CA Paris, Pôle 1 - ch. 1, 20 janvier 2015, n° 13/20318
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
S. A. TELECEL FASO (Sté)
Défendeur :
SA ALCATEL LUCENT INTERNATIONAL (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. ACQUAVIVA
Conseillers :
Mme Dallery, Mme Guihal
Exposé des faits
La société de droit français Alcatel Lucent affirme avoir conclu le 26 juillet 2000, avec la société de droit burkinabé Telecel Faso, opérateur de téléphonie, un contrat de fourniture d'équipements pour un montant de 10.455.479 euros.
Elle indique par ailleurs que le 26 juillet 2004, elle a conclu avec la société Atlantique Télécom, devenu principal actionnaire de la société Telecel Faso, un protocole d'accord transactionnel constatant une dette de cette dernière d'un montant de 2.198.455,75 € .
La société Alcatel Lucent précise enfin avoir conclu le 29 avril 2005, avec la société Telecel Faso et au vu d'une lettre de support de la société Atlantique Télécom, un nouvel accord transactionnel prévoyant le remboursement immédiat par la société Telecel Faso de l'ensemble des sommes encore dues au titre de l'accord de 2004 ainsi qu'un rééchelonnement de la dette de cette dernière.
Par courrier signifié le 11 mars 2011, la société Alcatel Lucent a mis en demeure la société Telecel Faso de lui payer sous quinze jours la somme de 3.975.900,55 € .
Le 5 juin 2012, se fondant sur l'article 11 du contrat du 29 avril 2005, la société Alcatel Lucent a présenté à la Cour internationale d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale une demande d'arbitrage à l'encontre de la société Telecel Faso, aux fins que celle ci soit condamnée à lui payer la somme de 2.681.515,97 € au titre d'inexécutions contractuelles.
Le 2 août 2012, en application de l'article 6 § 4 du règlement d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale, la société Telecel Faso a contesté devant la Cour d'arbitrage la mise en uvre de la procédure et la constitution du tribunal arbitral au motif de l'absence de clause d'arbitrage visant ce règlement et lui étant opposable.
Le 19 septembre 2013, le tribunal arbitral composé de Madame Antonias Dimolitsa, président, et Messieurs Denis B. et Jean Jacques A., arbitres, siégeant à Paris, a condamné la société Telecel Faso à payer à la société Alcatel Lucent la somme de 2.681.515,97 € augmentée des intérêts capitalisés à hauteur de 911.152,94 € .
Le 21 octobre 2013, la société Telecel Faso a formé un recours en annulation contre cette sentence.
Vu les conclusions signifiées par le RPVA le 20 janvier 2014 par la société Telecel Faso, qui prie la Cour, au visa de l'article 1520 du Code de procédure civile, de prononcer l'annulation de la sentence arbitrale du 19 septembre 2013, de condamner la défenderesse à lui verser la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et de la condamner aux dépens en application de
l'article 699 du même code ;
Vu les conclusions signifiées par le RPVA le 20 mars 2014 par la société Alcatel Lucent International, qui demande à la Cour, au visa de l'article 1520 du Code de procédure civile et du règlement d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale, de rejeter le recours en annulation formé par la société Telecel Faso, de la condamner à lui verser la somme de 90.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et de la condamner aux dépens en application de l'article 699 du même code ;
Motifs
SUR QUOI,
#1 tribunal arbitral
- Sur le premier moyen d'annulation tiré de ce que le tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent (article 1520 1° du Code de procédure civile)
La société Telecel Faso fait grief en premier lieu au tribunal arbitral de s'être déclaré compétent alors d'une part que l'identité des parties au contrat d'origine ayant servi de fondement à la transaction du 29 avril 2005, elle même support de la demande d'arbitrage faite par la société Alcatel Lucent, n'est pas démontrée, ce contrat n'étant pas produit par cette dernière d'autre part que que l'engagement financier consenti par la société Atlantique Télécom par courrier du 29 avril 2005 figurant au contrat de la même date a été directement donné à la société Alcatel Lucent, de sorte que seules ces deux sociétés sont parties au contrat litigieux et que, partant, tiers au contrat, elle ne pouvait se voir opposer la clause d'arbitrage y était stipulée ;
#2 compétence du tribunal arbitral
La recourante fait valoir par ailleurs que le contrat du 29 avril 2005 contenant la clause d'arbitrage ayant fondé la compétence du tribunal arbitral a été signé en fraude de ses droits par Monsieur Ahmed Mamadou C., son directeur général qui agissait en réalité pour le compte de la société Atlantique Télécom, signataire du contrat litigieux en sorte que celui ci n'a pu valablement l'engager et qu'en outre, la société Alcatel Lucent, également signataire de ce contrat, qui ne pouvait ignorer cette fraude, ne peut se prévaloir d'une croyance légitime quant au pouvoir de représentation de Monsieur C. vis-à- vis de la société Telecel Faso ;
Elle reproche enfin au tribunal arbitral de s'être déclaré compétent alors que la procédure arbitrale initiée par la société Alcatel Lucent constituait une man'uvre destinée à lui nuire.
