CA Paris, Pôle 5 - ch. 8, 12 septembre 2025, n° 24/14344
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 8
ARRÊT DU 12 SEPTEMBRE 2025
(n° / 2025, 16 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/14344 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJ4XV
Décision déférée à la Cour : Jugement du 4 juin 2024 -Tribunal de commerce de PARIS - RG n° 2023013227
APPELANTES
S.A.R.L. WHITEBOX ADVISORS LONDON LLP, société à responsabilité limitée constituée en vertu du droit anglais sous la forme 'limited liability partnership', prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
Dont le siège social est situé [Adresse 14],
[Adresse 16],
[Adresse 25]
[Localité 32]
ROYAUME-UNI
La société FCOF V EUROPE UB SECURITIES DAC, société de droit irlandais sous la forme 'designated activity company', prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
Dont le siège social est situé [Adresse 11],
[Adresse 23],
[Adresse 37],
[Adresse 21]
[Adresse 6]
IRLANDE
La société FCCD DAC, société de droit irlandais sous la forme 'Designated activity compagny' , prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
Dont le siège social est situé [Adresse 11],
[Adresse 23],
[Adresse 37],
[Adresse 21]
[Adresse 6]
IRLANDE
La société DRAWBRIDGE SPECIAL OPPORTUNITIES FUND LP, société de droit américain sous la forme 'Limited liability partnership', prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
Dont le siège social est situé [Adresse 24],
[Adresse 5]
[Localité 9],
[L]
ETATS-UNIS
La société WHITEBOX MULTI-STRATEGY PARTNERS, L.P, société de droit des Iles Caïmans sous la forme 'exempted limited partneship', prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
Dont le siège social est situé [Adresse 34],
[Adresse 22],
[Adresse 20]
[Adresse 31]
[Adresse 26]
[Localité 28]
La société WHITEBOX RELATIVE VALUE PARTNERS, L.P. , société de droit des îles Caïmans sous la forme 'exempted limited partnership', prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
Dont le siège social est situé [Adresse 34],
[Adresse 22],
[Adresse 20]
[Adresse 31]
[Adresse 26]
[Localité 28]
La société PANDORA SELECT PARTNERS, L.P. société de droit des îles Caïmans sous la forme 'exempted limited partnership', prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
Dont le siège social est situé [Adresse 34],
[Adresse 22],
[Adresse 20]
[Adresse 29]
[Adresse 3]
[Localité 28]
La société WHITEBOX GT FUND LP, société de droit du Delaware sous la forme 'limited partnership', prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
Dont le siège social est situé [Adresse 12]
[Localité 10],
DELAWARE
ETATS-UNIS
La société KYMA CAPITAL LIMITED, société de droit anglais sous la forme 'private limited company', prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
Dont le siège social est situé [Adresse 1]
[Localité 36]
ROYAUME-UNI
La société LMR MULTI-STRATEGY MASTER FUND LIMITED, société de droit des îles Caïmans sous la forme 'Exempted Company', prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
Dont le siège social est situé [Adresse 35],
[Adresse 33],
[Adresse 27]
[Adresse 30]
[Adresse 26]
[Localité 28]
La société LMR CCSA MASTER FUND LIMITED, société de droit des Iles Caïmans sous la forme 'Exempted Company', prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
Dont le siège social est situé [Adresse 35]
[Adresse 33],
[Adresse 27]
[Adresse 30]
[Adresse 26]
[Localité 28]
La société FCOF V UB INVESTMENTS L.P. , société de droit des Iles Caïmans sous la forme 'Exempted Limited Partnership Company, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
Dont le siège social est situé [Adresse 35],
[Adresse 33],
[Adresse 27],
[Adresse 29],
[Adresse 2]
[Localité 28]
Représentées par Me Charles-Hubert OLIVIER de la SCP LAGOURGUE & OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029,
Assistées de Me Flavie HANNOUN de la SELAS L&A, avocate au barreau de PARIS, toque L 163,
INTIMÉES
S.A. EMEIS, anciennement dénommée ORPEA, société anonyme de droit français, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NANTERRE sous le numéro 401 251 566,
Dont le siège social est situé [Adresse 4]
[Localité 19]
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477,
Assistée de Me Diane LAMARCHE du LLP WHITE AND CASE LLP, avocate au barreau de PARIS, toque : J002,
LA CAISSE DES DÉPÔTS ET CONSIGNATIONS, personne morale de droit public, Située [Adresse 15]
[Localité 17]
Représentée par Me Eric ALLERIT de la SELEURL TBA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241,
Assistée de Me Jean-Pierre FARGES du LLP GIBSON, DUNN & CRUTCHER, avocat au barreau de PARIS, toque : J015,
S.E.L.A.R.L. AJRS, prise en la personne de Maître [K] [I], en qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société EMEIS, anciennement dénommée ORPEA, désignée à cette fonction par jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 24 juillet 2023,
Dont l'étude est située [Adresse 13]
[Localité 18]
S.E.L.A.R.L. C.[Y], prise en la personne de Maître [U] [Y], en qualité de mandataire judiciaire de la SA EMEIS, anciennement dénommée ORPEA, désignée à cette fonction par jugement du Tribunal de commerce de Nanterre du 24 juillet 2023,
Dont l'étude est située [Adresse 8]
[Localité 18]
S.C.P. BTSG, prise en la personne de Maître [V] [O], en qualité de mandataire judiciaire de la SA EMEIS, désignée à cette fonction par jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 24 juillet 2023,
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NANTERRE sous le numéro 434 122 511,
Dont le siège social est situé [Adresse 7]
[Localité 18]
Non constituées
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 3 décembre 2024, en audience publique, devant la cour, composée de :
Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,
Madame Constance LACHEZE, conseillère,
Madame Isabelle ROHART, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,
Qui en ont délibéré.
Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT dans le respect des conditions prévues à l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL
ARRÊT :
- Réputé contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.
***
FAITS ET PROCÉDURE:
La société anonyme Orpea, spécialisée dans l'accompagnement des personnes en perte d'autonomie et plus généralement des personnes âgées dépendantes, est à la fois la holding cotée en bourse et la société opérationnelle détenant plus de 220 établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes et autres résidences médicalisées ou non.
A la suite de la publication en janvier 2022 du livre-enquête Les Fossoyeurs contenant des allégations de faits de maltraitance dans la prise en charge des personnes âgées résidentes dans certains établissements du groupe, la société Orpea a été confrontée à un scandale médiatique qui l'a conduit à profondément remanier sa direction générale.
Commercialement très affaiblie par les répercussions de cette publication, la société Orpea qui avait un total de dettes de 9 milliards d'euros (700 lignes de financement) a été confrontée à des difficultés financières croissantes et à l'incapacité de renouveler l'encours de sa dette arrivant à échéance.
Par ordonnance du 20 avril 2022, le président du tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une première procédure de conciliation à la demande de la société Orpea, de façon à négocier en urgence avec ses six principales banques un protocole de conciliation qui a été formalisé le 3 juin 2022 et homologué par le tribunal de commerce de Nanterre le 10 juin 2022.
Par ordonnance du 25 octobre 2022, le président du tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une seconde procédure de conciliation à la demande de la société Orpea, en raison des effets combinés de la hausse des taux d'intérêt sur sa dette, de l'inflation sur ses coûts d'exploitation et des tensions sur le marché immobilier, faisant obstacle à la mise en 'uvre du programme de cessions d'actifs immobiliers prévu dans le protocole de la première procédure de conciliation.
A l'ouverture de cette procédure, la société Orpea a invité les créanciers détenteurs de sa dette financière non sécurisée à s'organiser pour faciliter la conduite des discussions. Elle a présenté publiquement le 15 novembre 2022 à l'ensemble de ses créanciers un plan de refondation préparé par sa direction.
Elle a également discuté avec plusieurs investisseurs, dont la Caisse des dépôts, formant ensemble le « Groupement », des conditions dans lesquelles un apport de fonds propres de 1,3 milliards d'euros en numéraire pourrait être envisagé pour le financement d'une augmentation du capital.
Elle a aussi exploré avec le «Steerco », composé de cinq institutions financières représentant un groupe élargi de créanciers non sécurisés, les conditions dans lesquelles ces institutions pourraient convertir tout ou partie de leur dette en fonds propres. Ces négociations ont eu pour traduction la signature d'accords destinés à mettre en 'uvre la restructuration financière de la société Orpea.
Le 3 février 2023, un accord de principe a été conclu entre Orpea et le Groupement ainsi que les créanciers non sécurisés représentés par le SteerCo, en ligne avec le plan de refondation présenté le 15 novembre 2022, et prévoyant, en synthèse, d'une part, une augmentation du capital par apport en numéraire d'un montant total de 1,35 milliard d'euros souscrite par le Groupement, d'autre part, la capitalisation des dettes non sécurisées pour le montant de 3,8 milliards, ainsi qu'une garantie d'une augmentation du capital en numéraire de 195 millions.
Le 14 février 2023, un accord dit de « lock-up » a été conclu cristallisant l'engagement des parties à soutenir et réaliser les opérations nécessaires à la mise en 'uvre de la restructuration de la société Orpea et notamment l'engagement pour les créanciers non sécurisés signataires de conserver leur dette moyennant le paiement d'une commission d'adhésion.
Cet accord prévoyait les modalités de la mise en 'uvre de la restructuration de la société Orpea dans le cadre d'une procédure de sauvegarde accélérée prochainement ouverte devant le tribunal de commerce de Nanterre. Les créanciers signataires de cet accord s'engageaient à soutenir les opérations de restructuration financière telles que prévues dans l'accord de principe, notamment à ne pas s'opposer au plan arrêté. En échange, la société Orpea s'engageait à leur verser des contreparties prenant différentes formes (émissions de bon de souscription d'actions de la société, commission de coordination) et l'accord prévoyait des rémunérations pour les créanciers non-sécurisés qui adhéreraient à l'accord.
Par acte du 2 mars 2023, les sociétés 1)Whitebox Advisors London LLP (société de droit anglais), 2)Whitebox Multi-Strategy Partners L.P (société de droit des Iles Caïman), 3)Whitebox Relative Value Partners L.P (société de droit des Iles Caïman), 4)Pandora Select Partners L.P (société de droit des Iles Caïman), 5)Whitebox GT Fund L.P ( société de droit du Delaware), 6) Kyma Capital Limited (société de droit anglais), 7) LMR Multi-Strategy Master Fund Limited (société de droit des Iles Caïman) , 8)LMR CCSA Master Fund Limited (société de droit des Iles Caïman), 9)FCOF V UB Investements L.P (société de droit des Iles Caïman), 10) FCOCF V Europe UB Securities M.[M] [T] (société de droit irlandais), 11) FCCD DAC (société de droit irlandais), 12) Drawbridge Special Opportunities Fund L.P ( société de droit américain), sociétés d'investissement étrangères, créancières de la société Orpea, non-parties aux accords, l'ont assignée devant le tribunal de commerce de Paris pour faire annuler l'accord de Lock-up en ce qu'il comporterait des stipulations illicites affectant son économie générale.
Par jugement du 24 mars 2023, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de sauvegarde accélérée à l'égard de la société Orpea.
