Livv
Décisions

CA Limoges, ch. soc., 11 septembre 2025, n° 24/00237

LIMOGES

Arrêt

Autre

CA Limoges n° 24/00237

11 septembre 2025

ARRET N° .

N° RG 24/00237 - N° Portalis DBV6-V-B7I-BIRTV

AFFAIRE :

Mme [B] [A] épouse [O], S.C.P. BTSG prise en la personne de Maître [J] [Y], ès qualités de

mandataire judiciaire de la Société B&S INVESTISSEMENT, SAS

intervenant volontaire, S.A.S. B&S INVESTISSEMENT représentée par son Président en exercice domicilié de droit audit siège

C/

S.A.S. HEXAMED MATERIEL MEDICAL

PJLG/MS

Demande en paiement du prix et/ou tendant à faire sanctionner le non-paiement du prix

Grosse délivrée à Me Philippe CHABAUD , Me Laetitia DAURIAC, le 11-09-25.

COUR D'APPEL DE LIMOGES

Chambre sociale

---==oOo==---

ARRET DU 11 SEPTEMBRE 2025

---===oOo===---

Le ONZE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT CINQ la chambre économique et sociale a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe:

ENTRE :

Madame [B] [A] épouse [O], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Philippe CHABAUD de la SELARL SELARL CHAGNAUD CHABAUD & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LIMOGES

S.C.P. BTSG prise en la personne de Maître [J] [Y], ès qualités de mandataire judiciaire de la Société B&S INVESTISSEMENT, intervenant volontaire, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Philippe CHABAUD de la SELARL SELARL CHAGNAUD CHABAUD & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LIMOGES

S.A.S. B&S INVESTISSEMENT représentée par son Président en exercice domicilié de droit audit siège, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Philippe CHABAUD de la SELARL SELARL CHAGNAUD CHABAUD & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LIMOGES

APPELANTES d'une décision rendue le 13 MARS 2024 par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE LIMOGES

ET :

S.A.S. HEXAMED MATERIEL MEDICAL, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Laetitia DAURIAC de la SELARL SELARL DAURIAC - RAYNAUD PELAUDEIX - OUDJEDI DRPO, avocat au barreau de LIMOGES

INTIMEE

---==oO§Oo==---

Suivant avis de fixation du Président de chambre chargé de la mise en état, l'affaire a été fixée à l'audience du 02 Juin 2025. L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 mai 2025.

La Cour étant composée de Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Présidente de chambre, de Madame Géraldine VOISIN et de Madame Marianne PLENACOSTE, Conseillers, assistées de Mme Sophie MAILLANT, Greffier. A cette audience, Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Présidente de chambre, a été entendue en son rapport oral, les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.

Puis Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Présidente de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 11 Septembre 2025 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.

---==oO§Oo==---

LA COUR

---==oO§Oo==---

FAITS ET PROCÉDURE :

La SAS Hexamed Matériel Medical (ci-après 'Hexamed'), inscrite au RCS de Toulon, a pour activité principale la distribution de matériels à usage médical et pour président M. [M] [S].

Elle est dirigée par la société holding Green Dolphin, dont le représentant est M. [M] [S].

La Sarl Concept Web Agency (ci-après 'CWA'), inscrite au RCS de Limoges, exerçait une activité d'agence de communication et sa gérante était Mme [B] [A] épouse [O].

Elle était détenue antérieurement à sa cession par la société B&S Investissement, gérée par M. [L] [O], très majoritairement à hauteur de 1.999 actions, et très minoritairement par Mme [B] [A], épouse [O], à hauteur de 1 action.

Mme [O] était salariée de la société CWA, en qualité de directrice de projet, et M. [O] en était un prestataire .

Le 24 juin 2021, la société Hexamed a contacté les époux [O] afin d'envisager le rachat de leur société dans le but d'élargir ses activités.

Le 21 décembre 2021, la société Hexamed a fait parvenir aux époux [O] une lettre d'intention d'achat, pour la totalité du capital de CWA, pour un montant maximal de 413.000 euros, signée le 23 décembre 2021 par les époux [O] et par la société Green Dolphin.

Il a été conclu qu'après acceptation de la lettre d'intention, un audit d'acquisition serait diligenté, qui conditionnerait l'acquisition effective des titres à la vérification de certains éléments.

Le 13 mars 2022 a été signée une promesse synallagmatique de vente, sous condition suspensives de:

- cession par la société CWA aux cédants du logiciel Crèche inscrit à l'actif du bilan, préalable ment à la cession, pour le prix d'un euro,

- transformation de la Sarl CWA en SAS CWA

- absence de survenance d'un fait impactant négativement la situation de la société,

- obtention par le cessionnaire d'un prêt bancaire de 240.000 euros

- signature d'une promesse de vente d'un immeuble situé à [Adresse 5], entre la SCI Salamandre et le cessionnaire, moyennant un prix de 900.000 euros

- signature d'un bail commercial entre la SCI La Salamandre et le cessionnaire pour les locaux d'exploitation situés [Adresse 4].

Par acte sous seings privés du 30 mars 2022, la société B&S Investissement et Mme [O] ont cédé à la société Hexamed la totalité du capital de la société CWA, pour le prix de 329 000 € au total, soit 164,50 € par action, libéré :

pour 276.000 € à la date de cession, en compte CARPA ;

pour 33.000 € en huit mensualités de 4.125 € payables à compter du 30 avril 2022 à la société B&S Investissement, sous condition de l'accomplissement par M. [L] [O] de l'accompagnement prévu;

pour 20.000 € à hauteur des montants réglés sur les créances clients inscrites dans les comptes de référence, payables dès lors que ledits montants seront inférieurs à 20.000 €, à la société B&S Investissement le 15 du mois suivant. A ce titre, il a été convenu la réalisation d'un état de créances mensuel, à compter de la date de cession.

Les listes des salariés employés et des emprunts contractés par la société CWA ont été annexés à l'acte de cession.

