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Décisions

CA Paris, Pôle 6 - ch. 8, 11 septembre 2025, n° 23/06636

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 23/06636

11 septembre 2025

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRET DU 11 SEPTEMBRE 2025

(n° , 20 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/06636 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CILGD

Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Août 2023 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 20/05364

APPELANT

Monsieur [US] [P]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Frédéric CHHUM, avocat au barreau de PARIS, toque : A0929

INTIMEE

FONDATION AGIR CONTRE L'EXCLUSION

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Marie-Alice JOURDE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0487

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 juin 2025, en audience publique, les avocats ne s'étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Isabelle MONTAGNE, présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat, entendu en son rapport, a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, présidente de chambre, rédactrice

Madame Nathalie FRENOY, présidente de chambre

Madame Sandrine MOISAN, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Eva DA SILVA GOMETZ

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Isabelle MONTAGNE, présidente et par Madame Hanane KHARRAT, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

Par contrat de travail à durée indéterminée à effet au 1er septembre 2009, M. [US] [P] (le salarié) a été engagé en qualité de délégué général par la Fondation Agir contre l'exclusion (FACE, la Fondation ou l'employeur), fondation reconnue d'utilité publique par décret du 18 février 1994, dont l'objet est la lutte contre l'exclusion, les discriminations et la pauvreté à travers la mobilisation d'acteurs publics, privés et associatifs, en menant des travaux d'évaluation et de recherche.

Dans le cadre d'une enquête demandée en décembre 2017 par la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire de l'Assemblée nationale sur la dépense fiscale relative au mécénat des entreprises, la Cour des comptes a procédé au contrôle de la Fondation.

A la suite d'une double procédure contradictoire se manifestant par un premier relevé d'observations provisoires transmis à M. [A] [KY], président de la Fondation, le 25 juillet 2018, portant sur les exercices 2013 à 2016, et par un second, élargi à 2017, transmis à celui-ci le 29 avril 2019, la Cour des comptes a rendu un rapport délibéré par la formation interchambres le 24 septembre 2019 :

- mettant en particulier en exergue des dépenses non conformes aux objectifs poursuivis par la Fondation, une gouvernance souffrant de nombreuses faiblesses et des méthodes de gestion inappropriées,

- concluant à une non-conformité des dépenses financées par la Fondation à partir des dons ouvrant droit à un avantage fiscal aux objectifs poursuivis en raison d'une part, de dépenses exposées par la Fondation sur la période 2013-2017 et imputées sur la dotation constitutive de 5,18 M€ ayant eu pour effet de consommer intégralement celle-ci, contrevenant par là-même à l'objet de pérennité assigné à cette dotation et d'autre part, de dépenses dont le caractère désintéressé n'est pas établi,

- formulant plusieurs recommandations.

Le 15 avril 2019, le salarié a été placé en arrêt de travail.

Par lettre datée du 26 avril 2019, l'employeur a convoqué celui-ci à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 10 mai suivant et l'a mis à pied à titre conservatoire, puis par lettre du 16 mai 2019, lui a notifié son licenciement pour faute grave et insuffisances professionnelles.

Une procédure de sauvegarde de justice a été ouverte au bénéfice de la Fondation par jugement du tribunal judiciaire de Bobigny du 29 octobre 2020. Celle-ci a été clôturée par jugement de la même juridiction du 20 janvier 2022.

Entre-temps, M. [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 31 juillet 2020 aux fins de faire juger que son licenciement est nul ou dénué de cause réelle et sérieuse et d'obtenir la condamnation de son ancien employeur au paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.

Par jugement mis à disposition le 31 août 2023, les premiers juges ont débouté celui-ci de l'ensemble de ses demandes, l'ont condamné aux dépens et ont débouté l'employeur de ses demandes.

Le 18 octobre 2023, M. [P] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par la voie électronique le 20 mai 2025, l'appelant demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes et l'a condamné aux dépens, statuant à nouveau, de :

- juger que ses demandes au titre du repos compensateur conventionnel (subsidiairement repos compensateur légal), des congés payés afférents, des dommages et intérêts pour non-respect des dispositions légales relatives à la durée quotidienne maximale de travail et au repos quotidien, de l'obligation de prévention des faits de harcèlement moral et d'absence de mesures de prévention et d'indemnité légale de licenciement sont recevables,

- juger irrecevable l'appel incident de la Fondation,

- juger que la convention collective nationale des acteurs du lien social lui est applicable, que la convention de forfait en jours est nulle, subsidiairement, qu'elle est privée d'effet, qu'il a été victime de harcèlement moral, que son licenciement est nul ou subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse, que son salaire mensuel doit être fixé à 20 597,48 euros bruts ou subsidiairement, à 12 442 euros bruts,

- condamner la Fondation à lui payer :

* 226 894,02 euros bruts à titre de rappel de 2 575 heures supplémentaires,

* 22 689,40 euros bruts au titre des congés payés afférents,

* 196 461,85 euros bruts au titre du repos compensateur conventionnel ou subsidiairement, 157 087,45 euros bruts au titre du repos compensateur légal,

* 19 646,19 euros bruts au titre des congés payés afférents ou subsidiairement, 15 708,75 euros bruts,

* 125 892,09 euros nets à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

* 10 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions légales relatives à la durée hebdomadaire maximale de travail,

* 10 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions légales relatives à la durée quotidienne maximale de travail,

* 10 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions légales relatives au repos quotidien,

* 20 597,48 euros nets à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

* 20 597,48 euros nets à titre d'indemnité pour non-respect de l'obligation de prévention des faits de harcèlement moral et absence de mesures de prévention,

* en cas d'application de la convention collective nationale des acteurs du lien social :

. 61 792,45 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis ou subsidiairement, 37 326 euros bruts,

. 6 179,25 euros bruts au titre des congés payés afférents ou subsidiairement, 3 732,60 euros bruts,

. 99 588,83 euros bruts à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ou subsidiairement, 60 157,07 euros bruts,

* en cas d'application exclusive du code du travail :

. 41 194,97 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis ou subsidiairement, 24 884 euros bruts,

. 4 119,50 euros bruts au titre des congés payés afférents ou subsidiairement, 2 488,40 euros bruts,

. 49 794,42 euros bruts à titre d'indemnité légale de licenciement ou subsidiairement, 30 078,54 euros bruts,

* 205 974,83 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement nul ou subsidiairement, 185 377,35 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 20 597,48 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement dans des conditions vexatoires,

* 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- juger irrecevable la demande de la Fondation en remboursement de la somme de 75 080,91 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés ou subsidiairement, qu'elle se limitera à 1 184,96 euros bruts et ordonner la compensation entre les éventuelles condamnations au titre des congés payés et les rappels de salaires dus au titre des heures supplémentaires,

