CA Nîmes, 1re ch., 11 septembre 2025, n° 24/02119
NÎMES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Athena (SELARL)
Défendeur :
BNP Paribas Personal Finance (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Defarge
Conseillers :
Mme Berger, Mme Fournier
Avocats :
Me Abbal, Me Lextrait, Me Reinhard
FAITS ET PROCEDURE
A la suite d'un démarchage à domicile, M. [Y] [L] et son épouse [M] née [U] ont commandé le 29 juillet 2016 à la société SVH Energie des panneaux photovoltaïques et pour financer ce matériel ont souscrit le même jour auprès de la SA BNP Paribas Personal Finance un crédit affecté d'un montant de 30 191 euros au taux annuel de 5,80%.
Estimant avoir été trompés sur la rentabilité de l'installation, ils ont assigné le 13 juillet 2023 la SAS SVH Energie représentée par son liquidateur la SELARL Athena ainsi que la SA BNP Paribas Personal Finance en annulation du contrat de crédit affecté devant le tribunal judiciaire d'Avignon qui par jugement du 9 avril 2024
- a déclaré leur action irrecevable comme prescrite,
- les a condamnés à payer à la SA BNP Paribas Personal Finance la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le tribunal a constaté que l'assignation avait été délivrée plus de cinq ans après que les demandeurs ont eu connaissance des vices allégués ; qu'en signant le contrat, ils avaient pu prendre connaissance de ses irrégularités formelles, d'une part, et qu'en lisant la première facture de vente d'électricité du 18 janvier 2018, ils avaient pu se rendre compte qu'ils avaient été trompés sur la rentabilité économique de l'installation.
M. [Y] [L] et Mme [M] [U] épouse [L] ont interjeté appel du jugement par déclaration au greffe du 21 juin 2024.
Par ordonnance du 24 février 2025, l'affaire a été fixée à l'audience du 10 juin 2025 et la procédure clôturée avec effet différé au 27 mai 2025.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES':
Au terme de leurs dernières conclusions régulièrement signifiées le 13 septembre 2024, les appelants demandent à la cour
- d'infirmer le jugement,
et, statuant à nouveau
- de juger leur action recevable,
- de prononcer la nullité du contrat de vente en raison des irrégulaités affectant le bon de commande,
- de prononcer la nullité du contrat de crédit affecté,
- de condamner la société BNP Paribas Personal Finance à leur payer les sommes
- correspondant à l'intégralité du prix de vente de l'installation,
- de tous les intérêts conventionnels et frais payés provisoirement arrêtés,
- de 10 000 euros au titre du coût de l'enlèvement de l'installation et de la remise en état de l'immeuble,
- de 5 000 euros en réparation de leur préjudice moral,
- de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Au visa de l'article 2224 du code civil, ils soutiennent que le délai de prescription de l'action en nullité d'un contrat court à compter de sa conclusion mais que son point de départ est reporté au jour où les vices affectant sa validité ont été découverts par le cocontractant'; que leur action n'est pas prescrite car ils n'étaient pas en mesure de déceler au moment de la signature du contrat de vente et du contrat de crédit subséquent les vices affectant la validité du contrat de sorte que le délai de prescription n'était pas encore expiré à la date de l'assignation.
Sur le fond, ils soutiennent que le contrat est nul en application de l'article L 121-23 du code de la consommation car certaines des mentions obligatoires requises à peine de nullité ne figurent pas dans le bon de commande (désignation précise de la nature et des caractéristiques du bien vendu, prix détaillé).
Ils demandent à titre subsidiaire l'annulation du contrat pour dol estimant avoir été trompés sur la rentabilité économique de l'installation photovoltaïque qu'ils considèrent comme une caractéristique essentielle du bien vendu et versent aux débats pour en rapporter la preuve une étude mathématique personnalisée et soutiennent que la banque a commis une faute engageant sa responsabilité en libérant les fonds prêtés sans s'assurer que le formalisme du bon de commande avait été respecté et sans vérifier la rentabilité économique de l'installation financée.
