CA Nouméa, ch. com., 11 septembre 2025, n° 22/00058
NOUMÉA
Arrêt
Autre
N° de minute : 2025/37
COUR D'APPEL DE NOUMÉA
Arrêt du 11 septembre 2025
Chambre commerciale
N° RG 22/00058 - N° Portalis DBWF-V-B7G-TFV
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 31 mars 2022 par le tribunal mixte de commerce de NOUMEA (RG n° 2020/186)
Saisine de la cour : 19 juillet 2022
APPELANT
SARL CMI KLEIN,
Siège social : [Adresse 1]
Représentée par Me Séverine LOSTE de la SELARL SOCIETE D'AVOCATS JURISCAL, avocat au barreau de NOUMEA
INTIMÉ
M. [E] [V]
né le 16 mai 1971 à [Localité 3],
demeurant [Adresse 2] Représenté par Me Sophie BRIANT de la SELARL SOPHIE BRIANT, avocat au barreau de NOUMEA
Représenté lors des débats par Me Jacques BERTONE avocat de la même étude et du même barreau
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 4 août 2025, en audience publique, devant la cour composée de :
M. Philippe ALLARD, Conseiller, président,
Mme Zouaouïa MAGHERBI, Conseiller,
M. Luc BRIAND, Conseiller,
qui en ont délibéré, sur le rapport de M. Philippe ALLARD.
11/09/2025 : Copie revêtue de la formule exécutoire - Me BRIANT ;
Expéditions - Me LOSTE ;
- Copie CA ; Copie TMC
Greffier lors des débats et lors de la mise à disposition : M. Petelo GOGO
ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
- signé par M. Luc BRIAND, M. Philippe ALLARD, président, étant empêché, et par M. Petelo GOGO, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.
***************************************
Par arrêt du 12 février 2024, auquel il est fait référence pour un exposé complet de la genèse et des données du litige, cette cour a :
- confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait débouté la société CMI Klein de ses demandes au titre de la violation de la clause de non-concurrence,
- infirmé pour le surplus le jugement,
- sursis à statuer les demandes respectives des parties,
- invité les parties à s'expliquer sur la portée de la lettre datée du 30 septembre 2020, adressée au conseil de M. [V], et celle de l'article 4.3 de la garantie d'actif et de passif,
- renvoyé l'affaire à une date ultérieure.
Aux termes de ses conclusions récapitulatives transmises le 30 septembre 2024, la société CMI Klein demande à la cour de :
- réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a déclaré l'opposition formée à l'encontre de l'ordonnance portant injonction de payer n° 20/252 en date du 2 juillet 2020 recevable et en ce que cette ordonnance a été mise à néant ;
- juger irrecevable la demande de M. [V] relative à l'annulation de l'article 6.3.2 de la garantie d'actif et de passif, aux motifs qu'il s'agit d'une demande nouvelle en cause d'appel ;
- en toutes hypothèses, juger cet article 6.3.2 de la garantie d'actif et de passif applicable aux réclamations, puisqu'il s'agit de dispositions générales relatives aux notifications et par conséquent applicables aux réclamations devant faire l'objet de notifications ;
- débouter M. [V] en toutes ses demandes, fins et conclusions, portant sur le paiement de la retenue effectuée sur le prix de cession à titre de garantie ;
- dire et juger recevables et bien fondées les demandes formées sur le fondement de la garantie d'actif et de passif en date du 30 septembre 2018, à l'encontre de M. [V], codébiteur solidaire avec M. [T] ;
- dire et juger que M. [V] n'a notifié aucune objection dans le délai de trente jours suite à la notification de la réclamation portant sur la garantie d'actif et de passif, formée le 30 septembre 2020, puis suite à la réclamation signifiée les 1er et 2 juin 2021, ce qui emporte acquiescement aux termes de la réclamation formée ;
- condamner M. [V] à payer à la société CMI Klein une somme de 101 000 000 FCFP au titre de la garantie d'actif et de passif souscrite le 30 septembre 2018, outre une somme forfaitaire de 50 000 000 FCFP, selon les termes de l'indemnité contractuelle prévue au sein de l'acte de cession du 30 septembre 2018 ainsi qu'une somme de 1.000.000 FCFP par jour depuis le 29 août 2020, date d'effectivité de la mise en demeure d'avoir à cesser tout acte de concurrence déloyale ;
- condamner M. [V] à payer à la société CMI Klein la somme de 500.000 FCFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens distraits au profit de
la selarl Juriscal.