- ordonner à la Fondation de rembourser à France Travail les indemnités chômage versées dans la limite de six mois d'indemnités de chômage,

- ordonner la remise d'un bulletin de paie rectificatif pour chaque mois concerné par les rappels de salaire et d'une attestation France Travail rectifiée, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à compter de la signification de l'arrêt,

- ordonner les intérêts légaux à compter de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation pour les créances de nature salariale et à compter du prononcé de l'arrêt pour les autres sommes,

- condamner la Fondation aux dépens.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par la voie électronique le 19 mai 2025, la Fondation intimée demande à la cour de :

- juger que les demandes formulées pour la première fois en cause d'appel par l'appelant au titre du repos compensateur conventionnel à titre principal et subsidiairement du repos compensateur légal, au titre des congés payés afférents, à titre de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions légales relatives à la durée quotidienne maximale de travail et au repos quotidien, à titre d'indemnité pour non-respect de l'obligation de prévention des faits de harcèlement moral et absence de mesures de prévention et à titre d'indemnité légale de licenciement sont des demandes nouvelles et sont irrecevables,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a rejeté sa demande reconventionnelle,

- débouter l'appelant de l'ensemble de ses demandes,

- à titre reconventionnel, infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande reconventionnelle, condamner l'appelant à lui rembourser la somme de 75 080,91 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés indûment perçue et à lui payer celle de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la procédure d'appel.

Une ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 20 mai 2025.

Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour un plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure et aux conclusions susvisées pour l'exposé des moyens des parties devant la cour.

MOTIVATION

Sur la recevabilité des demandes nouvelles en cause d'appel

La Fondation conclut à l'irrecevabilité des demandes nouvellement formées par le salarié à hauteur d'appel, alors que ce dernier soutient que celles-ci sont recevables.

Si l'article 564 du code de procédure civile prévoit qu'à peine d'irrecevabilité soulevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait, l'article 565 du même code dispose que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent et l'article 566 du même code que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

Alors que le salarié a demandé devant les premiers juges le paiement d'heures supplémentaires, il convient de constater que sa demande nouvelle en appel au titre du 'repos compensateur' conventionnel ou légal, ou plus exactement de la contrepartie obligatoire en repos, est la conséquence directe et le complément nécessaire à celle formée au titre des heures supplémentaires.

Par ailleurs, alors que l'intéressé a sollicité devant les premiers juges des dommages et intérêts pour préjudice né du non-respect du temps de travail maximum et des temps de repos, il ne peut qu'être constaté que ses demandes de dommages et intérêts au titre du non-respect des durées maximales de travail et des temps de repos quotidien, déjà formées en première instance, peuvent dès lors être présentées distinctement en cause d'appel.

En outre, la demande au titre du manquement à l'obligation de prévention du harcèlement moral et d'absence de mesures de prévention constitue l'accessoire de la demande au titre du harcèlement moral formée devant les premiers juges, dès lors qu'elle découle des mêmes faits.

Enfin, la demande d'indemnité conventionnelle de licenciement est la conséquence nécessaire de celles au titre du licenciement nul ou injustifié formées devant les premiers juges et tend aux mêmes fins, à savoir la réparation du préjudice causé par une rupture illicite ou infondée même si son fondement juridique est différent.

Il s'ensuit que l'ensemble des demandes nouvelles formées en appel est recevable.

Sur l'application des dispositions de la convention collective nationale des acteurs du lien social et familial à la relation de travail entre FACE et M. [P]

Le salarié soutient que l'activité de la Fondation entre dans le champ d'application de la convention collective nationale des acteurs du lien social et familial.

L'employeur conteste que la convention collective en cause soit applicable à la relation de travail.

Aux termes de l'article L. 2261-2 du code du travail, en son premier alinéa : 'La convention collective applicable est celle dont relève l'activité principale exercée par l'employeur'.

Le caractère principal de l'activité de l'employeur relève de l'appréciation souveraine des juges du fond qui doivent rechercher quelle est la nature de l'activité principale de l'entreprise et vérifier si cette activité entre dans le champ d'application de la convention collective invoquée par le salarié.

Les statuts de la Fondation prévoient :

- en leur article 1 que celle-ci a pour objet :

'1. de contribuer à faire de la prévention et de la lutte contre l'exclusion, la discrimination et la pauvreté un enjeu majeur pour notre société, en développant un plaidoyer en ce sens,

2. de mobiliser les acteurs économiques avec les acteurs sociaux et institutionnels autour des questions de l'exclusion, de la discrimination et de la pauvreté,

3. de favoriser le développement d'actions contre l'exclusion, la discrimination et la pauvreté au sein des entreprises, en faveur de l'emploi, à l'école, dans la vie quotidienne et pour les territoires,

4. d'apporter un appui à tous ceux qui agissent contre l'exclusion et qui sont préoccupés par son évolution,

5. de contribuer à la recherche méthodologique et à l'innovation sociale sur la lutte contre l'exclusion, la discrimination et la pauvreté' ;

- en leur article 2 que pour atteindre les buts définis à l'article 1 :

'la Fondation mène des travaux d'évaluation et de recherche. A la demande des différents acteurs (Etat, collectivités locales, entreprises, associations...), elle réalise des évaluations d'actions déjà engagées et des études préalables à la mise en 'uvre de nouvelles initiatives. Pour ce faire, elle participe à la création de clubs locaux d'entreprise ou de structures territoriales sous la forme d'associations en accord avec les collectivités locales, regroupant principalement des entreprises qui souhaitent participer au développement économique et social de leur territoire en privilégiant le soutien aux personnes en difficulté et en référence à la charte nationale des dirigeants d'entreprise membre de la Fondation.

Elle édite toutes publications portant sur l'exclusion et sur les moyens de la combattre.

Elle organise toutes manifestations nécessaires à l'information et à la mobilisation du public et des acteurs sociaux, économiques et institutionnels. Elle favorise en particulier la rencontre entre les différents acteurs susceptibles d'engager de nouvelles actions.

Elle attribue des concours individuels au montage et à la réalisation des actions permettant de combattre l'exclusion.

La Fondation procède à l'ouverture de comptes individualisés destinés à recevoir les versements mentionnés aux deux avant-derniers alinéas de l'article 1er'.

L'article 1.1 de la 'convention collective nationale des acteurs du lien social et familial : centres sociaux et socioculturels, associations d'accueil de jeunes enfants, associations de développement social local', étendue par arrêté du 22 janvier 1987, prévoit en particulier son application aux rapports entre les employeurs et les salariés des associations et organismes de droit privé sans but lucratif, quelle qu'en soit la forme juridique, qui exercent à titre principal des activités d'accueil et d'animation de la vie sociale, d'interventions sociales et/ou culturelles concertées et novatrices et d'accueil de jeunes enfants.

