CA Paris, Pôle 5 - ch. 3, 11 septembre 2025, n° 23/11639
PARIS
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRAN'AISE
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 11 SEPTEMBRE 2025
(n° 145/2025, 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 23/11639 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CH4TZ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 avril 2023- Tribunal judiciaire de Paris (loyers commerciaux)- RG n° 20/02367
APPELANTE
S.A.R.L. CHARLY COUP'HAIR
Immatriculée au R.C.S. de Paris sous le n° 415 252 931
Agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Myriam BERLINER, avocat au barreau de Paris, toque : C2431
INTIMÉ
M. [E] [P] [M] [L]
né le 10 juin 1961 à [Localité 5] (36)
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté et assisté par Me Amélie RICHARD de la SELARL CARRARE AVOCATS, avocat au barreau de Paris, toque : C0895
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 16 septembre 2024, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Marie Girousse, conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
- Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre
- Mme Stéphanie Dupont, conseillère
- Mme Marie Girousse, conseillère
Greffier lors des débats : Mme Sandrine Stassi-Buscqua
ARRÊT :
- contradictoire ;
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre et par M. Soufiane HASSAOUI, greffier présent lors de la mise à disposition.
FAITS ET PROCÉDURE
Suivant acte sous seing privé du 27 juillet 2007, M. [E] [L] a consenti le renouvellement d'un bail commercial à la société Charly Coup'Hair portant sur un local situé [Adresse 1] à [Localité 3].
Le bail a été consenti pour une durée de neuf ans à compter du 21 octobre 2003 et pour un loyer annuel en principal indexé de 10.800 euros HT et HC.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 9 avril 2018, la locataire a adressé au bailleur une demande de renouvellement du bail à compter du 9 avril 2018.
Par acte d'huissier du 12 juin 2018, le bailleur, ne contestant pas le principe du renouvellement du bail, a proposé d'en fixer le loyer mensuel à 3.450 euros HT et HC.
Par mémoire préalable notifié par courrier recommandé avec accusé de réception le 27 septembre 2019, le bailleur a demandé la fixation du loyer de renouvellement à 38.160 euros HT et HC à compter du 12 juin 2018.
Par assignation du 19 février 2020, le bailleur a saisi le juge des loyers du tribunal judiciaire de Paris.
Par jugement mixte du 29 novembre 2021, constatant l'accord des parties pour fixer la date de renouvellement du bail au 12 juin 2018, le juge des loyers a ordonné une expertise afin de déterminer la valeur locative des locaux.
L'expert, M. [F] [O], a déposé son rapport le 11 juillet 2022.
Par jugement du 6 avril 2023, le juge des loyers du tribunal judiciaire de Paris a :
- fixé le montant du loyer du bail renouvelé entre M. [E] [L] et la société Charly Coup'Hair portant sur un local situé [Adresse 1] à [Localité 3] à la somme de dix-neuf-mille-huit-cent-quatorze euros (19.814 euros) par an, HT et HC, à compter du 12 juin 2018 ;
- dit que la société Charly Coup'Hair devra rembourser à M. [E] [L] la différence entre les loyers provisionnels payés et les loyers effectivement dus depuis le 12 juin 2018 ;
- dit que ce différentiel portera intérêts au taux légal à compter du 19 février 2020 et de la date d'exigibilité de chaque échéance ;
- ordonné la capitalisation des intérêts produits depuis la décision dès lors qu'ils seront dus depuis plus d'un an ;
- rappelé que l'exécution provisoire de la décision est de droit ;
- rejeté le surplus des demandes ;
- dit que chacune des parties gardera la charge définitive des dépens qu'elle a exposés et que les frais de l'expertise judiciaire seront supportés par moitié entre elles.
Par déclaration au greffe du 2 juillet 2023, la société Charly Coup'Hair a interjeté appel partiel de ce jugement notamment sur le montant du loyer révisé.
Par conclusions d'incident du 7 septembre 2023, Monsieur [E] [L] a saisi le conseiller de la mise en état d'une demande tendant à la radiation de l'appel au visa de l'article 526 du code de procédure civile.
Par ordonnance du 7 décembre 2023, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de radiation de l'affaire.
Par conclusions déposées le 22 décembre 2023, M. [E] [L] a interjeté appel incident partiel du jugement.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 19 juin 2024.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Aux termes de ses conclusions notifiées le 27 septembre 2023, la société Charly Coup'Hair, appelante à titre principal et intimée à titre incident, demande à la cour de :
- infirmer le jugement du 6 avril 2023 du juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il :
- « fixe le montant du loyer du bail renouvelé entre Monsieur [E] [L] et la société Charly Coup'Hair pourtant sur un local sis [Adresse 1] à [Localité 3] à la somme de dix-neuf mille huit cent quatorze euros (19 814€) par an HT et HC à compter du 12 juin 2018 ;
- dit que la société Charly Coup'Hair devra rembourser à Monsieur [E] [L] la différence entre les loyers provisionnels payés et les loyers effectivement dus depuis le 12 juin 2018 ;
- dit que ce différentiel portera intérêt au taux légal à compter du 19 février 2020 et de la date d'exigibilité de chaque échéance ;
- ordonne la capitalisation des intérêts produits depuis la présente décision dès lors qu'ils seront dus depuis plus d'un an ;
- rappelle que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit ;
- rejette le surplus des demandes ;
- dit que chacune des parties gardera la charge définitive des dépens qu'elle a exposé et que les frais de l'expertise judiciaire seront supportés par moitié entre elles ».
Et, statuant à nouveau :
- constater le désaccord des parties sur le métrage réel et pondéré des locaux sis [Adresse 1] donnés à bail par Monsieur [E] [L] à la société Charly Coup'Hair ;
- retenir les surfaces suivantes du local :
- rez-de-chaussée : 33,76 m² ;
- mezzanine : 12,33 m² ;
- sous-sol : 4,30 m² ;
- fixer le coefficient de pondération pour les WC à 0,15 ;
- fixer le coefficient de pondération pour l'arrière-boutique à 0,40 ;
- fixer le coefficient de pondération pour la mezzanine à 0,10 ;
- fixer la valeur locative en renouvellement au 12 juin 2018 sur une base qui ne saurait être supérieure à 500 euros /m²P ;
En conséquence,
- fixer le montant du loyer du bail renouvelé à :
- à titre principal, la somme de 14.582,40 € / an
- à titre subsidiaire, la somme de 15.851,50 € / an
- débouter Monsieur [E] [L] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
- condamner Monsieur [E] [L] à la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
- condamner le même aux dépens dont les frais d'expertise.
