CA Bastia, ch. civ. sect. 2, 10 septembre 2025, n° 23/00398
BASTIA
Arrêt
Autre
Chambre civile
Section 2
ARRÊT N°
du
10 SEPTEMBRE 2025
N° RG 23/398
N° Portalis DBVE-V-B7H-CGTI FD-C
Décision déférée à la cour : jugement du tribunal judiciaire d'Ajaccio, décision attaquée du 6 avril 2023, enregistrée sous le n° 22/756
[V]
C/
CONSORTS
[L]
Copies exécutoires délivrées aux avocats le
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU
DIX SEPTEMBRE DEUX-MILLE-VINGT-CINQ
APPELANTE :
Mme [H] [V]
née le [Date naissance 1] 1938 à [Localité 4] (Corse)
[Adresse 19]
[Adresse 19]
[Localité 4]
Représentée par Me Stéphane RECCHI de la SCP MORELLI MAUREL ET ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AJACCIO
INTIMÉS :
Mme [P] [L]
née le [Date naissance 3] 2003 à [Localité 4] (Corse-du-Sud)
[Adresse 20]
[Localité 7]
Représentée par Me Antoine Pierre CARLOTTI, avocat au barreau d'AJACCIO
Mme [D] [L]
née le [Date naissance 13] 1976 à [Localité 5] (Corse-du-Sud)
[Adresse 17]
[Localité 6]
Représentée par Me Antoine Pierre CARLOTTI, avocat au barreau d'AJACCIO
M. [Y] [L]
né le [Date naissance 11] 1971 à [Localité 4] (Corse)
[Adresse 21]
[Localité 5]
Représenté par Me Antoine Pierre CARLOTTI, avocat au barreau d'AJACCIO
M. [U] [L]
né le [Date naissance 9] 1999 à [Localité 4] (Corse)
[Adresse 18]
[Localité 5]
Représenté par Me Antoine Pierre CARLOTTI, avocat au barreau d'AJACCIO
Me [E] [K]
ès qualités de mandataire liquidateur de l'entreprise [L] [C] [22]
[Adresse 8]
[Localité 4]
Intervenant volontaire
Représenté par Me Antoine Pierre CARLOTTI, avocat au barreau d'AJACCIO
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 mai 2025, devant François DELEGOVE, vice-président placé, chargé du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Jean-Jacques GILLAND, président de chambre
Guillaume DESGENS, conseiller
François DELEGOVE, vice-président placé
En présence de [S] [J], attachée de justice
GREFFIER LORS DES DÉBATS :
Graziella TEDESCO
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 septembre 2025
ARRÊT :
Contradictoire.
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par François DELEGOVE, vice-président placé,
Jean-Jacques GILLAND, président de chambre, Guillaume DESGENS, conseiller, étant empêchés, et Mathieu ASSIOMA, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES FAITS ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
[C] [L] exploitait en son nom personnel l'entreprise [L] [C] [22] immatriculée depuis le 4 mars 2015 au registre du commerce et des sociétés d'Ajaccio (Corse-du-Sud).
Il est décédé le [Date décès 12] 2020 en laissant pour ayants droit ses enfants
M. [Y] [L] et Mme [D] [L], ainsi que ses petits-enfants,
M. [U] [L] et Mme [P] [L], venant aux droits de leur père prédécédé [I] [L].
Le 30 décembre 2020, les petits-enfants du défunt ont fait délivrer à sa compagne, Mme [H] [V], une sommation de quitter le logement dans lequel elle avait vécu avec lui à [Localité 5] (Corse-du-Sud).
Le 22 février 2021, Mme [H] [V] a assigné les héritiers de [C] [L] selon la procédure accélérée au fond aux fins de se voir désigner pour une durée de douze mois comme mandataire successorael et administrer provisoirement le fonds de commerce à usage de transport public de passagers.
Par jugement du 20 avril 2021, le président du tribunal de commerce d'Ajaccio a rejeté cette demande, à l'instar de la cour d'appel de Bastia par arrêt confirmatif du 9 mars 2022.
Par actes d'huissier des 13 et 14 octobre 2021, Mme [H] [V] a fait assigner
M. [Y] [L], Mme [D] [L], M. [U] [L] et Mme [P] [L] devant le tribunal judiciaire d'Ajaccio aux fins de se voir reconnaître la qualité d'associée de fait de [C] [L], de voir ses héritiers condamnés à lui payer 50 % de la valeur de son fonds de commerce à évaluer à dire d'expert, ainsi qu'une somme globale de 85 117, 06 euros correspondant à des dettes payées, le montant des frais et débours engagés pour la conservation et l'amélioration de la maison familiale de
[Localité 5], outre la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 6 avril 2023, le tribunal judiciaire d'Ajaccio a débouté Mme [H] [V] de l'intégralité de ses demandes, l'a condamnée au paiement des dépens et a écarté l'exécution provisoire.
Par déclaration du 8 juin 2023, Mme [H] [V] a interjeté appel de cette décision dans toutes ses dispositions.
