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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 12 septembre 2025, n° 20/13730

PARIS

Arrêt

Autre

PARTIES

Défendeur :

The CRM Mobile Corp (SA), BTSG (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ardisson

Conseillers :

Mme de La Simone, Mme Guillemain

Avocats :

Me Boccon Gibod, Me Fossat, Me Bernabe, Me Delamea, SCP BTSG, Me Olivier, Me Bellanger, Me Berteaux

T. com. Paris, du 11 sept. 2020, n° J202…

11 septembre 2020

FAITS ET PROCEDURE

La société The CRM Mobile Corp (TCMC) est une société spécialisée dans la gestion de bases de données clients et de programmes de fidélisation. Son président est M. [D] [M].

M. [G] [A] est un ancien fonctionnaire du Ministère de l'Intérieur ayant travaillé auprès du service du RAID. Il a sollicité sa mise en disponibilité et a rejoint la société SBSG (Sécurisation Balises Surveillance Globale) sous contrat à durée indéterminée en qualité de Directeur Commercial Associé à compter du 1er juin 2014.

La société SBSG, , immatriculée le 24 février 2014 dans le ressort du tribunal de commerce de Nanterre, a pour activité la sécurisation de sites sensibles par l'installation de matériels de vidéo-surveillance et de système de détection/anti-intrusion et une activité de détection des systèmes d'écoute et de piratage électronique au moyen de matériaux de détection soumis à autorisation spéciale (OSE).

M. [G] [A] détenait à l'origine 0,2 % du capital de 515.000 euros de la société SBSG, la société TCMC 91,1 % et la société [V] Conseil 8,7 %.

A compter du 1er mars 2014, un contrat de prestations de services ou management fees a été conclu entre TCMC et SBSG aux fins notamment de prise en charge des services administratifs, de la comptabilité et/ou des ressources humaines, moyennant le paiement d'un montant de 20.0000 euros HT par mois.

A la suite d'un premier pacte d'associés signé le 19 mars 2014 par la société TCMC, la société [V] Conseil et M. [G] [A], en présence de la société SBSG, la société TCMC a cédé à M. [A] 4.538 actions pour un montant d'un euro.

A compter du 18 juillet 2014, M. [G] [A] a été nommé Président de la société SBSG après la démission de M. [S] [V].

Le 16 juillet 2015 la société [V] Conseil a cédé à M. [A] ses 4.500 actions pour un montant de 55.000 euros, la société TCMC ayant abandonné son droit de préemption sur celles-ci.

En décembre 2015 la société TCMC a cédé de nouveau à M. [A] 4.538 actions supplémentaires de SBSG au prix préférentiel de 25.000 euros. Cette somme ne sera toutefois pas réglée par M. [A].

A la suite de ces opérations, le capital social de SBSG était détenu à hauteur de 37 822 actions (73,44 %) par TCMC et à hauteur de 13 676 actions (26,56 %) par M. [G] [A].

Un nouveau pacte d'associés a été signé entre M. [A] et TCMC le 13 avril 2016. Il prévoyait également le versement par la société SBSG de sommes «'management fees'» au titre de prestations de services qui devaient être réalisées par l'actionnaire principal TCMC à hauteur de 20.000 euros HT par mois.

A compter de l'année 2017 les relations entre M. [A] et la société SBSG se sont dégradées, M. [A] contestant la poursuite du paiement des management fees, la situation de la société SBSG n'étant pas florissante.

Le 25 septembre 2017, la société TCMC a convoqué une assemblée générale qui a voté la révocation de M. [A]. La société TCMC, représentée par M. [D] [M], a été nommée présidente de SBSG.

Le 26 septembre 2017, M. [M] a constaté le vol, ayant eu lieu dans la nuit du 25 au 26 septembre 2017, des données informatiques de la société SBSG relatives aux fournisseurs et clients ainsi que celui du matériel sensible OSE.

La société SBSG a porté plainte contre X pour la disparition de ses données, de son serveur et du matériel OSE le 29 septembre 2017. M. [A] a été placé en garde à vue le 19 octobre 2017.

Par jugement du 1er mars 2018, le tribunal de commerce de Nanterre a prononcé la liquidation judiciaire de la société SBSG et désigné la SCP BTSG en qualité de liquidateur judiciaire.

Par jugement du 4 février 2021, le tribunal correctionnel de Nanterre a statué en ces termes':

«'SUR L'ACTION PUBLIQUE':

('.)

DECLARE [A] [G] coupable des faits de':

- vol par ruse, effraction ou escalade dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt aggravé par une autre circonstance faits commis les 25 et 26 septembre 2017 à [Localité 9] Hauts de Seine

- modification frauduleuse de données contenues dans un système de traitement automatisé faits commis courant septembre et octobre 2017 à [Localité 9] hauts de Seine et à [Localité 11]

- détention non autorisée d'appareil permettant l'interception des communications ou la détection à distance des conversations faits commis depuis le 26 mai 2017 à [Localité 9], [Localité 11], [Localité 8], [Localité 10]

CONDAMNE [A] [G] à un emprisonnement délictuel de trois ans';

DIT qu'il sera sursis partiellement pour une durée d'un an';

(')

DIT que la partie ferme de la peine sera aménagée par le juge d'application des peines';

à titre de peine complémentaire,

vu l'article 311-14 du code pénal

PRONONCE à l'encontre de [A] [G] l'interdiction de toute fonction ou emploi public pour une durée de cinq ans';

(...)