Aux termes de ses conclusions notifiées le 22 décembre 2023, M. [E] [L], intimé à titre principal et appelant à titre incident, demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 6 avril 2023 en ce qu'il a jugé que la société Charly Coup'Hair devra rembourser à Monsieur [L] la différence entre les loyers provisionnels payés et les loyers effectivement dus depuis le 12 juin 2018 ;
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 6 avril 2023 en ce qu'il a jugé que ce différentiel portera intérêts au taux légal à compter du 19 février 2020 et de la date d'exigibilité de chaque échéance ;
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 6 avril 2023 en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts produits depuis la présente décision dès lors qu'ils seront dus depuis plus d'un an ;
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 6 avril 2023 en ce qu'il a jugé que les frais de l'expertise judiciaire seront supportés par moitié entre les parties ;
Y ajoutant,
- réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 6 avril 2023 en ce qu'il a retenu une surface pondérée du local de 32,35 m²P ;
- réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 6 avril 2023 en ce qu'il a fixé le montant du loyer du bail renouvelé entre Monsieur [L] et la société Charly Coup'Hair à la somme de 19.814 € par an, HT et HC, à compter du 12 juin 2018 ;
- réformer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de M. [L] de voir condamnée la partie adverse au paiement de la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;
En conséquence,
- fixer la surface pondérée du local à 33,60 m²P conformément au rapport d'expertise judiciaire ;
- fixer le loyer du bail renouvelé au 12 juin 2018 à un montant annuel de 20.580 euros en principal, hors charges et hors taxes ;
- condamner la société Charly Coup'Hair au paiement de la somme de 35.235,39 euros au titre des compléments de loyers dus depuis le renouvellement du bail le 12 juin 2018 ;
En tout état de cause,
- condamner la société Charly Coup'Hair au paiement de la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.
MOTIFS DE L'ARRET
Il est constant que la Société Charly Coup'Hair et M. [E] [L] se sont accordés sur le renouvellement du contrat de bail les liant, à compter du 12 juin 2018.
En revanche, les parties sont en désaccord sur le montant loyer du bail ainsi renouvelé.
Sur le montant du loyer du bail renouvelé
En vertu de l'article L.145-33 du code de commerce, le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.
Toutefois, l'article L.145-34 du même code prévoit une règle de plafonnement des loyers des baux renouvelés, qui toutefois ne s'applique pas notamment lorsque la durée effective du bail expiré excède douze ans.
Tel est le cas en l'espèce les parties convenant que le bail expiré a excédé douze ans par l'effet de sa tacite prorogation.
Ainsi convient-il de fixer le loyer à la valeur locative des locaux en cause, en application de l'article L.145-33 précité, lequel dispose que ladite valeur locative est déterminée d'après :
1° les caractéristiques du local considéré ;
2° la destination des lieux ;
3° les obligations respectives des parties ;
4° les facteurs locaux de commercialité ;
5° les prix couramment pratiqués dans le voisinage.
Les caractéristiques du local s'apprécient, selon l'article R.145-3 du code de commerce, en considération :
1° de la situation dans l'immeuble où il se trouve, de sa surface et de son volume, de la commodité de son accès pour le public ;
2° de l'importance des surfaces respectives affectées à la réception du public, à l'exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux ;
3° de ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d'activité qui y est exercée ;
4° de l'état d'entretien, de vétusté ou de salubrité et de la conformité aux normes exigées par la législation du travail ;
5° de la nature et de l'état des équipements et des moyens d'exploitation mis à la disposition du locataire.
S'agissant du descriptif des locaux, de leur état et de leur destination, la cour renvoie aux motifs précis et détaillés du premier juge qu'elle adopte et qui ne sont pas contestés par les parties.
S'agissant des obligations respectives des parties, le premier juge, entérinant la préconisation de l'expert, a retenu un abattement de 2 % à raison du transfert à la société locataire de la charge des travaux de mise aux normes. Ce point n'est pas non plus contesté par les parties.
En revanche, les parties s'opposent sur la surface réelle des locaux en cause.
Sur la surface réelle des locaux objets du contrat de bail
Selon l'article 9 du code de procédure civile, il appartient à chacune des parties de fournir les pièces justifiant du bien-fondé de ses demandes.
La locataire conteste la surface totale réelle de 52,30 m2 proposée par l'expert judiciaire et retenue par le premier juge, basée notamment sur le certificat de superficie établi par la société SDI Diagnostic Immobilier en date du 5 février 2019, dont se prévaut la bailleresse, qui se décompose ainsi :
26,51 m2 pour la boutique ;
7,76 m2 pour l'arrière-boutique ;
1,21 m2 pour les WC ;
12,52 m2 pour la mezzanine ;
4,30m2 pour la cave.
Selon, la locataire, il appartient au bailleur qui sollicite une augmentation de loyer de rapporter la preuve des surfaces réelles des locaux loués en faisant intervenir un expert géomètre.
Elle reproche en conséquence au premier juge d'avoir retenu le métrage proposé par le bailleur basé sur le certificat de superficie réalisé par la société SDI Diagnostic Immobilier, sans avoir exigé de la part du bailleur qu'il fasse intervenir un géomètre expert à ses frais et sans retenir l'attestation de métrage réalisée par un architecte dont elle se prévaut, lequel aboutit à une surface totale réelle inférieure. Elle estime qu'aucune raison ne justifie de faire primer l'attestation de surface du bailleur sur la sienne, dans la mesure où les deux documents émanent de professionnels de l'immobilier.
Or c'est par des motifs pertinents que la cour adopte, que le premier juge a estimé que le « certificat de superficie » daté, signé et certifié par un professionnel, fourni par le bailleur, était suffisamment précis pour être exploitable et que, faute pour la locataire de rapporter la preuve d'une surface réelle plus faible au moyen d'un document pertinent, le « certificat de superficie » fourni par le bailleur devait être retenu pour déterminer la surface réelle des locaux en cause, étant précisé que la locataire, qui ne développe pas de nouveaux moyens en cause d'appel, n'a pas versé aux débats l'attestation dont elle se prévaut.
