CA Paris, ch.1-13, 15 septembre 2025, n° 24/04372
PARIS
Autre
Autre
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Chambre 1-13
RÉPARATION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES
DÉCISION DU 15 Septembre 2025
(n° , 2 pages)
N°de répertoire général : N° RG 24/04372 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJBAD
Décision contradictoire en premier ressort ;
Nous, Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre, à la cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assisté de Michelle NOMO, Greffière, lors des débats et de la mise à disposition avons rendu la décision suivante :
Statuant sur la requête déposée le 1er Mars 2024 par Monsieur [L] [K] [E]
né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 7] (SURINAME), élisant domicile au cabinet de Me [D] - [Adresse 2] ;
Non comparant
Représenté par Maître Camille VANNIER, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS
Vu les pièces jointes à cette requête ;
Vu les conclusions de l'Agent Judiciaire de l'Etat, notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;
Vu les conclusions du procureur général notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;
Vu les lettres recommandées avec avis de réception par lesquelles a été notifiée aux parties la date de l'audience fixée au 17 Février 2025 ;
Entendue Maître Camille VANNIER représentant Monsieur [L] [K] [E],
Entendu Maître Ivan TOUATI, avocat au barreau de PARIS, substituant Maître Renaud LE GUNEHEC de la SCP NORMAND & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, représentant l'Agent Judiciaire de l'Etat,
Entendue Madame Martine TRAPERO, Avocate Générale,
Les débats ayant eu lieu en audience publique, le conseil du requérant ayant eu la parole en dernier ;
Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R.26 à R40-7 du Code de Procédure Pénale ;
* * *
M. [L] [E], né le [Date naissance 1] 1964, de nationalité surinamienne, a été condamné par jugement par défaut en date du 24 octobre 2018 de la 15e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Bobigny des chefs d'exécution d'un travail dissimulé et de blanchiment de capitaux, à la peine de deux ans d'emprisonnement.
Le 06 octobre 2018, le procureur de la république a émis un mandat d'arrêt européen à l'encontre de M. [E].
Le 26 avril 2023, le requérant a été interpellé puis incarcéré aux Pays-Bas et placé en détention.
Déféré le 13 juillet 202 devant le procureur de la république près le tribunal judiciaire de Bobigny, M. [E] qui a formé opposition au jugement du tribunal correctionnel de Bobigny a été placé en détention à la maison d'arrêt de Villepinte par une ordonnance du juge des libertés et de la détention.
Par jugement du 18 octobre 2022 de la 15e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Bobigny, le requérant a été renvoyé des fins de la poursuite et remis en liberté. Cette décision est définitive à son égard comme en atteste le certificat de non-appel produit aux débats.
Le 01er mars 2024, M. [E] a adressé une requête au premier président de la cour d'appel de Paris en vue d'être indemnisé de sa détention provisoire en application de l'article 149 du code de procédure pénale et sollicite dans celle-ci, de :
- Déclarer recevable et bien fondée la demande d'indemnisation ;
- Allouer à M. [E] la somme de 13 312,35 euros au titre de son préjudice matériel lié à la perte des allocations d'incapacité de travail ;
- Lui allouer la somme de1 039,49 euros au titre de son préjudice matériel lié au coût des billets d'avion ;
- Lui allouer la somme de 3 600 euros au titre de son préjudice matériel lié aux frais d'avocat ;
- Lui allouer la somme de 80 000 euros au titre de son préjudice moral lié au choc carcéral et aux conditions de détention ;
- Lui allouer la somme de 2 000 euros au titre de son préjudice moral lié aux diligences effectuées pour récupérer ses effets personnels à la maison d'arrêt de [Localité 9] ;
- Lui allouer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale.
Dans ses conclusions en réponse au Ministère Public déposées le 12 février 2025 et soutenues oralement lors de l'audience de plaidoiries, M. [E] a maintenu ses demandes et sollicité de rejeter partiellement les conclusions du Ministère Public en ce qu'il ne soit pas retenu au titre du préjudice moral les conditions de détention difficiles et les diligences effectuées pour récupérer ses affaires et au titre du préjudice matériel en ce que la perte des allocations d'incapacité de travail, les frais de défense pour le référé-liberté administratif et les démarches pour récupérer ses affaires ne soient pas prises en compte.
Dans ses dernières conclusions en défense, notifiées par RPVA et déposées le 22 mai 2025, développées oralement, l'agent judiciaire de l'Etat demande au premier président de :
- Ramener à de plus justes proportions le montant alloué à M. [E] au titre du préjudice matériel à la somme de 1 200 euros ;
- Ramener à de plus justes proportions la demande formulée au titre du préjudice moral qui ne saurait excéder la somme de 18 500 euros ;
- Statuer ce que de droit s'agissant de la demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Le Ministère Public, dans ses dernières conclusions notifiées le 29 janvier 2025 et reprises oralement à l'audience, conclut :
A titre principal
- A l'irrecevabilité de la requête car le requérant ne démontre pas que le jugement est définitif ;
A titre subsidiaire
- A la recevabilité de la requête pour une durée de 175 jours ;
- A la réparation du préjudice moral dans les conditions indiquées ;
- A l'indemnisation du préjudice matériel tiré des seuls frais de défense.
