CA Paris, Pôle 5 - ch. 3, 11 septembre 2025, n° 21/03244
PARIS
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRAN'AISE
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 11 SEPTEMBRE 2025
(n° 135/2025, 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 21/03244 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDEO5
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 novembre 2020 - Tribunal judiciaire de Créteil (3ème chambre, baux commerciaux) - RG n° 19/00027
APPELANTE
S.E.L.A.R.L. PHARMACIE DU RER
Immatriculée au R.C.S. de Créteil sous le n° 523 280 873
Agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée et assistée par Me Arnaud PICARD de l'AARPI LERINS, avocat au barreau de Paris, toque : P490
INTIMÉE
S.C. SCI LUNIAM
Immatriculée au R.C.S. de Bobigny sous le n° 438 535 924
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Frédéric CATTONI de la SELARL Cabinet SALLARD CATTONI, avocat au barreau de Paris, toque : C0199
Assistée de Me Margaux BRIOLE de la SELARL Cabinet SALLARD CATTONI, avocat au barreau de Paris, toque : C0199
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 16 septembre 2024, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Marie Girousse, conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
- Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre
- Mme Stéphanie Dupont, conseillère
- Mme Marie Girousse, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Sandrine Stassi-Buscqua
ARRÊT :
contradictoire ;
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
signé par Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre et par M. Soufiane HASSAOUI, greffier présent lors de la mise à disposition.
FAITS ET PROCÉDURE
Il ressort des actes sous seing privé successifs des 11 mars 2010 et 31 mai 2010 que la SCI Luniam a donné à bail commercial à la société Pharmacie du RER des locaux commerciaux d'une superficie de 191 m², situés en rez-de-chaussée d'un immeuble édifié au [Adresse 2] à [Localité 4] (94), ainsi que six places de parking à l'arrière du bâtiment et un espace de stationnement entre l'officine et la rue, pour une durée de neuf ans à compter du 1er juin 2010, soit jusqu'au 31 mai 2019 moyennant un loyer annuel en principal de 36.000 euros. La destination contractuelle donnée aux locaux est le « commerce d'officine de pharmacie pouvant faire commerce de tous les produits pharmaceutiques, péri-pharmaceutiques et parapharmaceutiques réglementairement autorisés ou tolérés ».
Par exploit d'huissier signifié le 31 octobre 2018, la SCI Luniam a fait délivrer congé des lieux loués à la société Pharmacie du RER avec offre de renouvellement à compter du 1er juin 2019, moyennant un loyer annuel de base fixé à la somme de 64.000 euros hors taxes et hors charges.
La société Pharmacie du RER a accepté le principe du renouvellement par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 février 2019, sollicitant la fixation du loyer de base renouvelé à la somme de 33.600 euros hors taxes et hors charges, à compter du 1er juin 2019.
Aucun accord n'étant intervenu entre les parties malgré les échanges de mémoires, la SCI Luniam a fait assigner la société Pharmacie du RER devant le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Créteil par exploit d'huissier délivré le 28 octobre 2019.
Par jugement du 6 novembre 2020, le Juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Créteil a :
- constaté le renouvellement du bail commercial conclu entre la SCI Luniam et la société Pharmacie du RER, portant sur les locaux situés au [Adresse 2] à [Localité 4] (94), pour une nouvelle durée de neuf années à compter du 1er juin 2019, aux termes et conditions du bail expiré ;
- fixé le loyer du bail renouvelé à la somme de 51.240 euros (hors taxes et hors charges) par an et en principal, à compter du 1er juin 2019, outre les intérêts au taux légal sur les rappels de loyer dus par le preneur à compter du 28 octobre 2019 ;
- ordonné la capitalisation des intérêts dus pour au moins une année entière ;
- laissé à chaque partie la charge des dépens par elle exposés ;
- débouté la SCI Luniam et la société Pharmacie du RER de leurs demandes formées au titre des frais irrépétibles ;
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision.
Par déclarations du 17 février 2021 puis du 18 février 2021, la société Pharmacie du RER a interjeté appel du jugement, chaque déclaration ayant fait l'objet de l'ouverture d'une procédure. Par ordonnance du 16 septembre 2021, le conseiller de la mise en état a prononcé la jonction des deux procédures, la présente procédure se poursuivant sous le numéro 21/03244
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 19 juin 2024.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Dans ses dernières conclusions déposées le 12 juin 2024, la société Pharmacie du RER, appelante à titre principal et intimée à titre incident, demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris du 6 novembre 2020 en ce qu'il a :
- fixé le loyer du bail renouvelé à la somme de 51.240 euros (hors taxes et hors charges) par an et en principal, à compter du 1er juin 2019, outre les intérêts au taux légal sur les rappels de loyer dus par le preneur à compter du 28 octobre 2019;
- ordonné la capitalisation des intérêts dus pour au moins une année entière ;
- laissé à chaque partie la charge des dépens par elle exposés ;
- débouté la société Pharmacie du RER de sa demande formée au titre des frais irrépétibles ;
Et, statuant à nouveau :
À titre principal :
- fixer à la somme de 33.600 euros annuel hors taxes et hors charges, le montant du loyer du bail renouvelé à compter du 1er juin 2019 ;
Ce faisant :
- débouter la SCI Luniam de sa demande de voir fixer le loyer du bail renouvelé le 1er juin 2019 à la somme de 64.000 euros par an en principal hors taxes et hors charges ;
À titre subsidiaire :
- juger que le montant du loyer du bail renouvelé ne pourra être fixé à un montant excédant le plafonnement découlant de l'application de la règle fixée à l'article L.145-34 du code de commerce, soit la somme de 39.464,18 euros annuel, hors taxes et hors charges ;
Dans l'hypothèse où la cour d'appel ferait droit à la demande d'expertise judiciaire :
- juger que l'expert judiciaire sera désigné aux frais avancés de la société Luniam avec pour mission de donner son avis sur la valeur locative du bien donné à bail ;
- juger que dans ce cas, le loyer provisionnel sera fixé à la somme de 38.979,60 euros annuel, hors charges et hors taxes ;
- débouter la SCI Luniam de sa demande de voir fixer le montant du loyer provisionnel jusqu'à la fin de la procédure définitive en fixation du loyer à la somme de 64.000 euros HC et HT ;
En tout état de cause :
- condamner la société Luniam à payer à la société Pharmacie du RER la somme de 8.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens qui comprendront les frais et honoraires d'une éventuelle mesure d'expertise.
