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Décisions

CA Bordeaux, 2e ch. civ., 11 septembre 2025, n° 22/01449

BORDEAUX

Arrêt

Autre

CA Bordeaux n° 22/01449

11 septembre 2025

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

2ème CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 11 SEPTEMBRE 2025

N° RG 22/01449 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MTTL

[S] [T] [Y] [U]

[X] [P] [L] épouse [U]

c/

[K] [R]

[F] [J] épouse [R]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 16 février 2022 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BORDEAUX (chambre : 7, RG : 21/01441) suivant déclaration d'appel du 23 mars 2022

APPELANTS :

[S] [T] [Y] [U]

né le 09 Mars 1976 à [Localité 4]

de nationalité Française

Profession : Dessinateur,

demeurant [Adresse 1]

[X] [P] [L] épouse [U]

née le 12 Août 1980 à [Localité 6]

de nationalité Française

Profession : Travailleur social,

demeurant [Adresse 1]

Représentés par Me Xavier SCHONTZ de la SELARL GALY & ASSOCIÉS, avocat au barreau de BORDEAUX substitué à l'audience par Me CHANE-TO

INTIMÉS :

[K] [R]

né le 13 Septembre 1959 à [Localité 7]

de nationalité Française

Retraité

demeurant [Adresse 8]

[F] [J] épouse [R]

née le 27 Avril 1961 à [Localité 2]

de nationalité Française

Profession : Fonctionnaire,

demeurant [Adresse 8]

Représentés par Me Marie pierre BOUTOT, avocat au barreau de PERIGUEUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 juin 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Jacques BOUDY, Président

Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller

Madame Bénédicte DE VIVIE, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Audrey COLLIN

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * *

FAITS ET PROCÉDURE :

1. Le 13 avril 2017, Monsieur [S] [U] et Madame [P] [L] épouse [U] (les époux [U] ci-après) ont, suivant acte de Maître [I], notaire à [Localité 3], acquis de M. [K] [R] et de Mme [F] [J] épouse [R] (les époux [R] ci-après) un immeuble à usage d'habitation [Adresse 1] à [Localité 5], en Gironde.

L'acte de vente précisait que les époux [R] avaient fait édifier cet immeuble en 1984-1985, puis l'avait surhaussé, en 1996.

En 2010, les époux [R] ont confié à M. [W] [V] des travaux de démolition de la terrasse existante, puis la construction d'une nouvelle terrasse couverte avec massif béton pour supporter la future couverture.

En 2011, les époux [R] ont confié à M. [V] la réalisation de la couverture de la terrasse avec une structure en bois, avec pose de tuiles et de deux regards d'eau pluviale et la construction sur la dalle d'un barbecue en pierre avec conduit de cheminée.

Les époux [U] disent avoir constaté très rapidement avec leur acquisition des infiltrations dans la véranda et sous la terrasse couverte. Ils ont donc sollicité M. [O], charpentier couvreur afin de réparer la couverture de la véranda.

Le 20 novembre 2018, M. [O] a constaté un risque d'effondrement de la couverture de la terrasse et a conseillé aux époux [U] de faire poser des étais.

Deux étais ont été posés afin de soutenir les deux arbalétriers en rupture. Les travaux de réparation ont été estimés par M. [O] à la somme de 11 271, 30 euros.

A la demande des époux [U], par ordonnance du 3 juin 2019 , le juge des référés a désigné M. [H] en qualité d'expert judiciaire, puis remplacé par M. [G].

Le rapport d'expertise a été déposé le 29 janvier 2021.

2. Par acte du 18 février 2021, les époux [U] ont assigné les époux [R] et [W] [V] devant le tribunal judiciaire de Bordeaux.

3. Par jugement du 16 février 2022, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :

- dit que la responsabilité décennale de l'entreprise [W] [V] était engagée s'agissant des désordres affectant les ouvrages de construction réalisés par ladite entreprise et facturés aux époux [R],

- condamné [W] [V] à payer à aux époux [U] la somme de 12 455, 44 euros TCC au titre des travaux de reprise,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- débouté les époux [R] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné [W] [V] à payer aux époux [U] la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné [W] [V] aux entiers dépens en ce compris les dépens liés au référé et les frais d'expertise judiciaire,

- dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la présente décision.

4. Les époux [U] ont relevé appel de ce jugement, n'intimant que les époux [R] devant la cour d'appel.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 21 juin 2022, les époux [U] demandent à la cour, sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil :

- de réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bordeaux le 16 février 2022

- en ce qu'il les a débouté de l'intégralité de leurs demandes à l'encontre de M. et Mme [R] sur le fondement de la garantie décennale,

- en ce qu'il les a débouté de leurs demandes de condamnation de M. et Mme [R] à leur verser les sommes de 12 455,44 euros au titre des travaux de reprise avec indexation des devis au jour du jugement, 6 000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance, 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que de leur demande de condamnation aux entiers dépens en ce compris ceux des référés et les frais d'expertise judiciaire,

statuant à nouveau,

- de condamner les époux [R] à leur verser les sommes suivantes :

- 12 455,44 euros au titre des travaux de reprise avec indexation des devis au jour de l'arrêt sur l'indice BT01

- 6 000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance,

- de condamner les époux [R] à leur verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens en ce compris ceux de référé et les frais d'expertise judiciaire.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 12 septembre 2022, les époux [R] demandent à la cour, sur le fondement des articles 700 et 751 du code de procédure civile :