Il a été convenu à l'acte de cession :

en son article 7 d'une garantie de la société B&S Investissement à hauteur de 50.000 € maximum en cas de survenance d'un passif nouveau, de surestimation des actifs, de redressement fiscal, ou d'une inexactitude ou omission dans les déclarations faites, hors le cas d'une action en responsabilité faite sur le fondement du dol ;

en son article 8, que Mme [O], et M. [O] en sa qualité de président de la société B&S Investissement continueraient à offrir leur services à toute société désignée par le cessionnaire dans le domaine du marketing digital pour une durée de quatre mois. Cet accompagnement comprenait un engagement à hauteur de dix jours par mois pour Mme [O], en contrepartie d'un taux horaire de 40 € en télétravail et 60 € en présentiel. M. [O] s'est engagé uniquement à distance, afin de lui permettre une autre activité professionnelle, en contrepartie des huit mensualités de 4.125 € précitées.

en son article 8, que deux primes de résultats d'un montant de 15.000 € chacune seraient payées à la société B&S Investissement en cas d'atteinte : d'une part d'un chiffre d'affaire au 31 décembre 2022 équivalent à celui au 31 décembre 2021, d'autre part d'un excédent brut d'exploitation au 31 décembre 2022 équivalent à celui au 31 décembre 2021.

en son article 8, que 50% du montant de l'excédent brut d'exploitation de la société CWA au 31 décembre 2022, s'il était supérieur à 150.000 €, serait reversé à la société B&S Investissement sous forme d'honoraires avant le 1er mars 2023 ;

en son article 8.2, le respect par les cédants d'une clause de non-concurrence de deux ans.

Le 10 juin 2022, la société Hexamed a acquis 25% du capital de la société Web-Konseil, spécialisée dans la conception de site e-commerce.

Par courriel des 05 et 06 juillet 2022, M. [O] a fait part à la société Hexamed de certaines inquiétudes quant aux choix de gestion faits depuis la reprise.

Par courriel du 03 août 2022, la société Hexamed a reproché aux époux [O] de n'avoir pas anticipé la cession, et de lui avoir dissimulé certaines informations, ceci causant des problèmes avec les clients. Elle a décidé unilatéralement 'à titre conservatoire' :

l'arrêt de la prestation d'accompagnement des époux [O], en ce qu'elle aurait été insuffisante. Elle leur a immédiatement retiré les accès informatiques aux outils de la société, et leur a retiré tout mandat de représentation ;

l'arrêt de tout paiement sur le reliquat du prix de cession, dont 20.000 € sur les factures non réglées de 2021 et 20.625 € de reliquat de la prestation d'accompagnement.

Elle a toutefois demandé aux cédants de continuer à répondre aux questions posées par elle et la société CWA sur les dossiers en cours.

Les époux [O] ont contestés les reproches à leur encontre, et l'arrêt soudain de leur accompagnement .

Un rendez-vous de médiation a été tenu le 29 août 2022, et à sa suite, le lendemain, les époux [O] ont renouvelé leur proposition de reprendre l'accompagnement de la société.

Par lettre recommandée de leur conseil du 12 septembre 2022, les époux [O] ont mis en demeure l'acquéreur de reprendre les paiements des mensualités de 4.125 €, en régulariser l'arriéré, leur verser les sommes liées aux créances clients réglées, et de leur adresser les éléments comptables permettant de vérifier l'atteinte par la société CWA des objectifs prévus pour l'attribution des primes.

Par exploit du 05 décembre 2022, la société B&S INVESTISSEMENT et Mme [A] épouse [O] ont assigné la société Hexamed devant le tribunal de commerce de Limoges aux fins d'obtenir sa condamnation à leur verser la somme de 40.625 € au titre du reliquat du prix de cession, outre 10.000 € de dommages et intérêts pour résistance abusive.

La société Hexamed a formé une demande reconventionnelle en annulation de la vente pour dol et subsidiairement pour erreur.

Par jugement du tribunal de commerce de Limoges du 11 janvier 2023, la société CWA a été placée en procédure de sauvegarde, convertie en procédure de liquidation judiciaire simplifiée par jugement du 8 mars 2023.

La société BTSG2 a été désignée en qualité de liquidateur de la société CWA.

Le 21 mars 2023, sur autorisation du juge-commissaire, le liquidateur judiciaire a vendu les abonnements d'hébergement, de gestion de noms de domaine et de boîte emails souscrits par les clients de la société CWA, représentant un chiffre d'affaires annuel de 12.000 € HT, à la société Web-Konseil, en contrepartie d'un prix de 3.000 €.

Par jugement du 13 mars 2024, le tribunal de commerce de Limoges a :

Dit et jugé que la S.A.S. B&S INVESTISSEMENT et Mme [O] ont intentionnellement dissimulé des informations déterminantes du consentement de la S.A.S. HEXAMED MATERIEL MEDICAL,

Prononcé en conséquence la nulité du contrat de cession des titres sociaux de la société CONCEPT WEBAGENCY,

Débouté en conséquence la S.A.S. B&S INVESTISSEMENT et Mme [O] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

Condamné la S.A.S. B&S INVESTISSEMENT et Mme [O] à restituer à la SAS HEXAMED MATERIEL MEDICAL la somme de 288 375 € correspondant aux sommes déjà acquittées par cette dernière,

Condamné la S.A.S. B&S INVESTISSEMENT et Mme [O] à verser à la SAS HEXAMED MATERIEL MEDICAL une indemnité de 3 500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné la S.A.S. B&S INVESTISSEMENT et Mme [O] à payer au Commissaire de justice ayant reçu pouvoir ou mandat de recouvrer ou d'encaisser les sommes dues en application de la présente décision, le droit proportionnel dégressif visé par l'article 10 du décret n° 2001-212 du 8 mars 2001 modifiant le décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996 portant fixation du tarif des Huissiers de justice en matière civile et commerciale et relatif à la détermination du droit proportionnel de recouvrement ou d'encaissement mis à la charge des créanciers

Condamné la S.A.S. B&S INVESTISSEMENT et Mme [O] à supporter les entiers dépens de l'instance dont le coût de la présente décision liquidé à la somme de 80,29 euros dont 13,38 euros de TVA.

Par déclaration du 25 mars 2024, la société B&S Investissement et Mme [O] ont interjeté appel de ce jugement.

Par jugement du 10 juillet 2024, le tribunal de commerce de Limoges a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société B&S Investissement, suite à l'impossibilité pour cette société de restituer le montant du prix de cession au titre du jugement entrepris.

La société BTSG2 est intervenue volontairement au litige es qualité de mandataire judiciaire de la société B&S Investissement.

Par ordonnance du 22 janvier 2025, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de la société Hexamed aux fins de voir constater la caducité de l'appel et la radiation de l'instance.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de leurs dernières écritures du 16 avril 2025, la société B&S INVESTISSEMENT, la société BTSG2 es qualité, et Mme [O] demandent à la cour de :

FAISANT DROIT à l'appel de la Société B&S INVESTISSEMENT et de Madame [B] [O], DECLARE recevable.

REFORMER intégralement le jugement entrepris

ET, STATUANT A NOUVEAU,

DEBOUTER la Société HEXAMED MATERIEL MEDICAL de sa demande en nullité du contrat de cession, et DECLARER la vente parfaite.