Alors que la Fondation exerce une activité principale de coordination nationale de 'clubs' d'entreprise ou d'associations qui sont en contact avec des bénéficiaires, par la construction d'une ingénierie, sans mener d'action directe avec ceux-ci, ayant ainsi un rôle d'intermédiaire, il convient dès lors de considérer que son activité principale n'entre pas dans le champ d'activités d'accueil et d'animation de la vie sociale, d'interventions sociales ou culturelles concertées et novatrices et d'accueil de jeunes enfants, de la convention collective des acteurs du lien social et familial et ce, d'autant que le salarié ne démontre par aucun élément concret et précis que l'activité principale de la Fondation entre dans le champ d'application de cette convention.

Il convient par conséquent de dire que les dispositions de la convention collective considérée ne s'appliquent pas à la relation de travail entre FACE et M. [P].

Sur la durée du travail

Le salarié soutient qu'alors qu'il n'avait pas le statut de cadre dirigeant et que son contrat de travail ne prévoyait pas de convention de forfait en jours, il a été illicitement soumis à une telle convention qui est par conséquent nulle, et réclame des heures supplémentaires ainsi que l'indemnisation du non-respect des dispositions relatives au 'repos compensateur', aux dépassements des durées maximales de travail et des temps de repos.

L'employeur soutient que le salarié avait la qualité de cadre dirigeant, que, participant à la direction de la Fondation, il s'est vu appliquer durant les dernières années de la relation de travail et par défaut, un forfait annuel en jours auquel il n'a jamais rien trouvé à redire et qu'il doit donc être débouté de l'ensemble de ses demandes au titre de la durée du travail.

Sur le statut de cadre dirigeant

Il est ici rappelé que sont considérés comme ayant la qualité de cadres dirigeants, en vertu de l'article L. 3111-2 du code du travail, les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.

Ces critères cumulatifs impliquent que seuls relèvent de cette catégorie les cadres participant à la direction de l'entreprise et ceux-ci doivent être analysés au regard des fonctions réellement occupées par le salarié.

En l'espèce, les statuts de la Fondation prévoient notamment que celle-ci est administrée par un conseil de quinze membres, dont cinq membres de droit (les ministres de l'intérieur, du travail et de l'emploi, des affaires sociales, des questions relatives à la ville et du logement, ou leurs représentants respectifs), que le conseil choisit parmi ses membres un bureau, élu pour trois ans, composé du président, d'un vice-président, d'un secrétaire et d'un trésorier, que le président assure le fonctionnement régulier de la Fondation, qu'après avis du conseil d'administration, ce dernier nomme le délégué général, qu'il peut consentir au délégué général une procuration générale pour représenter la Fondation dans les litiges touchant à la gestion courante dans des conditions définies par le règlement intérieur, que le délégué général dirige les services de la Fondation et en assure le fonctionnement, qu'il dispose des pouvoirs nécessaires à l'exercice de sa mission, par délégation du président, et qu'il assiste de plein droit avec voix consultative aux réunions du conseil d'administration et du bureau.

Par ailleurs, il ressort des statuts de la Fondation que :

* 'le conseil d'administration règle par ses délibérations les affaires de la Fondation' (comme par exemple, le programme d'action, le budget, les comptes, le règlement intérieur, l'acceptation des donations et legs et l'affectation du produit, les acquisitions et cessions de biens mobiliers et immobiliers, les marchés, les baux et contrats de location, les conditions de recrutement et de rémunération du personnel) et peut accorder au bureau une délégation dans certains domaines, l'article 11 précisant que 'aucun administrateur ne peut exercer des fonctions de direction',

* le président assure son 'fonctionnement régulier' et la 'représente dans tous les actes de la vie civile', 'ordonnance les dépenses',

* le délégué général est placé sous l'autorité directe de M. [A] [KY], président de la Fondation.

Le contrat de travail, qui ne mentionne pas de statut de cadre dirigeant, stipule notamment que M. [P], en qualité de délégué général de la Fondation, est placé directement sous l'autorité de M. [A] [KY], président de celle-ci, qu'il est en charge d'impulser une nouvelle dynamique de développement de la Fondation et en particulier des missions suivantes : direction générale, relations aux parties prenantes, réflexion sur les enjeux, stratégie globale, innovations et expérimentations, développement des activités, animation du réseau, gestion des ressources, que l'engagement est conclu pour une activité à temps plein, avec possibilité de réalisation à titre personnel de quelques activités ponctuelles d'enseignement, d'intervention ou de conseil sur le temps d'exercice au sein de la Fondation, limitées à 1,5 jour par mois et que sa rémunération annuelle brute est fixée à 140 000 euros (11 666,67 euros bruts mensuels), avec une prime mensuelle qui pourra lui être allouée chaque année en fonction des résultats constatés au regard des objectifs fixés par le conseil d'administration ainsi qu'une gratification spécifique exceptionnelle si les opérations de rapprochement avec l'association IMS - Entreprendre dans la Cité ont été menées à bonnes fins et qu'il lui est accordé de manière spécifique un remboursement pour frais de double résidence plafonné à 1 000 euros mensuels sur justificatifs.

M. [P] disposait d'une délégation de signature pour tout acte ordinaire lié à la gestion et au développement de FACE et de FACE Développement, validée par le conseil d'administration le 1er septembre 2009, d'une délégation de pouvoirs sur un compte bancaire détenu par FACE auprès du Crédit Lyonnais et d'une délégation de pouvoirs et responsabilités en matière d'administration générale et juridique, de ressources humaines, dans le domaine budgétaire, comptable et financier en date du 1er août 2017 jusqu'au terme du mandat de M. [KY] ou de son contrat de travail.

Si la Fondation justifie que M. [P] percevait une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans la Fondation, les éléments versés aux débats ne permettent cependant pas de retenir que dans les faits, il disposait d'une large autonomie pour prendre des décisions et qu'il participait à la direction de l'entreprise. En effet, au regard de l'organisation et du fonctionnement particulier mis en place au sein de la Fondation, la direction de l'entreprise était concrètement exercée par le conseil d'administration, et plus particulièrement par son président, M. [KY], qui avait recruté M. [P] et le soumettait à un contrôle certain dans ses prises de décision, allant par exemple jusqu'à convoquer, présider et animer lui-même le comité de direction (ainsi en est-il de celui du 27 février 2019 auquel M. [P] était présent) ou à lui faire grief dans la lettre de licenciement d'avoir procédé au recrutement d'un collaborateur sans son aval, ainsi qu'il sera vu plus bas.

En outre, la Fondation ne peut en même temps invoquer un statut de cadre dirigeant tout en indiquant expressément avoir soumis l'intéressé à une convention de forfait en jours, alors qu'en application de l'alinéa 1er de l'article L. 3111-2 du code du travail, les dispositions légales relatives à la durée du travail ne sont pas applicables aux cadres dirigeants.