Dans ses conclusions déposées le 25 avril 2022, la SCI Luniam, intimée à titre principal et appelante à titre incident, demande à la cour de :
- adjuger à la SCI Luniam le bénéfice des présentes, et y faisant droit ;
- déclarer recevable et fondé l'appel incident interjeté ;
- confirmer le Jugement entrepris sauf en ce qu'il a fixé le montant du loyer de renouvellement seulement à la somme de 51.240 euros HT HC et débouté la SCI Luniam de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens ;
Statuant à nouveau,
- fixer le loyer du bail renouvelé le 1er juin 2019 à la somme de 64.000 euros (soixante-quatre mille euros) par an en principal hors taxes et hors charges, toutes autres clauses et conditions demeurant inchangées ;
À titre subsidiaire,
- nommer tel expert qu'il plaira à la Cour, avec pour mission de donner son avis sur l'existence d'un motif à déplafonnement du loyer du bail renouvelé et la valeur locative des locaux objets du bail ;
- fixer en ce cas à la somme de 64 000 euros par an, hors taxes et hors charges, le montant du loyer provisionnel qui sera dû à compter du 1er juin 2019 et ce jusqu'à la fin de la procédure définitive en fixation du loyer ;
- partager entre les parties le coût de la provision à valoir sur les honoraires de l'expert ;
À titre très subsidiaire,
- fixer le loyer du bail renouvelé le 1er juin 2019 à la somme de 39.718,18 € (trente neuf mille sept cent dix huit euros et dix-huit cents) par an en principal hors taxes et hors charges, toutes autres clauses et conditions demeurant inchangées ;
En tout état de cause,
- condamner la société Pharmacie du RER à payer à la SCI Luniam une somme de 5.000 euros TTC sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Pharmacie du RER aux entiers dépens de première instance et d'appel.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.
MOTIFS DE L'ARRÊT
1.Sur le rejet des conclusions tardives
Par conclusions signifiées le 9 septembre 2014, la société Pharmacie du RER a demandé à la cour de déclarer irrecevables les conclusions n°3 et 4 ainsi que les pièces n°17 à 24 régularisées par la SCI Luniam les 19 juin 2024 et 24 juillet 2024 et subsidiairement a sollicité le rabat de l'ordonnance de clôture et formée de nouvelles demandes en concluant au fond.
En application des articles 15 et 16 du code de procédure civile, il convient de rejeter les conclusions signifiées le jour même de la clôture de l'instruction, soit le 19 juin 2024, par la SCI Lunian, puisqu'elles ne l'ont pas été en temps utile, la partie adverse étant dans l'incapacité d'y répondre. Les développements relatifs à l'horaire de signification de ces conclusions sont inopérants dès lors qu'au mépris du principe du contradictoire la partie adverse ne pouvait y répondre. Par ailleurs, la circonstance que la partie adverse ait conclu le 12 juin 2024 ne justifie pas la signification de conclusions le jour même de la clôture.
En application des articles 802 du code de procédure civile, les conclusions déposés après l'ordonnance de clôture font l'objet d'une irrecevabilité prononcée d'office et selon l'article 803 du même code l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.
En l'espèce la SCI Lunian a conclu le 25 avril 2022, plus de cinq mois après les conclusions de la société Pharmacie du RER signifiées le 10 novembre 2021, cette dernière a répondu environ un mois et demi après, le 12 juin 2024, apportant peu d'éléments nouveaux aux débats. La société Lunian qui n'a pas sollicité de rabat de l'ordonnance de clôture lors de l'envoi de ses conclusions signifiées le 19 juin 2024, ne rapporte pas la preuve de la survenance d'une cause grave survenue après la clôture justifiant maintenant le rabat de celle-ci et l'admission de ses conclusions postérieures.
En conséquence, il convient de déclarer irrecevables les conclusions numéros 3 et 4 ainsi que les pièces n°17 à 24 régularisées par la SCI LUNIAM les 19 juin 2024 et 24 juillet 2024. Les signifiées le 9 septembre 2014 par la société Pharmacie du RER sont recevables simplement en ce qu'elles demandent le rejet des conclusions tardives, la demande subsidiaire sur le fond du litige étant sans objet.