SUR L'ACTION CIVILE':

DECLARE la constitution de partie civile de la société THE CRM MOBILE CORP irrecevable

RECOIT la constitution de partie civile de [D] [M] et de la société SBSG, prise en la personne de Maître [T] [Y], membre de la SCP BTSG, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société SBSG,

CONDAMNE solidairement [G] [A], [N] [X], [E] [K], [O] [F] et [H] [J] à payer à [D] [M] la somme de cent mille (100.000) euros en réparation de son préjudice moral,

CONDAMNE solidairement [G] [A], [N] [X], [E] [K], [O] [F] et [H] [J] à payer à la société SBSG, à verser entre les mains de Maître [T] [Y], liquidateur judiciaire, la somme de soixante treize mille trente sept euros et trente huit centimes (73.037,38 euros) en réparation de son préjudice matériel,

CONDAMNE solidairement [G] [A], [N] [X], [E] [K], [O] [F] et [H] [J] à payer à la société SBSG, à verser entre les mains de Maître [T] [Y], liquidateur judiciaire, la somme de sept cent soixante dix sept mille (777.000 euros) en réparation de son préjudice économique,

CONDAMNE solidairement [G] [A], [N] [X], [E] [K], [O] [F] et [H] [J] à payer à la société SBSG, à verser entre les mains de Maître [T] [Y], liquidateur judiciaire, la somme de vingt mille (20.000) euros en réparation de son préjudice moral,

CONDAMNE [G] [A], [N] [X], [E] [K], [O] [F] et [H] [J] à payer chacun à [D] [M] la somme de cinq cents euros (500) en application de l'article 475-1 du code de procédure pénale,

CONDAMNE [G] [A], [N] [X], [E] [K], [O] [F] et [H] [J] à payer chacun à la société SBSG, à verser entre les mains de Maître [T] [Y], liquidateur judiciaire, la somme de cinq cents euros (500) en application de l'article 475-1 du code de procédure pénale,

(').'»

M. [A] a été condamné pour le vol du matériel OSE de SBSG et la destruction de données nécessaires à l'exploitation de l'activité.

Suivant arrêt du 14 octobre 2022, la cour d'appel de Versailles a, sur l'appel interjeté contre le jugement du tribunal correctionnel de Nanterre du 4 février 2021, statué en ces termes':

«'EN LA FORME

DECLARE recevables les appels interjetés par [G] [A], [N] [X] et par le ministère public';

DECLARE recevables les appels interjetés par [E] [K] et [H] [J] limités aux seules dispositions civiles';

CONSTATE que le jugement déféré est définitif s'agissant de la déclaration de culpabilité de [E] [K] et de [H] [J]';

DECLARE recevables les appels interjetés par [D] [M] et la société TCMC';

Statuant dans les limites de l'appel,

DECLARE irrecevable la demande de supplément d'information présentée par [E] [K]';

DECLARE irrecevable la demande de non-inscription au bulletin n° 2 du casier judiciaire présentée par [E] [K]';

Sur l'action publique':

- S'agissant de [G] [A]

INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a déclaré [G] [A] coupable des faits de vol de la caméra thermique, du dispositif du contrôle des lignes analogiques-numériques et de liaison VIOP et mobile, du dispositif d'investigations de téléphone mobile, du dispositif de détection de pièces et de contrôle d'activité WI-FI, du serveur de l'entreprise donnant accès à l'ensemble du réseau de la société';

Statuant à nouveau,

RENVOIE [G] [A] des fins de la poursuite s'agissant des faits de vol de la caméra thermique, du dispositif du contrôle des lignes analogiques-numériques et de liaison VIOP et mobile, du dispositif d'investigations de téléphone mobile, du dispositif de détection de pièces et de contrôle d'activité WI-FI, du serveur de l'entreprise donnant accès à l'ensemble du réseau de la société commis les 25 et 26 septembre 2017 à [Localité 9] (Hauts de Seine) qui lui étaient reprochés';

INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a déclaré [G] [A] coupable de détention non autorisée d'appareil permettant l'interception des communications ou la détection à distance des conversations';

Statuant à nouveau,

RENVOIE [G] [A] des fins de la poursuite s'agissant des faits de détention non autorisée d'appareil permettant l'interception des communications ou la détection à distance des conversations commis depuis le 26 mai 2017 à [Localité 9], [Localité 11], [Localité 8], [Localité 10] ;

CONFIRME le jugement sur la déclaration de culpabilité pour le surplus';

CONFIRME le jugement en répression et,

CONDAMNE [G] [A] à la peine de trois (3) ans d'emprisonnement mais dit qu'il sera sursis à l'exécution de cette peine à hauteur de un (1) an dans les conditions prévues par les articles 132-31 et suivants du code pénal';

DIT que cette peine sera exécutée suivant les modalités prévues par les articles 474 et 723-15 du code de procédure pénale';

PRONONCE à l'encontre de [G] [A] l'interdiction d'exercer une fonction publique pour une durée de cinq (5) ans';

Y ajoutant,

ORDONNE la confiscation des scellés';

(')

Sur l'action civile':

- S'agissant de la société TCMC

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de la société TCMC';

En conséquence,

DEBOUTE la société TCMC de toutes ses demandes';

- S'agissant d'[D] [M]

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions civiles';

En conséquence,

DEBOUTE [D] [M] de toutes ses demandes';

- S'agissant de la société SBSG

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a déclaré recevable sa constitution de partie civile';

INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a retenu la solidarité entre [G] [A], [N] [X], [E] [K], [O] [F] et [H] [J]';