Dans ces conditions, il ne peut être retenu que M. [P] bénéficiait d'un statut de cadre dirigeant au sein de la Fondation.

Sur la convention de forfait en jours appliquée au salarié

Les bulletins de paie produits aux débats mentionnent une convention de forfait en jours à compter de juillet 2016 alors qu'aucune convention individuelle sur ce point n'a été conclue entre les parties.

Si un accord social RH, signé le 24 avril 2018 et produit aux débats, prévoit pour certains cadres la possibilité d'un forfait de 124 jours de travail par an, la Fondation ne saurait reprocher au salarié de ne pas avoir organisé lui-même la rédaction d'un avenant à sa lettre de mission et formalisé une convention de forfait annuel, de sorte que la convention qui lui a été appliquée, aux dires mêmes de la Fondation (page 49 de ses écritures) étant nulle, celui-ci doit se voir appliquer le droit commun de la durée de travail et est donc fondé à solliciter des heures supplémentaires.

Sur les heures supplémentaires

En application notamment de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l'accord de l'employeur, soit s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par l'accomplissement des tâches qui lui ont été confiées.

Au soutien de sa demande de paiement de 2 575 heures supplémentaires accomplies entre le 2 janvier 2017 et le 14 avril 2019, M. [P] produit un tableau récapitulatif de ses horaires de travail mentionnant pour chaque jour ses heures de début et de fin de travail, ses pauses, récapitulant son temps de travail effectif quotidien, hebdomadaire et le total des heures supplémentaires, ce qui suffit à considérer que celui-ci apporte des éléments suffisamment précis sur les heures de travail accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre en produisant ses propres éléments.

L'employeur, qui ne produit pas de pièce sur les heures de travail accomplies par le salarié, fait valoir que les éléments auto-déclaratifs versés par celui-ci ne sont corroborés par aucun document, que la comparaison entre les extraits d'agendas Outlook de l'intéressé et ses décomptes d'heures supplémentaires démontre leur peu de sérieux. Il critique ainsi comme ayant été comptabilisés dans du temps de travail effectif, par exemple les temps de trajets entre le domicile du salarié à [Localité 6] et [Localité 7], sa présence à un match de rugby, une soirée au [5], à un pot de départ en retraite ou au vernissage d'une exposition consacrée au peintre Van Gogh.

Après analyse des éléments produits par les parties, la cour retient que le salarié a effectué des heures supplémentaires rendues nécessaires pour mener à bien les tâches confiées dans l'exécution du contrat de travail, mais dans des proportions bien moindres que celles qu'il allègue.

Il lui sera alloué, à la charge de la Fondation, les sommes de :

* 11 344,70 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires,

* 1 134,47 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés incidents.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur les autres demandes relatives à la durée du travail et au repos

Au regard du nombre d'heures supplémentaires exécutées par le salarié sur la période considérée, il convient de constater l'absence :

- de tout dépassement du contingent annuel de 220 heures supplémentaires résultant des dispositions des articles L. 3121-30 et D. 3121-4 du code du travail,

- de tout dépassement des durées maximales quotidiennes et hebdomadaires de travail,

- de toute violation du repos quotidien de onze heures.

Le jugement qui a débouté l'intéressé de ces chefs de demandes sera confirmé.

Sur l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

Aux termes de l'article L. 8221-5 du code du travail :

'Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur:

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales'.

Aux termes de l'article L. 8223-1 du même code :

'En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire'.

Il appartient au salarié d'apporter la preuve d'une dissimulation intentionnelle de l'employeur, laquelle ne saurait résulter de la seule mention sur les bulletins de salaire d'un nombre insuffisant d'heures de travail effectif.

En l'espèce, si les arguments fournis par le salarié ont permis de retenir un rappel d'heures supplémentaires, en revanche celui-ci n'apporte pas la démonstration d'une intention de dissimulation des heures de travail de la part de la Fondation.

Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté l'intéressé de sa demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

Sur le harcèlement moral et la validité du licenciement

L'article L. 1152-1 du code du travail dispose qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L. 1152-4 du même code dispose en son premier alinéa que l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

Aux termes de l'article L. 1154-1 du même code :

'Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles'.

En application de l'article L. 1152-3 du code du travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 est nulle.

Estimant avoir subi un harcèlement moral, le salarié invoque les faits suivants :

- une surcharge de travail manifeste et des horaires excessifs,

- une mise à l'écart dans le prolongement du conseil d'administration du 14 décembre 2018, en faisant valoir qu'alors qu'il avait jusqu'alors des interactions régulières avec M. [KY], aucun courriel ne lui a plus été adressé directement par ce dernier entre décembre 2018 et avril 2019 et que celui-ci n'a jamais donné suite à son courriel du 4 avril 2019 sollicitant un entretien pour préparer le prochain conseil d'administration,

- des entraves dans l'exercice de sa liberté d'expression et de son action en justice, en ne lui permettant pas de s'exprimer lors des conseils d'administration des 24 avril et 15 mai 2019, alors qu'il en avait statutairement le droit et en lui bloquant tout accès au troisième rapport de la Cour des comptes du 29 avril 2019 alors qu'il était directement nommé dans ce rapport et avait le droit d'y accéder et de saisir la juridiction pour pouvoir y apporter ses éléments dans le respect du principe du contradictoire,

- une absence de mesure de l'employeur suite à son alerte formalisée par un courriel du 18 avril 2019 à M. [KY] aux termes duquel il écrit 'mon médecin m'a imposé un arrêt de maladie au regard de mon état de santé physique et psychologique suite aux multiples pressions, vexations, interventions, messages, mels...qu'il me faut subir depuis 4 mois et plus particulièrement ces derniers jours. Cette dégradation de mes conditions de travail devient en effet insupportable malgré des résultats qui continuent d'être toujours favorables (...)', 'c'est avec tristesse et stupéfaction que je constate chaque jour de nouveaux agissements qui portent atteinte à ma santé, comme à ma dignité et compromettent mon avenir professionnel au sein d'une organisation que j'ai pourtant choisie pour son inscription au service de l'intérêt général à travers des engagements d'entreprises éthiques et responsables'.

Il soutient que l'employeur n'a pas respecté son obligation de prévention des faits de harcèlement moral et n'a pas pris de mesures en ce sens et conclut que son licenciement, ultime agissement de harcèlement moral, est nul.