En conséquence, le jugement déféré sera confirmé sur ce point et la surface totale réelle de 52,30 m2 sera retenue.
Sur la pondération des surfaces
Suivant les usages en la matière, l'expert judiciaire propose une surface pondérée de 33,60 m2, calculée en retenant :
un coefficient de 1 pour les 5 premiers mètres de la boutique ;
un coefficient de 0,80 pour la deuxième zone de la boutique à la suite ;
un coefficient de 0,55 pour l'arrière-boutique accessible à la clientèle mais de faible hauteur ;
un coefficient de 0,30 pour les WC ;
un coefficient de 0,30 pour la mezzanine reliée mais de faible hauteur ;
un coefficient de 0,10 pour la cave, non reliée.
Le premier juge a retenu ces pondérations, sauf en ce qui concerne la mezzanine, aboutissant à une surface pondérée des locaux de 32,35 m2.
Les pondérations retenues par le premier juge font l'objet de contestations de la part des deux parties, sauf en ce qui concerne les deux premières zones de la boutique et la cave non reliée qui ne sont pas discutées. Les coefficients de pondération proposés par l'expert judiciaire, retenus par le premier juge et non contestés par les parties seront en conséquence confirmés.
Concernant les WC, la locataire se prévaut de la charte des experts et reproche à l'expert judiciaire d'avoir retenu le coefficient de pondération de 0,30, assimilant ainsi ce local à une surface de vente, alors qu'ils ne disposent pas d'aménagements tels qu'un vestiaire ou une douche et ne sont pas exploités par la clientèle, ce qui justifierait de leur appliquer le coefficient de pondération correspondant à des « annexes diverses », soit 0,15. Le bailleur pour sa part accepte le coefficient proposé par l'expert et retenu par le juge.
En l'espèce, au regard de la configuration des lieux et eu égard au fait que les WC se trouvent au rez-de-chaussée dans la continuité des locaux commerciaux, donc de plein pied avec le reste de la zone, le coefficient de pondération de 0,30 retenu par l'expert et le premier juge pour cette zone est conforme aux usages et à l'affectation de la surface, bien que lesdits WC ne soient pas dotés d'aménagements spécifiques ni accessibles à la clientèle. La demande de la locataire sera donc rejetée.
Concernant l'arrière-boutique accessible à la clientèle, mais de faible hauteur, la locataire considère qu'un coefficient de pondération de 0,40 au lieu de 0,55 adopté par le premier juge sur proposition de l'expert, devrait être appliqué eu égard à la faiblesse de la hauteur sous plafond, inférieure à 1,90 m, laquelle ne permet qu'un accueil de la clientèle en position assise et interdit d'y exercer d'autres activités permises par le bail comme la parfumerie, l'esthétique ou les soins du corps. Le bailleur accepte le coefficient proposé par l'expert et retenu par le juge, faisant valoir que compte tenu de la configuration des lieux on imagine mal comment les bacs à shampooing pourraient être installés dans une autre partie du local loué, eu égard notamment aux évacuations d'eau nécessaires.
Or, c'est par des motifs précis et pertinents auxquels la cour renvoie et qu'elle adopte, que le premier juge a estimé que la position assise étant la norme dans un salon de coiffure, qui plus est dans une partie consacrée aux bacs à shampooing, la surface n'est pas suffisamment dévaluée par la faible hauteur sous plafond pour retenir un coefficient plus bas que 0,55, étant ajouté au demeurant que lesdits bacs à shampooing ne pourraient être installés sans travaux conséquents dans une autre parties des locaux au regard des évacuations d'eau uniquement présentes dans cette partie et alors que les autres activités autorisées par le bail et qui supposent d'y accueillir la clientèle, peuvent être exercées dans une autre partie des locaux, sans au demeurant que le preneur n'établisse l'existence d'un projet commercial en ce sens.
Il convient donc de confirmer le jugement sur ce point.
Concernant la mezzanine, le premier juge a appliqué un coefficient de pondération de 0,20, alors que la locataire considère qu'un coefficient de pondération de 0,10 devrait être retenu et que le bailleur considère au contraire que le premier juge aurait dû retenir le coefficient de pondération de 0,30 proposé par l'expert judiciaire.
La locataire fait valoir que la mezzanine de 1,70 m de hauteur sous plafond, n'est pas une zone de vente, qu'elle n'est accessible qu'au moyen d'un petit escalier étroit, en colimaçon et peu commode, de sorte qu'elle ne peut être utilisée que comme local technique.
Le bailleur au contraire, considère qu'il convient de retenir le coefficient de pondération de 0,30 proposé par l'expert judiciaire, dans la mesure où les usages en la matière prévoient un coefficient allant de 0,30 à 0,40 pour les mezzanines.
Or, c'est à juste titre que le premier juge a adopté le coefficient de pondération de 0,20 eu égard au fait que ladite mezzanine, d'une hauteur sous plafond de 1,70 m, est inaccessible à la clientèle et s'apparente davantage à une réserve et donc à une annexe en premier étage, dont la surface se pondère entre 0,10 et 0,30 selon les usages en la matière.
Il convient en conséquence de rejeter les demandes des parties sur ce dernier point.
En conséquence, la surface pondérée à retenir pour les locaux en cause est de :
18 m2P (18 x 1) pour la boutique, 1ère zone sur 5mètres ;
6,80 m2P (8,51 x 0,80) pour la boutique, 2ème zone ;
4,26 m2P (7,76 x 0,55) pour l'arrière-boutique ;
0,36 m2P (1,21 x 0,30) pour les WC ;
2,50 m2P (12,52 x 0,20) pour la mezzanine ;
0,43 m2P (4,30 x 0,10) pour la cave.
Le jugement déféré sera donc confirmé et la surface pondérée des locaux en cause retenue sera de 32,35 m2P.
Sur la valeur locative
S'agissant des facteurs locaux de commercialité, l'article R.145-6 du code de commerce dispose qu'« ils dépendent principalement de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire.»
