CA Rouen, ch. civ. et com., 11 septembre 2025, n° 24/01528
ROUEN
Arrêt
Autre
N° RG 24/01528 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JURQ
COUR D'APPEL DE ROUEN
CH. CIVILE ET COMMERCIALE
ARRET DU 11 SEPTEMBRE 2025
DÉCISION DÉFÉRÉE :
2023004582
Tribunal de commerce de Rouen du 26 février 2024
APPELANTS :
Monsieur [P] [O]
[Adresse 1]
[Localité 6]
représenté et assisté par Me Gabriel KENGNE, avocat au barreau de ROUEN
Monsieur [D] [R]
[Adresse 2]
[Localité 7]
représenté et assisté par Me Gabriel KENGNE, avocat au barreau de ROUEN
INTIMEE :
S.A. CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL
[Adresse 4]
[Localité 5]
représentée et assistée par Me Philippe FOURDRIN de la SELARL PATRICE LEMIEGRE PHILIPPE FOURDRIN SUNA GUNEY ASSOCIÉS, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 15 mai 2025 sans opposition des avocats devant Mme MENARD-GOGIBU, conseillère, rapporteur.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Mme VANNIER, présidente de chambre
M. URBANO, conseiller
Mme MENARD-GOGIBU, conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme RIFFAULT, greffière
DEBATS :
A l'audience publique du 15 mai 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 11 septembre 2025.
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 11 septembre 2025, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme VANNIER, présidente de chambre et par Mme RIFFAULT, greffière.
*
* *
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Le 15 avril 2022, le Crédit Industriel et Commercial a consenti à la société L'Hyper [Localité 9] une offre de prêt professionnel de 230.000 euros, au taux nominal de 1,150% l'an, remboursable au moyen de 84 mensualités de 2.924,69 euros, assurance comprise, du 5 mai 2022 au 5 avril 2029.
Ce contrat de prêt a prévu le cautionnement solidaire de M. [P] [O], président de la société L'Hyper [Localité 9], à hauteur de 276.000 euros pour une durée de 108 mois et le cautionnement solidaire de M. [D] [R], associé de la société L'Hyper [Localité 9], à hauteur de 276.000 euros pour une durée de 108 mois. Un acte de cautionnement conforme a été établi le même jour.
Le 19 avril 2022, le Crédit Industriel et Commercial a consenti à la société L'Hyper [Localité 9], une offre de prêt professionnel de 170.000 euros, au taux nominal de 1,150% l'an, remboursable au moyen de 84 mensualités de 2.156,29 euros, assurance comprise, du 5 mai 2022 au 5 avril 2029.
Ce contrat de prêt a prévu le cautionnement solidaire de M. [P] [O] à hauteur de 204.000 euros pour une durée de 108 mois et le cautionnement solidaire de M. [D] [R], à hauteur de 204.000 euros pour une durée de 108 mois. Un acte de cautionnement conforme a été établi le même jour.
Par jugement du 1er février 2023, le tribunal de commerce de Bobigny a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société L'Hyper Mantes.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 février 2023, le Crédit Industriel et Commercial a déclaré sa créance entre les mains du mandataire judiciaire, à titre privilégié nanti pour la somme totale de 359.072,15 euros, outre intérêts.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 mars 2023, le Crédit Industriel et Commercial a rappelé à M. [P] [O] et à M. [D] [R] leurs engagements et les a mis en demeure de lui rembourser, en qualité de cautions solidaires de la société L'Hyper [Localité 9], la somme de 9.337,64 euros sous huitaine.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 avril 2023, le Crédit Industriel et Commercial a rappelé à M. [P] [O] et à M. [D] [R] leurs engagements et les a mis en demeure de lui rembourser, en sa qualité de cautions solidaires de la société L'Hyper [Localité 9], la somme de 359.182,26 euros sous huitaine.
Ces mises en demeure sont demeurées vaines, le Crédit Industriel et Commercial a fait assigner M. [P] [O] et M. [D] [R], en paiement par acte de commissaire de justice du 26 et 27 juin 2023.
Le 13 août 2023, la société L'Hyper [Localité 9] a été placée en liquidation judiciaire.
Par jugement du 26 février 2024, le tribunal de commerce de Rouen a :
- débouté le Crédit Industriel et Commercial de ses demandes envers Monsieur [P] [O] au titre du prêt n°000020448202 d'un montant de 230.000 euros à l'origine ;
- condamné Monsieur [D] [R], ès qualités de caution solidaire des engagements de la société l'Hyper [Localité 9], à payer à la société Crédit Industriel et Commercial, au titre du prêt n°000020448202 d'un montant de 230.000 euros à l'origine, la somme de 207.009,08 euros, arrêtée au 20 avril 2023, outre les intérêts au taux contractuel de 1,15 % l'an à compter du 21 avril 2023 ;
- condamné solidairement Monsieur [P] [O] et Monsieur [D] [R], en leur qualité de cautions solidaires des engagements de la société l'Hyper [Localité 9], à payer à la société Crédit Industriel et Commercial, au titre du prêt n°000020448204 d'un montant de 170.000 euros à l'origine, la somme de 152 173,18 euros, arrêtée au 20 avril 2023, outre les intérêts au taux contractuel de 1,15 % l'an à compter du 21 avril 2023 ;
- condamné solidairement Monsieur [P] [O] et Monsieur [D] [R] à payer à la société Crédit Industriel et Commercial la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné solidairement Monsieur [P] [O] et Monsieur [D] [R] aux dépens, dont les frais de greffe liquidés à la somme de 90,98 euros.
Monsieur [P] [O] et Monsieur [D] [R] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 25 avril 2024.
Le conseiller de la mise en état de la chambre civile et commerciale de la cour d'appel de Rouen a rendu une ordonnance le 12 décembre 2024, par laquelle il débouté la société Crédit Industriel et Commercial de sa demande de radiation de l'affaire.
EXPOSE DES PRETENTIONS
Vu les conclusions du 17 mars 2025 auxquelles il est renvoyé pour exposé des moyens et prétentions de Monsieur [P] [O] et Monsieur [D] [R] qui demandent à la cour de :
- débouter le Crédit Industriel et Commercial de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- infirmer la décision du tribunal de commerce de Rouen en date du 26 février 2024 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'elle a débouté le Crédit Industriel et Commercial de ses demandes envers Monsieur [P] [O] au titre du prêt n° 000020448202 d'un montant de 230.000 euros à l'origine.
Statuant à nouveau :
A titre principal :
- prononcer la nullité de l'acte de caution en date du 15 avril 2022 attribué à Monsieur [D] [R] ;
- prononcer la nullité des actes de caution en date du 21 avril 2022 attribué à Monsieur [D] [R] et Monsieur [P] [O].
En conséquence :
- débouter le Crédit Industriel et Commercial de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
A titre subsidiaire :
- prononcer la déchéance du droit du Crédit Industriel et Commercial contre Monsieur [R] et Monsieur [O] à hauteur du préjudice subi par le Crédit Industriel et Commercial.
En conséquence :
- débouter le Crédit Industriel et Commercial de l'ensemble de ses demandes, fins et
conclusions.
A titre infiniment subsidiaire :
- surseoir à statuer et désigner tel expert qu'il plaira à la cour avec les missions suivantes :
* convoquer les parties et examiner en leur présence le contrat de crédit, entre Crédit Industriel et Commercial et l'HYPER [Localité 9], daté du 15/04/2022 et le contrat de crédit, entre Crédit Industriel et Commercial et l'HYPER [Localité 9], daté du 21/04/2022 ;
* dire si les écritures manuscrites, les paraphes et les signatures sur ces documents sont ou ne sont pas de la main de Monsieur [P] [O] ;
* dire si les écritures manuscrites, les paraphes et les signatures sur ces documents sont ou ne sont pas de la main de Monsieur [D] [R]
* dire que l'expert pourra demander aux parties tous les documents qu'il estime nécessaire à l'accomplissement de sa mission et enjoindre aux parties de communiquer de tels documents de comparaison
* dire que l'expert pourra s'adjoindre le concours de tout sapiteur de son choix dans une autre spécialité que la sienne dans l'accomplissement de sa mission si besoin ;
* dire que l'expert effectuera sa mission conformément aux dispositions de l'article 263 et suivant du code de procédure ;
* dire qu'en cas de difficulté, il en sera à nouveau référé à Monsieur le juge de chargé du contrôle des expertises ;
* fixer le montant de la provision à consigner par moitié entre les parties dans un tel contexte ;
* mettre, en temps utiles, aux termes des opérations d'expertise, les parties en mesure de faire valoir leurs observations, qui seront annexés au rapport.
