CA Paris, Pôle 5 - ch. 3, 11 septembre 2025, n° 22/03317
PARIS
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRAN'AISE
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 11 SEPTEMBRE 2025
(n° 139/2025, 14 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 22/03317 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFIEF
Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 janvier 2022- Tribunal judiciaire de BOBIGNY (Chambre 5/Section 1)- RG n° 18/09656
APPELANTE
S.A.S.U. INES
Immatriculée au R.C.S. de Meaux sous le n° 803 119 361
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 12]
Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de Paris, toque : D2090
Assistée de Me Christophe BOURDEL, avocat au barreau de Paris, toque : P098, substitué à l'audience par Me France Olivia KWAN
INTIMÉS
M. [B] [H]
né le 01 mai 1966 à [Localité 18] (Italie)
[Adresse 6]
[Localité 9]
Représenté et assisté par Me Sophie KOMBADJIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : P139
S.D.C. de l'immeuble du [Adresse 2] [Localité 17]
Pris en la personne de son syndic en exercice, la S.A.S. LE TERROIR
Immatriculée au R.C.S. de Paris sous le n° 562 024 893
dont le siège social est :
[Adresse 8]
[Localité 10]
Elle-même prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Francine HAVET, avocat au barreau de Paris, toque : D1250
INTERVENANTE VOLONTAIRE ET COMME TELLE APPELANTE
Maître [D] [I], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SASU INES, désignée par jugement du tribunal de commerce de Bobigny en date du 17 novembre 2022
[Adresse 4]
[Localité 14]
Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de Paris, toque : D2090
Assistée de Me Christophe BOURDEL, avocat au barreau de Paris, toque : P098, substitué à l'audience par Me France Olivia KWAN
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 03 mars 2025, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Marie Girousse, conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
- M. Xavier Blanc, président de chambre
- Mme Stéphanie Dupont, conseillère
- Mme Marie Girousse, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Sandrine Stassi-Buscqua
ARRÊT :
- contradictoire ;
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par M. Xavier Blanc, président de chambre et par Mme Sandrine Stassi-Buscqua, greffière, présente lors de la mise à disposition.
FAITS ET PROCÉDURE
Suivant acte sous-seing privé du 27 mars 2008, Monsieur [B] [H] a consenti à la société Au Bon Coin un bail commercial portant sur des locaux dépendant de l'immeuble situé [Adresse 2] à [Localité 17] (lot de copropriété N°1 ) pour son activité de restauration. Puis, par acte du 30 juillet 2014, la société Au Bon Coin a cédé son fonds de commerce à la société Inès, ayant pour enseigne « Au Bon Coin » , cette cession emportant le transfert du droit au bail.
Par assignations des 2 et 8 février 2018, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble en cause, représenté par son syndic, a fait citer Monsieur [B] [H] et la société Inès devant le juge des référés aux fins de les voir condamner à libérer le local situé dans la cour de l'immeuble.
Par acte d'huissier du 2 mars 2018 visant la clause résolutoire du bail, Monsieur [H] a fait sommation à la société Inès de, dans le délai d'un mois de la délivrance de cet acte, libérer le local en cause, de déposer le carrelage recouvrant une partie du sol de la cour et de procéder à la remise en état afférente du local.
La société Inès ayant signifié par acte d'huissier, le 5 janvier 2018, une demande de renouvellement du bail à Monsieur [H], par acte d'huissier du 4 avril 2018, ce dernier a signifié à sa locataire un refus de renouvellement sans indemnité d'éviction pour motifs graves et légitimes.
Par ordonnance du 17 octobre 2018, le juge des référés du Tribunal de grande instance de Bobigny saisi par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble a notamment condamné solidairement Monsieur [B] [H] et la société Inès à libérer les parties communes de toute occupation illégale et à remettre les lieux en l'état, à leurs frais propres dans le délai d'un mois à compter de la signification de l'ordonnance.
Par arrêt du 9 mai 2019, la cour d'appel de Paris a confirmé l'ordonnance en ce qui concerne les moyens d'annulation et d'irrecevabilité mais a infirmé le surplus et dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes du syndicat des copropriétaires à l'encontre de la société Inès et de Monsieur [B] [H] et a refusé sa demande d'expertise.
Par acte du 4 septembre 2018, la société Inès a fait assigner devant le Tribunal de grande instance de Bobigny, la société Au Bon Coin prise en la personne de sa liquidatrice amiable Madame [W] [J], Monsieur [B] [H], propriétaire des murs, le syndicat des copropriétaires représenté par son syndic la société ADER immobilier Paris aux fins notamment de voir condamner la société Au Bon Coin et sa liquidatrice au paiement de 30.000 euros de dommages et intérêts pour perte de chance d'avoir pu contracter dans des conditions plus avantageuses, annuler le congé avec refus de renouvellement sans indemnité d'éviction pour motif grave et légitime délivré le 4 avril 2018, enjoindre au bailleur de renouveler le bail commercial, subsidiairement accorder une indemnité d'éviction à la société Inès.
Par jugement du 26 janvier 2022, le Tribunal Judiciaire de Bobigny a :
- Déclaré irrecevable la société Ines en son action contre la Sarl Au Bon Coin et Madame [J],
- Condamné la société Ines à libérer les parties communes de l'immeuble, spécifiquement la cour en rez-de-chaussée et le local à usage de réserve qui y est situé et à remettre les lieux en l'état, à ses frais propres, dans l'ensemble immobilier situé [Adresse 2] à [Localité 17] et ce sous astreinte de 250 euros par jour de retard dans un délai d'un mois à compter du prononcé de la présente décision,
- Constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial situé [Adresse 2] à [Localité 17], avec effet au 2 avril 2018,
En conséquence, ordonné à la société Ines de libérer les lieux susvisés,
- Dit qu'à défaut de départ volontaire, la société Ines pourra être expulsée à la requête de Monsieur [B] [H] ou du syndicat des copropriétaires, ainsi que tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique et l'assistance d'un serrurier ;
- Condamné la société Ines au paiement d'une indemnité d'occupation équivalente au montant du dernier loyer, majoré de 5% charges en sus,
- Condamné la société Ines au paiement des entiers dépens de l'instance,
- Condamné la société Ines à payer à payer 500 euros à Madame [W] [J], 1000 euros au syndicat des copropriétaires [Adresse 2] à [Localité 17], 1000 euros à Monsieur [B] [H], sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Rejeté le surplus des demandes,
- Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.
Par déclaration du 8 février 2022, la société Ines a interjeté appel du jugement.
La société Ines a libéré les locaux le 18 février 2022, cette restitution ayant fait l'objet d'un constat d'huissier en présence des deux parties.
Par conclusions d'incident du 6 août 2022 M. [H] a demandé au conseiller de la mise en état d'ordonner la radiation de l'affaire pour défaut d'exécution du jugement entrepris. Par ordonnance du 16 janvier 2023, le conseiller de la mise en état a donné acte à Monsieur [H] de son désistement de sa demande de radiation.
Par jugement du 17 novembre 2022, le tribunal de commerce de Bobigny a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Inès et désigné Maître M. [I] en qualité de mandataire liquidateur.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 12 février 2025.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Par conclusions déposées le 24 janvier 2025, Maître [D] [I], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Inès, appelante, demande à la cour de :
A titre liminaire
- Débouter Monsieur [B] [H] de sa fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des conclusions de Maître [I] es qualité de liquidateur judiciaire de la société Inès et de sa demande de caducité de la déclaration d'appel,
En conséquence,
- Recevoir Maître [I] es qualité de liquidateur judiciaire de la société Inès en son appel,
A titre principal
- Réformer le jugement du 26 janvier 2022 en ce qu'il a :
' condamné la société Ines à libérer les parties communes de l'immeuble, spécifiquement la cour en rez-de-chaussée et le local à usage de réserve qui y est situé et à remettre les lieux en l'état, à ses frais propres, dans l'ensemble immobilier situé [Adresse 2] à [Localité 17] et ce sous astreinte de 250 euros par jour de retard dans un délai d'un mois à compter du prononcé de la présente décision,
' constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial situé [Adresse 2] à [Localité 17], avec effet au 2 avril 2018,
' En conséquence, ordonné à la société Ines de libérer les lieux susvisés,
' dit qu'à défaut de départ volontaire, la société Ines pourra être expulsée à la requête de Monsieur [B] [H] ou du syndicat des copropriétaires, ainsi que tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique et l'assistance d'un serrurier ;
' condamné la société Ines au paiement d'une indemnité d'occupation équivalente au montant du dernier loyer, majoré de 5% charges en sus,
' condamné la société Ines au paiement des entiers dépens de l'instance,
' condamné la société Ines à payer à payer 500 euros à Madame [W] [J], 1000 euros au syndicat des copropriétaires [Adresse 2] à [Localité 17], 1000 euros à Monsieur [B] [H], sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
' rejeté le surplus des demandes,
' ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.
Et, statuant à nouveau,
- prononcer la nullité de la sommation visant la clause résolutoire délivrée en date du 2 mars 2018 ;
- débouter Monsieur [H] de sa demande de voir acquise la clause résolutoire du bail commercial ;
- requalifier le refus de renouvellement sans offre d'indemnité d'éviction en date du 4 avril 2018 du bail commercial du 27 mars 2008 en refus de renouvellement avec offre d'indemnité d'éviction ;
- fixer le montant de l'indemnité d'éviction à la somme de quatre-vingt-quinze mille euros;
- condamner Monsieur [B] [H] à payer à Maître [D] [I] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Ines la somme de quatre-vingt-quinze mille euros (95.000 €),
- condamner, Monsieur [B] [H] à payer à Maître [D] [I] ès qualité de liquidateur judiciaire de la Société INÈS la somme de cent douze mille six cent un euro et cinquante-neuf centimes (112.601,59 €) à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis ;
- débouter les intimés de leurs demandes,
- condamner Monsieur [B] [H] et le Syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] à [Localité 17] à payer à Maître [D] [I] ès qualité de liquidateur judiciaire de la Société Ines à la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner Monsieur [B] [H] aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.
Par conclusions déposées le 19 décembre 2022, Monsieur [B] [H], intimé, demande à la cour de :
- Recevoir Monsieur [B] [H] en ses demandes, fins et conclusions et l'en dire bien fondé.
