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CA Lyon, 1re ch. civ. a, 11 septembre 2025, n° 22/00689

LYON

Arrêt

Autre

CA Lyon n° 22/00689

11 septembre 2025

N° RG 22/00689 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OCPK

Décision de l'Institut [8] de [Localité 7]

Au fond du 20 décembre 2021

n° Op21-3380

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 11 Septembre 2025

DEMANDERESSE AU RECOURS :

S.A.S. 2M MEDIA

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par la SCP GUILLERMET - NAGEL, avocat au barreau de LYON, toque : 1788

DEFENDERESSE AU RECOURS :

S.A.R.L. CP KELCO APS

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par la SAS TW & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 1813

Et ayant pour avocat plaidant l'ASSOCIATION COUSIN ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R159

En présence de :

MONSIEUR LE DIRECTEUR DIRECTEUR DE L'INPI

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représenté par Mme [W] [O] (Juriste) en vertu d'un pouvoir général

* * * * * *

L'affaire a été régulièrement communiquée à Madame le Procureur Général

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 26 Mars 2025

Date de mise à disposition : 11 Septembre 2025

Audience présidée par Julien SEITZ, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Séverine POLANO, greffier.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Anne WYON, président

- Patricia GONZALEZ, président

- Julien SEITZ, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Julien SEITZ, conseiller pour le président empêché, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

La société de droit danois CP Kelco APS est titulaire de la marque verbale française n° 018065275 'Nutrava' déposée le 16 mai 2019 pour désigner entre autres produits et services :

en classe 1 : Produits chimiques destinés à l'industrie ; Produits chimiques utilisés dans l'industrie chimique et biochimique ; Produits chimiques à usage industriel ; Fibres d'agrumes à usage industriel ; Fibres d'agrumes pour l'industrie chimique et alimentaire ; Fibres de fruits contenant de la pectine à usage industriel ; Fibres de fruits contenant de la pectine pour l'industrie chimique et alimentaire ; Additifs chimiques ; Additifs chimiques alimentaires ; Fibres végétales à usage industriel ; Fibres végétales pour l'industrie chimiques et alimentaire ; Additifs alimentaires ; Pectine pour l'industrie alimentaire ; Pectine à usage industriel ;

en classe 29 : Agrumes ; Ecorces et pelures de fruits ; Pulpe de fruit ; Fibres d'agrumes ; Agrumes traités ; Pelures traitées ; Fruits préparés et fruits traités ; Fibres de fruits contenant de la pectine ; Fibres de fruits ; Fibres végétales pour produits alimentaires.

La société de droit français 2M Media a déposé le 19 juin 2020 une demande d'engregistrement auprès de l'Institut national de la propriété industrielle (L'Inpi) portant sur la marque verbale française n° 204658764 'Nutravya' pour désigner les produits et services suivants :

en classe 5 : Produits pharmaceutiques ; Aliments diététiques à usage médical ; Compléments alimentaires ; Herbes médicinales ;

en classe 35 : Publicité ; Diffusion de matériel publicitaire (tracts, prospectus, imprimés, échantillons) ; Services d'abonnement à des journaux (pour des tiers) ; Services d'abonnement à des services de télécommunications pour des tiers ; Présentation de produits sur tout moyen de communication pour la vente au détail ; Organisation d'expositions à buts commerciaux ou de publicité ; Publicité en ligne sur un réseau informatique ; Publication de textes publicitaires ; Location d'espaces publicitaires ; Diffusion d'annonces publicitaires ;

en classe 44 : services médicaux ; Services pour le soin de la peau (soins d'hygiène et beauté) ; Assistance médicale ; Chirurgie esthétique ; Services hospitaliers ; Maisons médicalisées ; Services de maisons de convalescence ; Services de maisons de repos ; Services d'opticiens ; Services de médecine alternative ; Services de salons de beauté ; Services de salons de coiffure ; Jardinage ; Services de jardiniers-paysagistes.