Dans des conclusions récapitulatives transmises le 31 octobre 2024, M. [V] prie la cour de :
- confirmer la décision entreprise en ce qu'il a débouté la société CMI Klein de sa demande de mise en jeu de la garantie d'actif et de passif ;
- juger, en tout état de cause, que M. [V] a fait valoir sa contestation par courrier officiel de son conseil en date du 17 septembre 2020 ;
- juger que les mises en demeure réitératives n'appelaient pas de nouvelles contestations, la juridiction commerciale étant, en tout état de cause, saisie de la contestation de M. [V] ;
- juger que la réclamation, s'agissant des deux premières échéances, a été faite dans le délai contractuel, de sorte que la mise en jeu de la garantie d'actif et de passif est irrecevable ;
en conséquence,
- condamner la société CMI Klein à payer à M. [V] la somme de 8.800.000 FCFP augmentée des intérêts au taux légal à compter du 11 mars 2020 sur la somme de 4.400.000 FCFP et à compter du 30 septembre 2020 s'agissant de la seconde échéance, soit sur la somme de 4.400.000 FCFP ;
s'agissant de la troisième échéance,
- juger que celle-ci est également due, aucun élément juridique ou contractuel contenu à la garantie d'actif et de passif n'étant allégué comme pouvant permettre de la mettre enjeu ;
- condamner la société CMI Klein à payer à M. [V] la somme de 4.400.000 FCFP au titre de la troisième échéance, augmentée des intérêts au taux légal à compter du jugement, soit à compter du 31 mars 2022 ;
au fond, à titre encore plus subsidiaire, sur le mal fondé de la mise en cause de la garantie d'actif et de passif,
- s'agissant des pertes alléguées du fait de la sous-évaluation des marchés, juger que la société CMI Klein n'indique pas sur quel fondement elle met en jeu la garantie d'actif et de passif ;
- juger que la société CMI Klein n'apporte à aucun moment la preuve de l'origine des soi-disant pertes subies au titre des projets Quai Ferry et Bissora, lesquelles ne sont, en tout état de cause, pas antérieures à la cession, ni au bilan de référence ;
- juger que la société CMI Klein n'apporte à aucun moment la preuve de la perte du caractère déficitaire des deux chantiers Quai Ferry et Bissora, qui pourraient permettre de mettre en jeu la garantie d'actif et de passif ;
- débouter la société CMI Klein de sa demande d'indemnisation à hauteur de 51 000 000 FCFP ;
en tout état de cause,
- constater que le montant d'indemnisation sollicité excède le maximum prévu contractuellement par les parties, celui-ci ne pouvant dépasser la somme de 24.000.000 FCFP ;
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société CMI Klein à payer à M. [V] la somme de 300 000 FCFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société CMI Klein à payer à M. [V] la somme de 560 000 FCFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles d'appel ;
- condamner la société CMI Klein aux entiers dépens de l'instance de première instance et d'appel.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 2 juin 2025.
Sur ce, la cour,
1) La société CMI Klein maintient dans ses dernières conclusions sa demande en paiement d'une somme de 50 000 000 FCFP au titre de l'indemnité contractuelle prévue par l'acte de cession du 30 septembre 2018 ainsi que sa demande en cessation de l'activité jugée déloyale de son adversaire, sous astreinte.
L'indemnité forfaitaire de 50.000.000 FCFP, dont le paiement est poursuivi par l'appelante, est prévue dans la clause « Non-concurrence et non-sollicitation » et a pour vocation d'indemniser la violation des engagements de non-concurrence et de non-sollicitation souscrits par les vendeurs. Or, dans son arrêt du 12 février 2024, cette cour a d'ores et déjà débouté la société CMI Klein de ses demandes au titre de la violation de la clause de non-concurrence. Il n'y a pas lieu de les examiner à nouveau.
Il en résulte que le litige demeure circonscrit au paiement du solde du prix de vente sollicité par M. [V] et à la mise en oeuvre de la garantie d'actif et de passif sollicitée par la société CMI Klein.
2) M. [V] excipe de l'irrecevabilité de la demande formulée au titre de la garantie d'actif et de passif en reprochant à son adversaire de ne pas l'avoir régulièrement mise en oeuvre, puisque ni la lettre en date du 30 septembre 2020, notifiée le 1er octobre 2020, ni celle délivrée le 2 juin 2021, ne répondaient aux exigences de l'article 5.1. La société CMI Klein conteste toute forclusion en faisant valoir que lettre du 30 septembre 2020 répond aux exigences posées par l'article 5.1 de la convention de garantie d'actif et de passif et que de toute manière, sa réclamation a été réitérée selon mise en demeure du 31 mai 2021.
L'article 5.1 de la convention de garantie, intitulé « Notification des réclamations », dispose :
« Afin d'introduire une Réclamation à l'encontre des Garants, l'Acheteur notifiera à ceux-ci,
dans les délais visés à l'article 4.1, une description des éléments juridiques et factuels sur
lesquels la Réclamation est fondée, ainsi que, dans la mesure du possible, une première
estimation du montant du Dommage ou autre préjudice. »
L'article 4.1, intitulé « Délais de prescription », précise :
« Les Garants ne seront pas tenus d'indemniser le Bénéficiaire au titre d'une Réclamation si
celle-ci ne leur est pas notifiée par l'Acheteur conformément à l'article 5.1 :
4.1.1 dans un délai de dix (10) ans à compter de la date de la Garantie, et ce pour toute
Réclamation fondée sur un Manquement aux Déclarations relatives à la capacité des Garants, la constitution et l'existence des Sociétés et la propriété des Parts Sociales ;
4.1.2 dans les soixante (60) jours à compter de la date à laquelle le droit de l'administration fiscale ou de toute autre administration compétente d'enrôler ou de réclamer tout Impôt ou Cotisation Sociale afférent aux faits donnant lieu à une telle Réclamation est prescrit en vertu de toute disposition légale ou réglementaire applicable, et ce pour toute Réclamation fondée sur un Manquement à l'une des Déclarations en matière d'Impôts ou de Cotisation Sociale ;
4.1.1 au plus tard trois (3) ans après la Cession pour toute autre Réclamation. »
La cession étant intervenue le 30 septembre 2018, la société CMI Klein disposait d'un délai expirant le 30 septembre 2021 pour formuler une réclamation au sens de la convention de garantie d'actif et de passif. Les deux lettres de réclamation invoquées par la société CMI Klein (la première datée du 30 septembre 2020, la seconde du 31 mai 2021) ont été notifiées dans les trois années de la cession.
La première lettre dans laquelle la garantie d'actif et de passif a été évoquée est datée du 30 septembre 2020 ; en effet, les précédentes réclamations formulées pour le compte de la société CMI Klein dénonçaient une violation de l'obligation de non-concurrence souscrite par M. [V].