2. Sur la fixation du loyer
Il est constant que, par l'effet du congé délivré le 31 octobre 2018, le contrat de bail en cause s'est renouvelé pour une nouvelle durée de neuf années à compter du 1er juin 2019.
Selon l'article L.145-33 du code de commerce, la valeur locative d'un local doit être déterminée d'après les caractéristiques du local considéré, la destination des lieux, les obligations respectives des parties, les facteurs locaux de commercialité et les prix couramment pratiqués dans le voisinage.
Par ailleurs, il résulte de l'article L.145-34 du même code, qu'à moins d'une modification notable des éléments mentionnés à l'article L.145-33 1 à 4 , le taux de variation du loyer du bail renouvelé, dont la durée n'excède pas neuf ans, ne peut excéder la variation de l'indice trimestriel des loyers commerciaux intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré et qu'en cas de valeur locative inférieure au plafond fixée par ce texte, c'est cette valeur locative qui s'applique et non le loyer plafond résultant de l'application de l'indice.
Les parties sont en désaccord sur le montant du loyer du bail renouvelé, la bailleresse se prévalant du rapport d'expertise amiable établi pour son compte le 11 septembre 2018 par Madame [N] [U] tandis que la locataire se prévaut de celui établi le 13 novembre 2019 par Monsieur [P] [O].
Le jugement déféré a statué au regard de ces rapports sans ordonner d'expertise judiciaire. Ces rapports faits non contradictoirement mais ayant été soumis à la discussion contradictoire des parties et réalisés par des experts judiciaires, apparaissent suffisant pour statuer compte tenu des circonstances de l'espèce et des éléments dont dispose la Cour. Ainsi, conformément aux dispositions de l'article 144 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu d'ordonner une expertise judiciaire.
2.1.Sur les caractéristiques des locaux et du bail
Il ressort des éléments du dossier, notamment du contrat de bail et des rapports d'expertises amiables produits, que les locaux en cause sont situés à [Localité 4], commune elle-même située à dix kilomètres au sud-est de [Localité 6], accessible par l'autoroute A4 ; qu'ils sont excentrés par rapport au centre-ville ; qu'ils sont le long du [Adresse 3], axe à circulation automobile à double sens, en face de la gare de RER (ligne A du RER station [Localité 4]) et à proximité immédiate des arrêts de trois lignes de bus ; qu'ils dépendent d'un immeuble récent en bon état d'usage et d'entretien ; que les locaux en bon état d'usage et d'entretien consistent en un local en rez-de-chaussée d'une superficie de 191 m² qui bénéficie d'un espace de stationnements automobile en façade entre l'officine et la rue ainsi que de six places de parking privatif à l'arrière du bâtiment ; qu'en outre, le parking de la gare offre des possibilités de stationnement supplémentaires pour automobiles et vélos ; que la boutique en rez-de-chaussée comprend un linéaire d'environ 15 mètres, une aire de vente en vitrine et des comptoirs de vente en fond de boutique ; que l'essentiel de la boutique est accessible au public avec des rayons supportant des produits ; qu'elle dispose d'un local à usage de réserve, d'un local technique avec sanitaires et d'un laboratoire de préparation.
C'est à juste titre que le jugement déféré, à la motivation duquel il convient de renvoyer sur ce point, a retenu une surface pondérée de 122 m²/P en appliquant un coefficient de pondération de 0,80 pour la deuxième zone de vente bénéficiant d'un éclairement naturel plus faible.
Le bail ne contient pas de clause exorbitante du droit commun.
2.2. Sur la demande de déplafonnement
La bailleresse sollicite le déplafonnement du loyer en se prévalant d'une modification notable des facteurs locaux de commercialité.
Selon l'article R.145-6 du code de commerce, les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l'intérêt que présente pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire.
En application de l'article 1353 du code civil, il appartient à la bailleresse qui soutient que la règle du plafonnement du loyer du bail renouvelé, règle de principe, doit être écartée, de prouver qu'il y a eu au cours du bail expiré une modification notable des facteurs locaux de commercialité favorable à l'activité du commerce en cause.
Il en résulte qu'il est inopérant d'invoquer les éléments susceptibles d'apporter de la clientèle qui préexistaient au bail à renouvelé et qui n'ont donc pas modifié les facteurs locaux de commercialité durant ce bail, tel que l'existence d'un hôpital à proximité.
De même, ainsi que l'a rappelé le jugement déféré, dès lors que la modification des facteurs locaux de commercialité s'apprécie à la date du renouvellement du bail, il n'y a pas lieu de prendre en compte les constructions autorisées non terminées, les projets de nouvelles lignes de bus, l'arrivée en 2025 de la ligne EOLE ni le réaménagement envisagé de l'esplanade du RER A, s'agissant d'évènements qui surviendront après le renouvellement.
