CA Montpellier, 2e ch. civ., 11 septembre 2025, n° 24/05842
MONTPELLIER
Arrêt
Autre
ARRÊT n°
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
2e chambre civile
ARRET DU 11 SEPTEMBRE 2025
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 24/05842 - N° Portalis DBVK-V-B7I-QORC
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du 07 NOVEMBRE 2024
PRESIDENT DU TJ DE [Localité 5]
N° RG 24/00292
APPELANTE :
Le GAEC ALIZE, au capital de 1 500 €, inscrite au registre du commerce et
des sociétés de [Localité 5] sous le numéro 812 576 288, dont le siège
social est situé [Adresse 4], Prise en la
personne de son gérant en exercice domicilié audit siège
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Gérald ENSENAT, avocat au barreau de BEZIERS
INTIMEE :
Madame [P] [C]
née le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Jacques henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 12 Mai 2025
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 914-5 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 MAI 2025, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par le même article, devant la cour composée de :
Mme Michelle TORRECILLAS, Présidente de chambre
Madame Nelly CARLIER, Conseillère
Mme Anne-Claire BOURDON, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. Salvatore SAMBITO
ARRET :
- contradictoire ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Mme Michelle TORRECILLAS, Présidente de chambre, et par M. Salvatore SAMBITO, Greffier.
*
* *
FAITS, PROCEDURE - PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Le Groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) [L], dont le siège social est à [Localité 6] (11), a été créé par acte en date du 17 juin 2015, avec un capital de 1 500 euros, divisé en 150 parts sociales de 10 euros chacune, attribuées à M. [S] [D] (75 parts) et Mme [P] [C] (75 parts).
M. [D] en est le gérant.
Par acte authentique du 4 mars 2021, Mme [C] a donné, en avancement de parts successorales, à sa fille Mme [L] [D], les 75 parts qu'elle détenait.
Mme [D] est devenue co-gérante du GAEC [L].
Le 8 mars 2024, Mme [C] a adressé une mise en demeure au GAEC [L] afin d'obtenir le remboursement du solde de son compte courant d'associé, considérant qu'au 31 décembre 2021, celui-ci présentait un solde créditeur de 113 802,57 euros.
Saisi par acte de commissaire de justice en date du 13 juin 2024 délivré par Mme [C], aux fins de voir lui être alloué une provision, le président du tribunal judiciaire de Carcassonne, statuant en référé, par ordonnance de référé du 7 novembre 2024, a :
- condamné le G.A.E.C. [L] à payer à Mme [P] [C] la somme provisionnelle de 113 802,57 euros, portant intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 8 mars 2024, au titre du remboursement de son compte courant d'associé,
- condamné le G.A.E.C. [L] aux entiers dépens,
- rejeté les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rappelé que la décision bénéficie de l'exécution provisoire de droit en application de l'article 514 du code de procédure civile.
Pour statuer comme il l'a fait, le premier juge a retenu que :
- l'acte de cession des titres ne contient aucune indication au niveau du sort du compte courant de l'associé cédant, ce dernier reste titulaire de sa créance et peut en demander le remboursement à tout moment ultérieurement à la cession. Sauf stipulation contraire dans les statuts ou dans un acte, l'associé peut exiger le remboursement quelle que soit la situation financière de la société et peu important que la somme qu'il réclame excède la trésorerie disponible.
- Mme [C] produit le dossier comptable du G.A.E.C. [L] établi par le cabinet CER France Midi Méditerranée, pour la période du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2020 indiquant que le solde de son compte courant d'associé est de 106 626,00 euros ainsi qu'un courriel la comptable de ce cabinet, en date du 14 février 2022 qui indique que le solde de son compte courant au 31 décembre 2021 est de « 136 5536,89 euros - 25 1734,32 euros = 113 802,57 euros ».
Par déclaration reçue le 21 novembre 2024, le GAEC [L] a relevé appel de cette ordonnance.
Par avis en date du 6 décembre 2024, l'affaire a été fixée à l'audience du 19 mai 2025 en application des dispositions de l'article 906 du code de procédure civile.