Dans cette réponse à une lettre du conseil de M. [V] qui avait dénié toute violation de la clause de non-concurrence et repoussé la demande formulée au titre de l'indemnité forfaitaire, Me Loste, le conseil de la société CMI Klein, réitérait ses demandes motivées par les actes de concurrence déloyale allégués mais ajoutait :
« Enfin, dans le cadre de la garantie d'actif et de passif signée par nos clients, je suis contrainte de vous informer que la société AEI SNC a subi deux pertes très importantes au titre de deux marchés, dont les devis avaient été réalisés par Mr [V] préalablement à la cession intervenue le 30 septembre 2018, dont il s'est avéré que ces devis avaient été volontairement sous-évalués pour être obtenus et augmenter les « actifs » de la société AEI SNC, et dont l'exécution a été menée par Mr [V], mais qui se sont révélés avoir été souscrits à perte.
Ainsi, la société AEI SNC a subi une perte de 22 millions de francs CFP sur le projet BISSORA - agencement de bureaux - et une perte de 29 millions de francs CFP sur le projet QUAI FERRY (cf. le rapport du commissaire aux comptes).
L'origine de ces pertes est antérieure à la signature de l'acte de cession, et n'est due qu'à la sous-évaluation des devis réalisés pour tromper la foi des acquéreurs lors des négociations : ces pertes relèvent dès lors de la garantie due par Mr [V].
Enfin, eu égard à la créance due par Mr [V] à la société CMI KLEIN du fait de la violation de certaines dispositions de l'acte de cession du 30 septembre 2018, et au vu des pertes subies par AEI SNC devant être prises en charge dans le cadre de la garantie d'actif et de passif, la société CMI KLEIN informe officiellement Mr [V] de son refus de régler la quote-part de la retenue de la garantie exigible au 30.09.2019 et celle exigible au 30.09.2020.
La société CMI KLEIN invoque, en outre et si besoin était, l'exception d'inexécution, c'est-à-dire son droit de légitime défense contractuelle et entend suspendre l'exécution de toutes ses obligations tant que son cocontractant n'a pas exécuté les siennes.
En conséquence de tout ce qui a été exposé ci-dessus, nous restons donc dans l'attente du paiement de la somme forfaitaire indemnitaire de 50 millions de francs CFP, outre la somme de 1.000.000 F CFP par jour d'infraction réalisée, tel que prévu contractuellement, et la preuve de la cessation de toute activité concurrente. »
Cette lettre, dans laquelle la société CMI Klein ne formulait une demande précise qu'au titre de la violation de l'obligation de non-concurrence et évoquait les pertes sur les marchés Bissora et Quai Ferry, de manière accessoire, pour justifier le rejet de la demande en paiement du solde du prix de vente dont était déjà saisi le tribunal mixte de commerce de Nouméa, ne valait pas réclamation au sens de la convention de garantie. En conséquence, l'appelante n'est pas fondée à se retrancher derrière l'article 6.3.2 de cette convention pour dénier à son adversaire le droit de discuter les prétentions qu'elle formule au titre de la garantie d'actif et de passif.
Selon lettre datée du 31 mai 2021, remise le 2 juin 2021 à M. [V], la société CMI Klein a mis en demeure son cocontractant de payer une somme de 51.000.000 FCFP « au titre des pertes subies sur les deux marchés précités, volontairement sous-évalués », à savoir les marchés Bissora et Quai Ferry, ainsi qu'une somme de 50.000.000 FCFP « du fait de la perte des marchés pillés par la nouvelle structure créée par les anciens salariés de AEI SNC ». Une telle lettre valait réclamation. Il importe peu que cette réclamation ait été formulée postérieurement au dépôt de conclusions par lesquelles la société CMI Klein avait sollicité le paiement de ces sommes au titre de la garantie d'actif et de passif dans la mesure où cette réclamation a été adressée dans les trois années de la cession et où l'éventuel vice tenant à un défaut de réclamation préalable à la saisine de la juridiction a ainsi été couvert.
Le moyen tiré de l'irrecevabilité de la mise en jeu de la garantie d'actif et de passif sera écarté.
3) La somme de 101.000.000 FCFP dont le paiement est réclamé au titre de la garantie d'actif et de passif, recouvre :
- d'une part, une perte de 51.000.000 FCFP enregistrée sur deux marchés conclus avant la cession au visa de devis qui auraient été « volontairement sous-évalués » par M. [V],
- d'autre part, la perte de « marchés pillés par la nouvelle structure créée par les anciens salariés de AEI SNC » pour un montant de 50.000.000 FCFP.
4) Aux termes de l'article 3.1 de la convention de garantie d'actif et de passif, les « garants », à savoir MM. [V] et [T] se sont engagés à « indemniser l'Acheteur ou la Société concernée (...) au choix de l'Acheteur :
3.1.1 de tout Dommage encouru par la Société concernée ou l'Acheteur et résultant de tout Manquement à l'une quelconque des Déclarations, à savoir tout Dommage encouru par les Sociétés ou l'Acheteur, qui ne l'aurait pas été si tous les faits allégués dans les Déclarations avaient été exacts, sincères et complets ;
3.1.2 de toute obligation, dette ou autre élément de passif (de quelque nature que ce soit) des Sociétés trouvant sa cause ou son origine dans un fait intervenu au plus tard à la date de clôture des Comptes de Référence, non comptabilisé ou insuffisamment comptabilisé dans les Comptes de référence ;
3.1.3 de tout Impôt et/ou Cotisation sociale qui seraient supportés par les Sociétés et de tout avantage fiscal (...) qui serait remis en cause, suite à tout redressement ou acte d'un tiers et notamment de l'administration concernant une période antérieure à la Date de la cession ...