Au terme de ses dernières conclusions régulièrement signifiées le 17 décembre 2024, l'intimée demande à la cour :
- de confirmer le jugement,
subsidairement
- de déclarer Mme [M] [U] épouse [L] irrecevable en ses demandes faute de justifier d'un intérêt à agir,
- de déclarer irrecevable comme nouvelle la demande tendant à sa condamnation à régler aux appelants la somme de 10 000 euros au titre de l'enlèvement de l'installation et la remise en état de l'immeuble,
- de débouter les appelants de l'intégralité de leurs demandes
- de les condamner in solidum à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient que l'action en nullité du contrat de vente fondée sur son irrégularité formelle est prescrite dès lors que le point de départ de son délai de prescription est la signature du contrat qui reproduisait en outre les dispositions légales nécessaires à sa régularité ; qu'est aussi prescrite l'action en nullité pour dol, l'installation ayant été mise en service en novembre 2016 et la première facture de revente d'électricité ayant été établie le 18 janvier 2018 soit plus de 5 ans avant l'assignation de sorte que les appelants eu connaissance de la rentabilité réelle de l'installation et des man'uvres dolosives dont ils s'estiment victimes à compter de cette date.
Sur l'action en responsabilité dirigée contre elle elle rappelle que les fonds ont été débloqués plus de cinq ans avant l'assignation.
Sur le fond, elle soutient que le bon de commande est conforme aux prescriptions légales comme contenant toutes les mentions obligatoires requises.
Subsidiairement, elle allègue que M. [Y] [L] a accepté la livraison et la pose des biens commandés et n'a émis aucune contestation à réception de la facture, pour en déduire que l'exécution volontaire du contrat en connaissance des vices affectant le bon de commande vaut confirmation tacite du contrat et prive l'acquéreur de la possibilité de se prévaloir de la nullité.
Elle soutient n'avoir pas commis de faute en débloquant les fonds en se fiant à l'apparente régularité formelle du bon de commande et s'assurant de l'accord exprès de l'emprunteur qui a signé le bon de fin de travaux et ainsi autorisée à libérer les fonds entre les mains du vendeur et enfin que M. [Y] [L] ne subit aucun préjudice.
Il est expressément référé aux dernières écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens en application des articles 455 et 954 du code de procédure civile.
MOTIVATION
* dispositions légales applicables
Le bon de commande ayant été signé le 29 juillet 2016, s'appliquent ici les dispositions légales du code de la consommation issues de l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 entrée en vigueur le 1er juillet 2016 et en particulier l'article L. 221-9 selon lequel le contrat conclu hors établissement doit comprendre toutes les informations prévues par l'article L. 221-5 du même code et l'absence d'une de ces informations obligatoires est sanctionnée par la nullité du contrat conformément aux dispositions de son article L. 242-1.
* recevabilité de l'action
**recevabilité de l'action en nullité du contrat pour non-respect du formalisme du bon de commande
Aux termes de l'article 2224 du code civil les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Pour dire l'action en nullité engagée prescrite le tribunal a jugé que son fondement était purement formaliste et objectif ce qui permettait aux demandeurs une fois en possession des contrats conclus de le saisir aux fins de les faire annuler.
Les appelants soutiennent n'avoir pas été en mesure de déceler les irrégularités formelles du bon de commande au moment de sa signature et ne les avoir découvertes qu'après avoir saisi un avocat, pour en déduire que le point de départ du délai de cinq ans a été reporté à cette date, de sorte que le délai de prescription n'était pas expiré à la date de l'assignation.
L'intimée soutient que la lecture des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement telles que reproduites au contrat ont permis aux appelants de prendre connaissance dès la signature du bon de commande des irrégularités qui l'auraient affecté.
Le point de départ du délai de prescription de l'action en annulation du contrat conclu hors établissement, fondée sur la méconnaissance par le professionnel de son obligation de faire figurer sur le contrat, à peine de nullité, les informations mentionnées à l'article L. 221-5 du code de la consommation se situe au jour où le consommateur a connu ou aurait dû connaître les défauts d'information affectant sa validité.
