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CA Paris, Pôle 5 - ch. 5, 11 septembre 2025, n° 22/18394

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 22/18394

11 septembre 2025

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5

ARRET DU 11 SEPTEMBRE 2025

(n° , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 22/18394 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGTV7

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Octobre 2022 - Tribunal de Commerce de Paris - RG n° 2021014121

APPELANTE

S.A.S. IODA GROUP, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au R.C.S. de Paris sous le numéro519 284 210

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée et assistée de Me Aude Baratte de l'AARPI Steru - Baratte, avocat au barreau de Paris, toque : D1029

INTIMEE

S.A.S. A. COACH, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au R.C.S. de Paris sous le numéro 794 274 589

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée et assistée de Me Tamara Camillo, avocat au barreau de Paris, toque : C0438

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Mars 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Christine Soudry, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Nathalie Renard, présidente de la chambre 5-5

Mme Christine Soudry, conseillère

Mme Marylin Ranoux-Julien, conseillère

Greffier, lors des débats : M. Maxime Martinez

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Nathalie Renard, présidente de la chambre 5-5 et par M. Maxime Martinez, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire, présent lors de la mise à disposition.

EXPOSÉ DU LITIGE

La société A. Coach est une société de prestation de conseil en matière de ressources humaines et de recrutement.

La société Ioda Group (ci-après société Ioda), anciennement dénommée Ineox, est une société de conseil en marketing digital.

La société Ioda a décidé d'externaliser une partie de ses fonctions supports, en particulier la fonction « ressources humaines », qu'elle a sous-traitée à la société A. Coach à partir de 2014.

Durant les années 2017, 2018 et jusqu'au mois de novembre 2019, la société A. Coach a perçu une rémunération mensuelle de 3 500 euros HT, soit 42 000 euros HT par an.

Par courriel du 27 décembre 2019, en même temps que la facture du dernier trimestre 2019, la société A. Coach a adressé à la société Ioda une note d'honoraires complémentaires d'un montant de 14 350 euros HT, et a sollicité la fixation d'un nouveau forfait pour l'année 2020 correspondant à l'évolution du nombre d'entretiens réalisés.

Par courriel du 30 décembre 2019, la société Ioda a décidé de suspendre l'intervention de la société A. Coach pour l'année 2020 compte tenu de l'augmentation significative du coût de la prestation.

La société Ioda s'est acquittée de la note d'honoraires complémentaires le 14 février 2020.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 18 février 2020, le conseil de la société A Coach a mis en demeure la société Ioda de payer une somme de 42.000 euros au titre de la rupture brutale des relations commerciales.

Par acte du 10 mars 2021, la société A. Coach a assigné en responsabilité la société Ioda devant le tribunal de commerce de Paris.

Par jugement du 24 octobre 2022, le tribunal de commerce de Paris a :

Condamné la société Ioda anciennement dénommée société Ineox à payer à la société A. Coach la somme de 19.178,25 euros HT, soit 23.013,90 euros TTC ;

Débouté la société Ioda anciennement dénommée société Ineox de sa demande reconventionnelle au titre d'un préjudice moral ;

Condamné la société Ioda anciennement dénommée société Ineox à payer à la société A. Coach la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

Dit ne pas avoir lieu à écarter l'exécution provisoire du jugement ;

Condamné la société Ioda anciennement dénommée société Ineox aux dépens.

Par déclaration du 26 octobre 2022, la société Ioda a interjeté appel du jugement en visant tous les chefs du jugement.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par ses dernières conclusions notifiées le 15 juin 2023, la société Ioda demande, au visa des articles L.442-1 II du code de commerce et 1104 du code civil, de

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

Condamné la société Ioda à verser à la société A. Coach la somme de 19.178,25 euros HT soit 23.013,90 euros TTC ;

Débouté la société Ioda de sa demande reconventionnelle au titre d'un préjudice moral ;

Condamné la société Ioda à payer à la société A. Coach la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Débouté la société Ioda de sa demande formulée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau,

Débouter la société A. Coach de l'intégralité de ses demandes ;

Condamner la société A. Coach à verser à la société Ioda la somme de 5.000 euros en réparation de son préjudice moral ;

Condamner la société A. Coach à verser à la société Ioda la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société A. Coach aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par ses dernières conclusions notifiées le 17 mars 2023, la société A. Coach demande, au visa des articles 1101 et suivants du code civil et L.442-1 du code de commerce, de :