Statuant à nouveau,

ECARTE la solidarité concernant [H] [J]';

CONFIRME la solidarité pour [G] [A], [N] [X], [E] [K] et [O] [F]';

INFIRME le jugement déféré dans ses dispositions civiles relatives à la réparation du préjudice matériel';

Statuant à nouveau,

CONDAMNE solidairement [G] [A], [N] [X] et M. [E] [K] à payer à la société SBSG la somme de douze mille sept cent quatre vingt un euros et dix centimes d'euros (12.781,10) en réparation de son préjudice matériel';

INFIRME le jugement déféré dans ses dispositions relatives à la réparation du préjudice économique';

Statuant à nouveau,

DEBOUTE la société SBSG de sa demande de ce chef';

CONFIRME le jugement déféré en ses dispositions relatives à la réparation du préjudice moral';

CONFIRME le jugement déféré en ses dispositions relatives à l'indemnité de procédure en vertu de l'article 475-1 du code de procédure pénale';

Y ajoutant,

CONDAMNE [G] [A] et [N] [X] à payer chacun la somme de mille cinq cents (1.500) euros à la société SBSG en vertu de l'article 475-1 du code de procédure pénale en cause d'appel.'»

Parallèlement, suivant acte du 23 février 2021, la SCP BTSG prise en la personne de Maître [T] [Y], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SBSG, a fait assigner M. [G] [A] devant le tribunal de commerce de Nanterre afin de voir engager sa responsabilité pour insuffisance d'actif sur le fondement de l'article L. 651-2 du code de commerce et obtenir la somme de 794.320,40 euros et de voir prononcer une mesure de faillite personnelle ou d'interdiction de gérer à l'encontre de M. [A].

Par jugement du 28 mars 2025, le tribunal des activités économiques de Nanterre a':

- dit que la SCP BTSG, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Sécurisation Balises Surveillance Globale, n'établit pas la qualité de dirigeant de fait de M. [G] [A],

- dit que la faute de gestion constituée par le détournement d'actifs et la destruction de données de la SAS Sécurisation Balises Surveillance Globale n'est ainsi pas établie à l'encontre de M. [G] [A],

- dit que la faute de gestion constituée par la poursuite d'une activité déficitaire n'est pas établie à l'encontre de M. [G] [A],

- débouté la SCP BTSG, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Sécurisation Balises Surveillance Globale, de sa demande de voir condamner M. [G] [A] au comblement de l'insuffisance d'actif de cette société,

- débouté la SCP BTSG, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Sécurisation Balises Surveillance Globale, de sa demande de voir condamner M. [G] [A] à une sanction d'interdiction de gérer ou de faillite personnelle,

- débouté les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit,

- condamné la SCP BTSG, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Sécurisation Balises Surveillance Globale, aux dépens.

Suivant arrêt du 5 septembre 2023, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par M. [A] contre l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles le 14 octobre 2022.

Suivant exploit du 10 octobre 2017, M. [G] [A] a fait assigner la société The CRM Mobile Group devant le tribunal de commerce de Paris. L'instance a été enregistrée sous le numéro de RG 2017058405.

Suivant acte du 15 mai 2018, M. [A] a fait assigner en intervention forcée Maître [T] [Y] de la SCP BTSG ès qualités de liquidateur de la société SBSG devant le tribunal de commerce de Paris. L'instance a été enregistrée sous le numéro de RG 2018028943.

Suivant acte délivré en 2019, la société The CRM Mobile Corp (TCMC) a fait assigner M. [A] [G] en paiement devant le tribunal de commerce de Paris après que le tribunal de grande instance de Versailles se fut déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris par ordonnance du 16 mai 2019. L'instance a été enregistrée sous le numéro de RG 2019048885.

Par jugement du 11 septembre 2020, le tribunal de commerce de Paris a':

- ordonné la jonction des affaires 2017058405, 2018028943 et 2019048885 sous le numéro RG J2020000260,

- s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Nanterre pour connaître d'une action en responsabilité délictuelle contre la société TCMC, sise à [Localité 9], ainsi que d'une action en révocation abusive exercée contre TCMC,

- dit irrecevable l'action ut singuli intentée par M. [A], pour défaut d'intérêt à agir,

- condamné M. [A] à payer à TCMC les dommages et intérêts suivants':

* 50.000 euros au titre des frais engagés pour faire valoir ses droits, suite aux vols organisés,

* 100.000 euros au titre du remboursement du compte courant d'associés pour apurer les besoins de trésorerie engendrés par le paiements d'actes en fraude des accords entre les parties,

* 469.000 euros au titre du remboursement des investissements financés par TCMC et détournés par M. [A],

* 80.000 euros pour le non-respect de l'engagement d'exclusivité de M. [A],

* 1.753.000 euros au titre de la perte de chance de céder SBSG,

* 40.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [A] à payer 5.000 euros à la SCP BTSG, liquidateur judiciaire de SBSG, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [A] aux entiers dépens,

- ordonné l'exécution provisoire.