Par arrêt du 24 janvier 2024 (n°22-15.199), la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a jugé que « désormais la reproduction même lisible, des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite du contrat ».
Appliquant ce revirement de jurisprudence à la détermination du point de départ du délai de prescription, la même chambre a par arrêt du 28 mai 2025 (n°24-13702) jugé : «5. La reproduction sur le contrat, même lisible, des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite de ce contrat, en l'absence de circonstances, qu'il appartient au juge de relever, permettant de justifier d'une telle connaissance.
6. Pour confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré prescrite l'action en nullité, engagée les 15 et 16 juillet 2021, fondée sur la méconnaissance des dispositions du code de la consommation, l'arrêt retient que le délai de prescription de l'action en nullité fondée sur le non-respect des dispositions du code de la consommation, à raison d'irrégularités formelles du contrat qui,à les supposer avérées, étaient visibles par les contractants à la date de la conclusion du contrat, court à compter de cette date. Il relève par motifs propres et adoptés que les emprunteurs ne peuvent invoquer une méconnaissance du droit applicable pour faire échec à cette prescription, dès lors que les conditions générales de vente portées au verso du bon de commande litigieux reproduisaient les dispositions des textes applicables de sorte qu'au jour de la signature du contrat le 2 mars 2016, les emprunteurs étaient en mesure de vérifier la conformité du bon de commande aux dispositions du code de la consommation.
7. En se déterminant ainsi, sans relever aucune circonstance permettant de justifier que les emprunteurs avaient eu ou auraient dû avoir connaissance des irrégularités du bon de commande à la date de sa signature, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ».
En application de l'article 1353 alinéa 2, du code civil, la charge de la preuve du point de départ d'un délai de prescription incombe à celui qui invoque cette fin de non-recevoir.
Il incombe donc ici à l'intimée de rapporter la preuve que la prescription est acquise du fait que les demandeurs auraient engagé leur action plus de cinq ans après la date à laquelle ils auraient connu ou auraient dû connaître les irrégularités formelles affectant la validité du bon de commande signé le 21 juillet 2016.
Pour rapporter cette preuve l'intimée se borne à affirmer que ceux-ci ont pu déceler de telles irrégularités en signant le bon de commande dès lors que les conditions générales de vente figurant à son verso reproduisaient toutes les mentions obligatoires à peine de nullité.
Elle soutient que ces dispositions étaient suffisamment claires et précises pour être comprises même par des consommateurs profanes et leur permettre ainsi de prendre conscience de la nullité affectant le contrat en vérifiant la conformité des mentions du bon de commande à celles requises par la loi.
Elle ne justifie cependant pas ade circonstances ayant permis aux contractants d'avoir eu une connaissance effective des irrégularités formelles affectant la validité du bon de commande à la date de la signature du contrat, à laquelle ne peut donc pas être fixé le point de départ du délai de prescription.
La fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en nullité du contrat pour non-respect du formalisme du bon de commande est donc écartée et le jugement infirmé sur ce point.
**recevabilité de l'action en nullité du contrat pour dol
Les appelants allèguent avoir été victimes de man'uvres dolosives de la part du vendeur qui les aurait trompés sur la productivité de l'installation en leur promettant une production annuelle de 5 196 kwh dès la première année.
Le tribunal a fixé le point de départ du délai de prescription de cette action en nullité pour dol au 18 janvier 2018, date de la première facture d'achat d'électricité figurant en pièce 21 des appelants.
Cette facture porte sur la période du 23 novembre 2016 au 22 novembre 2017 et révèle que l'électricité produite au cours de cette période est de 5 253 kwh.
L'intimée ne démontre pas en quoi cette première facture a pu révéler aux acheteurs qu'ils auraient été trompés sur la rentabilité économique de leur installation, la production de l'installation étant légèrement supérieure selon cette facture à celle mentionnée au prévisionnel remis au contractant.
La fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en nullité du contrat pour dol est donc écartée et le jugement encore infirmé sur ce point.
**recevabilité de l'action en responsabilité contre le prêteur
Les appelants soutiennent que la banque a engagé sa responsabilité contractuelle en débloquant les fonds empruntés sans s'assurer que le bon de commande respectait les dispositions légales.
L'intimée soutient que les fonds ayant été débloqués plus de cinq ans avant l'acte introductif d'instance l'action en responsabilité à son égard est prescrite ; que les emprunteurs ont pu avoir connaissance de la faute alléguée et de leur éventuel préjudice à la date du déblocage des fonds.
La faute alléguée du prêteur consiste dans l'absence de vérification de la régularité formelle du bon de commande préalablement au déblocage des fonds prêtés au profit du vendeur.
Aux termes de l'article 2224 du code civil les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Le point de départ du délai de prescription n'est donc pas la date du déblocage des fonds prêtés mais la date à laquelle le contractant a pu se rendre compte que le bon de commande était irrégulier et qu'en débloquant les fonds, le prêteur avait commis une faute engageant sa responsabilité contractuelle.
L'intimée ne démontre pas que l'emprunteur avait une connaissance effective des irrégularités formelles affectant la validité du bon de commande à la date du déblocage des fonds au profit du vendeur.
Faute pour elle de démontrer que son délai de prescription était expiré à la date de l'assignation, la fin de non-recevoir à l'action en responsabilité dirigée contre elle soulevée par la société BNP Paribas Personal Finance est rejetée.
* fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de Mme [M] [U] épouse [L]
Le contrat a été souscrit par le seul M. [Y] [L] dont l'épouse est donc tiers par rapport à celui-ci.
Les demandes de Mme [M] [U] épouse [L] tendant à obtenir l'annulation d'un contrat qu'elle n'a pas signé et l'indemnisation d'un préjudice causé dans le cadre de son exécution sont donc déclarées irrecevables pour défaut d'intérêt à agir.
* validité du bon de commande
L'appelant allègue en page 20 de ses écritures que le bon de commande qu'il a signé ne mentionne ni la marque des panneaux photovoltaïques, ni le nom ni l'adresse de leur fournisseur, ni les modalités ni le délai de livraison, ni les caractéristiques essentielles des biens commandés ni les modalités du financement de la vente, pour en conclure que le contrat est nul comme ne respectant pas les dispositions impératives du code de la consommation.
L'intimée réplique que le bon de commande est conforme aux prescriptions légales comme précisant les caractéristiques des biens vendus, le prix global à payer, (étant rappelé que les matériels ont été vendus sous la forme d'un «'pack'» et fonctionnaient uniquement les uns avec les autres s'agissant d'une installation aéro-voltaïque), le mode de règlement à crédit et les modalités de financement, les délais de livraison et d'installation.
Selon l'article L. 221-5 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au présent litige
« Préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 du présent code'.».
Selon l'article L. 111-1 auquel il est fait référence :
« Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1 Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de o o communication utilisé et du bien ou service concerné ;
2 Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 112-1 à L. 112-4 ;
3 En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;
4 Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte ; '.»
.caractéristiques essentielles du bien
La cour constate que les caractéristiques essentielles de l'installation vendue figurent au bon de commande litigieux. En effet, ce document contient en lettres imprimées un tableau de dix-huit colonnes correspondant à dix-huit installations photovoltaïques différentes dénommées «pack» proposées à la vente, dont chacune contient la description très précise du contenu : nombre de panneaux, puissance individuelle, marque, marque de l'onduleur, mode de pose et marque du système d'intégration.
Dans la deuxième partie du bon de commande figure un tableau renseigné manuscritement par le vendeur qui précise la quantité, la désignation du bien vendu et son prix.