A titre principal :

Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a jugé que le contrat du 1er janvier 2017 était opposable à la société Ioda ;

Juger qu'en conséquence, le contrat du 1er janvier 2017 a été reconduit pour l'année 2020 faute d'avoir été dénoncé par la société Ioda dans un délai de 3 mois avant son terme ;

En conséquence :

Réformer le jugement du tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a alloué à la société A. Coach la somme de 19.178,25 euros ;

Et statuant de nouveau,

Condamner la société Ioda à payer à la société A. Coach la somme de 41.437,20 euros au titre du préjudice subi ;

A titre subsidiaire,

Juger que la société Ioda a brutalement rompu les relations commerciales établies avec la société A. Coach ;

En conséquence :

Condamner la société Ioda à payer à la société A. Coach la somme de 41.437,20 euros au titre du préjudice subi ;

En tout état de cause :

Débouter la société Ioda de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Condamner la société Ioda au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société Ioda aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 30 janvier 2025.

La cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

Par note en délibéré adressée le 11 juin 2025, les parties ont été invitées à présenter, avant le 17 juin, leurs observations sur la réparation du préjudice résultant de la rupture anticipée d'un contrat à durée déterminée qui est distincte de celle du préjudice résultant d'une rupture brutale de la relation établie. (Cass. com., 10 janv. 2024, n° 22-19.847).

Par message du 12 juin 2025, la société Ioda estime que le principe de réparation intégrale du préjudice consiste à replacer la victime dans la situation dans laquelle elle se serait trouvée si le contrat avait été exécuté jusqu'au terme initialement convenu et que dès lors, la société A. Coach ne peut réclamer la totalité des commissions qu'elle aurait dû percevoir jusqu'au terme du contrat sans déduire les coûts qu'elle aurait dû exposer pendant cette période. A défaut, elle considère que cela entraînerait un enrichissement de la société A. Coach.

Par message du 13 juin 2025, la société A. Coach estime qu'il conviendra d'estimer son préjudice résultant de la rupture anticipée du contrat à la somme des rémunérations qu'elle aurait dû percevoir jusqu'au terme du contrat, soit 42.000 euros HT.

MOTIFS

Sur l'application du contrat du 1er mars 2017

A l'appui de ses prétentions, la société A. Coach se prévaut d'un contrat daté du 1er mars 2017 conclu avec la société Ineox pour une durée d'une année à compter du 1er janvier 2017 renouvelable par tacite reconduction par périodes d'un an sauf préavis notifié trois mois avant le terme. Elle affirme que la société Ineox a donné son consentement à ce contrat et l'a exécuté en 2017, 2018 et 2019. Elle considère en conséquence que la société Ineox ne pouvait pas « suspendre » unilatéralement ce contrat et devait, pour s'en délier en 2020, respecter un préavis de trois mois avant le 31 décembre 2019. Elle estime qu'en ne respectant pas ce préavis, le contrat s'est renouvelé tacitement et qu'en y mettant un terme anticipé, elle a engagé sa responsabilité.

La société Ioda ne conteste pas l'existence de relations contractuelles avec la société A. Coach mais dénie être liée par le contrat du 1er mars 2017 en faisant valoir qu'elle ne l'a pas signé. Elle considère que ses relations avec la société A. Coach étaient régies par une proposition de cette dernière faite par courriel du 29 mars 2017 et que seul cet accord a été exécuté. Dans ces conditions, elle affirme qu'elle avait la possibilité de mettre un terme à la relation sans respecter de délai de préavis de trois mois.

En l'espèce, il est versé aux débats un contrat « de prestations de services », daté du 1er mars 2017, revêtu de la seule signature et du seul paraphe de la représentante de la société A. Coach portant sur une mission d'accompagnement de la société Ineox en matière de ressources humaines par la société A. Coach.

Il est également produit aux débats un courriel du 29 mars 2017 adressé par la dirigeante de la société A. Coach à l'avocat de la société Ioda indiquant : « Comme convenu avec [V] (dirigeante de la société Ioda), je te joins ma proposition d'intervention pour l'année 2017. »

Etait annexé à ce courriel, une proposition d'intervention listant les missions proposées par la société A. Coach et indiquant un forfait.

Il ressort des éléments des débats que le contrat daté du 1er mars 2017 a été établi sur la base des propositions de la société A. Coach telles qu'elles ressortent du courriel du 29 mars 2017.

