CA Bordeaux, 2e ch. civ., 11 septembre 2025, n° 22/01293
BORDEAUX
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL DE BORDEAUX
2ème CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 11 SEPTEMBRE 2025
N° RG 22/01293 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MTBC
S.A.S. PROMOTION PICHET
c/
[V] [N] [O]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 02 mars 2022 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 3] (chambre : 7, RG : 20/06487) suivant déclaration d'appel du 14 mars 2022
APPELANTE :
S.A.S. PROMOTION PICHET
venant aux droits et obligations de la société RESIDENCE ODYSSEE,
par l'effet de la dissolution sans liquidation de la SCCV RESIDENCE ODYSSEE et de la transmission universelle de son patrimoine à son associée unique la SAS PROMOTION PICHET, en application de l'article 1844-5 alinéa 3 du Code civil, en date du 30 novembre 2023
[Adresse 2]
Représentée par Me Philippe LIEF de l'AARPI GRAVELLIER - LIEF - DE LAGAUSIE - RODRIGUES, avocat au barreau de BORDEAUX substitué à l'audience par Me BREDY
INTIMÉE :
[V] [N] [O]
née le 09 Mai 1945 à [Localité 6]
de nationalité Française
Retraitée,
demeurant [Adresse 1]
Représentée par Me Marie ROSSIGNOL de la SELARL ROSSIGNOL, avocat au barreau de BORDEAUX substituée à l'audience par Me CAILLAT
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 juin 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bénédicte DE VIVIE, Conseillère, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Jacques BOUDY, Président
Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller
Madame Bénédicte DE VIVIE, Conseillère
Greffier lors des débats : Madame Audrey COLLIN
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * *
FAITS ET PROCÉDURE :
1- Suivant acte du 28 décembre 2017, Madame [V] [O] a cédé à la société civile de construction vente [Adresse 9] [Adresse 5]Odyssée (ci-après dénommée la sccv [Adresse 10]), un terrain à construire situé12 [Adresse 14] à [Localité 7], le prix de cession étant partiellement converti en une dation en état futur d'achèvement d'un appartement et de deux emplacements de parking.
Le délai de livraison était prévu à la fin du 4ème trimestre 2018, soit le 31 décembre 2018.
La livraison est intervenue avec réserves le 5 septembre 2019.
2- Par acte du 27 août 2020, Mme [O] a assigné la sccv [Adresse 10] devant le tribunal judiciaire de Bordeaux, pour obtenir sa condamnation à lever les réserves et l'indemniser du préjudice subi résultant du retard dans la livraison.
Par ordonnance du 9 avril 2021, le juge de la mise en état a ordonné la disjonction de l'instance opposant Mme [O] à la sccv relative à l'indemnisation du préjudice résultant du retard de livraison, et celle résultant du retard dans la levée des réserves, ordonné un sursis à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise de M. [F].
Par jugement du 2 mars 2022, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :
- condamné la sccv [Adresse 12] à payer à Mme [O] la somme de 6 527, 20 euros en indemnisation du trouble de jouissance consécutif au retard de livraison, outre 928, 80 euros de frais de garde meuble et 1 500 euros en réparation de son préjudice moral,
- rappelé que la demande indemnitaire soutenue à concurrence de 2 121, 60 euros à parfaire relève du sursis à statuer antérieurement ordonné et toujours en cours,
- débouté Mme [O] du surplus de ses demandes,
- rappelé que le présent jugement est de droit exécutoire à titre provisionnel,
- condamné la sccv [Adresse 12] à payer à Mme [O] une indemnité de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles,
- condamné la sccv [Adresse 12] aux dépens de l'instance, qui seront recouvrés ainsi qu'il est dit à l'article 699 du code de procédure civile.
La sccv [Adresse 12] a relevé appel du jugement le 14 mars 2022.
La Sas Promotion Pichet, venant aux droits de la sccv [Adresse 12] est intervenue volontairement à la présente procédure, conformément à l'article 329 du code de procédure civile.
3- Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 21 février 2024, la sas Promotion Pichet demande à la cour d'appel, sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil, R. 231-14 du code de la construction et de l'habitation, 329 et 700 du code de procédure civile :
- de recevoir son intervention volontaire venant aux droit et obligations de la sccv [Adresse 12],
constatant que la Sccv l'Odyssée a fait procéder à la levée de l'ensemble des réserves signalées dans l'appartement de Mme [O], et que les éventuels désordres persistants relèvent de la garantie de parfait achèvement des locateurs d'ouvrage,
- de confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 02 mars 2022 en ce qu'il a débouté Mme [O] du surplus de ses demandes et notamment de la demande indemnitaire soutenue à concurrence de 2 121,60 euros au titre du préjudice de jouissance lié à la persistance des réserves et désordres,
à titre subsidiaire, et si par extraordinaire la cour retenait un préjudice de jouissance au titre de la persistance des réserves et désordres, imputable à la Sccv [Adresse 12],
- de réduire à de plus justes proportions l'indemnisation de la privation de jouissance octroyée au titre de la persistance des réserves et désordres,
constatant que le retard de livraison est justifié, tant par l'existence de nombreuses journées d'intempéries, que par la défaillance de la société Sotrap,
constatant que ces événements constituent des causes légitimes de suspension du délai de livraison expressément prévues au contrat,
constatant que ces causes légitimes de suspension du délai de livraison exonèrent la Sccv [Adresse 12] du retard de livraison de l'appartement acquis par Mme [O] :
- de réformer partiellement le jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 2 mars 2022 en ce qu'il a :
- condamné la Sccv [Adresse 12] à payer à Mme [O] la somme de 6 527, 20 euros en indemnisation du trouble de jouissance consécutif au retard de livraison, outre 928, 80 euros de frais de garde meuble et 1 500 euros en réparation de son préjudice moral,
- condamné la Sccv [Adresse 12] à payer à Mme [O] une indemnité de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles,
- condamné la Sccv [Adresse 12] aux dépens de cette partie de l'instance, qui seront recouvrés ainsi qu'il est dit à l'article 699 du code de procédure civile,
en conséquence et statuant à nouveau,
à titre principal,
- de débouter Mme [O] de l'intégralité de ses demandes au titre du retard de livraison en raison de l'application des causes légitimes de suspension du délai de livraison prévues aux actes authentiques de vente en l'état futur d'achèvement ayant pour conséquence de l'exonérer de toute responsabilité,
- de condamner Mme [O] à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de l'Aarpi Gravellier-Lief-de Lagausie-Rodrigues conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
à titre subsidiaire, et si par extraordinaire la cour retenait un retard de livraison imputable à la Sccv [Adresse 11][Adresse 8],
- de retenir que le retard qui lui est éventuellement imputable ne pourra excéder 164 jours et non 248 jours comme allégué par Mme [O], dès lors que seuls les jours ouvrés peuvent être comptabilités,
constatant que l'article R. 231-14 du code de la construction et de l'habitation n'est pas applicable en l'espèce s'agissant d'une vente en l'état futur d'achèvement et non d'un contrat de construction de maison individuelle,
- de confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 02 mars 2022 en ce qu'il a retenu, au titre de sa motivation, l'inapplicabilité de l'article R. 231-14 du code de la construction et de l'habitation pour apprécier la demande d'indemnisation formée à hauteur de 21 910 euros par Mme [O],
- de réformer le jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 02 mars 2022 en ce qu'il a condamné la Sccv Résidence Odyssée à verser la somme de 6 527,20 euros au titre de la privation de jouissance résultant du retard de livraison et statuant à nouveau de débouter Mme [O] de sa demande d'indemnisation formée à hauteur de 21 910 euros au titre du retard de livraison,
à titre infiniment subsidiaire,
- de réduire à de plus justes proportions l'indemnisation de la privation de jouissance octroyée au titre du retard de livraison, sans que cette indemnisation ne puisse excéder la somme de 3 758,40 euros,
- de réformer le jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux en ce qu'il a condamné la Sccv [Adresse 12] à verser la somme de 928,80 euros au titre des frais de garde meuble et statuant à nouveau de débouter Mme [O] de sa demande d'indemnisation formée à hauteur de 928,80 euros,
- de réformer le jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux en ce qu'il a condamné la Sccv [Adresse 11][Adresse 8] à verser la somme de 1 500 euros au titre du préjudice moral de Mme [O] et statuant à nouveau de débouter Madame [O] de toute demande visant à indemniser les « autres préjudices dont moraux » à hauteur de 10 000 euros,
à titre infiniment subsidiaire, sur le préjudice moral,
- de réduire à de plus justes proportions l'indemnisation du préjudice moral qui ne saurait excéder la somme de 1 500 euros telle qu'octroyée par le jugement de première instance.
4- Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 31 août 2022, Mme [O] demande à la cour d'appel, sur le fondement des articles 1601-1 et suivants, 1613, 1641 et suivants du code civil, 1231-1 et 1231-2 du code civil, L261-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation :
- de débouter la sccv Résidence l'Odyssée de l'ensemble de ses demandes, fins
et prétention,
- de confirmer le jugement en date du 2 mars 2022 par le tribunal
judiciaire de [Localité 3] en ce qu'il a:
- condamné la sccv [Adresse 12] à lui payer la somme de 6 527, 20 euros en indemnisation du trouble de jouissance consécutif au retard de livraison, outre 928, 80 euros de frais de garde meuble,
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit,
- condamné la Sccv [Adresse 12] aux dépens,
- de la recevoir en son appel incident,
- de réformer le jugement en date du 2 mars 2022 par le tribunal
judiciaire de [Localité 3] en ce qu'il :
- condamné la sccv [Adresse 12] à lui payer la somme de 1 500 euros au titre du préjudice moral;
- l'a déboutée du surplus de ses demandes,
- a rappelé que la demande indemnitaire soutenue à concurrence de 2 121, 60 euros à parfaire relève du sursis à statuer antérieurement ordonné et toujours en cours,
- a condamné la sccv [Adresse 12] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
statuant à nouveau,
- de condamner la sccv [Adresse 12] à lui payer les sommes suivantes :
- au titre du préjudice de jouissance la somme de 11 750, 40 euros,
- au titre des pénalités de retard : la somme de 21 910 euros,
- pour le préjudice moral : 4 000 euros,
- de condamner la Sccv [Adresse 12] à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
en tout état de cause,
- de débouter la Sccv [Adresse 12] de toutes demandes formées à son encontre,
- de condamner la Sccv [Adresse 12] à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 mai 2025.
Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l'intervention volontaire de la Sas Promotion Pichet venant aux droits et obligations de la sccv [Adresse 13].
5- Il y a lieu de recevoir, par application des dispositions de l'article 329 du code de procédure civile, l'intervention volontaire de la sas Promotion Pichet, venant aux droits de la société [Adresse 13] par l'effet de la dissolution, sans liquidation, de la sccv Résidence Odyssée et la transmission universelle de son patrimoine à son associé unique la Sas Promotion Pichet.
Sur le retard de livraison.
* Sur les causes légitimes de suspension du délai de livraison.
6- La sas Promotion Pichet invoque l'existence de causes légitimes de suspension du délai de livraison tenant d'une part à des intempéries ayant retardé l'achèvement du chantier et sa livraison, retenues par le maître d'oeuvre et justifiées par un relevé météorologique de la station météorologique la plus proche, et d'autre part à la défaillance d'une entreprise ayant retardé le chantier.
7- Mme [O] fait valoir que les jours d'intempéries ne justifient pas le défaut d'avancement du chantier, que les relevés ne sont pas issus de la station météorologique la plus proche, et que la preuve de l'impact sur le chantier de la défaillance de la société Sotrap n'est pas rapportée.
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8- L'article 1601-1 du code civil dispose que 'la vente d'immeuble à construire est celle par laquelle le vendeur s'oblige à édifier un immeuble dans un délai déterminé par le contrat'.
Selon l'article 1611 du code civil, 'le vendeur doit être condamné aux dommages et intérêts s'il résulte un préjudice pour l'acquéreur du défaut de délivrance au terme convenu'.
9- En l'espèce, il ressort de l'acte du 28 décembre 2017 par lequel la sccv [Adresse 13] s'est obligée à remettre à Mme [O] un appartement type 3 (lot 59) et deux emplacements de stationnement couverts (lots 72 et 73), que le vendeur 's'oblige à achever l'immeuble et à livrer les locaux vendus au plus tard à la fin du 4ème trimestre 2018" (31 décembre 2018).
Or, il n'est pas contesté que la livraison des lots n'est intervenue que le 5 septembre 2019, soit un retard de 248 jours.
10- A titre liminaire, la cour d'appel considère qu'il n'y a pas lieu, comme le soutient à tort la sas Pichet, de ne pas prendre en compte au titre des jours de retard les jours fériés et les fins de semaine, le contrat ne distinguant pas pour le calcul de la suspension du délai de livraison les jours ouvrés ou non ouvrés.
11- Pour justifier et s'exonérer de ce retard, la sas Pichet invoque en premier lieu l'existence de causes légitimes de suspension du délai de livraison tenant à des intempéries.
12- La clause relative aux causes légitimes de suspension du délai de livraison insérée aux contrats prévoit en effet que: ' le délai de livraison peut être différé en cas de force majeure ou de cause légitime... telles que les intempéries retenues par le maître d'oeuvre gênant les travaux ou le corps d'état considéré, et dûment justifiées par un relevé de la station météorologique la plus proche de l'immeuble ...de la défaillance d'une entreprise (la justification de la défaillance pouvant être fournie par le vendeur à l'acquéreur au moyen de la production du double de la LRAR adressée au maître d'oeuvre à l'entrepreneur défaillant) ou encore de la recherche ou la désignation d'une nouvelle entreprise se substituant à l'entreprise défaillante et à l'approvisionnement du chantier par celle-ci'.
Le contrat mentionne alors 'qu'en cas de survenance d'un cas de force majeure ou de cause légitime de suspension du délai de livraison, l'époque prévue pour l'achèvement des travaux sera différée d'un temps égal à celui du double pendant lequel l'événement considéré aurait mis obstacle à la poursuite des travaux... pour application desdits événements, les parties d'un commun accord déclarent s'en rapporter ...dès à présent à un certificat établi par le maître d'oeuvre ayant la direction des travaux, sous sa propre responsabilité'.