Les administrateurs judiciaires ont constitué les classes de parties affectées appelées à voter sur le plan de sauvegarde et ont communiqué le plan sur lequel devait intervenir le vote des classes de parties affectées. Le plan de sauvegarde a été approuvé par une majorité des classes de parties affectées sans pour autant, obtenir l'approbation de toutes les classes dans les conditions de majorité requise, de sorte que la société Orpéa a, le 11 juin 2023, demandé au tribunal d'arrêter le plan de sauvegarde par voie d'application forcée interclasse sur le fondement de l'article L626-32 du code de commerce.
Par jugement du 24 juillet 2023, le tribunal de commerce de Nanterre a rejeté le recours formé par 12 sociétés (les 12 sociétés appelantes dans la présente instance) et a arrêté le plan de sauvegarde de la société Orpea par application forcée interclasse conformément à l'article L. 626-32 du code de commerce. Par arrêt du 30 janvier 2024, la cour d'appel de Versailles a confirmé en toutes ses dispositions le jugement arrêtant le plan de sauvegarde. Un pourvoi a été formé à l'encontre de cet arrêt.
Le 25 juin 2024, l'assemblée générale de la société Orpea a voté la modification de l'article 3 de ses statuts afin de changer de dénomination sociale pour devenir 'Emeis'.
Par jugement du 4 juin 2024, le tribunal de commerce de Paris, statuant sur l'action engagée par les 12 sociétés d'investissement étrangères, a:
dit l'exception d'incompétence du tribunal de commerce de Paris recevable « mais infondée »,
s'est déclaré incompétent,
renvoyé les demanderesses à l'instance à mieux se pourvoir,
débouté les demanderesses à l'exception d'incompétence de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
condamné solidairement chacune des demanderesses à payer à la société Orpea la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné solidairement chacune des demanderesses à payer à la Caisse des dépôts et consignation la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au présent dispositif,
condamné solidairement les demanderesses aux dépens de l'instance.
Par déclaration du 22 août 2024, les sociétés Whitebox Advisors London LLP, Whitebox Multi-Strategy Partners L.P, Whitebox Relative Value Partners L.P, Pandora Select Partners L.P, Whitebox GT Fund L.P, Kyma Capital Limited, LMR Multi-Strategy Master Fund Limited, LMR CCSA Master Fund Limited, FCOF V UB Investements L.P, FCOCF V Europe UB Securities DAC, FCCD DAC, Drawbridge Special Opportunities Fund L.P ont relevé appel du jugement du tribunal de commerce de Paris rendu le 4 juin 2024.
Autorisées par ordonnance du 23 août 2024, les sociétés appelantes ont, par actes des 6 septembre 2024 et 25 novembre 2024 fait assigner à jour fixe pour l'audience du 3 décembre 2024, la SA Emeis (anciennement dénommée Orpea), la Caisse des dépôts et consignations, la SELARL AJRS en la personne de Me [I], en qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde d'Orpea, la SELAS C.[Y], en la personne de Me [Y] en qualité de mandataire judiciaire d'Orpéa, la SCP BTSG² en la personne de Me [O] en qualité de mandataire judiciaire de la société Orpea.
Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 2 décembre 2024, les sociétés Whitebox Advisors London LLP, Whitebox Multi-Strategy Partners L.P, Whitebox Relative Value Partners L.P, Pandora Select Partners L.P, Whitebox GT Fund L.P, Kyma Capital Limited, LMR Multi-Strategy Master Fund Limited, LMR CCSA Master Fund Limited, FCOF V UB Investements L.P, FCOCF V Europe UB Securities DAC, FCCD DAC, Drawbridge Special Opportunities Fund L.P (ci-après les 'créanciers financiers non sécurisés') demandent à la cour de :
les déclarer recevables en leur appel et en l'ensemble de leurs demandes ;
confirmer le jugement du 4 juin 2024 en ce qu'il a débouté la Caisse des dépôts de ses demandes de condamnation au titre d'une amende civile et de dommages et intérêts pour recours abusif ;
infirmer le jugement pour le surplus et statuant à nouveau:
déclarer le tribunal de commerce de Paris compétent en application de l'article 42 du code de procédure civile, en conséquence,renvoyer l'affaire au tribunal de commerce de Paris, en application de l'article 86 du code de procédure civile ;
- en toute hypothèse, débouter la société Orpea et la Caisse des dépôts de leur demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamner in solidum les intimées à leur payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Et si la cour venait à considérer que la décision attaquée avait statué également sur le fond, il lui est demandé, en application de l'article 88 du code de procédure civile, de juger que l'accord de Lock-up comporte des stipulations illicites qui affectent son économie générale, prononcer la nullité de l'accord de Lock-up, condamner in solidum les intimées à payer à chacune d'entre elles la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamner in solidum les intimées aux entiers dépens.
Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 27 novembre 2024, la Caisse des dépôts et consignations demande à la cour de :
-à titre principal, déclarer irrecevable et en tout cas mal-fondé l'appel formé par les appelantes;
-à titre subsidiaire :
rectifier les erreurs et omissions matérielles contenues dans le jugement de la façon suivante :
remplacer le terme « infondée » par le terme « bien fondée » dans les motifs et dans le dispositif ;
ajouter la mention « au profit du tribunal de commerce de Nanterre » après les mentions « Se déclarera incompétent » dans les motifs et « Se déclare incompétent » dans le dispositif ;
remplacer les mentions « renverra les demanderesses à l'instance à mieux se pourvoir » dans les motifs et « renvoie les demanderesses à l'instance à mieux se pourvoir » dans le dispositif par les mentions suivantes : « renverra l'affaire devant le tribunal de commerce de Nanterre » dans les motifs et « renvoie l'affaire devant le tribunal de commerce de Nanterre » dans le dispositif ;
dire qu'il sera fait mention de cette rectification en marge de la minute du jugement et des expéditions qui seront délivrées, à la diligence du greffe ;
confirmer le jugement en toutes ses dispositions sous réserve de rectifier les seules erreurs matérielles précitées;
- en tout état de cause, débouter les appelantes de toutes demandes autres, plus amples ou contraires au présent dispositif,condamner solidairement les différentes parties appelantes à lui payer la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Me Eric Allerit, membre de la SARL Taze-Bernard Allerit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 8 novembre 2024, la société Emeis, anciennement dénommée Orpea, demande à la cour de :
à titre principal, déclarer irrecevable l'appel formé par les appelantes ;
à titre subsidiaire :
- rectifier les erreurs et omissions matérielles dans le jugement de la façon suivante :
remplacer le terme « infondée » par le terme « bien fondée » dans les motifs et dans le dispositif ;
ajouter la mention « au profit du tribunal de commerce de Nanterre » après les mentions « Se déclarera incompétent » dans les motifs et « Se déclare incompétent » dans le dispositif ;
remplacer les mentions « renverra les demanderesses à l'instance à mieux se pourvoir » dans les motifs et « renvoie les demanderesses à l'instance à mieux se pourvoir » dans le dispositif par les mentions suivantes : « renverra l'affaire devant le tribunal de commerce de Nanterre » dans les motifs et « renvoie l'affaire devant le tribunal de commerce de Nanterre » dans le dispositif ;
dire qu'il sera fait mention de cette rectification en marge de la minute du jugement et des expéditions qui seront délivrées, à la diligence du greffe ;
confirmer le jugement en toutes ses dispositions sous réserve de rectifier les seules erreurs matérielles qui y sont contenues;
- en tout état de cause, débouter les appelantes de toutes demandes autres, plus amples ou contraires au présent dispositif, condamner solidairement les appelantes au versement de la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d'appel.
La SELARL AJRS, en la personne de Maître [I], ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société Emeis,la SELARL C.[Y], en la personne de Maître [U] [Y], ès qualités de mandataire judiciaire de la société Emeis, et la SCP BTSG, en la personne de Maître [O], ès qualités de mandataire judiciaire de la société Emeis, toutes trois assignées à personne morale le 25 novembre 2024 n'ont pas constitué avocat.
Pour un plus ample exposé des demandes et moyens des parties, il est expressément renvoyé à leurs écritures.
SUR CE
- Sur la recevabilité de l'appel
La Caisse des dépôts et consignations ( la CDC) et la société Emeis, anciennement dénommée Orpéa, soulèvent l'irrecevabilité de l'appel. Elles font valoir que l'appel des décisions statuant exclusivement sur la compétence est soumis à la procédure à jour fixe régie par les articles 83 et suivants du code de procédure civile qui prescrivent des exigences strictes à peine d'irrecevabilité de l'appel et qu'en l'espèce, la déclaration d'appel du 22 août 2014, qui ne contient elle-même aucune motivation, indique que son appel « est motivé dans les conclusions jointes et faisant corps avec la présente déclaration', or, ces conclusions n'ont pas été jointes à ladite déclaration communiquée aux parties et n'ont été signifiées aux parties que le 3 septembre 2024.
Elles en déduisent que la déclaration d'appel adressée à la cour n'était pas motivée et que l'appel est en conséquence irrecevable.
Les sociétés appelantes répliquent qu'aucune irrecevabilité n'est encourue, la déclaration d'appel ayant bien été motivée dans un jeu de conclusions annexé à celle-ci, conformément à l'article 85 du code de procédure civile.
Il résulte de l'article 85 du code de procédure civile relatif à l'appel des jugements statuant sur la compétence sans se prononcer sur le fond du litige, qu'Outre les mentions prescrites selon le cas par les articles 901 ou 933, la déclaration d'appel précise qu'elle est dirigée contre un jugement statuant sur la compétence et doit, à peine d'irrecevabilité, être motivée, soit dans la déclaration elle-même, soit dans des conclusions jointes à cette déclaration ».
En l'espèce, si le corps de la déclaration d'appel ne comporte en lui-même aucune motivation, la déclaration indique in fine 'L'appel portant sur une décision statuant sur la compétence, il est motivé dans les conclusions jointes et faisant corps avec la présente déclaration.'
Il ressort de l'accusé réception produit en pièce 33, que la déclaration d'appel formée par voie électronique le 22 août 2024 était bien accompagnée des conclusions des appelantes, comportant une motivation particulièrement développée (70 pages).
Il s'ensuit que l'appel relevé par les 12 créanciers non sécurisés est conforme aux exigences de l'article 85 du code de procédure civile, et sera jugé en conséquence recevable.
- Sur la compétence
Liminairement sur l'existence d'une erreur matérielle:
Après avoir dit recevable l'exception soulevant l'incompétence du tribunal de commerce de Paris au profit du tribunal de commerce de Nanterre, le tribunal a jugé cette exception 'infondée' et s'est déclaré incompétent.