Il est indiqué dans ce tableau « 1 pack GSE 12 » Air System revente totale, dont le nom renvoit au descriptif complet contenu dans le tableau décrivant dans le détail le contenu de chaque « pack » proposé à la vente et le bon de commande mentionne les caractéristiques essentielles de cette partie de l'installation.
Il en va de même pour le « ballon thermodynamique », deuxième produit figurant dans ce tableau dont la marque et la contenance sont précisées.
Les caractéristiques essentielles de l'installation photovoltaïque sont donc mentionnées conformément aux exigences de l'article L.221-5 1°du code de la consommation.
.prix du bien vendu
M. [Y] [L] soutient que le prix global mentionné de 30 191 euros n'indique pas le prix unitaire des panneaux photovoltaïques et ne distingue pas le coût du matériel de celui de la prestation d'installation. Il soutient que l'indication d'un prix global ne lui a pas permis de le comparer avec les tarifs proposés par d'autres vendeurs.
L'article L. 111-1 du code de la consommation impose au vendeur d'indiquer « le prix du bien en application des articles L 112-1 et L 112-4 ».
Mentionnant le prix global de 30 091 euros à payer, le bon de commande est conforme à ce texte qui n'exige pas la mention du prix unitaire de chaque élément constitutif du bien offert.
.informations relatives à l'identité du vendeur, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques
La cour constate que ces informations figurent au bon de commande, en bas de page de la manière suivante : «'SVH Energie, [Adresse 2], www.svh energie.com'».
.délai de livraison
Selon l'appelant, l'absence de toute précision relative aux modalités des travaux à accomplir et à leur durée ne lui a pas permis d'être suffisamment informé sur le délai d'exécution et la date de la livraison.
L'intimée réplique que le bon de commande précise le délai de livraison.
Le bon de commande mentionne en lettres pré-imprimées :
«Prévisite : la visite du technicien interviendra au plus tard dans les 2 mois à compter de la signature du bon de commande.
Livraison des produits : la livraison interviendra dans les 2 mois de la prévisite du technicien
Installation des produits : L'installation des produits sera réalisée
* option 1 : entre le 15 ème et le 30 ème jour suivant la livraison des produits
* option 2 : le jour de la livraison des produits ».
Délai de raccordement et de mise en service : SVH Energie d'engage à adresser la demande de raccordement dès réception du récépissé de la déclaration préalable de travaux et à procéder au règlement du devis une fois les travaux de raccordement de l'installation réalisés, la mise en service pourra intervenir dans les délais fixés par ERDF ou les régies d'électricité.'»
Ces indications ne répondent pas aux exigences de l'article L. 111-1, 3°, du code de la consommation : s'il est distingué entre le délai de livraison du matériel, celui de son installation et celui de la réalisation des prestations à caractère administratif, les indications données pour les prestations d'installation et pour les prestations à caractère administratif ne permettaient pas à l'acquéreur de déterminer de manière suffisamment précise quand le vendeur aura exécuté ses différentes obligations.
En effet, le délai d'installation du matériel en l'état des deux options indiquées reste indéterminé, l'option retenue n'étant pas précisée, aucune des cases précédant chacune des options proposées n'ayant été cochée.
Quant aux prestations à caractère administratif, le vendeur s'est engagé à les exécuter mais n'a donné aucun calendrier prévisionnel précis de sorte qu'il n'a pas mis son cocontractant en mesure de connaître le délai prévisible de leur exécution. Le délai dans lequel sera déposée la déclaration préalable de travaux, première prestation à caractère administratif n'étant pas mentionné, il était impossible de déterminer le délai dans lequel seraient exécutées les prestations suivantes.
Le bon de commande encourt donc la nullité.
* confirmation tacite de la nullité
Pour s'opposer à l'annulation du bon de commande, l'intimée soutient que l'exécution volontaire du contrat en connaissance des vices affectant le bon de commande vaut confirmation tacite du contrat et prive l'acquéreur de la possibilité de se prévaloir de la nullité'; que n'importe quel acte du contractant vaut confirmation tacite de l'acte nul s'il implique de sa part la reconnaissance de cet acte comme valable et, par conséquent, la renonciation à en demander l'annulation.
