les prénoms des époux [T] dans le corps du jugement,

- Ajouté la mention : « rejette la demande de remboursement des 24 500 euros empruntés par M. [P] [T] et Mme [J] [T] formulée par la SA Franfinance »,

- Précision faite que le reste du jugement était sans changement.

Ce faisant,

Débouter la société Franfinance de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions pour les motifs sus énoncés,

Y ajoutant,

Condamner la société Franfinance à payer à Mmes [J] [D] épouse [T], [L] [T] épouse [K] et [N] [T], es qualités d'héritières de M. [P] [T], la somme de 5 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner la société Franfinance aux entiers dépens de l'instance.

Mmes [T] estiment que l'établissement bancaire a commis une faute en procédant au déblocage des fonds sans vérifier la régularité du bon de commande et de la relation contractuelle.

Elles ajoutent que la société Franfinance n'a pas interjeté appel des chefs du jugement de première instance concernant la nullité du contrat de vente de sorte que la cour n'est pas saisie de cette problématique.

Elles soutiennent que la faute de la société Franfinance réside dans l'absence de vérification de la validité du contrat principal, ce qui a engendré pour les consorts [T] un préjudice autonome correspondant exactement au capital emprunté. Elles estiment également que la banque a commis d'autres fautes lors du déblocage des fonds car le prêteur ne peut délivrer les fonds au vendeur sans avoir reçu un document attestant l'exécution du contrat principal. Elles ajoutent que la banque a manqué à ses obligations de mise en garde de conseil, ce qui est à l'origine de leur préjudice.

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 mars 2025 et l'affaire a été fixée pour être plaidée à l'audience du 5 juin 2025.

MOTIFS

A titre liminaire, il convient de relever que l'appel porte exclusivement sur le rejet de la demande de la société Franfinance tendant à obtenir le remboursement de la somme de 24 500 euros empruntée par les époux [T] et sur la condamnation de la société Franfinance au paiement des dépens et d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les parties ne critiquent dons pas les dispositions du jugement qui prononcent la nullité du contrat de vente et la nullité subséquente du contrat de crédit. La SA Franfinance ne conteste pas davantage le chef du dispositif qui a « ordonné la restitution des sommes versées par M. [P] [T] et Mme [J] [T] à la société Franfinance au titre du remboursement des échéances de leur prêt, soit la somme de 23 707,07 euros au principal et l'intégralité des intérêts perçus depuis le début de l'emprunt ». Ces dispositions sont donc définitives.

Par ailleurs, les contrats de vente et de prêt ayant été conclus le 7 novembre 2017, les articles du code de la consommation visés ci-après s'entendent dans leur rédaction applicable à cette date.

Compte tenu de l'annulation des contrats, les parties devant être remises dans l'état où elles se trouvaient avant la nullité du contrat, la société Franfinance n'est tenue de restituer aux consorts [T] que les sommes réglées en sus du capital emprunté, sauf à démontrer une violation par le prêteur de ses obligations de nature à le priver, en tout ou partie de sa créance de restitution.

La société Franfinance qui ne remet pas en cause la nullité des contrats développe cependant un moyen selon lequel le bon de commande est conforme aux dispositions des articles L. 112-1 à L. 112-4 du code de la consommation si bien qu'elle n'a commis aucune faute en ne relevant pas les irrégularités dudit bon de commande.

Le premier juge a en l'espèce annulé le contrat de vente en se fondant sur l'article L. 111-1 du code de la consommation qui dispose qu'avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, diverses informations et notamment les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné, le prix du bien ou du service, en application des articles L. 112-1 à L. 112-4, en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service, s'il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l'existence et aux modalités de mise en 'uvre des garanties et aux autres conditions contractuelles. La liste et le contenu précis de ces informations sont fixés par décret en Conseil d'Etat.

Par une exacte application de ces dispositions et une analyse pertinente du bon de commande/devis, il a alors relevé que ce document signé par les parties ne précise pas le prix unitaire des différents éléments commandés (panneaux, frais de raccordement, batteries, frais d'installation) et que le délai d'exécution de l'obligation d'installation et de raccordement, le coût total de l'installation et les précisions techniques quant au plan d'installation ne sont pas mentionnées.