- de débouter les époux [U] en leur appel partiel et mal fondé,

- de confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Périgueux (Alors que c'est le tribunal judiciaire de Bordeaux qui a rendu le jugement) En date du 16 février 2022 en ce qu'il a débouté les époux [U] en leurs demandes dirigées à leur encontre et les a déboutés pour le surplus de leurs demandes,

- de débouter les époux [U] de leurs demandes en paiement à leur encontre à hauteur de la somme de 12 455, 44 euros et à hauteur de la somme de 6 000 euros ainsi que l'article 700 du code de procédure civile,

y ajoutant,

- de condamner les époux [U] au paiement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner les époux [U] aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 mai 2025.

MOTIF

Sur la responsabilité des époux [R]

5. Le tribunal a débouté les époux [U] de leurs demandes à l'encontre des époux [R] au motif que ces derniers ne s'étaient pas comportés comme un maitre d''uvre alors qu'ils ne disposaient d'aucune compétence en matière de bâtiment et qu'il n'était pas démontré qu'ils se soient immiscés de façon fautive dans la conception et la réalisation de l'ouvrage litigieux.

Les époux [U] font valoir au soutien de leur appel que le seul fait que les intimés aient fait construire un ouvrage avant de le vendre engage leur responsabilité décennale, nonobstant les recours qu'ils peuvent entreprendre à l'encontre du locateur de l'ouvrage.

Les époux [R] reprenant l'argumentation qu'ils avaient développée devant le tribunal sollicitent la confirmation du jugement.

Sur ce

6. L'article 1792 du code civil dispose': «'Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.'»

L'article 1792-1, 2° du même code précise qu'est réputé constructeur d'un ouvrage «' toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire'»

7. En application de ce texte, les vendeurs d'un immeuble en leur qualité de maître de l'ouvrage ayant fait réaliser des travaux, doivent répondre sur le fondement de la responsabilité décennale des constructeurs des dommages compromettant la solidité de l'ouvrage ou qui l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendant impropre à sa destination.

Ainsi, la garantie des constructeurs d'un ouvrage est étendue, par l'effet de la loi d'ordre public, au particulier qui a fait réaliser un bien immobilier ou une partie de celui-ci ayant donné lieu à une vente. ( Cf': Cass, chambre civile 3, 1 er avril 2021, 19-17. 599)

Or, en l'espèce, les travaux qui ont été réalisés à la demande des époux [R] et qui ont fait l'objet d'une réception tacite; les factures du constructeur ayant été intégralement payées par les maîtres de l'ouvrage et ceux-ci ayant pris possession de l'ouvrage litigieux; ne sont pas selon l'expert judiciaire conformes aux règles de l'art alors que la solidité de la charpente et de la couverture de la terrasse est compromise.

8. En conséquence, les appelants sont biens fondés à voir retenue la responsabilité décennale de leurs vendeurs, peu important qu'ils n'aient pas joué le rôle de maître d''uvre ou qu'ils ne soient pas immiscés dans la conception ou la réalisation de l'ouvrage.

Dès lors le jugement sera réformé en ce qu'il a débouté les époux [U] de leurs demandes à l'encontre des époux [R].

Sur les préjudices des époux [U]

9. Les époux [U] sollicitent la condamnation des intimés à leur payer la somme indexée de reprise des travaux telle qu'évaluée par l'expert judiciaire outre un préjudice de jouissance qu'ils estiment à la somme de 6000 euros faisant valoir qu'ils n'ont pu profiter de leur terrasse depuis leur acquisition.

Les époux [R] critiquent le montant des travaux de reprise, objet de la demande de condamnation des appelants et considèrent au titre d'un préjudice de jouissance n'est pas démontré.

Sur ce

10. Le montant des travaux de reprise a été chiffré par l'expert à la somme de 12 455,44 euros et les intimés ne formulent aucune contestation sérieuse à l'encontre de ce chiffrage.

Les intimés seront donc condamnés au versement d'une telle somme laquelle sera en outre indexée.

Par ailleurs, si les époux [U] n'ont pu jouir totalement de l'usage de leur terrasse alors que celle-ci a dû être étayée en raison de sa dangerosité, à la suite de cet étaiement ils ont pu néanmoins l'utiliser au moins partiellement.

En conséquence, la cour arbitrera leur demande en fixant leur préjudice de jouissance à la somme de 2500 euros.

Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

11. Les époux [R] succombant devant la cour d'appel seront condamnés aux entiers dépens et à verser aux époux [U] la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Réforme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les époux [U] de leurs demandes à l'encontre des époux [R] sur le fondement de la garantie décennale, et statuant à nouveau de ce chef de jugement réformé:

Condamne M. [K] [R] et Mme [F] [J] épouse [R], ensemble à payer à M. [S] [U] et Mme [X] [P] [L] épouse [U], ensemble la somme de 12 455,44 euros au titre des travaux de reprise avec indexation de cette somme au jour de l'arrêt sur l'indice BT01 de la construction, celle de 2500 euros au titre de leur préjudice de jouissance et celle de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne M. [K] [R] et Mme [F] [J] épouse [R] aux entiers dépens.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jacques BOUDY, président, et par Madame Audrey COLLIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

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