CONDAMNER la Société HEXAMED MATERIEL MEDICAL à payer à la Société B&S INVESTISSEMENT et à Madame [B] [A] épouse [O], une somme principale de 40.625,00 € avec intérêts au taux légal à compter du 14 septembre 2022, date de la mise en demeure.

CONDAMNER la Société HEXAMED MATERIEL MEDICAL à payer à Madame [B] [A] épouse [O] une somme de 5.407,43 € au titre des cotisations sociales de travailleur indépendant.

CONDAMNER la Société HEXAMED MATERIEL MEDICAL à payer à la Société B&S INVESTISSEMENT et à Madame [B] [A] épouse [O], une somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi compte tenu de la résistance injustifiée de la Société HEXAMED MATERIEL MEDICAL.

CONDAMNER la même à payer à Madame [B] [A] épouse [O], une somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.

ORDONNER l'exécution immédiate du remboursement de la somme saisie à l'encontre de Madame [B] [O].

A titre infiniment subsidiaire

LIMITER la contribution financière de Madame [B] [O] à hauteur de sa participation au capital (1 action sur 2000), soit 164.50 € et ordonner le remboursement immédiat de la somme saisie après déduction de la somme de 164.50 €, à l'encontre de Madame [B] [O].

En toute hypothèse,

CONDAMNER la Société HEXAMED MATERIEL MEDICAL à payer à la Société B&S INVESTISSEMENT et à Madame [B] [A] épouse [O], une indemnité de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

CONDAMNER, enfin, la même aux entiers dépens de première instance et d'appel, en accordant pour ces derniers à Maître Philippe CHABAUD, Avocat, le bénéfice de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

DIRE qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par l'arrêt à intervenir et en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire, en application des dispositions de l'article 10 du décret du 08/03/2001 devront être supportées par le défendeur, en plus de l'indemnité mise à sa charge, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Les sociétés B&S INVESTISSEMENT et BTSG2 es qualité, et Mme [O], soutiennent que le contrat de cession ne serait pas nul; et que le consentement de la société Hexamed n'aurait pas été vicié.

Ce serait de façon avisée que l'acquéreur, ayant des connaissances approfondies à la fois dans le domaine du digital et du rachat de sociétés, aurait souscrit à la cession, et à l'issue d'un processus d'audit long de la société CWA.

Les problématiques évoquées sur certains contrats feraient partie de la vie courante d'une entreprise, et la société Hexamed ne démontrerait pas en quoi les cédants auraient opéré une dissimulation intentionnelle ou des manoeuvres frauduleuses.

Les erreurs dont se prévaut la société Hexamed seraient infondées et impropre à justifier une nullité du contrat, puisque:

le départ de Messieurs [G] et [E], alternants, et le changement de facturation de M. [D], prestataire, ne résulteraient d'aucune faute des époux [O],

la liquidation judiciaire de la société CWA aurait été orchestrée par l'acquéreur lui-même, afin d'opérer un transfert de clientèle vers sa société WebKonseil ;

le chiffre d'affaires de la société CWA aurait été conforme au prévisionnel sur l'année 2022, déduction faire du montant qui devait être généré par l'apport d'affaires de la société Hexamed, qui ne s'est pas concrétisé.

Les époux [O] n'auraient commis aucun manquement. Ils se seraient tenus à l'entière disposition de l'acquéreur aux fins de l'accompagner dans la reprise, allant pour M. [O] jusqu'à démissionner.

S'ils ont été mis dans l'impossibilité de poursuivre cet accompagnement postérieurement au 03 août 2022, ce ne serait que suite à la décision soudaine de la société Hexamed.

Les sociétés B&S INVESTISSEMENT et BTSG2 es qualité, et Mme [O] sollicitent la condamnation de la société Hexamed à leur verser la somme de 40.625 €, outre intérêts, ainsi que le montant des cotisations sociales de travailleur indépendant de Mme [O] pour la période antérieure à la date de cession, en application de l'article 7-20 de l'acte de cession, pour un montant de 5.407,43 €, et des dommages et intérêts.

Mme [O] soutient que c'est de manière infondée qu'une saisie de 50.000 euros a été prélevée sur son patrimoine au titre de l'exécution provisoire, alors que le jugement entrepris a été prononcé de manière solidaire, et qu'elle ne détenait qu'une seule action dans le capital de la société CWA.

Aux termes de ses dernières écritures du 24 septembre 2024, la société Hexamed Médical Matériel demande à la cour de :

Accueillir la société HEXAMED MATERIEL MEDICAL en ses écritures et la dire bien fondée en ses prétentions ;

Rejeter toutes fins, moyens et conclusions contraires ;

Déclarer la société B&S INVESTISSEMENT et Mme [B] [A], épouse [O] irrecevables et mal fondées en toutes leurs demandes et l'en débouter;

Confirmer le jugement rendu le 13-03-2024 par le Tribunal de commerce de Limoges;

Condamner la société B&S INVESTISSEMENT et Mme [B] [A] épouse [O] à payer à la société HEXAMED MATERIEL MEDICAL la somme de 7.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner la société B&S INVESTISSEMENT et Mme [B] [A], épouse [O] à payer à l'huissier de justice ayant reçu un mandat ou un pouvoir de recouvrer ou d'encaisser les sommes dues en application de la décision à intervenir, le droit proportionnel dégressif visé par l'article 10 du Décret n° 2001-212 du 8 mars 2001 modifiant le décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996 portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale et relatif à la détermination du droit proportionnel de recouvrement ou d'encaissement mis à la charge des créanciers ;

Condamner la société B&S INVESTISSEMENT et Mme [B] [A], épouse [O] aux entiers dépens distraits au profit de Maître Laetitia DAURIAC, Avocat au Barreau de LIMOGES, sur son affirmation de droit

Et dire que Maître [Z] [V] pourra recouvrer directement ceux dont il a fait l'avance, sans en avoir reçu provision, sur le fondement de l'article 699 du Code de procédure civile.

La société Hexamed sollicite la confirmation du jugement entrepris. Elle soutient que le contrat de cession est nul à raison du dol causé par la société B&S Investissement et Mme [O], qui lui aurait volontairement dissimulé les informations déterminantes suivantes :

l'importance de M. [O] dans la société, car seul ce dernier aurait disposé des compétences techniques en SEO et SEA pour honorer les contrats clients, les autres salariés auraient manqué des compétences nécessaires. Cela aurait été découvert suite à la plainte de clients sur les marchés suivants :'le Pantalonnier', 'Cap Science', 'Carsat', 'Adam SAS'.

l'intention de 'Euro France', et 'Vithalia', deux clients importants, de mettre fin à leurs contrats, alors que les cédants en auraient eu connaissance avant la cession, soit en novembre 2021, et le 24 mars 2022 ;

la démission de M. [G], présentée le 29 mars 2022 ;

l'engagement souscrit auprès de M. [E], alternant et développeur d'application 'particulièrement compétent dans son domaine', de l'embaucher suite à l'obtention de son diplôme. Or, suite au refus de maintenir cette promesse postérieurement à la cession, M. [E] aurait démissionné ;

le mécontentement de M. [D], prestataire, quant à sa rémunération ;

un ralentissement d'activité au début de l'année 2022, et un retard dans la réalisation du chiffre d'affaires.