Par une motivation à laquelle il est renvoyé, le jugement déféré a estimé, à juste titre, que l'augmentation de la population du [Adresse 7] où sont situés les locaux (5,62% entre 2010 et 2015 selon M. [O] et 3,5% entre 2010 et 2014 selon Mme [U]) inférieure à l'augmentation de la population pour l'ensemble de [Localité 4] (7,71% entre 2010 et 2016 selon M. [O] et 6,2% et entre 2010 et 2015 selon Mme [U]), qui s'inscrit dans une tendance de fond concernant tout le département, ne présente pas un caractère notable, et ce, d'autant moins que la légère augmentation potentielle de clientèle doit être partagée avec les quatre autres pharmacies du secteur et en particulier la Pharmacie Carnot située à proximité. Il ressort des éléments produits que le pouvoir d'achat de la population locale n'a pas évolué significativement. De même, c'est à juste titre que le jugement a considéré que la surreprésentation des retraités et jeunes actifs dans la commune par rapport au reste du département n'a pas de conséquence significative sur la commercialité de l'établissement en cause.
L'augmentation de la population de la ville voisine de [Localité 5], sans précision sur la population du quartier situé à proximité du commerce en cause, est insuffisante pour démontrer une modification notable des facteurs locaux de commercialité.
Ainsi que l'a justement observé le jugement déféré, l'ouverture d'un collège puis d'un lycée à une distance respectivement de 1.300 et 1.700 mètres ne sont pas de nature à provoquer une augmentation du flux de chalands significative pour le commerce de pharmacie en cause.
Le départ vers le centre-ville de deux médecins jusqu'alors implantés à proximité constitue un facteur d'amoindrissement de la valeur locative de la pharmacie du RER, qui n'est pas compensé par l'installation récente d'un laboratoire de biologie médicale et d'une clinique vétérinaire.
Le jugement déféré et l'intimée justifient le déplafonnement du loyer par la fréquentation accrue de la station RER (360.573 voyageurs entrants de plus par an entre 2011 et 2017, soit une variation de 19,23%). Cependant, il convient de relever que la pharmacie en cause n'est pas à côté mais en face de la station RER et son parking, de sorte que les voyageurs repartant en voiture ne passent pas nécessairement devant son entrée ; qu'elle est située dans un secteur essentiellement résidentiel sans commerce de proximité ; que, selon Madame [U], le linéaire commercial constitué du laboratoire médical, de la clinique vétérinaire puis de la pharmacie en cause est limité par deux ponts, dont celui du RER, pesant sur le paysage urbain et rendant le cheminement peu agréable ; que les commerces de proximité sont situés au centre de la ville ; que la pharmacie est située sur un lieu de transit dans un secteur de faible commercialité moins favorable aux achats en parapharmacie qu'un secteur regroupant des commerces de proximité.
Il ressort de ces éléments que la seule augmentation du nombre des voyageurs fréquentant la station de RER de [Localité 4] ne suffit pas pour constituer une modification notable des facteurs locaux de commercialité favorable au commerce de pharmacie en cause.
Il apparaît donc que l'existence d'une modification notable des facteurs locaux de commercialité favorable à la Pharmacie du RER n'est pas démontrée. Dès lors, il n'y a pas lieu d'écarter la règle du plafonnement édictée par l'article L.145-34 précité. Le jugement déféré sera donc infirmé en ses dispositions relatives à la fixation du loyer.
2.3. Sur le montant du loyer
Il ressort de la variation de l'indice ILC entre le 2ème trimestre 2009(102,5) et le 2ème trimestre 2009 (112,59) appliqué au loyer initial de 36.000 euros que le loyer plafonné à la date du renouvellement s'élève à 39.718,18 euros, soit un prix de 325,55 euros/m² pondéré, et non 39.464,18 euros qui correspond au calcul fait par Mme [U] avec prise en compte de l'indice du 1er trimestre 2018 faute de disposer de l'indice du 2ème trimestre 2018.
Au regard des éléments de comparaison produits de part et d'autre, ceux produits par la locataire étant trop anciens ou éloignés, ainsi que des caractéristiques propres au local considéré, à sa situation géographique et au contrat de bail en cause, il apparaît que la valeur locative des locaux n'est pas inférieure à 325,55 euros/m² mais supérieure à ce montant, de sorte qu'il convient d'appliquer le montant du loyer plafonné et de fixer le montant du loyer du bail renouvelé le 1er juin 2019 à 39.718,18 euros.
3.3. Sur les autres demandes,
Il convient de confirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux dépens, à l'exécution provisoire et aux frais irrépétibles.
La SCI Luniam qui succombe sera condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à la société Pharmacie du RER la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Elle sera déboutée de sa demande fondée sur ce texte.
Les autres demandes seront rejetées.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Déclare irrecevables les conclusions numéros 3 et 4 signifiées par la SCI Luniam les 19 juin 2024 et 24 juillet 2024 ainsi que les pièces n°17 à 24 qui y sont visées ;
Infirme le jugement rendu le 6 novembre 2020 par le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Créteil (RG 19/00027) en ce qu'il a fixé le loyer du bail renouvelé à la somme de 51.240 euros hors taxes et hors charges par an en principal, à compter du 1er juin 2019 outre les intérêts au taux légal sur les rappels de loyer et capitalisation des intérêts dus pour une année entière, le confirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit n-y avoir lieu à écarter la règle du plafonnement du loyer résultant de l'article L.145-34 du code de commerce ;
Fixe le loyer du bail renouvelé à compter du 1er juin 2019 portant sur les locaux situés [Adresse 2] à [Localité 4] à la somme annuelle principale de 39.718,18 euros (hors taxes hors charges) ;
Condamne la SCI Luniam à payer à la société Pharmacie du RER la somme 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la SCI Luniam de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette les autres demandes ;
Condamne la SCI Luniam aux dépens de la procédure d'appel.