Par dernières écritures communiquées le 28 août 2023, Mme [H] [V] sollicite de la cour de :
- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal judiciaire le 6 avril 2023 ;
Statuant à nouveau,
- Relever que Madame [H] [V] est associée de fait de Monsieur [C] [L] né le [Date naissance 2] 1944 à [Localité 5] et décédé à [Localité 4] le [Date décès 12] 2020 dans un fonds de commerce à usage de transport public routier de passagers pour lequel Monsieur [C] [L] est immatriculé au RCS d'Ajaccio sous le numéro [N° SIREN/SIRET 10] et ce à hauteur de 50 %. En raison de la décision des ayants droit de monsieur [C] [L] visant à exclure l'associé de fait ;
- Condamner Madame [L] [P], Monsieur [L] [Y], Monsieur [L] [U], Madame [L] [D] à payer à madame [V], 50 % de la valeur du fonds de commerce de [22] [L] à évaluer à dire d'expert ;
- Les condamner d'ores et déjà à lui rembourser partie des dettes payées à hauteur de 20 775,63 euros, 61 341,43 euros, 3 000 euros, soit : sauf mémoire 85 117,06 euros outre
intérêts de droit capitalisés annuellement ;
- Les condamner à payer les frais et débours engagés pour la conservation et l'amélioration de la maison familiale de [Localité 5] qui a constitué le logement familial pendant 45 ans et duquel elle a été expulsée par la force, sans décision de justice par les requis et justifiée à hauteur, au minimum, de 38 229,18 euros ;
Subsidiairement,
- Relever qu'il s'agit d'un enrichissement sans cause fondant et ou d'une action en répétition de l'indu ;
- Condamner les consorts [L] à payer à madame [V] à payer une provision de 50 000 euros et pour le surplus ;
- Désigner tel expert avec la mission de chiffrer la valeur des 50 % la participation de madame [H] [V] dans la société de fait [22] [L] ;
- Dans tous les cas, Chiffrer la valeur du fonds de commerce [L] [22] et des évaluer les frais, dépenses d'amélioration et de construction engagés par madame [V] [H], pour le fonds de commerce et pour la rénovation de la maison
« [L] » à [Localité 5] qu'elle a occupé avec monsieur [C] [L]
depuis 45 ans et jusqu'au décès de monsieur [C] [L] ;
- Les condamner à payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du CPC et les
entiers dépens de l'instance.
Par dernières écritures communiquées le 23 juillet 2024, M. [Y] [L], Mme [D] [L], M. [U] [L] et Mme [P] [L], représentés par
Me [E] [K] en qualité de liquidateur de l'entreprise [C] [L], sollicitent de la cour de :
- Débouter Mme [H] [V] de toutes ses demandes, fis et conclusions ;
- Confirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions ;
- Condamner reconventionnellement Mme [H] [V] à payer à
Maître [E] [K], liquidateur de l'entreprise [C] [L], M. [U] [L], Mme [P] [L] représentée par Mme [G] [A] épouse veuve [L], M. [Y] [L] et [D] [L], représentés par Maître [E] [K], liquidateur de l'entreprise [C] [L], la somme de 5 000 euros à chacun d'entre eux en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 novembre 2024 et l'affaire a été renvoyée à l'audience de plaidoiries du 19 décembre suivant.
La cour a ordonné la réouverture des débats et a renvoyé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 15 mai 2025 à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré au 10 septembre suivant.
SUR CE,
Sur l'intervention volontaire de Me [E] [K]
Le tribunal de commerce d'Ajaccio, par jugement du 2 octobre 2023, a constaté l'état de cessation des paiement de l'entreprise individuelle [C] [L], utilisant pour son activité professionnelle la dénomination « [L] [C] [22] », ainsi que l'impossibilité matérielle de son redressement, a ouvert une procédure de liquidation judiciaire et a désigné Me [E] [K] en qualité de liquidateur.
Le conseil des intimés avait indiqué dans ses dernières écritures que les héritiers de [C] [L] étaient désormais représentés par Me [E] [K], ès qualités, de sorte que ce dernier avait tout intérêt à intervenir volontairement à la cause conformément aux dispositions de l'article L641-5 du code de commerce afin que le jugement à intervenir lui soit déclaré opposable.
Le dispositif des conclusions récapitulatives d'intimés communiquées le 23 juillet 2024 visait d'ailleurs des conclusions d'intervention volontaire de Me [E] [K] aux intérêts de l'entreprise [L] [C] [22].
La cour avait cependant relevé que lesdites conclusions ne figuraient pas parmis les pièces communiquées par les intimés ni au dossier d'une manière générale et avait ordonné la réouverture des débats sur ce point.
Il ressort des observations concordantes des parties via la messagerie du réseau privé virtuel des avocats que cette intervention volontaire avait effectivement été formalisée par conclusions du 24 juillet 2024 sans toutefois que le formulaire « déclaration de saisine » n'ait été rempli de sorte qu'elle n'avait pas été prise en compte.
Les parties s'accordent à considérer que cette formalité n'est pas obligatoire et sollicitent que l'intervention du liquidateur soit déclarée recevable ou, le cas échéant, que l'affaire soit renvoyée à la mise en état pour régularisation.
Les conclusions ayant été transmises à la cour le 5 mai 2025 et en l'absence de disposition impérative contraire, il n'est pas nécessaire de renvoyer l'affaire et il conviendra de déclarer l'intervention volontaire de Maître [E] [K] recevable.
Sur les demandes de paiement de Mme [H] [V]
L'appelante demande en premier lieu à la cour de reconnaître qu'elle était l'associée de fait de [C] [L] et condamner ses héritiers à lui payer une somme correspondant à 50 % du fonds de commerce de l'entreprise [L] [C] [22] à dire d'expert, et d'ores et déjà des dettes qu'elle aurait réglées à hauteur de 85 117, 06 euros avec intérêts de droit, ainsi que les frais et débours qu'elle aurait engagés pour l'entretien et l'amélioration de la maison familiale de [Localité 5] à hauteur, au minimum, de 38 229,18 euros.
À titre subsidiaire, elle demande à être indemnisée sur le fondement de la répétition de l'indu ou de l'enrichissement sans cause par le versement d'une provision de 50 000 euros dans l'attente d'une expertise pour évaluer la valeur de sa participation ainsi que celle du fonds et des frais qu'elle a exposés.
La cour observe que l'appelante développe également dans les motifs de ses conclusions un moyen tiré de la gestion d'affaires.