En tout état de cause :
- condamner le Crédit Industriel et Commercial à payer à Monsieur [P] [O] et à Monsieur [D] [R] chacun la somme de 4.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les conclusions du 6 février 2025 auxquelles il est renvoyé pour exposé des moyens et prétentions du Crédit Industriel et Commercial qui demande à la cour de:
- juger Messieurs [O] et [R] irrecevables et mal fondés en toutes leurs demandes, et les en débouter ;
- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :
* condamné Monsieur [D] [R], ès qualités de caution solidaire des engagements de la société l'Hyper [Localité 9], à payer à la société Crédit Industriel et Commercial, au titre du prêt n°000020448202 d'un montant de 230.000 euros à l'origine, la somme de 207.009,08 euros, arrêtée au 20 avril 2023, outre les intérêts au taux contractuel de 1,15 % l'an à compter du 21 avril 2023 ;
* condamné solidairement Monsieur [P] [O] et Monsieur [D] [R], en leur qualité de cautions solidaires des engagements de la société l'Hyper [Localité 9], à payer à la société Crédit Industriel et Commercial, au du prêt n°000020448204 d'un montant de 170.000 euros à l'origine, la somme de euros, arrêtée au 20 avril 2023, outre les intérêts au taux contractuel de 1,15 % l'an à compter du 21 avril 2023 ;
* condamné solidairement Monsieur [P] [O] et Monsieur [D] [R] à payer à la société Crédit Industriel et Commercial la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
* condamné solidairement Monsieur [P] [O] et Monsieur [D] [R] aux dépens, dont les frais de greffe liquidés à la somme de 90,98 euros ;
- juger le Crédit Industriel et Commercial recevable et bien fondée en son appel incident et y faisant droit ;
- infirmer la décision déférée en ce qu'elle a :
* débouté le Crédit Industriel et Commercial de ses demandes envers Monsieur [P] [O] au titre du prêt n°000020448202 d'un montant de 230.000 euros à l'origine.
En conséquence, et statuant à nouveau :
- juger Monsieur [P] [O] et Monsieur [D] [R] irrecevables et rejeter leurs demandes ;
- condamner solidairement Monsieur [P] [O] et Monsieur [D] [R], en leur qualité de cautions solidaire des engagements de la société L'HYPER [Localité 9], à payer au Crédit Industriel et Commercial les sommes suivantes :
* au titre du prêt n°00020448202 d'un montant de 230.000 euros à l'origine, la somme de 207.009,08 euros, arrêtée au 20 avril 2023, outre les intérêts au taux contractuel de 1,15 % l'an à compter du 21 avril 2023, au titre de son engagement de caution ;
* au titre du prêt n°00020448204 d'un montant de 170.000 euros à l'origine, la somme de 152.173,18 euros, arrêtée au 20 avril 2023, outre les intérêts au taux contractuel de 1,15 % l'an à compter du 21 avril 2023, au titre de son engagement de caution ;
- condamner solidairement Monsieur [P] [O] et Monsieur [D] [R] au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner solidairement Monsieur [P] [O] et Monsieur [D] [R] aux entiers dépens d'instance et d'appel.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 mai 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande de nullité des engagements de caution des 15 et 22 avril 2022
Moyens des parties
MM [O] et [R] soutiennent que :
* M.[O] a été hospitalisé à [Localité 10] du 10 avril 2022 au 16 avril 2022 et n'a repris ses activités que le 16 mai 2022 ;
* M.[O] n'a jamais écrit, et encore moins signé une quelconque mention concernant la caution du 15 avril 2022 établie à [Localité 14] dans le Val de Marne et il n'a pas non plus signé l'acte de prêt ; il conteste avoir écrit cette mention qui ne porte d'ailleurs aucune signature ; il n'a signé ni l'acte de prêt ni l'acte de caution du 21 avril 2022 et n'a écrit aucune mention ;
* M [R] n'a jamais écrit, et encore moins signé une quelconque mention concernant les cautions des 15 et 21 avril 2022 ; l'exemplaire produit par la banque porte une mention et une signature qui ne lui appartiennent pas ; il conteste également l'écriture ;
* ils démontrent par le rapport de Mme [B], graphologue, qu'ils ne sont pas à l'origine ni de l'écriture ni de la signature figurant sur les actes de prêts ;
* la banque est mal fondée à vouloir produire aux débats d'autres signatures provenant d'autres documents qu'ils contestent également ; l'analyse de l'experte a été minutieuse ;
* l'appel incident relève de la mauvaise foi de la banque ; le tribunal n'a fait que constater que le crédit du 15 avril 2022 ne portait pas la signature M. [O] et que de ce fait, il ne pouvait être tenu de rembourser un crédit que personne n'a signé.
La banque fait valoir que :
* les documents, choisis et triés par MM [O] et [R], ne justifient pas de leur thèse ; ils apposent des signatures et paraphes aux apparences très changeantes ; ils ne peuvent donc pas prétendre que les signatures apposées sur les actes de prêts ou d'engagement de caution ne seraient pas les leurs ; il est impossible de définir la signature type de l'un ou l'autre des appelants rendant ainsi vaine toute vérification d'écriture, expertise ou comparaison utile ;
* il résulte de la pratique répétée, et de toute évidence, délibérée, des appelants, de modification, d'altération et de déformation de leurs signatures, paraphes et mentions manuscrites, qu'ils ont détourné le formalisme de protection dont ils se prévalent pour tenter de faire échec à la demande en paiement de la banque ; en raison de cette fraude, il ne peut être accordé à MM [O] et [R] le bénéfice des dispositions protectrices du code de la consommation.
Réponse de la cour
L'article 2297 du code civil dispose : « A peine de nullité de son engagement, la caution personne physique appose elle-même la mention qu'elle s'engage en qualité de caution à payer au créancier ce que lui doit le débiteur en cas de défaillance de celui-ci, dans la limite d'un montant en principal et accessoires exprimé en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, le cautionnement vaut pour la somme écrite en toutes lettres.
Si la caution est privée des bénéfices de discussion ou de division, elle reconnaît dans cette mention ne pouvoir exiger du créancier qu'il poursuive d'abord le débiteur ou qu'il divise ses poursuites entre les cautions. A défaut, elle conserve le droit de se prévaloir de ces bénéfices.
La personne physique qui donne mandat à autrui de se porter caution doit respecter les dispositions du présent article. »
Selon les dispositions de l'article 1367 du même code, « la signature nécessaire à la perfection d'un acte juridique identifie son auteur. Elle manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte.(...) »
Aux termes de l'article 1376 du même code : « L'acte sous signature privée par lequel une seule partie s'engage envers une autre à lui payer une somme d'argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s'il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, l'acte sous signature privée vaut preuve pour la somme écrite en toutes lettres. »
La fraude, s'entend, en matière civile ou commerciale, comme un acte réalisé en utilisant des moyens déloyaux destinés à surprendre un consentement, à obtenir un avantage matériel ou moral indu, ou réalisé avec l'intention d'échapper à l'application d'une loi impérative ou prohibitive.
La société Hyper [Localité 9] ayant pour activité une supérette de distribution alimentaire et non alimentaire a été immatriculée le 17 juin 2019. M.[O] en a été nommé président ainsi qu'il ressort des statuts de la société signés le 15 avril 2019. Les souscripteurs du capital social de 20 000 euros sont M.[O] et M.[R]. La société Hyper [Localité 9] a contracté deux prêts de 230 000 euros et 170 000 euros selon contrats datés des 15 avril et 21 avril 2022, les dites sommes ayant été libérées en totalité entre les 19 avril et 5 mai 2022 ce que MM [O] et [R] ne discutent pas Ces prêts ont été souscrits aux fins d'achat de vitrines réfrigérantes, de luminaires de divers matériels et pour financer un complément de besoin en fonds de roulement.