Le greffier, La présidente,
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 11 SEPTEMBRE 2025
(n° 135/2025, 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 21/03244 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDEO5
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 novembre 2020 - Tribunal judiciaire de Créteil (3ème chambre, baux commerciaux) - RG n° 19/00027
APPELANTE
S.E.L.A.R.L. PHARMACIE DU RER
Immatriculée au R.C.S. de Créteil sous le n° 523 280 873
Agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée et assistée par Me Arnaud PICARD de l'AARPI LERINS, avocat au barreau de Paris, toque : P490
INTIMÉE
S.C. SCI LUNIAM
Immatriculée au R.C.S. de Bobigny sous le n° 438 535 924
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Frédéric CATTONI de la SELARL Cabinet SALLARD CATTONI, avocat au barreau de Paris, toque : C0199
Assistée de Me Margaux BRIOLE de la SELARL Cabinet SALLARD CATTONI, avocat au barreau de Paris, toque : C0199
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 16 septembre 2024, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Marie Girousse, conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
- Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre
- Mme Stéphanie Dupont, conseillère
- Mme Marie Girousse, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Sandrine Stassi-Buscqua
ARRÊT :
contradictoire ;
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
signé par Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre et par M. Soufiane HASSAOUI, greffier présent lors de la mise à disposition.
FAITS ET PROCÉDURE
Il ressort des actes sous seing privé successifs des 11 mars 2010 et 31 mai 2010 que la SCI Luniam a donné à bail commercial à la société Pharmacie du RER des locaux commerciaux d'une superficie de 191 m², situés en rez-de-chaussée d'un immeuble édifié au [Adresse 2] à [Localité 4] (94), ainsi que six places de parking à l'arrière du bâtiment et un espace de stationnement entre l'officine et la rue, pour une durée de neuf ans à compter du 1er juin 2010, soit jusqu'au 31 mai 2019 moyennant un loyer annuel en principal de 36.000 euros. La destination contractuelle donnée aux locaux est le « commerce d'officine de pharmacie pouvant faire commerce de tous les produits pharmaceutiques, péri-pharmaceutiques et parapharmaceutiques réglementairement autorisés ou tolérés ».
Par exploit d'huissier signifié le 31 octobre 2018, la SCI Luniam a fait délivrer congé des lieux loués à la société Pharmacie du RER avec offre de renouvellement à compter du 1er juin 2019, moyennant un loyer annuel de base fixé à la somme de 64.000 euros hors taxes et hors charges.
La société Pharmacie du RER a accepté le principe du renouvellement par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 février 2019, sollicitant la fixation du loyer de base renouvelé à la somme de 33.600 euros hors taxes et hors charges, à compter du 1er juin 2019.
Aucun accord n'étant intervenu entre les parties malgré les échanges de mémoires, la SCI Luniam a fait assigner la société Pharmacie du RER devant le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Créteil par exploit d'huissier délivré le 28 octobre 2019.
Par jugement du 6 novembre 2020, le Juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Créteil a :
- constaté le renouvellement du bail commercial conclu entre la SCI Luniam et la société Pharmacie du RER, portant sur les locaux situés au [Adresse 2] à [Localité 4] (94), pour une nouvelle durée de neuf années à compter du 1er juin 2019, aux termes et conditions du bail expiré ;
- fixé le loyer du bail renouvelé à la somme de 51.240 euros (hors taxes et hors charges) par an et en principal, à compter du 1er juin 2019, outre les intérêts au taux légal sur les rappels de loyer dus par le preneur à compter du 28 octobre 2019 ;
- ordonné la capitalisation des intérêts dus pour au moins une année entière ;
- laissé à chaque partie la charge des dépens par elle exposés ;
- débouté la SCI Luniam et la société Pharmacie du RER de leurs demandes formées au titre des frais irrépétibles ;
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision.
Par déclarations du 17 février 2021 puis du 18 février 2021, la société Pharmacie du RER a interjeté appel du jugement, chaque déclaration ayant fait l'objet de l'ouverture d'une procédure. Par ordonnance du 16 septembre 2021, le conseiller de la mise en état a prononcé la jonction des deux procédures, la présente procédure se poursuivant sous le numéro 21/03244
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 19 juin 2024.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Dans ses dernières conclusions déposées le 12 juin 2024, la société Pharmacie du RER, appelante à titre principal et intimée à titre incident, demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris du 6 novembre 2020 en ce qu'il a :
- fixé le loyer du bail renouvelé à la somme de 51.240 euros (hors taxes et hors charges) par an et en principal, à compter du 1er juin 2019, outre les intérêts au taux légal sur les rappels de loyer dus par le preneur à compter du 28 octobre 2019;
- ordonné la capitalisation des intérêts dus pour au moins une année entière ;
- laissé à chaque partie la charge des dépens par elle exposés ;
- débouté la société Pharmacie du RER de sa demande formée au titre des frais irrépétibles ;
Et, statuant à nouveau :
À titre principal :
- fixer à la somme de 33.600 euros annuel hors taxes et hors charges, le montant du loyer du bail renouvelé à compter du 1er juin 2019 ;
Ce faisant :
- débouter la SCI Luniam de sa demande de voir fixer le loyer du bail renouvelé le 1er juin 2019 à la somme de 64.000 euros par an en principal hors taxes et hors charges ;
À titre subsidiaire :
- juger que le montant du loyer du bail renouvelé ne pourra être fixé à un montant excédant le plafonnement découlant de l'application de la règle fixée à l'article L.145-34 du code de commerce, soit la somme de 39.464,18 euros annuel, hors taxes et hors charges ;
Dans l'hypothèse où la cour d'appel ferait droit à la demande d'expertise judiciaire :
- juger que l'expert judiciaire sera désigné aux frais avancés de la société Luniam avec pour mission de donner son avis sur la valeur locative du bien donné à bail ;
- juger que dans ce cas, le loyer provisionnel sera fixé à la somme de 38.979,60 euros annuel, hors charges et hors taxes ;
- débouter la SCI Luniam de sa demande de voir fixer le montant du loyer provisionnel jusqu'à la fin de la procédure définitive en fixation du loyer à la somme de 64.000 euros HC et HT ;
En tout état de cause :
- condamner la société Luniam à payer à la société Pharmacie du RER la somme de 8.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens qui comprendront les frais et honoraires d'une éventuelle mesure d'expertise.