3.1.4 de toute surévaluation d'éléments d'actif dans les Comptes de Référence ou de tout réduction de valeur de ces éléments d'actif trouvant sa cause ou son origine dans un fait intervenu au plus tard à la Date de la Cession. »
5) Dans une attestation datée du 1er juin 2021, M. [K], commissaire aux comptes de la société Automatisme électricité industrielle (A.E.I.) « depuis l'exercice clos le 31/12/2018 suite à la prise de contrôle par la société CMI Klein », écrit :
« a) Lors de nos travaux d'audit des comptes au 31/12/201 8, nous avons mis en évidence une perte potentielle sur le chantier Quai Ferry (client Secal), chantier en cours de réalisation à la date de clôture des comptes. Les normes comptables veulent que les pertes probables sur les chantiers en cours soient provisionnées dès qu'elles sont connues. A ce titre, nous avons fait comptabiliser une perte à venir (perte à terminaison) de 10 MF pour que les comptes présentés reflètent la réalité. Le suivi comptable de ce chantier a été poursuivi jusqu'à son terme, confirmant que ce chantier a généré une perte globale proche de 29 MF pour un chiffre d'affaires d'environ 114 MF.
b) De même, le chantier de la Sci Bissora (aménagement de bureaux, client Tropic) réalisé sur les années 2018 et 2019 a généré une perte proche de 22 MF pour un chiffre d'affaires de 45 MF. Ce chantier, en cours au 31/12/2018 a été achevé dans le courant de l'année 2019. »
Il sera rappelé que la société HDB industries, dont la totalité des parts avaient été rachetées par la société CMI Klein à MM. [V] et [T], détenait 99 parts sur les 100 composant le capital social de la société Automatismes électricité industrielle, la dernière part appartenant à la société AEI nord, dont les parts avaient parallèlement été vendues à la société CMI Klein.
Selon l'article 1.1.1 de la convention de garantie, les comptes de référence correspondent aux « comptes sociaux (comprenant le bilan, le compte de résultat et l'annexe) au 30 juin 2018 de HDB Industries (qui figurent en annexe 1 des présentes) et au 31 décembre 2017 de AEI Nord et AEI (qui figurent respectivement en Annexe 2 et en Annexe 3 des présentes). »
La cour observe :
- que la société CMI Klein n'explicite pas en quoi la nécessité d'inscrire une provision pour perte au bilan de la société A.E.I. clos le 31 décembre 2018 remettrait en cause la sincérité des bilans de référence au vu desquels le prix de cession avait été arrêté ;
- que plus généralement, l'appelante, qui ne verse aucune pièce comptable, ne démontre pas que les marchés litigieux Quai Ferry et Bissora avaient été pris en compte lors de l'établissement des bilans de référence ;
- qu'il n'est pas prétendu que la signature de ces deux marchés ou que des documents contractuels en lien avec ces marchés auraient été dissimulés à la société CMI Klein, lors des négociations ;
- que l'origine des pertes enregistrées n'est pas déterminée.
En l'état du dossier, la cour n'est pas en mesure de lier les pertes alléguées sur ces deux marchés à un élément de passif qui n'aurait pas été comptabilisé ou aurait été insuffisamment comptabilisé dans les comptes de référence, ou à un comportement sournois des cédants lors des négociations.
La société CMI Klein sera en conséquence déboutée de sa demande en paiement d'une somme de 51.000.000 FCFP.
6) Par ailleurs, la société CMI Klein soutient que M. [V] est l'instigateur de la démission de Mme [W] [L], assistante de direction, intervenue le 12 décembre 2019 puis de celles de quatre salariés intervenues le 13 janvier 2020, qui ont constitué une entreprise concurrente.
Sans doute, M. [V] a fait la déclaration suivante dans la convention de garantie d'actif et de passif (article 2.4.1 (e)) : « Aucun salarié n'a donné son préavis à l'une des sociétés et à la connaissance des gérants aucun d'entre eux n'envisage de mettre fin à son contrat de travail ». Il ne s'est pas pour autant porte-fort de l'attitude qu'auraient les salariés de la société reprise plus d'une année après la cession.
La seule circonstance que M. [V] soit allé le 15 mai 2020, au cours d'une surveillance qui s'était déroulée du 15 mars au 26 juin 2020, dans les locaux de la société Aggreko-Dynatech qui avait engagé Mme [W] [L] à la suite de sa démission, est insuffisante pour établir que l'intimé est à l'initiative des démissions.
La société CMI Klein qui ne démontre pas que M. [V] est responsable de la perte de marchés d'une valeur de 50.000.000 FCFP sera également déboutée de ce chef de demande.
7) Le solde du prix de cession retenu par la société CMI Klein pour garantir l'exécution de la convention de garantie d'actif et de passif (26.400.000 FCFP) avait vocation à être libéré « le dernier jour du 12ème mois puis du 24ème mois et enfin du 36ème mois suivant celui de la Date de Transfert ». Les réclamations de la société CMI Klein ayant été rejetées, ce solde est exigible.
En conséquence, et pour tenir compte des dates auxquelles les demandes en paiement des échéances ont été formulées, la société CMI Klein sera condamnée à payer :
- 4 400 000 FCFP outre intérêts au taux légal à compter du 11 mars 2020
- 4 400 000 FCFP outre intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2020
- 4 400 000 FCFP outre intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2022.
Par ces motifs
La cour,
Déboute la société CMI Klein de ses demandes indemnitaires formulées au titre de la garantie d'actif et de passif ;
Condamne la société CMI Klein à payer à M. [V], au titre du solde du prix de cession, les sommes de :
- 4 400 000 FCFP outre intérêts au taux légal à compter du 11 mars 2020
- 4 400 000 FCFP outre intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2020
- 4 400 000 FCFP outre intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2022 ;
Condamne la société CMI Klein à payer à M. [V] la somme de 450.000 FCFP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société CMI Klein aux dépens de première instance et d'appel.