Les deux contrats de prêts contiennent les engagements de caution de M.[R] et de M.[O] datés des 15 avril et 21 avril 2022.
Aux termes de l'article 1373 du code civil : « la partie à laquelle on l'oppose peut désavouer son écriture et sa signature. (...) ». Et en application des dispositions de l'article 287 du code de procédure civile, le juge vérifie l'écrit contesté à moins qu'il ne puisse statuer sans en tenir compte.
- Sur les engagements de caution attribués à M.[R] au titre des deux prêts
L'acte de prêt du 15 avril 2022 de la somme de 230 000 euros comporte une formule manuscrite d'engagement de caution à hauteur de 276 000 euros qui est datée du 15 avril 2022 et signée.
M.[R] déniant tant sa signature que son écriture portées dans cet acte, il convient d'en procéder à la vérification.
S'il soutient que l'experte amiable, Mme [B], graphologue, a conclu qu'il n'est pas à l'origine ni de l'écriture ni de la signature figurant sur l'acte querellé, il convient de relever que Mme [B] retient que les écritures manuscrites, les paraphes et la signature de M.[R] ne semblent pas être de la main de ce dernier. Elle n'exclut donc pas qu'il en soit l'auteur. Elle précise en outre qu'elle a disposé de peu de spécimens de comparaison réalisés de manière spontanée et contemporains au 15 avril 2022.
A hauteur d'appel, M.[R] ne produit aucun autre élément de comparaison et notamment d'écrit manuscrit spontané contemporain de l'acte querellé. Le seul écrit étudié par l'experte amiable consiste en deux procès-verbaux de réception de travaux datés d'avril et juin 2022 et qui contiennent peu de texte attribué à M.[R]. Ils sont insérés au rapport de l'experte amiable en format réduit ce qui ne permet pas quant au texte contenu de les retenir comme élément de comparaison utile.
De son côté la banque produit des documents portant la signature de M.[R] soit les statuts de la société Hyper Mantes signés le 15 avril 2019, le procès-verbal d'assemblée extraordinaire de cette même société du 21 octobre 2019, les statuts de la SCI I2M Pro signés le 26 août 2019. M.[R] n'expose pas en quoi il conteste ces documents régulièrement versés aux débats. La banque se réfère également aux signatures de M.[R] portées sur son passeport et sur sa carte nationale d'identité dont la validité ne peut pas être contestée.
La lecture des documents produits soit l'acte de prêt contenant l'engagement de caution de M.[R], les pièces d'identité de ce dernier, les éléments produits par la banque enseignent que la signature de M.[R] est changeante et n'est pas figée dans une seule graphie. Ainsi les signatures peuvent être des paraphes abstraits (pièces d'identité, statuts de la société I2M Pro, procès-verbaux de réception des travaux) ou présenter une graphie faisant apparaître le nom « [R] » (statuts de la société L'Hyper [Localité 9], le procès-verbal d'assemblée extraordinaire de ladite société). N'ont pas été soumis à l'analyse de Mme [B] ces derniers documents comportant à titre de signature le nom « [R] ». Or cette signature tout à fait lisible se retrouve sur l'acte d'engagement querellé.
Contrairement à ce que soutient M.[R], il ne peut pas être affirmé que les deux écritures portées dans les deux engagements de caution ne sont pas identiques. Mme [B] a retenu que les écritures du 15 avril 2022 sont en lettres cursives alors qu'elles sont en lettres typographiques dans l'écrit du 21 avril 2022 et elle note des similitudes dans les habitudes graphiques, les marges, la densité. L'écriture de M.[R] est changeante ainsi que le révèle la comparaison de ses signatures et selon l'experte amiable la signature apposée sur l'engagement du 15 avril 2022 présente des caractéristiques graphiques homogènes avec la mention portée de façon manuscrite dans ce même document.
Il s'ensuit qu'en dépit de ses dénégations, M.[R] ne s'expliquant pas sur la modification de sa signature sur ces différents documents, la cour estime que tant la mention manuscrite que la signature lui sont imputables.
L'acte de prêt du 21 avril 2022 de 170 000 euros comporte une formule manuscrite d'engagement de caution à hauteur de 204 000 euros qui est datée du 21 avril 2022 et signée. La signature qui y est portée est semblable à celle de l'acte du 15 avril 2022. Pour les motifs exposés plus haut, la cour estime que tant la mention manuscrite que la signature que M.[R] lui sont imputables.
La demande de nullité de ces engagements de caution sera rejetée et ceci sans qu'il soit nécessaire de recourir à une mesure d'expertise.
- Sur les engagements de caution attribués à M.[O] au titre des deux prêts
Si M.[O] soutient n'avoir repris ses activités que le 16 mai 2022, il n'en justifie pas, le bulletin d'hospitalisation au CHU de [Localité 10] ne concernant que la période du 10 au 16 avril 2022.
La signature de M.[O] est également changeante en comparant celle portée sur l'acte litigieux du 21 avril 2022 avec celle figurant sur le procès-verbal d'assemblée générale de la SCI du [Adresse 11] et sur l'acte de cession des parts sociales de cette SCI en mars 2019 ou encore avec celle portée sur le procès-verbal d'assemblée générale de la SCI Jenova et sur l'acte de cession de parts sociales de cette SCI en octobre 2020 et celle de sa carte nationale d'identité d'une graphie différente. En effet la signature de M.[O] est abstraite à l'exception de celle qui figure sur le PV d'assemblée générale de la SCI Jenova et sur l'acte de cession de parts sociales de cette société non étudiée par l'experte amiable. Il convient de relever que son tracé est encore différent entre janvier et mai 2022 c'est à dire entre le tracé analysé par Mme [B] tiré de la page 4 d'un contrat de location signé par M.[O] le 18 janvier 2022 et le tracé de la signature portée dans une lettre adressée par M.[O] à sa locataire le 18 mai 2022, ladite signature étant semblable à celle portée dans l'engagement de caution du 21 avril 2022. La signature querellée est également identique à celle portée dans le procès-verbal d'assemblée générale de la société Hyper [Localité 9] du 31 octobre 2019.
Si l'expert amiable retient que l'hypothèse selon laquelle la signature et l'écriture de l'engagement de caution du 21 avril 2022 soient de la main de M.[O] ne peut pas être soutenue et que l'hypothèse selon laquelle elles ne soient pas de sa main peut être soutenue, il s'agit seulement d'hypothèses. Et ainsi qu'indiqué au paragraphe précédent la banque a produit d'autres éléments de comparaison non analysés par Mme [B] qui ne lui ont pas été communiqués par M.[O] qui n'expose pas en quoi il les conteste alors qu'ils ont été régulièrement versés aux débats et qu'il s'agit de pièces afférentes à des sociétés qui le concernent. Il en ressort une graphie changeante sur laquelle M.[O] ne s'explique pas impliquant qu'elle l'est également dans les écritures de sorte que malgré ses dénégations la cour estime que tant la mention manuscrite que la signature que M.[O] lui sont imputables.