SUR CE,
Sur la recevabilité
Au regard des dispositions des articles 149, 149-1, 149-2 et R.26 du code de procédure pénale, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, relaxe ou acquittement devenue définitive, a droit, à sa demande, à la réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention.
Il lui appartient dans les six mois de cette décision, de saisir le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle celle-ci a été prononcée, par une requête, signée de sa main ou d'un mandataire, remise contre récépissé ou par lettre recommandée avec accusé de réception au greffe de la cour d'appel. Cette requête doit contenir l'exposé des faits, le montant de la réparation demandée et toutes indications utiles prévues à l'article R.26 du même code.
Le délai de six mois ne court à compter de la décision définitive que si la personne a été avisée de son droit de demander réparation ainsi que des dispositions des articles 149-1, 149-2 et 149-3 du code précité.
En l'espèce, M. [E] a présenté sa requête en vue d'être indemnisé de sa détention provisoire le 01er mars 20224, ce qui n'est pas dans le délai de six mois suivant le jour où la décision de relaxe du tribunal correctionnel de Bobigny Créteil est devenue définitive. Pour autant, le droit à être indemnisé d'une détention provisoire devenue injustifiée n'a jamais été notifié à M. [E] de sorte que le point de départ du délai pour le faire n'jamais commencé à courir. Cette requête contenant l'exposé des faits, le montant de la réparation demandée, ainsi que le certificat de non-appel qui est produit aux débats, est signée par son avocat et la décision de relaxe n'est pas fondée sur un des cas d'exclusions visé à l'article 149 du code de procédure pénale.
Par conséquent, la requête du requérant est recevable pour une durée de détention de 175 jours.
Sur l'indemnisation
Sur le préjudice moral
Le requérant soutient qu'il était âgé de 58 ans au jour de son placement en détention provisoire et qu'il n'avait jamais été condamné ni en France, ni aux Pays-Bas ni au Surinam dont il est originaire. Les transferts entre les Pays-Bas et où il a été incarcéré 2 mois et la France a aggravé son préjudice moral, de même que les conditions difficiles en détention à la maison d'arrêt de [Localité 9], marquée par une surpopulation importante, des règles d'hygiène défaillantes, une promiscuité et des locaux vétustes. Ces conditions délicates sont attestées par un rapport du Contrôleur général des lieux de privation de liberté de 2017, un rapport de l'Observatoire International des Prisons, la réponse à une question écrite de 2024 et à un rapport du sénat faisant suite à une visite de la maison d'arrêt de [Localité 9] en 2024.
Son état de santé déjà fortement dégradé antérieurement à son placement en détention et la reconnaissance d'une incapacité de travail de 62,44% par l'organisme Néerlandais [8] et une rente d'incapacité, ont nécessairement rendu ses conditions de détention plus difficiles. Son état de santé s'est par ailleurs aggravé en détention avec l'apparition d'un état de stress post traumatique qui a nécessité des soins et une surveillance constante pour éviter une auto-agression de la part du requérant.
Il est également évoqué un isolement linguistique car le requérant est de nationalité surinamienne et ne parlait que le néerlandais. Cette barrière de la langue a rendu ses conditions de détention plus difficiles, alors qu'il n'a pas pu bénéficier d'un interprète lors du débat contradictoire devant le [5]. Il sollicite par ailleurs la somme de 2 00 euros au titre des difficultés pour pouvoir récupérer ses affaires en détention et que la somme de 318 euros ne lui a pas été remise. C'est pourquoi, M. [E] sollicite une somme de 82 000 euros en réparation de son préjudice moral.
L'agent judiciaire de l'Etat considère qu'au jour de son incarcération le requérant était âgé de 58 ans, n'avait jamais été condamné et jamais incarcéré. L'isolement linguistique sera retenu mais il n'est pas possible de tenir compte dans cette procédure le fait que le requérant n'ait pas été assisté par un interprète lors du débat contradictoire devant le [5]. Le rapport du [4], du Sénat et la question écrite ne sont pas concomitant à la période où le requérant était détenu et ne seront pas retenus. Par ailleurs, M. [E] n'indique pas en quoi il aurait personnellement souffert de conditions difficiles. Cet élément ne sera pas retenu au titre de l'aggravation du préjudice e moral. Par contre, l'état de santé physique et psychologique du requérant antérieurement à son placement en détention sera pris en compte. Au vu de ces différents éléments, l'AJE se propose d'allouer au requérant une somme de 18 500 euros à M. [E] en réparation de son préjudice moral.