La société Hexamed soutient qu'au demeurant, le contrat de cession serait nul à raison de l'erreur qu'elle aurait commis sur les qualités essentielles de la société, résultant des informations susvisées.

La société Hexamed soutient que c'est la société CWA, et non elle-même, qui serait redevable au titre de l'article 6.20 du contrat de cession du paiement des cotisations sociales de travailleur indépendant de Mme [O].

Elle affirme avoir été fondée à ne pas payer le solde du prix de la cession, à raison du dol et de l'erreur qu'elle aurait subis. Les cédants ne démontreraient pas en avoir subi un préjudice.

A titre reconventionnel, la société Hexamed sollicite la restitution des sommes payées à la société B&S Investissement et Mme [O] au titre du contrat de cession, à raison de sa nullité.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 mai 2025.

MOTIFS DE LA DECISION:

Sur le dol:

Selon les dispositions de l'article 1137 du code civil, le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges.

Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.

Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.

La société Hexamed soutient que les cédants lui ont intentionnellement caché:

- le manque de compétence des salariés et le rôle technique déterminant joué par M. [O] et Mme [O];

- l'impossibilité pour les salariés de réaliser certains marchés conclus avant la vente, en raison de leur manque de compétence: marché Le Pantalonnier, marché Cap Sciences, marché Carsat, marché ADAM SAS, marché Euro France, marché Vithalia,

- la volonté de certains de ces clients, exprimée avant la vente, de résilier les marchés conclus avec CWA ou de ne pas les renouveler, amputant d'autant le chiffre d'affaires prévisible,

- la volonté de départ exprimée par certains salariés ou prestataires: M. [R] [G], M. [N] [E], M. [T] [D].

Le dol sur la force de travail:

Seront examinées sous cette rubrique les compétences des salariés et des alternants, les conditions de départ de deux alternants, la compétence d'un prestataire de service et ses modalités de rémunération, le rôle technique des anciens dirigeants.

La lettre d'intention du 23 décembre 2021 précise que parmi les éléments déterminants du consentement de la société Hexamed figure le nombre de salariés de la société, composée de trois salariés (dont un au départ le 12/12/2021), quatre alternants, un travailleur non salarié (Mme [O]).

Cette précision de la lettre d'intention démontre que la société CWA était une toute petite structure, comprenant plus de stagiaires en formation (les alternants) que de salariés.

Selon la mention, lors de la cession étaient appelés à se trouver dans l'entreprise:

- deux salariés uniquement

- quatre alternants, lesquels, par définition, ne pouvaient être considérés comme parfaitement formés.

S'agissant de Mme [O], elle était appelée, après la période d'accompagnement, à ne plus travailler pour la société CWA et devait d'ailleurs démissionner de ses fonctions de gérante aux termes de l'acte de cession.

Les appelants démontrent que dès l'ouverture des négociations, le 21 juillet 2021, M. [S], dirigeant de la société Hexamed a organisé avec les époux [O] deux journées d'analyse, dont l'une était consacrée, pour moitié à l'analyse des ressources humaines de la société.

Afin de préparer cette demi-journée, M. [S] a demandé que lui soit transmis:

- l'organigramme thématique de l'entreprise,

- pour chaque collaborateur salarié: son prénom, son titre, son diplôme avec mention de sa formation initiale, son ancienneté, son salaire brut annuel, sa fiche de poste synthétique, ses domaines de compétence (dev, SEO, SEA, content)

- pour les free-lance: prénom, localisation, diplôme formation initiale, ancienneté, honoraires facturés en 2020, domaines d'intervention et spécialités (dev, SEO, SEA, content ...)

- pour les sous-traitants: domaine d'intervention pour chacun, montant annuel facturé par chacun.

La société HEXAMED ne prétend pas que les documents qui lui ont été transmis à cette occasion aient contenu des informations erronées.

Elle soutient que les époux [O] auraient dû l'avertir de leur rôle essentiel (Mme [O] en qualité de travailleur non salarié, M. [O] en sa qualité de président de la société holding et prestataire) dans l'activité de la société CWA et du fait que les salariés restants n'auraient pas eu les compétences nécessaires pour pallier leur départ, notamment en matière de SEO (référencement pour les moteurs de recherche) et Prestashop (application permettant de créer des boutiques en ligne).

A l'appui de cette thèse sont citées des attestations de l'une des cheffes de projet, Mme [P], et de l'un des alternants, M. [K], selon lesquels M. [O] assurait toutes les parties techniques des projets sans déléguer ni former les salariés et alternants, tandis que Mme [O] assurait pour sa part la partie administrative et commerciale de l'activité sans déléguer ni former ses collaborateurs.

Il doit être noté que ces attestations, tapées à la machine, font plusieurs pages chacune et ne sont signées par chacun des intéressés que sur la dernière page, à une époque à laquelle la société CWA étaient toujours in bonis et alors que les signataires étaient encore ses salariés.

Les curriculum vitae versés aux débats démontrent que les deux salariées étaient cheffes de projet, et présentes dans l'entreprise depuis quatre à cinq années, l'une ayant une formation en SEO (ainsi qu'un alternant); plusieurs alternants faisaient état d'une formation Prestashop (M. [K], M. [W], Mme [F]).

Pour autant, des chefs de projets ne se confondent pas avec des directeurs techniques et commerciaux, et compte tenu de la très petite taille de l'entreprise, dans laquelle les personnes en cours de formation représentaient deux fois le nombre de salariés, le rôle essentiel joué par M et Mme [O] était une évidence que M. [S] était parfaitement apte à appréhender.

Il lui appartenait donc d'envisager comment les remplacer.

La pièce numéro 53 des appelants est ainsi un message du 21 avril 2022 aux termes duquel M. [S] a identifié des taches réalisées par chacun des époux [O] et prévu leur transfert sur des salariés de l'entreprise, avec accompagnement par les cédants.

Il doit être noté qu'il était prévu un soutien de la société Webkonseil, dont la société Hexamed est associée et qui a une activité proche de la société CWA.