Il est constant que l'engagement de caution dans la limite de 276 000 euros au titre du prêt de 230 000 euros porte la date du 15 avril 2022 et mentionne comme lieu de sa rédaction [Localité 14] dans le département du Val de Marne où se situe l'agence du CIC. Or à cette date, M.[O] était hospitalisé au CHU de [Localité 10] depuis le 10 avril 2022 ainsi qu'il en justifie par un bulletin de situation du 16 avril 2022. Cependant il ne peut pas être exclu que le document ait été soumis à la signature de M.[O] sur son lieu d'hospitalisation ou qu'il ait été signé avant son hospitalisation. S' il ne porte pas la signature de M.[O] au pied de la mention manuscrite, il est constant que l'acte de prêt qui contient l'engagement de caution porte la signature de l'emprunteur soit celle de M.[O] représentant la société Hyper [Localité 9]. La double qualité en laquelle il intervenait ne nécessitait donc pas deux signatures, l'absence de signature de la caution sous la mention manuscrite n'étant pas une cause de nullité eu égard aux dispositions de l'article 2297 du Code civil précité. De surcroît l'acte de prêt contient la fiche patrimoniale de la caution qui porte la signature de M.[O] et qui mentionne qu'il est propriétaire d'un bien immobilier situé [Adresse 1] à [Localité 13] ce qui correspond à son adresse. M.[O] n'explique pas comment cette information qui lui est personnelle a été notée dans ce document autrement que par ses dires. S'il affirme ne pas avoir signé l'acte de prêt, M.[O] ne conteste pas pour autant le versement des fonds effectué entre le 19 et le 23 avril 2022 au profit de la société Hyper [Localité 9] pour un montant de 230 000 euros.
Pour ces motifs et ceux exposés plus haut au titre de la caution du 21 avril 2022, la cour estime que tant la mention manuscrite que la signature que M.[O] lui sont imputables.
La demande de nullité de ces engagements de caution sera rejetée et ceci sans qu'il soit nécessaire de recourir à une mesure d'expertise
Sur la disproportion des engagements de caution
Moyens des parties
MM [O] et [R] soutiennent que :
* ils n'ont jamais été mis en garde ; ils n'ont jamais rencontré le conseiller qui a octroyé les deux crédits importants à l'intervalle de moins d'une semaine, totalement disproportionnés à leurs revenus ;
* leur situation financière est difficile ; les engagements étaient disproportionnés à leurs revenus ; ils sont dans l'impossibilité de régler solidairement les sommes de
152 173,18 euros et de 207 009,08 euros ;
* le CIC reproche aux concluants de n'avoir pas versé le justificatif de leur situation aux débats ; or ils sont actuellement en situation de surendettement admis par la Banque de France ;
* la banque ne produit aucune fiche sur la situation des concluants, la banque doit être déchue de son droit à hauteur du préjudice subi.
La banque réplique que :
* MM [O] et [R] sont propriétaires de biens immobiliers ; ils ne versent aux débats aucun document probant justifiant de leur situation patrimoniale et de leurs revenus au jour de leurs engagements de caution en avril 2022 ; les documents sont incomplets, parfois illisibles et sans portée ;
* les patrimoines de chacun des appelants justifient du caractère adapté de l'engagement de la société L'Hyper [Localité 9] aux capacités financières de MM [O] et [R] en leur qualité de caution.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 2299 du code civil : « Le créancier professionnel est tenu de mettre en garde la caution personne physique lorsque l'engagement du débiteur principal est inadapté aux capacités financières de ce dernier.
A défaut, le créancier est déchu de son droit contre la caution à hauteur du préjudice subi par celle-ci. »
Aux termes de l'article 2300 du même code: « Si le cautionnement souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné aux revenus et au patrimoine de la caution, il est réduit au montant à hauteur duquel elle pouvait s'engager à cette date. »
La mise en garde de la caution par la banque porte sur l'inadaptation du crédit aux capacités financières du débiteur principal.
Pour invoquer le manquement d'un établissement de crédit à son obligation de mise en garde envers elle, la caution doit rapporter la preuve de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur débiteur principal.
MM. [O] et [R] font seulement valoir la disproportion des deux crédits à leurs revenus eu égard à leur importance sans évoquer les capacités financières de la société Hyper [Localité 9] lors de l'octroi desdits prêts, la preuve de leur inadaptation aux capacités financières de la société ne pouvant résulter de la seule procédure collective dont les motifs d'ouverture n'ont pas été exposés par les appelants qui n'ont au surplus produit aucun élément sur la situation financières de la société Hyper [Localité 9] de sorte que leur demande de déchéance de la banque de son droit contre les cautions sera rejetée.
La disproportion manifeste du cautionnement aux revenus et au patrimoine de la caution s'apprécie au jour de sa conclusion soit en la cause les 15 et 21 avril 2022.
Pour justifier de sa situation financière, M.[R] produit la déclaration des revenus perçus en 2023, un état des dettes établi le 3 septembre 2024 dans le cadre d'une procédure de surendettement, des bulletins de salaires 2024. Ces éléments ne sont pas contemporains de la date des engagements de caution et sont insuffisants pour faire la preuve de la disproportion manifeste alors que, d'une part, la banque produit un relevé de propriété qui fait ressortir que M.[R] est propriétaire d'un bien immobilier situé [Adresse 8], que, d'autre part, il est président de la SCI I2M Pro ainsi qu'indiqué dans les bulletins de salaire qu'il produit, sa date d'entrée étant fixée au 1er mars 2022 étant relevé que cette SCI a été créée en août 2019 au vu de ses statuts et qu'enfin M.[R] perçoit des revenus de capitaux mobiliers et fonciers qui se sont élevés en 2023 respectivement à 64 500 euros et à 2 565 euros.
Pour justifier de sa situation financière, M.[O] produit la déclaration des revenus perçus en 2023 et des relevés de situation de France Travail datant de 2024. Ces éléments ne sont pas contemporains de la date des engagements de caution et sont insuffisants pour faire la preuve de la disproportion manifeste alors que, d'une part, la banque produit un relevé de propriété qui fait ressortir que M.[O] est propriétaire d'un bien immobilier [Adresse 1] à [Localité 13] estimé à 220 000 euros dans la fiche patrimoniale jointe au contrat de prêt du 15 avril 2022, que, d'autre part, à cette date il était propriétaire d'un autre bien immobilier situé [Adresse 3] à [Localité 12] qu'il louait à madame [K] depuis le 18 janvier 2022 ainsi qu'il ressort du courrier qu'il lui a adressé en mai 2022.
Il s'ensuit que MM [O] et [R] sont défaillants dans l'administration de la preuve qui leur incombe du caractère disproportionné de leurs engagements de caution.
Compte tenu de ce qui précède le jugement sera confirmé en ses dispositions qui condamnent MM [O] et [R] et infirmé en ce qu'il a débouté la banque de sa demande contre M.[O] au titre de l'engagement de caution du 15 avril 2022.
Sur les demandes accessoires
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles. MM [O] et [R] étant les parties perdantes, elles seront condamnées aux dépens de l'appel et il serait inéquitable que la banque conserve la charge des frais exposés en marge des dépens. MM [O] et [R] seront condamnés in solidum à payer à la banque le Crédit Industriel et Commercial la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,
Déboute MM [O] et [R] de leur demande de nullité des engagements de cautions des 15 et 21 avril 2022,
Les déboute de leur demande de déchéance de la banque de son droit contre les cautions,
Confirme le jugement en ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté le Crédit Industriel et Commercial de ses demandes envers Monsieur [P] [O] au titre du prêt n°000020448202 d'un montant de 230.000 euros à l'origine et en ce qu'il a condamné Monsieur [D] [R], ès qualités de caution solidaire des engagements de la société l'Hyper [Localité 9], à payer à la société Crédit Industriel et Commercial, au titre du prêt n°000020448202 d'un montant de 230.000 euros à l'origine, la somme de 207.009,08 euros, arrêtée au 20 avril 2023, outre les intérêts au taux contractuel de 1,15 % l'an à compter du 21 avril 2023 ;
Statuant à nouveau,
Condamne solidairement Monsieur [P] [O] et Monsieur [D] [R] en leur qualité de cautions solidaires des engagements de la société l'Hyper [Localité 9], à payer à la société Crédit Industriel et Commercial, au titre du prêt n°000020448202 d'un montant de 230.000 euros à l'origine, la somme de 207.009,08 euros, arrêtée au 20 avril 2023, outre les intérêts au taux contractuel de 1,15 % l'an à compter du 21 avril 2023 ;
Y ajoutant,
Condamne Monsieur [P] [O] et Monsieur [D] [R] in solidum aux dépens d'appel.