Il sera relevé que le contrat reprend strictement les termes de la proposition de la société A. Coach adressée par courriel du 29 mars 2017.

Le contrat du 1er mars 2017 comporte les mêmes missions que celles énoncées dans la proposition du 29 mars 2017 :

- supervision de l'activité RH (organisation, définition et mise en place des différents process, suivi mensuel)

- dans le cadre des recrutements, entretiens d'évaluation comportementale, si nécessaire et demandé, entretien au cours des périodes d'essai,

- préparation et participation aux réunions d'équipe,

- préparation des réponses et participation passive aux réunions de DP,

- entretiens annuels, partie comportementale,

- accompagnement individuel et/ou collectif en fonction des demandes et besoins à définir ensemble,

- intervention sur des thématiques choisies, animation d'un temps de réflexion, en collectif,

- accompagnement individuel sur les points de vigilance observés dans le cadre professionnel.

Par ailleurs, le contrat du 1er mars 2017 prévoit les mêmes honoraires : 3.500 euros HT par mois sur une base forfaitaire de quatre jours par mois, ce qui correspond à 42.000 euros HT par an.

Si la proposition du 29 mars 2017 est plus précise sur ce que recouvrait le forfait, les deux écrits correspondent en termes de journées consacrées à la mission, soit 48 jours (4 jours par mois x 12 = 48 jours).

Il est versé aux débats différentes pièces faisant référence à l'application de ce contrat dans les relations entre les parties :

- factures entre le 12 octobre 2017 et le 27 décembre 2019 mentionnant qu'elles correspondaient à des prestations « selon contrat en date du 1er mars 2017 »,

- courriel du 30 mai 2018 intitulé « Ineox-A- Coach ' Contrat de prestations » adressé par le conseil de la société Ineox à la dirigeante de cette société indiquant : « Pour faire suite à notre échange de ce matin, j'ai retrouvé une copie scannée du contrat de prestations avec A'Coach mais avec la seule signature de P. Carré. Tu trouveras le document en pièce jointe que tu peux également parapher et signer pour l'adresser à l'administration fiscale. »,

- courriel du 30 décembre 2019 de la dirigeante de la société Ineox, répondant au courriel de la dirigeante de la société A Coach qui lui avait adressé sa facture du dernier trimestre 2019 ainsi qu'une note d'honoraires complémentaires, dans lequel elle sollicite la transmission du contrat du 1er mars 2017 : « Peux-tu nous renvoyer le contrat Ineox-P. Carré pour que la compta Ineox puisse l'avoir ' ».

Il est constant que les notes d'honoraires établies par la société A. Coach et faisant référence au contrat du 1er mars 2017 correspondent aux honoraires prévus au contrat.

Il en résulte que nonobstant l'absence de signature de la société Ineox figurant sur le contrat du 1er mars 2017, celle-ci y a néanmoins consenti dans toutes ses stipulations et l'a exécuté.

En outre, ce contrat doit être complété par la proposition d'intervention en ce qui concerne le contenu du forfait en termes de jours de travail, soit « 18 jours pour l'ensemble des entretiens de recrutement (15 pour 2017), annuels (30 pour 2017), périodes d'essai, et 30 jours pour les autres missions listées dans cette proposition d'intervention. »

Sur la rupture du contrat

La société A. Coach affirme que le contrat conclu en mars 2017 a fait l'objet de reconductions tacites successives pour les années 2018 et 2019 et qu'en vertu du contrat conclu entre les parties, la société Ioda aurait dû, avant le 30 septembre 2019, l'informer de ce qu'elle n'entendait pas poursuivre leur relation, ce qu'elle n'a pas fait. Elle fait ainsi valoir que la rupture du contrat à l'initiative de la société Ioda, avant le terme du 31 décembre 2020, est fautive et engage sa responsabilité. Elle ajoute que, contrairement à ce qu'affirme la partie adverse, le contrat ne permettait pas à la société Ioda de « faire une pause ». En outre, elle soutient qu'aucune faute ne peut lui être reprochée pour avoir adressé une note d'honoraires complémentaires correspondant à un travail supplémentaire. Elle dénie avoir augmenté unilatéralement les honoraires prévus au contrat.