Par conclusions du 9 mai 2025, le GAEC [L] demande à la cour au visa des articles1330 du code civil, 700 et 834 du code de procédure civile, de :
- constater qu'il existe de nombreuses contestations sérieuses ;
- constater que l'historique comptable du compte courant d'associé de Mme [C] n'a jamais fait l'objet d'une quelconque validation du gérant ou des associés du GAEC [L],
- constater que les écritures comptables retenues au crédit de ce compte courant d'associé ne sont corroborées et justifiées par aucune pièce juridique écrite pourtant imposées par les statuts et les textes en vigueur,
- constater l'existence d'une procédure au fond pendante devant le tribunal judiciaire de Carcassonne ayant pour objet de fixer le montant réel débiteur du compte courant d'associé de Mme [C] et d'en demander le remboursement à cette dernière.
- en conséquence, infirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle l'a condamné à payer à Mme [C] la somme provisionnelle de 113 802,57 euros, portant intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 8 mars 2024, au titre du remboursement de son compte courant d'associé et aux entiers dépens,
- se faisant :
- se déclarer incompétent pour allouer une provision au titre des contestations sérieuses soulevées et la renvoyer à mieux se pourvoir devant la juridiction du fond du tribunal judiciaire de Carcassonne,
- débouter Mme [C] de l'ensemble de ses demandes
- ordonner à Mme [C] de lui restituer l'ensemble des sommes perçues en exécution de l'ordonnance dont appel, soit 12 590,77 euros, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,
- à titre infiniment subsidiaire, ramener la provision à la somme de 102 602 euros,
- en tout état de cause, condamner Mme [C] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance,
- condamner Mme [C] aux entiers dépens
Au soutien de son appel, il fait essentiellement valoir que :
- la nécessaire reconstitution des écritures du compte courant d'un associé d'un GAEC en présence de contestations sérieuses, dépasse la compétence du juge des référés au profit de celle des juges du fond,
- le projet de bilan, seule pièce comptable produite par Mme [C] à l'appui de ses demandes de provision, ne constitue qu'un simple document informatique de travail de saisie de la secrétaire comptable du cabinet CER France, non validé par l'expert-comptable ni le gérant du GAEC, ni une administration, et surtout non approuvé par le seul organe ayant la capacité de le faire : l'assemblée générale,
- à l'inverse, les sommes inscrites au débit du compte courant d'associé de Mme [C] sont certaines, incontestables et incontestées, puisqu'elles correspondent à des virements bancaires, des chèques, des paiements de cotisations personnelles de Mme [C], un achat de robot piscine personnel'.,
- à défaut d'assemblées générales signées, de contrats de mise à disposition ou de travail, de facture, de certificat de cession' , la somme de 320 432 euros inscrite informatiquement à l'actif du compte courant d'associé de Mme [C] est contestable et correspond à des sommes non justifiées juridiquement,
- la somme de 248 391 euros réellement versée par le GAEC [L] correspond à des sommes indues trop perçues par Mme [C], soit un compte courant négatif de ce montant, qu'il est fondé à réclamer,
- il a saisi le tribunal judiciaire de Carcassonne au fond afin que ce dernier fixe le montant réel de ce compte courant d'associé qui s'établit en débit,
- à titre infiniment subsidiaire suite aux derniers versements au profit de Mme [C] en 2022, le compte courant d'associé de cette dernière, s'établirait à 102 602,57 euros au 8 mars 2022.
Par conclusions du 9 mai 2025, Mme [C] demande à la cour, au visa de l' article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, de :
- rejeter toutes demandes contraires,
- confirmer l'ordonnance de référé dans toutes ses dispositions
- y ajoutant, condamner le GAEC [L] à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Elle expose en substance que :
- selon le bilan de l'exercice clos au 31 décembre 2020, le solde de son compte s'élevait alors à 106 626 euros,
- la donation des parts n'emporte pas, sauf clause contraire (ce qui n'est pas le cas en l'espèce) transfert du compte courant associé du donateur au bénéficiaire de la donation,
- à défaut de clause statutaire ou de stipulation conventionnelle contraire, un associé peut demander le remboursement des sommes avancées à tout moment.