Elle déduit ici une telle confirmation tacite du fait que le bon de commande reproduit dans l'article 14 des conditions générales de vente la liste des mentions devant y figurer à peine de nullité, ce qui aurait permis à l'acquéreur de prendre connaissance du vice résultant de l'inobservation des dispositions légales, que celui-ci a accepté la livraison et la pose des biens commandés et n'a émis aucune contestation concernant les caractéristiques des matériels, leur prix ni le délai de livraison et d'installation à réception de la facture.
En application de l'ancien article 1338 alinéa 2 du code civil ici applicable, l'exécution volontaire en connaissance de la cause de nullité vaut confirmation tacite de l'acte nul.
Depuis son arrêt du 24 janvier 2024 (n°22-15199), la 1ère chambre civile de la Cour de cassation juge désormais «'que la reproduction même lisible, des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite du contrat, en l'absence de circonstances, qu'il appartient au juge de relever, permettant de justifier d'une telle connaissance'.'».
La reproduction des dispositions légales au bon de commande n'a ici pas suffi à révéler à M. [Y] [L] que les indications relatives aux délais de livraison du matériel et d'exécution des prestations d'installation de ce dernier et d'accomplissement des prestations à caractère administratifs n'étaient pas conformes aux exigences légales.
L'intimée ne justifie d'aucune circonstance extérieure au bon de commande démontrant que celui-ci a pu avoir conscience lors de la signature ou de l'exécution du contrat de l'irrégularité formelle qui entachait sa validité.
Il n'est donc pas établi qu'il a accepté la livraison du matériel et son installation, réglé la facture et commencé à rembourser le crédit en toute connaissance de cause et a ainsi manifesté sans équivoque qu'il entendait renoncer à se prévaloir de la nullité encourue.
La confirmation de l'acte entaché de nullité n'étant ici pas caractérisée, il est fait droit à la demande d'annulation du bon de commande signé le 29 juillet 2016 par M. [Y] [L].
L'annulation d'une vente entraînant de plein droit la remise des parties en l'état où elles se trouvaient antérieurement à sa conclusion, la restitution réciproque du matériel et du prix est ordonnée.
La Sarl Athena es qualité de liquidateur de la société SVH Energie est ainsi tenue de procéder à ses frais à l'enlèvement du matériel vendu et aux travaux de remise en état de l'immeuble de M. [Y] [L],
La créance de restitution du prix de vente de 30 091 euros sera fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société SVH Energie.
* annulation subséquente du contrat de crédit affecté
Aux termes de l'article L. 312-55 du code de la consommation, le contrat de crédit affecté est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement annulé.
Les parties au contrat de crédit seront rétablies de plein droit dans leur état antérieur': M. [Y] [L] est tenu de restituer à la société BNP Paribas Personal Finance le capital emprunté d'un montant de 30 091 euros, et cette société tenue de lui restituer les échéances déjà réglées.
* responsabilité contractuelle du prêteur
M. [Y] [L] soutient que la société BNP Paribas Personal Finance a commis une faute engageant sa responsabilité contractuelle en libérant la totalité des fonds empruntés au profit de u vendeur sans vérifier préalablement la conformité du bon de commande aux exigences formeles requises par les articles L 231-5 et L 111-1 du code de la consommation.
L'intimée réplique n'avoir commis aucune faute, s'étant elle-même fiée à l'apparente régularité formelle du bon de commande, d'une part, et n'avoir débloqué les fonds prêtés qu'avec l'accord exprès de l'emprunteur ayant signé le bon de fin de travaux.
La société BNP Personal Finance a débloqué les fonds prêtés à M. [Y] [L] au profit de la société SVH Energie sans s'assurer de la régularité formelle du bon de commande, vérification à laquelle elle était tenue de procéder préalablement, ainsi que d'informer l'emprunteur d'une éventuelle irrégularité afin que celui-ci puisse confirmer le contrat ou y renoncer.