En conséquence:
A titre principal,
- Dire et juger irrecevables les conclusions de la société Ines pour mention erronée de son siège social,
- Prononcer la caducité de l'appel de la société Ines,
A titre subsidiaire,
- Confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions
A titre très subsidiaire, si la cour devait infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a dit la clause résolutoire acquise,
- Dire et juger bon et valable le refus de renouvellement opposé par Monsieur [H] en date du 4 avril 2018,
- Dire et juger que le bail a pris fin le 31 mars 2018, en suite du refus de renouvellement opposé par Monsieur [H],
- Dire et juger que la société Ines ne peut prétendre à une indemnité d'éviction en raison des infractions commises,
- Dire et juger la société Ines occupante sans droit ni titre à compter du 1er avril 2018,
- Condamner la société Ines au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle à compter du 1er avril 2018 et jusqu'au 18 février 2022, date de libération des lieux, d'un montant équivalent au montant du dernier loyer contractuel majoré de 20%, charges en sus,
En toute hypothèse,
- Débouter Me [I], es qualité de l'ensemble de ses demandes,
- Condamner Me [I], es qualité à payer à Monsieur [H] la somme de 10.000,00€ au titre des frais irrépétibles, sur le fondement de l'article 700 du CPC,
- Condamner Maître [I] aux entiers dépens.
Par conclusions déposées le 26 juillet 2022, le Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2], [Localité 17], intimé, demande à la cour de :
- Juger le Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2], [Localité 17] recevable et bien fondé en ses présentes écritures,
- Constater que la société Ines ne demande pas l'annulation du congé qui lui a été délivré par son bailleur, non plus que la réintégration dans les lieux.
- Constater que la société Ines a libéré le local commercial et les parties communes de toute occupation le 18 février 2022.
- Constater qu'aucune demande principale n'est formulée à l'encontre du Syndicat des Copropriétaires.
En conséquence,
- Juger non fondée la société Ines en son appel dirigé à l'encontre du Syndicat des Copropriétaires.
- Débouter la société Ines de sa demande formulée à l'encontre du Syndicat des Copropriétaires fondée sur l'article 700 du Code de Procédure Civile.
- Condamner la société Ines au paiement de la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile au bénéfice du Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2], [Localité 17], lequel a exposé des frais irrépétibles alors qu'aucune demande principale n'est formée à son encontre.
- Condamner la société Ines aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.
MOTIFS DE L'ARRÊT
1.Sur la procédure
Il ressort de l'article 914 du code de procédure civile, invoqué à juste titre par l'appelante, que le conseiller de la mise en état est seul compétent jusqu'à la clôture de l'instruction pour prononcer la caducité de l'appel et que les parties ne sont plus recevables à invoquer devant la cour la caducité de l'appel après la clôture de l'instruction à moins que sa cause ne soit révélée postérieurement. Au surplus, la fin de non-recevoir édictée par l'article 961 du même code, dont se prévaut Monsieur [H], n'est pas imposée à peine de caducité avant l'expiration du délai de trois mois prévu à l'article 908 .(2ème civ 29/1/2015,13-23.546).
Il convient, en conséquence, de déclarer irrecevable la demande de Monsieur [H] aux fins de voir prononcer la caducité de l'appel interjeté par la société Inès, représentée aujourd'hui par Maître [I] es qualité de mandataire liquidateur.
Il résulte des dispositions combinées des articles 126, 960 et 961 du code de procédure civile, que les conclusions notifiées entre avocat lors de la procédure devant la cour d'appel ne sont pas recevables tant que les indications exigées par l'alinéa 2 du deuxième de ces textes, notamment celle du siège social de la personne morale concluante, n'ont pas été fournies, cette fin de non-recevoir pouvant être régularisée jusqu'au jour du prononcé de la clôture.
En l'espèce, les premiers jeux de conclusions de la société Inès, appelante, mentionnaient, conformément à ses statuts, que sont siège social était situé [Adresse 2], [Localité 17], soit l'adresse des locaux en cause bien qu'elle les ait libérés le 18 février 2022. Elle a ensuite procédé au transfert de son siège social au [Adresse 5] à [Localité 12], ainsi que cela résulte de l'extrait du registre du commerce du 29 septembre 2022 produit, et mentionne cette nouvelle adresse de siège social dans ses dernières conclusions signifiées le 24 janvier 2025 pour son compte par Maître [I] en sa qualité de liquidateur judiciaire.
Il apparaît donc qu'au jour du prononcé de la clôture, les conclusions de l'appelante précisaient valablement l'adresse de son siège social. Il convient, en conséquence, de rejeter la demande de Monsieur [H] aux fins de voir déclarer irrecevables les conclusions de la société Inès représentée par Maître M. [I] en sa qualité de liquidateur judiciaire,
2. Sur l'acquisition de la clause résolutoire
Il ressort de l'article L145-41 du code de commerce qu'un contrat de bail commercial peut contenir une clause prévoyant la résiliation de plein droit si elle ne produit effet qu'un mois après un commandement de payer ou une sommation d'exécuter infructueux, le commandement devant, à peine de nullité, mentionner ce délai.
Compte tenu de la gravité des conséquences d'une telle clause, elle ne peut concerner qu'une obligation expressément prévue au contrat de bail et le législateur a subordonné son effet à la possibilité donnée au locataire de régulariser sa situation dans le délai d'un mois. En outre, un tel commandement ou une telle sommation visant la clause résolutoire du bail ne peuvent produire effet que s'ils ont été délivrés de bonne foi, conformément à l'exigence de l'article 1104 (ancien1134 alinéa 3) du code civil.
En l'espèce, la sommation visant la clause résolutoire délivrée le 2 mars 2018 à la société Inès lui fait sommation de se conformer aux stipulations du bail, citées dans l'acte, lui interdisant notamment de changer la disposition des lieux sans autorisation du bailleur, d'encombrer par aucun objet quelconque les cours et autres lieux communs et lui faisant obligation de réparer à ses frais tous dégâts causés aux lieux loués et autres locaux voisins et par conséquent :
« - dans le délai d'un mois à compter de la présente sommation, de libérer le local situé dans la cour de l'immeuble et annexé irrégulièrement à usage de réserve
- dans le délai d'un mois à compter de la présente sommation, de déposer le carrelage recouvrant une partie du sol de la cour et de procéder à la remise en état y afférente dudit sol ».
2.1 Sur le reproche relatif à l'occupation du local situé dans la cour de l'immeuble,
Dans le règlement de copropriété, le local commercial loué, correspondant au lot N°1 est ainsi désigné : « (RDC) Avec accès sur le pan coupé : un local commercial avec cabinet de toilette. Autre accès, porte gauche dans la cour commune , (S/S) une cave. Ces 2 niveaux communiquent entre eux par une trappe ».
L'attestation notariée relative à la vente de ce bien immobilier à Monsieur [H], le 30 septembre 2003, reproduit cette description du lot N°1 et y ajoute : « observation étant faite que la désignation actuelle du lot est la suivante : Au rez-de-chaussée, une boutique avec arrière-boutique comportant deux travées sur la [Adresse 16], un pan coupé, et une travée sur la [Adresse 2] avec communication avec la cour de l'immeuble et le vestibule d'entrée, une cave communiquant avec la boutique par une trappe avec échelle mobile et water-closer particulier dans la cour ».
Le bail commercial consenti le 27 mars 2008 par Monsieur [H] à la société Au Bon Coin reprend cette seconde désignation faisant état d'une arrière-boutique, de la communication avec la cour et de l'accès aux water closet extérieurs outre la formule « tels que ces biens existent, s'étendent, se poursuivent et comportent avec toutes leurs aisances et dépendances et tous les droits y attachés sans aucune exception ni réserve ».
Il ressort des attestations produites, soit celle de Monsieur [R] disant avoir exploité le commerce en cause de 1999 à 2001 selon laquelle les locaux comprenaient « un couloir donnant sur la cour de l'immeuble desservant les toilettes et une vieille petite réserve où je déposais mes caisses de boisson » (17/04/22), celle de Monsieur [Y] disant avoir exploité le restaurant de 2004 à 2008 et avoir acquis le fonds de commerce avec « la remise (arrière-boutique) et la cour avec accès privatif aux toilettes » (13/04/22) et celle de Mme [N] disant être cuisinière salariée du fonds de commerce depuis 2008 écrivant : « Je puis assurer que l'arrière-boutique était existante, bien avant mon arrivée dans l'établissement ; aussi, je précise que la cour était privative, (') Nous avons toujours stocké nos produits alimentaires, caisses de boissons, frigos, congélateurs dans cette remise qui est depuis toujours, nécessaire à l'activité » (21/10/18), que le fonds de commerce cédé à la société Inès le 30 juillet 2014 disposait déjà depuis de nombreuses années du local situé dans la cour non attenant aux locaux commerciaux, et ce, avant même la conclusion du bail en cause le 27 mars 2008.
Cet usage ancien du local situé dans la cour par les locataires de M. [H] se trouve confirmé par les pièces produites relatives aux rapports litigieux entre la copropriété et M. [H]. Ainsi, la convocation à l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble en cause du 17 novembre 2008 contient à l'ordre du jour une 14ème résolution intitulée : autorisation d'assignation à donner au syndic à l'encontre du propriétaire du local commercial, lot 1, pour empiètement sur parties communes (la Cour article 24). Il est notamment reproché l'annexion de la cour commune et l'empiètement du lot 1 sur les parties communes. Dans la convocation à l'assemblée générale des copropriétaires du 26 mars 2013, il est mentionné dans les « questions diverses » : « il sera demandé au propriétaire du local de racheter la cour ainsi que de prendre à ses frais les modification du règlement de copropriété ». Or, il n'apparaît pas que Monsieur [H] ait procédé à cet achat ni qu'il ait demandé à sa locataire de libérer la cour et le local s'y trouvant.
Il ressort, en outre, des pièces produites et notamment des constats d'huissier que l'accès à la réserve litigieuse n'est possible que par le restaurant, l'ancienne porte d'accès depuis les parties communes de l'immeuble étant condamnée.
C'est dans ces conditions qu'est intervenue la vente du fonds de commerce en cause le 30 juillet 2014, à laquelle était convié Monsieur [H] qui ne s'est pas présenté ni n'a fait d'observation sur la situation du local litigieux dont l'usage lui était reproché par la copropriété. Dans l'après-midi du jour de la cession du fonds, le 30 juillet 2014, l'administrateur de biens du bailleur a simplement écrit par courriel au conseil de la société Inès je « me permets de vous rappeler que la cour ne peut être utilisée par le locataire comme elle semblait l'être par le précédent locataire », auquel ce conseil a répondu le 31 juillet 2014 que la cession avait eu lieu la veille et que « en ce qui concerne la cour, l'acquéreur m'a confirmé qu'il n'en ferait pas un usage interdit et qu'il respecterait toutes les clauses du bail ». Dans cet échange portant sur la cour, il n'est pas fait état de la réserve litigieuse située dans cette cour.