Outre les écrits sus-mentionnés auxquels il se réfère, il produit en particulier des attestations rédigées par :

* Mme [WI] [Z] qui témoigne, le 22 décembre 2022, de manière très circonstanciée tout au long de seize pages, en sa qualité de directrice des ressources de la Fondation, de ce que notamment, elle jugeait 'très difficile au quotidien de devoir servir un DG mis à l'écart (dès décembre 2018)', 'confrontée à un 'conflit éthique' sans véritable moyen de l'aider face à la 'toute puissance' du 'grand patron' Président que chacun craignait (...)', estimant que c'est à l'occasion d'un dîner d'honneur avec 1 000 dirigeants d'entreprises le 23 novembre 2018 que M. [KY] a découvert en ligne un article qui le mettait en cause au sujet de FACE avec le fondateur Dassault, 'chacun s'accorde, chez les ex-responsables de FACE, que c'est ce soir-là que M. [KY] a changé totalement de posture vis-à-vis de son délégué général', invoquant une date de 'bascule' à partir de laquelle le président a quasiment rompu tout lien avec M. [P], ajoutant que celui-ci 'allait devenir le 'fusible' du président', précisant avoir été mise à l'écart après la révocation de M. [P] et que celui-ci en avait lui-même vécu une à l'issue du conseil d'administration du 14 décembre 2018, écrivant qu'à compter de celui-ci 'j'ai vite compris que l'objectif des administrateurs n'était pas plus que celui du Président au cours des 6 mois précédents de sauver avant tout FACE, mais leurs propres réputations en déboursant le moins d'argent possible' et que le président l'avait elle-même empêchée comme tous les salariés, y compris M. [P], d'accéder à la deuxième version du rapport de la Cour des comptes remis le 29 avril 2019, que celui-ci n'avait pas eu le droit d'au moins s'exprimer auprès du conseil d'administration, en ayant été interdit d'accès tant les 24 avril que 15 mai 2019,

* M. [W] [R], retraité, qui témoigne, le 10 juin 2023, de manière tout autant circonstanciée au long de dix-neuf pages, avoir été recruté en qualité de 'directeur de la communication, RSE, ODD' de la Fondation en mars 2018, et que notamment en décembre 2018, M. [A] [KY] ([A][KY]) lui avait indiqué qu'il ne voulait pas répondre directement aux journalistes du Canard Enchaîné qui avaient contacté la Fondation pour rédiger un article sur les conclusions du rapport de la Cour des comptes, qu'il 'refusait' que M. [P] ([US][P]) s'en charge et qu'il lui avait donc demandé de répondre directement au journaliste en question, précisant que, pour autant, aucune sanction disciplinaire n'avait été notifiée à M. [P] pour traduire 'ce retrait de délégation' à cette époque, qu'il avait compris que la relation entre le président et le délégué général 'se dégradait mais seulement du fait du président qui ne travaillait plus avec lui depuis décembre 2018" ; il expose que 's'agissant de la mise à l'écart de M. [P], au sens des constats factuels que j'ai personnellement pu opérer, je me contenterai de rappeler : la colère du président suite au premier article de Marianne du 21/11/2018 en notre présence, la posture du président à son égard lors du CA du 14/12/2018, sa non-intégration au comité des administrateurs à partir de janvier 2019, l'absence de CA et bureau pendant 4 mois à partir du 14/12/2018, son interdiction de se rendre aux CA d'avril et mai alors qu'il devait y assister de plein droit, le refus de toutes ses propositions institutionnelles qui limitaient en conséquence les opérations de com afférentes, les non-réponses et refus de mes suggestions de com retransmises à [A][KY] par [US][P], le comportement de M. [KY] lors des restitutions des audits Deloitte et BCG à l'encontre de [US][P], les déclarations de mes collègues (...) en CODIR subitement contre leur DG etc...' et ce, alors que précédemment il avait constaté 'une certaine complicité entre les deux hommes et une satisfaction manifeste du président'.

Sont en outre versés devant la cour un certificat médical initial d'arrêt de travail du salarié à compter du 15 avril 2019 mentionnant 'anxiété au travail / burn-out' et ses prolongations, une ordonnance prescrivant notamment des anxiolytiques le 15 avril 2019, une lettre de Mme [GU] [T], médecin, du 30 avril 2019 le recommandant à un psychiatre pour 'PEC psychologique dans le cadre d'un burn-out/harcèlement au travail. Thérapie d'accompagnement et de soutien', un avis d'arrêt de travail initial du 21 août 2019 pour 'troubles mentaux - autres troubles mentaux - souffrance au travail, anxiété et troubles de la concentration - nécessité de marche régulière', une lettre de M. [X] [C], médecin, à un confrère lui adressant M. [P] pour 'prise en charge dans le cadre d'une souffrance professionnelle suite à un licenciement difficilement vécu, avec sentiment d'injustice. Actuellement, il exprime des troubles du sommeil et une perte d'élan'.

Il indique que le 8 juillet 2024, le Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles a reconnu sa maladie professionnelle hors tableau, à partir du 14 décembre 2018, en constatant 'un état anxieux et dépressif sévère, avec des éléments post-traumatiques apparaissant en lien avec des événements professionnels (d'après l'anamnèse et la temporalité), entraînant des altérations significatives sur le plan somatique et psychique', sans cependant produire cette décision.

Les éléments de fait présentés par M. [P], pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral.

Il incombe par conséquent à la Fondation de justifier de manière objective des faits dénoncés par le salarié.

Contestant tout agissement constitutif d'un harcèlement moral à l'égard du salarié, celle-ci, tout en reconnaissant que M. [P] a été effectivement sollicité au cours de l'année 2018 pour répondre aux différentes demandes de documents formulées par la Cour des comptes, indique que ces sollicitations entraient dans ses attributions au titre de la 'direction générale' au sein de laquelle il devait être un 'appui du président', relevant que ce dossier a par ailleurs été pris en charge par M. [KY] en sa qualité de président et Mme [IW] [U], directrice des activités stratégiques désignée par le président pour épauler M. [P] dans les réponses à apporter à la Cour et au cours des travaux d'audit menés début 2019, ce dont elle ne justifie cependant pas, le courriel adressé par Mme [ES] [M], de la part de M. [KY], à M. [P] le 22 janvier 2019 portant comme objet 'demande de documents' dans le cadre d'une étude 'Raison d'être' de FACE, gouvernance, organisation et articulation entre les fonctions centrales et le réseau FACE menée par le cabinet de conseil Boston Consulting Group (BCG) à la suite de la décision du conseil d'administration du 14 décembre 2018, se bornant à lui indiquer que 'en cas de questions, n'hésitez pas à contacter [IW] [U] et [O] [J]', sans faire état d'une aide spécifique pouvant lui être apportée.

Puis, la Fondation soutient que les considérations tirées d'horaires de travail excessifs n'ont pas lieu d'être au regard de sa qualité de cadre dirigeant, dont il a été vu qu'elle ne pouvait être appliquée à M. [P].