M. [G] [A] a formé appel du jugement par déclaration du 29 septembre 2020 enregistrée le 1er octobre 2020.

Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 5 février 2024, M. [G] [A] demande à la cour, au visa des articles 6 de la CEDH, 9 de la DDHC, de l'article préliminaire du code pénal, des articles 32, 122, 123 et 700 du code de procédure civile, de l'article 1184 (ancien) du code civil, des articles 9-2 et 1240 du code civil, des articles L.622-20, L.651-2, L.651-3 du code de commerce':

- de déclarer M. [G] [A] recevable et fondé en son appel principal ;

A titre principal

- de constater la violation du principe de présomption d'innocence par le jugement du 11 septembre 2020 ;

- d'annuler le jugement du 11 septembre 2020 numéro RG J2020000260 en ce qu'il viole la présomption d'innocence dont bénéficie M. [G] [A] ;

Et statuant à nouveau

- de débouter la société The CRM Mobile Corp de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions ;

A titre subsidiaire

- d'infirmer le jugement du 11 septembre 2020 numéro RG J2020000260 en ce qu'il condamne M. [G] [A] à payer à TCMC les dommages et intérêts suivants :

' « 50.000 euros au titre des frais engagés pour faire valoir ses droits, suite aux vols organisés,

' 100.000 euros au titre du remboursement du compte courant d'associés pour apurer les besoins de trésorerie engendrés par le paiement d'actes en fraude des accords entre les parties,

' 469.000 euros au titre du remboursement des investissements financés par TCMC et détournés par M. [A],

' 80.000 euros pour le non-respect de l'engagement d'exclusivité de M. [A],

' 1.753.000 euros au titre de la perte de chance de céder SBSG,

' 40.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile » ;

- d'infirmer le jugement du 11 septembre 2020 numéro RG J2020000260 en ce qu'il condamne M. [G] [A] à payer 5 000 euros à la SCP B.T.S.G. liquidateur judiciaire de SBSG, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- d'infirmer le jugement du 11 septembre 2020 numéro RG J2020000260 en ce qu'il condamne M. [G] [A] aux entiers dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 78,36 euros dont 12,85 euros de TVA ;

- d'infirmer le jugement du 11 septembre 2020 numéro RG J2020000260 en ce qu'il condamne M. [G] [A] à payer 5.000 euros à la SCP BTSG, liquidateur de SBSG ;

Et statuant à nouveau

- de constater l'absence d'intérêt à agir de la société The CRM Mobile Corp à l'encontre de M. [G] [A] pour toutes les demandes formulées en première instance en ce qu'elles constituent en réalité des préjudices liés directement à la disparition ou l'amoindrissement du patrimoine de la société SBSG et concernant la collectivité des créanciers si bien que seul le liquidateur judiciaire de la société SBSG aurait qualité pour agir ;

En conséquence,

- de juger irrecevables toutes les demandes de la société The CRM Mobile Corp formulées en première instance visant à faire condamner M. [G] [A] ;

- de débouter la société The CRM Mobile Corp de toutes les demandes sollicitées, fins et prétentions formulées en première instance à l'encontre de M. [G] [A] ;

- de débouter la société The CRM Mobile Corp de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions ;

A titre infiniment subsidiaire,

- de constater l'absence de démonstration de fautes imputables à M. [G] [A] par la société The CRM Mobile Corp ;

En conséquence,

- de débouter la société The CRM Mobile Corp de toutes les demandes sollicitées, fins et prétentions formulées en première instance à l'encontre de M. [G] [A] ;

- de débouter la société The CRM Mobile Corp de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions ;

A titre très infiniment subsidiaire,

- de constater l'absence de toute justification des préjudices sollicités par la société The CRM Mobile Corp à l'encontre M. [G] [A] ;

- de constater l'absence de démonstration par la société The CRM Mobile Corp d'un lien de causalité entre les préjudices allégués et les fautes alléguées à l'encontre de M. [G] [A] ;

En conséquence,

- de débouter la société The CRM Mobile Corp de toutes les demandes sollicitées, fins et prétentions formulées en première instance à l'encontre de M. [G] [A] ;

- de débouter la société The CRM Mobile Corp de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions ;

En tout état de cause,

- de condamner la société The CRM Mobile Corp à verser à M. [G] [A] la somme de 60.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 19 février 2025, la société The CRM Mobile Corp demande à la cour, au visa de l'article 6-1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme, de l'article 700 du code de procédure civile, des articles 1134 et 1147 anciens du code civil, et de l'article L. 622-20 du code de commerce':

- de dire et juger que le tribunal de commerce de Paris n'a pas violé le principe de la présomption d'innocence ou du droit à un procès équitable dans son jugement du 11 septembre 2020,

En conséquence :

- de débouter l'Appelant de sa demande d'annulation du jugement du 11 septembre 2020.

- de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [G] [A] au paiement d'une somme de 100.000 euros au titre du remboursement du compte courant d'associé,

- de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [G] [A] au paiement d'une somme de 469.000 euros au titre du remboursement de ses investissements,

- de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [G] [A] au paiement d'une somme de 80.000 euros au titre du non-respect de l'engagement d'exclusivité,

- de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [G] [A] au paiement d'une somme de 40.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [G] [A] aux dépens,

d'accueillir la société TCMC en son appel incident,

- de réformer le jugement en ce qu'il a condamné M. [G] [A] au paiement d'une somme de seulement 50.000 euros au titre des frais engagés par la société TCMC pour faire valoir ses droits,

- de réformer le jugement en ce qu'il a condamné M. [G] [A] au paiement d'une somme de seulement 1.753.000 euros au titre de la perte de chance de céder SBSG,

Et jugeant à nouveau :

- de condamner M. [G] [A] au paiement d'une somme de 80.000 euros au titre des frais engagés par la société TCMC pour faire valoir ses droits,

- de condamner M. [G] [A] au paiement d'une somme de 2.094.534 euros au titre de la perte de chance de céder SBSG,

En tout état de cause :

- de condamner M. [G] [A] au paiement d'une somme de 40.000 euros au titre des frais irrépétibles de la présente procédure.