Elle a donc commis une faute engageant sa responsabilité contractuelle et son argumentation fondée sur l'apparente régularité du contrat et sur l'accord donné par M. [Y] [L] au déblocage des fonds au profit du vendeur est inopérante.
* indemnisation du préjudice
**préjudice financier et montant du capital prêté
La Cour de cassation juge que la résolution ou l'annulation d'un contrat de crédit affecté, en conséquence de celle du contrat constatant la vente ou la prestation de services qu'il finance, emporte pour l'emprunteur l'obligation de restituer au prêteur le capital prêté.
Le prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute. (1re Civ., 25 novembre 2020, pourvoi n° 19-14.908).
M. [Y] [L] qllègue que la faute de la société BNP Paribas Personal Finance lui a causé un préjudice découlant de l'absence de rentabilité économique de l'installation et de la déconfiture du vendeur qui ne lui permettra pas de recouvrer le prix de vente de l'installation qu'il est tenu de lui restituer à la suite de l'annulation du bon de commande. Il demande en réparation de son préjudice financier le remboursement de l'intégralité du prix de vente de l'installation outre tous les intérêts conventionnels et frais payés ainsi que les sommes de 10 000 euros au titre du coût de l'enlèvement de l'installation et de la remise en état de la toiture et de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral.
La BNP Paribas Personal Finance soutient que l'appelant ne subit aucun préjudice découlant du déblocage des fonds sans vérification préalable de la régularité formelle du bon de commande'; que si du fait de la liquidation judiciaire du vendeur, il ne pourra obtenir la restitution du prix, il pourra cependant conserver l'installation que très probablement le liquidateur ne récupérera pas.
La 1ère chambre civile de la cour de cassation a cependant jugé que l'emprunteur auquel le prix de vente ne pouvait pas être restitué par le vendeur devenu insolvable subissait un préjudice en lien avec la faute du prêteur': «' Mais lorsque la restitution du prix à laquelle le vendeur est condamné, par suite de l'annulation du contrat principal de vente ou de prestation de service, est devenue impossible du fait de l'insolvabilité du vendeur ou du prestataire, l'emprunteur, privé de la contrepartie de la restitution du bien vendu, justifie d'une perte subie équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat de vente ou de prestation de service annulé en lien de causalité avec la faute de la banque qui, avant de verser au vendeur le capital emprunté, n'a pas vérifié la régularité formelle du contrat principal. Dès lors, c'est à bon droit qu'une cour d'appel, après avoir annulé une vente conclue hors établissement en raison des irrégularités qui affectaient le bon de commande, puis caractérisé, d'une part, le manquement de la banque à son obligation de vérifier la régularité formelle du contrat principal avant de libérer le capital emprunté, d'autre part, le préjudice subi par l'emprunteuse, consistant à ne pas pouvoir obtenir, auprès d'un vendeur placé en liquidation judiciaire, la restitution du prix de vente d'un matériel dont elle n'était plus propriétaire, a condamné la banque à payer à celle-ci, à titre de dommages-intérêts, une somme correspondant au capital emprunté (1re Civ., 10 juillet 2024, pourvoi n° 22-24.754, publié).
L'intimée soutient que l'impossibilité d'obtenir la restitution du prix de vente est compensée par l'impossibilité de restituer le matériel, au motif qu'en cas de liquidation judiciaire du vendeur, celui-ci ne viendra pas retirer l'installation et qu'il n'est pas possible, compte tenu des règles applicables en matière de procédures collectives, d'obliger le liquidateur à le faire'; qu'en conséquence, si l'emprunteur ne récupère pas le prix de vente, il conserve néanmoins l'installation de sorte que la solution adoptée par la Cour de cassation permet à l'emprunteur de bénéficier d'un enrichissement sans cause en conservant des matériels gratuits et parfois même rémunérateurs (installation photovoltaïque avec revente de l'électricité à EDF dont le contrat est conclu pour 20 ans).