#3 arbitrage
Considérant sur la première branche du moyen que la société Alcatel Lucent produit la convention intitulée contrat de transaction conclu le 29 avril 2005 à laquelle les sociétés Telecel Faso et Alcatel Lucent sont toutes deux parties et qui contient la clause d'arbitrage au vu de laquelle le tribunal arbitral s'est déclaré compétent en sorte que l'absence de versement aux débats d'un contrat antérieur est sans emport ;
que par ailleurs, la société Telecel Faso étant partie au contrat litigieux, la clause d'arbitrage qu'il contient lui est opposable, la circonstance que la société Atlantique Télécom par lettre d'intention du 29 avril 2005 figurant en annexe du contrat signé le même jour emportant rééchelonnement de la dette de Telecel Faso envers Alcatel Lucent et conclusion de nouveaux contrats, se soit portée garante au profit de la société Alcatel Lucent de la bonne exécution des engagements financiers de sa filiale est, à cet égard, indifférente ;
#4 fraude alléguée
Considérant sur la seconde branche du moyen qu'il n'est pas contesté que Monsieur C. était, au jour de la signature du contrat litigieux, directeur général de la société Telecel Faso ; qu'il était, de ce fait, habilité à l'engager ; que le dépôt par la société Telecel Faso d'une plainte pénale à l'encontre de Monsieur C. devant le Tribunal de grande instance de Ouagadougou ne permet pas de caractériser la fraude alléguée ; qu'enfin, la recourante ne démontre pas autrement que par voie d'affirmation que la fraude alléguée qui aurait été commise à ses dépens par son réprésentant agissant de concert frauduleux avec la société Atlantique Télécom était connue ou aurait dû l'être par la société
Alcatel Lucent au jour de la conclusion du contrat et que la procédure arbitrale initiée par la société Alcatel Lucent constitue une man'uvre destinée à lui nuire alors que celle ci a été mise en oeuvre en application de la clause compromissoire stipulée à contrat de transaction du 29 avril 2005 à raison des manquements de Telecel Faso dans l'exécution des obligations contractées par elle aux termes de cette convention ;
que le moyen doit être rejeté ;
#5 contrariété à l ordre public international
- Sur le moyen d'annulation tiré de la contrariété à l'ordre public international (article 1520, 5° du Code de procédure civile)
La société Telecel Faso fait valoir que la reconnaissance ou l'exécution de la sentence arbitrale rendue le 19 septembre 2013 seraient contraires à l'ordre public international français dans la mesure où la société Alcatel Lucent qui en juin 2012, ne pouvait ignorer les agissements frauduleux concertés de Monsieur C. et de la société Atlantique Télécom accomplis à son préjudice, aurait pu mettre en cause cette dernière lors de la procédure d'arbitrage ;
#6 exécution de la sentence arbitrale
Considérant que la société Telecel Faso qui se borne au soutien de ce moyen à faire état des motifs qui auraient présidé à l'engagement de la procédure arbitrale et à critiquer les conditions dans lesquelles l'arbitrage a été introduit sans autrement caractériser ainsi qu'il a été dit la fraude alléguée ne démontre pas en quoi la reconnaissance ou l'exécution de la sentence arbitrale du 19 septembre 2013 heurterait de manière manifeste et concrète l'ordre public international français ;
que le moyen et le recours seront rejetés ;
Considérant que la société Telecel Faso qui succombe doit être condamnée à supporter les dépens;
qu'elle ne peut prétendre de ce fait à l'application à son profit des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et sera condamnée sur ce même fondement à payer à la société Alcatel Lucent International la somme de 90.000 euros ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
Rejette le recours en annulation intenté contre la sentence arbitrale du 19 septembre 2013 ;
Condamne la société Telecel Faso aux dépens qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile ainsi qu'au paiement à la société Alcatel Lucent International d'une somme de 90.000 euros.