Le Ministère Public indique que l'indemnisation du préjudice moral du requérant doit être appréciée au regard de la durée de la privation de liberté subie, 175 jours, de son absence d'antécédents judiciaires et du fait qu'il avait 58 ans au jour de son placement en détention provisoire. Son choc carcéral est doit plein et entier. Il ressort du jugement de relaxe que M. [E] ne parle pas français et qu'un interprète en langue néerlandaise a été nécessaire. L'isolement linguistique est un facteur d'aggravation de son préjudice moral. Il apparait par ailleurs que le mauvais état de santé du requérant préalablement à son incarcération a aggravé les conditions de celle-ci. La dégradation de son état de santé après sa remise en liberté qui résulte d'un état de stress post traumatique sera également retenu. Le transfert d'un centre pénitentiaire néerlandais à un établissement pénitentiaire français a aussi aggravé ses conditions de détention. Les conditions de détention difficiles et la surpopulation carcérale et la canicule de 2022 sont des éléments généraux et le requérant ne démontre pas en quoi il en aurait personnellement souffert. Concernant les diligences effectuées pour récupérer ses affaires après sa remise en liberté, constituent un différend entre l'administration pénitentiaire et M. [E] et non pas une conséquence directe de son placement en détention provisoire. Cet élément ne sera pas retenu.
Il ressort des pièces produites aux débats qu'au moment de son incarcération M. [E] avait 58 ans, séparé et père d'un enfant majeur. Par ailleurs, le bulletin numéro 1 de son casier judiciaire ne porte trace d'aucune condamnation pénale et aucune incarcération. C'est ainsi que le choc carcéral initial de M. [E] a été important.
Concernant les conditions de détention difficiles, et notamment de la surpopulation carcérale, des conditions matérielles indignes et des fouilles à corp des détenus fréquentes, le requérant fait état que d'un rapport du Contrôleur général des lieux de privation de liberté qui date de 2017, soit antérieurement à la date où il a été placé en détention provisoire. La question écrite et le rapport du Sénat datent de 2024 soit postérieurement à la période de détention. Par ailleurs, le requérant ne démontre pas, avoir personnellement subi de conditions de détention difficiles. Un rapport de l'Observation International des Prisons fait état d'une surpopulation importante de la maison d'arrêt de [Localité 9]. C'est ainsi que cet élément ne sera que partiellement retenu au titre de l'aggravation de son préjudice moral.
L'isolement linguistique de M. [E] qui a été incarcéré loin de chez lui au Surinam, qui ne parlait pas la langue française t qui a été incarcéré aux Pays-Bas puis en France est attesté et sera pris en compte au titre de l'aggravation de son préjudice moral.
Par ailleurs, M. [E] présentait des problèmes de santé importants antérieurement à son incarcération tels qu'un diabète, des difficultés cardiaques et des problèmes psychologiques importants qui ont nécessairement rendus sa détention plus difficile. En outre, l'état de stress post-traumatique diagnostiqué à sa libération démontre une aggravation de son état de santé en détention. Ces éléments seront pris en compte au titre de l'aggravation de son préjudice moral. Les démarches liées au fait de pouvoir récupérer ses affaires ne sont pas directement liées à la détention mais aux relations avec l'administration pénitentiaire et ont surtout impactées son fils et non pas le requérant lui-même.
Par contre, la durée de la détention provisoire, soit 175 jours, sera prise en compte.
Au vu de ces différents éléments, il sera alloué une somme de 19 000 euros à M. [E] en réparation de son préjudice moral.
Sur le préjudice matériel
Sur la perte d'allocations d'incapacité de travail
M. [E] indique qu'il avait travaillé tout en bénéficiant du statut de travailleur handicapé avec un taux de handicap de 62,44% à la suite d'une décision du 08 avril 2020. Le 16 mai 2022, l'organisme assurantiel [8] a suspendu l'étude du dossier de recours contre ce taux d'incapacité et a indiqué que le requérant ne toucherait plus de prestations à compter du 29 mai 2022 en raison de son incarcération. Il a contesté le taux d'incapacité retenu et, le 21 février 2023, l'organisme [8] l'a informé que son taux d'incapacité était réévalué à 100% à compter de sa sortie de prison. Dans ces conditions, il demande que l'allocation d'incapacité au taux de 100% lui soit payée pendant toute la durée de sa détention provisoire pour un montant de 13 312,35 euros.
L'agent judiciaire de l'Etat et le Ministère Public considèrent qu'il convient de rejeter cette demande indemnitaire dans la mesure où la décision qui a réévalué son taux d'incapacité a été rendu plus de 4 mois après sa sortie de la maison d'arrêt et que cette nouvelle décision ne peut pas rétroagir. Par ailleurs, le requérant ne produit aucun relevé précis des allocations versées antérieurement à sa détention, de sorte qu'il n'est pas possible de savoir qu'elle a été la perte de M. [E].