Elle demande donc à la cour de débouter l'appelant de sa demande visant à voir le prêteur privé de son droit à restitution du capital prêté, ou à tout le moins de dire que le préjudice sera fixé au montant du capital prêté dans le cas où le liquidateur viendrait récupérer le matériel dans un délai de deux mois à compter de la signification de la décision à intervenir, et qu'à défaut les époux [L] ne subissent aucun préjudice indemnisable.
Les restitutions sont la conséquence de la disparition rétroactive du contrat ou de l'acte annulé ou résolu.
Les fonds ont été débloqués au profit du vendeur devenu insolvable qui se trouve dans l'impossibilité de restituer le prix de vente à M. [Y] [L] à la suite de l'annulation de la vente, alors que celui-ci est tenu lui-même à la suite de l'annulation du contrat de crédit affecté de restituer au prêteur la somme de 30 191 euros correspondant au capital emprunté.
La faute de la banque a donc bien privé l'emprunteur de sa créance de restitution du prix de 30 191 euros.
L'intimée soutient à tort que M. [Y] [L] ne subira aucun préjudice si le liquidateur de la société SVH Energie ne récupère pas l'installation photovoltaïque. En effet M. [Y] [L] cesse d'être propriétaire de l'installation photovoltaïque qu'il est tenu de restituer au vendeur.
Le préjudice découlant de la perte de sa créance de restitution du prix de vente est certain et son indemnisation ne peut être ni conditionnée à l'exécution d'une autre créance de restitution ni compensée par l'inexécution de cette obligation. La société BNP Paribas Personal Finance est donc condamnée à payer à titre de dommages-intérêts à M. [Y] [L] en réparation de son préjudice la somme de 30 091 euros.
La compensation entre les deux créances est ordonnée.
* intérêts conventionnels et frais afférents au crédit
M. [Y] [L] n'a ni chiffré ni explicité ni justifié cette demande dont il est débouté.
* remise en état
L'intimée relève à juste titre que les frais de remise en état de la toiture et d'enlèvement de l'installation ne sauraient être mise à la charge du prêteur, tiers au contrat de vente dont l'annulation est prononcée.
La demande sera donc rejetée.
* préjudice moral
L'appelant ne rapporte pas la preuve d'un tel préjudice en lien de causalité directe avec la faute du prêteur.
Sa demande est donc rejetée.
* dépens et article 700
Il est équitable de condamner la société BNP Paribas Personal Finance, partie perdante, à supporter les dépens de l'instance et à payer à M. [Y] [L] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour
Infirme le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Déclare recevables les demandes de M. [Y] [L],
Y ajoutant,
Annule le bon de commande signé le 29 juillet 2016 par M. [Y] [L],
Dit que la Sarl Athena en sa qualité de liquidateur de la société SVH Energie est tenue de procéder à ses frais à l'enlèvement du matériel vendu et aux travaux de remise en état de l'immeuble de M. [Y] [L],
Fixe la créance de M. [Y] [L] relative à la restitution du prix de vente par la société SVH Energie au passif de la liquidation judiciaire de cette société à la somme de 30 091 euros,
Annule le contrat de crédit affecté souscrit entre M. [Y] [L] et la société BNP Paribas Personal Finance par l'intermédiaire de la société SVH Energie,
Condamne la société BNP Paribas Personal Finance à restituer à M. [Y] [L] les échéances de ce crédit déjà réglées par ce dernier,
Condamne M. [Y] [L] à restituer à la société BNP Paribas Personal Finance le capital emprunté d'un montant de 30 091 euros,
Condamne la société BNP Paribas Personal Finance à payer à M. [Y] [L] la somme de 30 091 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice
Ordonne la compensation entre ces deux créances,
Déboute M. [Y] [L] du surplus de ses demandes,
Y ajoutant
Condamne la société BNP Paribas Personal Finance aux dépens de l'entière instance
Condamne la société BNP Paribas Personal Finance à payer à M. [Y] [L] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.