Livv
Décisions

Cass. com., 9 juillet 2002, n° 01-01.750

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Sodilap (Sté), Saniser (Sté)

Défendeur :

Lapeyre et Sanitaire et matériaux (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Cass. com. n° 01-01.750

8 juillet 2002

Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 14 décembre 2000), que suivant contrat du 21 décembre 1992, les sociétés Lapeyre et GME ont donné mandat d'agent commercial aux sociétés Sodilap et Saniser, reprises par M. X..., qui est intervenu au contrat ; que la convention contenait une clause compromissoire ; que M. X..., agissant en son nom personnel et au nom des sociétés mandataires, a saisi le tribunal arbitral en invoquant les fautes contractuelles des mandantes, et a demandé la résiliation du contrat aux torts des sociétés Lapeyre et GME et leur condamnation solidaire au paiement d'une indemnité de 65 310 000 francs à la société Sodilap, 21 816 000 francs à la société Saniser et 7 250 000 francs à M. X... ; que le tribunal arbitral ayant déclaré le contrat résolu à l'initiative de M. X... et des sociétés Sodilap et Saniser sans faute des sociétés mandantes, mais condamné celles-ci à payer à M. X... une somme de 13 000 000 francs, lesdites sociétés ont demandé l'exequatur de la sentence et ont fait signifier l'ordonnance d'exequatur ; qu'elles ont, ensuite, saisi le tribunal arbitral d'une requête en interprétation qui a été rejetée, puis ont formé un recours en annulation partielle de la sentence arbitrale ; que la cour d'appel a rejeté les moyens d'irrecevabilité soulevés par M. X... et les sociétés mandataires, a déclaré le recours recevable, a rejeté le recours en annulation de M. X... et des

sociétés mandataires, a annulé la sentence en ce qu'elle avait condamné les mandantes à payer à M. X... une somme de 13 000 000 francs et dit que les parties devraient conclure au fond sur l'indemnisation due à M. X... ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que M. X... et les sociétés Sodilap et Saniser reprochent à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :

1 / que l'article 12, alinéa 1er, de la loi du 25 juin 1991 institue, au bénéfice de l'agent commercial, un droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi suite à la cessation de ses relations avec le mandant ; que cette indemnité ne lui est refusée que dans des cas limitativement énumérés par l'article 13 de cette même loi, à savoir en cas de faute grave de l'agent et de rupture intervenue à l'initiative de l'agent et non justifiée par des circonstances imputables au mandant ou encore de rupture due à l'âge, la maladie ou l'infirmité de l'agent ; que l'article 16 de la loi précise qu'il s'agit de dispositions d'ordre public ; qu'une demande en résiliation de contrat ne saurait être assimilée à une rupture immédiate ou à une initiative de l'agent ; que le tribunal arbitral a considéré que sa saisine par M. X... et les sociétés Sodilap et Saniser équivalait à une initiative de la rupture au sens de la loi du 25 juin 1991 ; qu'en considérant cependant que la solution donnée par le tribunal arbitral à la partie du litige concernant l'initiative de la rupture est conforme aux dispositions de la loi du 25 juin 1991, la cour d'appel a violé l'article 1184 du Code civil ;

