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Décisions

CA Rouen, ch. civ. et com., 11 septembre 2025, n° 24/01916

ROUEN

Arrêt

Autre

CA Rouen n° 24/01916

11 septembre 2025

N° RG 24/01916 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JVMY

COUR D'APPEL DE ROUEN

CH. CIVILE ET COMMERCIALE

ARRET DU 11 SEPTEMBRE 2025

DÉCISION DÉFÉRÉE :

2023005383

Tribunal de commerce de Rouen du 22 avril 2024

APPELANTE :

S.A.S. [25]

[Adresse 10]

[Localité 7]

représentée par Me Simon MOSQUET-LEVENEUR, avocat au barreau de ROUEN et assistée par Me Xavier HARANGER du PARTNERSHIPS MORGAN LEWIS & BOCKIUS UK LLP, avocat au barreau de PARIS, plaidant.

INTIMEES :

Madame [N] [A]

née le [Date naissance 4] 1948 à [Localité 19]

[Adresse 6]

[Localité 5]

représentée par Me Valérie GRAY de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de ROUEN et assistée par Me Virginie CAREL, avocat au barreau de ROUEN, plaidant.

S.A.S. [N] [A] [12]

[Adresse 6]

[Localité 5]

représentée par Me Valérie GRAY de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de ROUEN et assistée par Me Virginie CAREL, avocat au barreau de ROUEN, plaidant.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 29 Avril 2025 sans opposition des avocats devant Mme VANNIER, présidente de chambre, rapporteur.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme VANNIER, présidente de chambre

M. URBANO, conseiller

Mme MENARD-GOGIBU, conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme RIFFAULT, greffière

DEBATS :

A l'audience publique du 29 avril 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 03 juillet 2025 puis prorogé à ce jour.

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 11 septembre 2025, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Mme VANNIER, présidente de chambre et par Mme RIFFAULT, greffière.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La société [25] fondée le 30 septembre 2016 par l'associé unique [21] a pour objet l'importation et l'exportation de toutes marchandises et produits, matériaux et matériels ainsi que toutes opérations de transit, de transport et de manutention. Madame [N] [A] était associée de cette société jusqu'à son rachat par la société [23]. Elle a racheté le fonds de commerce en septembre 2016 à la société [24] ([25]), société gérée par Mme [N] [A].

La société [N] [A] [11] ([18]) exerce, quant à elle, une activité d'assistance commerciale.

Entre le 1er septembre 2016 et le 3 juin 2021, la société [25] a été présidée par la société [18] elle-même présidée par Mme [N] [A].

La société [18] a présenté sa démission.

Les parties s'opposant sur cette démission, la société [N] [A] [11] a alors saisi le président du tribunal de commerce de Rouen afin de faire désigner Maître [D] en qualité de mandataire ad hoc notamment pour assister la société [25] pour convoquer et tenir une assemblée générale ordinaire ayant pour objet de prendre acte de l'arrivée du terme du mandat de la société [N] [A] [11] le 1er septembre 2020, de désigner la société [21] en qualité de nouvelle présidente à compter rétroactivement du 1er septembre 2020, de constater que la société [N] [A] [11] est désormais délivrée de toute clause de non concurrence, le délai de 3 mois ayant expiré.

Le président du tribunal de commerce a rendu une ordonnance faisant droit à ces demandes le 9 avril 2021.

Aux termes du procès-verbal d'assemblée générale en date du 7 mai 2021 de la société [25] qui s'est tenue sous l'égide de Me [D], seule la quatrième résolution a été adoptée à savoir la nomination de la société [21] en qualité de présidente en remplacement de la société [18] .

La société [25] considérant que la société [18], Mme [N] [A] et d'autres anciens salariés avaient pu commettre des agissements à son détriment, a sollicité auprès du président du tribunal de commerce de Bernay l'autorisation de diligenter différentes mesures d'instruction in futurum.

Le président du tribunal de commerce de Bernay a fait droit partiellement à la requête par ordonnance du 22 avril 2021.