L'emploi du terme ' infondée' procéde à l'évidence d'une erreur matérielle, ainsi que le soutiennent les intimés, puisqu'il ressort sans ambiguïté de la motivation du jugement que le tribunal a considéré que le présent litige était né de la procédure de sauvegarde de la société Orpea et qu'il entrait incontestablement dans le champ de compétence du tribunal de la procédure tel que défini à l'article R.663-2 du code de commerce et surabondament que la question au fond du respect par l'accord de Lock-up du principe d'égalité des créanciers devra nécessairement s'apprécier au regard des principes et règles fondamentaux du droit des procédures collectives, qui renvoient aux dispositions relatives aux classes de parties affectées partageant une communauté d'intérêt suffisante au sein d'une même classe pour bénéficier d'une égalité de traitement proportionnelle à leur créance ou à leur droit, que les conditions de l'achat de vote de créanciers d'Orpéa appelés à se réunir au sein des classes de parties affectées ne pourront être jugées par le juge saisi qu'au regard des régles de la procédure collective et de la seule compétence du tribunal de la procédure collective, qu'ainsi le droit applicable aux demandes et prétentions des sociétés appelantes est consubstantiel à celui des procédures collectives, dont la mise en oeuvre est réservée d'ordre public au tribunal de la procédure collective.
Il ressort de ce qui précède que le tribunal a accueilli l'exception d'incompétence qui lui était soumise et a déclaré le tribunal de commerce de Paris incompétent au profit du tribunal de la procédure collective et que c'est à la suite d'une erreur de plume qu'il a dit l'exception 'infondée' au lieu de ' fondée'.
Le débat porte sur le point de savoir si le litige dont a été saisi le tribunal de commerce de Paris relève ou non du tribunal de la procédure collective, en l'occurrence du tribunal de commerce de Nanterre.
Pour soutenir la compétence du tribunal de commerce de Paris, les sociétés appelantes font valoir que les dispositions dérogatoires posées par l'article R 662-3 du code de commerce ne s'appliquent pas à une action en nullité d'un contrat conclu en dehors et antérieurement à l'ouverture de la procédure collective, que l'attraction de compétence du tribunal de la procédure collective est limitée dans le temps à la durée de la procédure collective, de sorte que ce principe ne peut pas s'appliquer à des actions engagées avant l'ouverture de la procédure collective et qu'en l'espèce, l'assignation aux fins de nullité de l'accord de Lock-up, délivrée le 2 mars 2023, est antérieure à l'ouverture de la procédure de sauvegarde accélérée de la société Orpea, le 24 mars 2023. A la date de l'asssignation seule une procédure de conciliation était en cours.
Elles ajoutent à ce critère de temporalité, que la prorogation de compétence au profit du tribunal de la procédure collective est limitée aux contestations nées de la procédure collective ou sur lesquelles cette procédure exerce une influence juridique, principe qui doit être interprété de manière stricte, de sorte qu'elle ne concerne que les actions prévues par le livre VI du code de commerce, qu'une action en nullité d'un acte contenant des stipulations illicites peut se concevoir en dehors du contexte d'une procédure collective puisqu'il s'agit d'une action de droit commun, la procédure collective n'ayant une influence juridique, que si la solution du litige dépend des règles de la procédure collective, et il appartient dans ce cas aux juges du fond d'indiquer en quoi la procédure collective exerce une influence juridique sur la solution même du litige.Elles affirment que le présent litige ne trouve pas sa source dans la réglementation particulière des procédures collectives en ce qu'il est un accord soumis au droit commun des contrats. Elles soutiennent que la solution du présent litige ne dépend pas des règles d'ordre public applicables aux procédures collectives et que l'ouverture de la procédure collective n'exerce pas d'influence sur l'action en nullité, que quand bien même les faits invoqués permettent, selon les intimés, de justifier du respect d'une des conditions requises pour l'ouverture d'une telle procédure, le juge de la procédure collective n'a pas une compétence exclusive pour en connaître, que la présente action ne tend pas à remettre en cause le plan de sauvegarde accéléré de la société Orpea, l'accord de Lock-up n'étant même pas mentionné dans le jugement ayant arrêté le plan de sauvegarde, de sorte qu'il n'aurait aucun rôle à jouer au stade de l'exécution du plan de sauvegarde accéléré.
Il est également fait valoir que la question de l'application de l'article R 662-3 du code de commerce à l'égard de l'action en nullité de l'accord de Lock-Up aurait déjà été tranchée par arrêt du 26 mars 2024 de la cour d'appel de Versailles, à l'occasion de la procédure de tierce-opposition formée contre le jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde accélérée de la société Orpea, dont il est déduit que le juge versaillais aurait imposé a fortiori d'exclure l'application de l'article R 662-3 du code de commerce et donc qu'il aurait été définitivement jugé que l'accord de Lock-Up est un contrat antérieur au jugement d'ouverture.
Il est enfin soutenu, quand bien même, l'affaire serait portée devant le tribunal de commerce de Nanterre, que la chambre des procédures collectives ne serait pas compétente pour en connaître, et que l'exception d'incompétence soulevée est une exception d'incompétence matérielle et non territoriale, de sorte que c'est bien un renvoi devant cette chambre qui a été demandé. Il en est déduit que si l'exception d'incompétence soulevée par les intimées devait prospérer, alors le juge de la faillite considérerait nécessairement que la demande portant sur la validité d'un contrat, et les éventuelles demandes indemnitaires qui découleraient d'une annulation de ce contrat, dépasseraient d'évidence son office juridictionnel.
La société Emeis et la CDC soutiennent la compétence du tribunal de commerce de Nanterre, tant en vertu de l'article R.662-3 du code de commerce que de la clause attributive de juridiction figurant dans le contrat.
Elles font valoir que:
- le tribunal qui a ouvert une procédure collective à l'encontre d'un débiteur dispose d'une compétence exclusive pour connaître de toutes les contestations qui concernent ou sont en lien avec cette procédure collective, que l'accord de Lock-up est un accord spécifique issu de la pratique récente du droit des procédures collectives qui permet aux sociétés de taille importante d'obtenir le soutien et l'adhésion de leurs créanciers au projet de plan envisagé par elle en vue de la mise en 'uvre d'une procédure de sauvegarde accélérée, les articles L. 628-1 et R.628-2 du code de commerce subordonnant désormais l'ouverture d'une telle procédure à la preuve d'un soutien suffisamment large des parties affectées par le projet de plan;
- en l'espèce, l'accord de Lock-up et toute contestation sur sa validité sont indissociables de la procédure de sauvegarde accélérée ouverte à l'égard de la société Orpea, en ce qu'il n'a été conclu qu'aux fins de permettre l'ouverture de la procédure accélérée afin de faciliter la mise en 'uvre de la restructuration financière de la société, que les termes de l'accord sont en eux-mêmes explicites à cet égard, et que c'est en considération de l'existence de cet accord de Lock-up et de son contenu que le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert la procédure de sauvegarde accélérée à l'égard de la société Orpea, que les appelantes ont d'ailleurs intimé les organes de la procédure collective ce qui démontre bien que l'action en nullité de l'accord de Lock-up concerne la procédure de sauvegarde accélérée.
- l'action en nullité de l'accord de Lock-up affecte directement la procédure de sauvegarde accélérée en ce qu'elle vise à remettre en cause l'une des conditions légales exigées pour l'ouverture même de cette procédure et les modalités de la restructuration.
- l'article R.662-3 du code de commerce est très large puisqu'il vise 'tout ce qui concerne' la procédure collective, qu'une cohérence des décisions est indispensable au regard des enjeux massifs liés à la restructuration de la société Orpéa et impose la concentration des litiges devant le tribunal de la procédure collective, tel que prévu dans l'accord de Lock-Up, sans que des tiers au contrat ne puissent déjouer cette attribution de compétence à des fins opportunistes.
- l'exception d'incompétence formée au visa de l'article R.663-2 du code de commerce est exorbitante du droit commun, de sorte qu'elle peut aussi bien prendre la forme d'une exception d'incompétence matérielle que territoriale, et donne le pouvoir au tribunal de la procédure collective de trancher tout litige qui concerne la procédure, qu'aucun déni de justice n'est susceptible d'être commis puisque le tribunal de commerce de Nanterre, pris en qualité de tribunal de la procédure collective, peut statuer sur l'action en nullité de l'accord de Lock-up,
- la circonstance que l'action en nullité de l'accord de Lock-Up a été initiée antérieurement à l'ouverture de la procédure de sauvegarde accélérée est sans impact sur la compétence exclusive du tribunal de la procédure collective dès lors que l'influence de la procédure collective est établie.
La société Emeis et la CDC invoquent par ailleurs la clause attributive de juridiction figurant dans l'accord de Lock-up qui confère en son article 29.3 une compétence exclusive au tribunal de commerce de Nanterre, arguant que cette clause est opposable aux tiers en ce qu'il ne peut être admis qu'une partie à l'accord de Lock-up qui souhaiterait introduire la même action en nullité soit contrainte de porter son action devant le seul tribunal de commerce de Nanterre, en application de la clause attributive de juridiction, alors que les tiers à l'accord pourraient décider de saisir une autre juridiction que celle-là en application des règles de droit commun de compétence territoriale.
Sur ce la cour,
L'article R.662-3 du code de commerce dispose que «Sans préjudice des pouvoirs attribués en premier ressort au juge-commissaire, le tribunal saisi d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire connaît de tout ce qui concerne la sauvegarde, le redressement et la liquidation judiciaires, l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, la faillite personnelle ou l'interdiction prévue à l'article L.653-8, à l'exception des actions en responsabilité civile exercées à l'encontre de l'administrateur, du mandataire judiciaire, du commissaire à l'exécution du plan ou du liquidateur qui sont de la compétence du tribunal judiciaire »
Ces dispositions d'ordre public dérogatoires du droit commun attribuent ainsi compétence au tribunal de la procédure collective pour connaitre des contestations nées de la procédure collective ou sur lesquelles cette procédure exerce une influence juridique.
Le 2 mars 2023, soit 22 jours avant l'ouverture de la procédure de sauvegarde accélérée de la société Orpéa (devenue Emeis) par le tribunal de commerce de Nanterre le 24 mars 2025, douze sociétés (les sociétés appelantes) ont saisi le tribunal de commerce de Paris d'une action en nullité de l'accord de Lock-up qui avait été signé le 14 février 2023 par la SA Orpea, les Membres du Groupement (CDC, CNP Assurance, MAIF, MACSF Epargne Retraite), les Créanciers non sécurisés du SteerCo (= les créanciers financiers non sécurisés soutenant l'Accord de Principe, à savoir Anchorage, Boussard &Gavaudan, Carmignac, Eiffel Invesment Group, Schelcher Prince Gestion) et Kroll Issuer Services Limited en qualité d'agent de calcul.
Cet accord de lock-up fait suite à l'Accord de Principe qui avait été conclu le 3 février 2023, entre la société Orpea, les membres du groupement et les créanciers financiers non sécurisés (les créanciers regroupés dans le SteerCo) en vue de la restructuration financière d'Orpea, et qui devait être complété par une documentation contractuelle dont un Accord de Lock-up alors en cours de finalisation.
Le préambule de cet accord stipule que ' ( D) Les Parties ont convenu de conclure l'Accord de Lock-Up afin de faciliter la mise en oeuvre et le déroulement de la Restructuration financière', cette restructuration étant entendue comme celle décrite dans l'Accord de Principe qui définit les principaux termes relatifs à la restructuration financière, impliquant entre autres (i) la conversion en capital de l'intégralité de la Dette Non Sécurisée d'Orpéa, (ii) l'injection de nouveaux fonds dans la société via la mise en place de la Dette New Money et de nouveaux fonds propres et (iii) la modification du Contrat de Crédit de juin 2022, qui sera mise en oeuvre dans le cadre de la Procédure de Sauvegarde Accélérée ouverte aux seules fins de mettre en oeuvre et/ou réaliser la Restructuration Financière.'