Elle fait valoir que :

- M. [KY] et M. [P] ont échangé téléphoniquement dans les jours précédant le 22 janvier 2019, le courriel précédemment cité mentionnant cet échange, étant cependant relevé qu'il est adressé à l'intéressé par la secrétaire de M. [KY],

- les 25 et 26 février 2019, M. [KY] a communiqué les documents relatifs à l'audit BCG et à la mission du cabinet Deloitte, alors qu'il s'agit d'une transmission faite par Mme [K] [G] de la part de M. [KY] à un groupe de dix personnes dont M. [P],

- les deux hommes se sont rencontrés au cours de la réunion du comité de direction, étant toutefois observé, comme déjà vu, que ce comité de direction a été convoqué et animé le 27 février 2019 par M. [KY] lui-même et non par M. [P] alors qu'il était délégué général.

Elle soutient que celui-ci ne s'est pas plaint d'une absence de contact avec M. [KY] lors de la transmission par M. [P] le 4 avril 2019 d'une note de synthèse. Toutefois, elle n'apporte pas de justification précise à l'absence de réponse de M. [KY] à la demande de M. [P] exprimée dans ce courriel d'un échange avec lui, alors qu'elle reconnaît que les deux intéressés échangeaient jusqu'alors régulièrement de manière informelle sur la marche générale de la Fondation.

Elle produit le procès-verbal du conseil d'administration du 24 avril 2019 mentionnant en page 19, dans le point 4 'débat entre les administrateurs', la prise de parole de M. [KY] sur la situation de M. [P], demandant explicitement une autorisation du conseil à finaliser une négociation avec l'intéressé sur une rupture conventionnelle puis, après que Mme [D] [I], adjointe au chef du bureau des associations et fondations au ministère de l'intérieur, a relevé que l'ordre du jour ne mentionne pas explicitement la situation de M. [P], proposant de le rattacher au point 5 intitulé 'conséquences et suite à donner au débat entre administrateurs', la demande formelle de M. [KY] d'autorisation pour finaliser les discussions en vue d'une telle rupture 'à hauteur d'un maximum d'un an de salaire et en cas d'échec de ces discussions, pour engager une procédure de licenciement pour faute grave à l'encontre de M. [P]' et faisant état de la validation à l'unanimité des administrateurs de la poursuite des discussions et l'engagement de la procédure de licenciement, qui a été effectivement engagée le 26 avril 2019 par l'envoi d'une convocation à entretien préalable avec mise à pied à titre conservatoire.

Elle verse en outre l'avis favorable à l'unanimité du conseil d'administration sur le licenciement pour faute grave et insuffisances professionnelle de M. [P] en date du 15 mai 2019.

Si la Fondation indique que M. [P] n'a pas été convié aux conseils d'administration des 24 avril et 15 mai 2019 dont une partie des discussions ont porté sur son avenir personnel au sein de la structure, il est cependant établi que ce sujet particulier n'a pas fait l'objet d'un point inscrit à l'ordre du jour des réunions de cette instance et qu'aucune explication n'est donnée sur l'opacité ayant entouré ce sujet.

En outre, elle ne réplique pas à l'argumentation du salarié tirée des entraves dans l'exercice de la liberté d'expression et de l'action en justice, alors qu'il n'est justifié d'aucun motif d'absence de convocation aux conseils en question au regard, comme relevé plus haut, des dispositions des statuts prévoyant que le délégué général assiste 'de plein droit' avec voix consultative aux réunions du conseil d'administration et du bureau.

Enfin, elle soutient qu'aucun lien entre ses prétendus agissements et l'état de santé du salarié n'est établi, relevant qu'il a participé à la signature d'un partenariat entre FACE et la Banque Postale deux jours après son arrêt de travail.

Ceci étant, il n'est pas apporté de justification objective à l'isolement et la mise à l'écart de M. [P] par M. [KY] à partir de décembre 2018, au défaut de convocation de M. [P] à deux conseils d'administration en violation des dispositions statutaires et à l'absence de réaction de la Fondation à la suite de l'alerte écrite de l'intéressé dénonçant explicitement un harcèlement moral le 4 avril 2019, suivie quelques jours après d'un arrêt de travail en lien avec la dégradation de ses relations de travail.

Dans ces conditions, la cour retient que M. [P] a fait l'objet d'un harcèlement moral et que le préjudice qu'il a subi de ce fait doit être réparé par l'octroi de dommages et intérêts à la charge de la Fondation à hauteur d'une somme de 8 000 euros.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

Le salarié sera débouté de sa demande nouvelle en appel d'indemnisation pour non-respect de l'obligation de prévention du harcèlement moral et d'absence de mesure de prévention, à défaut d'établir un préjudice distinct de celui causé par le harcèlement moral déjà réparé.

Sur la validité et le bien-fondé du licenciement

Le salarié soutient que :

- il a fait l'objet d'un licenciement verbal,

- M. [KY] n'avait pas la qualité pour signer la convocation à l'entretien préalable et la lettre de licenciement,

- certains faits sont prescrits,

- les faits énoncés dans la lettre de licenciement ne peuvent fonder une faute grave, ni une insuffisance professionnelle,

- le licenciement est nul ou, à tout le moins, dénué de cause réelle et sérieuse.

L'employeur réplique que :

- le salarié n'a pas fait l'objet d'un licenciement verbal,

- M. [KY] remplissait toujours les conditions pour occuper la fonction de président de la Fondation au jour de la signature de la lettre de licenciement, mandat qui pouvait être renouvelé sans limite de temps, conformément à l'article 3 des statuts,

- les griefs sont établis,

- le licenciement est fondé sur une faute grave et des insuffisances professionnelles.

Il convient en premier lieu de constater que les attestations de Mme [Z] et de M. [R], sur lesquelles se fonde le salarié pour invoquer un licenciement verbal, ne contiennent aucun élément permettant d'établir que la décision de le licencier avait été prise avant sa convocation à un entretien préalable à un licenciement le 26 avril 2019, ni avant la réception par ce dernier de la lettre de licenciement, les intéressés ne rapportant aucun fait précis à ce sujet, puisqu'ils se réfèrent à des propos indirects dont ils ne citent ni le contenu ni leurs auteurs, voire à des rumeurs, de sorte que ce moyen n'est pas fondé.

Alors qu'il se déduit implicitement de la lecture des statuts de la Fondation que le mandat de président de trois ans peut être renouvelé sans limite de temps, que la Fondation fournit un extrait des délibérations de FACE du 12 avril 2007 mentionnant expressément l'élection de M. [KY] en qualité de président de la Fondation en remplacement de M. [L] [B], démissionnaire, que les pièces produites aux débats démontrent que M. [KY] occupait effectivement les fonctions de président de la Fondation, étant en particulier l'interlocuteur de celle-ci dans le cadre du contrôle effectué par la Cour des comptes à partir de 2018 jusqu'à l'automne 2019, le moyen tiré de l'absence de qualité de M. [KY] pour signer la convocation à l'entretien préalable et la lettre de licenciement n'est pas fondé.