La locataire reproche à l'expert judiciaire et au premier juge d'avoir conclu que les locaux bénéficiaient d'une bonne situation commerciale pour l'exploitation d'un commerce de coiffure, tout en relevant cependant qu'ils n'étaient pas situés dans la meilleure portion de la [Adresse 6], s'agissant d'une voie secondaire à sens unique et desservie par une seule ligne de métro, et qui de surcroît accueille de rares enseignes, pour la plupart également des salons de coiffure à forte notoriété comme Franck Provost et Jean-Claude Biguine, dont le pouvoir attractif est supérieur au salon de coiffure de la locataire. La locataire fait également remarquer que les facteurs locaux de commercialité n'ont subi aucune modification de nature à justifier une augmentation de la valeur locative des locaux en cause, tel que l'existence d'un projet immobilier ou commerçant voisin.
S'agissant des prix couramment pratiqués dans le voisinage, l'article R.145-7 du code de commerce précise que « Les prix couramment pratiqués dans le voisinage, par unité de surfaces, concernent des locaux équivalents eu égard à l'ensemble des éléments mentionnés aux articles R.145-3 à R.145-6. A défaut d'équivalence, ils peuvent, à titre indicatif, être utilisés pour la détermination des prix de base, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence. Les références proposées de part et d'autre portent sur plusieurs locaux et comportent, pour chaque local, son adresse et sa description succincte. Elles sont corrigées à raison des différences qui peuvent exister entre les dates de fixation des prix et les modalités de cette fixation. »
Pour parvenir au prix unitaire de 625 euros/m² pondéré, l'expert judiciaire, au titre des prix couramment pratiqués dans le voisinage, a pris en considération :
- 8 locations nouvelles, entre 2013 et 2019, dont les prix au m² pondéré varient entre 600 euros et 988 euros ;
- 6 renouvellements amiables, entre 2011 et juillet 2017, dont les prix au m² pondéré varient entre 360 euros et 533 euros ;
- 2 renouvellements judiciaires, intervenus entre août 2015 et mai 2018, dont les prix au m² pondéré se situent respectivement à hauteur 500 euros et de 550 euros.
Le premier juge a retenu la valeur unitaire du loyer de 625 euros/m² pondéré, proposée par l'expert judiciaire et acceptée par le bailleur, mais la locataire la conteste pour solliciter la fixation du prix unitaire à 500 euros/m2 pondéré.
A l'appui de cette prétention, elle fait valoir que l'expert a bien précisé que la valeur locative qu'il s'agit d'estimer est une valeur locative en renouvellement visant des locaux commerciaux avec un locataire en place et non une valeur locative de marché de locaux loués vacants. Or, il ressort des éléments de comparaison pris en considération par l'expert que la moyenne pour les renouvellements amiables s'élève à 451 euros/m2 et que, si l'on se réfère aux deux renouvellements judiciaires cités par l'expert, on se situe entre 500 et 550 euros/m2. En outre la locataire rappelle que l'expert judiciaire a également pu constater que le renouvellement amiable intervenu en 2017 pour un bail portant sur un local situé dans le même immeuble que les locaux en cause s'est élevé à 502 euros/m2.
Or, par des motifs pertinents et détaillés auxquels la cour renvoie et qu'elle adopte, le juge a rappelé les éléments explicatifs retenus par l'expert au regard des exigences des articles R.145-3 et suivants du code de commerce précités, de sorte que contrairement à ce que soutient la locataire, et comme indiqué par le premier juge, il ne peut être tenu compte des seules éléments de comparaison relatifs à des renouvellements de baux pour déterminer la valeur locative et la valeur moyenne des loyers pratiqués dans le voisinage ne peut être retenue en ce qu'elle écarte les éléments objectifs d'appréciation exigées par les textes précités.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a fixé le loyer annuel à la somme arrondie de 19.814 euros (32,35 m2P x 625 euros - 2%).
Sur les autres demandes
Il ressort de l'article R. 145-23 du code de commerce, que la compétence du juge des loyers pour trancher les contestation relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé est exclusive du prononcé d'une condamnation.
En conséquence, le jugement déféré a considéré à juste titre qu'il n'était pas de la compétence du juge des loyers de condamner la locataire à rembourser les loyers dus depuis le renouvellement du bail le 12 juin 2018, sa compétence étant limitée à la fixation du prix du bail renouvelé.
La cour n'ayant pas plus de pouvoirs que le juge des loyers commerciaux, il n'y a pas lieu à statuer sur la demande de condamnation laquelle relèvera des comptes opérés entre les parties lors de la mise à exécution du présent arrêt.
En revanche, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rappelé que la locataire devra rembourser au bailleur la différence entre les loyers provisionnels et les loyers effectivement dus depuis le renouvellement du bail.
Les intérêts légaux ont couru sur le différentiel entre le loyer effectivement acquitté et le loyer finalement dû à compter de l'assignation du bailleur, soit le 19 février 2020, puis au fur et à mesure des échéances échues, conformément à l'article 1231-6 du code civil. Ces intérêts seront, le cas échéant et conformément à l'article 1343-2 du même code, capitalisés s'ils sont dus pour une année entière.
Le jugement entrepris sera donc également confirmé sur ce point.
Eu égard à la nature de l'affaire, le jugement attaqué est confirmé en ce qu'il a partagé les dépens, en ce inclus les coûts de l'expertise, par moitié entre les parties et en ce qu'il a rejeté les demandes des parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
En cause d'appel, l'appelante succombant à l'ensemble de ses demandes, elle sera déboutée de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée à ce titre à verser à M. [L] la somme de 4.000 euros.