Bien que ce dernier moyen ne soit pas expressément repris au dispositif de ses écritures comme le sont la répétition de l'indu et l'enrichissement sans cause, il est présenté au soutien de la même prétention et sera examiné par la cour.
Sur l'existence d'une société de fait
L'article 1832 du code civil dispose que :
La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d'affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter.
Elle peut être instituée, dans les cas prévus par la loi, par l'acte de volonté d'une seule personne.
Les associés s'engagent à contribuer aux pertes.
Pour statuer comme il l'a a fait et dénier à l'appelante la qualité d'associée de fait qu'elle revendique, le premier juge a relevé que si sa contribution à la société de son concubin était avérée au regard des attestations produites, elle n'était pas en mesure de démontrer l'existence d'une volonté commune de s'associer, de collaborer sur un pied d'égalité ou encore de participer aux bénéfices et aux pertes.
L'appelante soutient que tel était le cas en invoquant en premier lieu son rôle prééminent au sein de la société.
Elle affirme ainsi qu'elle gérait l'entreprise de concert avec [C] [L] en lien direct avec le cabinet comptable, le cabinet de gestion des ressources humaines et avec les différentes collectivités publiques pour le suivi des marchés obtenus.
Elle invoque plusieurs attestations selon lesquelles elle y était chargée des tâches administratives ou comptables, voire qu'elle était considérée, par certains partenaires, comme leur interlocutrice privilégiée ou la représentante de l'entreprise dans des réunions.
La cour observe que si sa participation à l'activité de l'entreprise est acquise dans son principe, sa nature et son ampleur ne font pas pleinement consensus comme en témoigne l'attestation établie par M. [R] [Z], président de la S.A.S.U. [R] [Z] [16] chargée d'établir les bulletins de paye et les charges sociales de l'entreprise de [C] [L].
Celui-ci indiquait que Mme [H] [V] ne faisait pas partie de ses interlocuteurs, que les rares échanges intervenus avec elle se faisait sous le contrôle de [C] [L], via le
haut-parleur du téléphone, et qu'elle n'avait jamais donné un ordre ou une consigne aux membres de son cabinet en tant que responsable ou dirigeante de l'entreprise.
En tout état de cause, il convient de rappeler, comme l'a fait à juste titre le tribunal judiciaire, que la contribution à l'activité d'une entreprise, y compris substantielle, n'est pas suffisante pour conférer à son auteur la qualité d'associé de fait.
L'appelante en convient d'ailleurs et rappelle dans ses écritures que l'existence d'une société de fait suppose d'établir la réunion de trois éléments que sont la constitution d'un apport de chaque associé, la participation aux bénéfices et aux pertes et un affectio societatis traduisant une volonté de s'associer.
S'agissant des deux premières conditions, l'appelante expose qu'elle a contribué au développement de la société, notamment en engageant son patrimoine personnel en qualité de caution au bénéfice de la [15] pour la précédente activité de transport de [C] [L] et qu'elle avait supporté des procédures judiciaires.
Elle a communiqué les pièces relatives à des cautions hypothécaires données à la [15] ou des pièces tendant à justifier le paiement de dettes en lien avec la société de son concubin.
La cour observe cependant que les documents produits à l'appui de ces affirmations sont antérieurs à la création de l'entreprise de transport [L] [C] en 2015 et qu'ils ne matérialisent, en conséquence, aucune contribution de l'appelante à la société au sein de laquelle elle revendique la qualité d'associé.
Ainsi, les commandements aux fins de saisie vente ou les significations de contrainte versés aux débats datent de l'année 2006 et concernent l'entreprise [14] dont le gérant était M. [I] [L], fils de [C] [L].
La cour s'étonne d'ailleurs de ce que ces actes aient été signifiés à « Mme [H] [L] » -et non [V]- en qualité de mère du gérant, ce qui est contraire à la réalité.
En tout état de cause, l'appelante ne produit pas d'élément démontrant qu'elle a engagé des fonds après la création de la société [L] [C] [22] à l'exception de la copie d'un chèque de 15 000 euros libellé à l'ordre du défunt et établi par Mme [W] [O].
Ce chèque n'émanant pas de l'appelante, il ne démontre aucune contribution de sa part.
D'une manière générale, l'historique des relations entre l'appelante et son concubin, ainsi que du partenariat entreprenarial qu'elle invoque, porte sur une période antérieure à la création de la société qu'elle vise dans les demandes reprises au dispositif de ses écritures.
Dès lors, cette antériorité n'est qu'un élément de contexte et ne peut justifier sa revendication à hauteur de 50 % du fonds de commerce de l'entreprise [L] [C] [22].
La cour observe enfin que l'existence d'une véritable volonté de s'associer et de collaborer sur un pied d'égalité n'est pas rapportée mais qu'au contraire la forme sociale choisie par [C] [L], en l'espèce l'entreprise individuelle, témoigne d'une volonté de ne pas avoir d'associé.
Il s'infère de l'ensemble de ces éléments que l'appelante ne démontre pas l'existence d'une société de fait ni sa qualité d'associée et qu'elle sera déboutée de sa demande à ce titre.
À titre surabondant, la cour rappelle que la revendication du statut d'associé au sein d'une entreprise individuelle est à la fois antinomique et juridiquement incompatible, ce seul constat, nonobstant les développements exposés précédemment, étant suffisant pour rejeter cette demande.
Sur le remboursement des dettes réglées
L'appelante sollicite le paiement « dores et déjà » d'une somme de 85 117, 06 euros avec intérêts correspondant à des dettes qu'elle aurait acquittées sans en justifier.
Elle se contente en effet d'indiquer que la cour sera édifiée de l'importance des règlements qu'elle a réalisés sans en démontrer la réalité et sans produire le moindre élément justifiant de tels paiements au bénéfice de la société [L] [C] [22]. Elle sera, en conséquence, déboutée de sa demande.