L'accord de Lock-up définit:
- 'la Restructuration Financière' comme désignant la restructuration financière d'Orpéa qui sera mise en oeuvre dans le cadre de la procédure de sauvegarde accélérée,
- la 'Procédure de Sauvegarde Accélérée' comme la procédure à l'égard d'Orpea SA, régie par les articles L.628-1 à L 628-10 du code de commerce, aux seules fins de mettre en oeuvre et/ou de réaliser la Restructuration Financière.
Le communiqué de presse du 23 février 2023, à destination du marché, indique que la procédure de conciliation de la société Orpea, d'une durée initiale de 4 mois, a été prolongée pour 3 mois soit jusqu'au 25 mars 2023 afin de permettre à la société Orpea de poursuivre l'élargissement du soutien des créanciers financiers non sécurisés qui n'avaient pas encore pu adhérer à l'accord de Lock-up signé le 14 février 2023, la société envisageant de présenter dans le délai de 3 mois une requête en ouverture de procédure de sauvegarde accélérée et que le processus d'adhésion à l'accord de Lock-up en cours vise à obtenir d'ici l'ouverture de la procédure de sauvegarde accélérée le soutien d'un maximum de créanciers non sécurisés d'Orpea, toutes précisions étant apportées pour permettre aux créanciers non sécurisés de rejoindre l'accord de Lock-up.
L'ensemble des créanciers non sécurisés d'Orpéa, autres que les membre du SteerCo, ont été invités à adhérer à l'accord de Lock-up en amont de l'ouverture de la sauvegarde afin de formaliser leur soutien au projet de restructuration d'Orpea.
Au 2 mars 2023, date de l'assignation de la société Orpea devant le tribunal de commerce de Paris par les 12 créanciers non sécurisés, l'imminence d'une demande d'ouverture d'une procédure de sauvegarde accélérée était donc connue de tous, la société Orpea s'efforçant dans cette perspective de recueillir en amont le maximum d'adhésion de ses créanciers.
Ainsi que le soutiennent les intimés, la signature de l'accord de Lock-up, constituait l'un des éléments nécessaires pour permettre l'ouverture d'une procédure de sauvegarde accélérée. En effet, l'article L628-1 du code de commerce, qui institue une procédure de sauvegarde accélérée, dispose que celle-ci est ouverte 'à la demande d'un débiteur engagé dans une procédure de conciliation qui justifie avoir élaboré un projet de plan tendant à assurer la pérennité de l'entreprise. Ce projet doit être susceptible de recueillir, de la part des parties affectées à l'égard desquelles l'ouverture de la procédure produira effet, un soutien suffisamment large pour rendre vraisemblable son adoption dans le délai prévu au premier alinéa de l'article L.628-8.'. L'article L628-8 du code de commerce prévoit que le tribunal arrête le plan dans les conditions prévues aux articles L.26-31 et L.626-32 dans un délai de deux mois à compter du jugement d'ouverture.
Ainsi, le débiteur qui entend pouvoir bénéficier d'une procédure de sauvegarde accélérée et qui doit à cet effet pouvoir justifier d'un projet de plan susceptible de recueillir un soutien suffisamment large de ses créanciers affectés, doit nécessairement, compte tenu du délai très court fixé par la loi pour arrêter le plan de sauvegarde, rechercher un accord avec ses créanciers en amont de la demande d'ouverture.
L'article 20 de l'accord précise bien que 'L'Accord de Lock-Up caractérise le soutien exigé par l'article L.628-1 du Code de commerce. Son objet est de permettre de recueillir un soutien suffisamment large le plus en amont possible comme l'exige cet article, avec un mécanisme incitatif de type ' early bird' pour les Participants conformément à l'Accord de Principe.
Il est ainsi clair que l'objectif de l'accord de Lock-up visait précisément à établir le soutien suffisamment large des créanciers de la société Orpea pour rendre vraisemblable l'adoption d'un plan de sauvegarde accélérée par les classes de parties effactées ou subsidiairement par application forcée interclasse.
L'article 12 de l'accord, intitulé 'Résiliation', en stipulant en son point 12.3 (d) que l'accord de Lock-up pourra être résilié avec effet immédiat à la discrétion du consentement unanime des Membres du Groupement créanciers si la procédure de sauvegarde accélérée n'est pas ouverte au plus tard le 24 mars 2023, confirme le lien de dépendance entre cet accord et la procédure de sauvegarde accélérée.
Le jugement du 24 mars 2023 a ouvert la procédure de sauvegarde accélérée en retenant qu'au vu des accords conclus par Orpéa et du rapport du cabinet Ledouble établissant la réunion des conditions d'adoption du plan de sauvegarde accélérée prévues aux articles L.626-31 et L.626-32 du code de commerce, le projet de plan était susceptible de recueillir, au sens du second alinéa de l'article L.628-1 du code de commerce, un soutien suffisamment large de la part des parties affectées à l'égard desquelles l'ouverture de la procédure produira effet, pour rendre vraisemblable l'adoption du plan dans le délai prévu au premier alinéa de l'article L.628-8 du code de commerce, en ce compris par voie d'application forcée interclasse. Pour faire ce constat, le tribunal a visé l'accord de Lock-up signé le 14 février 2023, qui recueillait au 10 mars 2023 le soutien de plus de 51% des créanciers financiers non sécurisés de la société Orpéa, le protocole d'accord conclu avec principaux partenaires bancaires privilégiés (les banque G6) et les accords bilatéraux obtenus avec les créanciers fiscaux et sociaux et que le projet de plan reposant sur ces accords devrait assurer la pérennité de la société Orpéa.
Ainsi, l'accord de Lock-Up s'il a été signé avant l'ouverture de la sauvegarde est bien né pour les besoins de cette procédure en vue de justifier des conditions d'ouverture, puis de permettre l'arrêté et l'exécution d'un plan qui est l'objectif de la procédure de sauvegarde accélérée.
Contrairement à ce que soutiennent les sociétés appelantes, la cour d'appel de Versaille, statuant dans le cadre de la tierce-opposition formée par des créanciers à l'encontre du jugement d'ouverture, n'a pas déjà jugé que le litige portant sur la nullité de l'accord de Lock-up relevait du tribunal de commerce de Paris. En effet, dans son arrêt du 26 mars 2024, confirmant l'irrecevabilité de la tierce-opposition formée à l'encontre du jugement ouvrant la sauvegarde accélérée de la société Orpea, la cour qui avait à apprécier le moyen pris de l'existence d'une fraude aux droits des créanciers fondée sur les dispositions illicites de l'accord de Lock-up, a simplement constaté concernant la validité de cet accord, que les sociétés appelantes avaient déjà saisi le tribunal de commerce de Paris de cette question et que la procédure étant pendante, il ne lui appartenait pas de se prononcer sur ce point. La cour d'appel de Versailles a en revanche écarté l'existence d'une fraude en relevant que les avantages octroyés dans le cadre de cet accord à savoir les commissions d'adhésion, la rémunération des membres du SteerCo et l'attribution de BSA étaient la contrepartie d'engagements pris par les créanciers venant au soutien du plan.
La circonstance que le tribunal de commerce de Paris a été saisi de l'action en nullité de l'accord de Lock-up quelques jours avant l'ouverture de la sauvegarde accélérée n'est pas de nature à écarter la compétence du tribunal de la procédure collective, dès lors que ces deux événéments se situent dans le même périmètre de temps et que l'existence de cet accord avait une incidence sur la procédure de sauvegarde.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit le tribunal de commerce de Paris incompétent, mais infirmé en ce qu'il a renvoyé les parties à mieux se pourvoir. Statuant à nouveau sur ce dernier point, la cour dira le tribunal de commerce de Paris incompétent au profit du tribunal de commerce de Nanterre et renverra l'affaire devant le tribunal de commerce de Nanterre.
- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné les sociétés demanderesses aux dépens, leur condamnation étant toutefois prononcée in solidum et non solidairement. Y ajoutant, la cour condamnera les sociétés appelantes dans les mêmes conditions aux dépens d'appel.
Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ni en première instance, ni à hauteur d'appel, le jugement étant infirmé en ce sens.