Dans le cadre de la procédure précitée, plusieurs procès-verbaux d'exécution de mesures d'instruction ont été dressés.

Par acte du 4 juin 2021, la société [18] et Mme [N] [A] ont diligenté une procédure en rétractation de l'ordonnance susvisée mais par décision du 28 octobre 2021, le juge saisi a rejeté cette demande et cette décision a été confirmée par la Cour d'Appel.

Uromar a sollicité le président du tribunal de commerce de Bernay afin qu'il ordonne notamment la mainlevée du séquestre.

La société [25] considérant que les mesures d'instruction diligentées avaient permis de confirmer les agissements frauduleux de [18] et de Mme [A], leur a adressé un courrier en recommandé avec accusé de réception du 12 juin 2023 reçu le 14 juin suivant afin d'obtenir la somme de 71 622 € au titre de la réparation de son dommage.

La société [N] [A] [11] et Mme [A] ont indiqué qu'elles ne déféreraient pas la mise en demeure.

Ainsi, par exploit en date du 19 juillet 2023, la société [25] a fait assigner la société [18] et Mme [N] [A] devant le tribunal de commerce de Rouen afin d'obtenir paiement des de diverses sommes dont celles de 38 622 € et 30 000€ outre intérêts au taux légal.

La société [18] et Mme [N] [A] ont sollicité le prononcé de la nullité de deux procès-verbaux dressés par les commissaires de justice ainsi que l'annulation des actes d'instructions et la restitution des documents et données recueillies et d'un téléphone, ont sollicité le débouté de la société [25] en toutes ses demandes et à titre subsidiaire, demandé que les parties soient renvoyées à conclure au fond.

Par jugement en date du 22 avril 2024, le tribunal de commerce de Rouen a :

- déclaré recevables les demandes formées par la société [N] [A] [11] et Madame [N] [A] ;

- prononcé la nullité du procès-verbal dressé par Me [Z] [I] de la société Carole Duparc et [Z] [I] en date des 4, 25, 26 et 27 mai 2021 ;

- prononcé la nullité du procès-verbal dressé par Me [Z] [I] de la société Carole Duparc et [Z] [I] en date des 19 et 30 novembre 2021 ;

- annulé l'ensemble des actes d'instruction effectués et ordonné la restitution de tous les documents et données recueillis, et notamment le téléphone à partir duquel Madame [A] a accès au [XXXXXXXX02] ;

- débouté la société [25] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

- dit qu'il n'y a pas lieu de se prononcer sur les autres demandes ;

- condamné la société [25] aux dépens, dont les frais de greffe liquidés à la somme de 90,98 euros.

La société [25] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 29 mai 2024.

EXPOSE DES PRETENTIONS

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 10 janvier 2025, la société [25] demande à la cour de :

A titre principal :

- infirmer le jugement en ses dispositions suivantes :

* déclare recevables les demandes formées par la société [N] [A] [11] et madame [N] [A] ;

* prononce la nullité du procès-verbal par maître [Z] [I] de la société [13] en date des 4, 25, 26 et 27 mai 2021 ;

* prononce la nullité du procès-verbal dressé par maître [Z] [I] de la société [13] en date des 19 et 30 novembre 2021 ;

* annule l'ensemble des actes d'instruction effectués et ordonne la restitution de tous les documents et données recueillis, et notamment le téléphone à partir duquel madame [A] a accès au [XXXXXXXX02] ;

- retrancher ou annuler partiellement le jugement en ses dispositions suivantes ;

* déboute la société [25] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

* dit qu'il n'y a pas lieu de se prononcer sur les autres demandes ;

* condamne la société [25] aux dépens, dont les frais de greffe liquidés à la somme de 90,98 euros.