- de condamner M. [G] [A] aux dépens,

A titre subsidiaire, si la Cour décidait d'annuler le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de PARIS le 11 septembre 2020, elle devra statuer sur le fond et il lui sera donc demandé de :

- de condamner M. [G] [A] au paiement d'une somme de 100.000 euros au titre du remboursement du compte courant d'associé,

- de condamner M. [G] [A] au paiement d'une somme de 469.000 euros au titre du remboursement de ses investissements,

- de condamner M. [G] [A] au paiement d'une somme de 80.000 euros au titre du non-respect de l'engagement d'exclusivité,

- de condamner M. [G] [A] au paiement d'une somme de 80.000 euros au titre des frais engagés par la société TCMC pour faire valoir ses droits,

- de condamner M. [G] [A] au paiement d'une somme de 2.094.534 euros au titre de la perte de chance de céder SBSG,

A titre infiniment subsidiaire, si la Cour ne faisait pas droit aux demandes formulées par la société TCMC au titre de son appel incident, il lui sera demandé, soit dans le cadre du rejet de la demande d'annulation, soit si elle devait juger à nouveau, de':

- de confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions

En tout état de cause :

- de condamner M. [G] [A] au paiement d'une somme de 40.000 euros au titre des frais irrépétibles de la présente procédure.

- de condamner M. [G] [A] aux dépens.

Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 25 mars 2021, la SCP BTSG, liquidateur à la liquidation judiciaire de la société SBSG, mission conduite par Maître [T] [Y], demande à la cour':

- de confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a condamné M. [A] à payer la somme de 5.000 euros à la SCP BTSG ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SBSG, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de confirmer sur ce chef le jugement entrepris,

- de condamner M. [G] [A] à verser à la SCP BTSG, pris en la personne de Maître [T] [Y], ès qualités de liquidateur de la société SBSG, la somme de 5.000 euros au titre de l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner M. [G] [A] aux dépens.

* La clôture a été prononcée suivant ordonnance en date du 6 mars 2025.

SUR CE, LA COUR,

Sur la demande d'annulation du jugement

M. [G] [A] soutient que le tribunal de commerce de Paris a violé le principe de la présomption d'innocence dans son jugement du 11 septembre 2020 en lui imputant des comportements délictuels alors qu'une instance pénale était en cours et qu'il n'avait à cette date ni été mis en examen ni même condamné et que l'audience a eu lieu le 10 décembre 2020. Il en déduit que les propos tenus par le tribunal portent une atteinte insoutenable à l'article préliminaire du code de procédure pénale ainsi qu'à l'article 9 de la DDHC et 6 de la CEDH. Il souligne que le jugement du 11 septembre 2020 tient pour acquise la culpabilité de M. [A] et en tire d'importantes conséquences indemnitaires.

La société The CRM Mobile Corp relève que cette demande d'annulation n'a que peu d'intérêt lorsqu'elle ne concerne pas l'irrégularité de la saisine du tribunal car la cour d'appel doit alors dans tous les cas examiner l'affaire au fond. Elle souligne que les textes invoqués concernent la procédure pénale et non la procédure civile devant les juridictions commerciales. Elle fait valoir que le tribunal n'a pas inventé les faits délictueux dont s'agit mais les a repris d'un compte-rendu d'enquête qu'elle avait communiqué pour la parfaite information du tribunal tout en rappelant qu'aucune condamnation pénale n'était intervenue à cette époque. Elle explique que le jugement ne formule aucune accusation pénale mais prend soin d'indiquer que l'action civile de la société TCMC se fonde sur la violation d'un pacte d'associés.

Aux termes de l'article 6 «'Droit à un procès équitable'» § 1':

1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...)'».

Contrairement à ce que soutient la société TCMC, ce texte ne concerne pas seulement la personne «'accusée d'une infraction pénale'» comme le démontre le § 1 partiellement reproduit ci-dessus.

Il est manifeste que les motifs retenus par le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 11 septembre 2020 en pages 6 et 7, lorsqu'il a statué sur les demandes reconventionnelles de TCMC à l'encontre de M. [A], relèvent d'emblée la culpabilité en ces termes': «'sabordage méticuleux, anticipé de longue date par M. [A] et certains des cadres de la société, recrutés par M. [A] (...)'» «'M. [A] a organisé la disparition de la société'» «'profitant d'une grave maladie du dirigeant de TCMC et de sa fille'» «'phase offensive de sabordage de la société'» «'Dans la nuit du 26 au 27 septembre 2017, M. [A] et ses amis, tous salariés de SBSG, accompagnés de l'avocate de M. [A], se sont introduits au siège de la société, après avoir neutralisé l'alarme et les caméras de surveillance, ont vidé les principaux classeurs de documents, sorti les ordinateurs et les serveurs de la société et évacué de nombreux matériels dont le matériel OSE (pour Opération de Surveillance électronique), qui sert notamment pour les écoutes diverses et détecter la présence de micros ou autres instruments d'intrusion', matériel acquis par SBSG et dont l'achat et l'usage font l'objet d'une autorisation du Premier Ministre et sont soumises à un contrôle étroit. Toutes les données nécessaires au fonctionnement de l'activité de l'entreprise avaient ainsi disparu (plus de données techniques, plus de devis, plus de logiciels de devis, plus de données clients, plus de données comptables), toutes les boîtes mails ont été effacées par ceux qui ont dérobé les ordinateurs, y compris dans les disques durs des serveurs.'». Il apparaît à la lecture des motifs suivants que les premiers ont condamné M. [A] à verser des dommages et intérêts à hauteur de 50.000 euros à la société TCMC en retenant «'la grave crise créée par les actes de M. [A]'» ainsi que la somme de 469.000 euros en se fondant sur «'l'enquête pénale'» pour justifier la violation du pacte d'associés.