Condamne Monsieur [P] [O] et Monsieur [D] [R] in solidum à payer à la société le Crédit Industriel et Commercial la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière, La présidente,
COUR D'APPEL DE ROUEN
CH. CIVILE ET COMMERCIALE
ARRET DU 11 SEPTEMBRE 2025
DÉCISION DÉFÉRÉE :
2023004582
Tribunal de commerce de Rouen du 26 février 2024
APPELANTS :
Monsieur [P] [O]
[Adresse 1]
[Localité 6]
représenté et assisté par Me Gabriel KENGNE, avocat au barreau de ROUEN
Monsieur [D] [R]
[Adresse 2]
[Localité 7]
représenté et assisté par Me Gabriel KENGNE, avocat au barreau de ROUEN
INTIMEE :
S.A. CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL
[Adresse 4]
[Localité 5]
représentée et assistée par Me Philippe FOURDRIN de la SELARL PATRICE LEMIEGRE PHILIPPE FOURDRIN SUNA GUNEY ASSOCIÉS, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 15 mai 2025 sans opposition des avocats devant Mme MENARD-GOGIBU, conseillère, rapporteur.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Mme VANNIER, présidente de chambre
M. URBANO, conseiller
Mme MENARD-GOGIBU, conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme RIFFAULT, greffière
DEBATS :
A l'audience publique du 15 mai 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 11 septembre 2025.
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 11 septembre 2025, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme VANNIER, présidente de chambre et par Mme RIFFAULT, greffière.
*
* *
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Le 15 avril 2022, le Crédit Industriel et Commercial a consenti à la société L'Hyper [Localité 9] une offre de prêt professionnel de 230.000 euros, au taux nominal de 1,150% l'an, remboursable au moyen de 84 mensualités de 2.924,69 euros, assurance comprise, du 5 mai 2022 au 5 avril 2029.
Ce contrat de prêt a prévu le cautionnement solidaire de M. [P] [O], président de la société L'Hyper [Localité 9], à hauteur de 276.000 euros pour une durée de 108 mois et le cautionnement solidaire de M. [D] [R], associé de la société L'Hyper [Localité 9], à hauteur de 276.000 euros pour une durée de 108 mois. Un acte de cautionnement conforme a été établi le même jour.
Le 19 avril 2022, le Crédit Industriel et Commercial a consenti à la société L'Hyper [Localité 9], une offre de prêt professionnel de 170.000 euros, au taux nominal de 1,150% l'an, remboursable au moyen de 84 mensualités de 2.156,29 euros, assurance comprise, du 5 mai 2022 au 5 avril 2029.
Ce contrat de prêt a prévu le cautionnement solidaire de M. [P] [O] à hauteur de 204.000 euros pour une durée de 108 mois et le cautionnement solidaire de M. [D] [R], à hauteur de 204.000 euros pour une durée de 108 mois. Un acte de cautionnement conforme a été établi le même jour.
Par jugement du 1er février 2023, le tribunal de commerce de Bobigny a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société L'Hyper Mantes.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 février 2023, le Crédit Industriel et Commercial a déclaré sa créance entre les mains du mandataire judiciaire, à titre privilégié nanti pour la somme totale de 359.072,15 euros, outre intérêts.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 mars 2023, le Crédit Industriel et Commercial a rappelé à M. [P] [O] et à M. [D] [R] leurs engagements et les a mis en demeure de lui rembourser, en qualité de cautions solidaires de la société L'Hyper [Localité 9], la somme de 9.337,64 euros sous huitaine.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 avril 2023, le Crédit Industriel et Commercial a rappelé à M. [P] [O] et à M. [D] [R] leurs engagements et les a mis en demeure de lui rembourser, en sa qualité de cautions solidaires de la société L'Hyper [Localité 9], la somme de 359.182,26 euros sous huitaine.
Ces mises en demeure sont demeurées vaines, le Crédit Industriel et Commercial a fait assigner M. [P] [O] et M. [D] [R], en paiement par acte de commissaire de justice du 26 et 27 juin 2023.
Le 13 août 2023, la société L'Hyper [Localité 9] a été placée en liquidation judiciaire.
Par jugement du 26 février 2024, le tribunal de commerce de Rouen a :
- débouté le Crédit Industriel et Commercial de ses demandes envers Monsieur [P] [O] au titre du prêt n°000020448202 d'un montant de 230.000 euros à l'origine ;
- condamné Monsieur [D] [R], ès qualités de caution solidaire des engagements de la société l'Hyper [Localité 9], à payer à la société Crédit Industriel et Commercial, au titre du prêt n°000020448202 d'un montant de 230.000 euros à l'origine, la somme de 207.009,08 euros, arrêtée au 20 avril 2023, outre les intérêts au taux contractuel de 1,15 % l'an à compter du 21 avril 2023 ;
- condamné solidairement Monsieur [P] [O] et Monsieur [D] [R], en leur qualité de cautions solidaires des engagements de la société l'Hyper [Localité 9], à payer à la société Crédit Industriel et Commercial, au titre du prêt n°000020448204 d'un montant de 170.000 euros à l'origine, la somme de 152 173,18 euros, arrêtée au 20 avril 2023, outre les intérêts au taux contractuel de 1,15 % l'an à compter du 21 avril 2023 ;
- condamné solidairement Monsieur [P] [O] et Monsieur [D] [R] à payer à la société Crédit Industriel et Commercial la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné solidairement Monsieur [P] [O] et Monsieur [D] [R] aux dépens, dont les frais de greffe liquidés à la somme de 90,98 euros.
Monsieur [P] [O] et Monsieur [D] [R] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 25 avril 2024.
Le conseiller de la mise en état de la chambre civile et commerciale de la cour d'appel de Rouen a rendu une ordonnance le 12 décembre 2024, par laquelle il débouté la société Crédit Industriel et Commercial de sa demande de radiation de l'affaire.
EXPOSE DES PRETENTIONS
Vu les conclusions du 17 mars 2025 auxquelles il est renvoyé pour exposé des moyens et prétentions de Monsieur [P] [O] et Monsieur [D] [R] qui demandent à la cour de :
- débouter le Crédit Industriel et Commercial de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- infirmer la décision du tribunal de commerce de Rouen en date du 26 février 2024 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'elle a débouté le Crédit Industriel et Commercial de ses demandes envers Monsieur [P] [O] au titre du prêt n° 000020448202 d'un montant de 230.000 euros à l'origine.
Statuant à nouveau :
A titre principal :
- prononcer la nullité de l'acte de caution en date du 15 avril 2022 attribué à Monsieur [D] [R] ;
- prononcer la nullité des actes de caution en date du 21 avril 2022 attribué à Monsieur [D] [R] et Monsieur [P] [O].
En conséquence :
- débouter le Crédit Industriel et Commercial de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
A titre subsidiaire :
- prononcer la déchéance du droit du Crédit Industriel et Commercial contre Monsieur [R] et Monsieur [O] à hauteur du préjudice subi par le Crédit Industriel et Commercial.
En conséquence :
- débouter le Crédit Industriel et Commercial de l'ensemble de ses demandes, fins et
conclusions.
A titre infiniment subsidiaire :
- surseoir à statuer et désigner tel expert qu'il plaira à la cour avec les missions suivantes :
* convoquer les parties et examiner en leur présence le contrat de crédit, entre Crédit Industriel et Commercial et l'HYPER [Localité 9], daté du 15/04/2022 et le contrat de crédit, entre Crédit Industriel et Commercial et l'HYPER [Localité 9], daté du 21/04/2022 ;
* dire si les écritures manuscrites, les paraphes et les signatures sur ces documents sont ou ne sont pas de la main de Monsieur [P] [O] ;
* dire si les écritures manuscrites, les paraphes et les signatures sur ces documents sont ou ne sont pas de la main de Monsieur [D] [R]
* dire que l'expert pourra demander aux parties tous les documents qu'il estime nécessaire à l'accomplissement de sa mission et enjoindre aux parties de communiquer de tels documents de comparaison
* dire que l'expert pourra s'adjoindre le concours de tout sapiteur de son choix dans une autre spécialité que la sienne dans l'accomplissement de sa mission si besoin ;
* dire que l'expert effectuera sa mission conformément aux dispositions de l'article 263 et suivant du code de procédure ;
* dire qu'en cas de difficulté, il en sera à nouveau référé à Monsieur le juge de chargé du contrôle des expertises ;
* fixer le montant de la provision à consigner par moitié entre les parties dans un tel contexte ;
* mettre, en temps utiles, aux termes des opérations d'expertise, les parties en mesure de faire valoir leurs observations, qui seront annexés au rapport.