En outre, la société Charly Coup'hair sera condamnée aux entiers dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 6 avril 2023 par le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Paris (RG n° 20/02367) en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne la société Charly Coup'hair au paiement des intérêts au taux légal avec anatocisme sur le différentiel entre le loyer réglé et celui judiciairement fixé à compter du 19 févier 2020 ;
Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande formée par M. [L] de paiement des compléments de loyers dus depuis le renouvellement du bail le 12 juin 2018 ;
Déboute la société Charly Coup'hair de l'ensemble de ses demandes ;
Condamne la société Charly Coup'hair sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à verser à M. [L] la somme de 4.000 euros ;
Condamne la société Charly Coup'hair aux dépens de la procédure d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier, La présidente,
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 11 SEPTEMBRE 2025
(n° 145/2025, 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 23/11639 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CH4TZ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 avril 2023- Tribunal judiciaire de Paris (loyers commerciaux)- RG n° 20/02367
APPELANTE
S.A.R.L. CHARLY COUP'HAIR
Immatriculée au R.C.S. de Paris sous le n° 415 252 931
Agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Myriam BERLINER, avocat au barreau de Paris, toque : C2431
INTIMÉ
M. [E] [P] [M] [L]
né le 10 juin 1961 à [Localité 5] (36)
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté et assisté par Me Amélie RICHARD de la SELARL CARRARE AVOCATS, avocat au barreau de Paris, toque : C0895
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 16 septembre 2024, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Marie Girousse, conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
- Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre
- Mme Stéphanie Dupont, conseillère
- Mme Marie Girousse, conseillère
Greffier lors des débats : Mme Sandrine Stassi-Buscqua
ARRÊT :
- contradictoire ;
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre et par M. Soufiane HASSAOUI, greffier présent lors de la mise à disposition.
FAITS ET PROCÉDURE
Suivant acte sous seing privé du 27 juillet 2007, M. [E] [L] a consenti le renouvellement d'un bail commercial à la société Charly Coup'Hair portant sur un local situé [Adresse 1] à [Localité 3].
Le bail a été consenti pour une durée de neuf ans à compter du 21 octobre 2003 et pour un loyer annuel en principal indexé de 10.800 euros HT et HC.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 9 avril 2018, la locataire a adressé au bailleur une demande de renouvellement du bail à compter du 9 avril 2018.
Par acte d'huissier du 12 juin 2018, le bailleur, ne contestant pas le principe du renouvellement du bail, a proposé d'en fixer le loyer mensuel à 3.450 euros HT et HC.
Par mémoire préalable notifié par courrier recommandé avec accusé de réception le 27 septembre 2019, le bailleur a demandé la fixation du loyer de renouvellement à 38.160 euros HT et HC à compter du 12 juin 2018.
Par assignation du 19 février 2020, le bailleur a saisi le juge des loyers du tribunal judiciaire de Paris.
Par jugement mixte du 29 novembre 2021, constatant l'accord des parties pour fixer la date de renouvellement du bail au 12 juin 2018, le juge des loyers a ordonné une expertise afin de déterminer la valeur locative des locaux.
L'expert, M. [F] [O], a déposé son rapport le 11 juillet 2022.
Par jugement du 6 avril 2023, le juge des loyers du tribunal judiciaire de Paris a :
- fixé le montant du loyer du bail renouvelé entre M. [E] [L] et la société Charly Coup'Hair portant sur un local situé [Adresse 1] à [Localité 3] à la somme de dix-neuf-mille-huit-cent-quatorze euros (19.814 euros) par an, HT et HC, à compter du 12 juin 2018 ;
- dit que la société Charly Coup'Hair devra rembourser à M. [E] [L] la différence entre les loyers provisionnels payés et les loyers effectivement dus depuis le 12 juin 2018 ;
- dit que ce différentiel portera intérêts au taux légal à compter du 19 février 2020 et de la date d'exigibilité de chaque échéance ;
- ordonné la capitalisation des intérêts produits depuis la décision dès lors qu'ils seront dus depuis plus d'un an ;
- rappelé que l'exécution provisoire de la décision est de droit ;
- rejeté le surplus des demandes ;
- dit que chacune des parties gardera la charge définitive des dépens qu'elle a exposés et que les frais de l'expertise judiciaire seront supportés par moitié entre elles.
Par déclaration au greffe du 2 juillet 2023, la société Charly Coup'Hair a interjeté appel partiel de ce jugement notamment sur le montant du loyer révisé.
Par conclusions d'incident du 7 septembre 2023, Monsieur [E] [L] a saisi le conseiller de la mise en état d'une demande tendant à la radiation de l'appel au visa de l'article 526 du code de procédure civile.
Par ordonnance du 7 décembre 2023, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de radiation de l'affaire.
Par conclusions déposées le 22 décembre 2023, M. [E] [L] a interjeté appel incident partiel du jugement.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 19 juin 2024.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Aux termes de ses conclusions notifiées le 27 septembre 2023, la société Charly Coup'Hair, appelante à titre principal et intimée à titre incident, demande à la cour de :
- infirmer le jugement du 6 avril 2023 du juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il :
- « fixe le montant du loyer du bail renouvelé entre Monsieur [E] [L] et la société Charly Coup'Hair pourtant sur un local sis [Adresse 1] à [Localité 3] à la somme de dix-neuf mille huit cent quatorze euros (19 814€) par an HT et HC à compter du 12 juin 2018 ;
- dit que la société Charly Coup'Hair devra rembourser à Monsieur [E] [L] la différence entre les loyers provisionnels payés et les loyers effectivement dus depuis le 12 juin 2018 ;
- dit que ce différentiel portera intérêt au taux légal à compter du 19 février 2020 et de la date d'exigibilité de chaque échéance ;
- ordonne la capitalisation des intérêts produits depuis la présente décision dès lors qu'ils seront dus depuis plus d'un an ;
- rappelle que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit ;
- rejette le surplus des demandes ;
- dit que chacune des parties gardera la charge définitive des dépens qu'elle a exposé et que les frais de l'expertise judiciaire seront supportés par moitié entre elles ».
Et, statuant à nouveau :
- constater le désaccord des parties sur le métrage réel et pondéré des locaux sis [Adresse 1] donnés à bail par Monsieur [E] [L] à la société Charly Coup'Hair ;
- retenir les surfaces suivantes du local :
- rez-de-chaussée : 33,76 m² ;
- mezzanine : 12,33 m² ;
- sous-sol : 4,30 m² ;
- fixer le coefficient de pondération pour les WC à 0,15 ;
- fixer le coefficient de pondération pour l'arrière-boutique à 0,40 ;
- fixer le coefficient de pondération pour la mezzanine à 0,10 ;
- fixer la valeur locative en renouvellement au 12 juin 2018 sur une base qui ne saurait être supérieure à 500 euros /m²P ;
En conséquence,
- fixer le montant du loyer du bail renouvelé à :
- à titre principal, la somme de 14.582,40 € / an
- à titre subsidiaire, la somme de 15.851,50 € / an
- débouter Monsieur [E] [L] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
- condamner Monsieur [E] [L] à la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
- condamner le même aux dépens dont les frais d'expertise.