Or, si des éléments de l'enquête pénale en cours avaient été versés aux débats à l'initiative de la société TCMC, M. [A] avait seulement fait l'objet d'une garde à vue le 18 octobre 2017 et n'était ni mis en examen ni a fortiori condamné pour le vol des données et des matériels que le tribunal de commerce lui impute dans son jugement. Le jugement retient en effet clairement la culpabilité de M. [G] [A] et en tire des conséquences quant aux condamnations prononcées à son encontre au profit de la société TCMC.

Il apparaît donc que le jugement querellé est empreint de partialité et ne pouvait, à la date de son prononcé, retenir comme acquise la culpabilité de M. [G] [A].

Il convient par conséquent d'annuler le jugement entrepris.

Sur les conséquences de l'annulation du jugement

Aux termes de l'article 562 du code de procédure civile dans sa version en vigueur en la cause':

«'L'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.'»

Il en résulte qu'en raison de l'annulation du jugement, la cour est saisie de l'entier litige et doit statuer sur le fond, l'effet dévolutif étant, en application de l'article 562 alinéa précité, total.

L'ensemble des chefs du jugement critiqué est donc soumis à la cour d'appel.

La cour observe cependant que les parties ont modifié leurs prétentions en appel et n'évoquent plus certaines dispositions du jugement, comme par exemple la demande d'annulation de la cession de parts entre TCMC et M. [A]. A cet égard, si le tribunal de commerce prononce dans ses motifs la résolution de l'acte de cession et ordonne les restitutions consécutives, il n'a pas repris cette mention dans son dispositif.

Il sera donc statué sur les demandes désormais formées en appel par M. [G] [A] d'une part et par la société TCMC et la SCP BTSG ès qualités de liquidateur de la société SBSG d'autre part.

Sur la recevabilité de l'action ut singuli de M. [A] pour le compte de la société SBSG à l'encontre de la société TCMC

La SCP BTSG, prise en la personne de Maître [T] [Y], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SBSG rappelle que les premiers juges ont fait droit à l'exception d'irrecevabilité qu'elle avait soulevée quant à l'action ut singuli introduite par M. [A].

Si M. [A] concluait en première instance n'agir qu'en son nom propre et ne retirer qu'un intérêt strictement personnel à son action, il se contente en appel de solliciter l'infirmation de sa condamnation au titre des frais irrépétibles au profit de la SCP BTSG ès qualités. Il ne développe donc aucun moyen et ne forme plus aucune demande au titre d'une action ut singuli qu'il ne soutient donc plus.

Le tribunal de commerce a en effet dit irrecevables les prétentions formulées par M. [A] à l'encontre de la société TCMC pour défaut d'intérêt à agir, au motif qu'il échouait à démontrer dans quel intérêt personnel il agissait qui serait distinct de celui des autres créanciers.

L'irrecevabilité prononcée par le tribunal ne fait donc pas l'objet d'un appel.

Sur les demandes de la société TCMC à l'encontre de M. [A]

Sur leur recevabilité

M. [A] soutient que les demandes reconventionnelles de la société TCMC sont irrecevables pour défaut d'intérêt à agir. Il fait valoir que les préjudices allégués sont des préjudices subis par la collectivité des créanciers et sont directement liés à la disparition ou l'amoindrissement du patrimoine de la société SBSG de sorte que seul le liquidateur judiciaire de la société SBSG aurait qualité pour agir. Il ajoute que les demandes formulées par un actionnaire en l'absence de préjudice personnel subi sont irrecevables.

La société TCMC rappelle que M. [G] [A] a signé le 13 avril 2016 un pacte d'associés avec la société TCMC, en présence de la société SBSG, réitérant ainsi les engagements pris dans le premier pacte d'associés de 2014. Elle fait état de nombreuses violations du pacte d'associés perpétrées par M. [G] [A] depuis sa signature et en demande réparation. Elle fait valoir qu'il s'agit de violations d'un contrat signé entre M. [A] et elle-même, ce rapport de droit ne concernant en rien le mandataire judiciaire ou la collectivité des associés, ne s'agissant pas de créances de la société SBSG. Elle soutient que ses demandes n'entrent pas dans l'action attitrée du liquidateur judiciaire au sens de l'article L. 622-20 du code de commerce. Elle en conclut qu'elle dispose d'un intérêt à agir en réparation des préjudices subis personnels et distincts résultant des fautes contractuelles commises par M. [G] [A] à son encontre.

Aux termes de l'article 32 du code de procédure civile':

«'Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.'»

En vertu de l'article 122 du code de procédure civile':

«'Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.'»

Aux termes de l'article L. 622-20 du code de commerce

«'Le mandataire judiciaire désigné par le tribunal a seul qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers. Toutefois, en cas de carence du mandataire judiciaire, tout créancier nommé contrôleur peut agir dans cet intérêt dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État.

Le mandataire judiciaire a qualité pour mettre en demeure un associé ou un actionnaire de verser les sommes restant dues sur le montant des parts et actions souscrites par lui.