- la société ne peut pas opposer au créancier ses éventuelles difficultés financières, ni limiter le remboursement à la somme que peut supporter sa trésorerie,
- le GAEC [L] ne saurait se prévaloir de sa propre turpitude et se retrancher derrière le fait que ses comptes n'ont pas été approuvés, ni votés en assemblée générale.
Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est en date du 12 mai 2025.
MOTIFS de la DECISION :
1- L'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile prévoit que, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire peut toujours accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Il appartient à celui qui réclame une provision d'établir l'existence de l'obligation qui fonde cette demande tant en son principe qu'en son montant et la condamnation provisionnelle n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.
Les avances figurant dans un compte courant d'associés constituent des prêts, régis par le droit commun des obligations. L'entrée d'une créance en un tel compte équivaut à un paiement, la créance fusionnant dans le solde du compte, qui seul constitue une créance exigible.
L'associé peut, sauf disposition conventionnelle contraire, demander le remboursement du solde créditeur de son compte courant exigible à tout moment, sous réserve d'une certaine, liquide et exigible.
En l'espèce, il n'est justifié d'aucune disposition contraire à l'exigibilité immédiate du solde du compte courant de Mme [C], liquide par nature, tant dans les statuts du GAEC [L] que dans l'acte de donation du 4 mars 2021.
L'article 1378 (anciennement 1330) du code civil prévoit que les registres et documents que les professionnels doivent tenir ou établir ont, contre leur auteur, la même force probante que les écrits sous signature privée ; mais celui qui s'en prévaut ne peut en diviser les mentions pour n'en retenir que celles qui lui sont favorables.
Le GAEC [L] verse aux débats des extraits de son grand livre comptable relatifs au compte courant d'associé de Mme [C] entre l'exercice 2015 et le début de l'exercice 2022 ; il en résulte que celui-ci était créditeur depuis l'exercice 2016 et était créditeur à hauteur de 102 602,57 euros au 8 mars 2022.
La comptabilité du GAEC [L] a été régulièrement tenue par le CER France entre 2016 et 2023. A ce titre, les assemblées générales des 19 juin 2019 et 16 juin 2020 ont fait l'objet de procès-verbaux, qui ont approuvé les comptes annuels des exercices 2016, 2017, 2018 et 2019.
Si ces procès-verbaux n'ont pas été signés, la tenue physique d'une assemblée générale n'étant pas obligatoire, le GAEC [L] ne démontre pas que ceux établis postérieurement au départ de Mme [C] l'ont été, s'agissant d'une entreprise familiale, dont le mode de gestion, certes insuffisamment formaliste, ne remet pas en cause la tenue régulière des comptes sociaux.
Si le document comptable pour l'exercice 2020 versé aux débats par Mme [C] est assimilable à un projet, les éléments chiffrés qu'il contient correspondent au procès-verbal d'assemblée générale produit pour l'exercice 2019.
Ainsi, le GAEC [L] ne rapporte l'existence d'aucune contestation sérieuse pour s'opposer au paiement provisionnel sollicité, l'analyse des opérations portées en compte relevant du juge du fond.
L'ordonnance déférée sera confirmée, sauf quant au montant de la provision, qui sera fixé à la somme de 102 602,57 euros, arrêtée au 8 mars 2022.