Dans ses conclusions déposées le 25 avril 2022, la SCI Luniam, intimée à titre principal et appelante à titre incident, demande à la cour de :
- adjuger à la SCI Luniam le bénéfice des présentes, et y faisant droit ;
- déclarer recevable et fondé l'appel incident interjeté ;
- confirmer le Jugement entrepris sauf en ce qu'il a fixé le montant du loyer de renouvellement seulement à la somme de 51.240 euros HT HC et débouté la SCI Luniam de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens ;
Statuant à nouveau,
- fixer le loyer du bail renouvelé le 1er juin 2019 à la somme de 64.000 euros (soixante-quatre mille euros) par an en principal hors taxes et hors charges, toutes autres clauses et conditions demeurant inchangées ;
À titre subsidiaire,
- nommer tel expert qu'il plaira à la Cour, avec pour mission de donner son avis sur l'existence d'un motif à déplafonnement du loyer du bail renouvelé et la valeur locative des locaux objets du bail ;
- fixer en ce cas à la somme de 64 000 euros par an, hors taxes et hors charges, le montant du loyer provisionnel qui sera dû à compter du 1er juin 2019 et ce jusqu'à la fin de la procédure définitive en fixation du loyer ;
- partager entre les parties le coût de la provision à valoir sur les honoraires de l'expert ;
À titre très subsidiaire,
- fixer le loyer du bail renouvelé le 1er juin 2019 à la somme de 39.718,18 € (trente neuf mille sept cent dix huit euros et dix-huit cents) par an en principal hors taxes et hors charges, toutes autres clauses et conditions demeurant inchangées ;
En tout état de cause,
- condamner la société Pharmacie du RER à payer à la SCI Luniam une somme de 5.000 euros TTC sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Pharmacie du RER aux entiers dépens de première instance et d'appel.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.
MOTIFS DE L'ARRÊT
1.Sur le rejet des conclusions tardives
Par conclusions signifiées le 9 septembre 2014, la société Pharmacie du RER a demandé à la cour de déclarer irrecevables les conclusions n°3 et 4 ainsi que les pièces n°17 à 24 régularisées par la SCI Luniam les 19 juin 2024 et 24 juillet 2024 et subsidiairement a sollicité le rabat de l'ordonnance de clôture et formée de nouvelles demandes en concluant au fond.
En application des articles 15 et 16 du code de procédure civile, il convient de rejeter les conclusions signifiées le jour même de la clôture de l'instruction, soit le 19 juin 2024, par la SCI Lunian, puisqu'elles ne l'ont pas été en temps utile, la partie adverse étant dans l'incapacité d'y répondre. Les développements relatifs à l'horaire de signification de ces conclusions sont inopérants dès lors qu'au mépris du principe du contradictoire la partie adverse ne pouvait y répondre. Par ailleurs, la circonstance que la partie adverse ait conclu le 12 juin 2024 ne justifie pas la signification de conclusions le jour même de la clôture.
En application des articles 802 du code de procédure civile, les conclusions déposés après l'ordonnance de clôture font l'objet d'une irrecevabilité prononcée d'office et selon l'article 803 du même code l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.
En l'espèce la SCI Lunian a conclu le 25 avril 2022, plus de cinq mois après les conclusions de la société Pharmacie du RER signifiées le 10 novembre 2021, cette dernière a répondu environ un mois et demi après, le 12 juin 2024, apportant peu d'éléments nouveaux aux débats. La société Lunian qui n'a pas sollicité de rabat de l'ordonnance de clôture lors de l'envoi de ses conclusions signifiées le 19 juin 2024, ne rapporte pas la preuve de la survenance d'une cause grave survenue après la clôture justifiant maintenant le rabat de celle-ci et l'admission de ses conclusions postérieures.
En conséquence, il convient de déclarer irrecevables les conclusions numéros 3 et 4 ainsi que les pièces n°17 à 24 régularisées par la SCI LUNIAM les 19 juin 2024 et 24 juillet 2024. Les signifiées le 9 septembre 2014 par la société Pharmacie du RER sont recevables simplement en ce qu'elles demandent le rejet des conclusions tardives, la demande subsidiaire sur le fond du litige étant sans objet.