Sur le remboursement d'une facture de travaux
Sa demande de remboursement d'une facture de 38 229, 19 euros correspondant à des travaux réalisés au sein de la maison de [Localité 5], qu'elle qualifie de logement familial et qu'elle indique avoir occupé pendant quarante-cinq ans, sera également rejetée.
Elle figure en effet au dispositif de ses conclusions en tant que demande principale mais n'est nullement développée à ce titre alors même qu'elle ne présente aucun lien apparent avec les autres demandes principales qui reposent sur l'existence d'une société de fait.
Il convient de préciser que cette demande est par ailleurs présentée à titre subsidiaire sur des fondements différents.
Sur les fondements invoqués à titre subsidiaire
- La gestion d'affaires
L'article 1301 du code civil dispose que celui qui, sans y être tenu, gère sciemment et utilement l'affaire d'autrui, à l'insu ou sans opposition du maître de cette affaire, est soumis, dans l'accomplissement des actes juridiques et matériels de sa gestion, à toutes les obligations d'un mandataire.
L'article 1301-1 du même code précise qu'il est tenu d'apporter à la gestion de l'affaire tous les soins d'une personne raisonnable et qu'il doit poursuivre la gestion jusqu'à ce que le maître de l'affaire ou son successeur soit en mesure d'y pourvoir.
L'article 1353 du code civil dispose que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et que, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
L'appelante soutient que le premier juge a commis une erreur en écartant ce fondement au motif que [C] [L] avait connaissance de l'action de sa concubine et expose que l'acceptation de la gestion par le maître de l'affaire est indifférente.
Indépendamment de ces considérations, il ressort des développements précédents que l'appelante, qui supporte la charge de la preuve à ce titre, ne démontre pas avoir géré l'entreprise de son concubin, mais tout au plus avoir participé à son activité dans des limites qui restent à définir.
Elle ne peut en conséquence se prévaloir de la gestion d'affaires et ce moyen sera écarté.
L'enrichissement sans cause et la répétition de l'indu
Bien que ces moyens soient invoqués indistinctement par l'appelante dans ses conclusions, ils procèdent de fondements juridiques différents qu'il convient d'examiner successivement
- L'enrichissement sans cause
Il ressort de la combinaison des articles 1303 et 1303-3 que l'appauvri n'a pas d'action sur le fondement de l'enrichissement injustifié lorsqu'une autre action lui est ouverte.
En l'espèce, c'est à juste titre que le premier juge a relevé que l'appelante versait aux débats un contrat de travail à durée indéterminée au sein de la société [L] [C] [22] du 2 janvier 2020 ainsi qu'une liste du personnel de l'entrprise sur laquelle figurait son nom.
Bien que l'authenticité de ce contrat soit contestée par les intimés, l'appelante produit également un courrier de l'Urssaf du 29 septembre 2021 lui indiquant que l'entreprise individuelle M. [L] [C] avait effectué à son sujet une déclaration préalable à l'embauche le 16 décembre 2020 pour une date d'embauche du 2 janvier 2020.
Il s'infère de ces éléments que l'appelante disposait de la possibilité d'agir sur le fondement d'un contrat de travail de sorte qu'elle ne peut se prévaloir de l'enrichissement injustifié en application des dispositions légales précitées.
- La répétition de l'indu
L'article 1302 du code civil dispose que tout paiement suppose une dette et que ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution.
L'article 1302-1 du même code ajoute que celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.
La cour comprend que ce moyen, indistinctement invoqué en même temps que les autres fondements procédant de quasi-contrats, a plus précisément vocation à s'appliquer aux dépenses réalisées dans la maison d'habitation de [Localité 5].
L'appelante soutient qu'elle a investi toutes ses économies pour l'amélioration et la conservation de cette maison qu'elle a été contrainte de quitter.
Cette affirmation péremptoire n'est pas démontrée et procède de simples allégations.
L'appelante ne produit d'ailleurs qu'une unique facture de matériel du 15 novembre 2002 d'un montant de 38 229, 18 euros dont elle indique qu'elle l'avait réglée dans le cadre de la construction et de la rénovation de la maison.
La cour observe qu'il ressort des écritures de l'appelante que son installation avec [C] [L] date de l'année 1979 et qu'elle y a vécu pendant plus de quarante-cinq ans.
Dans un tel contexte, le paiement de la facture produite, dont il n'est pas même acquis aux débats qu'elle corresponde à la construction ou à la rénovation de la maison dans laquelle habitait le couple, ne revêt aucun caractère indu puisqu'il concernerait des travaux réalisés dans le logement qu'elle a occupé pendant une très longue période, de sorte qu'elle y avait un intérêt personnel.
Il convient en conséquence d'écarter l'ensemble des moyens invoqués à titre subsidiaire par l'appelante et de rejeter la demande de provision de 50 000 euros qu'elle sollicite dans l'attente de la désignation d'un expert pour chiffrer la valeur du fonds de commerce ainsi que l'ensemble des dépenses qu'elle dit avoir effectué pour le compte de l'entreprise de son concubin ou pour l'entretien de la maison de [Localité 5].
Sur les autres demandes
Ayant succombé en ses demandes, Mme [H] [V] sera condamnée au paiement des dépens de première instance et d'appel.