Il ressort des pièces produites aux débats que M. [E] percevait une allocation d'incapacité de travail versée par l'organisme néerlandais [8] au titre d'une incapacité de 62,44% que ce dernier a contestée. Par nouvelle décision du 22 mai 2023 l'organisme [8] a considéré qu'il convenait de réévaluer ce taux d'incapacité à 100% à compter de la décision. Dans ces conditions, il n'est pas possible de faire rétroagir ce taux réévalué à compter du jour de placement en détention provisoire du requérant. Par ailleurs, si le montant brut de cette allocation au taux de 100% est connu et justifié, aucune pièce versée aux débats ne permet de savoir quel était le montant mensuel net de l'allocation d'incapacité de travail à un taux de 62,44% que versait à M. [E] l'organisme [8], avant son incarcération et qui a été suspendu pendant cette dernière. Dans ces conditions, faute de connaître le montant de cette allocation, la demande indemnitaire sera rejetée.
Sur les frais d'avocats liés à la détention
Le requérant sollicite une somme de 3 600 euros TTC en réparation de son préjudice matériel résultant des frais de défense de son avocat en lien direct et exclusif avec le contentieux de la détention provisoire.
L'agent judiciaire de l'Etat et le Ministère Public estiment que sur les trois factures produites aux débats seule celle relative à la procédure d'appel de son placement en détention provisoire est en lien direct et exclusif avec le contentieux de la détention pour un montant de 1 200 euros. Les procédures de référé-liberté devant le tribunal administratif et les démarches pour récupérer ses affaires à la sortie de détention ne sont pas en lien avec ce contentieux et ne peuvent pas être prises en compte. L'AJE se propose donc d'allouer la somme de 1 200 euros au requérant.
Selon la jurisprudence de la Commission Nationale de Réparation des Détentions, les frais de défense ne sont pris en compte, au titre du préjudice causé par la détention, que s'ils rémunèrent des prestations directement liées à la privation de liberté et aux procédures engagées pour y mettre fin.
Par ailleurs, il appartient au requérant d'en justifier par la production de factures ou du compte établi par son défenseur avant tout paiement définitif d'honoraires, en application de l'article 12 du décret n°2005-790 du 12 juillet 2005, détaillant les démarches liées à la détention, en particulier les visites à l'établissement pénitentiaire et les diligences effectuées pour le faire cesser dans le cadre des demandes de mise en liberté. Aussi, seules peuvent être prises en considération les factures d'honoraires permettant de détailler et d'individualiser les prestations en lien exclusif avec le contentieux de la liberté.
En l'espèce, M. [E] produit aux débats trois facture d'honoraires émises par son conseil :
- La première à la procédure judiciaire en appel du placement en détention provisoire pour un montant de 1 200 euros. Ces diligences sont en lien direct et exclusif avec le contentieux de la détention et cette facture sera donc retenue ;
- La deuxième facture est relative à la procédure de référé-liberté intentée devant le tribunal administratif de Montreuil aux fins d'injonction de lui restituer ses papiers d'identité. Ces diligences ne sont pas en lien direct et exclusif avec le contentieux de la détention provisoire et ne seront donc pas retenues ;
- La troisième facture concerne les démarches accomplies par son avocat pour récupérer les affaires de M. [E] à la sortie de la détention. Elles ne sont pas non plus en lien direct et exclusif avec le contentieux d la détention et ne seront pas retenues.
C'est ainsi qu'il sera alloué l somme de 1 200 euros à M. [E] au titre des frais de défense.
Sur les frais de transport
Le requérant précise que son fils a effectué le trajet en train entre [Localité 6] et [Localité 3] puis en avion entre [Localité 3] et paris aller-retour pour venir récupérer se montre, ses effets personnels et une somme d'agent en espèce qui n'avaient pas pu lui être remis lors de sa libération. Le coût total de ce trajet aller-retour s'est élevé à la somme de 1 039,49 euros dont il demande le remboursement.
L'agent judicaire de l'Etat et le Ministère Public concluent au rejet de cette demande dans la mesure où ces dépenses n'ont pas été effectuées par le requérant mais par son fils, ce qui n'est pas indemnisable sur le fondement de l'article 149 du code de procédure pénale, et que les justificatifs ne consistent qu'en des comparateurs de prix san production des billets d'avion et de train considérés.
En l'espèce, il y a lieu de constater que n'est produit aucun justificatif de la réalité de la dépense effectuée, mais seulement un calculateur de trajet, qui l'a été par ailleurs par le fils du requérant et non pas par ce dernier, ce qui n'est pas indemnisable sur le fondement de l'article 149 du code de procédure pénal qui ne prévoit que l'indemnisation de celui qui a été placé en détention provisoire de façon injustifiée.