A titre subsidiaire :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions :

* déclare recevables les demandes formées par la société [N] [A] [11] et madame [N] [A] ;

* prononce la nullité du procès-verbal par maître [Z] [I] de la société [13] en date des 4, 25, 26 et 27 mai 2021 ;

* prononce la nullité du procès-verbal dressé par maître [Z] [I] de la société [13] en date des 19 et 30 novembre 2021 ;

* annule l'ensemble des actes d'instruction effectués et ordonne la restitution de tous les documents et données recueillis, et notamment le téléphone à partir duquel madame [A] a accès au [XXXXXXXX02] ;

* déboute la société [25] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

* dit qu'il n'y a pas lieu de se prononcer sur les autres demandes ;

* condamne la société [25] aux dépens, dont les frais de greffe liquidés à la somme de 90,98 euros.

En conséquence statuant à nouveau :

à titre principal :

- déclarer irrecevable l'exception de nullité formée par les intimées et tirée du prétendue outrepassement, par le commissaire de justice, de sa mission ;

- débouter madame [N] [A] et la société [N] [A] [11] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions relatives aux nullités alléguées ;

- renvoyer l'affaire devant le tribunal de commerce de Rouen pour qu'il soit statué sur le fond.

A titre subsidiaire, si la cour entendait évoquer le fond du litige :

avant dire droit,

- autoriser la société [25] à produire le procès-verbal de maître [Z] [I] de la société [13] en date des 4, 25, 26 et 27 mai 2021, le procès-verbal dressé par maître [Z] [I] de la société [13] en date des 19 et 30 novembre 2021 et l'ensemble des pièces recueillies à l'occasion des mesures d'instruction prises sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ;

- renvoyer les parties à conclure sur le fond du litige.

A titre infiniment subsidiaire, si la cour entendait à la fois confirmer le jugement attaque sur la nullité des procès-verbaux mais néanmoins évoquer le fond du litige :

- condamner solidairement la société [N] [A] [11] et madame [N] [A] à verser à la société [25] les sommes suivantes :

* 38 622 euros au titre des compensations litigieuses ;

* 30 000 euros (à parfaire) au titre des fautes de gestion dans l'exécution du mandat ;

* 50 000 euros (à parfaire) au titre de la violation des obligations de non-concurrence, de confidentialité et de loyauté avec intérêts de retard au taux légal en vigueur, calculés à compte du 14 juin 2023 ;

* 188 750 euros (à parfaire) au titre des actes concurrence déloyale.

En tout état de cause :

- condamner solidairement la société [N] [A] [11] et madame [N] [A] à payer à la société [25] la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner solidairement la société [N] [A] [11] et madame [N] [A] aux dépens qui seront directement recouvrés par [16] [Localité 20].

Aux termes de leurs dernières conclusions en date du 7 novembre 2024, la société [N] [A] [11] et Madame [N] [A] demandent à la cour de :

A titre principal :

- débouter la société [25] de son appel comme mal fondé ;

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Rouen le 22 avril 2024.

A titre subsidiaire :

- dire n'y avoir lieu à évocation.

Par conséquent :

- confirmer le jugement du 22 avril 2024 en toutes ses dispositions.

Encore plus subsidiairement, si par extraordinaire la cour souhaitait évoquer le dossier :

- ordonner la réouverture des débats pour permettre aux parties de conclure au fond ;

- débouter la société [25] de sa demande de condamnation de la société [N] [A] [11] et Madame [N] [A] au paiement de la somme de 10 000 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

- condamner la société [25] à payer à la société [N] [A] [11] et à Madame [N] [A] la somme de 5 000 Euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société [25] aux dépens, qui seront directement recouvrés par la société [14].

L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 mars 2025.

Pour un exposé détaillé des demandes et moyens des parties, la cour renvoie à leurs conclusions conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE

Sur les demandes principales

La société [25] expose que la société [18] en tant que présidente d'Uromar était tenue d'une obligation de plein droit de non-concurrence et de loyauté, que cette société travaille actuellement pour la société [15] qui exerce le même type d'activité qu'Uromar, que si le début de cette collaboration n'est pas connue, différents éléments établissent que la société [18] travaillait déjà pour cette société avant de démissionner, qu'il en est de même pour Mme [N] [A] et M. [G] [H], qui était responsable administratif du bureau de Madagascar d'Uromar. Elle indique qu'elle a constaté un certain nombre d'agissements suspects de leur part de nature à lui porter préjudice ce qui a motivé sa demande d'autorisation de mesures in futurum.