L'acte de cession du fonds de commerce par la société Au Bon coin à la société Inès du 30 juillet 2014 enregistré le 26 août 2014, comprenant le droit au bail du 27 mars 2008, reprend la même désignation que celle figurant dans ce bail rappelée ci-dessus, c'est-à-dire mentionne l'existence d'une arrière-boutique mais non d'une réserve dans la cour. Il y est notamment précisé que le bailleur a été régulièrement convoqué au rendez-vous de signature par lettre recommandée AR, que « les lieux loués tels que désignés ci-dessus n'ont pas subi de modification dans leurs dispositions », qu'il n'existe aucune procédure ni litige avec le bailleur, qu'il n'a été commis aucune contravention au bail susceptible de permettre au bailleur de refuser le renouvellement, que toutes les installations du fonds sont régulièrement installées.
Dans l'inventaire daté du 30 juillet 2014 annexé à l'acte de cession de fonds, il est décrit le mobilier et le matériel situés dans le bar, la salle de restaurant, la cuisine mais aussi la « réserve » où est mentionnée la présence d'un congélateur et deux « frigos ».
De plus, dans le rapport de diagnostics techniques établi le 25 juillet 2013 en vue de la cession du fonds, la réserve litigieuse située dans la cour est expressément désignée et apparaît sur le plan des locaux diagnostiqués.
Monsieur [H] soutient que le terme « arrière-boutique » mentionné au bail et à l'acte de cession du fonds dans la désignation des locaux suppose qu'il s'agit d'un local nécessairement attenant et immédiatement à la suite du local commercial principal et qu'il ne peut concerner un local séparé situé dans une cour. Cependant, compte tenu du contexte dans lequel est intervenu la cession du fonds de commerce comprenant depuis de nombreuses années la réserve litigieuse, laquelle est mentionnée dans les annexes à cet acte de cession, et ce, en connaissance de cause par le bailleur qui n'a pas fait d'observation à cet égard, il existait une ambiguïté qui a permis à la locataire de se méprendre sur ses droits quant à cette réserve nécessaire à l'exploitation du commerce depuis de nombreuses années.
Dès lors, il apparaît que la sommation du 2 mars 2018, visant la clause résolutoire du bail, de libérer dans le délai d'un mois seulement « le local situé dans la cour de l'immeuble et annexé irrégulièrement à usage de réserve » a été délivré de mauvaise foi par Monsieur [H] et ne peut recevoir d'effet sur ce point.
2.2. Sur la sommation « de déposer le carrelage recouvrant une partie du sol de la cour et de procéder à la mise en état y afférente dudit sol »,
La société Inés conteste avoir posé le carrelage litigieux dans la cour et produit l'attestation en date du 13 avril 2022 de M. [Y] disant, disant avoir exploité le commerce en cause de 2004 à 2008, et précisant expressément « j'atteste que la cour était carrelée ».
Dès lors qu'il ne rapporte pas la preuve dont il a la charge que la société Inès a commis l'infraction contractuelle reprochée, Monsieur [H] ne peut lui délivrer une sommation d'y mettre fin dans le délai d'un mois sous peine d'acquisition de la clause résolutoire.
Il résulte de ces éléments que la sommation visant la clause résolutoire du bail délivrée à l'appelante le 2 mars 2018 est de nul effet et ne peut emporter acquisition de la clause résolutoire du bail avec expulsion de la locataire.
En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail en cause avec effet au 2 avril 2018.
3. Sur le refus de renouvellement
Par acte d'huissier du 5 janvier 2018, la société Inès a sollicité le renouvellement du bail et par acte du 4 avril 2018, Monsieur [H] a refusé ce renouvellement et le paiement d'une indemnité d'éviction. Il en résulte qu'en application de l'article L145-12 du code de commerce, le contrat de bail a pris fin le 31 mars 2018.
L'article L.145-14 du code de commerce dispose que le bailleur peut refuser le renouvellement du bail commercial, qu'il doit toutefois, sauf exceptions prévues aux articles L.145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité d'éviction égale au préjudice causé par le refus de renouvellement. Selon l'article L. 145-28 du même code, un locataire pouvant prétendre à une indemnité d'éviction à droit à se maintenir dans les lieux aux conditions et clauses du bail expiré jusqu'au paiement de cette indemnité.
L'article L.145-17 dispose que le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d'aucune indemnité s'il justifie d'un motif grave et légitime à l'encontre du locataire sortant ; que s'il s'agit de l'inexécution d'une obligation, l'infraction commise par le preneur ne peut être invoquée que si elle s'est poursuivie ou renouvelée plus d'un mois après mise en demeure du bailleur d'avoir à la faire cesser, cette mise en demeure effectuée par acte extrajudiciaire devant préciser le motif invoqué et reproduire le premier alinéa de l'article L.145-17 I.
C'est au bailleur qui refuse au preneur le droit au renouvellement de son bail commercial sans indemnité de démontrer l'existence d'une faute de ce dernier constitutive d'un motif grave et légitime, c'est à dire d'une gravité telle que le bailleur est en droit de ne pas vouloir poursuivre les relations contractuelles. Un congé dépourvu de motif, insuffisamment motivé ou dont le motif est injustifié, a les effets d'un congé avec refus de renouvellement comportant pour le bailleur l'obligation de payer l'indemnité d'éviction et n'a pas pour effet d'entraîner le renouvellement du bail.
En l'espèce, le refus du renouvellement du bail signifié le 4 avril 2018 après l'envoi d'une mise en demeure signifiée le 2 mars 2018 était fondé sur les motifs suivants :
« - l'annexion sans autorisation, à usage de réserve, du local situé dans la cour de l'immeuble,
- la pose, sans autorisation, d'un carrelage sur une partie du sol de la cour de l'immeuble »
Il ressort des éléments exposés ci-dessus qu'au regard de l'ambiguïté de la situation, la société Inès pouvait légitimement croire que la réserve litigieuse entrait dans l'assiette du contrat de bail. Dès lors, le fait pour elle de ne pas avoir libéré les lieux dans le délai d'un mois de la mise en demeure qui lui a été adressée le 2 mars 2018 n'est pas constitutif d'un motif légitime et d'une gravité suffisante pour justifier que le renouvellement du bail soit refusé sans indemnité d'éviction.
Il convient, en conséquence, d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société Inès de sa demande en paiement d'une indemnité d'éviction.
Il est constant que l'éviction de la société Inès entraînant la fin de son activité lui a causé un préjudice. La société Inès sollicite à ce titre la somme de 95.000 euros en appliquant une pondération à la moyenne des chiffres d'affaires des années 2017 à 2019. Cependant, la démonstration n'est pas faite que ce montant constituerait la juste réparation du préjudice subi.
La cour ne disposant pas en l'état des éléments suffisants pour fixer l'indemnité d'éviction, il convient avant dire droit sur le montant de cette indemnité d'ordonner une expertise dans les termes du dispositif ci-après, aux frais avancés de la société Inès. Dès lors que cette dernière a dû restituer les locaux et que, selon elle, ceux-ci seraient de nouveau donné en location, dans l'hypothèse où leur accès ne serait pas possible, il appartiendra à l'expert d'évaluer l'indemnité d'éviction au regard des pièces qui lui sont remises notamment quant à leur configuration et leur état. Cette évaluation se fera en prenant en considération la réserve litigieuse puisque le bailleur a sciemment laissé s'opérer la cession du bail alors qu'il savait que l'exploitation du commerce se faisait grâce à la réserve située dans la Cour. Les locaux ayant été restitués le 18 février 2022, le fonds de commerce ne peut pas être transféré, sans perte conséquente de clientèle. L'indemnité à évaluer sera une indemnité de remplacement de ce fonds.
Dès lors que selon l'article L. 145-28 du code de commerce, la locataire pouvant prétendre à une indemnité d'éviction avait droit à se maintenir dans les lieux aux conditions et clauses du bail expiré jusqu'au paiement de cette indemnité, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a ordonné à la société Inès de libérer les locaux loués, autorisé son expulsion à défaut de départ volontaire et l'a condamnée au paiement d'une indemnité d'occupation équivalente au montant du dernier loyer majoré de 5% charges en sus.
Dès lors que la locataire bénéficiait du droit au maintien dans les lieux la demande d'indemnité d'occupation de droit commun formée par le bailleur au motif que la locataire serait occupante sans droit ni titre à compter du 1er avril 2018, d'un montant égal au dernier loyer contractuel majoré de 20% outre les charges, sera rejetée.
La cour note qu'elle n'est saisie en cause d'appel d'aucune demande de fixation d'une indemnité d'occupation statutaire conformément aux dispositions de l'article L. 145-28 du code de commerce, par l'une ou l'autre, des parties et que le jugement, dont il est sollicité subsidiairement la confirmation de ce chef par le bailleur, ne s'est prononcé que sur une indemnité d'occupation de droit commun.
4. Sur la demande de dommages et intérêts pour fraude
L'appelante soutient que le congé aurait été délivré frauduleusement aux fins de solliciter le paiement d'une somme globale de 112.601,59 euros à titre de dommages et intérêts se décomposant en différents chef de préjudice.
La fraude se caractérise par l'usage de moyens déloyaux pour surprendre le consentement, obtenir un avantage indu ou pour échapper à l'application d'une loi impérative.
En l'espèce, le bailleur a délivré de mauvaise foi la sommation visant la clause résolutoire et connaissait l'usage de la réserve par son locataire. Cependant dès lors que le syndicat des copropriétaires l'a assigné aux fins de restitution de la cour commune, la preuve n'est pas rapportée que la délivrance du refus de renouvellement par Monsieur [H] ait été effectuée de façon frauduleuse pour obtenir un avantage indu et non pour mettre fin au litige l'opposant à la copropriété.