Selon acte du 09 septembre 2021, la société CP Kelko APS a formé opposition à l'entregistrement de la marque 'Nutrava' en tant que désignant en classe 5 les produits et services suivants : Produits pharmaceutiques ; Aliments diététiques à usage médical ; Compléments alimentaires ; Herbes médicinales.

Par décision du 20 décembre 2021, M. Le directeur général de l'Inpi a rejeté la demande d'enregistrement du signe 'Nutravya' formée par la société 2M Media en tant que portant sur les produits suivants : 'compléments alimentaires'.

M. Le directeur général de l'Inpi a essentiellement retenu que :

- les 'compléments alimentaires' visés au dépôt de la marque contestée sont des produits similaires aux 'Fibres d'agrumes pour l'industrie chimique et alimentaire, Fibres de fruits contenant de la pectine pour l'industrie chimique et alimentaire ; Agrumes ; Ecorces et pelures de fruits ; Pulpe de fruit ; Fibres d'agrumes, Pelures traitées ; Fruits préparés et fruits traités ; Fibres de fruits contenant de la pectine ; Fibres de fruits ; Fibres végétales pour produits alimentaires' visés au dépôt de la marque antérieure, en ce qu'ils présentent les mêmes nature, fonction et destination et se retrouvent dans les mêmes points de vente ou dans des rayons communs des points des grandes surfaces.

- les signes 'Nutravya' et 'Nutrava' présentent des ressemblances visuelles et phonétiques prépondérantes de sorte qu'il existe entre eux un risque de confusion susceptible de se créer dans l'esprit du consommateur d'attention moyenne.

La société 2M Media a formé recours de cette décision selon déclaration enregistrée le 20 janvier 2022.

***

Aux termes de ses conclusions déposées le 19 avril 2022 et notifiées le même jour à M. Le directeur général de l'Inpi par lettre recommandée, la société 2M Media demande à la cour d'annuler la décision contestée en ce qu'elle a :

- reconnu comme étant partiellement justifiée l'opposition formée à l'encontre de l'enregistrement de la dénomination 'Nutravya' en tant que marque pour désigner les produits suivants en classe 5 : 'compléments alimentaires',

- rejeté partiellement la demande d'enregistrement formée par la société 2M Media de la dénomination 'Nutravya' en tant que marque pour désigner en classe 5 les 'compléments alimentaires',

- débouté la société 2M Media de sa demande de rejet de l'opposition formée par la société CP Kelco APS,

- débouté la société 2M Media de sa demande d'enregistrement de la marque 'Nutravya' suivant la demande initialement formulée et notamment pour les produits de la classe 5 'compléments alimentaires'.

La société 2M Media fait observer à titre liminaire qu'elle est titulaire du nom de domaine www.nutravya.com et l'exploite depuis le 11 novembre 2018, soit antérieurement au dépôt de la marque 'Nutrava' par la société CP Kelco APS. Elle considère en conséquence disposer d'un droit à ce titre opposable à tous et rappelle qu'elle pourrait agir en nullité de la marque revendiquée par sa contradictrice.

Elle conteste par ailleurs la similarité entre le produit 'compléments alimentaires' visé au dépôt de sa marque et les produits et services visés au dépôt de la marque 'Nutrava', en faisant obsevrer que le premier relève de la de la classe 5 de la classification de [Localité 9], alors que les seconds relèvent des classes 1 et 29.

Elle ajoute que les produits commercialisés par la société CP Kelco APS sont employés dans les industries chimique et alimentaire ou pour réaliser des recettes de cuisine et qu'ils n'ont pas vocation à être distribués dans les pharmacies ou herboristeries, alors que ses propres produits sont commercialisés en gélules comme de véritables compléments alimentaires, dans les établissements spécialisés.

Elle soutient en conséquence qu'il n'existe pas de similarité entre les produits en cause, ni de risque de confusion dans l'esprit du public.

Critiquant la motivation retenue par M. Le directeur général de l'Inpi, elle lui reproche d'avoir dénaturé les faits de l'espèce en qualifiant les produits visés au dépôt de la société CP Kelco APS de compléments alimentaires alors qu'ils n'ont de point commun avec ceux-ci que le fait de contenir de la pectine ou d'être constitués de fibres alimentaires.