Elle fait valoir que le juge de première instance a jugé à tort que les procès-verbaux devaient être annulés, que l'irrégularité constatée à savoir une erreur de plume sur le représentant légal de la personne morale ayant sollicité les mesures ne fait pas grief, qu'on comprend mal le grief que pourrait constituer la mention de président au lieu de celle de directeur général, que la société [18] et Mme [A] n'ont pas subi une diminution de leurs droits ou de capacité de se défendre du fait de cette erreur. Elle ajoute que la demande tendant à la nullité des procès-verbaux pour outrepassement de ses droits par le commissaire de justice est irrecevable puisqu'elle viole l'autorité de la chose jugée, que la demande de nullité des procès-verbaux pour erreur de plume a été rejetée, que l'argument du prétendu outrepassement de la mission invoqué pour faire échec à l'injonction de remise du téléphone portable dissimulé a été définitivement rejeté par la cour d'appel de Rouen le 5 mai 2022, que les intimés tentent de réintroduire une demande sur laquelle il a déjà été statué.

A titre subsidiaire, elle expose que lors de l'exécution de sa mission, le commissaire de justice a découvert que Mme [A] utilisait un autre téléphone portable que son téléphone professionnel, mais que ce téléphone n'a pas été volontairement remis au commissaire de justice nonobstant les termes de l'ordonnance du 22 avril 2021 qui faisait obligation de remettre au commissaire de justice les appareils téléphoniques utilisés à titre professionnel et personnels par Mme [N] [A] pour la recherche de messages échangés avec certains interlocuteurs, lesquels étaient précisés et / ou de numéros lesquels étaient précisés et limités, que ce dernier a alors fait le constat dans les messages qu'il était demandé par Mme [A] de communiquer avec un des numéros précisés dans l'ordonnance, que le commissaire de justice n'a nullement outrepassé sa mission en identifiant que l'appareil correspondant à ce numéro ne lui avait pas été remis. Elle souligne que par courrier du 17 novembre 2021, la société [18] et Mme [A] ont effectivement remis le téléphone litigieux au commissaire de justice mais après l'avoir vidé de son contenu puisque réinitialisé le 4 juillet 2021 puis le 5 novembre 2021, qu'ils ont donc effacé les preuves qu'Uromar cherchait à sauvegarder.

Uromar souligne en outre que le juge de première instance a statué à tort sur le fond du litige, puisque les conclusions de première instance des intimés étaient des conclusions d'incident dans lesquelles elles demandaient la nullité des procès-verbaux et ne contenaient aucun développement sur le fond du litige, que le greffe avaient convoqué les parties sur l'incident, qu'elle a donc déposé des conclusions d'incident en réponse sur la nullité et que lors de l'audience de plaidoiries, les parties n'ont abordé que la question de l'incident. Elle fait valoir que le juge a méconnu les dispositions de l'article 16 du code de procédure civile en statuant sur l'incident et le fond alors que seul l'incident avait donné lieu à un débat contradictoire, qu'en outre il n'a exposé ni les prétentions des parties ni motivé son jugement sur le fond, que la cour ne peut que retrancher ou annuler partiellement le jugement sur ce point, qu'en outre la Cour doit renvoyer l'affaire devant le tribunal de commerce de Rouen pour qu'il soit statué sur le fond du litige.

Elle demande donc l'infirmation du jugement en ce qu'il a prononcé la nullité des procès-verbaux de l'huissier, annulé les actes d'instruction et prononcé la restitution de toutes les données et documents recueillis et notamment le téléphone portable avec le numéro [XXXXXXXX01], de retrancher ou annuler partiellement du dispositif du jugement les mentions par lesquelles le tribunal a débouté [25] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et dit qu'il n'y a pas lieu de se prononcer sur l'ensemble des demandes et de renvoyer l'affaire devant le tribunal de commerce de Rouen pour qu'il soit statué sur le fond du litige.