13- Le moyen soulevé par l'intimée relatif à une collusion frauduleuse entre la société Ecotech et la sccv Odyssée du fait de leur appartenance au même groupe, en l'espèce Promotion Pichet, a été retenu par le tribunal, qui a estimé que les sociétés [Adresse 13] et Ecotech étaient liées par des liens capitalistiques particulièrement forts traduisant une communauté d'intérêts, exclusive d'une véritable indépendance du maître d'oeuvre.
14- C'est cependant à tort que le tribunal s'est livré à cette appréciation dès lors, qu'en dépit de leur lien d'appartenance au même groupe, les données fournies par le maître d'oeuvre, le mieux placé pour évaluer les causes de suspension légitimes mentionnées dans la clause contractuelle, sont par nature objectives, et corroborées par des éléments factuels météorologiques.
15- De même, les arguments développés par Mme [O] selon lesquels aucun compte-rendu de chantier faisant état de difficultés n'est versé aux débats, ce qu'a également relevé le tribunal, sont inopérants, dès lors qu'en tout état de cause, le contrat qui fait la loi des parties, prévoit que les intempéries doivent être justifiées par un certificat établi par le maître d'oeuvre ayant la direction des travaux sous sa responsabilité, ce qui est le cas en l'espèce, le maître d'oeuvre n'ayant pas à produire contractuellement au surplus des compte-rendus de chantier.
16- A l'appui de ses allégations, la sas Pichet produit trois attestations émanant du maître d'oeuvre, M. [U] [I], directeur général de la société Ecotech Ingenierie, en date du 11 octobre 2018 attestant que 34 journées d'intempéries au sens de la réglementation des travaux du bâtiment ont été enregistrées jusqu'à fin septembre 2018, du 29 janvier 2019 attestant que 34 journées d'intempéries ont été enregistrées du premier octobre au 31 décembre 2018, et du 16 mai 2019 attestant que 37 journées d'intempéries ont été enregistrées du premier janvier au 30 avril 2019, portant ainsi à 87 le nombre total des journées d'intempéries depuis le démarrage des travaux (pièce 4 sas Pichet).
17- En outre, en cause d'appel, la Sas Pichet produit pour la période considérée un relevé météorologique de la station du [Localité 4], la plus proche du lieu de situation de l'immeuble litigieux, qui atteste de 86 jours d'intempéries (pièce 20 Sas Pichet).
18- En conséquence, il n'y a pas lieu, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, d'écarter la cause légitime de suspension du délai de livraison tenant aux intempéries.
19- Par ailleurs, la sas Pichet invoque en second lieu un retard imputable à la société Sotrap, titulaire du lot menuiseries extérieures.
Elle verse aux débats une attestation en date du 5 novembre 2018 émanant du maître d'oeuvre, M. [I], lequel indique:
'- avoir confié à la société Sotrap des travaux de menuiseries extérieures par l'acte de service n°1 du 27 octobre 2017,
- que la société Sotrap a rencontré pendant plusieurs mois différentes défaillances liées notamment à des difficultés financières, entraînant une diminution des moyens humains et matériels,
- que ces défaillances ont abouti à l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire de la Sotrap le 23 juillet 2018, convertie en liquidation judiciaire le 24 octobre 2018,
- que la nécessité de procéder au remplacement de cette entreprise a engendré un retard sur le planning d'exécution des travaux' (pièce 6 sas Pichet).
20- S'il ressort de la lecture de cette attestation que la société Sotrap a rencontré des difficultés financières qui ont conduit à son remplacement et ont nécessairement entraîné un retard dans la réalisation des travaux, il convient d'observer que le maître d'oeuvre ne précise pas le nombre de jours de retard occasionnés par cette cause de suspension, ce qui ne permet pas à la cour d'appel d'apprécier leur éventuelle incidence sur l'achèvement et la livraison programmée pour les trois lots à la fin du 2ème trimestre 2018.
21- Dès lors, cette cause de suspension du délai de livraison ne peut être opposée à Mme [O].
22- En considération de ces éléments, et eu égard à la clause des contrats qui prévoit que le délai de livraison est différé d'un temps égal à celui du double pendant lequel l'événement considéré a mis obstacle à la poursuite des travaux, sur les 248 jours de retard comptabilisés, seulement 174 sont justifiés, au regard des intempéries.
Il existe donc un retard de livraison imputable à la sas Pichet de 74 jours.
23- Le jugement, en ce qu'il a dit que le retard de livraison ne résulte pas de causes légitimes exonératoires de responsabilité contractuelle sera infirmé, et il sera dit que le retard de livraison résulte en partie de causes légitimes exonératoires de responsabilité pour la sas Pichet à hauteur de 74 jours, mais sera confirmé en ce qu'il a dit qu'en livrant avec retard à Mme [O] les biens litigieux, la sccv [Adresse 13] aux droits de laquelle vient la sas Promotion Pichet, a manqué à l'une de ses obligations contractuelles à son égard.
* Sur les pénalités de retard.
24- Dans le cadre de son appel incident, Mme [O] réclame la somme de 21 910 euros, au titre de pénalités de retard équivalentes à 1/3000ème du prix par jour de retard.
25- La sas Pichet s'y oppose, en faisant valoir qu'à défaut de stipulations contractuelles, les pénalités de retard prévues à l'article R231-14 du code de la construction et de l'habitation ne concernent pas les ventes en l'état futur d'achèvement.
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26- Les dispositions de l'article R. 231-14 du même code selon lesquelles ' En cas de retard de livraison, les pénalités prévues au i de l'article L. 231-2 ne peuvent être fixées à un montant inférieur à 1/3 000 du prix convenu par jour de retard' applicables au contrat de construction de maison individuelle, sont, contrairement à ce que soutient Mme [O], inapplicables en l'espèce, s'agissant de contrats de vente en l'état futur d'achèvement d'une part, et dont il n'est pas contesté d'autre part qu'ils ne contiennent aucune clause tendant à fixer les pénalités dues par le vendeur à l'acquéreur compte-tenu du retard dans la livraison.
27- Le jugement en ce qu'il a débouté Mme [O] de sa demande au titre des pénalités de retard sera donc confirmé.
* Sur les demandes indemnitaires résultant du retard de livraison.
28- Mme [O] sollicite, dans le cadre d'un appel incident, la condamnation de la sas Pichet à lui payer la somme de 11 750, 40 euros en réparation de son préjudice de jouissance, la somme de 982, 80 euros au titre des frais de garde-meuble et la somme de 4000 euros en réparation de son préjudice moral.
29- La sas Pichet fait valoir que les préjudices allégués ne sont justifiés ni dans leur principe, ni dans leur quantum, et, à titre subsidiaire sollicite la réduction de leur montant.
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30- L'article 1231-1 du code civil dispose que 'le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison d'un retard dans l'exécution de l'obligation, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure'.
- Sur le préjudice de jouissance.
31- Il résulte de ce qui précède que le retard de livraison de l'appartement où devait résider Mme [O] est de 74 jours, soit environ deux mois et demi.
32- A l'appui de sa demande, Mme [O] verse aux débats un document établi par le gestionnaire locatif de la société Pichet qui atteste de ce que la valeur locative du bien est de 796 euros mensuels.