Le mandataire judiciaire communique au juge-commissaire et au ministère public les observations qui lui sont transmises à tout moment de la procédure par les contrôleurs.

Les sommes recouvrées à l'issue des actions introduites par le mandataire judiciaire ou, à défaut, par le ou les créanciers nommés contrôleurs, entrent dans le patrimoine du débiteur et sont affectées en cas de continuation de l'entreprise selon les modalités prévues pour l'apurement du passif.'»

En vertu de l'article L. 651-2 alinéa 1er du code de commerce, dans sa version applicable en la cause':

«'Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée.'»

Aux termes de l'article L. 651-3 du même code':

«'Dans les cas prévus à l'article L. 651-2, le tribunal est saisi par le liquidateur ou le ministère public.

Dans l'intérêt collectif des créanciers, le tribunal peut également être saisi par la majorité des créanciers nommés contrôleurs lorsque le liquidateur n'a pas engagé l'action prévue au même article, après une mise en demeure restée sans suite dans un délai et des conditions fixés par décret en Conseil d'État.

Les dépens et frais irrépétibles auxquels a été condamné le dirigeant ou l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée sont payés par priorité sur les sommes versées pour combler le passif.'»

Ainsi seul le liquidateur d'une société soumise à une procédure de liquidation judiciaire a qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers en vue de reconstituer le patrimoine social.

La perte de valeur des actions ou parts ne constitue pas un dommage personnel distinct de celui subi collectivement par tous les créanciers du fait de l'amoindrissement ou de la disparition de ce patrimoine.

En effet, la recevabilité de l'action en responsabilité engagée par un associé contre un tiers est subordonnée à l'allégation d'un préjudice personnel et distinct de celui qui pourrait être subi par la société elle-même, c'est-à-dire d'un préjudice qui ne puisse être effacé par la réparation du préjudice social.

Il appartient à l'associé demandeur d'apporter la preuve que les préjudices dont il demande la réparation sont personnels et distincts de ceux causés à la personne morale.

Les demandes de la société TCMC à l'encontre de M. [G] [A] sont les suivantes':

- 100.000 euros au titre du remboursement du compte courant d'associé

- 469.000 euros au titre du remboursement de ses investissements,

- 80.000 euros au titre du non-respect de l'engagement d'exclusivité

- 80.000 euros au titre des frais engagés par la société TCMC pour faire valoir ses droits

- 2.094.534 euros au titre de la perte de chance de céder SBSG.

Il importe de déterminer si les prétentions ci-dessus formulées constituent des préjudices personnels distincts de ceux de la société SBSG.

En outre, ces demandes doivent être examinées parallèlement à celles formées par la SCP BTSG, mission conduite par Maître [T] [Y] ès qualités de mandataire liquidateur de la société SBSG, à l'encontre de M. [G] [A] devant le tribunal des affaires économiques de Nanterre suivant assignation du 23 février 2021. La SCP BTSG ès qualités réclamait la somme totale de 794.320,40 euros au titre de l'insuffisance d'actif de SBSG, soit 1.149.409,18 (montant total des créances déclarées) ' 355.088,78 euros (somme recouvrée).

La société TCMC explique en premier lieu, au titre du préjudice allégué quant au remboursement du compte courant d'associé, avoir dû procéder en urgence à un apport de 100.000 euros en deux fois pour payer les salaires et les dettes contractées par M. [A]. Elle ajoute qu'en raison du placement de la société SBSG en liquidation judiciaire, TCMC ne pourra pas obtenir le remboursement de ces apports d'argent opérés pour couvrir les dépenses frauduleuses de M. [A] prises en violation du pacte ' notamment les règlements au bénéfice de Maître Maillancourt.

En sa qualité d'associé, la société TCMC a investi dans la société SBSG et apporté ponctuellement la somme dont elle réclame aujourd'hui le remboursement. L'insuffisance d'actif de la société SBSG, dont il n'est d'ailleurs pas démontré qu'elle soit imputable à M. [A], ne caractérise cependant pas l'existence d'un préjudice propre à la société TCMC, quel que soit son apport en compte courant d'associé, mais un préjudice social subi par la collectivité des créanciers.

La société TCMC réclame en deuxième lieu le remboursement de son investissement financier dans la société SBSG, soit la somme de 469.000 euros. Elle soutient que cette clause du pacte était «'justement prévue pour que la société TCMC puisse agir en amont des problèmes.'». Elle insiste sur le fait que la société SBSG ne pouvait plus exercer l'activité rentable d'OSE (opérations de sécurité électronique) par la faute de M. [A] et que la valeur de la société SBSG se trouvait ainsi réduite à néant.

Les difficultés financières de la société SBSG ayant conduit à sa liquidation judiciaire ont eu pour conséquence la perte de l'investissement placé par la société TCMC dans celle-ci en sa qualité d'actionnaire. Le préjudice ainsi revendiqué par la société TCMC n'est donc que la résultante de l'amoindrissement ou de la disparition du patrimoine de TCMC et concerne la collectivité des créanciers. La société TCMC échoue à démontrer un préjudice personnel subi de ce fait.

La société TCMC reproche en troisième lieu à M. [A] la violation de l'article 9.1 du pacte d'associés et réclame la somme de 80.000 euros au titre du non-respect de l'engagement d'exclusivité.

Elle fait valoir que la création d'une activité directement concurrente, avec des clients, des salariés et du personnel de SBSG alors que le pacte d'associés existait toujours caractérise cette violation.