4.1.Sur la restitution des loyers postérieurs au congé et de la valeur locative de la réserve
Maître [I], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Inès, laquelle a exploité son activité dans les locaux jusqu'à son départ le 18 février 2022, ne démontre pas que cette société aurait subi, du fait de ce congé, un préjudice de jouissance égal au double du montant du loyer depuis la date du congé jusqu'à celle de son départ, ni qu'elle subirait un préjudice égal à la valeur locative des WC et de la réserve alors qu'elle en a eu effectivement la jouissance, de sorte que ses demandes en paiement des sommes de 54.240 euros et 11.752 euros formées à ces deux titres seront rejetées.
4.2. Sur les charges d'exploitation consécutives à la restitution des locaux
Maître [I] es qualité de liquidateur judiciaire de la société Inès demande la condamnation de Monsieur [H] à lui payer une somme de 31.755,59 euros au titre des charges d'exploitation qui n'ont pu être réglées par les revenus de l'exploitation ni être amorties car le bailleur a sollicité la restitution immédiate des locaux à la suite du jugement déféré.
Il est constant qu'un bailleur est tenu de réparer toutes les conséquences dommageables de l'exécution forcée d'un jugement frappé d'appel s'il ressort de l'arrêt infirmatif que le locataire pouvait prétendre au maintien dans les lieux dans l'attente du paiement d'une indemnité d'éviction. Cependant, en l'espèce la société Inès a interjeté appel le 8 février 2022 et a restitué les locaux dès le 28 février 2018 sans que le bailleur ne procède à l'exécution forcée. Par ailleurs, elle ne fait pas la démonstration que les charges, essentiellement salariales, dont elle fait état sans en justifier, auraient pu être compensées et amorties par la poursuite de l'activité, de sorte que le lien de causalité entre le préjudice et la faute allégués ne sont pas démontrés.
Il convient de rejeter la demande de dommages et intérêts formée à ce titre.
4.3. Sur le préjudice moral
Le préjudice moral d'une personne morale est distinct de celui de ses dirigeants, de sorte que l'appelante ne peut se prévaloir des difficultés de santé et financières de ses dirigeants.
La démonstration n'est pas faite que la société Inès aurait subi un préjudice moral personnel.
Maître [I], en qualité de liquidateur de la société Inès, sera déboutée de sa demande en paiement d'une somme de 10.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral de cette société.
5.Sur la restitution du dépôt de garantie
La somme globale de 112.601,59 euros sollicitée par l'appelante à titre de dommages et intérêts, comprends le montant du dépôt de garantie dont la restitution est sollicitée. Il convient de statuer séparément sur cette demande mal qualifiée.
Il ressort du contrat de bail du 27 mars 2008 qu'un dépôt de garantie de 4.520 euros a été déposé par le preneur et de l'acte de cession de fonds de commerce du 30 juillet 2014 que cette somme a été remboursée par le cessionnaire au cédant. Par lettre officielle du 18 mars 2022, le conseil de la locataire a vainement demandé à celui de la bailleresse la restitution de la somme de 4.854 euros au titre de la restitution du dépôt de garantie outre l'excédent du loyer de février. Monsieur [H] ne démontre pas l'existence de motifs justifiant qu'il conserve ce dépôt de garantie. Dès lors que les locaux ont été restitués, il sera condamné à rembourser ce dépôt de garantie.
L'appelant sollicite à ce titre une somme de 4.854,90 euros mais ne démontre pas que ce dépôt s'élève désormais à ce montant. Monsieur [H] sera donc condamné à payer à Maître [I], en qualité de liquidateur de la société Inès, la somme de 4.520 euros en restitution du dépôt de garantie prévu au bail.
6. Sur la demande de libération des parties communes et de leur remise en état
L'appelante demande l'infirmation des condamnations prononcées à son encontre à cet égard.
Dès lors que les locaux ont été libérés et que la locataire ne demande pas sa réintégration, il convient d'infirmer le jugement déféré devenu sans objet sur ce point en ce qu'il a condamné la société Inès à libérer les parties communes de l'immeuble, spécifiquement la cour et la réserve litigieuse.
Dès lors que la démonstration n'est pas faite que la société Inès aurait modifié les lieux et en particulier les parties communes, il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée sous astreinte à remettre les lieux en l'état à ses frais
7.Sur les demandes du syndicat de copropriétaires de l'immeuble en cause
La société Inès a assigné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble en cause sans former de demande à son encontre. Elle a fait appel à l'encontre de ce dernier et sollicité l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble en cause, la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Il convient de confirmer cette condamnation dès lors que la société Inès a assigné le syndicat des copropriétaires sans former de demandes à son encontre ni démontrer l'intérêt à lui voir déclarer opposable le litige l'opposant à son bailleur.
Maître [I], en qualité de liquidateur de la société Inès sera déboutée de sa demande formée à l'encontre du syndicat des copropriétaires au titre des frais irrépétibles d'appel et condamnée à lui payer la somme de 1.000 euros à ce titre en application de l'article 700 du code de procédure civile,
8. Sur les autres demandes
La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions. Il n=y a pas lieu de statuer sur les demandes aux fins de voir Adire et juger@ ou « constater", lorsqu=elles ne constituent pas des prétentions visant à conférer un droit à la partie qui les requiert et ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.
Compte tenu de la solution du litige, le jugement de première instance sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et fondées sur l'article 700 du code de procédure civile exceptées celles concernant la société Au Bon Coin, Madame [J] et le syndicat des copropriétaires .
Dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise judiciaire, il sera sursis sur la demande de fixation de l'indemnité d'éviction ainsi que sur les demandes relatives aux dépens et aux frais irrépétibles de première instance et d'appel.
Les autres demandes seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Déclare irrecevable la demande de Monsieur [H] aux fins de voir prononcer la caducité de l'appel interjeté par la société Inès représentée aujourd'hui par Maître [I] es qualité de mandataire liquidateur,
Rejette la demande de Monsieur [H] aux fins de voir déclarer irrecevables les conclusions de la société Inès représentée par Maître M. [I] en sa qualité de liquidateur judiciaire,
Infirme le jugement rendu le 26 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Bobigny (RG18/9656) en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action de la société Inés contre la Sarl au Bon Coin et Madame [J], a condamné la société Inès aux dépens dans ses rapports avec la société Au Bon Coin, Mme [J] et le syndicat des copropriétaires [Adresse 2] à [Localité 17] et a condamné la société Inès à payer 500 euros à Madame [J] et 1.000 euros au syndicat des copropriétaires ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare de nul effet la sommation visant la clause résolutoire du bail en cause délivrée par Monsieur [H] le 2 mars 2018 à la société Inès,
Dit que la résiliation du bail n'est pas acquise par l'effet de cette sommation,
Dit que le refus de renouvellement signifié par Monsieur [H] le 4 avril 2018 en réponse à la demande de renouvellement signifiée le 5 janvier 2018 par la société Inès a mis fin le 31 mars 2018 au contrat de bail commercial liant les parties portant sur les locaux situés [Adresse 2] à [Localité 17] (93);
Dit qu'en l'absence de motifs graves et légitimes, le refus de renouvellement délivré le 4 avril 2018 a ouvert droit au profit de la société Ines à une indemnité d'éviction;
Déboute Monsieur [H] de sa demande aux fins de voir condamner Maître [I], en qualité de liquidateur de la société Inès, au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle à compter du 1er avril 2018 jusqu'au 18 février 2022 d'un montant équivalent au montant du dernier loyer contractuel majoré de 20% charges en plus,
Condamne Monsieur [H] à payer à Maître [I], en qualité de liquidateur de la société Inès, la somme de 4.520 euros en restitution du dépôt de garantie prévu au bail,
Déboute Maître [I], en qualité de liquidateur de la société Inès, de sa demande en paiement de 112.601,59 euros à titre de dommages et intérêts comprenant les sommes réclamées au titre de la restitution des loyers postérieurs au congé, de la valeur locative de la réserve, des charges d'exploitation consécutives à la restitution des locaux et de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,
Déboute Maître [I], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Inès, de sa demande aux fins de voir condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2] à [Localité 17] (93), représenté par son syndic, à lui payer la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Maître [I], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Inès, à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2] à [Localité 17] (93) représenté par son syndic la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Avant dire droit au fond sur le montant de l'indemnité d'éviction, tous droits et moyens des parties demeurant réservés à cet égard, désigne en qualité d'expert
M. [C] [K]
[Adresse 13] [Localité 10].
Tel : [XXXXXXXX01].
Mail : [Courriel 15]
avec mission, les parties ayant été convoquées et dans le respect du principe du contradictoire:
* de se faire communiquer tous documents et pièces nécessaires à l'accomplissement de sa mission ;
* si possible, visiter les lieux , à défaut procéder à la mission au regard des pièces qui lui sont remises, les décrire en prenant en compte leur configuration et leur état à la date de leur libération, et ce, en prenant en considération la réserve litigieuse,
* rechercher, en tenant compte de la nature des activités professionnelles autorisées par le bail, de la situation et de l'état des locaux, tous éléments permettant :
1 ) de déterminer le montant de l'indemnité d'éviction dans le cas d'une perte de fonds : valeur marchande déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, des frais et droits de mutation afférents à la cession de fonds d'importance identique, de la réparation du trouble commercial,
2 )à titre de renseignement, dire si, à son avis, le loyer aurait été ou non plafonné en cas de renouvellement du bail et préciser, en ce cas, le montant du loyer calculé en fonction des indices qui aurait été applicable à la date de la fin du bail,
Dit que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et qu'il déposera l'original de son rapport au greffe de la 3ème chambre du pôle 5 (5-3) de la cour d'appel de Paris avant le 28 juin 2026 ;
Fixe à la somme de 4.000 euros la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, somme qui devra être consignée par Maître [I], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Inès, à la Régie de la cour d'appel de Paris, [Adresse 7], [Localité 11] 1e avant le 30 novembre 2025,
Dit que, faute de consignation de la provision dans ce délai, la désignation de l'expert sera caduque et privée de tout effet ;
Dit qu'un des magistrats de la chambre sera délégué au contrôle de cette expertise:
Renvoie l'affaire à l'audience de mise en état du 10 décembre 2025 pour contrôle du versement de la consignation;
Renvoie l'affaire pour reprise des débats après dépôt du rapport de l'expert, à l'audience du juge de la mise en état de la 3ème chambre du pôle 5 (5-3) de cette cour à la date qui sera fixée ultérieurement par le juge de la mise en état ;
Réserve les autres demandes notamment celles fondées sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens dans les rapports entre M. [H] et le liquidateur de la société Inès, relatives aux procédures de première instance et d'appel .