En tout état de cause :
- condamner le Crédit Industriel et Commercial à payer à Monsieur [P] [O] et à Monsieur [D] [R] chacun la somme de 4.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les conclusions du 6 février 2025 auxquelles il est renvoyé pour exposé des moyens et prétentions du Crédit Industriel et Commercial qui demande à la cour de:
- juger Messieurs [O] et [R] irrecevables et mal fondés en toutes leurs demandes, et les en débouter ;
- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :
* condamné Monsieur [D] [R], ès qualités de caution solidaire des engagements de la société l'Hyper [Localité 9], à payer à la société Crédit Industriel et Commercial, au titre du prêt n°000020448202 d'un montant de 230.000 euros à l'origine, la somme de 207.009,08 euros, arrêtée au 20 avril 2023, outre les intérêts au taux contractuel de 1,15 % l'an à compter du 21 avril 2023 ;
* condamné solidairement Monsieur [P] [O] et Monsieur [D] [R], en leur qualité de cautions solidaires des engagements de la société l'Hyper [Localité 9], à payer à la société Crédit Industriel et Commercial, au du prêt n°000020448204 d'un montant de 170.000 euros à l'origine, la somme de euros, arrêtée au 20 avril 2023, outre les intérêts au taux contractuel de 1,15 % l'an à compter du 21 avril 2023 ;
* condamné solidairement Monsieur [P] [O] et Monsieur [D] [R] à payer à la société Crédit Industriel et Commercial la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
* condamné solidairement Monsieur [P] [O] et Monsieur [D] [R] aux dépens, dont les frais de greffe liquidés à la somme de 90,98 euros ;
- juger le Crédit Industriel et Commercial recevable et bien fondée en son appel incident et y faisant droit ;
- infirmer la décision déférée en ce qu'elle a :
* débouté le Crédit Industriel et Commercial de ses demandes envers Monsieur [P] [O] au titre du prêt n°000020448202 d'un montant de 230.000 euros à l'origine.
En conséquence, et statuant à nouveau :
- juger Monsieur [P] [O] et Monsieur [D] [R] irrecevables et rejeter leurs demandes ;
- condamner solidairement Monsieur [P] [O] et Monsieur [D] [R], en leur qualité de cautions solidaire des engagements de la société L'HYPER [Localité 9], à payer au Crédit Industriel et Commercial les sommes suivantes :
* au titre du prêt n°00020448202 d'un montant de 230.000 euros à l'origine, la somme de 207.009,08 euros, arrêtée au 20 avril 2023, outre les intérêts au taux contractuel de 1,15 % l'an à compter du 21 avril 2023, au titre de son engagement de caution ;
* au titre du prêt n°00020448204 d'un montant de 170.000 euros à l'origine, la somme de 152.173,18 euros, arrêtée au 20 avril 2023, outre les intérêts au taux contractuel de 1,15 % l'an à compter du 21 avril 2023, au titre de son engagement de caution ;
- condamner solidairement Monsieur [P] [O] et Monsieur [D] [R] au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner solidairement Monsieur [P] [O] et Monsieur [D] [R] aux entiers dépens d'instance et d'appel.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 mai 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande de nullité des engagements de caution des 15 et 22 avril 2022
Moyens des parties
MM [O] et [R] soutiennent que :
* M.[O] a été hospitalisé à [Localité 10] du 10 avril 2022 au 16 avril 2022 et n'a repris ses activités que le 16 mai 2022 ;
* M.[O] n'a jamais écrit, et encore moins signé une quelconque mention concernant la caution du 15 avril 2022 établie à [Localité 14] dans le Val de Marne et il n'a pas non plus signé l'acte de prêt ; il conteste avoir écrit cette mention qui ne porte d'ailleurs aucune signature ; il n'a signé ni l'acte de prêt ni l'acte de caution du 21 avril 2022 et n'a écrit aucune mention ;
* M [R] n'a jamais écrit, et encore moins signé une quelconque mention concernant les cautions des 15 et 21 avril 2022 ; l'exemplaire produit par la banque porte une mention et une signature qui ne lui appartiennent pas ; il conteste également l'écriture ;
* ils démontrent par le rapport de Mme [B], graphologue, qu'ils ne sont pas à l'origine ni de l'écriture ni de la signature figurant sur les actes de prêts ;
* la banque est mal fondée à vouloir produire aux débats d'autres signatures provenant d'autres documents qu'ils contestent également ; l'analyse de l'experte a été minutieuse ;
* l'appel incident relève de la mauvaise foi de la banque ; le tribunal n'a fait que constater que le crédit du 15 avril 2022 ne portait pas la signature M. [O] et que de ce fait, il ne pouvait être tenu de rembourser un crédit que personne n'a signé.
La banque fait valoir que :
* les documents, choisis et triés par MM [O] et [R], ne justifient pas de leur thèse ; ils apposent des signatures et paraphes aux apparences très changeantes ; ils ne peuvent donc pas prétendre que les signatures apposées sur les actes de prêts ou d'engagement de caution ne seraient pas les leurs ; il est impossible de définir la signature type de l'un ou l'autre des appelants rendant ainsi vaine toute vérification d'écriture, expertise ou comparaison utile ;
* il résulte de la pratique répétée, et de toute évidence, délibérée, des appelants, de modification, d'altération et de déformation de leurs signatures, paraphes et mentions manuscrites, qu'ils ont détourné le formalisme de protection dont ils se prévalent pour tenter de faire échec à la demande en paiement de la banque ; en raison de cette fraude, il ne peut être accordé à MM [O] et [R] le bénéfice des dispositions protectrices du code de la consommation.
Réponse de la cour
L'article 2297 du code civil dispose : « A peine de nullité de son engagement, la caution personne physique appose elle-même la mention qu'elle s'engage en qualité de caution à payer au créancier ce que lui doit le débiteur en cas de défaillance de celui-ci, dans la limite d'un montant en principal et accessoires exprimé en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, le cautionnement vaut pour la somme écrite en toutes lettres.
Si la caution est privée des bénéfices de discussion ou de division, elle reconnaît dans cette mention ne pouvoir exiger du créancier qu'il poursuive d'abord le débiteur ou qu'il divise ses poursuites entre les cautions. A défaut, elle conserve le droit de se prévaloir de ces bénéfices.
La personne physique qui donne mandat à autrui de se porter caution doit respecter les dispositions du présent article. »
Selon les dispositions de l'article 1367 du même code, « la signature nécessaire à la perfection d'un acte juridique identifie son auteur. Elle manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte.(...) »
Aux termes de l'article 1376 du même code : « L'acte sous signature privée par lequel une seule partie s'engage envers une autre à lui payer une somme d'argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s'il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, l'acte sous signature privée vaut preuve pour la somme écrite en toutes lettres. »
La fraude, s'entend, en matière civile ou commerciale, comme un acte réalisé en utilisant des moyens déloyaux destinés à surprendre un consentement, à obtenir un avantage matériel ou moral indu, ou réalisé avec l'intention d'échapper à l'application d'une loi impérative ou prohibitive.
La société Hyper [Localité 9] ayant pour activité une supérette de distribution alimentaire et non alimentaire a été immatriculée le 17 juin 2019. M.[O] en a été nommé président ainsi qu'il ressort des statuts de la société signés le 15 avril 2019. Les souscripteurs du capital social de 20 000 euros sont M.[O] et M.[R]. La société Hyper [Localité 9] a contracté deux prêts de 230 000 euros et 170 000 euros selon contrats datés des 15 avril et 21 avril 2022, les dites sommes ayant été libérées en totalité entre les 19 avril et 5 mai 2022 ce que MM [O] et [R] ne discutent pas Ces prêts ont été souscrits aux fins d'achat de vitrines réfrigérantes, de luminaires de divers matériels et pour financer un complément de besoin en fonds de roulement.