33- Aux termes de ses écritures, elle indique cependant avoir été hébergée pendant la période de la construction dans un appartement appartenant à la société Pichet (page 21 conclusions Mme [O]), de sorte qu'elle ne peut prétendre à l'indemnisation d'un préjudice correspondant à la valeur locative de son bien.
34- Toutefois, et contrairement à ce que soutient la sas Pichet, la cour d'appel considère qu'elle justifie néanmoins de la réalité d'un préjudice de jouissance, caractérisé par le fait de ne pas avoir pu prendre possession des biens acquis, et donc d'en avoir la jouissance, dans les délais convenus.
35- En considération de ces éléments, le jugement entrepris en ce qu'il a accordé à Mme [O] la somme de 6527, 20 euros en réparation de son préjudice de jouissance sera infirmé, et il sera minoré à la somme de 1500 euros.
- Sur le préjudice moral et les autres frais engagés.
36- Mme [O] sollicite la somme de 4000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, et la somme de 928, 80 euros en remboursement de ses frais de garde-meuble.
37- A l'appui de sa demande de remboursement des frais de garde-meuble, elle produit une facture émanant de Amtd Déménagements d'un montant de 928, 80 euros au titre des frais de garde-meuble pour la période du premier janvier 2019 au 30 juin 2019 (pièce 22).
38- Outre le fait que Mme [O] ne démontre pas s'être acquittée du paiement de cette facture, celle-ci portant la mention 'pour acquittement', elle ne justifie pas de la réalité d'un préjudice à ce titre dès lors que, bénéficiant d'un logement mis à sa disposition par la sas Promotion Pichet jusqu'à la livraison de son lot, il n'était pas nécessaire qu'elle engage des frais à ce titre.
39- En conséquence, le jugement qui a fait droit à sa demande de remboursement des frais de garde-meuble sera infirmé, et Mme [O] sera déboutée de sa demande formée à ce titre.
40- S'agissant enfin du préjudice moral, celui-ci est caractérisé par les tracas liés à la présente procédure, et a été justement évalué par le tribunal à la somme de 1500 euros. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
Sur le retard de levée des réserves.
41- Dans le cadre de son appel incident, Mme [O] sollicite l'infirmation du jugement, en ce qu'il a considéré que sa demande de condamnation de la sas Pichet à lui verser la somme de 2121, 60 euros en réparation de son préjudice de jouissance résultant du retard dans la levée des réserves, était l'objet d'une autre instance disjointe.
Mme [O] sollicite désormais la somme de 11 750, 40 euros à ce titre, en réparation de son préjudice de jouissance lié à la persistance de réserves non levées et à l'existence de désordres.
Elle soutient que l'expertise judiciaire en cours ne concerne que les parties communes et qu'elle est donc bien-fondée, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, à maintenir ses demandes relatives aux préjudices subis en raison du retard de levée des réserves concernant ses parties privatives.
Elle indique en outre subir des infiltrations d'eau importantes dans son appartement.
42- La sas Pichet réplique que Mme [O] ne rapporte pas la preuve de la persistance de réserves, qui ont toutes été intégralement levées.
Elle fait ensuite valoir que le désordre relatif aux infiltrations d'eau a été entièrement réparé.
Sur ce,
43- Mme [O] recherche la responsabilité contractuelle de la sas Pichet, ce qui suppose de sa part la démonstration d'une faute de cette dernière, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice.
44- A titre liminaire, la cour d'appel observe que c'est à tort que le tribunal a estimé que la demande formée par Mme [O] en réparation du préjudice de jouissance liée à la persistance de désordres relevait d'une autre instance, dès lors que la lecture attentive de l'ordonnance du juge de la mise en état du 9 avril 2021 permet de constater que l'instance a été disjointe concernant les désordres affectant les parties communes uniquement, pour lesquels une mesure d'expertise a été ordonnée, Mme [O] étant donc recevable à former une demande relative à son préjudice de jouissance concernant les parties privatives. Le jugement sera donc infirmé sur ce point.
45- En l'espèce, à l'appui de ses prétentions, Mme [O] verse aux débats:
- le procès-verbal de livraison du 5 septembre 2019 qui fait état des réserves suivantes: un rail rayé avec des épaufrures sur les encadrements, la bonde de vidange du lave-main qui ne fonctionne pas, des raccords disgracieux, la présence d'une fenêtre à la française en lieu et place d'une porte-fenêtre, une température excessive dans l'appartement, l'absence en partie de la descente d'eaux pluviales, des désordres sur les lames de la terrasse et le bardage, la découpe d'une plaque de manière grossière pour permettre l'installation de la machine à laver (pièces 3 et 4),
- un procès-verbal de constat d'huissier établi par M. [E], huissier de justice, en date du 5 octobre 2019, dans lequel l'huissier instrumentaire confirme les désordres allégués, sauf celui relatif à la température excessive dans l'appartement (pièce 8).
46- De son côté, la sas Pichet verse aux débats deux bons d'intervention signés de Mme [O] en date des 29 octobre 2019 et 23 juillet 2020 attestant de la reprise du rail rayé avec épaufrures, de l'absence en partie de la descente d'eaux pluviales et des désordres relatifs aux lames de terrasse et au bardage (pièces 7, 8, 9 et 21), de sorte que Mme [O] ne peut alléguer souffrir de la persistance de désordres à ce titre.
47- S'agissant des raccords disgracieux, de la température excessive dans l'appartement et du bruit de la VMC, la cour d'appel observe, comme le souligne à juste titre l'appelante, que Mme [O] ne produit aucune pièce justifiant de la réalité de ses allégations sur ces points.
48- Par ailleurs, il convient de relever que Mme [O] ne verse aux débats aucun élément, hormis deux courriers en date des 3 et 24 août 2021 qu'elle a adressé à la société Pichet pour se plaindre de la présence d'infiltrations dans le bien litigieux, et qui sont donc dénués de force probante en application du principe selon lequel on ne peut pas se constituer de preuve à soi-même.
49- Faute pour Mme [O] de rapporter la preuve de la persistance de désordres liés à des réserves non-levées et de la présence d'infiltrations, elle ne justifie d'aucun préjudice à ce titre et sera par conséquent déboutée de sa demande en réparation de son préjudice de jouissance lié à la persistance de réserves non-levées et de désordres liés à des infiltrations.
Sur les mesures accessoires.
50- Le jugement est confirmé sur les dépens et l'indemnité due par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
51- La sas Pichet, partie perdante, supportera les dépens de la procédure d'appel.