La société [18] et Mme [N] [A] exposent que Mme [A] a constitué avec M. [J] en 2012 la société [25], que compte tenu de difficultés financières et d'un contexte conflictuel avec un des actionnaires, la société a obtenu la désignation de Me [D] afin de se faire assister pour négocier la vente du fonds de commerce laquelle est intervenue le 1er septembre 2016, qu'une nouvelle société [25] a donc été créée l'associé unique étant la société [22], la société [N] [A] [11] étant nommée présidente pour une durée de 4 ans, qu'une mésentente s'est installée, que la société [18] a donné sa démission le 30 décembre 2020 mais que cette dernière a été contestée et considérée comme irrecevable, que malgré un départ acté pour le 15 février 2021, les relations sont devenues très conflictuelles avec la société [25].

Elles soulignent qu'elles ont demandé au tribunal de commerce in limine litis la nullité du procès-verbal de l'acte dressé par commissaire de justice en date des 4 mai, 25 mai, 26 mai et 27 mai 2021 ainsi que de tous les actes subséquents dont le procès-verbal dressé les 19 et 30 novembre 2021, que ces nullités avaient été soulevées devant le président du tribunal de commerce de Bernay ainsi que devant la cour d'appel de Rouen lesquels ont retenu que le juge saisi de la rétractation d'une ordonnance sur requête n'a pas le pouvoir de statuer sur les irrégularités affectant les mesures d'instruction, qu'il n'y a donc pas autorité de la chose jugée, ainsi que l'a estimé le jugement de première instance qu'il y a lieu de confirmer.

Elles font valoir que l'article 648 du code de procédure civile dispose notamment s'agissant d'un acte de commissaire de justice que si le requérant est une personne morale il doit être indiqué sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente également, ces mentions étant prescrites à peine de nullité, qu'en l'espèce la requête a été présentée par la société [25] prise en la personne de son directeur général, que le premier procès-verbal précise que la société [25] est représentée par son président en exercice, que le second procès-verbal précise également que la société [25] est représentée par son président en exercice, qu'il est manifeste que le commissaire de justice aurait dû indiquer que la société [25] était représentée par son directeur général et non son président, qu'il ne s'agit pas d'une erreur de plume mais d'une erreur grossière qui leur fait grief, puisqu'il s'agit de mesures qui attentent à leurs intérêts légitimes, que de plus la société [18] était présidente de la société.

Elles ajoutent que le commissaire de justice a outrepassé sa mission lorsqu'il a indiqué qu'il constatait que Mme [A] communiquait à divers interlocuteurs le numéro [XXXXXXXX01] pour communiquer, lequel ne correspondait pas au téléphone remis par Mme [A] et que l'appareil correspondant à ce numéro ne lui avait pas été remis par elle lors de ses constatations, qu'il a évoqué des communications avec divers interlocuteurs alors que sa mission ne concernait que les échanges avec sept personnes désignées aux numéros de téléphone spécifiquement identifiés, que la nullité du procès-verbal a donc été prononcée à juste titre par les premiers juges.

Elles ajoutent qu'il est manifeste que les parties en première instance n'ont conclu et plaidé que sur l'incident portant sur les nullités des procès -verbaux dressés, les actes d'instruction subséquents et la restitution de tous les documents recueillis, qu'aux termes de ses conclusions d'incident, la société [25] avait sollicité différentes sommes à titre d'amende civile, de dommages et intérêts et au titre de l'article 700 du code de procédure civile de sorte, que les défendeurs avaient conclu au débouté s'agissant de ces demandes, que le tribunal a donc statué sur ces demandes en déboutant la société [25] mais n'a pas statué sur le fond du litige.

*

* *

Selon les énonciations du jugement querellé, la société [18] et Mme [N] [A] ont demandé la nullité du procès-verbal dressé par Me [Z] [I] de la SCP Carole Duparc et [Z] [I] en date des 4, 25, 26 et 27 mai 2024 , ainsi que la nullité du procès-verbal dressé par le même huissier de justice en date des 19 et 30 novembre 2021 et l'annulation des actes d'instruction effectués et que soit ordonnée la restitution de tous les documents et données recueillies et notamment le téléphone à partir duquel Mme [A] avait accès.