L'équité justifie sa condamnation à payer aux intimés une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déclare recevable l'intervention volontaire de Me [E] [K] en qualité de mandataire liquidateur de l'entreprise [L] [C] [22] ;
Confirme le jugement du tribunal judiciaire d'Ajaccio du 6 avril 2023 dans toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne Mme [H] [V] au paiement des dépens ;
Condamne Mme [H] [V] à payer à M. [Y] [L], Mme [D] [L], M. [U] [L] et Mme [P] [L], représentés par Me [E] [K] en qualité de liquidateur de l'entreprise [C] [L], une somme globale de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
LE GREFFIER
P/LE PRÉSIDENT
Section 2
ARRÊT N°
du
10 SEPTEMBRE 2025
N° RG 23/398
N° Portalis DBVE-V-B7H-CGTI FD-C
Décision déférée à la cour : jugement du tribunal judiciaire d'Ajaccio, décision attaquée du 6 avril 2023, enregistrée sous le n° 22/756
[V]
C/
CONSORTS
[L]
Copies exécutoires délivrées aux avocats le
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU
DIX SEPTEMBRE DEUX-MILLE-VINGT-CINQ
APPELANTE :
Mme [H] [V]
née le [Date naissance 1] 1938 à [Localité 4] (Corse)
[Adresse 19]
[Adresse 19]
[Localité 4]
Représentée par Me Stéphane RECCHI de la SCP MORELLI MAUREL ET ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AJACCIO
INTIMÉS :
Mme [P] [L]
née le [Date naissance 3] 2003 à [Localité 4] (Corse-du-Sud)
[Adresse 20]
[Localité 7]
Représentée par Me Antoine Pierre CARLOTTI, avocat au barreau d'AJACCIO
Mme [D] [L]
née le [Date naissance 13] 1976 à [Localité 5] (Corse-du-Sud)
[Adresse 17]
[Localité 6]
Représentée par Me Antoine Pierre CARLOTTI, avocat au barreau d'AJACCIO
M. [Y] [L]
né le [Date naissance 11] 1971 à [Localité 4] (Corse)
[Adresse 21]
[Localité 5]
Représenté par Me Antoine Pierre CARLOTTI, avocat au barreau d'AJACCIO
M. [U] [L]
né le [Date naissance 9] 1999 à [Localité 4] (Corse)
[Adresse 18]
[Localité 5]
Représenté par Me Antoine Pierre CARLOTTI, avocat au barreau d'AJACCIO
Me [E] [K]
ès qualités de mandataire liquidateur de l'entreprise [L] [C] [22]
[Adresse 8]
[Localité 4]
Intervenant volontaire
Représenté par Me Antoine Pierre CARLOTTI, avocat au barreau d'AJACCIO
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 mai 2025, devant François DELEGOVE, vice-président placé, chargé du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Jean-Jacques GILLAND, président de chambre
Guillaume DESGENS, conseiller
François DELEGOVE, vice-président placé
En présence de [S] [J], attachée de justice
GREFFIER LORS DES DÉBATS :
Graziella TEDESCO
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 septembre 2025
ARRÊT :
Contradictoire.
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par François DELEGOVE, vice-président placé,
Jean-Jacques GILLAND, président de chambre, Guillaume DESGENS, conseiller, étant empêchés, et Mathieu ASSIOMA, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES FAITS ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
[C] [L] exploitait en son nom personnel l'entreprise [L] [C] [22] immatriculée depuis le 4 mars 2015 au registre du commerce et des sociétés d'Ajaccio (Corse-du-Sud).
Il est décédé le [Date décès 12] 2020 en laissant pour ayants droit ses enfants
M. [Y] [L] et Mme [D] [L], ainsi que ses petits-enfants,
M. [U] [L] et Mme [P] [L], venant aux droits de leur père prédécédé [I] [L].
Le 30 décembre 2020, les petits-enfants du défunt ont fait délivrer à sa compagne, Mme [H] [V], une sommation de quitter le logement dans lequel elle avait vécu avec lui à [Localité 5] (Corse-du-Sud).
Le 22 février 2021, Mme [H] [V] a assigné les héritiers de [C] [L] selon la procédure accélérée au fond aux fins de se voir désigner pour une durée de douze mois comme mandataire successorael et administrer provisoirement le fonds de commerce à usage de transport public de passagers.
Par jugement du 20 avril 2021, le président du tribunal de commerce d'Ajaccio a rejeté cette demande, à l'instar de la cour d'appel de Bastia par arrêt confirmatif du 9 mars 2022.
Par actes d'huissier des 13 et 14 octobre 2021, Mme [H] [V] a fait assigner
M. [Y] [L], Mme [D] [L], M. [U] [L] et Mme [P] [L] devant le tribunal judiciaire d'Ajaccio aux fins de se voir reconnaître la qualité d'associée de fait de [C] [L], de voir ses héritiers condamnés à lui payer 50 % de la valeur de son fonds de commerce à évaluer à dire d'expert, ainsi qu'une somme globale de 85 117, 06 euros correspondant à des dettes payées, le montant des frais et débours engagés pour la conservation et l'amélioration de la maison familiale de
[Localité 5], outre la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 6 avril 2023, le tribunal judiciaire d'Ajaccio a débouté Mme [H] [V] de l'intégralité de ses demandes, l'a condamnée au paiement des dépens et a écarté l'exécution provisoire.
Par déclaration du 8 juin 2023, Mme [H] [V] a interjeté appel de cette décision dans toutes ses dispositions.