L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a condamné la sccv [Adresse 12] aux droits de laquelle vient la sas Promotion Pichet à payer à Mme [N] [O] la somme de 1500 euros en réparation de son préjudice moral et en ce qu'il a rejeté la demande en paiement de pénalités de retard;
Statuant de nouveau,
Condamne la sas Promotion Pichet à payer à Mme [N] [O] la somme de 1500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance résultant du retard de livraison,
Déboute Mme [N] [O] de sa demande de remboursement des frais de garde-meuble,
Déboute Mme [N] [O] de sa demande en réparation de son préjudice de jouissance lié à la persistance de réserves non-levées et de désordres liés à des infiltrations,
Y ajoutant,
Condamne la sas Promotion Pichet aux dépens de la procédure d'appel,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jacques BOUDY, président, et par Madame Audrey COLLIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,
2ème CHAMBRE CIVILE
--------------------------
ARRÊT DU : 11 SEPTEMBRE 2025
N° RG 22/01293 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MTBC
S.A.S. PROMOTION PICHET
c/
[V] [N] [O]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 02 mars 2022 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 3] (chambre : 7, RG : 20/06487) suivant déclaration d'appel du 14 mars 2022
APPELANTE :
S.A.S. PROMOTION PICHET
venant aux droits et obligations de la société RESIDENCE ODYSSEE,
par l'effet de la dissolution sans liquidation de la SCCV RESIDENCE ODYSSEE et de la transmission universelle de son patrimoine à son associée unique la SAS PROMOTION PICHET, en application de l'article 1844-5 alinéa 3 du Code civil, en date du 30 novembre 2023
[Adresse 2]
Représentée par Me Philippe LIEF de l'AARPI GRAVELLIER - LIEF - DE LAGAUSIE - RODRIGUES, avocat au barreau de BORDEAUX substitué à l'audience par Me BREDY
INTIMÉE :
[V] [N] [O]
née le 09 Mai 1945 à [Localité 6]
de nationalité Française
Retraitée,
demeurant [Adresse 1]
Représentée par Me Marie ROSSIGNOL de la SELARL ROSSIGNOL, avocat au barreau de BORDEAUX substituée à l'audience par Me CAILLAT
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 juin 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bénédicte DE VIVIE, Conseillère, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Jacques BOUDY, Président
Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller
Madame Bénédicte DE VIVIE, Conseillère
Greffier lors des débats : Madame Audrey COLLIN
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * *
FAITS ET PROCÉDURE :
1- Suivant acte du 28 décembre 2017, Madame [V] [O] a cédé à la société civile de construction vente [Adresse 9] [Adresse 5]Odyssée (ci-après dénommée la sccv [Adresse 10]), un terrain à construire situé12 [Adresse 14] à [Localité 7], le prix de cession étant partiellement converti en une dation en état futur d'achèvement d'un appartement et de deux emplacements de parking.
Le délai de livraison était prévu à la fin du 4ème trimestre 2018, soit le 31 décembre 2018.
La livraison est intervenue avec réserves le 5 septembre 2019.
2- Par acte du 27 août 2020, Mme [O] a assigné la sccv [Adresse 10] devant le tribunal judiciaire de Bordeaux, pour obtenir sa condamnation à lever les réserves et l'indemniser du préjudice subi résultant du retard dans la livraison.
Par ordonnance du 9 avril 2021, le juge de la mise en état a ordonné la disjonction de l'instance opposant Mme [O] à la sccv relative à l'indemnisation du préjudice résultant du retard de livraison, et celle résultant du retard dans la levée des réserves, ordonné un sursis à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise de M. [F].
Par jugement du 2 mars 2022, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :
- condamné la sccv [Adresse 12] à payer à Mme [O] la somme de 6 527, 20 euros en indemnisation du trouble de jouissance consécutif au retard de livraison, outre 928, 80 euros de frais de garde meuble et 1 500 euros en réparation de son préjudice moral,
- rappelé que la demande indemnitaire soutenue à concurrence de 2 121, 60 euros à parfaire relève du sursis à statuer antérieurement ordonné et toujours en cours,
- débouté Mme [O] du surplus de ses demandes,
- rappelé que le présent jugement est de droit exécutoire à titre provisionnel,
- condamné la sccv [Adresse 12] à payer à Mme [O] une indemnité de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles,
- condamné la sccv [Adresse 12] aux dépens de l'instance, qui seront recouvrés ainsi qu'il est dit à l'article 699 du code de procédure civile.
La sccv [Adresse 12] a relevé appel du jugement le 14 mars 2022.
La Sas Promotion Pichet, venant aux droits de la sccv [Adresse 12] est intervenue volontairement à la présente procédure, conformément à l'article 329 du code de procédure civile.
3- Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 21 février 2024, la sas Promotion Pichet demande à la cour d'appel, sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil, R. 231-14 du code de la construction et de l'habitation, 329 et 700 du code de procédure civile :
- de recevoir son intervention volontaire venant aux droit et obligations de la sccv [Adresse 12],
constatant que la Sccv l'Odyssée a fait procéder à la levée de l'ensemble des réserves signalées dans l'appartement de Mme [O], et que les éventuels désordres persistants relèvent de la garantie de parfait achèvement des locateurs d'ouvrage,
- de confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 02 mars 2022 en ce qu'il a débouté Mme [O] du surplus de ses demandes et notamment de la demande indemnitaire soutenue à concurrence de 2 121,60 euros au titre du préjudice de jouissance lié à la persistance des réserves et désordres,
à titre subsidiaire, et si par extraordinaire la cour retenait un préjudice de jouissance au titre de la persistance des réserves et désordres, imputable à la Sccv [Adresse 12],
- de réduire à de plus justes proportions l'indemnisation de la privation de jouissance octroyée au titre de la persistance des réserves et désordres,
constatant que le retard de livraison est justifié, tant par l'existence de nombreuses journées d'intempéries, que par la défaillance de la société Sotrap,
constatant que ces événements constituent des causes légitimes de suspension du délai de livraison expressément prévues au contrat,
constatant que ces causes légitimes de suspension du délai de livraison exonèrent la Sccv [Adresse 12] du retard de livraison de l'appartement acquis par Mme [O] :
- de réformer partiellement le jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 2 mars 2022 en ce qu'il a :
- condamné la Sccv [Adresse 12] à payer à Mme [O] la somme de 6 527, 20 euros en indemnisation du trouble de jouissance consécutif au retard de livraison, outre 928, 80 euros de frais de garde meuble et 1 500 euros en réparation de son préjudice moral,
- condamné la Sccv [Adresse 12] à payer à Mme [O] une indemnité de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles,
- condamné la Sccv [Adresse 12] aux dépens de cette partie de l'instance, qui seront recouvrés ainsi qu'il est dit à l'article 699 du code de procédure civile,
en conséquence et statuant à nouveau,
à titre principal,
- de débouter Mme [O] de l'intégralité de ses demandes au titre du retard de livraison en raison de l'application des causes légitimes de suspension du délai de livraison prévues aux actes authentiques de vente en l'état futur d'achèvement ayant pour conséquence de l'exonérer de toute responsabilité,
- de condamner Mme [O] à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de l'Aarpi Gravellier-Lief-de Lagausie-Rodrigues conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
à titre subsidiaire, et si par extraordinaire la cour retenait un retard de livraison imputable à la Sccv [Adresse 11][Adresse 8],
- de retenir que le retard qui lui est éventuellement imputable ne pourra excéder 164 jours et non 248 jours comme allégué par Mme [O], dès lors que seuls les jours ouvrés peuvent être comptabilités,
constatant que l'article R. 231-14 du code de la construction et de l'habitation n'est pas applicable en l'espèce s'agissant d'une vente en l'état futur d'achèvement et non d'un contrat de construction de maison individuelle,
- de confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 02 mars 2022 en ce qu'il a retenu, au titre de sa motivation, l'inapplicabilité de l'article R. 231-14 du code de la construction et de l'habitation pour apprécier la demande d'indemnisation formée à hauteur de 21 910 euros par Mme [O],
- de réformer le jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 02 mars 2022 en ce qu'il a condamné la Sccv Résidence Odyssée à verser la somme de 6 527,20 euros au titre de la privation de jouissance résultant du retard de livraison et statuant à nouveau de débouter Mme [O] de sa demande d'indemnisation formée à hauteur de 21 910 euros au titre du retard de livraison,
à titre infiniment subsidiaire,
- de réduire à de plus justes proportions l'indemnisation de la privation de jouissance octroyée au titre du retard de livraison, sans que cette indemnisation ne puisse excéder la somme de 3 758,40 euros,
- de réformer le jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux en ce qu'il a condamné la Sccv [Adresse 12] à verser la somme de 928,80 euros au titre des frais de garde meuble et statuant à nouveau de débouter Mme [O] de sa demande d'indemnisation formée à hauteur de 928,80 euros,
- de réformer le jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux en ce qu'il a condamné la Sccv [Adresse 11][Adresse 8] à verser la somme de 1 500 euros au titre du préjudice moral de Mme [O] et statuant à nouveau de débouter Madame [O] de toute demande visant à indemniser les « autres préjudices dont moraux » à hauteur de 10 000 euros,
à titre infiniment subsidiaire, sur le préjudice moral,
- de réduire à de plus justes proportions l'indemnisation du préjudice moral qui ne saurait excéder la somme de 1 500 euros telle qu'octroyée par le jugement de première instance.
4- Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 31 août 2022, Mme [O] demande à la cour d'appel, sur le fondement des articles 1601-1 et suivants, 1613, 1641 et suivants du code civil, 1231-1 et 1231-2 du code civil, L261-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation :
- de débouter la sccv Résidence l'Odyssée de l'ensemble de ses demandes, fins
et prétention,
- de confirmer le jugement en date du 2 mars 2022 par le tribunal
judiciaire de [Localité 3] en ce qu'il a:
- condamné la sccv [Adresse 12] à lui payer la somme de 6 527, 20 euros en indemnisation du trouble de jouissance consécutif au retard de livraison, outre 928, 80 euros de frais de garde meuble,
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit,
- condamné la Sccv [Adresse 12] aux dépens,
- de la recevoir en son appel incident,
- de réformer le jugement en date du 2 mars 2022 par le tribunal
judiciaire de [Localité 3] en ce qu'il :
- condamné la sccv [Adresse 12] à lui payer la somme de 1 500 euros au titre du préjudice moral;
- l'a déboutée du surplus de ses demandes,
- a rappelé que la demande indemnitaire soutenue à concurrence de 2 121, 60 euros à parfaire relève du sursis à statuer antérieurement ordonné et toujours en cours,
- a condamné la sccv [Adresse 12] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
statuant à nouveau,
- de condamner la sccv [Adresse 12] à lui payer les sommes suivantes :
- au titre du préjudice de jouissance la somme de 11 750, 40 euros,
- au titre des pénalités de retard : la somme de 21 910 euros,
- pour le préjudice moral : 4 000 euros,
- de condamner la Sccv [Adresse 12] à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
en tout état de cause,
- de débouter la Sccv [Adresse 12] de toutes demandes formées à son encontre,
- de condamner la Sccv [Adresse 12] à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 mai 2025.
Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l'intervention volontaire de la Sas Promotion Pichet venant aux droits et obligations de la sccv [Adresse 13].
5- Il y a lieu de recevoir, par application des dispositions de l'article 329 du code de procédure civile, l'intervention volontaire de la sas Promotion Pichet, venant aux droits de la société [Adresse 13] par l'effet de la dissolution, sans liquidation, de la sccv Résidence Odyssée et la transmission universelle de son patrimoine à son associé unique la Sas Promotion Pichet.
Sur le retard de livraison.
* Sur les causes légitimes de suspension du délai de livraison.
6- La sas Promotion Pichet invoque l'existence de causes légitimes de suspension du délai de livraison tenant d'une part à des intempéries ayant retardé l'achèvement du chantier et sa livraison, retenues par le maître d'oeuvre et justifiées par un relevé météorologique de la station météorologique la plus proche, et d'autre part à la défaillance d'une entreprise ayant retardé le chantier.
7- Mme [O] fait valoir que les jours d'intempéries ne justifient pas le défaut d'avancement du chantier, que les relevés ne sont pas issus de la station météorologique la plus proche, et que la preuve de l'impact sur le chantier de la défaillance de la société Sotrap n'est pas rapportée.
****
8- L'article 1601-1 du code civil dispose que 'la vente d'immeuble à construire est celle par laquelle le vendeur s'oblige à édifier un immeuble dans un délai déterminé par le contrat'.
Selon l'article 1611 du code civil, 'le vendeur doit être condamné aux dommages et intérêts s'il résulte un préjudice pour l'acquéreur du défaut de délivrance au terme convenu'.
9- En l'espèce, il ressort de l'acte du 28 décembre 2017 par lequel la sccv [Adresse 13] s'est obligée à remettre à Mme [O] un appartement type 3 (lot 59) et deux emplacements de stationnement couverts (lots 72 et 73), que le vendeur 's'oblige à achever l'immeuble et à livrer les locaux vendus au plus tard à la fin du 4ème trimestre 2018" (31 décembre 2018).
Or, il n'est pas contesté que la livraison des lots n'est intervenue que le 5 septembre 2019, soit un retard de 248 jours.
10- A titre liminaire, la cour d'appel considère qu'il n'y a pas lieu, comme le soutient à tort la sas Pichet, de ne pas prendre en compte au titre des jours de retard les jours fériés et les fins de semaine, le contrat ne distinguant pas pour le calcul de la suspension du délai de livraison les jours ouvrés ou non ouvrés.
11- Pour justifier et s'exonérer de ce retard, la sas Pichet invoque en premier lieu l'existence de causes légitimes de suspension du délai de livraison tenant à des intempéries.
12- La clause relative aux causes légitimes de suspension du délai de livraison insérée aux contrats prévoit en effet que: ' le délai de livraison peut être différé en cas de force majeure ou de cause légitime... telles que les intempéries retenues par le maître d'oeuvre gênant les travaux ou le corps d'état considéré, et dûment justifiées par un relevé de la station météorologique la plus proche de l'immeuble ...de la défaillance d'une entreprise (la justification de la défaillance pouvant être fournie par le vendeur à l'acquéreur au moyen de la production du double de la LRAR adressée au maître d'oeuvre à l'entrepreneur défaillant) ou encore de la recherche ou la désignation d'une nouvelle entreprise se substituant à l'entreprise défaillante et à l'approvisionnement du chantier par celle-ci'.
Le contrat mentionne alors 'qu'en cas de survenance d'un cas de force majeure ou de cause légitime de suspension du délai de livraison, l'époque prévue pour l'achèvement des travaux sera différée d'un temps égal à celui du double pendant lequel l'événement considéré aurait mis obstacle à la poursuite des travaux... pour application desdits événements, les parties d'un commun accord déclarent s'en rapporter ...dès à présent à un certificat établi par le maître d'oeuvre ayant la direction des travaux, sous sa propre responsabilité'.