La demande indemnitaire sera donc rejetée.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [E] ses frais irrépétibles et une somme de 2 000 euros lui sera allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Déclarons la requête de M. [L] [E] recevable
Lui allons les sommes suivantes :
- 19 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
- 1 200 euros au titre des frais de défense ;
- 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboutons M. [L] [E] du surplus de ses demandes ;
Laissons les dépens à la charge de l'Etat ;
Décision rendue le 15 Septembre 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
LA GREFFI'RE LE MAGISTRAT DÉLÉGUÉ
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Chambre 1-13
RÉPARATION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES
DÉCISION DU 15 Septembre 2025
(n° , 2 pages)
N°de répertoire général : N° RG 24/04372 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJBAD
Décision contradictoire en premier ressort ;
Nous, Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre, à la cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assisté de Michelle NOMO, Greffière, lors des débats et de la mise à disposition avons rendu la décision suivante :
Statuant sur la requête déposée le 1er Mars 2024 par Monsieur [L] [K] [E]
né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 7] (SURINAME), élisant domicile au cabinet de Me [D] - [Adresse 2] ;
Non comparant
Représenté par Maître Camille VANNIER, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS
Vu les pièces jointes à cette requête ;
Vu les conclusions de l'Agent Judiciaire de l'Etat, notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;
Vu les conclusions du procureur général notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;
Vu les lettres recommandées avec avis de réception par lesquelles a été notifiée aux parties la date de l'audience fixée au 17 Février 2025 ;
Entendue Maître Camille VANNIER représentant Monsieur [L] [K] [E],
Entendu Maître Ivan TOUATI, avocat au barreau de PARIS, substituant Maître Renaud LE GUNEHEC de la SCP NORMAND & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, représentant l'Agent Judiciaire de l'Etat,
Entendue Madame Martine TRAPERO, Avocate Générale,
Les débats ayant eu lieu en audience publique, le conseil du requérant ayant eu la parole en dernier ;
Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R.26 à R40-7 du Code de Procédure Pénale ;
* * *
M. [L] [E], né le [Date naissance 1] 1964, de nationalité surinamienne, a été condamné par jugement par défaut en date du 24 octobre 2018 de la 15e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Bobigny des chefs d'exécution d'un travail dissimulé et de blanchiment de capitaux, à la peine de deux ans d'emprisonnement.
Le 06 octobre 2018, le procureur de la république a émis un mandat d'arrêt européen à l'encontre de M. [E].
Le 26 avril 2023, le requérant a été interpellé puis incarcéré aux Pays-Bas et placé en détention.
Déféré le 13 juillet 202 devant le procureur de la république près le tribunal judiciaire de Bobigny, M. [E] qui a formé opposition au jugement du tribunal correctionnel de Bobigny a été placé en détention à la maison d'arrêt de Villepinte par une ordonnance du juge des libertés et de la détention.
Par jugement du 18 octobre 2022 de la 15e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Bobigny, le requérant a été renvoyé des fins de la poursuite et remis en liberté. Cette décision est définitive à son égard comme en atteste le certificat de non-appel produit aux débats.
Le 01er mars 2024, M. [E] a adressé une requête au premier président de la cour d'appel de Paris en vue d'être indemnisé de sa détention provisoire en application de l'article 149 du code de procédure pénale et sollicite dans celle-ci, de :
- Déclarer recevable et bien fondée la demande d'indemnisation ;
- Allouer à M. [E] la somme de 13 312,35 euros au titre de son préjudice matériel lié à la perte des allocations d'incapacité de travail ;
- Lui allouer la somme de1 039,49 euros au titre de son préjudice matériel lié au coût des billets d'avion ;
- Lui allouer la somme de 3 600 euros au titre de son préjudice matériel lié aux frais d'avocat ;
- Lui allouer la somme de 80 000 euros au titre de son préjudice moral lié au choc carcéral et aux conditions de détention ;
- Lui allouer la somme de 2 000 euros au titre de son préjudice moral lié aux diligences effectuées pour récupérer ses effets personnels à la maison d'arrêt de [Localité 9] ;
- Lui allouer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale.
Dans ses conclusions en réponse au Ministère Public déposées le 12 février 2025 et soutenues oralement lors de l'audience de plaidoiries, M. [E] a maintenu ses demandes et sollicité de rejeter partiellement les conclusions du Ministère Public en ce qu'il ne soit pas retenu au titre du préjudice moral les conditions de détention difficiles et les diligences effectuées pour récupérer ses affaires et au titre du préjudice matériel en ce que la perte des allocations d'incapacité de travail, les frais de défense pour le référé-liberté administratif et les démarches pour récupérer ses affaires ne soient pas prises en compte.
Dans ses dernières conclusions en défense, notifiées par RPVA et déposées le 22 mai 2025, développées oralement, l'agent judiciaire de l'Etat demande au premier président de :
- Ramener à de plus justes proportions le montant alloué à M. [E] au titre du préjudice matériel à la somme de 1 200 euros ;
- Ramener à de plus justes proportions la demande formulée au titre du préjudice moral qui ne saurait excéder la somme de 18 500 euros ;
- Statuer ce que de droit s'agissant de la demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Le Ministère Public, dans ses dernières conclusions notifiées le 29 janvier 2025 et reprises oralement à l'audience, conclut :
A titre principal
- A l'irrecevabilité de la requête car le requérant ne démontre pas que le jugement est définitif ;
A titre subsidiaire
- A la recevabilité de la requête pour une durée de 175 jours ;
- A la réparation du préjudice moral dans les conditions indiquées ;
- A l'indemnisation du préjudice matériel tiré des seuls frais de défense.