2- Succombant sur son appel, le GAEC [L] sera condamné aux dépens et au vu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, à payer la somme de 1 500 euros.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme l'ordonnance de référé déférée, sauf en ce qu'elle a condamné le GAEC [L] à payer à la somme provisionnelle de 113 802,57 euros à Mme [P] [C] ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne le GAEC [L] à payer à Mme [P] [C], au titre du solde de son compte d'associé, la somme provisionnelle de 102 602,57 euros, arrêtée au 8 mars 2022 ;
Condamne le GAEC [L] à payer à Mme [P] [C] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne le GAEC [L] aux dépens d'appel.
le greffier la présidente
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
2e chambre civile
ARRET DU 11 SEPTEMBRE 2025
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 24/05842 - N° Portalis DBVK-V-B7I-QORC
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du 07 NOVEMBRE 2024
PRESIDENT DU TJ DE [Localité 5]
N° RG 24/00292
APPELANTE :
Le GAEC ALIZE, au capital de 1 500 €, inscrite au registre du commerce et
des sociétés de [Localité 5] sous le numéro 812 576 288, dont le siège
social est situé [Adresse 4], Prise en la
personne de son gérant en exercice domicilié audit siège
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Gérald ENSENAT, avocat au barreau de BEZIERS
INTIMEE :
Madame [P] [C]
née le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Jacques henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 12 Mai 2025
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 914-5 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 MAI 2025, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par le même article, devant la cour composée de :
Mme Michelle TORRECILLAS, Présidente de chambre
Madame Nelly CARLIER, Conseillère
Mme Anne-Claire BOURDON, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. Salvatore SAMBITO
ARRET :
- contradictoire ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Mme Michelle TORRECILLAS, Présidente de chambre, et par M. Salvatore SAMBITO, Greffier.
*
* *
FAITS, PROCEDURE - PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Le Groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) [L], dont le siège social est à [Localité 6] (11), a été créé par acte en date du 17 juin 2015, avec un capital de 1 500 euros, divisé en 150 parts sociales de 10 euros chacune, attribuées à M. [S] [D] (75 parts) et Mme [P] [C] (75 parts).
M. [D] en est le gérant.
Par acte authentique du 4 mars 2021, Mme [C] a donné, en avancement de parts successorales, à sa fille Mme [L] [D], les 75 parts qu'elle détenait.
Mme [D] est devenue co-gérante du GAEC [L].
Le 8 mars 2024, Mme [C] a adressé une mise en demeure au GAEC [L] afin d'obtenir le remboursement du solde de son compte courant d'associé, considérant qu'au 31 décembre 2021, celui-ci présentait un solde créditeur de 113 802,57 euros.
Saisi par acte de commissaire de justice en date du 13 juin 2024 délivré par Mme [C], aux fins de voir lui être alloué une provision, le président du tribunal judiciaire de Carcassonne, statuant en référé, par ordonnance de référé du 7 novembre 2024, a :
- condamné le G.A.E.C. [L] à payer à Mme [P] [C] la somme provisionnelle de 113 802,57 euros, portant intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 8 mars 2024, au titre du remboursement de son compte courant d'associé,
- condamné le G.A.E.C. [L] aux entiers dépens,
- rejeté les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rappelé que la décision bénéficie de l'exécution provisoire de droit en application de l'article 514 du code de procédure civile.
Pour statuer comme il l'a fait, le premier juge a retenu que :
- l'acte de cession des titres ne contient aucune indication au niveau du sort du compte courant de l'associé cédant, ce dernier reste titulaire de sa créance et peut en demander le remboursement à tout moment ultérieurement à la cession. Sauf stipulation contraire dans les statuts ou dans un acte, l'associé peut exiger le remboursement quelle que soit la situation financière de la société et peu important que la somme qu'il réclame excède la trésorerie disponible.
- Mme [C] produit le dossier comptable du G.A.E.C. [L] établi par le cabinet CER France Midi Méditerranée, pour la période du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2020 indiquant que le solde de son compte courant d'associé est de 106 626,00 euros ainsi qu'un courriel la comptable de ce cabinet, en date du 14 février 2022 qui indique que le solde de son compte courant au 31 décembre 2021 est de « 136 5536,89 euros - 25 1734,32 euros = 113 802,57 euros ».
Par déclaration reçue le 21 novembre 2024, le GAEC [L] a relevé appel de cette ordonnance.
Par avis en date du 6 décembre 2024, l'affaire a été fixée à l'audience du 19 mai 2025 en application des dispositions de l'article 906 du code de procédure civile.