13- Le moyen soulevé par l'intimée relatif à une collusion frauduleuse entre la société Ecotech et la sccv Odyssée du fait de leur appartenance au même groupe, en l'espèce Promotion Pichet, a été retenu par le tribunal, qui a estimé que les sociétés [Adresse 13] et Ecotech étaient liées par des liens capitalistiques particulièrement forts traduisant une communauté d'intérêts, exclusive d'une véritable indépendance du maître d'oeuvre.
14- C'est cependant à tort que le tribunal s'est livré à cette appréciation dès lors, qu'en dépit de leur lien d'appartenance au même groupe, les données fournies par le maître d'oeuvre, le mieux placé pour évaluer les causes de suspension légitimes mentionnées dans la clause contractuelle, sont par nature objectives, et corroborées par des éléments factuels météorologiques.
15- De même, les arguments développés par Mme [O] selon lesquels aucun compte-rendu de chantier faisant état de difficultés n'est versé aux débats, ce qu'a également relevé le tribunal, sont inopérants, dès lors qu'en tout état de cause, le contrat qui fait la loi des parties, prévoit que les intempéries doivent être justifiées par un certificat établi par le maître d'oeuvre ayant la direction des travaux sous sa responsabilité, ce qui est le cas en l'espèce, le maître d'oeuvre n'ayant pas à produire contractuellement au surplus des compte-rendus de chantier.
16- A l'appui de ses allégations, la sas Pichet produit trois attestations émanant du maître d'oeuvre, M. [U] [I], directeur général de la société Ecotech Ingenierie, en date du 11 octobre 2018 attestant que 34 journées d'intempéries au sens de la réglementation des travaux du bâtiment ont été enregistrées jusqu'à fin septembre 2018, du 29 janvier 2019 attestant que 34 journées d'intempéries ont été enregistrées du premier octobre au 31 décembre 2018, et du 16 mai 2019 attestant que 37 journées d'intempéries ont été enregistrées du premier janvier au 30 avril 2019, portant ainsi à 87 le nombre total des journées d'intempéries depuis le démarrage des travaux (pièce 4 sas Pichet).
17- En outre, en cause d'appel, la Sas Pichet produit pour la période considérée un relevé météorologique de la station du [Localité 4], la plus proche du lieu de situation de l'immeuble litigieux, qui atteste de 86 jours d'intempéries (pièce 20 Sas Pichet).
18- En conséquence, il n'y a pas lieu, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, d'écarter la cause légitime de suspension du délai de livraison tenant aux intempéries.
19- Par ailleurs, la sas Pichet invoque en second lieu un retard imputable à la société Sotrap, titulaire du lot menuiseries extérieures.
Elle verse aux débats une attestation en date du 5 novembre 2018 émanant du maître d'oeuvre, M. [I], lequel indique:
'- avoir confié à la société Sotrap des travaux de menuiseries extérieures par l'acte de service n°1 du 27 octobre 2017,
- que la société Sotrap a rencontré pendant plusieurs mois différentes défaillances liées notamment à des difficultés financières, entraînant une diminution des moyens humains et matériels,
- que ces défaillances ont abouti à l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire de la Sotrap le 23 juillet 2018, convertie en liquidation judiciaire le 24 octobre 2018,
- que la nécessité de procéder au remplacement de cette entreprise a engendré un retard sur le planning d'exécution des travaux' (pièce 6 sas Pichet).
20- S'il ressort de la lecture de cette attestation que la société Sotrap a rencontré des difficultés financières qui ont conduit à son remplacement et ont nécessairement entraîné un retard dans la réalisation des travaux, il convient d'observer que le maître d'oeuvre ne précise pas le nombre de jours de retard occasionnés par cette cause de suspension, ce qui ne permet pas à la cour d'appel d'apprécier leur éventuelle incidence sur l'achèvement et la livraison programmée pour les trois lots à la fin du 2ème trimestre 2018.
21- Dès lors, cette cause de suspension du délai de livraison ne peut être opposée à Mme [O].
22- En considération de ces éléments, et eu égard à la clause des contrats qui prévoit que le délai de livraison est différé d'un temps égal à celui du double pendant lequel l'événement considéré a mis obstacle à la poursuite des travaux, sur les 248 jours de retard comptabilisés, seulement 174 sont justifiés, au regard des intempéries.
Il existe donc un retard de livraison imputable à la sas Pichet de 74 jours.
23- Le jugement, en ce qu'il a dit que le retard de livraison ne résulte pas de causes légitimes exonératoires de responsabilité contractuelle sera infirmé, et il sera dit que le retard de livraison résulte en partie de causes légitimes exonératoires de responsabilité pour la sas Pichet à hauteur de 74 jours, mais sera confirmé en ce qu'il a dit qu'en livrant avec retard à Mme [O] les biens litigieux, la sccv [Adresse 13] aux droits de laquelle vient la sas Promotion Pichet, a manqué à l'une de ses obligations contractuelles à son égard.
* Sur les pénalités de retard.
24- Dans le cadre de son appel incident, Mme [O] réclame la somme de 21 910 euros, au titre de pénalités de retard équivalentes à 1/3000ème du prix par jour de retard.
25- La sas Pichet s'y oppose, en faisant valoir qu'à défaut de stipulations contractuelles, les pénalités de retard prévues à l'article R231-14 du code de la construction et de l'habitation ne concernent pas les ventes en l'état futur d'achèvement.
****
26- Les dispositions de l'article R. 231-14 du même code selon lesquelles ' En cas de retard de livraison, les pénalités prévues au i de l'article L. 231-2 ne peuvent être fixées à un montant inférieur à 1/3 000 du prix convenu par jour de retard' applicables au contrat de construction de maison individuelle, sont, contrairement à ce que soutient Mme [O], inapplicables en l'espèce, s'agissant de contrats de vente en l'état futur d'achèvement d'une part, et dont il n'est pas contesté d'autre part qu'ils ne contiennent aucune clause tendant à fixer les pénalités dues par le vendeur à l'acquéreur compte-tenu du retard dans la livraison.
27- Le jugement en ce qu'il a débouté Mme [O] de sa demande au titre des pénalités de retard sera donc confirmé.
* Sur les demandes indemnitaires résultant du retard de livraison.
28- Mme [O] sollicite, dans le cadre d'un appel incident, la condamnation de la sas Pichet à lui payer la somme de 11 750, 40 euros en réparation de son préjudice de jouissance, la somme de 982, 80 euros au titre des frais de garde-meuble et la somme de 4000 euros en réparation de son préjudice moral.
29- La sas Pichet fait valoir que les préjudices allégués ne sont justifiés ni dans leur principe, ni dans leur quantum, et, à titre subsidiaire sollicite la réduction de leur montant.
****
30- L'article 1231-1 du code civil dispose que 'le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison d'un retard dans l'exécution de l'obligation, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure'.
- Sur le préjudice de jouissance.
31- Il résulte de ce qui précède que le retard de livraison de l'appartement où devait résider Mme [O] est de 74 jours, soit environ deux mois et demi.
32- A l'appui de sa demande, Mme [O] verse aux débats un document établi par le gestionnaire locatif de la société Pichet qui atteste de ce que la valeur locative du bien est de 796 euros mensuels.