Or, à l'examen des nombreux courriels versés aux débats et permettant de comprendre le déroulement de l'activité de la société CWA et ses rapports avec les clients postérieurement à la vente, il apparaît un accompagnement poussé de Mme [O], qui est très présente, sans toutefois que son remplacement soit assuré, que ce soit par la société Webkonseil ou par M. [S], lui-même dirigeant d'autres sociétés, notamment de commerce en ligne d'appareils médicaux, dont les interventions apparaissent ponctuelles ou à postériori.

En tout état de cause, compte tenu des informations très précises demandées et obtenues plusieurs mois avant la vente, la société Hexamed n'a pas été victime de rétention dolosive quant aux capacités des salariés et alternants présents dans l'entreprise.

La société Hexamed prétend que la situation réelle de deux alternants lui a été cachée, ainsi que celle d'un prestataire de service.

M. [R] [G] était en contrat de professionnalisation pour obtenir une qualification de 'manager en infrastructures et cybersécurité des systèmes d'information', et son CDD, qui avait commencé le 22 novembre 2021, devait se terminer le 21 novembre 2023.

Sa lettre de démission a été remise en mains propres à Mme [O] le 29 mars 2022 soit la veille de l'acte définitif de cession, pour 'raisons personnelles'.

Il n'est justifié par aucune pièce que Mme [O] ait pu avoir connaissance à une date antérieure de cette démission.

Il est justifié d'un courriel du 31 mars prévenant la société Hexamed de la nécessité de signer les documents de fin de contrat, faisant toutefois référence à une conversation antérieure avec M. [S].

Au demeurant, la vente était parfaite avec rétroaction dès la levée des conditions suspensives contenues dans la promesse synallagmatique de vente du 14 mars, ce dont il résulte que la démission de M. [G] est intervenue postérieurement à la cession et non antérieurement à la cession.

Le grief n'est pas fondé.

M. [N] [E] avait commencé un contrat d'apprentissage de 'développeur d'application' le 1er septembre 2021 et devait le poursuivre jusqu'au 31 août 2023.

Selon la société Hexamed, M. [E] a choisi de démissionner en mai 2022, soit quelques semaines après la cession, car les cédants lui auraient promis de l'embaucher à l'issue de sa formation, ce qu'elle-même ne pouvait promettre. Elle estime qu'il est dolosif de la part des cédants de ne pas l'avoir avisée de cette promesse.

L'examen des pièces versées aux débats démontre que le motif de la démission de M. [E], reste inconnu.

Il ne peut dès lors être factuellement rattaché à une dissimulation des cédants antérieure à la vente et le grief est infondé.

M. [T] [D] était un partenaire extérieur collaborant régulièrement avec la société CWA, qui lui versait des honoraires mensuels fixes.

Antérieurement à la cession, il a indiqué aux époux [O] vouloir modifier son mode de rémunération, ce dont les cédants n'auraient pas avisé le cessionnaire.

La société Hexamed, obligée de lui payer désormais des honoraires importants considère que le défaut d'information des cédants est dolosif en ce qu'ils savaient que les conditions de rentabilité de l'entreprise allaient être modifiées.

Les cédants démontrent toutefois que:

- par courriels des 03 et 09 mars 2022 adressés à M. [O], M. [C], associé de M. [S] au sein de la société Hexamed, après analyse des documents demandés sur les 'prestataires', a relevé un 'risque URSSAF' important s'agissant de M. [D], dont la rémunération était composée d'honoraires fixes mensuels; d'autres courriels démontrent que la société Hexamed a exigé une garantie de passif spécifique au risque social, en faisant référénce à la situation de M. [D];

- par courriel du 10 mars 2022 adressé à Messieurs [C] et [S], M. [O] a répondu que 'pour remédier à cela, nous avons convenu avec M. [D] qu'à partir d'Avril nous fonctionnerons à la mission et non plus au forfait'.

Il en résulte qu'avant la signature de la promesse synallagmatique de vente du 13 mars 2022 la société Hexamed a été informée que le mode de rémunération de M. [D] allait être modifié, ceci notamment pour répondre à ses inquiétudes.

Le grief n'est pas fondé.

Le dol sur le portefeuille client:

La société Hexamed soutient que les cédants:

- ont conclu avant la vente des marchés qu'ils étaient dans l'incapacité de réaliser, augmentant ainsi le chiffre d'affaires de façon factice et conduisant à des litiges avec les clients,

- ont omis de lui indiquer que plusieurs clients importants allaient résilier leurs contrats.

Ces griefs seront examinés client par client, pouvant être liés.

Contrat 'Le Pantalonnier':

Le devis, émis en juillet 2021, a été signé par le client au mois de septembre 2021.

Il consiste en la création d'un site de vente en ligne de pantalons par la société CWA, au moyen de l'application Prestashop.

Le client a été apporté par une société de communication, la société COM VOUS, chargée de gérer sa communication.

Le devis ne mentionne pas de délai pour la création du site internet, mais selon la société COM VOUS, la mise en ligne aurait dû intervenir en janvier 2022.

Les parties versent aux débats des documents contradictoires:

- les cédants versent aux débats des courriels faisant état d'un site quasiment terminé au 10 mai 2022 et faisant état tout à la fois de la satisfaction du client et de la société COM VOUS,

- l'acquéreur verse aux débats:

- des messages internes à la société CWA attestant de la difficulté, compte tenu d'autres projets urgents, de trouver le temps de finaliser les dernières précisions du site après le 10 mai,

- d'un message virulent de la société COM VOUS en date du 03 juin 2022, se plaignant d'un site qui ne fonctionne pas du tout, qui aurait dû être terminé depuis le mois de janvier précédent et des grandes difficultés qu'elle connaissait avec son client,

- de documents émanant d'un audit réalisé par la société Webkonseil selon lequel le site était déficient, aucun salarié de l'entreprise n'étant à même de conduire le projet en l'absence de M. [O].

L'audit réalisé par la société Webkonseil ne peut être retenu comme probant d'un défaut de compétence de la société CWA compte tenu des liens capitalistiques existant avec la société Hexamed.

Les messages de satisfaction adressés au mois d'avril et mai à la société CWA par le client et son conseil en communication ne permettent pas de retenir que ce marché aurait dû être signalé comme problématique par les cédants avant la cession, les difficultés étant apparues postérieurement.

Marché Cap Sciences:

Le projet ait été remis avec quelques semaines de retard - mais à la satisfaction du client comme le démontrent les pièces versées aux débats par les cédants, et moyennant un nombre d'heures de travail supérieur aux estimations de départ, avec inquiétude et stress des salariés.

Cet travail est intervenu immédiatement après la cession, dans un contexte de passation de pouvoirs et les priorisations de projets faites par les gérants avant la cession sont des actes usuels en la matière.