Aux termes de ses conclusions notifiées le 22 décembre 2023, M. [E] [L], intimé à titre principal et appelant à titre incident, demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 6 avril 2023 en ce qu'il a jugé que la société Charly Coup'Hair devra rembourser à Monsieur [L] la différence entre les loyers provisionnels payés et les loyers effectivement dus depuis le 12 juin 2018 ;
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 6 avril 2023 en ce qu'il a jugé que ce différentiel portera intérêts au taux légal à compter du 19 février 2020 et de la date d'exigibilité de chaque échéance ;
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 6 avril 2023 en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts produits depuis la présente décision dès lors qu'ils seront dus depuis plus d'un an ;
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 6 avril 2023 en ce qu'il a jugé que les frais de l'expertise judiciaire seront supportés par moitié entre les parties ;
Y ajoutant,
- réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 6 avril 2023 en ce qu'il a retenu une surface pondérée du local de 32,35 m²P ;
- réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 6 avril 2023 en ce qu'il a fixé le montant du loyer du bail renouvelé entre Monsieur [L] et la société Charly Coup'Hair à la somme de 19.814 € par an, HT et HC, à compter du 12 juin 2018 ;
- réformer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de M. [L] de voir condamnée la partie adverse au paiement de la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;
En conséquence,
- fixer la surface pondérée du local à 33,60 m²P conformément au rapport d'expertise judiciaire ;
- fixer le loyer du bail renouvelé au 12 juin 2018 à un montant annuel de 20.580 euros en principal, hors charges et hors taxes ;
- condamner la société Charly Coup'Hair au paiement de la somme de 35.235,39 euros au titre des compléments de loyers dus depuis le renouvellement du bail le 12 juin 2018 ;
En tout état de cause,
- condamner la société Charly Coup'Hair au paiement de la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.
MOTIFS DE L'ARRET
Il est constant que la Société Charly Coup'Hair et M. [E] [L] se sont accordés sur le renouvellement du contrat de bail les liant, à compter du 12 juin 2018.
En revanche, les parties sont en désaccord sur le montant loyer du bail ainsi renouvelé.
Sur le montant du loyer du bail renouvelé
En vertu de l'article L.145-33 du code de commerce, le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.
Toutefois, l'article L.145-34 du même code prévoit une règle de plafonnement des loyers des baux renouvelés, qui toutefois ne s'applique pas notamment lorsque la durée effective du bail expiré excède douze ans.
Tel est le cas en l'espèce les parties convenant que le bail expiré a excédé douze ans par l'effet de sa tacite prorogation.
Ainsi convient-il de fixer le loyer à la valeur locative des locaux en cause, en application de l'article L.145-33 précité, lequel dispose que ladite valeur locative est déterminée d'après :
1° les caractéristiques du local considéré ;
2° la destination des lieux ;
3° les obligations respectives des parties ;
4° les facteurs locaux de commercialité ;
5° les prix couramment pratiqués dans le voisinage.
Les caractéristiques du local s'apprécient, selon l'article R.145-3 du code de commerce, en considération :
1° de la situation dans l'immeuble où il se trouve, de sa surface et de son volume, de la commodité de son accès pour le public ;
2° de l'importance des surfaces respectives affectées à la réception du public, à l'exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux ;
3° de ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d'activité qui y est exercée ;
4° de l'état d'entretien, de vétusté ou de salubrité et de la conformité aux normes exigées par la législation du travail ;
5° de la nature et de l'état des équipements et des moyens d'exploitation mis à la disposition du locataire.
S'agissant du descriptif des locaux, de leur état et de leur destination, la cour renvoie aux motifs précis et détaillés du premier juge qu'elle adopte et qui ne sont pas contestés par les parties.
S'agissant des obligations respectives des parties, le premier juge, entérinant la préconisation de l'expert, a retenu un abattement de 2 % à raison du transfert à la société locataire de la charge des travaux de mise aux normes. Ce point n'est pas non plus contesté par les parties.
En revanche, les parties s'opposent sur la surface réelle des locaux en cause.
Sur la surface réelle des locaux objets du contrat de bail
Selon l'article 9 du code de procédure civile, il appartient à chacune des parties de fournir les pièces justifiant du bien-fondé de ses demandes.
La locataire conteste la surface totale réelle de 52,30 m2 proposée par l'expert judiciaire et retenue par le premier juge, basée notamment sur le certificat de superficie établi par la société SDI Diagnostic Immobilier en date du 5 février 2019, dont se prévaut la bailleresse, qui se décompose ainsi :
26,51 m2 pour la boutique ;
7,76 m2 pour l'arrière-boutique ;
1,21 m2 pour les WC ;
12,52 m2 pour la mezzanine ;
4,30m2 pour la cave.
Selon, la locataire, il appartient au bailleur qui sollicite une augmentation de loyer de rapporter la preuve des surfaces réelles des locaux loués en faisant intervenir un expert géomètre.
Elle reproche en conséquence au premier juge d'avoir retenu le métrage proposé par le bailleur basé sur le certificat de superficie réalisé par la société SDI Diagnostic Immobilier, sans avoir exigé de la part du bailleur qu'il fasse intervenir un géomètre expert à ses frais et sans retenir l'attestation de métrage réalisée par un architecte dont elle se prévaut, lequel aboutit à une surface totale réelle inférieure. Elle estime qu'aucune raison ne justifie de faire primer l'attestation de surface du bailleur sur la sienne, dans la mesure où les deux documents émanent de professionnels de l'immobilier.
Or c'est par des motifs pertinents que la cour adopte, que le premier juge a estimé que le « certificat de superficie » daté, signé et certifié par un professionnel, fourni par le bailleur, était suffisamment précis pour être exploitable et que, faute pour la locataire de rapporter la preuve d'une surface réelle plus faible au moyen d'un document pertinent, le « certificat de superficie » fourni par le bailleur devait être retenu pour déterminer la surface réelle des locaux en cause, étant précisé que la locataire, qui ne développe pas de nouveaux moyens en cause d'appel, n'a pas versé aux débats l'attestation dont elle se prévaut.