Les deux contrats de prêts contiennent les engagements de caution de M.[R] et de M.[O] datés des 15 avril et 21 avril 2022.
Aux termes de l'article 1373 du code civil : « la partie à laquelle on l'oppose peut désavouer son écriture et sa signature. (...) ». Et en application des dispositions de l'article 287 du code de procédure civile, le juge vérifie l'écrit contesté à moins qu'il ne puisse statuer sans en tenir compte.
- Sur les engagements de caution attribués à M.[R] au titre des deux prêts
L'acte de prêt du 15 avril 2022 de la somme de 230 000 euros comporte une formule manuscrite d'engagement de caution à hauteur de 276 000 euros qui est datée du 15 avril 2022 et signée.
M.[R] déniant tant sa signature que son écriture portées dans cet acte, il convient d'en procéder à la vérification.
S'il soutient que l'experte amiable, Mme [B], graphologue, a conclu qu'il n'est pas à l'origine ni de l'écriture ni de la signature figurant sur l'acte querellé, il convient de relever que Mme [B] retient que les écritures manuscrites, les paraphes et la signature de M.[R] ne semblent pas être de la main de ce dernier. Elle n'exclut donc pas qu'il en soit l'auteur. Elle précise en outre qu'elle a disposé de peu de spécimens de comparaison réalisés de manière spontanée et contemporains au 15 avril 2022.
A hauteur d'appel, M.[R] ne produit aucun autre élément de comparaison et notamment d'écrit manuscrit spontané contemporain de l'acte querellé. Le seul écrit étudié par l'experte amiable consiste en deux procès-verbaux de réception de travaux datés d'avril et juin 2022 et qui contiennent peu de texte attribué à M.[R]. Ils sont insérés au rapport de l'experte amiable en format réduit ce qui ne permet pas quant au texte contenu de les retenir comme élément de comparaison utile.
De son côté la banque produit des documents portant la signature de M.[R] soit les statuts de la société Hyper Mantes signés le 15 avril 2019, le procès-verbal d'assemblée extraordinaire de cette même société du 21 octobre 2019, les statuts de la SCI I2M Pro signés le 26 août 2019. M.[R] n'expose pas en quoi il conteste ces documents régulièrement versés aux débats. La banque se réfère également aux signatures de M.[R] portées sur son passeport et sur sa carte nationale d'identité dont la validité ne peut pas être contestée.
La lecture des documents produits soit l'acte de prêt contenant l'engagement de caution de M.[R], les pièces d'identité de ce dernier, les éléments produits par la banque enseignent que la signature de M.[R] est changeante et n'est pas figée dans une seule graphie. Ainsi les signatures peuvent être des paraphes abstraits (pièces d'identité, statuts de la société I2M Pro, procès-verbaux de réception des travaux) ou présenter une graphie faisant apparaître le nom « [R] » (statuts de la société L'Hyper [Localité 9], le procès-verbal d'assemblée extraordinaire de ladite société). N'ont pas été soumis à l'analyse de Mme [B] ces derniers documents comportant à titre de signature le nom « [R] ». Or cette signature tout à fait lisible se retrouve sur l'acte d'engagement querellé.
Contrairement à ce que soutient M.[R], il ne peut pas être affirmé que les deux écritures portées dans les deux engagements de caution ne sont pas identiques. Mme [B] a retenu que les écritures du 15 avril 2022 sont en lettres cursives alors qu'elles sont en lettres typographiques dans l'écrit du 21 avril 2022 et elle note des similitudes dans les habitudes graphiques, les marges, la densité. L'écriture de M.[R] est changeante ainsi que le révèle la comparaison de ses signatures et selon l'experte amiable la signature apposée sur l'engagement du 15 avril 2022 présente des caractéristiques graphiques homogènes avec la mention portée de façon manuscrite dans ce même document.
Il s'ensuit qu'en dépit de ses dénégations, M.[R] ne s'expliquant pas sur la modification de sa signature sur ces différents documents, la cour estime que tant la mention manuscrite que la signature lui sont imputables.
L'acte de prêt du 21 avril 2022 de 170 000 euros comporte une formule manuscrite d'engagement de caution à hauteur de 204 000 euros qui est datée du 21 avril 2022 et signée. La signature qui y est portée est semblable à celle de l'acte du 15 avril 2022. Pour les motifs exposés plus haut, la cour estime que tant la mention manuscrite que la signature que M.[R] lui sont imputables.
La demande de nullité de ces engagements de caution sera rejetée et ceci sans qu'il soit nécessaire de recourir à une mesure d'expertise.
- Sur les engagements de caution attribués à M.[O] au titre des deux prêts
Si M.[O] soutient n'avoir repris ses activités que le 16 mai 2022, il n'en justifie pas, le bulletin d'hospitalisation au CHU de [Localité 10] ne concernant que la période du 10 au 16 avril 2022.
La signature de M.[O] est également changeante en comparant celle portée sur l'acte litigieux du 21 avril 2022 avec celle figurant sur le procès-verbal d'assemblée générale de la SCI du [Adresse 11] et sur l'acte de cession des parts sociales de cette SCI en mars 2019 ou encore avec celle portée sur le procès-verbal d'assemblée générale de la SCI Jenova et sur l'acte de cession de parts sociales de cette SCI en octobre 2020 et celle de sa carte nationale d'identité d'une graphie différente. En effet la signature de M.[O] est abstraite à l'exception de celle qui figure sur le PV d'assemblée générale de la SCI Jenova et sur l'acte de cession de parts sociales de cette société non étudiée par l'experte amiable. Il convient de relever que son tracé est encore différent entre janvier et mai 2022 c'est à dire entre le tracé analysé par Mme [B] tiré de la page 4 d'un contrat de location signé par M.[O] le 18 janvier 2022 et le tracé de la signature portée dans une lettre adressée par M.[O] à sa locataire le 18 mai 2022, ladite signature étant semblable à celle portée dans l'engagement de caution du 21 avril 2022. La signature querellée est également identique à celle portée dans le procès-verbal d'assemblée générale de la société Hyper [Localité 9] du 31 octobre 2019.
Si l'expert amiable retient que l'hypothèse selon laquelle la signature et l'écriture de l'engagement de caution du 21 avril 2022 soient de la main de M.[O] ne peut pas être soutenue et que l'hypothèse selon laquelle elles ne soient pas de sa main peut être soutenue, il s'agit seulement d'hypothèses. Et ainsi qu'indiqué au paragraphe précédent la banque a produit d'autres éléments de comparaison non analysés par Mme [B] qui ne lui ont pas été communiqués par M.[O] qui n'expose pas en quoi il les conteste alors qu'ils ont été régulièrement versés aux débats et qu'il s'agit de pièces afférentes à des sociétés qui le concernent. Il en ressort une graphie changeante sur laquelle M.[O] ne s'explique pas impliquant qu'elle l'est également dans les écritures de sorte que malgré ses dénégations la cour estime que tant la mention manuscrite que la signature que M.[O] lui sont imputables.