Le greffier, Le président,
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 11 SEPTEMBRE 2025
(n° 139/2025, 14 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 22/03317 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFIEF
Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 janvier 2022- Tribunal judiciaire de BOBIGNY (Chambre 5/Section 1)- RG n° 18/09656
APPELANTE
S.A.S.U. INES
Immatriculée au R.C.S. de Meaux sous le n° 803 119 361
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 12]
Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de Paris, toque : D2090
Assistée de Me Christophe BOURDEL, avocat au barreau de Paris, toque : P098, substitué à l'audience par Me France Olivia KWAN
INTIMÉS
M. [B] [H]
né le 01 mai 1966 à [Localité 18] (Italie)
[Adresse 6]
[Localité 9]
Représenté et assisté par Me Sophie KOMBADJIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : P139
S.D.C. de l'immeuble du [Adresse 2] [Localité 17]
Pris en la personne de son syndic en exercice, la S.A.S. LE TERROIR
Immatriculée au R.C.S. de Paris sous le n° 562 024 893
dont le siège social est :
[Adresse 8]
[Localité 10]
Elle-même prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Francine HAVET, avocat au barreau de Paris, toque : D1250
INTERVENANTE VOLONTAIRE ET COMME TELLE APPELANTE
Maître [D] [I], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SASU INES, désignée par jugement du tribunal de commerce de Bobigny en date du 17 novembre 2022
[Adresse 4]
[Localité 14]
Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de Paris, toque : D2090
Assistée de Me Christophe BOURDEL, avocat au barreau de Paris, toque : P098, substitué à l'audience par Me France Olivia KWAN
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 03 mars 2025, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Marie Girousse, conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
- M. Xavier Blanc, président de chambre
- Mme Stéphanie Dupont, conseillère
- Mme Marie Girousse, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Sandrine Stassi-Buscqua
ARRÊT :
- contradictoire ;
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par M. Xavier Blanc, président de chambre et par Mme Sandrine Stassi-Buscqua, greffière, présente lors de la mise à disposition.
FAITS ET PROCÉDURE
Suivant acte sous-seing privé du 27 mars 2008, Monsieur [B] [H] a consenti à la société Au Bon Coin un bail commercial portant sur des locaux dépendant de l'immeuble situé [Adresse 2] à [Localité 17] (lot de copropriété N°1 ) pour son activité de restauration. Puis, par acte du 30 juillet 2014, la société Au Bon Coin a cédé son fonds de commerce à la société Inès, ayant pour enseigne « Au Bon Coin » , cette cession emportant le transfert du droit au bail.
Par assignations des 2 et 8 février 2018, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble en cause, représenté par son syndic, a fait citer Monsieur [B] [H] et la société Inès devant le juge des référés aux fins de les voir condamner à libérer le local situé dans la cour de l'immeuble.
Par acte d'huissier du 2 mars 2018 visant la clause résolutoire du bail, Monsieur [H] a fait sommation à la société Inès de, dans le délai d'un mois de la délivrance de cet acte, libérer le local en cause, de déposer le carrelage recouvrant une partie du sol de la cour et de procéder à la remise en état afférente du local.
La société Inès ayant signifié par acte d'huissier, le 5 janvier 2018, une demande de renouvellement du bail à Monsieur [H], par acte d'huissier du 4 avril 2018, ce dernier a signifié à sa locataire un refus de renouvellement sans indemnité d'éviction pour motifs graves et légitimes.
Par ordonnance du 17 octobre 2018, le juge des référés du Tribunal de grande instance de Bobigny saisi par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble a notamment condamné solidairement Monsieur [B] [H] et la société Inès à libérer les parties communes de toute occupation illégale et à remettre les lieux en l'état, à leurs frais propres dans le délai d'un mois à compter de la signification de l'ordonnance.
Par arrêt du 9 mai 2019, la cour d'appel de Paris a confirmé l'ordonnance en ce qui concerne les moyens d'annulation et d'irrecevabilité mais a infirmé le surplus et dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes du syndicat des copropriétaires à l'encontre de la société Inès et de Monsieur [B] [H] et a refusé sa demande d'expertise.
Par acte du 4 septembre 2018, la société Inès a fait assigner devant le Tribunal de grande instance de Bobigny, la société Au Bon Coin prise en la personne de sa liquidatrice amiable Madame [W] [J], Monsieur [B] [H], propriétaire des murs, le syndicat des copropriétaires représenté par son syndic la société ADER immobilier Paris aux fins notamment de voir condamner la société Au Bon Coin et sa liquidatrice au paiement de 30.000 euros de dommages et intérêts pour perte de chance d'avoir pu contracter dans des conditions plus avantageuses, annuler le congé avec refus de renouvellement sans indemnité d'éviction pour motif grave et légitime délivré le 4 avril 2018, enjoindre au bailleur de renouveler le bail commercial, subsidiairement accorder une indemnité d'éviction à la société Inès.
Par jugement du 26 janvier 2022, le Tribunal Judiciaire de Bobigny a :
- Déclaré irrecevable la société Ines en son action contre la Sarl Au Bon Coin et Madame [J],
- Condamné la société Ines à libérer les parties communes de l'immeuble, spécifiquement la cour en rez-de-chaussée et le local à usage de réserve qui y est situé et à remettre les lieux en l'état, à ses frais propres, dans l'ensemble immobilier situé [Adresse 2] à [Localité 17] et ce sous astreinte de 250 euros par jour de retard dans un délai d'un mois à compter du prononcé de la présente décision,
- Constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial situé [Adresse 2] à [Localité 17], avec effet au 2 avril 2018,
En conséquence, ordonné à la société Ines de libérer les lieux susvisés,
- Dit qu'à défaut de départ volontaire, la société Ines pourra être expulsée à la requête de Monsieur [B] [H] ou du syndicat des copropriétaires, ainsi que tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique et l'assistance d'un serrurier ;
- Condamné la société Ines au paiement d'une indemnité d'occupation équivalente au montant du dernier loyer, majoré de 5% charges en sus,
- Condamné la société Ines au paiement des entiers dépens de l'instance,
- Condamné la société Ines à payer à payer 500 euros à Madame [W] [J], 1000 euros au syndicat des copropriétaires [Adresse 2] à [Localité 17], 1000 euros à Monsieur [B] [H], sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Rejeté le surplus des demandes,
- Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.
Par déclaration du 8 février 2022, la société Ines a interjeté appel du jugement.
La société Ines a libéré les locaux le 18 février 2022, cette restitution ayant fait l'objet d'un constat d'huissier en présence des deux parties.
Par conclusions d'incident du 6 août 2022 M. [H] a demandé au conseiller de la mise en état d'ordonner la radiation de l'affaire pour défaut d'exécution du jugement entrepris. Par ordonnance du 16 janvier 2023, le conseiller de la mise en état a donné acte à Monsieur [H] de son désistement de sa demande de radiation.
Par jugement du 17 novembre 2022, le tribunal de commerce de Bobigny a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Inès et désigné Maître M. [I] en qualité de mandataire liquidateur.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 12 février 2025.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Par conclusions déposées le 24 janvier 2025, Maître [D] [I], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Inès, appelante, demande à la cour de :
A titre liminaire
- Débouter Monsieur [B] [H] de sa fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des conclusions de Maître [I] es qualité de liquidateur judiciaire de la société Inès et de sa demande de caducité de la déclaration d'appel,
En conséquence,
- Recevoir Maître [I] es qualité de liquidateur judiciaire de la société Inès en son appel,
A titre principal
- Réformer le jugement du 26 janvier 2022 en ce qu'il a :
' condamné la société Ines à libérer les parties communes de l'immeuble, spécifiquement la cour en rez-de-chaussée et le local à usage de réserve qui y est situé et à remettre les lieux en l'état, à ses frais propres, dans l'ensemble immobilier situé [Adresse 2] à [Localité 17] et ce sous astreinte de 250 euros par jour de retard dans un délai d'un mois à compter du prononcé de la présente décision,
' constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial situé [Adresse 2] à [Localité 17], avec effet au 2 avril 2018,
' En conséquence, ordonné à la société Ines de libérer les lieux susvisés,
' dit qu'à défaut de départ volontaire, la société Ines pourra être expulsée à la requête de Monsieur [B] [H] ou du syndicat des copropriétaires, ainsi que tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique et l'assistance d'un serrurier ;
' condamné la société Ines au paiement d'une indemnité d'occupation équivalente au montant du dernier loyer, majoré de 5% charges en sus,
' condamné la société Ines au paiement des entiers dépens de l'instance,
' condamné la société Ines à payer à payer 500 euros à Madame [W] [J], 1000 euros au syndicat des copropriétaires [Adresse 2] à [Localité 17], 1000 euros à Monsieur [B] [H], sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
' rejeté le surplus des demandes,
' ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.
Et, statuant à nouveau,
- prononcer la nullité de la sommation visant la clause résolutoire délivrée en date du 2 mars 2018 ;
- débouter Monsieur [H] de sa demande de voir acquise la clause résolutoire du bail commercial ;
- requalifier le refus de renouvellement sans offre d'indemnité d'éviction en date du 4 avril 2018 du bail commercial du 27 mars 2008 en refus de renouvellement avec offre d'indemnité d'éviction ;
- fixer le montant de l'indemnité d'éviction à la somme de quatre-vingt-quinze mille euros;
- condamner Monsieur [B] [H] à payer à Maître [D] [I] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Ines la somme de quatre-vingt-quinze mille euros (95.000 €),
- condamner, Monsieur [B] [H] à payer à Maître [D] [I] ès qualité de liquidateur judiciaire de la Société INÈS la somme de cent douze mille six cent un euro et cinquante-neuf centimes (112.601,59 €) à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis ;
- débouter les intimés de leurs demandes,
- condamner Monsieur [B] [H] et le Syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] à [Localité 17] à payer à Maître [D] [I] ès qualité de liquidateur judiciaire de la Société Ines à la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner Monsieur [B] [H] aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.
Par conclusions déposées le 19 décembre 2022, Monsieur [B] [H], intimé, demande à la cour de :
- Recevoir Monsieur [B] [H] en ses demandes, fins et conclusions et l'en dire bien fondé.