La société Ioda répond que sa décision de suspendre les relations est justifiée par une augmentation soudaine des tarifs pratiqués par la société A. Coach. Elle explique que la rémunération de la société A. Coach était calculée sur une base forfaitaire et qui ne pouvait pas être unilatéralement modifiée. Elle affirme qu'il ne saurait lui être reproché d'avoir suspendu l'exécution du contrat. Elle ajoute avoir sollicité la reprise du contrat auprès de la société A Coach qui n'a pas donné suite. En tout état de cause, elle considère qu'aucune rupture fautive ne peut lui être imputée au regard de la gravité de la faute commise par A. Coach consistant en une augmentation brutale et unilatérale de ses honoraires.

L'article 7 du contrat du 1er mars 2017 prévoit que :

« Le présent contrat prend effet à compter du 1er janvier 2017 pour une durée de douze mois calculée par mois calendaire à compter du 1er janvier 2017.

Sauf préavis notifié trois mois avant le terme, il est reconductible par périodes d'un an.

Nonobstant ce qui précède, le présent contrat pourra être résilié à tout moment par anticipation en cas de manquement grave de l'une des parties à ses obligations contractuelles.

Dans ce cas, la partie qui désire invoquer son droit de résiliation devra adresser à l'autre partie une mise en demeure, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, constatant le manquement et prononçant la résiliation. Ladite résiliation prendra alors effet automatiquement à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la mise en demeure, à moins que pendant ce délai la partie défaillante n'ait régularisé la situation à la satisfaction de l'autre partie. »

Par courriel du 30 décembre 2019, la société Ioda a répondu à la société A Coach qui lui avait adressé la facture du dernier trimestre ainsi qu'une facture d'honoraires complémentaires d'un montant de 14.350 euros HT correspondant à 34,4 jours de travail supplémentaires pour la réalisation d'entretiens, dans les termes suivants :

« Bonjour [Z],

(')

Concernant ta facture complémentaire 2019, j'en prends bonne note mais il aurait été souhaitable d'avoir une alerte avant car ce complément n'était pas budgété.

Le montant total devient très significatif compte tenu de la situation. En attendant d'y voir plus clair sur le devenir d'Ineox (valorisation, rachat des parts, assignations'), nous mettons en standby pour l'instant la prestation pour 2020.

(') ».

En réponse, la société A Coach a indiqué dans un courriel du 1er janvier 2020 que sa facture complémentaire correspondait en 2019 à « 34 entretiens de recrutement et 40 collaborateurs, dont en raison de départs et arrivées, 52 entretiens.

Il n'y a eu aucune augmentation de ma part de tarif, ni de rappel, quant au dépassement du nombre d'entretiens sur 2017 et 2018.

Par ailleurs, l'augmentation significative du nombre de collaborateurs au-delà des entretiens qui font l'objet de ma facture complémentaire a bien évidemment augmenté mon temps global d'intervention tout au long de l'année.

J'ai bien noté que tu ne souhaites pas renouveler ma prestation pour 2020 (') ».

Contrairement à ce qu'affirme la société Ioda dans ses conclusions et ainsi qu'elle le reconnaît dans son courriel du 30 décembre 2019, la facture d'un montant de 14.350 euros HT correspondait non pas à une augmentation d'honoraires mais à un complément d'honoraires pour travail supplémentaire. Il sera observé que la société Ioda ne conteste pas avoir confié, en 2019, à la société A. Coach la réalisation d'un nombre significatif d'entretiens supplémentaires par rapport forfait convenu, soit 34 entretiens de recrutement et 52 entretiens annuels, ce qui correspond à près du double d'entretiens par rapport au forfait.

Il sera relevé que le contrat du 1er mars 2017, complété par la proposition acceptée du 27 mars 2017, prévoyait un honoraire forfaitaire correspondant à 48 jours dont 18 jours consacrés aux entretiens et 30 jours consacrés aux autres missions. Or le rapport de synthèse pour l'année 2019, qui n'est pas contesté par la société Ioda, démontre que la société A Coach a consacré 34,4 jours aux entretiens.

Aucune faute ne peut donc être reprochée à la société A Coach pour avoir facturé des honoraires complémentaires correspondant à un travail supplémentaire par rapport au forfait prévu et il sera observé que ces honoraires ont été payés.

Par ailleurs, le contrat du 1er mars 2017 ne prévoyait aucune faculté de suspension du contrat. Il ne peut pas être déduit de l'acceptation par la dirigeante de la société A Coach de rencontrer la dirigeante de la société Ioda au début de l'année 2020 une quelconque acceptation de la suspension du contrat.