PAR CES MOTIFS
Déboute la société Emeis (anciennement Orpéa) et la Caisse des dépôts et consignations de leur demande tendant à voir juger l'appel irrecevable, dit en conséquence l'appel recevable,
Rectifie l'erreur matérielle affectant les motifs (page 15, avant dernier paragraphe) et la seconde ligne du dispositif du jugement en ce que le jugement a dit l'exception d'incompétence du tribunal de commerce de Paris recevable mais ' infondée', dit qu'il y a lieu de lui de lui substituer le terme ' fondée',
Dit qu'il sera fait mention de cette rectification en marge de la minute du jugement,
Confirme le jugement en ce qu'il a déclaré le tribunal de commerce de Paris incompétent, mais l'infirme en ce qu'il a renvoyé les parties à mieux se pourvoir, statuant à nouveau sur ce dernier point dit le tribunal de commerce de Paris incompétent au profit du tribunal de commerce de Nanterre et renvoie l'affaire devant le tribunal de commerce de Nanterre,
Confirme le jugement en ce qu'il a condamné les sociétés Whitebox Advisors London LLP, Whitebox Multi-Strategy Partners L.P, Whitebox Relative Value Partners L.P, Pandora Select Partners L.P, Whitebox GT Fund L.P, Kyma Capital Limited, LMR Multi-Strategy Master Fund Limited, LMR CCSA Master Fund Limited, FCOF V UB Investements L.P, FCOCF V Europe UB Securities DAC, FCCD DAC, Drawbridge Special Opportunities Fund L.P aux dépens, sauf à dire que cette condamnation n'est pas prononcée solidairement mais in solidum,
Y ajoutant condamne in solidum les sociétés Whitebox Advisors London LLP, Whitebox Multi-Strategy Partners L.P, Whitebox Relative Value Partners L.P, Pandora Select Partners L.P, Whitebox GT Fund L.P, Kyma Capital Limited, LMR Multi-Strategy Master Fund Limited, LMR CCSA Master Fund Limited, FCOF V UB Investements L.P, FCOCF V Europe UB Securities DAC, FCCD DAC, Drawbridge Special Opportunities Fund L.P aux dépens d'appel, avec distraction au profit de Me Eric Allerit, membre de la SARL Taze-Bernard Allerit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Infirme le jugement en ce qu'il a condamné les sociétés Whitebox Advisors London LLP, Whitebox Multi-Strategy Partners L.P, Whitebox Relative Value Partners L.P, Pandora Select Partners L.P, Whitebox GT Fund L.P, Kyma Capital Limited, LMR Multi-Strategy Master Fund Limited, LMR CCSA Master Fund Limited, FCOF V UB Investements L.P, FCOCF V Europe UB Securities DAC, FCCD DAC, Drawbridge Special Opportunities Fund L.P au paiement d'indemnités procédurales, et statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant, déboute toutes les parties de leurs demandes en paiement fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
Liselotte FENOUIL
Greffière
Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT
Présidente
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 8
ARRÊT DU 12 SEPTEMBRE 2025
(n° / 2025, 16 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/14344 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJ4XV
Décision déférée à la Cour : Jugement du 4 juin 2024 -Tribunal de commerce de PARIS - RG n° 2023013227
APPELANTES
S.A.R.L. WHITEBOX ADVISORS LONDON LLP, société à responsabilité limitée constituée en vertu du droit anglais sous la forme 'limited liability partnership', prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
Dont le siège social est situé [Adresse 14],
[Adresse 16],
[Adresse 25]
[Localité 32]
ROYAUME-UNI
La société FCOF V EUROPE UB SECURITIES DAC, société de droit irlandais sous la forme 'designated activity company', prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
Dont le siège social est situé [Adresse 11],
[Adresse 23],
[Adresse 37],
[Adresse 21]
[Adresse 6]
IRLANDE
La société FCCD DAC, société de droit irlandais sous la forme 'Designated activity compagny' , prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
Dont le siège social est situé [Adresse 11],
[Adresse 23],
[Adresse 37],
[Adresse 21]
[Adresse 6]
IRLANDE
La société DRAWBRIDGE SPECIAL OPPORTUNITIES FUND LP, société de droit américain sous la forme 'Limited liability partnership', prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
Dont le siège social est situé [Adresse 24],
[Adresse 5]
[Localité 9],
[L]
ETATS-UNIS
La société WHITEBOX MULTI-STRATEGY PARTNERS, L.P, société de droit des Iles Caïmans sous la forme 'exempted limited partneship', prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
Dont le siège social est situé [Adresse 34],
[Adresse 22],
[Adresse 20]
[Adresse 31]
[Adresse 26]
[Localité 28]
La société WHITEBOX RELATIVE VALUE PARTNERS, L.P. , société de droit des îles Caïmans sous la forme 'exempted limited partnership', prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
Dont le siège social est situé [Adresse 34],
[Adresse 22],
[Adresse 20]
[Adresse 31]
[Adresse 26]
[Localité 28]
La société PANDORA SELECT PARTNERS, L.P. société de droit des îles Caïmans sous la forme 'exempted limited partnership', prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
Dont le siège social est situé [Adresse 34],
[Adresse 22],
[Adresse 20]
[Adresse 29]
[Adresse 3]
[Localité 28]
La société WHITEBOX GT FUND LP, société de droit du Delaware sous la forme 'limited partnership', prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
Dont le siège social est situé [Adresse 12]
[Localité 10],
DELAWARE
ETATS-UNIS
La société KYMA CAPITAL LIMITED, société de droit anglais sous la forme 'private limited company', prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
Dont le siège social est situé [Adresse 1]
[Localité 36]
ROYAUME-UNI
La société LMR MULTI-STRATEGY MASTER FUND LIMITED, société de droit des îles Caïmans sous la forme 'Exempted Company', prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
Dont le siège social est situé [Adresse 35],
[Adresse 33],
[Adresse 27]
[Adresse 30]
[Adresse 26]
[Localité 28]
La société LMR CCSA MASTER FUND LIMITED, société de droit des Iles Caïmans sous la forme 'Exempted Company', prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
Dont le siège social est situé [Adresse 35]
[Adresse 33],
[Adresse 27]
[Adresse 30]
[Adresse 26]
[Localité 28]
La société FCOF V UB INVESTMENTS L.P. , société de droit des Iles Caïmans sous la forme 'Exempted Limited Partnership Company, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
Dont le siège social est situé [Adresse 35],
[Adresse 33],
[Adresse 27],
[Adresse 29],
[Adresse 2]
[Localité 28]
Représentées par Me Charles-Hubert OLIVIER de la SCP LAGOURGUE & OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029,
Assistées de Me Flavie HANNOUN de la SELAS L&A, avocate au barreau de PARIS, toque L 163,
INTIMÉES
S.A. EMEIS, anciennement dénommée ORPEA, société anonyme de droit français, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NANTERRE sous le numéro 401 251 566,
Dont le siège social est situé [Adresse 4]
[Localité 19]
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477,
Assistée de Me Diane LAMARCHE du LLP WHITE AND CASE LLP, avocate au barreau de PARIS, toque : J002,
LA CAISSE DES DÉPÔTS ET CONSIGNATIONS, personne morale de droit public, Située [Adresse 15]
[Localité 17]
Représentée par Me Eric ALLERIT de la SELEURL TBA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241,
Assistée de Me Jean-Pierre FARGES du LLP GIBSON, DUNN & CRUTCHER, avocat au barreau de PARIS, toque : J015,
S.E.L.A.R.L. AJRS, prise en la personne de Maître [K] [I], en qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société EMEIS, anciennement dénommée ORPEA, désignée à cette fonction par jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 24 juillet 2023,
Dont l'étude est située [Adresse 13]
[Localité 18]
S.E.L.A.R.L. C.[Y], prise en la personne de Maître [U] [Y], en qualité de mandataire judiciaire de la SA EMEIS, anciennement dénommée ORPEA, désignée à cette fonction par jugement du Tribunal de commerce de Nanterre du 24 juillet 2023,
Dont l'étude est située [Adresse 8]
[Localité 18]
S.C.P. BTSG, prise en la personne de Maître [V] [O], en qualité de mandataire judiciaire de la SA EMEIS, désignée à cette fonction par jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 24 juillet 2023,
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NANTERRE sous le numéro 434 122 511,
Dont le siège social est situé [Adresse 7]
[Localité 18]
Non constituées
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 3 décembre 2024, en audience publique, devant la cour, composée de :
Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,
Madame Constance LACHEZE, conseillère,
Madame Isabelle ROHART, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,
Qui en ont délibéré.
Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT dans le respect des conditions prévues à l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL
ARRÊT :
- Réputé contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.
***
FAITS ET PROCÉDURE:
La société anonyme Orpea, spécialisée dans l'accompagnement des personnes en perte d'autonomie et plus généralement des personnes âgées dépendantes, est à la fois la holding cotée en bourse et la société opérationnelle détenant plus de 220 établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes et autres résidences médicalisées ou non.
A la suite de la publication en janvier 2022 du livre-enquête Les Fossoyeurs contenant des allégations de faits de maltraitance dans la prise en charge des personnes âgées résidentes dans certains établissements du groupe, la société Orpea a été confrontée à un scandale médiatique qui l'a conduit à profondément remanier sa direction générale.
Commercialement très affaiblie par les répercussions de cette publication, la société Orpea qui avait un total de dettes de 9 milliards d'euros (700 lignes de financement) a été confrontée à des difficultés financières croissantes et à l'incapacité de renouveler l'encours de sa dette arrivant à échéance.
Par ordonnance du 20 avril 2022, le président du tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une première procédure de conciliation à la demande de la société Orpea, de façon à négocier en urgence avec ses six principales banques un protocole de conciliation qui a été formalisé le 3 juin 2022 et homologué par le tribunal de commerce de Nanterre le 10 juin 2022.
Par ordonnance du 25 octobre 2022, le président du tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une seconde procédure de conciliation à la demande de la société Orpea, en raison des effets combinés de la hausse des taux d'intérêt sur sa dette, de l'inflation sur ses coûts d'exploitation et des tensions sur le marché immobilier, faisant obstacle à la mise en 'uvre du programme de cessions d'actifs immobiliers prévu dans le protocole de la première procédure de conciliation.
A l'ouverture de cette procédure, la société Orpea a invité les créanciers détenteurs de sa dette financière non sécurisée à s'organiser pour faciliter la conduite des discussions. Elle a présenté publiquement le 15 novembre 2022 à l'ensemble de ses créanciers un plan de refondation préparé par sa direction.
Elle a également discuté avec plusieurs investisseurs, dont la Caisse des dépôts, formant ensemble le « Groupement », des conditions dans lesquelles un apport de fonds propres de 1,3 milliards d'euros en numéraire pourrait être envisagé pour le financement d'une augmentation du capital.
Elle a aussi exploré avec le «Steerco », composé de cinq institutions financières représentant un groupe élargi de créanciers non sécurisés, les conditions dans lesquelles ces institutions pourraient convertir tout ou partie de leur dette en fonds propres. Ces négociations ont eu pour traduction la signature d'accords destinés à mettre en 'uvre la restructuration financière de la société Orpea.
Le 3 février 2023, un accord de principe a été conclu entre Orpea et le Groupement ainsi que les créanciers non sécurisés représentés par le SteerCo, en ligne avec le plan de refondation présenté le 15 novembre 2022, et prévoyant, en synthèse, d'une part, une augmentation du capital par apport en numéraire d'un montant total de 1,35 milliard d'euros souscrite par le Groupement, d'autre part, la capitalisation des dettes non sécurisées pour le montant de 3,8 milliards, ainsi qu'une garantie d'une augmentation du capital en numéraire de 195 millions.
Le 14 février 2023, un accord dit de « lock-up » a été conclu cristallisant l'engagement des parties à soutenir et réaliser les opérations nécessaires à la mise en 'uvre de la restructuration de la société Orpea et notamment l'engagement pour les créanciers non sécurisés signataires de conserver leur dette moyennant le paiement d'une commission d'adhésion.
Cet accord prévoyait les modalités de la mise en 'uvre de la restructuration de la société Orpea dans le cadre d'une procédure de sauvegarde accélérée prochainement ouverte devant le tribunal de commerce de Nanterre. Les créanciers signataires de cet accord s'engageaient à soutenir les opérations de restructuration financière telles que prévues dans l'accord de principe, notamment à ne pas s'opposer au plan arrêté. En échange, la société Orpea s'engageait à leur verser des contreparties prenant différentes formes (émissions de bon de souscription d'actions de la société, commission de coordination) et l'accord prévoyait des rémunérations pour les créanciers non-sécurisés qui adhéreraient à l'accord.
Par acte du 2 mars 2023, les sociétés 1)Whitebox Advisors London LLP (société de droit anglais), 2)Whitebox Multi-Strategy Partners L.P (société de droit des Iles Caïman), 3)Whitebox Relative Value Partners L.P (société de droit des Iles Caïman), 4)Pandora Select Partners L.P (société de droit des Iles Caïman), 5)Whitebox GT Fund L.P ( société de droit du Delaware), 6) Kyma Capital Limited (société de droit anglais), 7) LMR Multi-Strategy Master Fund Limited (société de droit des Iles Caïman) , 8)LMR CCSA Master Fund Limited (société de droit des Iles Caïman), 9)FCOF V UB Investements L.P (société de droit des Iles Caïman), 10) FCOCF V Europe UB Securities M.[M] [T] (société de droit irlandais), 11) FCCD DAC (société de droit irlandais), 12) Drawbridge Special Opportunities Fund L.P ( société de droit américain), sociétés d'investissement étrangères, créancières de la société Orpea, non-parties aux accords, l'ont assignée devant le tribunal de commerce de Paris pour faire annuler l'accord de Lock-up en ce qu'il comporterait des stipulations illicites affectant son économie générale.
Par jugement du 24 mars 2023, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de sauvegarde accélérée à l'égard de la société Orpea.