2 / qu'en ne recherchant pas, comme elle y était tenue, tant au titre de l'ordre public que des termes du litige, si la rupture du contrat pouvait être imputable aux sociétés Lapeyre et GME, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1484.6 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt relève que la sentence arbitrale souligne que la demande de résiliation était imprudente et erronée de sorte qu'elle doit être considérée comme une rupture à l'initiative de l'agent, non justifiée par le comportement des mandantes qui n'avaient commis aucune faute ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui, saisie d'un recours en nullité, devait se limiter à vérifier si la sentence pouvait être annulée sur le fondement de l'un des cas prévus par l'article 1484 du nouveau Code de procédure civile, sans examiner le fond du litige, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que M. X... et les société Sodilap et Saniser font encore le même reproche à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1 / que M. X... soulevait l'irrecevabilité du recours en annulation formé par les sociétés Lapeyre et GME au regard, d'une part, du principe général de l'interdiction de se contredire au détriment d'autrui, d'autre part, pour défaut d'intérêt à agir; que ces deux moyens sont indépendants l'un de l'autre et ne sauraient être assimilés à l'acquiescement ; qu'en décidant le contraire et en fondant sa décision uniquement sur l'absence d'acquiescement, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et ainsi violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / que l'exécution sans réserve d'un jugement non exécutoire vaut acquiescement; qu'après avoir constaté que les sociétés Lapeyre et GME, tenant la sentence arbitrale comme définitive, avaient commencé à l'exécuter sans réserve, la cour d'appel ne pouvait décider qu'elles n'avaient pas acquiescé à la sentence sans violer les articles 409 et 410 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que, constatant que les fins de non-recevoir invoquées ne faisaient que développer la seule argumentation selon laquelle les sociétés mandantes ont accepté la sentence arbitrale, l'arrêt retient qu'elles s'analysent en une allégation d'acquiescement à la sentence arbitrale, tandis que les actes invoqués, qui ne constituaient pas des actes d'exécution, n'étaient pas incompatibles avec la volonté de former un recours ; qu'ainsi, sans dénaturer les termes du litige, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que M. X... et les sociétés Sodilap et Saniser font enfin le même reproche à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1 / que si la mission des arbitres est déterminée par la demande d'arbitrage formée sur le fondement d'une clause compromissoire, les conclusions déposées par les parties précisent l'objet du litige ; que ce dernier peut évoluer dès lors que les parties en sont convenues explicitement ou implicitement ; qu'en l'espèce, la globalisation de la prétention des demandeurs était admise par les sociétés Lapeyre et GME elles-mêmes dans leurs écritures ; qu'en effet, dans leur mémoire en défense devant les arbitres, ces dernières écrivaient que "M. X... demande au tribunal de constater la résiliation de son contrat de mandat accompagné du règlement d'une indemnité de près de 100 millions de francs face à ses 2,3 millions d'investissements initiaux" et un peu plus loin que "le fait que l'on ne soit pas en présence d'un contrat d'agent commercial n'a d'intérêt, dans le présent litige, que par rapport aux prétentions de M. X... de réclamer environ 100 millions de francs au titre de ce qu'il considère être à tort comme une rupture fautive de sa relation contractuelle avec le groupe Lapeyre" ; que les sociétés Lapeyre et GME ont ainsi implicitement accepté la prétendue extension de la mission des arbitres ; qu'en décidant cependant que le tribunal arbitral avait statué ultra petita, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil et les articles 4 et 8 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / que si l'arbitre est tenu, pour cerner l'objet du litige, de s'appuyer sur la clause compromissoire et les prétentions des parties, il dispose, en tant qu'amiable compositeur, d'une liberté l'autorisant à prescrire toutes les mesures susceptibles de contribuer à la solution du litige ; que si l'arbitre est tenu par le montant de l'indemnisation telle que fixée par les demandeurs, il lui revient de décider de l'attribution des sommes allouées dans la limite de ce plafond; qu'en considérant que le tribunal arbitral ne pouvait fixer à 13 000 000 francs les dommages-intérêts octroyés à M. X... tandis que ce dernier avait fixé sa part d'indemnité à 7 500 000 francs sur une somme totale de 94 376 000 francs, la cour d'appel a violé l'article 1484-3 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt relève qu'il résulte de l'acte de mission et de l'exposé des prétentions des parties que le tribunal était saisi d'une demande de condamnation solidaire des sociétés Lapeyre et GME à payer: à la société Sodilap la somme de 65 310 000 francs, à la société Saniser la somme de 21 816 000 francs et à M. X... la somme de 7 250 000 francs et que, loin d'avoir accepté la globalisation des demandes, qui n'était pas faite par les demandeurs, les sociétés Lapeyre et GME se sont contentées de souligner l'importance du montant des sommes réclamées ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui a retenu que le tribunal arbitral n'avait pas respecté la mission qui lui était confié en allouant à M. X... une somme supérieure à celle qu'il réclamait, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les sociétés Sodilap et Saniser et M. X... aux dépens ;

Vu l'article Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne les sociétés Sodilap et Saniser et M. X... à payer aux sociétés Lapeyre et Sanitaire et matériaux (GME) la somme globale de 1 800 euros et rejette leur demande ;

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site