Le greffier, Le président.
COUR D'APPEL DE NOUMÉA
Arrêt du 11 septembre 2025
Chambre commerciale
N° RG 22/00058 - N° Portalis DBWF-V-B7G-TFV
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 31 mars 2022 par le tribunal mixte de commerce de NOUMEA (RG n° 2020/186)
Saisine de la cour : 19 juillet 2022
APPELANT
SARL CMI KLEIN,
Siège social : [Adresse 1]
Représentée par Me Séverine LOSTE de la SELARL SOCIETE D'AVOCATS JURISCAL, avocat au barreau de NOUMEA
INTIMÉ
M. [E] [V]
né le 16 mai 1971 à [Localité 3],
demeurant [Adresse 2] Représenté par Me Sophie BRIANT de la SELARL SOPHIE BRIANT, avocat au barreau de NOUMEA
Représenté lors des débats par Me Jacques BERTONE avocat de la même étude et du même barreau
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 4 août 2025, en audience publique, devant la cour composée de :
M. Philippe ALLARD, Conseiller, président,
Mme Zouaouïa MAGHERBI, Conseiller,
M. Luc BRIAND, Conseiller,
qui en ont délibéré, sur le rapport de M. Philippe ALLARD.
11/09/2025 : Copie revêtue de la formule exécutoire - Me BRIANT ;
Expéditions - Me LOSTE ;
- Copie CA ; Copie TMC
Greffier lors des débats et lors de la mise à disposition : M. Petelo GOGO
ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
- signé par M. Luc BRIAND, M. Philippe ALLARD, président, étant empêché, et par M. Petelo GOGO, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.
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Par arrêt du 12 février 2024, auquel il est fait référence pour un exposé complet de la genèse et des données du litige, cette cour a :
- confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait débouté la société CMI Klein de ses demandes au titre de la violation de la clause de non-concurrence,
- infirmé pour le surplus le jugement,
- sursis à statuer les demandes respectives des parties,
- invité les parties à s'expliquer sur la portée de la lettre datée du 30 septembre 2020, adressée au conseil de M. [V], et celle de l'article 4.3 de la garantie d'actif et de passif,
- renvoyé l'affaire à une date ultérieure.
Aux termes de ses conclusions récapitulatives transmises le 30 septembre 2024, la société CMI Klein demande à la cour de :
- réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a déclaré l'opposition formée à l'encontre de l'ordonnance portant injonction de payer n° 20/252 en date du 2 juillet 2020 recevable et en ce que cette ordonnance a été mise à néant ;
- juger irrecevable la demande de M. [V] relative à l'annulation de l'article 6.3.2 de la garantie d'actif et de passif, aux motifs qu'il s'agit d'une demande nouvelle en cause d'appel ;
- en toutes hypothèses, juger cet article 6.3.2 de la garantie d'actif et de passif applicable aux réclamations, puisqu'il s'agit de dispositions générales relatives aux notifications et par conséquent applicables aux réclamations devant faire l'objet de notifications ;
- débouter M. [V] en toutes ses demandes, fins et conclusions, portant sur le paiement de la retenue effectuée sur le prix de cession à titre de garantie ;
- dire et juger recevables et bien fondées les demandes formées sur le fondement de la garantie d'actif et de passif en date du 30 septembre 2018, à l'encontre de M. [V], codébiteur solidaire avec M. [T] ;
- dire et juger que M. [V] n'a notifié aucune objection dans le délai de trente jours suite à la notification de la réclamation portant sur la garantie d'actif et de passif, formée le 30 septembre 2020, puis suite à la réclamation signifiée les 1er et 2 juin 2021, ce qui emporte acquiescement aux termes de la réclamation formée ;
- condamner M. [V] à payer à la société CMI Klein une somme de 101 000 000 FCFP au titre de la garantie d'actif et de passif souscrite le 30 septembre 2018, outre une somme forfaitaire de 50 000 000 FCFP, selon les termes de l'indemnité contractuelle prévue au sein de l'acte de cession du 30 septembre 2018 ainsi qu'une somme de 1.000.000 FCFP par jour depuis le 29 août 2020, date d'effectivité de la mise en demeure d'avoir à cesser tout acte de concurrence déloyale ;
- condamner M. [V] à payer à la société CMI Klein la somme de 500.000 FCFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens distraits au profit de
la selarl Juriscal.