33- Aux termes de ses écritures, elle indique cependant avoir été hébergée pendant la période de la construction dans un appartement appartenant à la société Pichet (page 21 conclusions Mme [O]), de sorte qu'elle ne peut prétendre à l'indemnisation d'un préjudice correspondant à la valeur locative de son bien.
34- Toutefois, et contrairement à ce que soutient la sas Pichet, la cour d'appel considère qu'elle justifie néanmoins de la réalité d'un préjudice de jouissance, caractérisé par le fait de ne pas avoir pu prendre possession des biens acquis, et donc d'en avoir la jouissance, dans les délais convenus.
35- En considération de ces éléments, le jugement entrepris en ce qu'il a accordé à Mme [O] la somme de 6527, 20 euros en réparation de son préjudice de jouissance sera infirmé, et il sera minoré à la somme de 1500 euros.
- Sur le préjudice moral et les autres frais engagés.
36- Mme [O] sollicite la somme de 4000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, et la somme de 928, 80 euros en remboursement de ses frais de garde-meuble.
37- A l'appui de sa demande de remboursement des frais de garde-meuble, elle produit une facture émanant de Amtd Déménagements d'un montant de 928, 80 euros au titre des frais de garde-meuble pour la période du premier janvier 2019 au 30 juin 2019 (pièce 22).
38- Outre le fait que Mme [O] ne démontre pas s'être acquittée du paiement de cette facture, celle-ci portant la mention 'pour acquittement', elle ne justifie pas de la réalité d'un préjudice à ce titre dès lors que, bénéficiant d'un logement mis à sa disposition par la sas Promotion Pichet jusqu'à la livraison de son lot, il n'était pas nécessaire qu'elle engage des frais à ce titre.
39- En conséquence, le jugement qui a fait droit à sa demande de remboursement des frais de garde-meuble sera infirmé, et Mme [O] sera déboutée de sa demande formée à ce titre.
40- S'agissant enfin du préjudice moral, celui-ci est caractérisé par les tracas liés à la présente procédure, et a été justement évalué par le tribunal à la somme de 1500 euros. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
Sur le retard de levée des réserves.
41- Dans le cadre de son appel incident, Mme [O] sollicite l'infirmation du jugement, en ce qu'il a considéré que sa demande de condamnation de la sas Pichet à lui verser la somme de 2121, 60 euros en réparation de son préjudice de jouissance résultant du retard dans la levée des réserves, était l'objet d'une autre instance disjointe.
Mme [O] sollicite désormais la somme de 11 750, 40 euros à ce titre, en réparation de son préjudice de jouissance lié à la persistance de réserves non levées et à l'existence de désordres.
Elle soutient que l'expertise judiciaire en cours ne concerne que les parties communes et qu'elle est donc bien-fondée, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, à maintenir ses demandes relatives aux préjudices subis en raison du retard de levée des réserves concernant ses parties privatives.
Elle indique en outre subir des infiltrations d'eau importantes dans son appartement.
42- La sas Pichet réplique que Mme [O] ne rapporte pas la preuve de la persistance de réserves, qui ont toutes été intégralement levées.
Elle fait ensuite valoir que le désordre relatif aux infiltrations d'eau a été entièrement réparé.
Sur ce,
43- Mme [O] recherche la responsabilité contractuelle de la sas Pichet, ce qui suppose de sa part la démonstration d'une faute de cette dernière, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice.
44- A titre liminaire, la cour d'appel observe que c'est à tort que le tribunal a estimé que la demande formée par Mme [O] en réparation du préjudice de jouissance liée à la persistance de désordres relevait d'une autre instance, dès lors que la lecture attentive de l'ordonnance du juge de la mise en état du 9 avril 2021 permet de constater que l'instance a été disjointe concernant les désordres affectant les parties communes uniquement, pour lesquels une mesure d'expertise a été ordonnée, Mme [O] étant donc recevable à former une demande relative à son préjudice de jouissance concernant les parties privatives. Le jugement sera donc infirmé sur ce point.
45- En l'espèce, à l'appui de ses prétentions, Mme [O] verse aux débats:
- le procès-verbal de livraison du 5 septembre 2019 qui fait état des réserves suivantes: un rail rayé avec des épaufrures sur les encadrements, la bonde de vidange du lave-main qui ne fonctionne pas, des raccords disgracieux, la présence d'une fenêtre à la française en lieu et place d'une porte-fenêtre, une température excessive dans l'appartement, l'absence en partie de la descente d'eaux pluviales, des désordres sur les lames de la terrasse et le bardage, la découpe d'une plaque de manière grossière pour permettre l'installation de la machine à laver (pièces 3 et 4),
- un procès-verbal de constat d'huissier établi par M. [E], huissier de justice, en date du 5 octobre 2019, dans lequel l'huissier instrumentaire confirme les désordres allégués, sauf celui relatif à la température excessive dans l'appartement (pièce 8).
46- De son côté, la sas Pichet verse aux débats deux bons d'intervention signés de Mme [O] en date des 29 octobre 2019 et 23 juillet 2020 attestant de la reprise du rail rayé avec épaufrures, de l'absence en partie de la descente d'eaux pluviales et des désordres relatifs aux lames de terrasse et au bardage (pièces 7, 8, 9 et 21), de sorte que Mme [O] ne peut alléguer souffrir de la persistance de désordres à ce titre.
47- S'agissant des raccords disgracieux, de la température excessive dans l'appartement et du bruit de la VMC, la cour d'appel observe, comme le souligne à juste titre l'appelante, que Mme [O] ne produit aucune pièce justifiant de la réalité de ses allégations sur ces points.
48- Par ailleurs, il convient de relever que Mme [O] ne verse aux débats aucun élément, hormis deux courriers en date des 3 et 24 août 2021 qu'elle a adressé à la société Pichet pour se plaindre de la présence d'infiltrations dans le bien litigieux, et qui sont donc dénués de force probante en application du principe selon lequel on ne peut pas se constituer de preuve à soi-même.
49- Faute pour Mme [O] de rapporter la preuve de la persistance de désordres liés à des réserves non-levées et de la présence d'infiltrations, elle ne justifie d'aucun préjudice à ce titre et sera par conséquent déboutée de sa demande en réparation de son préjudice de jouissance lié à la persistance de réserves non-levées et de désordres liés à des infiltrations.
Sur les mesures accessoires.
50- Le jugement est confirmé sur les dépens et l'indemnité due par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
51- La sas Pichet, partie perdante, supportera les dépens de la procédure d'appel.
L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a condamné la sccv [Adresse 12] aux droits de laquelle vient la sas Promotion Pichet à payer à Mme [N] [O] la somme de 1500 euros en réparation de son préjudice moral et en ce qu'il a rejeté la demande en paiement de pénalités de retard;
Statuant de nouveau,
Condamne la sas Promotion Pichet à payer à Mme [N] [O] la somme de 1500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance résultant du retard de livraison,
Déboute Mme [N] [O] de sa demande de remboursement des frais de garde-meuble,
Déboute Mme [N] [O] de sa demande en réparation de son préjudice de jouissance lié à la persistance de réserves non-levées et de désordres liés à des infiltrations,
Y ajoutant,
Condamne la sas Promotion Pichet aux dépens de la procédure d'appel,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jacques BOUDY, président, et par Madame Audrey COLLIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,