Aux termes de l'article 9.1 du pacte d'associés':

«'9.1.1 Monsieur [G] [A] s'engage tant qu'il sera salarié et/ou mandataire social au sein du groupe formé par la Société, et le cas échéant ses filiales, (ci-après le «'Groupe'») à consacrer tout le temps nécessaire à l'exercice de ses fonctions et à ne pas exercer d'autres activités professionnelles quelle qu'elle soit. En particulier, il s'interdit, autrement que dans le cadre du Groupe de créer et/ou développer une quelconque activité, hormis celles spécifiquement autorisées par TCMC.

9.1.2 Monsieur [G] [A] s'engage à ce que, pendant toute la durée du Pacte, tout développement dans le secteur et domaine d'activités propres et apparentés à ceux exercés par la société SBSG ainsi que tout autre développement soient effectués au sein de SBSG.'»

Force est de constater que les allégations de la société TCMC selon lesquelles M. [G] [A] aurait violé le pacte d'associés en ne respectant pas son engagement d'exclusivité tendent à démontrer l'existence d'un préjudice subi directement par la société SBSG et non celle d'un préjudice personnel distinct subi par TCMC. La société TCMC ne prouve donc pas avoir subi un dommage personnel indemnisable.

La société TCMC réclame en quatrième lieu la somme de 80.000 euros au titre des frais engagés par ses soins pour faire valoir ses droits. Elle fait valoir que le manquement à l'obligation contractuelle d'information incombant à M. [A] et à son obligation de partage de décision a eu pour conséquence de la tenir éloignée de la prise de certaines décisions et de l'évolution de la situation financière de la société SBSG. Elle ajoute avoir dû passer un temps très conséquent à organiser la défense de ses droits et avoir dû exposer des frais d'avocat.

Par cette réclamation la société TCMC invoque la violation de l'article 7 du pacte par M. [G] [A]. Elle soutient que M. [A], ès qualités d'actionnaire et de président de la société SBSG s'est engagé envers la société TCMC et son président à soumettre certaines décisions à son autorisation préalable. Elle fait aussi valoir que le défaut d'information comptable de M. [A] pendant deux trimestres a conduit la société SBSG à une liquidation judiciaire certaine tant la situation s'est aggravée hors de tout contrôle. Elle considère qu'elle n'a pas eu la possibilité en temps utile de pouvoir aider sa société filiale de sorte que la situation de SBSG était fortement compromise au soir de la révocation de M. [G] [A].

L'argumentation développée par la société TCMC au titre de ce chef de préjudice s'appuie sur des manquements allégués de M. [A] au pacte d'associés, lesquels auraient irrémédiablement compromis le patrimoine de la société SBSG conduisant inéluctablement à sa liquidation judiciaire. Contrairement à ce que soutient la société TCMC, le préjudice dont elle se prévaut n'est que le corollaire de l'appauvrissement de la société SBSG et ne constitue pas un préjudice personnel distinct réparable.

La société TCMC réclame en cinquième lieu la somme de 2.094.534 euros au titre de la perte de chance de céder SBSG.

Le préjudice tiré de la perte de chance, pour TCMC, de céder SBSG est directement lié à la liquidation judiciaire de celle-ci et donc à la disparition de son patrimoine. Le préjudice revendiqué par la société TCMC n'est donc pas distinct du préjudice social puisque celui-ci est attaché à l'anéantissement du patrimoine de SBSG et donc à la perte de sa valeur. La société TCMC ne démontre donc pas avoir subi un préjudice personnel de ce fait et doit être déclarée irrecevable.

Il convient par conséquent de déclarer irrecevables les demandes de la société TCMC à l'encontre de M. [G] [A] à hauteur de 100.000 euros au titre du remboursement du compte courant d'associé, de 469.000 euros au titre du remboursement de ses investissements, de 80.000 euros au titre du non-respect de l'engagement d'exclusivité, de 80.000 euros au titre des frais engagés par la société TCMC pour faire valoir ses droits et de 2.094.534 euros au titre de la perte de chance de céder SBSG.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société TCMC succombant en ses demandes, il convient de la condamner aux dépens de première instance et d'appel. Il n'est en outre pas inéquitable de condamner la société TCMC à payer à M. [G] [A] la somme de 15.000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en première instance et en appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Comme il a été vu supra, l'exception d'irrecevabilité soulevée par la SCP BTSG ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SBSG avait été accueillie en première instance et n'est pas critiquée en appel par M. [A]. L'indemnité allouée pour les frais engagés par le liquidateur est justifiée et il est donc équitable de condamner M. [G] [A] à payer à la SCP BTSG ès qualités la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Il y a lieu de débouter la société TCMC de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

ANNULE le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 11 septembre 2020;

Statuant à nouveau,

DECLARE irrecevables les demandes de la société TCMC à l'encontre de M. [G] [A] à hauteur de 100.000 euros au titre du remboursement du compte courant d'associé, de 469.000 euros au titre du remboursement de ses investissements, de 80.000 euros au titre du non-respect de l'engagement d'exclusivité, de 80.000 euros au titre des frais engagés par la société TCMC pour faire valoir ses droits et de 2.094.534 euros au titre de la perte de chance de céder SBSG';

CONDAMNE la société TCMC aux dépens de première instance et d'appel ;

CONDAMNE la société TCMC à payer à M. [G] [A] la somme de 15.000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en première instance et en appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';

CONDAMNE M. [G] [A] à payer à la SCP BTSG ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SBSG la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';

DEBOUTE la société TCMC de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

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