Par conclusions du 9 mai 2025, le GAEC [L] demande à la cour au visa des articles1330 du code civil, 700 et 834 du code de procédure civile, de :
- constater qu'il existe de nombreuses contestations sérieuses ;
- constater que l'historique comptable du compte courant d'associé de Mme [C] n'a jamais fait l'objet d'une quelconque validation du gérant ou des associés du GAEC [L],
- constater que les écritures comptables retenues au crédit de ce compte courant d'associé ne sont corroborées et justifiées par aucune pièce juridique écrite pourtant imposées par les statuts et les textes en vigueur,
- constater l'existence d'une procédure au fond pendante devant le tribunal judiciaire de Carcassonne ayant pour objet de fixer le montant réel débiteur du compte courant d'associé de Mme [C] et d'en demander le remboursement à cette dernière.
- en conséquence, infirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle l'a condamné à payer à Mme [C] la somme provisionnelle de 113 802,57 euros, portant intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 8 mars 2024, au titre du remboursement de son compte courant d'associé et aux entiers dépens,
- se faisant :
- se déclarer incompétent pour allouer une provision au titre des contestations sérieuses soulevées et la renvoyer à mieux se pourvoir devant la juridiction du fond du tribunal judiciaire de Carcassonne,
- débouter Mme [C] de l'ensemble de ses demandes
- ordonner à Mme [C] de lui restituer l'ensemble des sommes perçues en exécution de l'ordonnance dont appel, soit 12 590,77 euros, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,
- à titre infiniment subsidiaire, ramener la provision à la somme de 102 602 euros,
- en tout état de cause, condamner Mme [C] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance,
- condamner Mme [C] aux entiers dépens
Au soutien de son appel, il fait essentiellement valoir que :
- la nécessaire reconstitution des écritures du compte courant d'un associé d'un GAEC en présence de contestations sérieuses, dépasse la compétence du juge des référés au profit de celle des juges du fond,
- le projet de bilan, seule pièce comptable produite par Mme [C] à l'appui de ses demandes de provision, ne constitue qu'un simple document informatique de travail de saisie de la secrétaire comptable du cabinet CER France, non validé par l'expert-comptable ni le gérant du GAEC, ni une administration, et surtout non approuvé par le seul organe ayant la capacité de le faire : l'assemblée générale,
- à l'inverse, les sommes inscrites au débit du compte courant d'associé de Mme [C] sont certaines, incontestables et incontestées, puisqu'elles correspondent à des virements bancaires, des chèques, des paiements de cotisations personnelles de Mme [C], un achat de robot piscine personnel'.,
- à défaut d'assemblées générales signées, de contrats de mise à disposition ou de travail, de facture, de certificat de cession' , la somme de 320 432 euros inscrite informatiquement à l'actif du compte courant d'associé de Mme [C] est contestable et correspond à des sommes non justifiées juridiquement,
- la somme de 248 391 euros réellement versée par le GAEC [L] correspond à des sommes indues trop perçues par Mme [C], soit un compte courant négatif de ce montant, qu'il est fondé à réclamer,
- il a saisi le tribunal judiciaire de Carcassonne au fond afin que ce dernier fixe le montant réel de ce compte courant d'associé qui s'établit en débit,
- à titre infiniment subsidiaire suite aux derniers versements au profit de Mme [C] en 2022, le compte courant d'associé de cette dernière, s'établirait à 102 602,57 euros au 8 mars 2022.
Par conclusions du 9 mai 2025, Mme [C] demande à la cour, au visa de l' article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, de :
- rejeter toutes demandes contraires,
- confirmer l'ordonnance de référé dans toutes ses dispositions
- y ajoutant, condamner le GAEC [L] à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Elle expose en substance que :
- selon le bilan de l'exercice clos au 31 décembre 2020, le solde de son compte s'élevait alors à 106 626 euros,
- la donation des parts n'emporte pas, sauf clause contraire (ce qui n'est pas le cas en l'espèce) transfert du compte courant associé du donateur au bénéficiaire de la donation,
- à défaut de clause statutaire ou de stipulation conventionnelle contraire, un associé peut demander le remboursement des sommes avancées à tout moment.