SUR CE,
Sur la recevabilité
Au regard des dispositions des articles 149, 149-1, 149-2 et R.26 du code de procédure pénale, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, relaxe ou acquittement devenue définitive, a droit, à sa demande, à la réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention.
Il lui appartient dans les six mois de cette décision, de saisir le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle celle-ci a été prononcée, par une requête, signée de sa main ou d'un mandataire, remise contre récépissé ou par lettre recommandée avec accusé de réception au greffe de la cour d'appel. Cette requête doit contenir l'exposé des faits, le montant de la réparation demandée et toutes indications utiles prévues à l'article R.26 du même code.
Le délai de six mois ne court à compter de la décision définitive que si la personne a été avisée de son droit de demander réparation ainsi que des dispositions des articles 149-1, 149-2 et 149-3 du code précité.
En l'espèce, M. [E] a présenté sa requête en vue d'être indemnisé de sa détention provisoire le 01er mars 20224, ce qui n'est pas dans le délai de six mois suivant le jour où la décision de relaxe du tribunal correctionnel de Bobigny Créteil est devenue définitive. Pour autant, le droit à être indemnisé d'une détention provisoire devenue injustifiée n'a jamais été notifié à M. [E] de sorte que le point de départ du délai pour le faire n'jamais commencé à courir. Cette requête contenant l'exposé des faits, le montant de la réparation demandée, ainsi que le certificat de non-appel qui est produit aux débats, est signée par son avocat et la décision de relaxe n'est pas fondée sur un des cas d'exclusions visé à l'article 149 du code de procédure pénale.
Par conséquent, la requête du requérant est recevable pour une durée de détention de 175 jours.
Sur l'indemnisation
Sur le préjudice moral
Le requérant soutient qu'il était âgé de 58 ans au jour de son placement en détention provisoire et qu'il n'avait jamais été condamné ni en France, ni aux Pays-Bas ni au Surinam dont il est originaire. Les transferts entre les Pays-Bas et où il a été incarcéré 2 mois et la France a aggravé son préjudice moral, de même que les conditions difficiles en détention à la maison d'arrêt de [Localité 9], marquée par une surpopulation importante, des règles d'hygiène défaillantes, une promiscuité et des locaux vétustes. Ces conditions délicates sont attestées par un rapport du Contrôleur général des lieux de privation de liberté de 2017, un rapport de l'Observatoire International des Prisons, la réponse à une question écrite de 2024 et à un rapport du sénat faisant suite à une visite de la maison d'arrêt de [Localité 9] en 2024.
Son état de santé déjà fortement dégradé antérieurement à son placement en détention et la reconnaissance d'une incapacité de travail de 62,44% par l'organisme Néerlandais [8] et une rente d'incapacité, ont nécessairement rendu ses conditions de détention plus difficiles. Son état de santé s'est par ailleurs aggravé en détention avec l'apparition d'un état de stress post traumatique qui a nécessité des soins et une surveillance constante pour éviter une auto-agression de la part du requérant.
Il est également évoqué un isolement linguistique car le requérant est de nationalité surinamienne et ne parlait que le néerlandais. Cette barrière de la langue a rendu ses conditions de détention plus difficiles, alors qu'il n'a pas pu bénéficier d'un interprète lors du débat contradictoire devant le [5]. Il sollicite par ailleurs la somme de 2 00 euros au titre des difficultés pour pouvoir récupérer ses affaires en détention et que la somme de 318 euros ne lui a pas été remise. C'est pourquoi, M. [E] sollicite une somme de 82 000 euros en réparation de son préjudice moral.
L'agent judiciaire de l'Etat considère qu'au jour de son incarcération le requérant était âgé de 58 ans, n'avait jamais été condamné et jamais incarcéré. L'isolement linguistique sera retenu mais il n'est pas possible de tenir compte dans cette procédure le fait que le requérant n'ait pas été assisté par un interprète lors du débat contradictoire devant le [5]. Le rapport du [4], du Sénat et la question écrite ne sont pas concomitant à la période où le requérant était détenu et ne seront pas retenus. Par ailleurs, M. [E] n'indique pas en quoi il aurait personnellement souffert de conditions difficiles. Cet élément ne sera pas retenu au titre de l'aggravation du préjudice e moral. Par contre, l'état de santé physique et psychologique du requérant antérieurement à son placement en détention sera pris en compte. Au vu de ces différents éléments, l'AJE se propose d'allouer au requérant une somme de 18 500 euros à M. [E] en réparation de son préjudice moral.