Il ressort des dispositions de l'ordonnance rendue le 28 octobre 2021 du juge saisi de demandes de rétractation de la décision qui avait ordonné des mesures d'instruction, qu'il a estimé qu'il ne pouvait statuer sur une demande de nullité de ces mesures d'instruction. La cour d'appel saisie par Mme [N] [A] et la société [17] d'un appel de cette ordonnance, dans son arrêt du 5 mai 2022 a rappelé clairement que le juge de la rétractation ne pouvait connaître du contentieux des mesures d'instruction ordonnées. Elle a indiqué qu'elle adoptait les motifs du premier juge qui avait estimé ne pas avoir le pouvoir de statuer sur l'exécution des mesures d'instruction , et avait rejeté en conséquence la demande de nullité du procès-verbal d'huissier de justice des 4, 25, 26 et 27 mai 2021 , la cour a précisé qu'elle confirmait le jugement sur ce point et a rejeté la demande de nullité du procès-verbal, de même qu'elle a rejeté les demandes en annulation formées s'agissant du procès-verbal des 19 et 30 novembre 2021. Au regard de sa motivation, en statuant ainsi, la Cour n'a pas statué sur le bien-fondé ou non des demandes en nullité mais a seulement constaté que le juge de la rétractation avait à juste titre déclaré qu'il n'était pas compétent pour connaître de ces demandes étant observé qu'il ne pouvait en être autrement puisqu'il s'agit du juge des référés. Il n'y a donc pas autorité de la chose jugée sur la validité ou non des procès-verbaux en cause, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a déclaré ses demandes recevables.

Selon l'article 648 du code de procédure civile dans sa version applicable en 2021, tout acte d'huissier de justice indique indépendamment des mentions prescrites par ailleurs :

1. sa date

2. a) si le requérant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ;

b) si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement.

3. les nom, prénom ; demeure et signature de l'huissier de justice.

4. si l'acte doit être signifié, les nom et domicile du destinataire ou s'il s'agit d'une personne morale, sa dénomination et son siège social.

Ces mentions sont prescrites à peine de nullité.

L'article 649 du code précité dispose que la nullité des actes d'huissier de justice est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure.

Selon l'article 114 du même code, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public. La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.

Tant le procès-verbal de constat des 4 mai, 25 mai, 26 mai et 27 mai 2021 que celui du 19 novembre et 30 novembre 2021, dressés chacun par Me [Z] [I] huissier de justice associé porte la mention que l'huissier de justice est requis par la société [25] société par actions simplifiée immatriculée au RCS de [Localité 20] sous le numéro [N° SIREN/SIRET 8] dont le siège social est [Adresse 9] représentée par son président en exercice domicilié en cette qualité audit siège. Il est constant que la requête aux fins de mesures d'instruction a été sollicitée par la société [25] prise en la personne de son directeur général, mais la Cour observe que l'ordonnance qui a fait droit aux mesures sollicitées ne mentionne s'agissant du requérant que la SAS [25] sans autre précision que son adresse, son immatriculation au RCS, et sa représentation par son conseil la Selarl Xavier Haranger c'est-à-dire son avocat, de sorte que l'huissier de justice a pu indiquer dans ses constats en toute logique que la société [25] était représentée par son président en exercice, il s'agit d'une erreur qui en aucun cas ne fait grief, la société [17] et Mme [N] [A] ne pouvant se méprendre sur l'identité du requérant puisque [17] exerçait la présidence de la société [25] et ne pouvait être à l'origine de ces mesures.

