Livv
Décisions

CA Lyon, ch. soc. b, 12 septembre 2025, n° 22/06141

LYON

Arrêt

Autre

CA Lyon n° 22/06141

12 septembre 2025

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 22/06141 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OP6G

S.E.L.A.R.L. SELARLU [S]

C/

[U]

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 7]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 29 Août 2022

RG : 21/02066

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 12 SEPTEMBRE 2025

APPELANTE :

S.E.L.A.R.L. SELARLU [S] La SELARLU [S]

inscrite au RCS de [Localité 10] sous le numéro 879.775.757

représentée par maître [E] [S], ès qualités de mandataire liquidateur de la société DNA

[Adresse 9]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Patricia SEIGLE de la SELAS SEIGLE. [P]. DURAND-ZORZI, avocat au barreau de LYON substituée par Me Elodie DARDICHON, avocat au barreau de LYON

INTIMÉES :

[D] [U]

née le 17 Juillet 1998 à [Localité 11] (69)

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Camille BOUHELIER, avocat au barreau de LYON

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 7]

[Adresse 3]

[Localité 6]

représentée par Me Charles CROZE de la SELARL AVOCANCE, avocat au barreau de LYON substitué par Me Julia VINCENT, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 20 Juin 2025

Présidée par Béatrice REGNIER, Présidente magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Mihaela BOGHIU, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Béatrice REGNIER, présidente

- Catherine CHANEZ, conseillère

- Régis DEVAUX, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 12 Septembre 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Béatrice REGNIER, Présidente et par Mihaela BOGHIU, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La société DNA exploitait un salon de coiffure et comptait entre 3 et 5 salariés.

Elle a été placée en redressement judiciaire le 16 octobre 2018, la date de cessation des paiements étant fixée au 15 octobre 2018.

Elle a engagé Mme [D] [U] par contrat d'apprentissage à durée déterminée du 24 septembre 2020 pour la période du 1er octobre 2020 au 31 août 2022.

Elle a été placée en liquidation judiciaire le 9 décembre 2020.

Le 22 janvier 2021, la SELARLU [S], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société DNA, a notifié à Mme [U] la rupture anticipée de son contrat de travail pour motif économique.

Saisi par Mme [U] le 12 août 2021, le conseil de prud'hommes de Lyon a, par jugement du 29 août 2022 :

- dit le contrat de Mme [U] valable ;

- fixé les créances de Mme [U] au passif de la liquidation judiciaire de la société DNA aux sommes de 24 339,90 euros à titre d'indemnité de rupture anticipée du contrat d'apprentissage et de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- déclaré le jugement opposable à l'Unedic délégation AGS CGEA de [Localité 8] ;

- débouté Mme [U] de ses autres demandes.

Par déclaration du 5 septembre 2022, la SELARLU [S] ès qualités a interjeté appel du jugement.

Vu les conclusions transmises par voie électronique le 1er avril 2025 par la SELARLU [S] ès qualités ;

Vu les conclusions transmises par voie électronique par lettre recommandée avec accusé de réception le 27 décembre 2024 par Mme [U] ;

Vu les conclusions transmises par voie électronique le 22 février 2023 l'Unedic délégation AGS CGEA de [Localité 8] ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 13 mai 2025 ;

Pour l'exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions déposées et transmises par voie électronique conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE :

- Sur la rectification de l'omission de statuer :

Attendu que, contrairement à ce que soutient la SELARLU [S] ès qualités, le conseil de prud'hommes de Lyon a statué sur la demande de nullité du contrat d'apprentissage et dit que ce contrat est valable ; que la circonstance qu'il n'a pas examiné le moyen tiré de ce qu'il s'agissait d'un contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excédaient notablement celles de l'autre partie ne constitue pas une omission de statuer, mais un défaut de réponse à moyen pouvant entraîner la nullité du jugement - nullité qui n'est pas réclamée ; qu'il n'y a donc pas lieu de rectifier l'omission de statuer alléguée ;