Il est constant que l'engagement de caution dans la limite de 276 000 euros au titre du prêt de 230 000 euros porte la date du 15 avril 2022 et mentionne comme lieu de sa rédaction [Localité 14] dans le département du Val de Marne où se situe l'agence du CIC. Or à cette date, M.[O] était hospitalisé au CHU de [Localité 10] depuis le 10 avril 2022 ainsi qu'il en justifie par un bulletin de situation du 16 avril 2022. Cependant il ne peut pas être exclu que le document ait été soumis à la signature de M.[O] sur son lieu d'hospitalisation ou qu'il ait été signé avant son hospitalisation. S' il ne porte pas la signature de M.[O] au pied de la mention manuscrite, il est constant que l'acte de prêt qui contient l'engagement de caution porte la signature de l'emprunteur soit celle de M.[O] représentant la société Hyper [Localité 9]. La double qualité en laquelle il intervenait ne nécessitait donc pas deux signatures, l'absence de signature de la caution sous la mention manuscrite n'étant pas une cause de nullité eu égard aux dispositions de l'article 2297 du Code civil précité. De surcroît l'acte de prêt contient la fiche patrimoniale de la caution qui porte la signature de M.[O] et qui mentionne qu'il est propriétaire d'un bien immobilier situé [Adresse 1] à [Localité 13] ce qui correspond à son adresse. M.[O] n'explique pas comment cette information qui lui est personnelle a été notée dans ce document autrement que par ses dires. S'il affirme ne pas avoir signé l'acte de prêt, M.[O] ne conteste pas pour autant le versement des fonds effectué entre le 19 et le 23 avril 2022 au profit de la société Hyper [Localité 9] pour un montant de 230 000 euros.
Pour ces motifs et ceux exposés plus haut au titre de la caution du 21 avril 2022, la cour estime que tant la mention manuscrite que la signature que M.[O] lui sont imputables.
La demande de nullité de ces engagements de caution sera rejetée et ceci sans qu'il soit nécessaire de recourir à une mesure d'expertise
Sur la disproportion des engagements de caution
Moyens des parties
MM [O] et [R] soutiennent que :
* ils n'ont jamais été mis en garde ; ils n'ont jamais rencontré le conseiller qui a octroyé les deux crédits importants à l'intervalle de moins d'une semaine, totalement disproportionnés à leurs revenus ;
* leur situation financière est difficile ; les engagements étaient disproportionnés à leurs revenus ; ils sont dans l'impossibilité de régler solidairement les sommes de
152 173,18 euros et de 207 009,08 euros ;
* le CIC reproche aux concluants de n'avoir pas versé le justificatif de leur situation aux débats ; or ils sont actuellement en situation de surendettement admis par la Banque de France ;
* la banque ne produit aucune fiche sur la situation des concluants, la banque doit être déchue de son droit à hauteur du préjudice subi.
La banque réplique que :
* MM [O] et [R] sont propriétaires de biens immobiliers ; ils ne versent aux débats aucun document probant justifiant de leur situation patrimoniale et de leurs revenus au jour de leurs engagements de caution en avril 2022 ; les documents sont incomplets, parfois illisibles et sans portée ;
* les patrimoines de chacun des appelants justifient du caractère adapté de l'engagement de la société L'Hyper [Localité 9] aux capacités financières de MM [O] et [R] en leur qualité de caution.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 2299 du code civil : « Le créancier professionnel est tenu de mettre en garde la caution personne physique lorsque l'engagement du débiteur principal est inadapté aux capacités financières de ce dernier.
A défaut, le créancier est déchu de son droit contre la caution à hauteur du préjudice subi par celle-ci. »
Aux termes de l'article 2300 du même code: « Si le cautionnement souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné aux revenus et au patrimoine de la caution, il est réduit au montant à hauteur duquel elle pouvait s'engager à cette date. »
La mise en garde de la caution par la banque porte sur l'inadaptation du crédit aux capacités financières du débiteur principal.
Pour invoquer le manquement d'un établissement de crédit à son obligation de mise en garde envers elle, la caution doit rapporter la preuve de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur débiteur principal.
MM. [O] et [R] font seulement valoir la disproportion des deux crédits à leurs revenus eu égard à leur importance sans évoquer les capacités financières de la société Hyper [Localité 9] lors de l'octroi desdits prêts, la preuve de leur inadaptation aux capacités financières de la société ne pouvant résulter de la seule procédure collective dont les motifs d'ouverture n'ont pas été exposés par les appelants qui n'ont au surplus produit aucun élément sur la situation financières de la société Hyper [Localité 9] de sorte que leur demande de déchéance de la banque de son droit contre les cautions sera rejetée.
La disproportion manifeste du cautionnement aux revenus et au patrimoine de la caution s'apprécie au jour de sa conclusion soit en la cause les 15 et 21 avril 2022.
Pour justifier de sa situation financière, M.[R] produit la déclaration des revenus perçus en 2023, un état des dettes établi le 3 septembre 2024 dans le cadre d'une procédure de surendettement, des bulletins de salaires 2024. Ces éléments ne sont pas contemporains de la date des engagements de caution et sont insuffisants pour faire la preuve de la disproportion manifeste alors que, d'une part, la banque produit un relevé de propriété qui fait ressortir que M.[R] est propriétaire d'un bien immobilier situé [Adresse 8], que, d'autre part, il est président de la SCI I2M Pro ainsi qu'indiqué dans les bulletins de salaire qu'il produit, sa date d'entrée étant fixée au 1er mars 2022 étant relevé que cette SCI a été créée en août 2019 au vu de ses statuts et qu'enfin M.[R] perçoit des revenus de capitaux mobiliers et fonciers qui se sont élevés en 2023 respectivement à 64 500 euros et à 2 565 euros.
Pour justifier de sa situation financière, M.[O] produit la déclaration des revenus perçus en 2023 et des relevés de situation de France Travail datant de 2024. Ces éléments ne sont pas contemporains de la date des engagements de caution et sont insuffisants pour faire la preuve de la disproportion manifeste alors que, d'une part, la banque produit un relevé de propriété qui fait ressortir que M.[O] est propriétaire d'un bien immobilier [Adresse 1] à [Localité 13] estimé à 220 000 euros dans la fiche patrimoniale jointe au contrat de prêt du 15 avril 2022, que, d'autre part, à cette date il était propriétaire d'un autre bien immobilier situé [Adresse 3] à [Localité 12] qu'il louait à madame [K] depuis le 18 janvier 2022 ainsi qu'il ressort du courrier qu'il lui a adressé en mai 2022.
Il s'ensuit que MM [O] et [R] sont défaillants dans l'administration de la preuve qui leur incombe du caractère disproportionné de leurs engagements de caution.
Compte tenu de ce qui précède le jugement sera confirmé en ses dispositions qui condamnent MM [O] et [R] et infirmé en ce qu'il a débouté la banque de sa demande contre M.[O] au titre de l'engagement de caution du 15 avril 2022.
Sur les demandes accessoires
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles. MM [O] et [R] étant les parties perdantes, elles seront condamnées aux dépens de l'appel et il serait inéquitable que la banque conserve la charge des frais exposés en marge des dépens. MM [O] et [R] seront condamnés in solidum à payer à la banque le Crédit Industriel et Commercial la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,
Déboute MM [O] et [R] de leur demande de nullité des engagements de cautions des 15 et 21 avril 2022,
Les déboute de leur demande de déchéance de la banque de son droit contre les cautions,
Confirme le jugement en ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté le Crédit Industriel et Commercial de ses demandes envers Monsieur [P] [O] au titre du prêt n°000020448202 d'un montant de 230.000 euros à l'origine et en ce qu'il a condamné Monsieur [D] [R], ès qualités de caution solidaire des engagements de la société l'Hyper [Localité 9], à payer à la société Crédit Industriel et Commercial, au titre du prêt n°000020448202 d'un montant de 230.000 euros à l'origine, la somme de 207.009,08 euros, arrêtée au 20 avril 2023, outre les intérêts au taux contractuel de 1,15 % l'an à compter du 21 avril 2023 ;
Statuant à nouveau,
Condamne solidairement Monsieur [P] [O] et Monsieur [D] [R] en leur qualité de cautions solidaires des engagements de la société l'Hyper [Localité 9], à payer à la société Crédit Industriel et Commercial, au titre du prêt n°000020448202 d'un montant de 230.000 euros à l'origine, la somme de 207.009,08 euros, arrêtée au 20 avril 2023, outre les intérêts au taux contractuel de 1,15 % l'an à compter du 21 avril 2023 ;
Y ajoutant,
Condamne Monsieur [P] [O] et Monsieur [D] [R] in solidum aux dépens d'appel.
Condamne Monsieur [P] [O] et Monsieur [D] [R] in solidum à payer à la société le Crédit Industriel et Commercial la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière, La présidente,