La lettre de licenciement signée par M. [KY], d'une longueur de dix pages, reproche à M. [P] :

- une communication tardive et une dissimulation d'informations manifeste et persistante,

. en ne l'informant que le 7 mai 2018 d'une lettre du 11 avril 2018 qui lui était personnellement adressée par M. [E], président de la formation interchambres de la Cour des comptes portant à sa connaissance l'ouverture d'un contrôle de FACE, et le 7 septembre 2018 d'un relevé d'observations provisoires et d'un courrier l'invitant à transmettre des remarques pour le 31 août 2018, alors que ces documents avaient été reçus par la Fondation par porteur le 2 août 2018,

. en ne communiquant pas sur la notification de la décision de refus du 4 avril 2016 de la Direction Générale de l'Emploi et de la Fonction Publique (DGEFP) d'une demande de subvention de 595 000 euros au titre du programme national du Fonds Social Européen (FSE), la certification par les commissaires aux comptes et l'approbation des comptes 2015 et 2016 par le conseil d'administration étant ainsi intervenues dans l'ignorance d'informations essentielles qu'il avait sciemment dissimulées et qui auraient conduit, si elles avaient été communiquées dans les temps, à des décisions et à des résultats d'exploitation très différents,

. en ne portant pas à la connaissance de M. [KY] et du conseil d'administration les nombreuses relances du ministère de l'intérieur intervenues entre le 10 novembre 2016 et le 26 juin 2018 dont il avait été personnellement destinataire au sujet de la consommation de la dotation statutaire de la Fondation,

. en procédant le 14 janvier 2019 au recrutement de M. [N] [Y] au poste de conseiller en stratégie et développement, membre du comité de direction et de la délégation générale, sans aucune information préalable de M. [KY] pour un poste de ce niveau dans un contexte particulièrement incertain au vu des constats très négatifs opérés par la Cour des comptes et les actions de recentrage à mettre en oeuvre dans les champs de l'organisation et du management de la Fondation, fait que M. [KY] a découvert le 21 janvier 2019,

. en ne transmettant à M. [KY] une lettre du 11 mars 2019 que lui avait adressée M. [ZH], président de Total, que le 25 mars 2019,

. en ne lui transmettant le courrier du 20 février 2019 de M. [SE] [NA] valant invitation au Comex du 3 avril 2019 de la FIFA présidé par [H] [YK] que le 27 mars 2019,

. en lui indiquant n'avoir pas reçu le courrier du 9 avril 2019 de M. [V] [RT], président de la Région Normandie,

- la transmission à M. [KY] le 9 avril 2019 d'un courriel de M. [F] mettant en cause les propos tenus par 'Mme [IW] [S]' auprès de participantes d'un atelier de rédaction de CV au sujet des photographies à apposer sur les CV et du port d'un turban sur celles-ci, en lui écrivant que les agissements de 'Mme [IW] [U]', directrice des activités stratégiques de FACE et secrétaire du comité des administrateurs 'pourraient être qualifiés de discriminatoires', sans effectuer la moindre vérification, causant un préjudice de réputation à l'intéressée,

- des insuffisances professionnelles dans ses missions au regard des constats sur le fonctionnement et la performance économique et financière de FACE très largement négatifs, avec notamment une absence critique de système de gestion de base tant financier qu'en matière de ressources humaines et une organisation non efficiente, résultant d'une première étude du cabinet BCG sur 'la raison d'être, la gouvernance, l'organisation et l'articulation entre les fonctions centrales et le réseau' restituée le 20 février 2019 au comité des administrateurs et présentée par M. [KY] le 27 février 2019 au comité de direction et d'une seconde du cabinet Deloitte Conseil sur le diagnostic économique et financier de FACE restituée le 2 avril 2019 au comité des administrateurs et le 10 avril 2019 au comité de direction, dans le contexte très délicat du contrôle de la Cour des comptes, indiquant 'votre proposition d'analyse adressée le 4 avril 2019 témoigne d'ailleurs de votre incapacité à prendre pleinement conscience de la situation de FACE comme à proposer un plan d'action concret permettant d'y remédier'.

En application de l'article L. 1232-1 du code du travail, un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il juge utile, il appartient néanmoins à l'employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué.

L'insuffisance professionnelle qui se manifeste par la difficulté du salarié à exercer correctement sa prestation de travail, quelle que soit sa bonne volonté, constitue un motif de licenciement dès lors qu'elle repose sur des éléments objectifs matériellement vérifiables au regard des responsabilités du salarié.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

La charge de la preuve de la faute grave incombe à l'employeur qui l'invoque.

L'analyse des pièces soumises à l'appréciation de la cour permet de vérifier :

- que M. [P] a transmis à M. [KY] des courriers qui lui étaient adressés en sa qualité de président de la Fondation dans des délais qui n'étaient pas raisonnables eu égard à leur importance ou leur sensibibilité au regard des enjeux s'y attachant ; ainsi en est-il en particulier de la lettre du 11 avril 2018 de M. [E], président interchambres de la Cour des comptes l'informant de l'ouverture d'un contrôle, transmise par courriel près d'un mois plus tard, le 7 mai 2018, pour le solliciter 'en urgence' en vue d'une première réunion avec les conseillers et du relevé d'observations provisoires reçu par porteur le 30 juillet 2018 à la Fondation et remis à M. [P] le 2 août 2018, demandant à transmettre des remarques avant le 31 août 2018, 'délai de rigueur, eu égard aux délais de remise des travaux de la cour à la Commission des finances de l'Assemblée nationale', transmis par courriel du 7 septembre 2018 seulement avec un projet de réponse, sans l'en avoir autrement informé préalablement ; les excuses accompagnant ces transmissions démontrent que l'intéressé avait conscience de placer le président en difficulté du fait de ces retards, préjudiciables aux relations avec l'organisme de contrôle ;

- que M. [P] n'a jamais porté à la connaissance des commissaires aux comptes dans le cadre de la certification des comptes 2015-2016 ni à la gouvernance de la Fondation une décision de refus de subvention FSE du ministère de l'intérieur du 4 avril 2016, ce qui a amené notamment les commissaires aux comptes à certifier les comptes sans réserve alors que le maintien de cette créance de 595 000 euros dans l'actif ne se justifiait pas, ce qui a amené la Cour des comptes à estimer dans son rapport d'observations provisoires du 25 juillet 2018 que 'la sincérité des comptes 2015 et 2016 de la Fondation pose question' ;