En conséquence, le jugement déféré sera confirmé sur ce point et la surface totale réelle de 52,30 m2 sera retenue.
Sur la pondération des surfaces
Suivant les usages en la matière, l'expert judiciaire propose une surface pondérée de 33,60 m2, calculée en retenant :
un coefficient de 1 pour les 5 premiers mètres de la boutique ;
un coefficient de 0,80 pour la deuxième zone de la boutique à la suite ;
un coefficient de 0,55 pour l'arrière-boutique accessible à la clientèle mais de faible hauteur ;
un coefficient de 0,30 pour les WC ;
un coefficient de 0,30 pour la mezzanine reliée mais de faible hauteur ;
un coefficient de 0,10 pour la cave, non reliée.
Le premier juge a retenu ces pondérations, sauf en ce qui concerne la mezzanine, aboutissant à une surface pondérée des locaux de 32,35 m2.
Les pondérations retenues par le premier juge font l'objet de contestations de la part des deux parties, sauf en ce qui concerne les deux premières zones de la boutique et la cave non reliée qui ne sont pas discutées. Les coefficients de pondération proposés par l'expert judiciaire, retenus par le premier juge et non contestés par les parties seront en conséquence confirmés.
Concernant les WC, la locataire se prévaut de la charte des experts et reproche à l'expert judiciaire d'avoir retenu le coefficient de pondération de 0,30, assimilant ainsi ce local à une surface de vente, alors qu'ils ne disposent pas d'aménagements tels qu'un vestiaire ou une douche et ne sont pas exploités par la clientèle, ce qui justifierait de leur appliquer le coefficient de pondération correspondant à des « annexes diverses », soit 0,15. Le bailleur pour sa part accepte le coefficient proposé par l'expert et retenu par le juge.
En l'espèce, au regard de la configuration des lieux et eu égard au fait que les WC se trouvent au rez-de-chaussée dans la continuité des locaux commerciaux, donc de plein pied avec le reste de la zone, le coefficient de pondération de 0,30 retenu par l'expert et le premier juge pour cette zone est conforme aux usages et à l'affectation de la surface, bien que lesdits WC ne soient pas dotés d'aménagements spécifiques ni accessibles à la clientèle. La demande de la locataire sera donc rejetée.
Concernant l'arrière-boutique accessible à la clientèle, mais de faible hauteur, la locataire considère qu'un coefficient de pondération de 0,40 au lieu de 0,55 adopté par le premier juge sur proposition de l'expert, devrait être appliqué eu égard à la faiblesse de la hauteur sous plafond, inférieure à 1,90 m, laquelle ne permet qu'un accueil de la clientèle en position assise et interdit d'y exercer d'autres activités permises par le bail comme la parfumerie, l'esthétique ou les soins du corps. Le bailleur accepte le coefficient proposé par l'expert et retenu par le juge, faisant valoir que compte tenu de la configuration des lieux on imagine mal comment les bacs à shampooing pourraient être installés dans une autre partie du local loué, eu égard notamment aux évacuations d'eau nécessaires.
Or, c'est par des motifs précis et pertinents auxquels la cour renvoie et qu'elle adopte, que le premier juge a estimé que la position assise étant la norme dans un salon de coiffure, qui plus est dans une partie consacrée aux bacs à shampooing, la surface n'est pas suffisamment dévaluée par la faible hauteur sous plafond pour retenir un coefficient plus bas que 0,55, étant ajouté au demeurant que lesdits bacs à shampooing ne pourraient être installés sans travaux conséquents dans une autre parties des locaux au regard des évacuations d'eau uniquement présentes dans cette partie et alors que les autres activités autorisées par le bail et qui supposent d'y accueillir la clientèle, peuvent être exercées dans une autre partie des locaux, sans au demeurant que le preneur n'établisse l'existence d'un projet commercial en ce sens.
Il convient donc de confirmer le jugement sur ce point.
Concernant la mezzanine, le premier juge a appliqué un coefficient de pondération de 0,20, alors que la locataire considère qu'un coefficient de pondération de 0,10 devrait être retenu et que le bailleur considère au contraire que le premier juge aurait dû retenir le coefficient de pondération de 0,30 proposé par l'expert judiciaire.
La locataire fait valoir que la mezzanine de 1,70 m de hauteur sous plafond, n'est pas une zone de vente, qu'elle n'est accessible qu'au moyen d'un petit escalier étroit, en colimaçon et peu commode, de sorte qu'elle ne peut être utilisée que comme local technique.
Le bailleur au contraire, considère qu'il convient de retenir le coefficient de pondération de 0,30 proposé par l'expert judiciaire, dans la mesure où les usages en la matière prévoient un coefficient allant de 0,30 à 0,40 pour les mezzanines.
Or, c'est à juste titre que le premier juge a adopté le coefficient de pondération de 0,20 eu égard au fait que ladite mezzanine, d'une hauteur sous plafond de 1,70 m, est inaccessible à la clientèle et s'apparente davantage à une réserve et donc à une annexe en premier étage, dont la surface se pondère entre 0,10 et 0,30 selon les usages en la matière.
Il convient en conséquence de rejeter les demandes des parties sur ce dernier point.
En conséquence, la surface pondérée à retenir pour les locaux en cause est de :
18 m2P (18 x 1) pour la boutique, 1ère zone sur 5mètres ;
6,80 m2P (8,51 x 0,80) pour la boutique, 2ème zone ;
4,26 m2P (7,76 x 0,55) pour l'arrière-boutique ;
0,36 m2P (1,21 x 0,30) pour les WC ;
2,50 m2P (12,52 x 0,20) pour la mezzanine ;
0,43 m2P (4,30 x 0,10) pour la cave.
Le jugement déféré sera donc confirmé et la surface pondérée des locaux en cause retenue sera de 32,35 m2P.
Sur la valeur locative
S'agissant des facteurs locaux de commercialité, l'article R.145-6 du code de commerce dispose qu'« ils dépendent principalement de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire.»