Dans des conclusions récapitulatives transmises le 31 octobre 2024, M. [V] prie la cour de :
- confirmer la décision entreprise en ce qu'il a débouté la société CMI Klein de sa demande de mise en jeu de la garantie d'actif et de passif ;
- juger, en tout état de cause, que M. [V] a fait valoir sa contestation par courrier officiel de son conseil en date du 17 septembre 2020 ;
- juger que les mises en demeure réitératives n'appelaient pas de nouvelles contestations, la juridiction commerciale étant, en tout état de cause, saisie de la contestation de M. [V] ;
- juger que la réclamation, s'agissant des deux premières échéances, a été faite dans le délai contractuel, de sorte que la mise en jeu de la garantie d'actif et de passif est irrecevable ;
en conséquence,
- condamner la société CMI Klein à payer à M. [V] la somme de 8.800.000 FCFP augmentée des intérêts au taux légal à compter du 11 mars 2020 sur la somme de 4.400.000 FCFP et à compter du 30 septembre 2020 s'agissant de la seconde échéance, soit sur la somme de 4.400.000 FCFP ;
s'agissant de la troisième échéance,
- juger que celle-ci est également due, aucun élément juridique ou contractuel contenu à la garantie d'actif et de passif n'étant allégué comme pouvant permettre de la mettre enjeu ;
- condamner la société CMI Klein à payer à M. [V] la somme de 4.400.000 FCFP au titre de la troisième échéance, augmentée des intérêts au taux légal à compter du jugement, soit à compter du 31 mars 2022 ;
au fond, à titre encore plus subsidiaire, sur le mal fondé de la mise en cause de la garantie d'actif et de passif,
- s'agissant des pertes alléguées du fait de la sous-évaluation des marchés, juger que la société CMI Klein n'indique pas sur quel fondement elle met en jeu la garantie d'actif et de passif ;
- juger que la société CMI Klein n'apporte à aucun moment la preuve de l'origine des soi-disant pertes subies au titre des projets Quai Ferry et Bissora, lesquelles ne sont, en tout état de cause, pas antérieures à la cession, ni au bilan de référence ;
- juger que la société CMI Klein n'apporte à aucun moment la preuve de la perte du caractère déficitaire des deux chantiers Quai Ferry et Bissora, qui pourraient permettre de mettre en jeu la garantie d'actif et de passif ;
- débouter la société CMI Klein de sa demande d'indemnisation à hauteur de 51 000 000 FCFP ;
en tout état de cause,
- constater que le montant d'indemnisation sollicité excède le maximum prévu contractuellement par les parties, celui-ci ne pouvant dépasser la somme de 24.000.000 FCFP ;
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société CMI Klein à payer à M. [V] la somme de 300 000 FCFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société CMI Klein à payer à M. [V] la somme de 560 000 FCFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles d'appel ;
- condamner la société CMI Klein aux entiers dépens de l'instance de première instance et d'appel.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 2 juin 2025.
Sur ce, la cour,
1) La société CMI Klein maintient dans ses dernières conclusions sa demande en paiement d'une somme de 50 000 000 FCFP au titre de l'indemnité contractuelle prévue par l'acte de cession du 30 septembre 2018 ainsi que sa demande en cessation de l'activité jugée déloyale de son adversaire, sous astreinte.
L'indemnité forfaitaire de 50.000.000 FCFP, dont le paiement est poursuivi par l'appelante, est prévue dans la clause « Non-concurrence et non-sollicitation » et a pour vocation d'indemniser la violation des engagements de non-concurrence et de non-sollicitation souscrits par les vendeurs. Or, dans son arrêt du 12 février 2024, cette cour a d'ores et déjà débouté la société CMI Klein de ses demandes au titre de la violation de la clause de non-concurrence. Il n'y a pas lieu de les examiner à nouveau.
Il en résulte que le litige demeure circonscrit au paiement du solde du prix de vente sollicité par M. [V] et à la mise en oeuvre de la garantie d'actif et de passif sollicitée par la société CMI Klein.
2) M. [V] excipe de l'irrecevabilité de la demande formulée au titre de la garantie d'actif et de passif en reprochant à son adversaire de ne pas l'avoir régulièrement mise en oeuvre, puisque ni la lettre en date du 30 septembre 2020, notifiée le 1er octobre 2020, ni celle délivrée le 2 juin 2021, ne répondaient aux exigences de l'article 5.1. La société CMI Klein conteste toute forclusion en faisant valoir que lettre du 30 septembre 2020 répond aux exigences posées par l'article 5.1 de la convention de garantie d'actif et de passif et que de toute manière, sa réclamation a été réitérée selon mise en demeure du 31 mai 2021.
L'article 5.1 de la convention de garantie, intitulé « Notification des réclamations », dispose :
« Afin d'introduire une Réclamation à l'encontre des Garants, l'Acheteur notifiera à ceux-ci,
dans les délais visés à l'article 4.1, une description des éléments juridiques et factuels sur
lesquels la Réclamation est fondée, ainsi que, dans la mesure du possible, une première
estimation du montant du Dommage ou autre préjudice. »
L'article 4.1, intitulé « Délais de prescription », précise :
« Les Garants ne seront pas tenus d'indemniser le Bénéficiaire au titre d'une Réclamation si
celle-ci ne leur est pas notifiée par l'Acheteur conformément à l'article 5.1 :
4.1.1 dans un délai de dix (10) ans à compter de la date de la Garantie, et ce pour toute
Réclamation fondée sur un Manquement aux Déclarations relatives à la capacité des Garants, la constitution et l'existence des Sociétés et la propriété des Parts Sociales ;
4.1.2 dans les soixante (60) jours à compter de la date à laquelle le droit de l'administration fiscale ou de toute autre administration compétente d'enrôler ou de réclamer tout Impôt ou Cotisation Sociale afférent aux faits donnant lieu à une telle Réclamation est prescrit en vertu de toute disposition légale ou réglementaire applicable, et ce pour toute Réclamation fondée sur un Manquement à l'une des Déclarations en matière d'Impôts ou de Cotisation Sociale ;
4.1.1 au plus tard trois (3) ans après la Cession pour toute autre Réclamation. »
La cession étant intervenue le 30 septembre 2018, la société CMI Klein disposait d'un délai expirant le 30 septembre 2021 pour formuler une réclamation au sens de la convention de garantie d'actif et de passif. Les deux lettres de réclamation invoquées par la société CMI Klein (la première datée du 30 septembre 2020, la seconde du 31 mai 2021) ont été notifiées dans les trois années de la cession.
La première lettre dans laquelle la garantie d'actif et de passif a été évoquée est datée du 30 septembre 2020 ; en effet, les précédentes réclamations formulées pour le compte de la société CMI Klein dénonçaient une violation de l'obligation de non-concurrence souscrite par M. [V].