Elle fait observer à cet égard que les produits commercialisés par la société CP Kelco APS sont employés comme liants et agents de texture dans l'industrie alimentaire ou en cuisine, ce qui ne se confond pas avec l'usage attendu d'un complément alimentaire.

Elle ajoute que la pectine n'a aucun intérêt en tant que complément alimentaire.

La société 2M Media soutient en second lieu que l'élément verbal 'Nutrav' est employé en tant que préfix dans pas moins de 19 marques, pour renvoyer à l'idée de nutrition naturelle, et qu'il est parfaitement banal en la matière, à telle enseigne qu'il ne présente pas de 'caractère propre per se'. Elle en déduit que la caractère propre des marques commençant par ce préfix découle uniquement de l'élément verbal s'y rattachant en suffixe.

Elle estime que les signes en cause se distinguent, visuellement au niveau du suffixe, par la lettre 'y' dont l'usage est suffisamment rare pour attirer l'attention du public.

Elle avance également que les signes se distinguent sur un plan phonétique par la longueur de la dernière syllabe et la sonorité filante qu'il confère au signe 'nutravya' par rapport à la sonorité abrupte du signe 'nutrava'.

Elle se prévaut enfin de différences conceptuelles, en indiquant que le suffixe 'vya' renvoie non seulement à l'idée de vie, mais également à celle de moyen, par référence aux termes 'voie' ou 'via'.

Elle en déduit que le consommateur moyen ne pourra en aucun cas confondre un signe avec l'autre alors que la racine commune est d'une banalité extrême, mais que la terminaison du signe contesté est d'un plus grande originalité aux niveaux visuel, phonétique et conceptuel.

***

Par conclusions déposées le 14 juin 2022 et notiiées le même jour à M. Le directeur général de l'Inpi par lettre recommandée, la société CP Kelco APS demande à la cour de :

- rejeter le recours de la société 2M Media et de la débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- dire que la décision à intervenir sera notifiée à la société 2M Media, à la diligence de M. Le greffier en chef de la cour,

- condamner la société 2M Media à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société 2M Media en tous les dépens dont le montant sera recouvré par la société Tudela Werquin & associés, avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La société CP Kelco APS fait valoir qu'en application de l'article L. 713-1 du code de la propriété intellectuelle, la comparaison des produits et services doit s'opérer en considération de leur seul libellé au dépôt des marques en cause, à l'exclusion des conditions concrètes de leur exploitation, ou des activités des titulaires de marques en cause.

Elle en déduit que le moyen tiré de la différence entre les activités industrielles et les filières d'exploitation des produits des parties se trouve dépourvu de portée.

Elle ajoute que la classification de [Localité 9] n'a qu'une valeur administrative et qu'il ne saurait en être tiré partie pour contester la similitude entre des produits et services susceptible de ressortir de leur libellé.

Elle approuve pour le surplus les motifs par lesquels l'Inpi a retenu que les produits et services en cause étaient similaires, en expliquant :

- que les produits visés au dépôt de sa marque ne sont pas des produits de consommation alimentaire courante mais des produits diététiques riches en fibres, destinés à équilibrer et améliorer la nutrition, à l'instar des compléments alimentaires,

- qu'ils visent le même objectif de bien-être et de santé que les compléments alimentaires,

- qu'ils empruntent les mêmes circuits de distribution que les compléments alimentaires.

Concluant en deuxième lieu sur la comparaison des signes en cause, la société CP Kelco APS fait valoir que le principe de l'appréciation globale des signes en cause fait obstacle à ce que le préfix 'nutrav' soit détaché de chaque marque pour l'examen de leur ressemblance.

Elle ajoute que les signes 'nutrava' et 'nutravya' se caractérisent par des similitudes visuelles (longueur et placement des lettres), phonétiques (sonorités très proches) et conceptuelles (compte tenu du préfix faisant référence dans chaque cas à la nutrition sans que le suffixe 'vya' permette au consommateur d'attention moyenne de répérer la référence à la 'vie' au au 'moyens').