La locataire reproche à l'expert judiciaire et au premier juge d'avoir conclu que les locaux bénéficiaient d'une bonne situation commerciale pour l'exploitation d'un commerce de coiffure, tout en relevant cependant qu'ils n'étaient pas situés dans la meilleure portion de la [Adresse 6], s'agissant d'une voie secondaire à sens unique et desservie par une seule ligne de métro, et qui de surcroît accueille de rares enseignes, pour la plupart également des salons de coiffure à forte notoriété comme Franck Provost et Jean-Claude Biguine, dont le pouvoir attractif est supérieur au salon de coiffure de la locataire. La locataire fait également remarquer que les facteurs locaux de commercialité n'ont subi aucune modification de nature à justifier une augmentation de la valeur locative des locaux en cause, tel que l'existence d'un projet immobilier ou commerçant voisin.
S'agissant des prix couramment pratiqués dans le voisinage, l'article R.145-7 du code de commerce précise que « Les prix couramment pratiqués dans le voisinage, par unité de surfaces, concernent des locaux équivalents eu égard à l'ensemble des éléments mentionnés aux articles R.145-3 à R.145-6. A défaut d'équivalence, ils peuvent, à titre indicatif, être utilisés pour la détermination des prix de base, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence. Les références proposées de part et d'autre portent sur plusieurs locaux et comportent, pour chaque local, son adresse et sa description succincte. Elles sont corrigées à raison des différences qui peuvent exister entre les dates de fixation des prix et les modalités de cette fixation. »
Pour parvenir au prix unitaire de 625 euros/m² pondéré, l'expert judiciaire, au titre des prix couramment pratiqués dans le voisinage, a pris en considération :
- 8 locations nouvelles, entre 2013 et 2019, dont les prix au m² pondéré varient entre 600 euros et 988 euros ;
- 6 renouvellements amiables, entre 2011 et juillet 2017, dont les prix au m² pondéré varient entre 360 euros et 533 euros ;
- 2 renouvellements judiciaires, intervenus entre août 2015 et mai 2018, dont les prix au m² pondéré se situent respectivement à hauteur 500 euros et de 550 euros.
Le premier juge a retenu la valeur unitaire du loyer de 625 euros/m² pondéré, proposée par l'expert judiciaire et acceptée par le bailleur, mais la locataire la conteste pour solliciter la fixation du prix unitaire à 500 euros/m2 pondéré.
A l'appui de cette prétention, elle fait valoir que l'expert a bien précisé que la valeur locative qu'il s'agit d'estimer est une valeur locative en renouvellement visant des locaux commerciaux avec un locataire en place et non une valeur locative de marché de locaux loués vacants. Or, il ressort des éléments de comparaison pris en considération par l'expert que la moyenne pour les renouvellements amiables s'élève à 451 euros/m2 et que, si l'on se réfère aux deux renouvellements judiciaires cités par l'expert, on se situe entre 500 et 550 euros/m2. En outre la locataire rappelle que l'expert judiciaire a également pu constater que le renouvellement amiable intervenu en 2017 pour un bail portant sur un local situé dans le même immeuble que les locaux en cause s'est élevé à 502 euros/m2.
Or, par des motifs pertinents et détaillés auxquels la cour renvoie et qu'elle adopte, le juge a rappelé les éléments explicatifs retenus par l'expert au regard des exigences des articles R.145-3 et suivants du code de commerce précités, de sorte que contrairement à ce que soutient la locataire, et comme indiqué par le premier juge, il ne peut être tenu compte des seules éléments de comparaison relatifs à des renouvellements de baux pour déterminer la valeur locative et la valeur moyenne des loyers pratiqués dans le voisinage ne peut être retenue en ce qu'elle écarte les éléments objectifs d'appréciation exigées par les textes précités.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a fixé le loyer annuel à la somme arrondie de 19.814 euros (32,35 m2P x 625 euros - 2%).
Sur les autres demandes
Il ressort de l'article R. 145-23 du code de commerce, que la compétence du juge des loyers pour trancher les contestation relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé est exclusive du prononcé d'une condamnation.
En conséquence, le jugement déféré a considéré à juste titre qu'il n'était pas de la compétence du juge des loyers de condamner la locataire à rembourser les loyers dus depuis le renouvellement du bail le 12 juin 2018, sa compétence étant limitée à la fixation du prix du bail renouvelé.
La cour n'ayant pas plus de pouvoirs que le juge des loyers commerciaux, il n'y a pas lieu à statuer sur la demande de condamnation laquelle relèvera des comptes opérés entre les parties lors de la mise à exécution du présent arrêt.
En revanche, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rappelé que la locataire devra rembourser au bailleur la différence entre les loyers provisionnels et les loyers effectivement dus depuis le renouvellement du bail.
Les intérêts légaux ont couru sur le différentiel entre le loyer effectivement acquitté et le loyer finalement dû à compter de l'assignation du bailleur, soit le 19 février 2020, puis au fur et à mesure des échéances échues, conformément à l'article 1231-6 du code civil. Ces intérêts seront, le cas échéant et conformément à l'article 1343-2 du même code, capitalisés s'ils sont dus pour une année entière.
Le jugement entrepris sera donc également confirmé sur ce point.
Eu égard à la nature de l'affaire, le jugement attaqué est confirmé en ce qu'il a partagé les dépens, en ce inclus les coûts de l'expertise, par moitié entre les parties et en ce qu'il a rejeté les demandes des parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
En cause d'appel, l'appelante succombant à l'ensemble de ses demandes, elle sera déboutée de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée à ce titre à verser à M. [L] la somme de 4.000 euros.
En outre, la société Charly Coup'hair sera condamnée aux entiers dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 6 avril 2023 par le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Paris (RG n° 20/02367) en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne la société Charly Coup'hair au paiement des intérêts au taux légal avec anatocisme sur le différentiel entre le loyer réglé et celui judiciairement fixé à compter du 19 févier 2020 ;
Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande formée par M. [L] de paiement des compléments de loyers dus depuis le renouvellement du bail le 12 juin 2018 ;
Déboute la société Charly Coup'hair de l'ensemble de ses demandes ;
Condamne la société Charly Coup'hair sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à verser à M. [L] la somme de 4.000 euros ;
Condamne la société Charly Coup'hair aux dépens de la procédure d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier, La présidente,