2. Sur la fixation du loyer
Il est constant que, par l'effet du congé délivré le 31 octobre 2018, le contrat de bail en cause s'est renouvelé pour une nouvelle durée de neuf années à compter du 1er juin 2019.
Selon l'article L.145-33 du code de commerce, la valeur locative d'un local doit être déterminée d'après les caractéristiques du local considéré, la destination des lieux, les obligations respectives des parties, les facteurs locaux de commercialité et les prix couramment pratiqués dans le voisinage.
Par ailleurs, il résulte de l'article L.145-34 du même code, qu'à moins d'une modification notable des éléments mentionnés à l'article L.145-33 1 à 4 , le taux de variation du loyer du bail renouvelé, dont la durée n'excède pas neuf ans, ne peut excéder la variation de l'indice trimestriel des loyers commerciaux intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré et qu'en cas de valeur locative inférieure au plafond fixée par ce texte, c'est cette valeur locative qui s'applique et non le loyer plafond résultant de l'application de l'indice.
Les parties sont en désaccord sur le montant du loyer du bail renouvelé, la bailleresse se prévalant du rapport d'expertise amiable établi pour son compte le 11 septembre 2018 par Madame [N] [U] tandis que la locataire se prévaut de celui établi le 13 novembre 2019 par Monsieur [P] [O].
Le jugement déféré a statué au regard de ces rapports sans ordonner d'expertise judiciaire. Ces rapports faits non contradictoirement mais ayant été soumis à la discussion contradictoire des parties et réalisés par des experts judiciaires, apparaissent suffisant pour statuer compte tenu des circonstances de l'espèce et des éléments dont dispose la Cour. Ainsi, conformément aux dispositions de l'article 144 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu d'ordonner une expertise judiciaire.
2.1.Sur les caractéristiques des locaux et du bail
Il ressort des éléments du dossier, notamment du contrat de bail et des rapports d'expertises amiables produits, que les locaux en cause sont situés à [Localité 4], commune elle-même située à dix kilomètres au sud-est de [Localité 6], accessible par l'autoroute A4 ; qu'ils sont excentrés par rapport au centre-ville ; qu'ils sont le long du [Adresse 3], axe à circulation automobile à double sens, en face de la gare de RER (ligne A du RER station [Localité 4]) et à proximité immédiate des arrêts de trois lignes de bus ; qu'ils dépendent d'un immeuble récent en bon état d'usage et d'entretien ; que les locaux en bon état d'usage et d'entretien consistent en un local en rez-de-chaussée d'une superficie de 191 m² qui bénéficie d'un espace de stationnements automobile en façade entre l'officine et la rue ainsi que de six places de parking privatif à l'arrière du bâtiment ; qu'en outre, le parking de la gare offre des possibilités de stationnement supplémentaires pour automobiles et vélos ; que la boutique en rez-de-chaussée comprend un linéaire d'environ 15 mètres, une aire de vente en vitrine et des comptoirs de vente en fond de boutique ; que l'essentiel de la boutique est accessible au public avec des rayons supportant des produits ; qu'elle dispose d'un local à usage de réserve, d'un local technique avec sanitaires et d'un laboratoire de préparation.
C'est à juste titre que le jugement déféré, à la motivation duquel il convient de renvoyer sur ce point, a retenu une surface pondérée de 122 m²/P en appliquant un coefficient de pondération de 0,80 pour la deuxième zone de vente bénéficiant d'un éclairement naturel plus faible.
Le bail ne contient pas de clause exorbitante du droit commun.
2.2. Sur la demande de déplafonnement
La bailleresse sollicite le déplafonnement du loyer en se prévalant d'une modification notable des facteurs locaux de commercialité.
Selon l'article R.145-6 du code de commerce, les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l'intérêt que présente pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire.
En application de l'article 1353 du code civil, il appartient à la bailleresse qui soutient que la règle du plafonnement du loyer du bail renouvelé, règle de principe, doit être écartée, de prouver qu'il y a eu au cours du bail expiré une modification notable des facteurs locaux de commercialité favorable à l'activité du commerce en cause.
Il en résulte qu'il est inopérant d'invoquer les éléments susceptibles d'apporter de la clientèle qui préexistaient au bail à renouvelé et qui n'ont donc pas modifié les facteurs locaux de commercialité durant ce bail, tel que l'existence d'un hôpital à proximité.
De même, ainsi que l'a rappelé le jugement déféré, dès lors que la modification des facteurs locaux de commercialité s'apprécie à la date du renouvellement du bail, il n'y a pas lieu de prendre en compte les constructions autorisées non terminées, les projets de nouvelles lignes de bus, l'arrivée en 2025 de la ligne EOLE ni le réaménagement envisagé de l'esplanade du RER A, s'agissant d'évènements qui surviendront après le renouvellement.
Par une motivation à laquelle il est renvoyé, le jugement déféré a estimé, à juste titre, que l'augmentation de la population du [Adresse 7] où sont situés les locaux (5,62% entre 2010 et 2015 selon M. [O] et 3,5% entre 2010 et 2014 selon Mme [U]) inférieure à l'augmentation de la population pour l'ensemble de [Localité 4] (7,71% entre 2010 et 2016 selon M. [O] et 6,2% et entre 2010 et 2015 selon Mme [U]), qui s'inscrit dans une tendance de fond concernant tout le département, ne présente pas un caractère notable, et ce, d'autant moins que la légère augmentation potentielle de clientèle doit être partagée avec les quatre autres pharmacies du secteur et en particulier la Pharmacie Carnot située à proximité. Il ressort des éléments produits que le pouvoir d'achat de la population locale n'a pas évolué significativement. De même, c'est à juste titre que le jugement a considéré que la surreprésentation des retraités et jeunes actifs dans la commune par rapport au reste du département n'a pas de conséquence significative sur la commercialité de l'établissement en cause.