S'agissant de la mission de l'huissier de justice, il convient de constater que parmi les mesures ordonnées le 22 avril 2021, figurait la suivante :

« Se faire remettre les appareils ou terminaux téléphoniques utilisés à titre professionnel et personnel par Mme [N] [A] afin de procéder à une recherche sur ses SMS et sur le logiciel de messagerie instantané Whatssap consistant à identifier des messages échangés au sein de toute discussion ou tout groupe de discussion incluant l'une ou plusieurs personnes suivantes et ou l'un des numéros suivants et prendre copie des échanges ainsi identifiés :

.Monsieur [M] [W] et /ou 0608572535

.oci @leonvincent.fr et/ ou 0624064527

.Monsieur [V] [O] et / ou 0682228476

.Monsieur [G] [H].

.Société [15]

.Madame [Y] [K] [P]

.Madame [S] [B] » .

Ainsi si l'huissier de justice précise dans son constat des 4 mai, 25 mai 26 mai et 27 mai que « suite à l'analyse des messages enregistrés sur l'appareil téléphonique remis par la requise lors de mes constatations sur site, j'ai constaté que Mme [N] [A] communiquait à divers interlocuteurs d'utiliser le numéro de téléphone [XXXXXXXX03] lequel ne correspond pas au téléphone remis par Mme [A]. L'appareil correspondant à ce numéro ne m'a pas été remis par Mme [A] lors des constatations » il n'a ce faisant, nullement outrepassé les termes de sa mission puisque sa mission consistait notamment à se faire remettre les appareils téléphoniques utilisés par Mme [A] professionnel et personnel et identifier des messages incluant notamment ce numéro clairement précisé à l'alinéa 2. L'huissier de justice n'a donné aucun avis ni appréciation mais a simplement exécuté sa mission, en faisant un constat dans le strict respect des termes de l'ordonnance, par conséquent, le procès-verbal est parfaitement valable.

Mme [A] et la société [18] étant déboutées de leurs demandes tendant au prononcé de la nullité des procès-verbaux des 4, 25, 26 et 27 mai 2021 et des 19 et 30 novembre 2021, le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions sur ce point.

Le tribunal de commerce contrairement à ce qui est allégué par la société [25] n'a pas statué sur le fond du litige, lequel, selon les écritures de la société [25] est une action en concurrence déloyale, mais a seulement statué sur les demandes présentées de nullité de procès-verbaux et les conséquences qui en découlaient, annulation des actes d'instruction et restitution des documents et données recueillies et d'un téléphone ces demandes ayant été présentées par la société [18] et Mme [N] [A]. Il a également statué sur des demandes présentées par la société [25] au titre d'une amende civile, de dommages et intérêts pour procédure abusive, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que sur les dépens. Il n'appartient pas à une partie de solliciter le prononcé d'une amende civile, par ailleurs le caractère abusif de la procédure n'est pas établi, il y a lieu par conséquent de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société [25] de ces demandes. Il convient donc de renvoyer l'affaire devant le tribunal de commerce de Rouen afin que les parties puissent conclure sur le fond du litige et que le tribunal statue sur leurs demandes.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

La société [18] et Mme [N] [A] succombant en leurs prétentions, seront condamnées à régler les dépens de première instance et d'appel. Il y a lieu de les condamner à régler à la société [25] la somme totale de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance et en appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement en ses dispositions sur la recevabilité des demandes.

Confirme le jugement sur le débouté de l'amende civile et des dommages et intérêts pour procédure abusive.

Infirme le jugement entrepris en ses autres dispositions.

Statuant à nouveau,

Déboute la société [N] [A] [11] et Mme [N] [A] de leurs demandes de prononcé de nullité des procès-verbaux dressés par Me [Z] [I] huissier de justice en date des 4, 25, 26 et 27 mai 2021 et des 19 et 30 novembre 2021 et de leurs demandes subséquentes.

Renvoie l'affaire devant le tribunal de commerce de Rouen afin qu'il soit statué sur le fond du litige.

Condamne la société [N] [A] [11] et Mme [N] [A] à payer à la société [25] la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société [N] [A] [11] et Mme [N] [A] aux entiers dépens avec droit de recouvrement direct au profit de Me Simon Mosquet Leveneur LX [Localité 20].

La greffière, La présidente,

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