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CA Paris, Pôle 5 - ch. 5, 11 septembre 2025, n° 23/05493

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 23/05493

11 septembre 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5

ARRET DU 11 SEPTEMBRE 2025

(n° , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 23/05493 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHKXY

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Février 2023 - Tribunal de commerce de Paris, 10ème chambre - RG n° 2022046752

APPELANTE

S.A.S. UNIMAT, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au R.C.S. de [Localité 7] sous le numéro 331 356 253

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Bruno Thorrignac, avocat au barreau de Paris, toque : D0125

Assistée de Me Sujitha Gopal, du cabinet Thorrignac, avocat au barreau de Paris, toque : D0125

INTIMEE

SCI HPL TEME, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au R.C.S. de [Localité 5] sous le numéro 809 607 567

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Sarra Jougla, avocat au barreau de Paris, toque : C0431

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Avril 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marilyn Ranoux-Julien, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Nathalie Renard, présidente de la chambre 5-5

Mme Christine Soudry, conseiller

Mme Marilyn Ranoux-Julien, conseillère

Greffier, lors des débats : M. Maxime Martinez

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Nathalie Renard, présidente de la chambre 5-5 et par xxx, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire, présent lors de la mise à disposition.

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Unimat est une société de location de machine et équipements pour la construction.

La société HPL TEME est une société civile de construction vente ayant pour activité l'achat, la construction et la revente de biens immobiliers.

Dans le cadre d'une opération d'édification d'un immeuble à [Localité 6] (93) conduite par la société Alila, la société HPL TEME a, en qualité de maître d'ouvrage, confié à la société Unimat, suivant devis accepté le 30 octobre 2019, la réalisation du rabattement de la nappe phréatique sur la zone de construction pour permettre la réalisation des travaux « à sec » pour un prix de 40 000 euros HT.

La société Unimat a émis des factures dont le montant total s'élève à 79 780 euros HT, justifiant le dépassement du prix initialement fixé par la prolongation de son intervention au-delà de la durée convenue.

Par lettre recommandée du 1er avril 2021, la société Unimat a mis en demeure la société HPL TEME de régler cinq factures, émises entre les 25 février et 29 juin 2020, d'un montant total de 39 780 euros HT (47 736 euros TTC).

Par acte du 8 septembre 2022, la société Unimat a assigné la société HPL TEME devant le tribunal de commerce de Paris en paiement des factures.

Par jugement du 3 février 2023, le tribunal de commerce de Paris a :

- Débouté la société Unimat de l'ensemble de ses demandes ;

- Condamné la société Unimat aux dépens ;

- Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.

Par déclaration du 17 mars 2023, la société Unimat a interjeté appel du jugement en visant tous les chefs du jugement.

Par ses dernières conclusions notifiées le 15 décembre 2023, la société Unimat demande, au visa des articles 1104 et 1231-1 du code civil, de :

- Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 3 février 2023 en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il a :

* Débouté la société Unimat de l'ensemble de ses demandes ;

* Condamné la société Unimat aux dépens ;

* Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.

Statuant de nouveau,

- Condamner la société HPL TEME à payer à la société Unimat la somme de 39 780 euros HT, soit 47 736 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2021 ;

- Condamner la société HPL TEME à payer à la société Unimat de la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance.

Par ses dernières conclusions notifiées le 15 septembre 2023, la société HPL TEME demande, au visa des articles 1793 du code civil, de :

- Confirmer le jugement entrepris ;

- Condamner la société Unimat au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 3 avril 2025.

La cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

Sur les factures impayées de la société Unimat

La société Unimat soutient que :

- La société HPL TEME lui a expressément demandé de maintenir le dispositif de rabattement au-delà de la période contractuelle de 52 jours. Le chantier a connu des retards pour des raisons étrangères à son intervention, et elle ne pouvait pas retirer le matériel de rabattement de la nappe, sauf à mettre en péril le chantier en cours.

- La preuve d'une défaillance dans le système de battement de la nappe qu'elle a mis en place n'est pas rapportée. Le rallongement du délai ne lui est pas imputable.

- Elle n'est pas intervenue dans le cadre de la « construction à forfait » du bâtiment car sa prestation ne participe pas à la « construction » de l'ouvrage, mais permet aux entreprises « constructeurs d'ouvrage » d'intervenir. En tout état de cause, le marché n'était pas forfaitaire sur l'ensemble de la durée du chantier, le prix devisé se rapportant à une durée déterminée de 45 jours (portée à 52 jours). Les cinq factures correspondent à des prestations ne se situant pas dans le marché initial, mais dans le cadre de prestations supplémentaires.

La société HPL TEME réplique que :

- La commande a été régularisée entre les parties pour un prix global de 40 000 euros HT déjà réglé, lequel est, en application de l'article 1792 du code civil, forfaitaire, non révisable et non actualisable.