- la société ne peut pas opposer au créancier ses éventuelles difficultés financières, ni limiter le remboursement à la somme que peut supporter sa trésorerie,
- le GAEC [L] ne saurait se prévaloir de sa propre turpitude et se retrancher derrière le fait que ses comptes n'ont pas été approuvés, ni votés en assemblée générale.
Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est en date du 12 mai 2025.
MOTIFS de la DECISION :
1- L'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile prévoit que, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire peut toujours accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Il appartient à celui qui réclame une provision d'établir l'existence de l'obligation qui fonde cette demande tant en son principe qu'en son montant et la condamnation provisionnelle n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.
Les avances figurant dans un compte courant d'associés constituent des prêts, régis par le droit commun des obligations. L'entrée d'une créance en un tel compte équivaut à un paiement, la créance fusionnant dans le solde du compte, qui seul constitue une créance exigible.
L'associé peut, sauf disposition conventionnelle contraire, demander le remboursement du solde créditeur de son compte courant exigible à tout moment, sous réserve d'une certaine, liquide et exigible.
En l'espèce, il n'est justifié d'aucune disposition contraire à l'exigibilité immédiate du solde du compte courant de Mme [C], liquide par nature, tant dans les statuts du GAEC [L] que dans l'acte de donation du 4 mars 2021.
L'article 1378 (anciennement 1330) du code civil prévoit que les registres et documents que les professionnels doivent tenir ou établir ont, contre leur auteur, la même force probante que les écrits sous signature privée ; mais celui qui s'en prévaut ne peut en diviser les mentions pour n'en retenir que celles qui lui sont favorables.
Le GAEC [L] verse aux débats des extraits de son grand livre comptable relatifs au compte courant d'associé de Mme [C] entre l'exercice 2015 et le début de l'exercice 2022 ; il en résulte que celui-ci était créditeur depuis l'exercice 2016 et était créditeur à hauteur de 102 602,57 euros au 8 mars 2022.
La comptabilité du GAEC [L] a été régulièrement tenue par le CER France entre 2016 et 2023. A ce titre, les assemblées générales des 19 juin 2019 et 16 juin 2020 ont fait l'objet de procès-verbaux, qui ont approuvé les comptes annuels des exercices 2016, 2017, 2018 et 2019.
Si ces procès-verbaux n'ont pas été signés, la tenue physique d'une assemblée générale n'étant pas obligatoire, le GAEC [L] ne démontre pas que ceux établis postérieurement au départ de Mme [C] l'ont été, s'agissant d'une entreprise familiale, dont le mode de gestion, certes insuffisamment formaliste, ne remet pas en cause la tenue régulière des comptes sociaux.
Si le document comptable pour l'exercice 2020 versé aux débats par Mme [C] est assimilable à un projet, les éléments chiffrés qu'il contient correspondent au procès-verbal d'assemblée générale produit pour l'exercice 2019.
Ainsi, le GAEC [L] ne rapporte l'existence d'aucune contestation sérieuse pour s'opposer au paiement provisionnel sollicité, l'analyse des opérations portées en compte relevant du juge du fond.
L'ordonnance déférée sera confirmée, sauf quant au montant de la provision, qui sera fixé à la somme de 102 602,57 euros, arrêtée au 8 mars 2022.
2- Succombant sur son appel, le GAEC [L] sera condamné aux dépens et au vu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, à payer la somme de 1 500 euros.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme l'ordonnance de référé déférée, sauf en ce qu'elle a condamné le GAEC [L] à payer à la somme provisionnelle de 113 802,57 euros à Mme [P] [C] ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne le GAEC [L] à payer à Mme [P] [C], au titre du solde de son compte d'associé, la somme provisionnelle de 102 602,57 euros, arrêtée au 8 mars 2022 ;
Condamne le GAEC [L] à payer à Mme [P] [C] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne le GAEC [L] aux dépens d'appel.
le greffier la présidente