Il n'est pas justifié de l'intervention de la société Webkonseil pour pallier les insuffisances des salariés et il n'est pas plus justifié que le projet ait été en définitive un marché déficitaire.

Le projet ayant été terminé et le client satisfait, l'équipe de la société CWA était manifestement compétente pour le traiter et une attitude dolosive des cédants n'est pas établie.

Le client CARSAT:

De la même façon que pour le client précédent, la société Hexamed soutient que les salariés de la société CWA n'avaient pas les compétences requises pour traiter les prestations prévues au contrat et qu'ils ont dû effectuer de nombreuses heures non prévues.

Le contrat a été conclu après appel d'offres en juillet 2021 et la CARSAT a été suffisamment satisfaite des prestations effectuées durant les semaines qui ont suivi pour conclureun marché complémentaire en février 2022.

Aucune difficulté technique particulière ni nombre d'heures excédentaires ne sont justifiés pour ce client, le retour de Mme [I], chargée du projet au sein de la société CWA, étant, au mois de mai 2022 que 'tout s'est bien passé, le site est conforme à leurs attentes'.

La preuve du grief allégué n'est pas apportée.

Le client ADAM SAS:

Ce client a une activité de menuiserie industrielle et a contacté la société CWA pour la création d'un site internet et des prestations de référencement.

Des pièces versées aux débats, il résulte que le client a été satisfait du site internet mais déçu des prestations de référencement, pour lequel du retard avait été pris, avec une responsabilité partagée entre CWA et le client, qui avait mis du retard à transmettre les mots-clefs qu'il souhaitait pour son référencement.

Au mois d'octobre 2021, une réunion entre les époux [O] et le client a conduit ce dernier à souscrire un nouveau devis, pour une communication sur les réseaux sociaux; il a inversement bénéficié de deux avoirs de 3.000 euros chacun en raison du retard pris pour le référencement.

(A l'examen des pièces, la cour relève ne pas trouver trace d'un total d'avoir de 10.800 euros invoqué par la société Hexamed).

Au mois de décembre 2021, avait été remis et annexé à la lettre d'intention signée par les parties une liste des factures clients en cours; un examen des avoirs démontrent que ceux-ci s'imputaient sur des factures antérieures et qu'ainsi la liste précitée n'était pas inexacte.

Au mois de février 2022, soit avant la cession, le client a annoncé qu'il refusait de payer la facture restante (2.400 euros )et reprenait lui-même le référencement de son site, bien qu'il lui ait été justifié des prestations réalisées.

Au mois de juin 2022, le client a annoncé résilier son abonnement d'hébergement (600 euros par an).

Mme [O], à la demande de M. [S], a justifié des prestations réalisées.

Il en résulte, non pas la démonstration de l'incompétence des salariés de la société CWA mais un désaccord avec un client mécontent, pour lequel les prestations réalisées sont justifiées.

Il est constant que cette contestation du client aurait dû être signalée avant la vente sur le fondement du dernier alinéa de l'article 4 de la lettre d'intention (obligation pour les cédants de transmettre toute information de nature à éclairer sur les potentialités commerciales de la société).

Le client EURO FRANCE:

La société Hexamed reproche aux cédants de ne pas l'avoir avisée que le client Euro France ne renouvellerait pas son contrat pour l'année 2022.

Le contrat conclu avec la société Maisons Euro France était un 'plan média' d'un montant significatif de 61.817,58 euros HT et avait été conclu pour une année sans prévoir de renouvellement par tacite reconduction.

Il prévoyait des prestations directement réalisées par la société CWA, d'autres pour lesquelles elle agissait comme donneur d'ordre ou mandataire (achat d'espaces publicitaires); certaines prestations étaient ponctuelles (affichage, emailing ...), d'autres étaient récurrentes, comme les animations de réseaux sociaux et de compte Le Bon Coin.

En tout état de cause, la somme de 61.817,58 euros était facturée par la société CWA et constituait donc un pourcentage important de son chiffre d'affaires.

Le devis pour l'année 2021 avait été signé le 03 décembre 2020, et il peut être considéré que le devis pour l'année 2021 aurait dû être signé pour l'année 2022.

Selon l'attestation rédigée par Mme [P], ce contrat faisait suite à un premier contrat signé l'année précédente.

Pour autant, il n'est justifié d'aucun courrier de la société MAISON EUROFRANCE témoignant de son intention de ne pas renouveler le contrat. Elle a uniquement été silencieuse.

Il ne peut être tiré aucun enseignement de la résiliation de l'abonnement Le Bon Coin par la société CWA en novembre 2021, celle-ci faisant valoir à juste titre que son propre contrat avec son client prenant fin au 31 décembre 2021, elle se devait de respecter le délai de résiliation du contrat de publication qu'elle-même avait souscrit en exécution du contrat principal.

Ce dossier était connu de la société Hexamed compte tenu d'un retard de paiement, la facture à recouvrer étant incluse dans l'enveloppe de 20.000 euros à payer en sus du prix prévue par l'acte de cession si les factures en litige étaient payées postérieurement à la cession.

Dans un courriel du 10 mars 2022, M. [C], pour le compte de la société Hexamed note ainsi tant le montant que l'ancienneté de l'impayé.

Que les difficultés de la société MAISONS EUROFRANCE aient trouvé leur cause dans sa situation économique ou dans la maladie de son dirigeant, le client était en tout état de cause signalé comme en litige, et inclus à ce titre dans les créances idoines.

Les cédants plaident à juste titre que le retard dans les paiements, connu donc de la société Hexamed, rendait peu vraisemblable la signature d'un nouveau contrat et que l'acquéreur en avait nécessairement conscience.

S'agissant en tout état de cause d'un contrat ayant un terme, non renouvelable, ils n'avaient pas, en l'absence de tout courrier du client, à signaler une situation qui n'était que la conséquence de son terme contractuel.

Le client VITHALIA:

Le contrat conclu avec la société CWA était assez similaire à celui conclu avec la société Maisons EuroFrance, s'agissant d'un 'plan média' incluant des prestations réalisées par CWA, mais aussi des prestations achetées par cette dernière (espaces publicitaires), des prestations ponctuelles (affichage bus) mais aussi plus régulières (campagnes réseaux sociaux).

Il faisait suite à un premier contrat, conclu pour l'année civile 2021, et a été signé en septembre 2021 pour l'année civile 2022.

Il a été signé le 17 septembre 2021 pour un montant non négligeable de 72.899,11 euros HT, soit environ 13% (et non 20% comme soutenu par la société Hexamed) du chiffre d'affaires 2021.