Le Ministère Public indique que l'indemnisation du préjudice moral du requérant doit être appréciée au regard de la durée de la privation de liberté subie, 175 jours, de son absence d'antécédents judiciaires et du fait qu'il avait 58 ans au jour de son placement en détention provisoire. Son choc carcéral est doit plein et entier. Il ressort du jugement de relaxe que M. [E] ne parle pas français et qu'un interprète en langue néerlandaise a été nécessaire. L'isolement linguistique est un facteur d'aggravation de son préjudice moral. Il apparait par ailleurs que le mauvais état de santé du requérant préalablement à son incarcération a aggravé les conditions de celle-ci. La dégradation de son état de santé après sa remise en liberté qui résulte d'un état de stress post traumatique sera également retenu. Le transfert d'un centre pénitentiaire néerlandais à un établissement pénitentiaire français a aussi aggravé ses conditions de détention. Les conditions de détention difficiles et la surpopulation carcérale et la canicule de 2022 sont des éléments généraux et le requérant ne démontre pas en quoi il en aurait personnellement souffert. Concernant les diligences effectuées pour récupérer ses affaires après sa remise en liberté, constituent un différend entre l'administration pénitentiaire et M. [E] et non pas une conséquence directe de son placement en détention provisoire. Cet élément ne sera pas retenu.
Il ressort des pièces produites aux débats qu'au moment de son incarcération M. [E] avait 58 ans, séparé et père d'un enfant majeur. Par ailleurs, le bulletin numéro 1 de son casier judiciaire ne porte trace d'aucune condamnation pénale et aucune incarcération. C'est ainsi que le choc carcéral initial de M. [E] a été important.
Concernant les conditions de détention difficiles, et notamment de la surpopulation carcérale, des conditions matérielles indignes et des fouilles à corp des détenus fréquentes, le requérant fait état que d'un rapport du Contrôleur général des lieux de privation de liberté qui date de 2017, soit antérieurement à la date où il a été placé en détention provisoire. La question écrite et le rapport du Sénat datent de 2024 soit postérieurement à la période de détention. Par ailleurs, le requérant ne démontre pas, avoir personnellement subi de conditions de détention difficiles. Un rapport de l'Observation International des Prisons fait état d'une surpopulation importante de la maison d'arrêt de [Localité 9]. C'est ainsi que cet élément ne sera que partiellement retenu au titre de l'aggravation de son préjudice moral.
L'isolement linguistique de M. [E] qui a été incarcéré loin de chez lui au Surinam, qui ne parlait pas la langue française t qui a été incarcéré aux Pays-Bas puis en France est attesté et sera pris en compte au titre de l'aggravation de son préjudice moral.
Par ailleurs, M. [E] présentait des problèmes de santé importants antérieurement à son incarcération tels qu'un diabète, des difficultés cardiaques et des problèmes psychologiques importants qui ont nécessairement rendus sa détention plus difficile. En outre, l'état de stress post-traumatique diagnostiqué à sa libération démontre une aggravation de son état de santé en détention. Ces éléments seront pris en compte au titre de l'aggravation de son préjudice moral. Les démarches liées au fait de pouvoir récupérer ses affaires ne sont pas directement liées à la détention mais aux relations avec l'administration pénitentiaire et ont surtout impactées son fils et non pas le requérant lui-même.
Par contre, la durée de la détention provisoire, soit 175 jours, sera prise en compte.
Au vu de ces différents éléments, il sera alloué une somme de 19 000 euros à M. [E] en réparation de son préjudice moral.
Sur le préjudice matériel
Sur la perte d'allocations d'incapacité de travail
M. [E] indique qu'il avait travaillé tout en bénéficiant du statut de travailleur handicapé avec un taux de handicap de 62,44% à la suite d'une décision du 08 avril 2020. Le 16 mai 2022, l'organisme assurantiel [8] a suspendu l'étude du dossier de recours contre ce taux d'incapacité et a indiqué que le requérant ne toucherait plus de prestations à compter du 29 mai 2022 en raison de son incarcération. Il a contesté le taux d'incapacité retenu et, le 21 février 2023, l'organisme [8] l'a informé que son taux d'incapacité était réévalué à 100% à compter de sa sortie de prison. Dans ces conditions, il demande que l'allocation d'incapacité au taux de 100% lui soit payée pendant toute la durée de sa détention provisoire pour un montant de 13 312,35 euros.
L'agent judiciaire de l'Etat et le Ministère Public considèrent qu'il convient de rejeter cette demande indemnitaire dans la mesure où la décision qui a réévalué son taux d'incapacité a été rendu plus de 4 mois après sa sortie de la maison d'arrêt et que cette nouvelle décision ne peut pas rétroagir. Par ailleurs, le requérant ne produit aucun relevé précis des allocations versées antérieurement à sa détention, de sorte qu'il n'est pas possible de savoir qu'elle a été la perte de M. [E].