Le prêteur, dans le cadre d'un crédit affecté, est tenu d'un devoir de vigilance qui lui impose de vérifier la validité formelle du contrat principal avant de débloquer les fonds. La faute de la société Franfinance est en l'espèce caractérisée en ce qu'elle a versé les fonds au vendeur malgré les irrégularités manifestes du bon de commande alors qu'elle est spécialisée, comme l'a relevé avec pertinence le premier juge, dans le financement des contrats de vente dans le domaine des énergies renouvelables. Cette faute étant caractérisée, il n'y a pas lieu de statuer sur les autres moyens développés par les consorts [T] pour caractériser les manquements de la société Franfinance.

Le défaut de vérification par le prêteur de la régularité du contrat de vente avant de le financer a participé à la nullité de ce contrat entaché d'erreurs manifestes et est de nature à priver la société Franfinance de sa créance de restitution, sous réserve de la démonstration par les consorts [T] d'un préjudice.

Il convient donc d'établir si les intimés souffrent d'un préjudice et s'il existe un lien de causalité entre cette faute et le préjudice en question.

La société Franfinance fait valoir que les consorts [T] ne justifient d'aucun préjudice de nature à les dispenser du remboursement de tout ou partie du capital prêté à la suite de la nullité du contrat de crédit. Elle expose qu'en raison de la liquidation judiciaire de la société France Pac Environnement et compte tenu du remboursement par anticipation du prêt, si le liquidateur ne récupère pas le matériel dans le délai fixé par le jugement, il restera au domicile des consorts [T] qui disposeraient ainsi du matériel sans contrepartie financière.

Cependant, ces éléments sont hypothétiques.

En revanche, et si, en principe, à la suite de l'annulation de la vente, l'emprunteur obtient du vendeur la restitution du prix, de sorte que l'obligation de restituer le capital à la banque ne constitue pas, en soi, un préjudice réparable, il en va différemment lorsque le vendeur est en liquidation judiciaire.

En effet, dans une telle hypothèse, d'une part, compte tenu de l'annulation du contrat de vente, l'emprunteur n'est plus propriétaire de l'installation qu'il avait acquise, laquelle doit pouvoir être restituée au vendeur ou retirée pour éviter des frais d'entretien ou de réparation.

D'autre part, l'impossibilité pour l'emprunteur d'obtenir la restitution du prix est, selon le principe d'équivalence des conditions, une conséquence de la faute de la banque dans l'examen du contrat principal.

Par conséquent, lorsque la restitution du prix à laquelle le vendeur est condamné, par suite de l'annulation du contrat de vente ou de prestation de service, est devenue impossible du fait de l'insolvabilité du vendeur ou du prestataire, l'emprunteur, privé de la contrepartie de la restitution du bien vendu, justifie d'une perte subie équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat de vente ou de prestation de service annulé en lien de causalité avec la faute de la banque qui, avant de verser au vendeur le capital emprunté, n'a pas vérifié la régularité formelle du contrat principal.

En l'espèce, les consorts [T], auxquels le matériel vendu n'appartient plus, ne souhaitent pas le conserver et la société Franfinance ne démontre pas le contraire. Ils ne peuvent plus récupérer le prix de vente du matériel considéré du fait de la liquidation judiciaire de la société France Pac Environnement.

Compte tenu de ces éléments, le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu que la faute commise par la société Franfinance dans le cadre de la vérification du contrat de vente a causé un préjudice aux emprunteurs équivalent au capital emprunté et a rejeté la demande de ladite société tendant à obtenir le règlement de la somme de 24 500 euros empruntée par les époux [T].

Le jugement entrepris sera confirmé quant aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile. La société Franfinance, qui succombe en appel, sera condamnée aux dépens d'appel et au paiement au profit des consorts [T] de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en sus de celle déjà allouée par le jugement et déboutée de sa demande en paiement sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à disposition au greffe, dans les limites de l'appel,

Confirme le jugement entrepris dans les dispositions qui lui sont soumises,

Y ajoutant,

Condamne la SA Franfinance aux dépens d'appel et au paiement d'une indemnité de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel à Mmes [J] [D] épouse [T], [L] [T] épouse [K] et [N] [T] ;

Rejette le surplus de la demande ainsi que la demande de la SA Franfinance formée sur le même fondement ;

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

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