Il doit être immédiatement relevé que de nombreux courriels émanant de la dirigeante de la société VITHALIA font part de sa satisfaction des prestations réalisées par la société CWA et que ses contestations sur leur qualité apparaissent très tardives, formulées pour la première fois au mois d'août 2022, après des semaines de négociation avec la société CWA sur les conditions de résiliation anticipée du contrat.

Ayant en effet dans un premier temps souhaité rompre son contrat par anticipation, la société VITHALIA a reconnu être obligée de l'exécuter jusqu'à son terme.

De façon explicite, la dirigeante de la société VITHALIA avait en effet expliqué vouloir rompre le contrat en cours d'exécution car le groupe de sociétés auquel elle appartenait voulait réorganiser toute la communication en interne à compter de septembre 2022.

Il lui a été répondu par la société CWA qu'elle était tenue par les termes de son contrat, dont l'échéance était fixée au 31 décembre.

La contestation subite, en août 2022, de la qualité des prestations apparaît dès lors comme ayant été formulée pour les besoins de la cause, comme un moyen d'échapper à l'exécution du contrat jusqu'au terme convenu.

Au demeurant, que l'arrêt des prestations se fasse en septembre ou en décembre, la perte du client Vithalia, qui au départ avait envisagé une collaboration de trois années (mentionnée dans un courriel de M. [O]) était un évènement significatif pour la société CWA compte tenu de l'importance du marché.

Les cédants soutiennent n'en avoir eu connaissance qu'au mois d'avril 2022.

Cette affirmation est inexacte, ainsi que le révèle la production d'un échange de mail daté du 07 mars 2022 entre Mme [U] (directrice de la société Vithalia) et Mme [P].

Mme [U] écrit donc 'je souhaitais également revenir vers vous au sujet de notre fin de contrat, avez vous pu échanger avec votre direction'' pour demander un rendez-vous et Mme [P] lui a répondu le même jour 'j'ai bien échangé avec ma Direction en ce qui concerne votre souhait de mettre fin à notre collaboration et je vous propose justement de nous caler un rendez-vous ....'.

Cet échange de courriels démontre de façon incontestable que les cédants connaissaient dès avant la signature de la promesse synallagmatique de vente le fait qu'ils allaient perdre le client Vithalia, même s'ils pouvaient exiger qu'il exécute ses obligations contractuelles jusqu'à la fin du mois de décembre 2022.

Les échanges relatifs aux campagnes publicitaires des mois de mars, avril et mai 2022 ne sont pas contradictoires avec l'information donnée dans les courriels du 07 mars, la société Vithalia n'ayant jamais souhaité résilier son contrat dès cette date et les rapports étant excellents entre les deux sociétés, aucun grief n'ayant jamais été émis avant le mois d'août 2022.

En tout état de cause, l' information de la volonté de la société Vithalia devait être donnée aux acquéreurs au moment où elle est apparue, soit avant la signature de la promesse synallagmatique, ceci en application du paragraphe 4 de la lettre d'intention, obligeant les cédants à transmettre aux acquéreurs potentiels 'tous les documents ou accords susceptibles de nous éclairer tant de manière directe qu'indirecte sur le patrimoine de la société, sa valeur, ses engagements et ses potentialités commerciales (...)'

La société Hexamed, à l'appui de ses allégations de dol, invoquait de nombreux griefs, qui, agrégés, auraient constitué le dol.

La cour n'a retenu que deux griefs:

- le fait pour les cédants d'avoir omis d'indiquer le mécontentement du client ADAM, dont l'enjeu en termes de chiffre d'affaires était de 3.000 euros,

- le fait pour les cédants d'avoir omis d'indiquer que la société VITHALIA souhaitait mettre fin aux relations contractuelles qu'elle entretenait avec la société CWA.

La société Hexamed soutient que la lettre d'intention fixerait l'étendue des informations déterminantes de son consentement et ainsi, il suffirait de constater une quelconque inexactitude des faits y étant mentionnés pour constater qu'un élément déterminant de son consentement fait défaut.

Une telle analyse ne peut être retenue au regard des termes mêmes de la lettre.

Les documents et informations sans lesquels il est expressément indiqué que la société Hexamed n'aurait pas consenti à signer la lettre d'intention sont détaillés au paragraphe 1, paragraphe lui-même divisé en mentions numérotées de I à XIX.

Aucune des mentions numérotées de I à XIX n'est remise en cause par les informations non données sur les clients ADAM et VITHALIA.

La mention X 'la société n'a aucun litige en cours ni avec des clients, ni avec des fournisseurs, ni avec tout autre tiers' se comprend comme relative à des litiges formalisés au minimum par des mises en demeure et menaces de poursuite, ce qui n'était le cas pour aucun des deux clients à la date de passation des actes.

La Cour doit donc examiner dans quelle mesure les informations omises étaient déterminantes du consentement de la société VITHALIA.

S'agissant du client ADAM, l'enjeu économique était de 3.000 euros pour l'année, soit un montant négligeable ne pouvant être déterminant du consentement de la société Hexamed.

Pour le client VITHALIA, ainsi qu'il a été expliqué plus haut, les prestations lui étant facturées quoique d'un montant important en termes de chiffre d'affaires, n'étaient que pour une faible part la rémunération de société CWA, dans la mesure où, dans un plan média, la société CWA achetait de nombreuses prestations extérieures sur lesquelles elle prenait une marge.

Cette spécificité du 'plan média' avait été expliquée par Mme [O] à M. [C], à la demande de ce dernier, dans un courriel du 1er février 2022; elle précisait qu'il avait été envisagé de diminuer ce type de prestation en raison d'une rentabilité insuffisante et de ne plus traiter avec les médias ne lui laissant pas une marge suffisante.

Selon les explications non contestées des cédants, dans le dossier VITHALIA, sur un montant total de 72.899,11 euros HT, les honoraires de la société CWA étaient de (8.560 + 2.206,60), le solde des prestations étant acquises auprès de tiers et seule une marge étant conservée.

D'autre part, si la société VITHALIA, ainsi qu'il résulte d'un courriel de M. [O], avait envisagé une collaboration durant trois années à compter de 2020, elle ne disposait pas d'un contrat renouvelable et n'avait donc signé qu'un contrat à échéance au 31 décembre 2022. Cette précision avait été apportée avant la vente par M. [O] dans un courriel à M. [C] sur interrogation de ce dernier, M. [O] expliquant ne faire signer à ses clients que des devis relatifs à des prestations bornées dans le temps et non des abonnements ou contrats renouvelables.

Dès lors, au regard d'un chiffre d'affaires de plus de 550.000 euros en 2021 et d'un résultat courant de 107.000 euros pour l'année 2021, l'information omise pour la société VITHALIAZ, laquelle au demeurant n'était engagée que jusqu'en décembre 2022, n'apparaît pas avoir été essentielle à l'appréciation de la rentabilité de la société CWA.