Elle considère que la similitude des produits et des signes est génératrice d'un risque de confusion au regard duquel la décision entreprise s'avère parfaitement fondée.

***

M. Le directeur général de l'Inpi a déposé le 27 juillet 2022 des observations, aux termes desquelles il fait valoir à titre liminaire que la société 2 M Media ne saurait valablement à invoquer l'existence du nom de domaine www.nutravya.com pour établir une antériorité, le caractère bien-fondé d'une opposition devant s'apprécier au regard des seuls droits conférés par l'enregistrement de la marque antérieure.

Ces considérations liminaires exposées, M. Le directeur général de l'Inpi soutient en premier lieu que les produits de la demande d'enregistrement contestée désignent des produits nutritionnels utilisés de manière ciblée pour compléter un régime alimentaire normal et présentent en ce la les mêmes nature, fonction et destination que les produits couverts par la marque antérieure.

Il retient également que ces produits sont commercialisés dans les mêmes points de vente spécialisés, savoir les pharmacies, parapharmacies ou magasins d'alimentation spécialisés dans les produits biologiques ou diététiques.

Il rappelle par ailleurs que la façon dont les produits désignés aux dépôts sont effectivement exploités n'a pas vocation à servir la comparaison dans le cadre d'une opposition, celle-ci devant s'opérer au regard des seuls libellés visés aux dépôts.

Il considère en conséquence que les produits sont similaires, en rappelant que leur appartenance à deux classes différentes est totalement indifférent à cet égard, la classification de [Localité 9] revêtant une valeur purement administrative, sans portée juridique.

M. Le directeur général de l'Inpi soutient en second lieu que les signes constitutifs des marques sont quasiment identiques s'agissant de leur sonorité et de leur rythme. Il relève que ces signes revoient tous deux à la nutrition et présentent de ce point de vue une ressemblance intellectuelle, s'ajoutant aux ressemblances phonétiques.

Il considère que le simple fait que 19 marques débutent par le même élément verbal 'nutrav' résulte de ce que cet élément revêt un caractère évocateur des produits en cause, mais ne suffit à lui conférer un caractère à ce point courant qu'il effacerait son caractère attractif, d'autant qu'il se trouve rattaché en l'espèce aux désinences 'vya' et 'va' parfaitement arbitraires.

Il déduit de la similarité des produits et de la quasi-identité des signes l'existence d'un risque de confuision pour le consommateur d'attention moyenne, justifiant la décision frappée de recours.

***

Mme la procureure générale a fait connaître le 07 mars 2023 qu'elle n'avait pas d'observations.

L'affaire a été appelée à l'audience du 26 mars 2025, à laquelle elle a été mise en délibéré au 11 septembre 2025.

MOTIFS

Sur la demande d'annulation de la décision critiquée :

Vu l'article L. 711-3 du code de la propriété intellectuelle ;

Aux termes de l'article L. 711-3 susvisé : 'Ne peut être valablement enregistrée et, si elle est enregistrée, est susceptible d'être déclarée nulle une marque portant atteinte à des droits antérieurs ayant effet en France, notamment :

1° Une marque antérieure :

a) Lorsqu'elle est identique à la marque antérieure et que les produits ou les services qu'elle désigne sont identiques à ceux pour lesquels la marque antérieure est protégée ;

b) Lorsqu'elle est identique ou similaire à la marque antérieure et que les produits ou les services qu'elle désigne sont identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est protégée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association avec la marque antérieure'.

Lorsqu'il est soutenu que l'enregistrement d'une marque porte atteinte aux droits tirés d'une marque antérieure, le bien-fondé de l'opposition faite à son enregistrement s'apprécie en considération du seul risque de confusion susceptible de naître de l'identité ou la similarité des produits et services visés aux dépôts concernés et de l'identité ou la similarité de signes constituant les marques en cause, à l'exclusion de toute référence à d'autres droits, fussent-ils eux-mêmes antérieurs à la marque invoquée à l'appui de l'opposition, à moins qu'ils aient été invoqués avec succès à l'appui d'une action en nullité dirigée contre la marque concernée.