Les administrateurs judiciaires ont constitué les classes de parties affectées appelées à voter sur le plan de sauvegarde et ont communiqué le plan sur lequel devait intervenir le vote des classes de parties affectées. Le plan de sauvegarde a été approuvé par une majorité des classes de parties affectées sans pour autant, obtenir l'approbation de toutes les classes dans les conditions de majorité requise, de sorte que la société Orpéa a, le 11 juin 2023, demandé au tribunal d'arrêter le plan de sauvegarde par voie d'application forcée interclasse sur le fondement de l'article L626-32 du code de commerce.
Par jugement du 24 juillet 2023, le tribunal de commerce de Nanterre a rejeté le recours formé par 12 sociétés (les 12 sociétés appelantes dans la présente instance) et a arrêté le plan de sauvegarde de la société Orpea par application forcée interclasse conformément à l'article L. 626-32 du code de commerce. Par arrêt du 30 janvier 2024, la cour d'appel de Versailles a confirmé en toutes ses dispositions le jugement arrêtant le plan de sauvegarde. Un pourvoi a été formé à l'encontre de cet arrêt.
Le 25 juin 2024, l'assemblée générale de la société Orpea a voté la modification de l'article 3 de ses statuts afin de changer de dénomination sociale pour devenir 'Emeis'.
Par jugement du 4 juin 2024, le tribunal de commerce de Paris, statuant sur l'action engagée par les 12 sociétés d'investissement étrangères, a:
dit l'exception d'incompétence du tribunal de commerce de Paris recevable « mais infondée »,
s'est déclaré incompétent,
renvoyé les demanderesses à l'instance à mieux se pourvoir,
débouté les demanderesses à l'exception d'incompétence de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
condamné solidairement chacune des demanderesses à payer à la société Orpea la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné solidairement chacune des demanderesses à payer à la Caisse des dépôts et consignation la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au présent dispositif,
condamné solidairement les demanderesses aux dépens de l'instance.
Par déclaration du 22 août 2024, les sociétés Whitebox Advisors London LLP, Whitebox Multi-Strategy Partners L.P, Whitebox Relative Value Partners L.P, Pandora Select Partners L.P, Whitebox GT Fund L.P, Kyma Capital Limited, LMR Multi-Strategy Master Fund Limited, LMR CCSA Master Fund Limited, FCOF V UB Investements L.P, FCOCF V Europe UB Securities DAC, FCCD DAC, Drawbridge Special Opportunities Fund L.P ont relevé appel du jugement du tribunal de commerce de Paris rendu le 4 juin 2024.
Autorisées par ordonnance du 23 août 2024, les sociétés appelantes ont, par actes des 6 septembre 2024 et 25 novembre 2024 fait assigner à jour fixe pour l'audience du 3 décembre 2024, la SA Emeis (anciennement dénommée Orpea), la Caisse des dépôts et consignations, la SELARL AJRS en la personne de Me [I], en qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde d'Orpea, la SELAS C.[Y], en la personne de Me [Y] en qualité de mandataire judiciaire d'Orpéa, la SCP BTSG² en la personne de Me [O] en qualité de mandataire judiciaire de la société Orpea.
Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 2 décembre 2024, les sociétés Whitebox Advisors London LLP, Whitebox Multi-Strategy Partners L.P, Whitebox Relative Value Partners L.P, Pandora Select Partners L.P, Whitebox GT Fund L.P, Kyma Capital Limited, LMR Multi-Strategy Master Fund Limited, LMR CCSA Master Fund Limited, FCOF V UB Investements L.P, FCOCF V Europe UB Securities DAC, FCCD DAC, Drawbridge Special Opportunities Fund L.P (ci-après les 'créanciers financiers non sécurisés') demandent à la cour de :
les déclarer recevables en leur appel et en l'ensemble de leurs demandes ;
confirmer le jugement du 4 juin 2024 en ce qu'il a débouté la Caisse des dépôts de ses demandes de condamnation au titre d'une amende civile et de dommages et intérêts pour recours abusif ;
infirmer le jugement pour le surplus et statuant à nouveau:
déclarer le tribunal de commerce de Paris compétent en application de l'article 42 du code de procédure civile, en conséquence,renvoyer l'affaire au tribunal de commerce de Paris, en application de l'article 86 du code de procédure civile ;
- en toute hypothèse, débouter la société Orpea et la Caisse des dépôts de leur demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamner in solidum les intimées à leur payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Et si la cour venait à considérer que la décision attaquée avait statué également sur le fond, il lui est demandé, en application de l'article 88 du code de procédure civile, de juger que l'accord de Lock-up comporte des stipulations illicites qui affectent son économie générale, prononcer la nullité de l'accord de Lock-up, condamner in solidum les intimées à payer à chacune d'entre elles la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamner in solidum les intimées aux entiers dépens.
Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 27 novembre 2024, la Caisse des dépôts et consignations demande à la cour de :
-à titre principal, déclarer irrecevable et en tout cas mal-fondé l'appel formé par les appelantes;
-à titre subsidiaire :
rectifier les erreurs et omissions matérielles contenues dans le jugement de la façon suivante :
remplacer le terme « infondée » par le terme « bien fondée » dans les motifs et dans le dispositif ;
ajouter la mention « au profit du tribunal de commerce de Nanterre » après les mentions « Se déclarera incompétent » dans les motifs et « Se déclare incompétent » dans le dispositif ;
remplacer les mentions « renverra les demanderesses à l'instance à mieux se pourvoir » dans les motifs et « renvoie les demanderesses à l'instance à mieux se pourvoir » dans le dispositif par les mentions suivantes : « renverra l'affaire devant le tribunal de commerce de Nanterre » dans les motifs et « renvoie l'affaire devant le tribunal de commerce de Nanterre » dans le dispositif ;
dire qu'il sera fait mention de cette rectification en marge de la minute du jugement et des expéditions qui seront délivrées, à la diligence du greffe ;
confirmer le jugement en toutes ses dispositions sous réserve de rectifier les seules erreurs matérielles précitées;
- en tout état de cause, débouter les appelantes de toutes demandes autres, plus amples ou contraires au présent dispositif,condamner solidairement les différentes parties appelantes à lui payer la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Me Eric Allerit, membre de la SARL Taze-Bernard Allerit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 8 novembre 2024, la société Emeis, anciennement dénommée Orpea, demande à la cour de :
à titre principal, déclarer irrecevable l'appel formé par les appelantes ;
à titre subsidiaire :
- rectifier les erreurs et omissions matérielles dans le jugement de la façon suivante :
remplacer le terme « infondée » par le terme « bien fondée » dans les motifs et dans le dispositif ;
ajouter la mention « au profit du tribunal de commerce de Nanterre » après les mentions « Se déclarera incompétent » dans les motifs et « Se déclare incompétent » dans le dispositif ;
remplacer les mentions « renverra les demanderesses à l'instance à mieux se pourvoir » dans les motifs et « renvoie les demanderesses à l'instance à mieux se pourvoir » dans le dispositif par les mentions suivantes : « renverra l'affaire devant le tribunal de commerce de Nanterre » dans les motifs et « renvoie l'affaire devant le tribunal de commerce de Nanterre » dans le dispositif ;
dire qu'il sera fait mention de cette rectification en marge de la minute du jugement et des expéditions qui seront délivrées, à la diligence du greffe ;
confirmer le jugement en toutes ses dispositions sous réserve de rectifier les seules erreurs matérielles qui y sont contenues;
- en tout état de cause, débouter les appelantes de toutes demandes autres, plus amples ou contraires au présent dispositif, condamner solidairement les appelantes au versement de la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d'appel.
La SELARL AJRS, en la personne de Maître [I], ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société Emeis,la SELARL C.[Y], en la personne de Maître [U] [Y], ès qualités de mandataire judiciaire de la société Emeis, et la SCP BTSG, en la personne de Maître [O], ès qualités de mandataire judiciaire de la société Emeis, toutes trois assignées à personne morale le 25 novembre 2024 n'ont pas constitué avocat.
Pour un plus ample exposé des demandes et moyens des parties, il est expressément renvoyé à leurs écritures.
SUR CE
- Sur la recevabilité de l'appel
La Caisse des dépôts et consignations ( la CDC) et la société Emeis, anciennement dénommée Orpéa, soulèvent l'irrecevabilité de l'appel. Elles font valoir que l'appel des décisions statuant exclusivement sur la compétence est soumis à la procédure à jour fixe régie par les articles 83 et suivants du code de procédure civile qui prescrivent des exigences strictes à peine d'irrecevabilité de l'appel et qu'en l'espèce, la déclaration d'appel du 22 août 2014, qui ne contient elle-même aucune motivation, indique que son appel « est motivé dans les conclusions jointes et faisant corps avec la présente déclaration', or, ces conclusions n'ont pas été jointes à ladite déclaration communiquée aux parties et n'ont été signifiées aux parties que le 3 septembre 2024.
Elles en déduisent que la déclaration d'appel adressée à la cour n'était pas motivée et que l'appel est en conséquence irrecevable.
Les sociétés appelantes répliquent qu'aucune irrecevabilité n'est encourue, la déclaration d'appel ayant bien été motivée dans un jeu de conclusions annexé à celle-ci, conformément à l'article 85 du code de procédure civile.
Il résulte de l'article 85 du code de procédure civile relatif à l'appel des jugements statuant sur la compétence sans se prononcer sur le fond du litige, qu'Outre les mentions prescrites selon le cas par les articles 901 ou 933, la déclaration d'appel précise qu'elle est dirigée contre un jugement statuant sur la compétence et doit, à peine d'irrecevabilité, être motivée, soit dans la déclaration elle-même, soit dans des conclusions jointes à cette déclaration ».
En l'espèce, si le corps de la déclaration d'appel ne comporte en lui-même aucune motivation, la déclaration indique in fine 'L'appel portant sur une décision statuant sur la compétence, il est motivé dans les conclusions jointes et faisant corps avec la présente déclaration.'
Il ressort de l'accusé réception produit en pièce 33, que la déclaration d'appel formée par voie électronique le 22 août 2024 était bien accompagnée des conclusions des appelantes, comportant une motivation particulièrement développée (70 pages).
Il s'ensuit que l'appel relevé par les 12 créanciers non sécurisés est conforme aux exigences de l'article 85 du code de procédure civile, et sera jugé en conséquence recevable.
- Sur la compétence
Liminairement sur l'existence d'une erreur matérielle:
Après avoir dit recevable l'exception soulevant l'incompétence du tribunal de commerce de Paris au profit du tribunal de commerce de Nanterre, le tribunal a jugé cette exception 'infondée' et s'est déclaré incompétent.