La société Hexamed ne démontre pas le caractère déterminant de cette omission et surtout ne démontre pas que mieux informée, elle n'eut pas acheté.

La Cour relève en effet que les allégations de la société Hexamed selon lesquelles son consentement aurait été surpris par la pression mise sur elle par les cédants est contredite par les pièces versées aux dossiers.

D'une part, elle a fait fortement baisser le prix d'acquisition, envisagé à 413.000 euros dans la lettre d'intention et stipulé à 329.000 euros dans l'acte de cession, ce qui témoigne de sa propre force de persuasion.

A cet égard, M. [O], dans la pièce numéro 62, rappelle sans être contredit que les cédants, au mois de février, ont souhaité à un moment cesser les négociations compte tenu des baisses de prix continuelles envisagées par les acquéreurs et ne les ont reprises qu'à la demande de ces derniers.

D'autre part, les acquéreurs ont obtenu deux garanties de passif distinctes, l'une pour les risques habituels, l'autre spécifique au risque social identifié en la personne de M. [D].

Ensuite, différents courriels témoignent de leur volonté de passer les actes avant le 30 mars 2022, soit à peine trois mois après la signature de la lettre d'intention.

De plus, aucune pièce ne justifie du chiffre d'affaires 2022 ce dont il résulte que les allégations selon lesquelles les clients de la société CWA auraient commencé à la quitter au début de l'année 2022 ne reposent sur aucune donnée factuellement justifiée.

Par ailleurs, les clients du début de l'année 2022 ont vu leur devis être signés en 2021.

La lettre d'intention spécifiait au paragraphe 3 mention VII que le carnet de commandes avait été communiqué aux acquéreurs potentiels et ferait l'objet (entre autres données) de l'audit d'acquisition.

Il en résulte qu'à la date de la cession, soit deux mois et demi après le début de l'année 2022, les acquéreurs avaient eu toutes informations nécessaires sur les commandes en cours.

Enfin, la société Hexamed, qui a fait réaliser un audit et sollicité de très nombreuses données économiques et comptables qui lui ont été fournies, ne peut imputer à dol un prévisionnel inexact établi par les cédants, un tel document étant par nature incertain.

Au demeurant l'absence des états comptables 2022 ne permet pas d'analyse utile de ce prévisionnel.

En conséquence de ce qui précède, aucun dol des cédants n'est démontré.

Sur l'erreur:

Selon les dispositions de l'article 1132 du code civil, l'erreur de droit ou de fait, à moins qu'elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu'elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant.

Selon celles de l'article 1133 , les qualités essentielles de la prestation sont celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté.

L'erreur est une cause de nullité qu'elle porte sur la prestation de l'une ou de l'autre partie.

L'acceptation d'un aléa sur une qualité de la prestation exclut l'erreur relative à cette qualité.

La société Hexamed fait valoir avoir légitimement cru faire l'acquisition d'une société dont les qualités essentielles étaient une équipe technique compétente et surtout autonome et une clientèle satisfaite des prestations de CWA ce qui permettait une évolution en 2022 conforme à ce qui avait été présenté aux cédants en 2021.

Après la cession l'erreur commise sur les qualités essentielles de CWA aurait été découverte.

Au regard des données très précises ayant été demandées dès le mois de juillet 2021 sur les qualifications et expériences des salariés et alternants, aucune erreur ne peut être invoquée sur la compétence de l'équipe technique.

Ensuite, les motifs qui précèdent démontrent que les clients étaient satisfaits de la société CWA pour leur majeure partie, le non-renouvellement de certains contrats ayant d'autres causes (difficulté de paiement pour un client, restructuration interne pour l'autre).

Aucune erreur n'est démontrée et le moyen est rejeté.

Il résulte de tout ce qui précède que la société Hexamed ne démontre pas que son consentement ait été donné en raison d'un dol commis par les cédants ou d'une erreur qu'elle aurait commise et doit être déboutée de sa demande d'annulation de la vente et de restitution du prix.

Le jugement est infirmé.

Les demandes reconventionnelles:

Sur le paiement du solde du prix de vente:

La vente n'étant pas invalidée, la société Hexamed est tenue au paiement du solde de la partie fixe du prix, soit de la somme de 40.625 euros, au paiement de laquelle elle est condamnée avec intérêts au taux légal à compter du 14 septembre 2022, date de la mise en demeure.

Le jugement déféré est infirmé de ce chef.

Sur les cotisations sociales de Mme [A] épouse [O]:

Ces cotisations étant dues par la société CWA et non par la société Hexamed, la demande est rejetée, le jugement déféré étant confirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée:

La cour ayant relevé quelques omissions imputables aux cédants, la résistance de la société Hexamed, qui n'a cherché qu'à faire valoir ses droits, ne peut être qualifiée d'abusive.

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral:

Le préjudice moral subi par Mme [O] résulte non pas d'une inexécution contractuelle de la société Hexamed, mais de la demande reconventionnelle qu'elle a poursuivi devant le premier juge et la cour.

Pour le même motif que précédemment, cette demande reconventionnelle ne peut être imputée à faute, et la demande indemnitaire est rejetée.

Sur la demande de remboursement des sommes saisies au titre de l'exécution provisoire:

Le présent arrêt vaut de plein droit titre exécutoire permettant de poursuivre la restitution des sommes éventuellement versées au titre de l'exécution provisoire du jugement déféré.

Sur les frais irrépétibles:

La société Hexamed, qui succombe, supportera la charge des dépens de première instance et d'appel et paiera à la société B&S Investissement et à Mme [O], ensemble, une somme de 6.000 euros de frais irrépétibles.

---==oO§Oo==---

PAR CES MOTIFS

---==oO§Oo==---

La Cour,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [A] épouse [O] de ses demandes de paiement de cotisations sociales et d'indemnisation d'un préjudice moral et rejeté la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.

L'infirme pour le solde.

Dit que l'erreur et le dol invoqués par la société Hexamed Matériel Médical ne sont pas établis.

Rejette la demande d'annulation de la vente des parts sociales de la société CWA et de restitution de leur prix.

Condamne la société Hexamed Matériel Médical à payer à la société B&S Investissement et à Mme [A] épouse [O], ensemble, la somme de 40.625 euros intérêts au taux légal à compter du 14 septembre 2022, date de la mise en demeure.

Condamne la société Hexamed aux dépens de première instance et d'appel.

Condamne la société Hexamed à payer à la société B&S Investissements et à Mme [A] épouse [O], ensemble, une somme de 6.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Sophie MAILLANT. Olivia JEORGER-LE GAC.

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site