Par dernières écritures communiquées le 28 août 2023, Mme [H] [V] sollicite de la cour de :
- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal judiciaire le 6 avril 2023 ;
Statuant à nouveau,
- Relever que Madame [H] [V] est associée de fait de Monsieur [C] [L] né le [Date naissance 2] 1944 à [Localité 5] et décédé à [Localité 4] le [Date décès 12] 2020 dans un fonds de commerce à usage de transport public routier de passagers pour lequel Monsieur [C] [L] est immatriculé au RCS d'Ajaccio sous le numéro [N° SIREN/SIRET 10] et ce à hauteur de 50 %. En raison de la décision des ayants droit de monsieur [C] [L] visant à exclure l'associé de fait ;
- Condamner Madame [L] [P], Monsieur [L] [Y], Monsieur [L] [U], Madame [L] [D] à payer à madame [V], 50 % de la valeur du fonds de commerce de [22] [L] à évaluer à dire d'expert ;
- Les condamner d'ores et déjà à lui rembourser partie des dettes payées à hauteur de 20 775,63 euros, 61 341,43 euros, 3 000 euros, soit : sauf mémoire 85 117,06 euros outre
intérêts de droit capitalisés annuellement ;
- Les condamner à payer les frais et débours engagés pour la conservation et l'amélioration de la maison familiale de [Localité 5] qui a constitué le logement familial pendant 45 ans et duquel elle a été expulsée par la force, sans décision de justice par les requis et justifiée à hauteur, au minimum, de 38 229,18 euros ;
Subsidiairement,
- Relever qu'il s'agit d'un enrichissement sans cause fondant et ou d'une action en répétition de l'indu ;
- Condamner les consorts [L] à payer à madame [V] à payer une provision de 50 000 euros et pour le surplus ;
- Désigner tel expert avec la mission de chiffrer la valeur des 50 % la participation de madame [H] [V] dans la société de fait [22] [L] ;
- Dans tous les cas, Chiffrer la valeur du fonds de commerce [L] [22] et des évaluer les frais, dépenses d'amélioration et de construction engagés par madame [V] [H], pour le fonds de commerce et pour la rénovation de la maison
« [L] » à [Localité 5] qu'elle a occupé avec monsieur [C] [L]
depuis 45 ans et jusqu'au décès de monsieur [C] [L] ;
- Les condamner à payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du CPC et les
entiers dépens de l'instance.
Par dernières écritures communiquées le 23 juillet 2024, M. [Y] [L], Mme [D] [L], M. [U] [L] et Mme [P] [L], représentés par
Me [E] [K] en qualité de liquidateur de l'entreprise [C] [L], sollicitent de la cour de :
- Débouter Mme [H] [V] de toutes ses demandes, fis et conclusions ;
- Confirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions ;
- Condamner reconventionnellement Mme [H] [V] à payer à
Maître [E] [K], liquidateur de l'entreprise [C] [L], M. [U] [L], Mme [P] [L] représentée par Mme [G] [A] épouse veuve [L], M. [Y] [L] et [D] [L], représentés par Maître [E] [K], liquidateur de l'entreprise [C] [L], la somme de 5 000 euros à chacun d'entre eux en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 novembre 2024 et l'affaire a été renvoyée à l'audience de plaidoiries du 19 décembre suivant.
La cour a ordonné la réouverture des débats et a renvoyé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 15 mai 2025 à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré au 10 septembre suivant.
SUR CE,
Sur l'intervention volontaire de Me [E] [K]
Le tribunal de commerce d'Ajaccio, par jugement du 2 octobre 2023, a constaté l'état de cessation des paiement de l'entreprise individuelle [C] [L], utilisant pour son activité professionnelle la dénomination « [L] [C] [22] », ainsi que l'impossibilité matérielle de son redressement, a ouvert une procédure de liquidation judiciaire et a désigné Me [E] [K] en qualité de liquidateur.
Le conseil des intimés avait indiqué dans ses dernières écritures que les héritiers de [C] [L] étaient désormais représentés par Me [E] [K], ès qualités, de sorte que ce dernier avait tout intérêt à intervenir volontairement à la cause conformément aux dispositions de l'article L641-5 du code de commerce afin que le jugement à intervenir lui soit déclaré opposable.
Le dispositif des conclusions récapitulatives d'intimés communiquées le 23 juillet 2024 visait d'ailleurs des conclusions d'intervention volontaire de Me [E] [K] aux intérêts de l'entreprise [L] [C] [22].
La cour avait cependant relevé que lesdites conclusions ne figuraient pas parmis les pièces communiquées par les intimés ni au dossier d'une manière générale et avait ordonné la réouverture des débats sur ce point.
Il ressort des observations concordantes des parties via la messagerie du réseau privé virtuel des avocats que cette intervention volontaire avait effectivement été formalisée par conclusions du 24 juillet 2024 sans toutefois que le formulaire « déclaration de saisine » n'ait été rempli de sorte qu'elle n'avait pas été prise en compte.
Les parties s'accordent à considérer que cette formalité n'est pas obligatoire et sollicitent que l'intervention du liquidateur soit déclarée recevable ou, le cas échéant, que l'affaire soit renvoyée à la mise en état pour régularisation.
Les conclusions ayant été transmises à la cour le 5 mai 2025 et en l'absence de disposition impérative contraire, il n'est pas nécessaire de renvoyer l'affaire et il conviendra de déclarer l'intervention volontaire de Maître [E] [K] recevable.
Sur les demandes de paiement de Mme [H] [V]
L'appelante demande en premier lieu à la cour de reconnaître qu'elle était l'associée de fait de [C] [L] et condamner ses héritiers à lui payer une somme correspondant à 50 % du fonds de commerce de l'entreprise [L] [C] [22] à dire d'expert, et d'ores et déjà des dettes qu'elle aurait réglées à hauteur de 85 117, 06 euros avec intérêts de droit, ainsi que les frais et débours qu'elle aurait engagés pour l'entretien et l'amélioration de la maison familiale de [Localité 5] à hauteur, au minimum, de 38 229,18 euros.
À titre subsidiaire, elle demande à être indemnisée sur le fondement de la répétition de l'indu ou de l'enrichissement sans cause par le versement d'une provision de 50 000 euros dans l'attente d'une expertise pour évaluer la valeur de sa participation ainsi que celle du fonds et des frais qu'elle a exposés.
La cour observe que l'appelante développe également dans les motifs de ses conclusions un moyen tiré de la gestion d'affaires.
Bien que ce dernier moyen ne soit pas expressément repris au dispositif de ses écritures comme le sont la répétition de l'indu et l'enrichissement sans cause, il est présenté au soutien de la même prétention et sera examiné par la cour.