L'emploi du terme ' infondée' procéde à l'évidence d'une erreur matérielle, ainsi que le soutiennent les intimés, puisqu'il ressort sans ambiguïté de la motivation du jugement que le tribunal a considéré que le présent litige était né de la procédure de sauvegarde de la société Orpea et qu'il entrait incontestablement dans le champ de compétence du tribunal de la procédure tel que défini à l'article R.663-2 du code de commerce et surabondament que la question au fond du respect par l'accord de Lock-up du principe d'égalité des créanciers devra nécessairement s'apprécier au regard des principes et règles fondamentaux du droit des procédures collectives, qui renvoient aux dispositions relatives aux classes de parties affectées partageant une communauté d'intérêt suffisante au sein d'une même classe pour bénéficier d'une égalité de traitement proportionnelle à leur créance ou à leur droit, que les conditions de l'achat de vote de créanciers d'Orpéa appelés à se réunir au sein des classes de parties affectées ne pourront être jugées par le juge saisi qu'au regard des régles de la procédure collective et de la seule compétence du tribunal de la procédure collective, qu'ainsi le droit applicable aux demandes et prétentions des sociétés appelantes est consubstantiel à celui des procédures collectives, dont la mise en oeuvre est réservée d'ordre public au tribunal de la procédure collective.
Il ressort de ce qui précède que le tribunal a accueilli l'exception d'incompétence qui lui était soumise et a déclaré le tribunal de commerce de Paris incompétent au profit du tribunal de la procédure collective et que c'est à la suite d'une erreur de plume qu'il a dit l'exception 'infondée' au lieu de ' fondée'.
Le débat porte sur le point de savoir si le litige dont a été saisi le tribunal de commerce de Paris relève ou non du tribunal de la procédure collective, en l'occurrence du tribunal de commerce de Nanterre.
Pour soutenir la compétence du tribunal de commerce de Paris, les sociétés appelantes font valoir que les dispositions dérogatoires posées par l'article R 662-3 du code de commerce ne s'appliquent pas à une action en nullité d'un contrat conclu en dehors et antérieurement à l'ouverture de la procédure collective, que l'attraction de compétence du tribunal de la procédure collective est limitée dans le temps à la durée de la procédure collective, de sorte que ce principe ne peut pas s'appliquer à des actions engagées avant l'ouverture de la procédure collective et qu'en l'espèce, l'assignation aux fins de nullité de l'accord de Lock-up, délivrée le 2 mars 2023, est antérieure à l'ouverture de la procédure de sauvegarde accélérée de la société Orpea, le 24 mars 2023. A la date de l'asssignation seule une procédure de conciliation était en cours.
Elles ajoutent à ce critère de temporalité, que la prorogation de compétence au profit du tribunal de la procédure collective est limitée aux contestations nées de la procédure collective ou sur lesquelles cette procédure exerce une influence juridique, principe qui doit être interprété de manière stricte, de sorte qu'elle ne concerne que les actions prévues par le livre VI du code de commerce, qu'une action en nullité d'un acte contenant des stipulations illicites peut se concevoir en dehors du contexte d'une procédure collective puisqu'il s'agit d'une action de droit commun, la procédure collective n'ayant une influence juridique, que si la solution du litige dépend des règles de la procédure collective, et il appartient dans ce cas aux juges du fond d'indiquer en quoi la procédure collective exerce une influence juridique sur la solution même du litige.Elles affirment que le présent litige ne trouve pas sa source dans la réglementation particulière des procédures collectives en ce qu'il est un accord soumis au droit commun des contrats. Elles soutiennent que la solution du présent litige ne dépend pas des règles d'ordre public applicables aux procédures collectives et que l'ouverture de la procédure collective n'exerce pas d'influence sur l'action en nullité, que quand bien même les faits invoqués permettent, selon les intimés, de justifier du respect d'une des conditions requises pour l'ouverture d'une telle procédure, le juge de la procédure collective n'a pas une compétence exclusive pour en connaître, que la présente action ne tend pas à remettre en cause le plan de sauvegarde accéléré de la société Orpea, l'accord de Lock-up n'étant même pas mentionné dans le jugement ayant arrêté le plan de sauvegarde, de sorte qu'il n'aurait aucun rôle à jouer au stade de l'exécution du plan de sauvegarde accéléré.
Il est également fait valoir que la question de l'application de l'article R 662-3 du code de commerce à l'égard de l'action en nullité de l'accord de Lock-Up aurait déjà été tranchée par arrêt du 26 mars 2024 de la cour d'appel de Versailles, à l'occasion de la procédure de tierce-opposition formée contre le jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde accélérée de la société Orpea, dont il est déduit que le juge versaillais aurait imposé a fortiori d'exclure l'application de l'article R 662-3 du code de commerce et donc qu'il aurait été définitivement jugé que l'accord de Lock-Up est un contrat antérieur au jugement d'ouverture.
Il est enfin soutenu, quand bien même, l'affaire serait portée devant le tribunal de commerce de Nanterre, que la chambre des procédures collectives ne serait pas compétente pour en connaître, et que l'exception d'incompétence soulevée est une exception d'incompétence matérielle et non territoriale, de sorte que c'est bien un renvoi devant cette chambre qui a été demandé. Il en est déduit que si l'exception d'incompétence soulevée par les intimées devait prospérer, alors le juge de la faillite considérerait nécessairement que la demande portant sur la validité d'un contrat, et les éventuelles demandes indemnitaires qui découleraient d'une annulation de ce contrat, dépasseraient d'évidence son office juridictionnel.
La société Emeis et la CDC soutiennent la compétence du tribunal de commerce de Nanterre, tant en vertu de l'article R.662-3 du code de commerce que de la clause attributive de juridiction figurant dans le contrat.
Elles font valoir que:
- le tribunal qui a ouvert une procédure collective à l'encontre d'un débiteur dispose d'une compétence exclusive pour connaître de toutes les contestations qui concernent ou sont en lien avec cette procédure collective, que l'accord de Lock-up est un accord spécifique issu de la pratique récente du droit des procédures collectives qui permet aux sociétés de taille importante d'obtenir le soutien et l'adhésion de leurs créanciers au projet de plan envisagé par elle en vue de la mise en 'uvre d'une procédure de sauvegarde accélérée, les articles L. 628-1 et R.628-2 du code de commerce subordonnant désormais l'ouverture d'une telle procédure à la preuve d'un soutien suffisamment large des parties affectées par le projet de plan;
- en l'espèce, l'accord de Lock-up et toute contestation sur sa validité sont indissociables de la procédure de sauvegarde accélérée ouverte à l'égard de la société Orpea, en ce qu'il n'a été conclu qu'aux fins de permettre l'ouverture de la procédure accélérée afin de faciliter la mise en 'uvre de la restructuration financière de la société, que les termes de l'accord sont en eux-mêmes explicites à cet égard, et que c'est en considération de l'existence de cet accord de Lock-up et de son contenu que le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert la procédure de sauvegarde accélérée à l'égard de la société Orpea, que les appelantes ont d'ailleurs intimé les organes de la procédure collective ce qui démontre bien que l'action en nullité de l'accord de Lock-up concerne la procédure de sauvegarde accélérée.
- l'action en nullité de l'accord de Lock-up affecte directement la procédure de sauvegarde accélérée en ce qu'elle vise à remettre en cause l'une des conditions légales exigées pour l'ouverture même de cette procédure et les modalités de la restructuration.
- l'article R.662-3 du code de commerce est très large puisqu'il vise 'tout ce qui concerne' la procédure collective, qu'une cohérence des décisions est indispensable au regard des enjeux massifs liés à la restructuration de la société Orpéa et impose la concentration des litiges devant le tribunal de la procédure collective, tel que prévu dans l'accord de Lock-Up, sans que des tiers au contrat ne puissent déjouer cette attribution de compétence à des fins opportunistes.
- l'exception d'incompétence formée au visa de l'article R.663-2 du code de commerce est exorbitante du droit commun, de sorte qu'elle peut aussi bien prendre la forme d'une exception d'incompétence matérielle que territoriale, et donne le pouvoir au tribunal de la procédure collective de trancher tout litige qui concerne la procédure, qu'aucun déni de justice n'est susceptible d'être commis puisque le tribunal de commerce de Nanterre, pris en qualité de tribunal de la procédure collective, peut statuer sur l'action en nullité de l'accord de Lock-up,
- la circonstance que l'action en nullité de l'accord de Lock-Up a été initiée antérieurement à l'ouverture de la procédure de sauvegarde accélérée est sans impact sur la compétence exclusive du tribunal de la procédure collective dès lors que l'influence de la procédure collective est établie.
La société Emeis et la CDC invoquent par ailleurs la clause attributive de juridiction figurant dans l'accord de Lock-up qui confère en son article 29.3 une compétence exclusive au tribunal de commerce de Nanterre, arguant que cette clause est opposable aux tiers en ce qu'il ne peut être admis qu'une partie à l'accord de Lock-up qui souhaiterait introduire la même action en nullité soit contrainte de porter son action devant le seul tribunal de commerce de Nanterre, en application de la clause attributive de juridiction, alors que les tiers à l'accord pourraient décider de saisir une autre juridiction que celle-là en application des règles de droit commun de compétence territoriale.
Sur ce la cour,
L'article R.662-3 du code de commerce dispose que «Sans préjudice des pouvoirs attribués en premier ressort au juge-commissaire, le tribunal saisi d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire connaît de tout ce qui concerne la sauvegarde, le redressement et la liquidation judiciaires, l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, la faillite personnelle ou l'interdiction prévue à l'article L.653-8, à l'exception des actions en responsabilité civile exercées à l'encontre de l'administrateur, du mandataire judiciaire, du commissaire à l'exécution du plan ou du liquidateur qui sont de la compétence du tribunal judiciaire »
Ces dispositions d'ordre public dérogatoires du droit commun attribuent ainsi compétence au tribunal de la procédure collective pour connaitre des contestations nées de la procédure collective ou sur lesquelles cette procédure exerce une influence juridique.
Le 2 mars 2023, soit 22 jours avant l'ouverture de la procédure de sauvegarde accélérée de la société Orpéa (devenue Emeis) par le tribunal de commerce de Nanterre le 24 mars 2025, douze sociétés (les sociétés appelantes) ont saisi le tribunal de commerce de Paris d'une action en nullité de l'accord de Lock-up qui avait été signé le 14 février 2023 par la SA Orpea, les Membres du Groupement (CDC, CNP Assurance, MAIF, MACSF Epargne Retraite), les Créanciers non sécurisés du SteerCo (= les créanciers financiers non sécurisés soutenant l'Accord de Principe, à savoir Anchorage, Boussard &Gavaudan, Carmignac, Eiffel Invesment Group, Schelcher Prince Gestion) et Kroll Issuer Services Limited en qualité d'agent de calcul.
Cet accord de lock-up fait suite à l'Accord de Principe qui avait été conclu le 3 février 2023, entre la société Orpea, les membres du groupement et les créanciers financiers non sécurisés (les créanciers regroupés dans le SteerCo) en vue de la restructuration financière d'Orpea, et qui devait être complété par une documentation contractuelle dont un Accord de Lock-up alors en cours de finalisation.
Le préambule de cet accord stipule que ' ( D) Les Parties ont convenu de conclure l'Accord de Lock-Up afin de faciliter la mise en oeuvre et le déroulement de la Restructuration financière', cette restructuration étant entendue comme celle décrite dans l'Accord de Principe qui définit les principaux termes relatifs à la restructuration financière, impliquant entre autres (i) la conversion en capital de l'intégralité de la Dette Non Sécurisée d'Orpéa, (ii) l'injection de nouveaux fonds dans la société via la mise en place de la Dette New Money et de nouveaux fonds propres et (iii) la modification du Contrat de Crédit de juin 2022, qui sera mise en oeuvre dans le cadre de la Procédure de Sauvegarde Accélérée ouverte aux seules fins de mettre en oeuvre et/ou réaliser la Restructuration Financière.'