Le fait que la société 2M Media ait enregistré le 11 novembre 2018 le nom de domaine www.nutravya.com n'a donc pas d'incidence sur la solution du présent litige, la société 2M Media s'étant abstenue de contester la validité de la marque 'Nutrava' sur la base de cette antériorité.

Il convient en conséquence de procéder à la comparaison des produits et services visés aux dépôts concernés, puis à celle des signes constituant les marques en cause, afin de déterminer s'il en résulte un risque de confusion portant atteinte aux droits attachés à la marque 'Nutrava', de nature à justifier l'opposition formée à son enregistrement.

S'agissant en premier lieu de la comparaison entre les produits et services visés aux dépôts des marques en présence, la cour rappelle qu'elle a vocation à s'opérer en considération du seul libellé des produits et services en cause, opéré lors du dépôt des marques en présence, à l'exclusion, indépendamment de l'activité économique réelle ou supposée des parties et de l'exploitation faite de leurs produits et services ou des signes constitutifs des marques.

Il s'ensuit que les moyens tirés de ce que les produits de la société CP Kelco APS ne sont pas exploités en tant que compléments alimentaires mais comme éléments 'liant' employés dans l'exécution de recettes de cuisine ou la fabrication d'aliments industirels et sont distribués pour le premier de ces usages en supermarché, sont inopérants.

En outre, la société CP Kelco APS et le directeur général de l'Inpi relèvent de manière pertinente que la classification de [Localité 9] revêt un caractère purement administratif et demeure sans incidence sur l'appréciation de l'indentité ou de la similitude des produits et services en cause.

De ce point de vue, la cour relève que les produits ' Fibres d'agrumes pour l'industrie chimique et alimentaire ; Fibres de fruits contenant de la pectine pour l'industrie chimique et alimentaire ; Fibres végétales pour l'industrie chimiques et alimentaire ; Ecorces et pelures de fruits ; Pulpe de fruit ; Agrumes traités ; Pelures traitées ; Fruits préparés et fruits traités ; Fibres de fruits contenant de la pectine ; Fibres de fruits ; Fibres végétales pour produits alimentaires', visés au dépôt de la marque 'Nutrava', désignent des produits nutritionnels autres que les aliments de consommation courante, destinés, entre autres usages possibles, à pallier aux carences ou aux excès d'un régime alimentaire basique, de manière à contribuer et au bien-être général du consommateur.

Ils partagent en cela la nature, la fonction et la destination des 'compléments alimentaires' visés au dépôt de la marque attaquée, ainsi que les mêmes réseaux de distribution, quand même les seconds seraient-ils régulièrement pris en gélules, à la différence des premiers, ce qui n'est au demeurant pas toujours le cas.

Il est faux enfin, d'affirmer que la pectine n'aurait aucun usage à titre de complément alimentaire.

La cour approuve en conséquence M. Le directeur général de l'Inpi d'avoir retenu la similitude de ces produits avec ceux de 'compléments alimentaires' visés au dépôt de la marque litigieuse.

S'agissant en second lieu de la comparaison entre les signes, la cour rappelle qu'elle s'opère de manière globale, au vu de leurs similitudes visuelles phonétiques, en tenant compte des éléments dominants de chacun, de manière à déterminer s'ils produisent une même impression d'ensemble, susceptible de faire naître un risque de confusion dans l'esprit du consommateur de référence.

La nécessité de se référer à l'impression d'ensemble fait obstacle à ce qu'une partie des signes en cause soit extraite et laissée hors de l'examen d'ensemble. La cour ne saurait en conséquence extraire le prefix commun 'nutrav' de l'examen comparatif des signes, nonobstant le fait qu'il soit d'un usage commun pour désigner les produits à connotation ou usage alimentaires et qu'il revête en cela un caractère faiblement distinctif. Ce caractère faiblement distinctif commande simplement d'en minorer la portée lors de l'examen du risque de confusion.