- Les conditions générales annexées à la commande stipulent que les travaux supplémentaires doivent, pour être considérés comme tels, faire l'objet d'un avenant signé par les parties, ou, à défaut, d'un ordre de modification notifié par lettre recommandée par le maître d'ouvrage.

- Le chantier a été rallongé en raison du système défaillant utilisé par la société Unimat.

Aux termes de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

L'article 1793 du code civil dispose que lorsqu'un architecte ou un entrepreneur s'est chargé de la construction à forfait d'un bâtiment, d'après un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol, il ne peut demander aucune augmentation de prix, ni sous le prétexte de l'augmentation de la main-d'oeuvre ou des matériaux, ni sous celui de changements ou d'augmentations faits sur ce plan, si ces changements ou augmentations n'ont pas été autorisés par écrit, et le prix convenu avec le propriétaire.

Doivent être remplies pour qualifier un marché de marché à forfait les conditions suivantes :

La détermination précise, globale et définitive du prix,

La construction d'un bâtiment,

Une construction d'après un plan arrêté convenu avec le maître d'ouvrage.

En l'espèce, le descriptif des travaux tel que convenu par les parties comprenait les prestations suivantes :

- Rabattement de nappe par pointes filtrantes,

- Mise en place par pré-forage suivi d'un lançage hydraulique avec confection d'un massif filtrant autour de chaque point de pompage,

- Pompage d'appoint fond de fouille pour collecter les eaux résiduelles.

Les travaux accomplis par la société Unimat ne consistent donc pas simplement en une prestation de location d'un matériel de pompage, mais en la réalisation des puits de pompage, puis du pompage des eaux. Le rabattement de nappe est ainsi, en tant que préalable nécessaire à l'opération de construction commandée par le maître d'ouvrage, partie prenante de la construction de l'ouvrage.

Par ailleurs, la confirmation de commande des travaux établit que la société Unimat avait connaissance qu'elle participait à une opération de construction d'un programme immobilier comprenant « 73 logements et 73 places de stationnement ». Le devis accepté du 30 octobre 2019 mentionne, dans la rubrique « rappel des données » le volume, la nature et les modalités des travaux faisant l'objet du marché. La prestation de la société Unimat répond donc à un plan arrêté et convenu avec le maître de l'ouvrage.

Enfin, le prix, ventilé selon huit prestations nécessaires à la réalisation du rabattement de la nappe, a été déterminé par les parties de façon précise, globale et définitive à la somme de 40 000 euros HT « pour 45 jours de fonctionnement », durée portée à « 52 jours calendaires à compter du 25 novembre 2019 » comme en attestent les conditions particulières de la commande des travaux.

En conséquence, les parties sont liées par un marché à forfait soumis aux dispositions de l'article 1793 du code civil.

Selon l'article 1 des conditions générales de la commande du 30 octobre 2019, l'entrepreneur s'engage à exécuter les travaux objets dudit contrat pour la somme globale et forfaitaire fixée dans les conditions particulières, en l'occurrence la somme de 40 000 euros HT.

Dès lors, la société Unimat ne peut échapper à ce régime en se prévalant avoir réalisé des prestations postérieurement au terme des 52 jours de fonctionnement expressément convenus, ce qui correspond à la prolongation de son intervention - peu important la partie en étant à l'origine - dans l'exécution du contrat et non à la naissance d'une nouvelle relation contractuelle venant se substituer à la précédente.

Selon ce même article, « ne seront considérés comme travaux supprimés, modifiés ou supplémentaires que les travaux faisant l'objet d'un avenant signé par les parties ou à défaut d'un ordre de modification notifié par LRAR ».

Il est constant et non contesté qu'aucun avenant ni ordre écrit notifié par lettre recommandé n'a précédé l'exécution des travaux supplémentaires accomplis par la société Unimat.

Or, en l'absence de respect de ce formalisme, il ne peut être déduit du seul courriel que la société HPL TEME a adressé le 17 mars 2020 à la société Unimat (« Pour le moment le chantier n'est pas censé être à l'arrêt, aussi, je vous remercie de bien vouloir laisser la pompe active pour le moment. Nous vous tiendrons informés si la situation venait à changer ») l'existence de travaux supplémentaires demandés par le maître d'ouvrage et devant en conséquence s'ajouter au marché initial dans le cadre d'un marché à forfait.

La société Unimat ne justifie en conséquence sa créance au titre de travaux supplémentaires, et il convient, par substitution de motifs, de confirmer le jugement l'ayant déboutée de sa demande en paiement.

Sur les demandes accessoires

Le jugement sera confirmé s'agissant de la condamnation de la société Unimat aux dépens.

La société Unimat qui succombe sera condamnée aux dépens d'appel.

L'équité commande que la société Unimat soit condamnée à payer à la société HPL TEME la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Paris du 3 février 2023 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société Unimat à payer à la société HPL TEME la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Unimat aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

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