Sur l'existence d'une société de fait
L'article 1832 du code civil dispose que :
La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d'affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter.
Elle peut être instituée, dans les cas prévus par la loi, par l'acte de volonté d'une seule personne.
Les associés s'engagent à contribuer aux pertes.
Pour statuer comme il l'a a fait et dénier à l'appelante la qualité d'associée de fait qu'elle revendique, le premier juge a relevé que si sa contribution à la société de son concubin était avérée au regard des attestations produites, elle n'était pas en mesure de démontrer l'existence d'une volonté commune de s'associer, de collaborer sur un pied d'égalité ou encore de participer aux bénéfices et aux pertes.
L'appelante soutient que tel était le cas en invoquant en premier lieu son rôle prééminent au sein de la société.
Elle affirme ainsi qu'elle gérait l'entreprise de concert avec [C] [L] en lien direct avec le cabinet comptable, le cabinet de gestion des ressources humaines et avec les différentes collectivités publiques pour le suivi des marchés obtenus.
Elle invoque plusieurs attestations selon lesquelles elle y était chargée des tâches administratives ou comptables, voire qu'elle était considérée, par certains partenaires, comme leur interlocutrice privilégiée ou la représentante de l'entreprise dans des réunions.
La cour observe que si sa participation à l'activité de l'entreprise est acquise dans son principe, sa nature et son ampleur ne font pas pleinement consensus comme en témoigne l'attestation établie par M. [R] [Z], président de la S.A.S.U. [R] [Z] [16] chargée d'établir les bulletins de paye et les charges sociales de l'entreprise de [C] [L].
Celui-ci indiquait que Mme [H] [V] ne faisait pas partie de ses interlocuteurs, que les rares échanges intervenus avec elle se faisait sous le contrôle de [C] [L], via le
haut-parleur du téléphone, et qu'elle n'avait jamais donné un ordre ou une consigne aux membres de son cabinet en tant que responsable ou dirigeante de l'entreprise.
En tout état de cause, il convient de rappeler, comme l'a fait à juste titre le tribunal judiciaire, que la contribution à l'activité d'une entreprise, y compris substantielle, n'est pas suffisante pour conférer à son auteur la qualité d'associé de fait.
L'appelante en convient d'ailleurs et rappelle dans ses écritures que l'existence d'une société de fait suppose d'établir la réunion de trois éléments que sont la constitution d'un apport de chaque associé, la participation aux bénéfices et aux pertes et un affectio societatis traduisant une volonté de s'associer.
S'agissant des deux premières conditions, l'appelante expose qu'elle a contribué au développement de la société, notamment en engageant son patrimoine personnel en qualité de caution au bénéfice de la [15] pour la précédente activité de transport de [C] [L] et qu'elle avait supporté des procédures judiciaires.
Elle a communiqué les pièces relatives à des cautions hypothécaires données à la [15] ou des pièces tendant à justifier le paiement de dettes en lien avec la société de son concubin.
La cour observe cependant que les documents produits à l'appui de ces affirmations sont antérieurs à la création de l'entreprise de transport [L] [C] en 2015 et qu'ils ne matérialisent, en conséquence, aucune contribution de l'appelante à la société au sein de laquelle elle revendique la qualité d'associé.
Ainsi, les commandements aux fins de saisie vente ou les significations de contrainte versés aux débats datent de l'année 2006 et concernent l'entreprise [14] dont le gérant était M. [I] [L], fils de [C] [L].
La cour s'étonne d'ailleurs de ce que ces actes aient été signifiés à « Mme [H] [L] » -et non [V]- en qualité de mère du gérant, ce qui est contraire à la réalité.
En tout état de cause, l'appelante ne produit pas d'élément démontrant qu'elle a engagé des fonds après la création de la société [L] [C] [22] à l'exception de la copie d'un chèque de 15 000 euros libellé à l'ordre du défunt et établi par Mme [W] [O].
Ce chèque n'émanant pas de l'appelante, il ne démontre aucune contribution de sa part.
D'une manière générale, l'historique des relations entre l'appelante et son concubin, ainsi que du partenariat entreprenarial qu'elle invoque, porte sur une période antérieure à la création de la société qu'elle vise dans les demandes reprises au dispositif de ses écritures.
Dès lors, cette antériorité n'est qu'un élément de contexte et ne peut justifier sa revendication à hauteur de 50 % du fonds de commerce de l'entreprise [L] [C] [22].
La cour observe enfin que l'existence d'une véritable volonté de s'associer et de collaborer sur un pied d'égalité n'est pas rapportée mais qu'au contraire la forme sociale choisie par [C] [L], en l'espèce l'entreprise individuelle, témoigne d'une volonté de ne pas avoir d'associé.
Il s'infère de l'ensemble de ces éléments que l'appelante ne démontre pas l'existence d'une société de fait ni sa qualité d'associée et qu'elle sera déboutée de sa demande à ce titre.
À titre surabondant, la cour rappelle que la revendication du statut d'associé au sein d'une entreprise individuelle est à la fois antinomique et juridiquement incompatible, ce seul constat, nonobstant les développements exposés précédemment, étant suffisant pour rejeter cette demande.
Sur le remboursement des dettes réglées
L'appelante sollicite le paiement « dores et déjà » d'une somme de 85 117, 06 euros avec intérêts correspondant à des dettes qu'elle aurait acquittées sans en justifier.
Elle se contente en effet d'indiquer que la cour sera édifiée de l'importance des règlements qu'elle a réalisés sans en démontrer la réalité et sans produire le moindre élément justifiant de tels paiements au bénéfice de la société [L] [C] [22]. Elle sera, en conséquence, déboutée de sa demande.