Dans cette réponse à une lettre du conseil de M. [V] qui avait dénié toute violation de la clause de non-concurrence et repoussé la demande formulée au titre de l'indemnité forfaitaire, Me Loste, le conseil de la société CMI Klein, réitérait ses demandes motivées par les actes de concurrence déloyale allégués mais ajoutait :
« Enfin, dans le cadre de la garantie d'actif et de passif signée par nos clients, je suis contrainte de vous informer que la société AEI SNC a subi deux pertes très importantes au titre de deux marchés, dont les devis avaient été réalisés par Mr [V] préalablement à la cession intervenue le 30 septembre 2018, dont il s'est avéré que ces devis avaient été volontairement sous-évalués pour être obtenus et augmenter les « actifs » de la société AEI SNC, et dont l'exécution a été menée par Mr [V], mais qui se sont révélés avoir été souscrits à perte.
Ainsi, la société AEI SNC a subi une perte de 22 millions de francs CFP sur le projet BISSORA - agencement de bureaux - et une perte de 29 millions de francs CFP sur le projet QUAI FERRY (cf. le rapport du commissaire aux comptes).
L'origine de ces pertes est antérieure à la signature de l'acte de cession, et n'est due qu'à la sous-évaluation des devis réalisés pour tromper la foi des acquéreurs lors des négociations : ces pertes relèvent dès lors de la garantie due par Mr [V].
Enfin, eu égard à la créance due par Mr [V] à la société CMI KLEIN du fait de la violation de certaines dispositions de l'acte de cession du 30 septembre 2018, et au vu des pertes subies par AEI SNC devant être prises en charge dans le cadre de la garantie d'actif et de passif, la société CMI KLEIN informe officiellement Mr [V] de son refus de régler la quote-part de la retenue de la garantie exigible au 30.09.2019 et celle exigible au 30.09.2020.
La société CMI KLEIN invoque, en outre et si besoin était, l'exception d'inexécution, c'est-à-dire son droit de légitime défense contractuelle et entend suspendre l'exécution de toutes ses obligations tant que son cocontractant n'a pas exécuté les siennes.
En conséquence de tout ce qui a été exposé ci-dessus, nous restons donc dans l'attente du paiement de la somme forfaitaire indemnitaire de 50 millions de francs CFP, outre la somme de 1.000.000 F CFP par jour d'infraction réalisée, tel que prévu contractuellement, et la preuve de la cessation de toute activité concurrente. »
Cette lettre, dans laquelle la société CMI Klein ne formulait une demande précise qu'au titre de la violation de l'obligation de non-concurrence et évoquait les pertes sur les marchés Bissora et Quai Ferry, de manière accessoire, pour justifier le rejet de la demande en paiement du solde du prix de vente dont était déjà saisi le tribunal mixte de commerce de Nouméa, ne valait pas réclamation au sens de la convention de garantie. En conséquence, l'appelante n'est pas fondée à se retrancher derrière l'article 6.3.2 de cette convention pour dénier à son adversaire le droit de discuter les prétentions qu'elle formule au titre de la garantie d'actif et de passif.
Selon lettre datée du 31 mai 2021, remise le 2 juin 2021 à M. [V], la société CMI Klein a mis en demeure son cocontractant de payer une somme de 51.000.000 FCFP « au titre des pertes subies sur les deux marchés précités, volontairement sous-évalués », à savoir les marchés Bissora et Quai Ferry, ainsi qu'une somme de 50.000.000 FCFP « du fait de la perte des marchés pillés par la nouvelle structure créée par les anciens salariés de AEI SNC ». Une telle lettre valait réclamation. Il importe peu que cette réclamation ait été formulée postérieurement au dépôt de conclusions par lesquelles la société CMI Klein avait sollicité le paiement de ces sommes au titre de la garantie d'actif et de passif dans la mesure où cette réclamation a été adressée dans les trois années de la cession et où l'éventuel vice tenant à un défaut de réclamation préalable à la saisine de la juridiction a ainsi été couvert.
Le moyen tiré de l'irrecevabilité de la mise en jeu de la garantie d'actif et de passif sera écarté.
3) La somme de 101.000.000 FCFP dont le paiement est réclamé au titre de la garantie d'actif et de passif, recouvre :
- d'une part, une perte de 51.000.000 FCFP enregistrée sur deux marchés conclus avant la cession au visa de devis qui auraient été « volontairement sous-évalués » par M. [V],
- d'autre part, la perte de « marchés pillés par la nouvelle structure créée par les anciens salariés de AEI SNC » pour un montant de 50.000.000 FCFP.
4) Aux termes de l'article 3.1 de la convention de garantie d'actif et de passif, les « garants », à savoir MM. [V] et [T] se sont engagés à « indemniser l'Acheteur ou la Société concernée (...) au choix de l'Acheteur :
3.1.1 de tout Dommage encouru par la Société concernée ou l'Acheteur et résultant de tout Manquement à l'une quelconque des Déclarations, à savoir tout Dommage encouru par les Sociétés ou l'Acheteur, qui ne l'aurait pas été si tous les faits allégués dans les Déclarations avaient été exacts, sincères et complets ;
3.1.2 de toute obligation, dette ou autre élément de passif (de quelque nature que ce soit) des Sociétés trouvant sa cause ou son origine dans un fait intervenu au plus tard à la date de clôture des Comptes de Référence, non comptabilisé ou insuffisamment comptabilisé dans les Comptes de référence ;
3.1.3 de tout Impôt et/ou Cotisation sociale qui seraient supportés par les Sociétés et de tout avantage fiscal (...) qui serait remis en cause, suite à tout redressement ou acte d'un tiers et notamment de l'administration concernant une période antérieure à la Date de la cession ...