Or, les signes 'Nutrava' et 'Nutravya' ont 6 lettres en commun, déclinées dans le même ordre et constituant l'intégralité du premier signe et 85 % du second. Elles présentent en cela une très forte similarité visuelle, que l'insertion de la lettre 'y' dans le second ne suffit aucunement à neutraliser.

En outre, ces signes sont tous deux composés de trois syllabes, dont les deux premières sont strictement identiques sur le plan sonore et se trouvent de surcroît placées dans le même ordre. La troisième ne se distingue que par l'insertion de la lettre 'y' dans le signe 'nutravya', sans qu'il en résulte une altération significative de la sonorité d'ensemble du signe. Les dernière syllabes 'vya' et 'va' tendent au contraire à renforcer l'identité phonétique des signes.

Les signes en présence se caractérisent en conséquence par une identité de rythme et une très forte similitude dans leurs sonorités, générant une importante ressemblance sur le plan auditif.

Sur le plan conceptuel, l'élément 'nutrav' renvoie communément à l'alimentation et s'avère commun en cela aux deux signes considérés. Compte tenu de son caractère faiblement distinctif, précédemment retenu, cette circonstance ne suffit à caractériser une similitude intellectuelle significative.

A l'inverse, l'élément final 'vya' de la marque 'nutravya' peut effectivement renvoyer à la vie ou au moyen (par référence aux termes voie ou via), sans que cette particularité conceptuelle discrète, voire ténue, soit suffisamment apparente et marquante pour que le consommateur d'attention moyenne puisse en induire une distinction significative entre les signes d'un point de vue intellectuel.

La cour écarte en conséquence l'existence d'une similitude sur le plan intellectuelle, susceptible de génrer un risque de confusion das l'esprit du public.

Il n'en demeure pas moins que les deux signes présentent d'importantes similitudes sur les plans visuels et auditifs, que ne suffit à amoindrir l'absence de similitude intellectuelle significative.

Le fait que ces similitudes portent pour partie sur le préfix commun 'nurav' faiblement distinctif, n'altère pas l'impression d'ensemble globalement similaire, que la troisième syllable, seule différente, tend à renforcer plutôt qu'elle ne l'aténue.

Dans ces conditions, la similarité précédemment retenue s'agissant d'une partie des produits visés aux dépôts des deux marques et la très forte ressemblance dans l'impression d'ensemble générée par chacun des signes en présence sont de nature à générer un risque de confusion dans l'esprit du consommateur de référence, lequel s'entend du consommateur d'attention moyenne, étant retenu que la consommation de compléments alimentaires destinés à l'équilibre de l'alimentation et l'amélioration de la santé et du bien-être corporel n'est plus réservé, depuis deux décennies au moins, à un public particulièrement averti ou avant-gardiste.

Il convient en conséquence de rejeter la demande d'annulation de la décision querellée.

Sur les frais et dépens de l'instance :

Vu les articles 696, 699 et 700 du code de procédure civile ;

La société 2M Media succombe à l'instance. Il convient en conséquence de la condamner aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de la société Tudela Werquin & associés, avocat, sur l'affirmation qu'elle en a fait l'avance sans en avoir reçu provision.

L'équité commande de la condamner en sus à payer à la société CE Kelco APS la somme de 3.000 euros en indemnisation des frais non répétibles générés par le procès et de rejeter sa propre demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé en dernier ressort,

- Rejette la demande d'annulation de la décision de M. Le directeur général de l'Inpi n° OP 21-3380 en date du 20 décembre 2021 ;

- Condamne la société 2M Media aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de la société Tudela Werquin & associés, avocat, sur l'affirmation qu'elle en a fait l'avance sans en avoir reçu provision ;

- Condamne la société 2M Media à payer à la société CE Kelco APS la somme de 3.000 euros en indemnisation des frais non répétibles générés par le procès ;

- Rejette la demande formée par la société 2M Media sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE CONSEILLER POUR LE PRESIDENT EMPÊCHÉ

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