L'augmentation de la population de la ville voisine de [Localité 5], sans précision sur la population du quartier situé à proximité du commerce en cause, est insuffisante pour démontrer une modification notable des facteurs locaux de commercialité.
Ainsi que l'a justement observé le jugement déféré, l'ouverture d'un collège puis d'un lycée à une distance respectivement de 1.300 et 1.700 mètres ne sont pas de nature à provoquer une augmentation du flux de chalands significative pour le commerce de pharmacie en cause.
Le départ vers le centre-ville de deux médecins jusqu'alors implantés à proximité constitue un facteur d'amoindrissement de la valeur locative de la pharmacie du RER, qui n'est pas compensé par l'installation récente d'un laboratoire de biologie médicale et d'une clinique vétérinaire.
Le jugement déféré et l'intimée justifient le déplafonnement du loyer par la fréquentation accrue de la station RER (360.573 voyageurs entrants de plus par an entre 2011 et 2017, soit une variation de 19,23%). Cependant, il convient de relever que la pharmacie en cause n'est pas à côté mais en face de la station RER et son parking, de sorte que les voyageurs repartant en voiture ne passent pas nécessairement devant son entrée ; qu'elle est située dans un secteur essentiellement résidentiel sans commerce de proximité ; que, selon Madame [U], le linéaire commercial constitué du laboratoire médical, de la clinique vétérinaire puis de la pharmacie en cause est limité par deux ponts, dont celui du RER, pesant sur le paysage urbain et rendant le cheminement peu agréable ; que les commerces de proximité sont situés au centre de la ville ; que la pharmacie est située sur un lieu de transit dans un secteur de faible commercialité moins favorable aux achats en parapharmacie qu'un secteur regroupant des commerces de proximité.
Il ressort de ces éléments que la seule augmentation du nombre des voyageurs fréquentant la station de RER de [Localité 4] ne suffit pas pour constituer une modification notable des facteurs locaux de commercialité favorable au commerce de pharmacie en cause.
Il apparaît donc que l'existence d'une modification notable des facteurs locaux de commercialité favorable à la Pharmacie du RER n'est pas démontrée. Dès lors, il n'y a pas lieu d'écarter la règle du plafonnement édictée par l'article L.145-34 précité. Le jugement déféré sera donc infirmé en ses dispositions relatives à la fixation du loyer.
2.3. Sur le montant du loyer
Il ressort de la variation de l'indice ILC entre le 2ème trimestre 2009(102,5) et le 2ème trimestre 2009 (112,59) appliqué au loyer initial de 36.000 euros que le loyer plafonné à la date du renouvellement s'élève à 39.718,18 euros, soit un prix de 325,55 euros/m² pondéré, et non 39.464,18 euros qui correspond au calcul fait par Mme [U] avec prise en compte de l'indice du 1er trimestre 2018 faute de disposer de l'indice du 2ème trimestre 2018.
Au regard des éléments de comparaison produits de part et d'autre, ceux produits par la locataire étant trop anciens ou éloignés, ainsi que des caractéristiques propres au local considéré, à sa situation géographique et au contrat de bail en cause, il apparaît que la valeur locative des locaux n'est pas inférieure à 325,55 euros/m² mais supérieure à ce montant, de sorte qu'il convient d'appliquer le montant du loyer plafonné et de fixer le montant du loyer du bail renouvelé le 1er juin 2019 à 39.718,18 euros.
3.3. Sur les autres demandes,
Il convient de confirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux dépens, à l'exécution provisoire et aux frais irrépétibles.
La SCI Luniam qui succombe sera condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à la société Pharmacie du RER la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Elle sera déboutée de sa demande fondée sur ce texte.
Les autres demandes seront rejetées.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Déclare irrecevables les conclusions numéros 3 et 4 signifiées par la SCI Luniam les 19 juin 2024 et 24 juillet 2024 ainsi que les pièces n°17 à 24 qui y sont visées ;
Infirme le jugement rendu le 6 novembre 2020 par le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Créteil (RG 19/00027) en ce qu'il a fixé le loyer du bail renouvelé à la somme de 51.240 euros hors taxes et hors charges par an en principal, à compter du 1er juin 2019 outre les intérêts au taux légal sur les rappels de loyer et capitalisation des intérêts dus pour une année entière, le confirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit n-y avoir lieu à écarter la règle du plafonnement du loyer résultant de l'article L.145-34 du code de commerce ;
Fixe le loyer du bail renouvelé à compter du 1er juin 2019 portant sur les locaux situés [Adresse 2] à [Localité 4] à la somme annuelle principale de 39.718,18 euros (hors taxes hors charges) ;
Condamne la SCI Luniam à payer à la société Pharmacie du RER la somme 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la SCI Luniam de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette les autres demandes ;
Condamne la SCI Luniam aux dépens de la procédure d'appel.
Le greffier, La présidente,