En conséquence:
A titre principal,
- Dire et juger irrecevables les conclusions de la société Ines pour mention erronée de son siège social,
- Prononcer la caducité de l'appel de la société Ines,
A titre subsidiaire,
- Confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions
A titre très subsidiaire, si la cour devait infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a dit la clause résolutoire acquise,
- Dire et juger bon et valable le refus de renouvellement opposé par Monsieur [H] en date du 4 avril 2018,
- Dire et juger que le bail a pris fin le 31 mars 2018, en suite du refus de renouvellement opposé par Monsieur [H],
- Dire et juger que la société Ines ne peut prétendre à une indemnité d'éviction en raison des infractions commises,
- Dire et juger la société Ines occupante sans droit ni titre à compter du 1er avril 2018,
- Condamner la société Ines au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle à compter du 1er avril 2018 et jusqu'au 18 février 2022, date de libération des lieux, d'un montant équivalent au montant du dernier loyer contractuel majoré de 20%, charges en sus,
En toute hypothèse,
- Débouter Me [I], es qualité de l'ensemble de ses demandes,
- Condamner Me [I], es qualité à payer à Monsieur [H] la somme de 10.000,00€ au titre des frais irrépétibles, sur le fondement de l'article 700 du CPC,
- Condamner Maître [I] aux entiers dépens.
Par conclusions déposées le 26 juillet 2022, le Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2], [Localité 17], intimé, demande à la cour de :
- Juger le Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2], [Localité 17] recevable et bien fondé en ses présentes écritures,
- Constater que la société Ines ne demande pas l'annulation du congé qui lui a été délivré par son bailleur, non plus que la réintégration dans les lieux.
- Constater que la société Ines a libéré le local commercial et les parties communes de toute occupation le 18 février 2022.
- Constater qu'aucune demande principale n'est formulée à l'encontre du Syndicat des Copropriétaires.
En conséquence,
- Juger non fondée la société Ines en son appel dirigé à l'encontre du Syndicat des Copropriétaires.
- Débouter la société Ines de sa demande formulée à l'encontre du Syndicat des Copropriétaires fondée sur l'article 700 du Code de Procédure Civile.
- Condamner la société Ines au paiement de la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile au bénéfice du Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2], [Localité 17], lequel a exposé des frais irrépétibles alors qu'aucune demande principale n'est formée à son encontre.
- Condamner la société Ines aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.
MOTIFS DE L'ARRÊT
1.Sur la procédure
Il ressort de l'article 914 du code de procédure civile, invoqué à juste titre par l'appelante, que le conseiller de la mise en état est seul compétent jusqu'à la clôture de l'instruction pour prononcer la caducité de l'appel et que les parties ne sont plus recevables à invoquer devant la cour la caducité de l'appel après la clôture de l'instruction à moins que sa cause ne soit révélée postérieurement. Au surplus, la fin de non-recevoir édictée par l'article 961 du même code, dont se prévaut Monsieur [H], n'est pas imposée à peine de caducité avant l'expiration du délai de trois mois prévu à l'article 908 .(2ème civ 29/1/2015,13-23.546).
Il convient, en conséquence, de déclarer irrecevable la demande de Monsieur [H] aux fins de voir prononcer la caducité de l'appel interjeté par la société Inès, représentée aujourd'hui par Maître [I] es qualité de mandataire liquidateur.
Il résulte des dispositions combinées des articles 126, 960 et 961 du code de procédure civile, que les conclusions notifiées entre avocat lors de la procédure devant la cour d'appel ne sont pas recevables tant que les indications exigées par l'alinéa 2 du deuxième de ces textes, notamment celle du siège social de la personne morale concluante, n'ont pas été fournies, cette fin de non-recevoir pouvant être régularisée jusqu'au jour du prononcé de la clôture.
En l'espèce, les premiers jeux de conclusions de la société Inès, appelante, mentionnaient, conformément à ses statuts, que sont siège social était situé [Adresse 2], [Localité 17], soit l'adresse des locaux en cause bien qu'elle les ait libérés le 18 février 2022. Elle a ensuite procédé au transfert de son siège social au [Adresse 5] à [Localité 12], ainsi que cela résulte de l'extrait du registre du commerce du 29 septembre 2022 produit, et mentionne cette nouvelle adresse de siège social dans ses dernières conclusions signifiées le 24 janvier 2025 pour son compte par Maître [I] en sa qualité de liquidateur judiciaire.
Il apparaît donc qu'au jour du prononcé de la clôture, les conclusions de l'appelante précisaient valablement l'adresse de son siège social. Il convient, en conséquence, de rejeter la demande de Monsieur [H] aux fins de voir déclarer irrecevables les conclusions de la société Inès représentée par Maître M. [I] en sa qualité de liquidateur judiciaire,
2. Sur l'acquisition de la clause résolutoire
Il ressort de l'article L145-41 du code de commerce qu'un contrat de bail commercial peut contenir une clause prévoyant la résiliation de plein droit si elle ne produit effet qu'un mois après un commandement de payer ou une sommation d'exécuter infructueux, le commandement devant, à peine de nullité, mentionner ce délai.
Compte tenu de la gravité des conséquences d'une telle clause, elle ne peut concerner qu'une obligation expressément prévue au contrat de bail et le législateur a subordonné son effet à la possibilité donnée au locataire de régulariser sa situation dans le délai d'un mois. En outre, un tel commandement ou une telle sommation visant la clause résolutoire du bail ne peuvent produire effet que s'ils ont été délivrés de bonne foi, conformément à l'exigence de l'article 1104 (ancien1134 alinéa 3) du code civil.
En l'espèce, la sommation visant la clause résolutoire délivrée le 2 mars 2018 à la société Inès lui fait sommation de se conformer aux stipulations du bail, citées dans l'acte, lui interdisant notamment de changer la disposition des lieux sans autorisation du bailleur, d'encombrer par aucun objet quelconque les cours et autres lieux communs et lui faisant obligation de réparer à ses frais tous dégâts causés aux lieux loués et autres locaux voisins et par conséquent :
« - dans le délai d'un mois à compter de la présente sommation, de libérer le local situé dans la cour de l'immeuble et annexé irrégulièrement à usage de réserve
- dans le délai d'un mois à compter de la présente sommation, de déposer le carrelage recouvrant une partie du sol de la cour et de procéder à la remise en état y afférente dudit sol ».
2.1 Sur le reproche relatif à l'occupation du local situé dans la cour de l'immeuble,
Dans le règlement de copropriété, le local commercial loué, correspondant au lot N°1 est ainsi désigné : « (RDC) Avec accès sur le pan coupé : un local commercial avec cabinet de toilette. Autre accès, porte gauche dans la cour commune , (S/S) une cave. Ces 2 niveaux communiquent entre eux par une trappe ».
L'attestation notariée relative à la vente de ce bien immobilier à Monsieur [H], le 30 septembre 2003, reproduit cette description du lot N°1 et y ajoute : « observation étant faite que la désignation actuelle du lot est la suivante : Au rez-de-chaussée, une boutique avec arrière-boutique comportant deux travées sur la [Adresse 16], un pan coupé, et une travée sur la [Adresse 2] avec communication avec la cour de l'immeuble et le vestibule d'entrée, une cave communiquant avec la boutique par une trappe avec échelle mobile et water-closer particulier dans la cour ».
Le bail commercial consenti le 27 mars 2008 par Monsieur [H] à la société Au Bon Coin reprend cette seconde désignation faisant état d'une arrière-boutique, de la communication avec la cour et de l'accès aux water closet extérieurs outre la formule « tels que ces biens existent, s'étendent, se poursuivent et comportent avec toutes leurs aisances et dépendances et tous les droits y attachés sans aucune exception ni réserve ».
Il ressort des attestations produites, soit celle de Monsieur [R] disant avoir exploité le commerce en cause de 1999 à 2001 selon laquelle les locaux comprenaient « un couloir donnant sur la cour de l'immeuble desservant les toilettes et une vieille petite réserve où je déposais mes caisses de boisson » (17/04/22), celle de Monsieur [Y] disant avoir exploité le restaurant de 2004 à 2008 et avoir acquis le fonds de commerce avec « la remise (arrière-boutique) et la cour avec accès privatif aux toilettes » (13/04/22) et celle de Mme [N] disant être cuisinière salariée du fonds de commerce depuis 2008 écrivant : « Je puis assurer que l'arrière-boutique était existante, bien avant mon arrivée dans l'établissement ; aussi, je précise que la cour était privative, (') Nous avons toujours stocké nos produits alimentaires, caisses de boissons, frigos, congélateurs dans cette remise qui est depuis toujours, nécessaire à l'activité » (21/10/18), que le fonds de commerce cédé à la société Inès le 30 juillet 2014 disposait déjà depuis de nombreuses années du local situé dans la cour non attenant aux locaux commerciaux, et ce, avant même la conclusion du bail en cause le 27 mars 2008.
Cet usage ancien du local situé dans la cour par les locataires de M. [H] se trouve confirmé par les pièces produites relatives aux rapports litigieux entre la copropriété et M. [H]. Ainsi, la convocation à l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble en cause du 17 novembre 2008 contient à l'ordre du jour une 14ème résolution intitulée : autorisation d'assignation à donner au syndic à l'encontre du propriétaire du local commercial, lot 1, pour empiètement sur parties communes (la Cour article 24). Il est notamment reproché l'annexion de la cour commune et l'empiètement du lot 1 sur les parties communes. Dans la convocation à l'assemblée générale des copropriétaires du 26 mars 2013, il est mentionné dans les « questions diverses » : « il sera demandé au propriétaire du local de racheter la cour ainsi que de prendre à ses frais les modification du règlement de copropriété ». Or, il n'apparaît pas que Monsieur [H] ait procédé à cet achat ni qu'il ait demandé à sa locataire de libérer la cour et le local s'y trouvant.
Il ressort, en outre, des pièces produites et notamment des constats d'huissier que l'accès à la réserve litigieuse n'est possible que par le restaurant, l'ancienne porte d'accès depuis les parties communes de l'immeuble étant condamnée.
C'est dans ces conditions qu'est intervenue la vente du fonds de commerce en cause le 30 juillet 2014, à laquelle était convié Monsieur [H] qui ne s'est pas présenté ni n'a fait d'observation sur la situation du local litigieux dont l'usage lui était reproché par la copropriété. Dans l'après-midi du jour de la cession du fonds, le 30 juillet 2014, l'administrateur de biens du bailleur a simplement écrit par courriel au conseil de la société Inès je « me permets de vous rappeler que la cour ne peut être utilisée par le locataire comme elle semblait l'être par le précédent locataire », auquel ce conseil a répondu le 31 juillet 2014 que la cession avait eu lieu la veille et que « en ce qui concerne la cour, l'acquéreur m'a confirmé qu'il n'en ferait pas un usage interdit et qu'il respecterait toutes les clauses du bail ». Dans cet échange portant sur la cour, il n'est pas fait état de la réserve litigieuse située dans cette cour.