Sur le remboursement d'une facture de travaux
Sa demande de remboursement d'une facture de 38 229, 19 euros correspondant à des travaux réalisés au sein de la maison de [Localité 5], qu'elle qualifie de logement familial et qu'elle indique avoir occupé pendant quarante-cinq ans, sera également rejetée.
Elle figure en effet au dispositif de ses conclusions en tant que demande principale mais n'est nullement développée à ce titre alors même qu'elle ne présente aucun lien apparent avec les autres demandes principales qui reposent sur l'existence d'une société de fait.
Il convient de préciser que cette demande est par ailleurs présentée à titre subsidiaire sur des fondements différents.
Sur les fondements invoqués à titre subsidiaire
- La gestion d'affaires
L'article 1301 du code civil dispose que celui qui, sans y être tenu, gère sciemment et utilement l'affaire d'autrui, à l'insu ou sans opposition du maître de cette affaire, est soumis, dans l'accomplissement des actes juridiques et matériels de sa gestion, à toutes les obligations d'un mandataire.
L'article 1301-1 du même code précise qu'il est tenu d'apporter à la gestion de l'affaire tous les soins d'une personne raisonnable et qu'il doit poursuivre la gestion jusqu'à ce que le maître de l'affaire ou son successeur soit en mesure d'y pourvoir.
L'article 1353 du code civil dispose que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et que, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
L'appelante soutient que le premier juge a commis une erreur en écartant ce fondement au motif que [C] [L] avait connaissance de l'action de sa concubine et expose que l'acceptation de la gestion par le maître de l'affaire est indifférente.
Indépendamment de ces considérations, il ressort des développements précédents que l'appelante, qui supporte la charge de la preuve à ce titre, ne démontre pas avoir géré l'entreprise de son concubin, mais tout au plus avoir participé à son activité dans des limites qui restent à définir.
Elle ne peut en conséquence se prévaloir de la gestion d'affaires et ce moyen sera écarté.
L'enrichissement sans cause et la répétition de l'indu
Bien que ces moyens soient invoqués indistinctement par l'appelante dans ses conclusions, ils procèdent de fondements juridiques différents qu'il convient d'examiner successivement
- L'enrichissement sans cause
Il ressort de la combinaison des articles 1303 et 1303-3 que l'appauvri n'a pas d'action sur le fondement de l'enrichissement injustifié lorsqu'une autre action lui est ouverte.
En l'espèce, c'est à juste titre que le premier juge a relevé que l'appelante versait aux débats un contrat de travail à durée indéterminée au sein de la société [L] [C] [22] du 2 janvier 2020 ainsi qu'une liste du personnel de l'entrprise sur laquelle figurait son nom.
Bien que l'authenticité de ce contrat soit contestée par les intimés, l'appelante produit également un courrier de l'Urssaf du 29 septembre 2021 lui indiquant que l'entreprise individuelle M. [L] [C] avait effectué à son sujet une déclaration préalable à l'embauche le 16 décembre 2020 pour une date d'embauche du 2 janvier 2020.
Il s'infère de ces éléments que l'appelante disposait de la possibilité d'agir sur le fondement d'un contrat de travail de sorte qu'elle ne peut se prévaloir de l'enrichissement injustifié en application des dispositions légales précitées.
- La répétition de l'indu
L'article 1302 du code civil dispose que tout paiement suppose une dette et que ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution.
L'article 1302-1 du même code ajoute que celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.
La cour comprend que ce moyen, indistinctement invoqué en même temps que les autres fondements procédant de quasi-contrats, a plus précisément vocation à s'appliquer aux dépenses réalisées dans la maison d'habitation de [Localité 5].
L'appelante soutient qu'elle a investi toutes ses économies pour l'amélioration et la conservation de cette maison qu'elle a été contrainte de quitter.
Cette affirmation péremptoire n'est pas démontrée et procède de simples allégations.
L'appelante ne produit d'ailleurs qu'une unique facture de matériel du 15 novembre 2002 d'un montant de 38 229, 18 euros dont elle indique qu'elle l'avait réglée dans le cadre de la construction et de la rénovation de la maison.
La cour observe qu'il ressort des écritures de l'appelante que son installation avec [C] [L] date de l'année 1979 et qu'elle y a vécu pendant plus de quarante-cinq ans.
Dans un tel contexte, le paiement de la facture produite, dont il n'est pas même acquis aux débats qu'elle corresponde à la construction ou à la rénovation de la maison dans laquelle habitait le couple, ne revêt aucun caractère indu puisqu'il concernerait des travaux réalisés dans le logement qu'elle a occupé pendant une très longue période, de sorte qu'elle y avait un intérêt personnel.
Il convient en conséquence d'écarter l'ensemble des moyens invoqués à titre subsidiaire par l'appelante et de rejeter la demande de provision de 50 000 euros qu'elle sollicite dans l'attente de la désignation d'un expert pour chiffrer la valeur du fonds de commerce ainsi que l'ensemble des dépenses qu'elle dit avoir effectué pour le compte de l'entreprise de son concubin ou pour l'entretien de la maison de [Localité 5].
Sur les autres demandes
Ayant succombé en ses demandes, Mme [H] [V] sera condamnée au paiement des dépens de première instance et d'appel.
L'équité justifie sa condamnation à payer aux intimés une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déclare recevable l'intervention volontaire de Me [E] [K] en qualité de mandataire liquidateur de l'entreprise [L] [C] [22] ;
Confirme le jugement du tribunal judiciaire d'Ajaccio du 6 avril 2023 dans toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne Mme [H] [V] au paiement des dépens ;
Condamne Mme [H] [V] à payer à M. [Y] [L], Mme [D] [L], M. [U] [L] et Mme [P] [L], représentés par Me [E] [K] en qualité de liquidateur de l'entreprise [C] [L], une somme globale de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
LE GREFFIER
P/LE PRÉSIDENT