Il ressort des pièces produites aux débats que M. [E] percevait une allocation d'incapacité de travail versée par l'organisme néerlandais [8] au titre d'une incapacité de 62,44% que ce dernier a contestée. Par nouvelle décision du 22 mai 2023 l'organisme [8] a considéré qu'il convenait de réévaluer ce taux d'incapacité à 100% à compter de la décision. Dans ces conditions, il n'est pas possible de faire rétroagir ce taux réévalué à compter du jour de placement en détention provisoire du requérant. Par ailleurs, si le montant brut de cette allocation au taux de 100% est connu et justifié, aucune pièce versée aux débats ne permet de savoir quel était le montant mensuel net de l'allocation d'incapacité de travail à un taux de 62,44% que versait à M. [E] l'organisme [8], avant son incarcération et qui a été suspendu pendant cette dernière. Dans ces conditions, faute de connaître le montant de cette allocation, la demande indemnitaire sera rejetée.
Sur les frais d'avocats liés à la détention
Le requérant sollicite une somme de 3 600 euros TTC en réparation de son préjudice matériel résultant des frais de défense de son avocat en lien direct et exclusif avec le contentieux de la détention provisoire.
L'agent judiciaire de l'Etat et le Ministère Public estiment que sur les trois factures produites aux débats seule celle relative à la procédure d'appel de son placement en détention provisoire est en lien direct et exclusif avec le contentieux de la détention pour un montant de 1 200 euros. Les procédures de référé-liberté devant le tribunal administratif et les démarches pour récupérer ses affaires à la sortie de détention ne sont pas en lien avec ce contentieux et ne peuvent pas être prises en compte. L'AJE se propose donc d'allouer la somme de 1 200 euros au requérant.
Selon la jurisprudence de la Commission Nationale de Réparation des Détentions, les frais de défense ne sont pris en compte, au titre du préjudice causé par la détention, que s'ils rémunèrent des prestations directement liées à la privation de liberté et aux procédures engagées pour y mettre fin.
Par ailleurs, il appartient au requérant d'en justifier par la production de factures ou du compte établi par son défenseur avant tout paiement définitif d'honoraires, en application de l'article 12 du décret n°2005-790 du 12 juillet 2005, détaillant les démarches liées à la détention, en particulier les visites à l'établissement pénitentiaire et les diligences effectuées pour le faire cesser dans le cadre des demandes de mise en liberté. Aussi, seules peuvent être prises en considération les factures d'honoraires permettant de détailler et d'individualiser les prestations en lien exclusif avec le contentieux de la liberté.
En l'espèce, M. [E] produit aux débats trois facture d'honoraires émises par son conseil :
- La première à la procédure judiciaire en appel du placement en détention provisoire pour un montant de 1 200 euros. Ces diligences sont en lien direct et exclusif avec le contentieux de la détention et cette facture sera donc retenue ;
- La deuxième facture est relative à la procédure de référé-liberté intentée devant le tribunal administratif de Montreuil aux fins d'injonction de lui restituer ses papiers d'identité. Ces diligences ne sont pas en lien direct et exclusif avec le contentieux de la détention provisoire et ne seront donc pas retenues ;
- La troisième facture concerne les démarches accomplies par son avocat pour récupérer les affaires de M. [E] à la sortie de la détention. Elles ne sont pas non plus en lien direct et exclusif avec le contentieux d la détention et ne seront pas retenues.
C'est ainsi qu'il sera alloué l somme de 1 200 euros à M. [E] au titre des frais de défense.
Sur les frais de transport
Le requérant précise que son fils a effectué le trajet en train entre [Localité 6] et [Localité 3] puis en avion entre [Localité 3] et paris aller-retour pour venir récupérer se montre, ses effets personnels et une somme d'agent en espèce qui n'avaient pas pu lui être remis lors de sa libération. Le coût total de ce trajet aller-retour s'est élevé à la somme de 1 039,49 euros dont il demande le remboursement.
L'agent judicaire de l'Etat et le Ministère Public concluent au rejet de cette demande dans la mesure où ces dépenses n'ont pas été effectuées par le requérant mais par son fils, ce qui n'est pas indemnisable sur le fondement de l'article 149 du code de procédure pénale, et que les justificatifs ne consistent qu'en des comparateurs de prix san production des billets d'avion et de train considérés.
En l'espèce, il y a lieu de constater que n'est produit aucun justificatif de la réalité de la dépense effectuée, mais seulement un calculateur de trajet, qui l'a été par ailleurs par le fils du requérant et non pas par ce dernier, ce qui n'est pas indemnisable sur le fondement de l'article 149 du code de procédure pénal qui ne prévoit que l'indemnisation de celui qui a été placé en détention provisoire de façon injustifiée.
La demande indemnitaire sera donc rejetée.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [E] ses frais irrépétibles et une somme de 2 000 euros lui sera allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Déclarons la requête de M. [L] [E] recevable
Lui allons les sommes suivantes :
- 19 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
- 1 200 euros au titre des frais de défense ;
- 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboutons M. [L] [E] du surplus de ses demandes ;
Laissons les dépens à la charge de l'Etat ;
Décision rendue le 15 Septembre 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
LA GREFFI'RE LE MAGISTRAT DÉLÉGUÉ