L'acte de cession du fonds de commerce par la société Au Bon coin à la société Inès du 30 juillet 2014 enregistré le 26 août 2014, comprenant le droit au bail du 27 mars 2008, reprend la même désignation que celle figurant dans ce bail rappelée ci-dessus, c'est-à-dire mentionne l'existence d'une arrière-boutique mais non d'une réserve dans la cour. Il y est notamment précisé que le bailleur a été régulièrement convoqué au rendez-vous de signature par lettre recommandée AR, que « les lieux loués tels que désignés ci-dessus n'ont pas subi de modification dans leurs dispositions », qu'il n'existe aucune procédure ni litige avec le bailleur, qu'il n'a été commis aucune contravention au bail susceptible de permettre au bailleur de refuser le renouvellement, que toutes les installations du fonds sont régulièrement installées.
Dans l'inventaire daté du 30 juillet 2014 annexé à l'acte de cession de fonds, il est décrit le mobilier et le matériel situés dans le bar, la salle de restaurant, la cuisine mais aussi la « réserve » où est mentionnée la présence d'un congélateur et deux « frigos ».
De plus, dans le rapport de diagnostics techniques établi le 25 juillet 2013 en vue de la cession du fonds, la réserve litigieuse située dans la cour est expressément désignée et apparaît sur le plan des locaux diagnostiqués.
Monsieur [H] soutient que le terme « arrière-boutique » mentionné au bail et à l'acte de cession du fonds dans la désignation des locaux suppose qu'il s'agit d'un local nécessairement attenant et immédiatement à la suite du local commercial principal et qu'il ne peut concerner un local séparé situé dans une cour. Cependant, compte tenu du contexte dans lequel est intervenu la cession du fonds de commerce comprenant depuis de nombreuses années la réserve litigieuse, laquelle est mentionnée dans les annexes à cet acte de cession, et ce, en connaissance de cause par le bailleur qui n'a pas fait d'observation à cet égard, il existait une ambiguïté qui a permis à la locataire de se méprendre sur ses droits quant à cette réserve nécessaire à l'exploitation du commerce depuis de nombreuses années.
Dès lors, il apparaît que la sommation du 2 mars 2018, visant la clause résolutoire du bail, de libérer dans le délai d'un mois seulement « le local situé dans la cour de l'immeuble et annexé irrégulièrement à usage de réserve » a été délivré de mauvaise foi par Monsieur [H] et ne peut recevoir d'effet sur ce point.
2.2. Sur la sommation « de déposer le carrelage recouvrant une partie du sol de la cour et de procéder à la mise en état y afférente dudit sol »,
La société Inés conteste avoir posé le carrelage litigieux dans la cour et produit l'attestation en date du 13 avril 2022 de M. [Y] disant, disant avoir exploité le commerce en cause de 2004 à 2008, et précisant expressément « j'atteste que la cour était carrelée ».
Dès lors qu'il ne rapporte pas la preuve dont il a la charge que la société Inès a commis l'infraction contractuelle reprochée, Monsieur [H] ne peut lui délivrer une sommation d'y mettre fin dans le délai d'un mois sous peine d'acquisition de la clause résolutoire.
Il résulte de ces éléments que la sommation visant la clause résolutoire du bail délivrée à l'appelante le 2 mars 2018 est de nul effet et ne peut emporter acquisition de la clause résolutoire du bail avec expulsion de la locataire.
En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail en cause avec effet au 2 avril 2018.
3. Sur le refus de renouvellement
Par acte d'huissier du 5 janvier 2018, la société Inès a sollicité le renouvellement du bail et par acte du 4 avril 2018, Monsieur [H] a refusé ce renouvellement et le paiement d'une indemnité d'éviction. Il en résulte qu'en application de l'article L145-12 du code de commerce, le contrat de bail a pris fin le 31 mars 2018.
L'article L.145-14 du code de commerce dispose que le bailleur peut refuser le renouvellement du bail commercial, qu'il doit toutefois, sauf exceptions prévues aux articles L.145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité d'éviction égale au préjudice causé par le refus de renouvellement. Selon l'article L. 145-28 du même code, un locataire pouvant prétendre à une indemnité d'éviction à droit à se maintenir dans les lieux aux conditions et clauses du bail expiré jusqu'au paiement de cette indemnité.
L'article L.145-17 dispose que le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d'aucune indemnité s'il justifie d'un motif grave et légitime à l'encontre du locataire sortant ; que s'il s'agit de l'inexécution d'une obligation, l'infraction commise par le preneur ne peut être invoquée que si elle s'est poursuivie ou renouvelée plus d'un mois après mise en demeure du bailleur d'avoir à la faire cesser, cette mise en demeure effectuée par acte extrajudiciaire devant préciser le motif invoqué et reproduire le premier alinéa de l'article L.145-17 I.
C'est au bailleur qui refuse au preneur le droit au renouvellement de son bail commercial sans indemnité de démontrer l'existence d'une faute de ce dernier constitutive d'un motif grave et légitime, c'est à dire d'une gravité telle que le bailleur est en droit de ne pas vouloir poursuivre les relations contractuelles. Un congé dépourvu de motif, insuffisamment motivé ou dont le motif est injustifié, a les effets d'un congé avec refus de renouvellement comportant pour le bailleur l'obligation de payer l'indemnité d'éviction et n'a pas pour effet d'entraîner le renouvellement du bail.
En l'espèce, le refus du renouvellement du bail signifié le 4 avril 2018 après l'envoi d'une mise en demeure signifiée le 2 mars 2018 était fondé sur les motifs suivants :
« - l'annexion sans autorisation, à usage de réserve, du local situé dans la cour de l'immeuble,
- la pose, sans autorisation, d'un carrelage sur une partie du sol de la cour de l'immeuble »
Il ressort des éléments exposés ci-dessus qu'au regard de l'ambiguïté de la situation, la société Inès pouvait légitimement croire que la réserve litigieuse entrait dans l'assiette du contrat de bail. Dès lors, le fait pour elle de ne pas avoir libéré les lieux dans le délai d'un mois de la mise en demeure qui lui a été adressée le 2 mars 2018 n'est pas constitutif d'un motif légitime et d'une gravité suffisante pour justifier que le renouvellement du bail soit refusé sans indemnité d'éviction.
Il convient, en conséquence, d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société Inès de sa demande en paiement d'une indemnité d'éviction.
Il est constant que l'éviction de la société Inès entraînant la fin de son activité lui a causé un préjudice. La société Inès sollicite à ce titre la somme de 95.000 euros en appliquant une pondération à la moyenne des chiffres d'affaires des années 2017 à 2019. Cependant, la démonstration n'est pas faite que ce montant constituerait la juste réparation du préjudice subi.
La cour ne disposant pas en l'état des éléments suffisants pour fixer l'indemnité d'éviction, il convient avant dire droit sur le montant de cette indemnité d'ordonner une expertise dans les termes du dispositif ci-après, aux frais avancés de la société Inès. Dès lors que cette dernière a dû restituer les locaux et que, selon elle, ceux-ci seraient de nouveau donné en location, dans l'hypothèse où leur accès ne serait pas possible, il appartiendra à l'expert d'évaluer l'indemnité d'éviction au regard des pièces qui lui sont remises notamment quant à leur configuration et leur état. Cette évaluation se fera en prenant en considération la réserve litigieuse puisque le bailleur a sciemment laissé s'opérer la cession du bail alors qu'il savait que l'exploitation du commerce se faisait grâce à la réserve située dans la Cour. Les locaux ayant été restitués le 18 février 2022, le fonds de commerce ne peut pas être transféré, sans perte conséquente de clientèle. L'indemnité à évaluer sera une indemnité de remplacement de ce fonds.
Dès lors que selon l'article L. 145-28 du code de commerce, la locataire pouvant prétendre à une indemnité d'éviction avait droit à se maintenir dans les lieux aux conditions et clauses du bail expiré jusqu'au paiement de cette indemnité, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a ordonné à la société Inès de libérer les locaux loués, autorisé son expulsion à défaut de départ volontaire et l'a condamnée au paiement d'une indemnité d'occupation équivalente au montant du dernier loyer majoré de 5% charges en sus.
Dès lors que la locataire bénéficiait du droit au maintien dans les lieux la demande d'indemnité d'occupation de droit commun formée par le bailleur au motif que la locataire serait occupante sans droit ni titre à compter du 1er avril 2018, d'un montant égal au dernier loyer contractuel majoré de 20% outre les charges, sera rejetée.
La cour note qu'elle n'est saisie en cause d'appel d'aucune demande de fixation d'une indemnité d'occupation statutaire conformément aux dispositions de l'article L. 145-28 du code de commerce, par l'une ou l'autre, des parties et que le jugement, dont il est sollicité subsidiairement la confirmation de ce chef par le bailleur, ne s'est prononcé que sur une indemnité d'occupation de droit commun.
4. Sur la demande de dommages et intérêts pour fraude
L'appelante soutient que le congé aurait été délivré frauduleusement aux fins de solliciter le paiement d'une somme globale de 112.601,59 euros à titre de dommages et intérêts se décomposant en différents chef de préjudice.
La fraude se caractérise par l'usage de moyens déloyaux pour surprendre le consentement, obtenir un avantage indu ou pour échapper à l'application d'une loi impérative.
En l'espèce, le bailleur a délivré de mauvaise foi la sommation visant la clause résolutoire et connaissait l'usage de la réserve par son locataire. Cependant dès lors que le syndicat des copropriétaires l'a assigné aux fins de restitution de la cour commune, la preuve n'est pas rapportée que la délivrance du refus de renouvellement par Monsieur [H] ait été effectuée de façon frauduleuse pour obtenir un avantage indu et non pour mettre fin au litige l'opposant à la copropriété.