3.1.4 de toute surévaluation d'éléments d'actif dans les Comptes de Référence ou de tout réduction de valeur de ces éléments d'actif trouvant sa cause ou son origine dans un fait intervenu au plus tard à la Date de la Cession. »
5) Dans une attestation datée du 1er juin 2021, M. [K], commissaire aux comptes de la société Automatisme électricité industrielle (A.E.I.) « depuis l'exercice clos le 31/12/2018 suite à la prise de contrôle par la société CMI Klein », écrit :
« a) Lors de nos travaux d'audit des comptes au 31/12/201 8, nous avons mis en évidence une perte potentielle sur le chantier Quai Ferry (client Secal), chantier en cours de réalisation à la date de clôture des comptes. Les normes comptables veulent que les pertes probables sur les chantiers en cours soient provisionnées dès qu'elles sont connues. A ce titre, nous avons fait comptabiliser une perte à venir (perte à terminaison) de 10 MF pour que les comptes présentés reflètent la réalité. Le suivi comptable de ce chantier a été poursuivi jusqu'à son terme, confirmant que ce chantier a généré une perte globale proche de 29 MF pour un chiffre d'affaires d'environ 114 MF.
b) De même, le chantier de la Sci Bissora (aménagement de bureaux, client Tropic) réalisé sur les années 2018 et 2019 a généré une perte proche de 22 MF pour un chiffre d'affaires de 45 MF. Ce chantier, en cours au 31/12/2018 a été achevé dans le courant de l'année 2019. »
Il sera rappelé que la société HDB industries, dont la totalité des parts avaient été rachetées par la société CMI Klein à MM. [V] et [T], détenait 99 parts sur les 100 composant le capital social de la société Automatismes électricité industrielle, la dernière part appartenant à la société AEI nord, dont les parts avaient parallèlement été vendues à la société CMI Klein.
Selon l'article 1.1.1 de la convention de garantie, les comptes de référence correspondent aux « comptes sociaux (comprenant le bilan, le compte de résultat et l'annexe) au 30 juin 2018 de HDB Industries (qui figurent en annexe 1 des présentes) et au 31 décembre 2017 de AEI Nord et AEI (qui figurent respectivement en Annexe 2 et en Annexe 3 des présentes). »
La cour observe :
- que la société CMI Klein n'explicite pas en quoi la nécessité d'inscrire une provision pour perte au bilan de la société A.E.I. clos le 31 décembre 2018 remettrait en cause la sincérité des bilans de référence au vu desquels le prix de cession avait été arrêté ;
- que plus généralement, l'appelante, qui ne verse aucune pièce comptable, ne démontre pas que les marchés litigieux Quai Ferry et Bissora avaient été pris en compte lors de l'établissement des bilans de référence ;
- qu'il n'est pas prétendu que la signature de ces deux marchés ou que des documents contractuels en lien avec ces marchés auraient été dissimulés à la société CMI Klein, lors des négociations ;
- que l'origine des pertes enregistrées n'est pas déterminée.
En l'état du dossier, la cour n'est pas en mesure de lier les pertes alléguées sur ces deux marchés à un élément de passif qui n'aurait pas été comptabilisé ou aurait été insuffisamment comptabilisé dans les comptes de référence, ou à un comportement sournois des cédants lors des négociations.
La société CMI Klein sera en conséquence déboutée de sa demande en paiement d'une somme de 51.000.000 FCFP.
6) Par ailleurs, la société CMI Klein soutient que M. [V] est l'instigateur de la démission de Mme [W] [L], assistante de direction, intervenue le 12 décembre 2019 puis de celles de quatre salariés intervenues le 13 janvier 2020, qui ont constitué une entreprise concurrente.
Sans doute, M. [V] a fait la déclaration suivante dans la convention de garantie d'actif et de passif (article 2.4.1 (e)) : « Aucun salarié n'a donné son préavis à l'une des sociétés et à la connaissance des gérants aucun d'entre eux n'envisage de mettre fin à son contrat de travail ». Il ne s'est pas pour autant porte-fort de l'attitude qu'auraient les salariés de la société reprise plus d'une année après la cession.
La seule circonstance que M. [V] soit allé le 15 mai 2020, au cours d'une surveillance qui s'était déroulée du 15 mars au 26 juin 2020, dans les locaux de la société Aggreko-Dynatech qui avait engagé Mme [W] [L] à la suite de sa démission, est insuffisante pour établir que l'intimé est à l'initiative des démissions.
La société CMI Klein qui ne démontre pas que M. [V] est responsable de la perte de marchés d'une valeur de 50.000.000 FCFP sera également déboutée de ce chef de demande.
7) Le solde du prix de cession retenu par la société CMI Klein pour garantir l'exécution de la convention de garantie d'actif et de passif (26.400.000 FCFP) avait vocation à être libéré « le dernier jour du 12ème mois puis du 24ème mois et enfin du 36ème mois suivant celui de la Date de Transfert ». Les réclamations de la société CMI Klein ayant été rejetées, ce solde est exigible.
En conséquence, et pour tenir compte des dates auxquelles les demandes en paiement des échéances ont été formulées, la société CMI Klein sera condamnée à payer :
- 4 400 000 FCFP outre intérêts au taux légal à compter du 11 mars 2020
- 4 400 000 FCFP outre intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2020
- 4 400 000 FCFP outre intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2022.
Par ces motifs
La cour,
Déboute la société CMI Klein de ses demandes indemnitaires formulées au titre de la garantie d'actif et de passif ;
Condamne la société CMI Klein à payer à M. [V], au titre du solde du prix de cession, les sommes de :
- 4 400 000 FCFP outre intérêts au taux légal à compter du 11 mars 2020
- 4 400 000 FCFP outre intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2020
- 4 400 000 FCFP outre intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2022 ;
Condamne la société CMI Klein à payer à M. [V] la somme de 450.000 FCFP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société CMI Klein aux dépens de première instance et d'appel.
Le greffier, Le président.