L'accord de Lock-up définit:
- 'la Restructuration Financière' comme désignant la restructuration financière d'Orpéa qui sera mise en oeuvre dans le cadre de la procédure de sauvegarde accélérée,
- la 'Procédure de Sauvegarde Accélérée' comme la procédure à l'égard d'Orpea SA, régie par les articles L.628-1 à L 628-10 du code de commerce, aux seules fins de mettre en oeuvre et/ou de réaliser la Restructuration Financière.
Le communiqué de presse du 23 février 2023, à destination du marché, indique que la procédure de conciliation de la société Orpea, d'une durée initiale de 4 mois, a été prolongée pour 3 mois soit jusqu'au 25 mars 2023 afin de permettre à la société Orpea de poursuivre l'élargissement du soutien des créanciers financiers non sécurisés qui n'avaient pas encore pu adhérer à l'accord de Lock-up signé le 14 février 2023, la société envisageant de présenter dans le délai de 3 mois une requête en ouverture de procédure de sauvegarde accélérée et que le processus d'adhésion à l'accord de Lock-up en cours vise à obtenir d'ici l'ouverture de la procédure de sauvegarde accélérée le soutien d'un maximum de créanciers non sécurisés d'Orpea, toutes précisions étant apportées pour permettre aux créanciers non sécurisés de rejoindre l'accord de Lock-up.
L'ensemble des créanciers non sécurisés d'Orpéa, autres que les membre du SteerCo, ont été invités à adhérer à l'accord de Lock-up en amont de l'ouverture de la sauvegarde afin de formaliser leur soutien au projet de restructuration d'Orpea.
Au 2 mars 2023, date de l'assignation de la société Orpea devant le tribunal de commerce de Paris par les 12 créanciers non sécurisés, l'imminence d'une demande d'ouverture d'une procédure de sauvegarde accélérée était donc connue de tous, la société Orpea s'efforçant dans cette perspective de recueillir en amont le maximum d'adhésion de ses créanciers.
Ainsi que le soutiennent les intimés, la signature de l'accord de Lock-up, constituait l'un des éléments nécessaires pour permettre l'ouverture d'une procédure de sauvegarde accélérée. En effet, l'article L628-1 du code de commerce, qui institue une procédure de sauvegarde accélérée, dispose que celle-ci est ouverte 'à la demande d'un débiteur engagé dans une procédure de conciliation qui justifie avoir élaboré un projet de plan tendant à assurer la pérennité de l'entreprise. Ce projet doit être susceptible de recueillir, de la part des parties affectées à l'égard desquelles l'ouverture de la procédure produira effet, un soutien suffisamment large pour rendre vraisemblable son adoption dans le délai prévu au premier alinéa de l'article L.628-8.'. L'article L628-8 du code de commerce prévoit que le tribunal arrête le plan dans les conditions prévues aux articles L.26-31 et L.626-32 dans un délai de deux mois à compter du jugement d'ouverture.
Ainsi, le débiteur qui entend pouvoir bénéficier d'une procédure de sauvegarde accélérée et qui doit à cet effet pouvoir justifier d'un projet de plan susceptible de recueillir un soutien suffisamment large de ses créanciers affectés, doit nécessairement, compte tenu du délai très court fixé par la loi pour arrêter le plan de sauvegarde, rechercher un accord avec ses créanciers en amont de la demande d'ouverture.
L'article 20 de l'accord précise bien que 'L'Accord de Lock-Up caractérise le soutien exigé par l'article L.628-1 du Code de commerce. Son objet est de permettre de recueillir un soutien suffisamment large le plus en amont possible comme l'exige cet article, avec un mécanisme incitatif de type ' early bird' pour les Participants conformément à l'Accord de Principe.
Il est ainsi clair que l'objectif de l'accord de Lock-up visait précisément à établir le soutien suffisamment large des créanciers de la société Orpea pour rendre vraisemblable l'adoption d'un plan de sauvegarde accélérée par les classes de parties effactées ou subsidiairement par application forcée interclasse.
L'article 12 de l'accord, intitulé 'Résiliation', en stipulant en son point 12.3 (d) que l'accord de Lock-up pourra être résilié avec effet immédiat à la discrétion du consentement unanime des Membres du Groupement créanciers si la procédure de sauvegarde accélérée n'est pas ouverte au plus tard le 24 mars 2023, confirme le lien de dépendance entre cet accord et la procédure de sauvegarde accélérée.
Le jugement du 24 mars 2023 a ouvert la procédure de sauvegarde accélérée en retenant qu'au vu des accords conclus par Orpéa et du rapport du cabinet Ledouble établissant la réunion des conditions d'adoption du plan de sauvegarde accélérée prévues aux articles L.626-31 et L.626-32 du code de commerce, le projet de plan était susceptible de recueillir, au sens du second alinéa de l'article L.628-1 du code de commerce, un soutien suffisamment large de la part des parties affectées à l'égard desquelles l'ouverture de la procédure produira effet, pour rendre vraisemblable l'adoption du plan dans le délai prévu au premier alinéa de l'article L.628-8 du code de commerce, en ce compris par voie d'application forcée interclasse. Pour faire ce constat, le tribunal a visé l'accord de Lock-up signé le 14 février 2023, qui recueillait au 10 mars 2023 le soutien de plus de 51% des créanciers financiers non sécurisés de la société Orpéa, le protocole d'accord conclu avec principaux partenaires bancaires privilégiés (les banque G6) et les accords bilatéraux obtenus avec les créanciers fiscaux et sociaux et que le projet de plan reposant sur ces accords devrait assurer la pérennité de la société Orpéa.
Ainsi, l'accord de Lock-Up s'il a été signé avant l'ouverture de la sauvegarde est bien né pour les besoins de cette procédure en vue de justifier des conditions d'ouverture, puis de permettre l'arrêté et l'exécution d'un plan qui est l'objectif de la procédure de sauvegarde accélérée.
Contrairement à ce que soutiennent les sociétés appelantes, la cour d'appel de Versaille, statuant dans le cadre de la tierce-opposition formée par des créanciers à l'encontre du jugement d'ouverture, n'a pas déjà jugé que le litige portant sur la nullité de l'accord de Lock-up relevait du tribunal de commerce de Paris. En effet, dans son arrêt du 26 mars 2024, confirmant l'irrecevabilité de la tierce-opposition formée à l'encontre du jugement ouvrant la sauvegarde accélérée de la société Orpea, la cour qui avait à apprécier le moyen pris de l'existence d'une fraude aux droits des créanciers fondée sur les dispositions illicites de l'accord de Lock-up, a simplement constaté concernant la validité de cet accord, que les sociétés appelantes avaient déjà saisi le tribunal de commerce de Paris de cette question et que la procédure étant pendante, il ne lui appartenait pas de se prononcer sur ce point. La cour d'appel de Versailles a en revanche écarté l'existence d'une fraude en relevant que les avantages octroyés dans le cadre de cet accord à savoir les commissions d'adhésion, la rémunération des membres du SteerCo et l'attribution de BSA étaient la contrepartie d'engagements pris par les créanciers venant au soutien du plan.
La circonstance que le tribunal de commerce de Paris a été saisi de l'action en nullité de l'accord de Lock-up quelques jours avant l'ouverture de la sauvegarde accélérée n'est pas de nature à écarter la compétence du tribunal de la procédure collective, dès lors que ces deux événéments se situent dans le même périmètre de temps et que l'existence de cet accord avait une incidence sur la procédure de sauvegarde.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit le tribunal de commerce de Paris incompétent, mais infirmé en ce qu'il a renvoyé les parties à mieux se pourvoir. Statuant à nouveau sur ce dernier point, la cour dira le tribunal de commerce de Paris incompétent au profit du tribunal de commerce de Nanterre et renverra l'affaire devant le tribunal de commerce de Nanterre.
- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné les sociétés demanderesses aux dépens, leur condamnation étant toutefois prononcée in solidum et non solidairement. Y ajoutant, la cour condamnera les sociétés appelantes dans les mêmes conditions aux dépens d'appel.
Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ni en première instance, ni à hauteur d'appel, le jugement étant infirmé en ce sens.
PAR CES MOTIFS
Déboute la société Emeis (anciennement Orpéa) et la Caisse des dépôts et consignations de leur demande tendant à voir juger l'appel irrecevable, dit en conséquence l'appel recevable,
Rectifie l'erreur matérielle affectant les motifs (page 15, avant dernier paragraphe) et la seconde ligne du dispositif du jugement en ce que le jugement a dit l'exception d'incompétence du tribunal de commerce de Paris recevable mais ' infondée', dit qu'il y a lieu de lui de lui substituer le terme ' fondée',
Dit qu'il sera fait mention de cette rectification en marge de la minute du jugement,
Confirme le jugement en ce qu'il a déclaré le tribunal de commerce de Paris incompétent, mais l'infirme en ce qu'il a renvoyé les parties à mieux se pourvoir, statuant à nouveau sur ce dernier point dit le tribunal de commerce de Paris incompétent au profit du tribunal de commerce de Nanterre et renvoie l'affaire devant le tribunal de commerce de Nanterre,
Confirme le jugement en ce qu'il a condamné les sociétés Whitebox Advisors London LLP, Whitebox Multi-Strategy Partners L.P, Whitebox Relative Value Partners L.P, Pandora Select Partners L.P, Whitebox GT Fund L.P, Kyma Capital Limited, LMR Multi-Strategy Master Fund Limited, LMR CCSA Master Fund Limited, FCOF V UB Investements L.P, FCOCF V Europe UB Securities DAC, FCCD DAC, Drawbridge Special Opportunities Fund L.P aux dépens, sauf à dire que cette condamnation n'est pas prononcée solidairement mais in solidum,
Y ajoutant condamne in solidum les sociétés Whitebox Advisors London LLP, Whitebox Multi-Strategy Partners L.P, Whitebox Relative Value Partners L.P, Pandora Select Partners L.P, Whitebox GT Fund L.P, Kyma Capital Limited, LMR Multi-Strategy Master Fund Limited, LMR CCSA Master Fund Limited, FCOF V UB Investements L.P, FCOCF V Europe UB Securities DAC, FCCD DAC, Drawbridge Special Opportunities Fund L.P aux dépens d'appel, avec distraction au profit de Me Eric Allerit, membre de la SARL Taze-Bernard Allerit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Infirme le jugement en ce qu'il a condamné les sociétés Whitebox Advisors London LLP, Whitebox Multi-Strategy Partners L.P, Whitebox Relative Value Partners L.P, Pandora Select Partners L.P, Whitebox GT Fund L.P, Kyma Capital Limited, LMR Multi-Strategy Master Fund Limited, LMR CCSA Master Fund Limited, FCOF V UB Investements L.P, FCOCF V Europe UB Securities DAC, FCCD DAC, Drawbridge Special Opportunities Fund L.P au paiement d'indemnités procédurales, et statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant, déboute toutes les parties de leurs demandes en paiement fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
Liselotte FENOUIL
Greffière
Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT
Présidente