4.1.Sur la restitution des loyers postérieurs au congé et de la valeur locative de la réserve
Maître [I], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Inès, laquelle a exploité son activité dans les locaux jusqu'à son départ le 18 février 2022, ne démontre pas que cette société aurait subi, du fait de ce congé, un préjudice de jouissance égal au double du montant du loyer depuis la date du congé jusqu'à celle de son départ, ni qu'elle subirait un préjudice égal à la valeur locative des WC et de la réserve alors qu'elle en a eu effectivement la jouissance, de sorte que ses demandes en paiement des sommes de 54.240 euros et 11.752 euros formées à ces deux titres seront rejetées.
4.2. Sur les charges d'exploitation consécutives à la restitution des locaux
Maître [I] es qualité de liquidateur judiciaire de la société Inès demande la condamnation de Monsieur [H] à lui payer une somme de 31.755,59 euros au titre des charges d'exploitation qui n'ont pu être réglées par les revenus de l'exploitation ni être amorties car le bailleur a sollicité la restitution immédiate des locaux à la suite du jugement déféré.
Il est constant qu'un bailleur est tenu de réparer toutes les conséquences dommageables de l'exécution forcée d'un jugement frappé d'appel s'il ressort de l'arrêt infirmatif que le locataire pouvait prétendre au maintien dans les lieux dans l'attente du paiement d'une indemnité d'éviction. Cependant, en l'espèce la société Inès a interjeté appel le 8 février 2022 et a restitué les locaux dès le 28 février 2018 sans que le bailleur ne procède à l'exécution forcée. Par ailleurs, elle ne fait pas la démonstration que les charges, essentiellement salariales, dont elle fait état sans en justifier, auraient pu être compensées et amorties par la poursuite de l'activité, de sorte que le lien de causalité entre le préjudice et la faute allégués ne sont pas démontrés.
Il convient de rejeter la demande de dommages et intérêts formée à ce titre.
4.3. Sur le préjudice moral
Le préjudice moral d'une personne morale est distinct de celui de ses dirigeants, de sorte que l'appelante ne peut se prévaloir des difficultés de santé et financières de ses dirigeants.
La démonstration n'est pas faite que la société Inès aurait subi un préjudice moral personnel.
Maître [I], en qualité de liquidateur de la société Inès, sera déboutée de sa demande en paiement d'une somme de 10.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral de cette société.
5.Sur la restitution du dépôt de garantie
La somme globale de 112.601,59 euros sollicitée par l'appelante à titre de dommages et intérêts, comprends le montant du dépôt de garantie dont la restitution est sollicitée. Il convient de statuer séparément sur cette demande mal qualifiée.
Il ressort du contrat de bail du 27 mars 2008 qu'un dépôt de garantie de 4.520 euros a été déposé par le preneur et de l'acte de cession de fonds de commerce du 30 juillet 2014 que cette somme a été remboursée par le cessionnaire au cédant. Par lettre officielle du 18 mars 2022, le conseil de la locataire a vainement demandé à celui de la bailleresse la restitution de la somme de 4.854 euros au titre de la restitution du dépôt de garantie outre l'excédent du loyer de février. Monsieur [H] ne démontre pas l'existence de motifs justifiant qu'il conserve ce dépôt de garantie. Dès lors que les locaux ont été restitués, il sera condamné à rembourser ce dépôt de garantie.
L'appelant sollicite à ce titre une somme de 4.854,90 euros mais ne démontre pas que ce dépôt s'élève désormais à ce montant. Monsieur [H] sera donc condamné à payer à Maître [I], en qualité de liquidateur de la société Inès, la somme de 4.520 euros en restitution du dépôt de garantie prévu au bail.
6. Sur la demande de libération des parties communes et de leur remise en état
L'appelante demande l'infirmation des condamnations prononcées à son encontre à cet égard.
Dès lors que les locaux ont été libérés et que la locataire ne demande pas sa réintégration, il convient d'infirmer le jugement déféré devenu sans objet sur ce point en ce qu'il a condamné la société Inès à libérer les parties communes de l'immeuble, spécifiquement la cour et la réserve litigieuse.
Dès lors que la démonstration n'est pas faite que la société Inès aurait modifié les lieux et en particulier les parties communes, il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée sous astreinte à remettre les lieux en l'état à ses frais
7.Sur les demandes du syndicat de copropriétaires de l'immeuble en cause
La société Inès a assigné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble en cause sans former de demande à son encontre. Elle a fait appel à l'encontre de ce dernier et sollicité l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble en cause, la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Il convient de confirmer cette condamnation dès lors que la société Inès a assigné le syndicat des copropriétaires sans former de demandes à son encontre ni démontrer l'intérêt à lui voir déclarer opposable le litige l'opposant à son bailleur.
Maître [I], en qualité de liquidateur de la société Inès sera déboutée de sa demande formée à l'encontre du syndicat des copropriétaires au titre des frais irrépétibles d'appel et condamnée à lui payer la somme de 1.000 euros à ce titre en application de l'article 700 du code de procédure civile,
8. Sur les autres demandes
La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions. Il n=y a pas lieu de statuer sur les demandes aux fins de voir Adire et juger@ ou « constater", lorsqu=elles ne constituent pas des prétentions visant à conférer un droit à la partie qui les requiert et ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.
Compte tenu de la solution du litige, le jugement de première instance sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et fondées sur l'article 700 du code de procédure civile exceptées celles concernant la société Au Bon Coin, Madame [J] et le syndicat des copropriétaires .
Dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise judiciaire, il sera sursis sur la demande de fixation de l'indemnité d'éviction ainsi que sur les demandes relatives aux dépens et aux frais irrépétibles de première instance et d'appel.
Les autres demandes seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Déclare irrecevable la demande de Monsieur [H] aux fins de voir prononcer la caducité de l'appel interjeté par la société Inès représentée aujourd'hui par Maître [I] es qualité de mandataire liquidateur,
Rejette la demande de Monsieur [H] aux fins de voir déclarer irrecevables les conclusions de la société Inès représentée par Maître M. [I] en sa qualité de liquidateur judiciaire,
Infirme le jugement rendu le 26 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Bobigny (RG18/9656) en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action de la société Inés contre la Sarl au Bon Coin et Madame [J], a condamné la société Inès aux dépens dans ses rapports avec la société Au Bon Coin, Mme [J] et le syndicat des copropriétaires [Adresse 2] à [Localité 17] et a condamné la société Inès à payer 500 euros à Madame [J] et 1.000 euros au syndicat des copropriétaires ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare de nul effet la sommation visant la clause résolutoire du bail en cause délivrée par Monsieur [H] le 2 mars 2018 à la société Inès,
Dit que la résiliation du bail n'est pas acquise par l'effet de cette sommation,
Dit que le refus de renouvellement signifié par Monsieur [H] le 4 avril 2018 en réponse à la demande de renouvellement signifiée le 5 janvier 2018 par la société Inès a mis fin le 31 mars 2018 au contrat de bail commercial liant les parties portant sur les locaux situés [Adresse 2] à [Localité 17] (93);
Dit qu'en l'absence de motifs graves et légitimes, le refus de renouvellement délivré le 4 avril 2018 a ouvert droit au profit de la société Ines à une indemnité d'éviction;
Déboute Monsieur [H] de sa demande aux fins de voir condamner Maître [I], en qualité de liquidateur de la société Inès, au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle à compter du 1er avril 2018 jusqu'au 18 février 2022 d'un montant équivalent au montant du dernier loyer contractuel majoré de 20% charges en plus,
Condamne Monsieur [H] à payer à Maître [I], en qualité de liquidateur de la société Inès, la somme de 4.520 euros en restitution du dépôt de garantie prévu au bail,
Déboute Maître [I], en qualité de liquidateur de la société Inès, de sa demande en paiement de 112.601,59 euros à titre de dommages et intérêts comprenant les sommes réclamées au titre de la restitution des loyers postérieurs au congé, de la valeur locative de la réserve, des charges d'exploitation consécutives à la restitution des locaux et de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,
Déboute Maître [I], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Inès, de sa demande aux fins de voir condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2] à [Localité 17] (93), représenté par son syndic, à lui payer la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Maître [I], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Inès, à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2] à [Localité 17] (93) représenté par son syndic la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Avant dire droit au fond sur le montant de l'indemnité d'éviction, tous droits et moyens des parties demeurant réservés à cet égard, désigne en qualité d'expert
M. [C] [K]
[Adresse 13] [Localité 10].
Tel : [XXXXXXXX01].
Mail : [Courriel 15]
avec mission, les parties ayant été convoquées et dans le respect du principe du contradictoire:
* de se faire communiquer tous documents et pièces nécessaires à l'accomplissement de sa mission ;
* si possible, visiter les lieux , à défaut procéder à la mission au regard des pièces qui lui sont remises, les décrire en prenant en compte leur configuration et leur état à la date de leur libération, et ce, en prenant en considération la réserve litigieuse,
* rechercher, en tenant compte de la nature des activités professionnelles autorisées par le bail, de la situation et de l'état des locaux, tous éléments permettant :
1 ) de déterminer le montant de l'indemnité d'éviction dans le cas d'une perte de fonds : valeur marchande déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, des frais et droits de mutation afférents à la cession de fonds d'importance identique, de la réparation du trouble commercial,
2 )à titre de renseignement, dire si, à son avis, le loyer aurait été ou non plafonné en cas de renouvellement du bail et préciser, en ce cas, le montant du loyer calculé en fonction des indices qui aurait été applicable à la date de la fin du bail,
Dit que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et qu'il déposera l'original de son rapport au greffe de la 3ème chambre du pôle 5 (5-3) de la cour d'appel de Paris avant le 28 juin 2026 ;
Fixe à la somme de 4.000 euros la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, somme qui devra être consignée par Maître [I], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Inès, à la Régie de la cour d'appel de Paris, [Adresse 7], [Localité 11] 1e avant le 30 novembre 2025,
Dit que, faute de consignation de la provision dans ce délai, la désignation de l'expert sera caduque et privée de tout effet ;
Dit qu'un des magistrats de la chambre sera délégué au contrôle de cette expertise:
Renvoie l'affaire à l'audience de mise en état du 10 décembre 2025 pour contrôle du versement de la consignation;
Renvoie l'affaire pour reprise des débats après dépôt du rapport de l'expert, à l'audience du juge de la mise en état de la 3ème chambre du pôle 5 (5-3) de cette cour à la date qui sera fixée ultérieurement par le juge de la mise en état ;
Réserve les autres demandes notamment celles fondées sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens dans les rapports entre M. [H] et le liquidateur de la société Inès, relatives aux procédures de première instance et d'appel .
Le greffier, Le président,