- Sur la nullité du contrat d'apprentissage :

Vu les articles L. 631-8 et L. 632-1 I 2°du code de commerce :

Attendu qu'aux termes des alinéas 1er et 2 du premier de ces textes, le tribunal fixe la date de cessation des paiements après avoir sollicité les observations du débiteur ; qu'à défaut de détermination de cette date, la cessation des paiements est réputée être intervenue à la date du jugement d'ouverture de la procédure ; qu'elle peut être reportée une ou plusieurs fois, sans pouvoir être antérieure de plus de dix-huit mois à la date du jugement d'ouverture de la procédure ;

Que, selon le second, est nul, lorsqu'il est intervenu depuis la date de cessation des paiements, tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l'autre partie ;

Qu'il résulte de la combinaison de ces textes que la nullité encourue en application de l'article L. 632-1 I 2°du code de commerce ne peut atteindre que les actes accomplis au cours de la période suspecte entre la date de cessation des paiements telle que fixée par le tribunal et la date de ce jugement d'ouverture, et non ceux que le débiteur soumis à une procédure de redressement ou de liquidation judiciaires aurait passés postérieurement au jugement d'ouverture de celles-ci ;

Attendu qu'en l'espèce, le contrat d'apprentissage de Mme [U] ayant été signé près de deux ans après l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, la SELARLU [S] ès qualités ne peut réclamer la nullité du dit contrat sur le fondement de l'article L. 632-1 I 2°du code de commerce susvisé ; que la demande présentée de ce chef est donc rejetée ;

- Sur l'inopposabilité du contrat d'apprentissage :

Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article L.622-7 du code de commerce, applicable à la procédure de redressement judiciaire par application de l'article L.631-14 du même code, qu'à compter du jugement d'ouverture, le débiteur ne peut faire un acte de disposition étranger à la gestion courante de l'entreprise qu'avec l'autorisation du juge commissaire ;

Attendu qu'en l'espèce, le contrat d'apprentissage, qui engageait l'entreprise pour la période du 1er octobre 2020 au 31 août 2022, constituait un acte de disposition étranger à la gestion courante de l'entreprise et nécessitait donc la signature de l'administrateur judiciaire et l'autorisation du juge commissaire ; qu'il est constant que tel n'a pas été le cas ; que par ailleurs, contrairement à ce que soutient Mme [U], le contrat n'a pas été régularisé ; que la cour rappelle à ce titre que le fait pour le mandataire judiciaire d'avoir réglé une partie de la rémunération de l'apprentie et de l'avoir licenciée en établissant les documents de rupture ne constitue pas une ratification du contrat d'apprentissage signé sans l'autorisation de l'administrateur judiciaire et du juge commissaire ; qu'elle observe que, dans le courrier d'accompagnement des documents de rupture, la SELARLU [S] a expressément mentionné que le contrat d'apprentissage est inopposable à la procédure collective faute d'avoir été soumis à l'autorisation de l'administrateur judiciaire ;

Attendu que, par suite, le contrat d'apprentissage est inopposable à la procédure collective et Mme [U] est déboutée de sa demande tendant à la fixation de sa créance au titre de la rupture anticipée de ce contrat au passif de ladite procédure ;

- Sur les frais irrépétibles :

Attendu que Mme [U], qui succombe en ses prétentions, est déboutée de sa demande tendant au paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Dit n'y avoir lieu à rectification d'une omission de statuer,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a dit que le contrat d'apprentissage de Mme [D] [U] est valable - la cour analysant cette disposition comme rejetant la demande de la SELARLU [S] ès qualités et de l'Unedic délégation AGS CGEA de [Localité 8] tendant à la nullité du contrat - et débouté la salariée du surplus de ses demandes,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les chefs réformés et ajoutant,

Dit que le contrat d'apprentissage est inopposable à la procédure collective,

Déboute Mme [D] [U] de ses prétentions,

La condamne aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site