En conséquence, en « suspendant » les prestations de la société A Coach par courriel du 30 décembre 2019, la société Ioda est à l'origine de la rupture du contrat. Il ne peut pas être fait grief à la société A Coach de n'avoir pas répondu au courriel de la société Ioda du 17 juillet 2020 sollicitant la reprise des prestations. Il sera constaté que la rupture à l'initiative de la société Ioda n'a pas été faite dans le délai de trois mois avant le terme du contrat de sorte que le contrat initial s'est tacitement reconduit au 1er janvier 2020 et qu'en y mettant un terme anticipé, la société Ioda a commis une faute engageant sa responsabilité contractuelle.

Sur le préjudice

La société A. Coach revendique l'indemnisation du préjudice subi du fait de la rupture fautive du contrat par le versement d'une somme de 41.437,20 euros correspondant au gain perdu d'une année de relations contractuelles supplémentaires en tenant compte d'un taux de marge de 98,66%.

La société Ioda affirme que le préjudice allégué n'est pas démontré. Elle fait valoir que les attestations d'expert-comptable versées aux débats sont incohérentes et qu'il n'est pas produit d'éléments comptables suffisamment précis pour les étayer. Elle souligne qu'en raison de la crise sanitaire, la société A Coach n'aurait pas pu exercer sa mission entre les mois de mars et juillet 2020.

En vertu du principe de la réparation intégrale, la réparation d'un préjudice doit se faire sans perte ni profit pour la victime.

L'article 1212 dispose que : « Lorsque le contrat est conclu pour une durée déterminée, chaque partie doit l'exécuter jusqu'à son terme ».

La rupture anticipée d'un contrat à durée déterminée donne droit à réparation du préjudice résultant de la perte des sommes que la victime aurait dû percevoir jusqu'au terme du contrat initialement prévu.

Ainsi le quantum des dommages et intérêts peuvent être identiques aux sommes que la victime aurait retirées du contrat en cas de respect du terme, mais également moindres, dans la mesure il convient d'examiner concrètement le préjudice subi résultant de la rupture anticipée du contrat.

Il résulte des termes du contrat du 1er mars 2017 que la société A. Coach aurait dû percevoir des honoraires forfaitaires de 42.000 euros HT en 2020.

Il n'est aucunement établi que la société A Coach n'aurait pas pu exécuter ses prestations pendant la période de confinement notamment par visio-conférence.

En ce qui concerne les charges que la société A. Coach aurait dû exposer jusqu'au terme du contrat, il sera relevé que l'article 6.2 du contrat stipule que :

« Les frais engagés par le Prestataire pour les besoins du Contrat avec l'accord préalable d'Ineox lui seront remboursés sur présentation de justificatifs. »

Compte tenu de la demande d'indemnisation, le préjudice résultant de la perte des honoraires que la société A. Coach aurait dû percevoir jusqu'au terme du contrat initialement prévu sera évalué à un montant de 41.437,20 euros, sans qu'il y ait lieu de déduire des frais.

Dès lors, il sera fait droit à la demande d'indemnisation à concurrence de la somme de 41.437,20 euros, étant précisé que la société A. Coach ne saurait modifier ce montant par une note produite en cours de délibéré. Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts

La société Ioda revendique une indemnisation d'un montant de 5.000 euros pour avoir été contrainte de trouver, en urgence, une solution de remplacement en interne résultant des fautes de la société A Coach.

Eu égard à ce qui précède, aucune faute n'est caractérisée à l'encontre de la société A Coach. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation de la société Ioda.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société Ioda succombe à l'instance d'appel. Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles seront confirmées. La société Ioda sera condamnée aux dépens d'appel et à payer à la société A Coach une somme supplémentaire de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. La demande sur ce point de la société Ioda sera rejetée.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Paris du 24 octobre 2022 sauf en ce qu'il a condamné la société Ioda Group anciennement dénommée la société Ineox à payer à la société A. Coach la somme de 19.178,25 euros HT, soit 23.013,90 euros TTC ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société Ioda Group anciennement dénommée la société Ineox à payer à la société A. Coach la somme de 41.437,20 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la rupture fautive du contrat imputable à la société Ioda Group ;

Condamne la société Ioda Group anciennement dénommée la société Ineox à payer à la société A. Coach la somme supplémentaire de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette la demande de la société Ioda Group anciennement dénommée la société Ineox au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Ioda Group anciennement dénommée la société Ineox aux dépens.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

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