- que si le ministère de l'intérieur, par la voie de Mme [I], adjointe au chef de bureau des associations et fondations, avait à plusieurs reprises (notamment le 21 juillet 2017 ou encore le 26 juin 2018) alerté M. [P] sur l'importance de la question de la consommation de la dotation statutaire, demandant même à faire figurer cette question dans les ordres du jour des conseils d'administration de la Fondation, l'intéressé n'a pas pris la mesure de la gravité de cette problématique, de nature à remettre en question à terme la pérennité de la Fondation comme relevé par le rapport de la Cour des comptes 'les dépenses exposées par FACE entre 2013 et 2017 qui ont été financées sur la dotation se révèlent non conformes à l'objectif statutaire premier de la Fondation qui est la préservation de cette dotation non consomptible, apportée à cet effet exclusif par les entreprises fondatrices comme garantie de sa pérennité et de sa reconnaissance d'utilité publique' ;

- que dans le contexte du contrôle de la Cour des comptes et de deux audits d'organisation et de fonctionnement en cours au sein de la Fondation, préalables à une réorganisation inévitable, M. [P] a procédé au recrutement de M. [Y], en qualité de conseiller en stratégie et développement, pour une rémunération annuelle fixée à 71 400 euros bruts, sans s'interroger sur la pertinence de ce recrutement au regard des difficultés auxquelles la structure était confrontée et sans information préalable de la gouvernance ;

- que la transmission précipitée, sans vérification adéquate des informations contenues dans son courriel, au président de la Fondation, en citant de manière erronée une collaboratrice de la Fondation comme susceptible d'être l'auteur d'agissements discriminatoires traduit une insuffisance de rigueur et de prudence de la part de M. [P] ;

- que les deux rapports d'audits émanant d'entités externes à la Fondation stigmatisent en particulier une absence critique de système de gestion de base financier et de ressources humaines de nature à garantir la fiabilité des informations financières et une visibilité en temps réel de l'avancée des projets ainsi qu'une organisation non efficiente de la Fondation pour répondre par anticipation aux besoins de gestion dans tous les domaines.

Alors que M. [P] occupait les fonctions de délégué général de la Fondation depuis plus de neuf ans et qu'il disposait d'une expérience professionnelle passée et au sein de la structure avérée à ces fonctions, les constats qui précèdent conduisent la cour à constater que celui-ci a éprouvé des difficultés certaines à accomplir correctement les missions relevant de ses hautes fonctions, et ce, indépendamment de sa charge de travail inhérente à son poste et des critiques qu'il formule sur le fonctionnement de la gouvernance de la Fondation.

Alors que l'analyse des dysfonctionnements relevés ne permet pas de corroborer une intention de dissimulation d'informations de sa part notamment au président, ni une mauvaise volonté manifeste dans l'exercice de ses fonctions, les griefs de nature disciplinaire formulés dans la lettre de licenciement ne seront pas retenus, ce qui rend le moyen tiré de la prescription de certains faits infondé.

Le licenciement sera considéré comme justifié par une insuffisance professionnelle.

Si le salarié a fait l'objet d'un harcèlement moral dans les mois précédant son licenciement, force est toutefois de constater que les insuffisances professionnelles qui fondent celui-ci sont sans rapport avec le harcèlement moral intervenu, de sorte que sa nullité n'est pas encourue.

Dans ces conditions, la Fondation devra verser à M. [P] les indemnités de rupture suivantes :

* une indemnité compensatrice de préavis qui sera fixée à 24 884 euros,

* une indemnité compensatrice de congés payés incidents qui sera fixée à

2 488,40 euros,

* une indemnité légale de licenciement, qui eu égard à l'ancienneté et au salaire de référence, sera fixée à 30 078,54 euros.

Le jugement sera infirmé sur ces points et il sera ajouté au jugement la disposition au titre de la condamnation à paiement de l'indemnité légale de licenciement.

Sur le caractère vexatoire du licenciement

Le salarié considère que les conditions de son licenciement ont été vexatoires au regard de la communication faite par M. [KY] à la presse à plusieurs reprises sur ce sujet et que l'exposition de son licenciement sur la place publique remet en cause son intégrité et a impacté négativement sa recherche d'emploi ; il réclame en conséquent la réparation de son préjudice à hauteur d'un mois de salaire.

La Fondation réplique que rien ne témoigne d'intentions malveillantes dans la mise en oeuvre du licenciement, ayant au contraire privilégié la recherche d'une issue amiable avant d'initier la procédure comme en témoigne le procès-verbal du conseil d'administration du 24 avril 2019, que dans la mesure où les discussions n'ont pas abouti, elle n'a eu d'autre choix que de procéder au licenciement dont elle estime démontrer le bien-fondé.

Il ressort d'une interview accordée au journal La Croix le 18 octobre 2019 que M. [KY] en sa qualité de président de la Fondation a tenu les propos suivants : 'Le conseil d'administration de la FACE considère le travail de la Cour des comptes comme une opportunité pour améliorer le fonctionnement de la Fondation. Dès que nous avons eu connaissance de pratiques inadéquates, nous avons réagi pour y mettre fin, notamment par le licenciement, à l'unanimité du conseil, de notre délégué général. Sans doute avons-nous manqué de vigilance, mais nous avons surtout été trompés. Et, à titre personnel, je me sens trahi'.

Mme [Z] témoigne ainsi des difficultés rencontrées par M. [P] pour retrouver du travail après son licenciement : 'Pour avoir aidé [US] [P] à retrouver du travail, j'ai pu constater toutes les fois où il est arrivé en short-list, mais n'est pas passé à cause de cet unique article faux qu'il porte comme un boulet'.

L'exposition médiatique et sans justification légitime du licenciement de M. [P] par la Fondation, en la personne de son président, constitue une circonstance vexatoire entourant ce licenciement, ayant causé un préjudice moral à l'intéressé, qu'il convient d'indemniser par l'octroi de dommages et intérêts à la charge de la Fondation à hauteur de 5 000 euros.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur la demande reconventionnelle de la Fondation

La Fondation, qui ne répond pas à la fin de non-recevoir soulevée, sollicite la condamnation du salarié à lui rembourser une somme de 75 080,91 euros, qu'elle estime avoir été indûment perçue à titre d'indemnité compensatrice de congés payés.

Le salarié conclut à l'irrecevabilité de l'appel incident et de cette demande au motif qu'aucune demande d'infirmation du jugement ne figure dans le dispositif des premières conclusions d'appel de l'intimée, et sur le fond, que son indemnité compensatrice de congés payés était due.

Dans le dispositif des premières conclusions d'intimée remises au greffe le 16 avril 2024, la Fondation demande la confirmation du jugement 'sauf en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle de la Fondation Agir Contre l'Exclusion'. Il se déduit implicitement de cette formulation que l'intimée en demande l'infirmation, de sorte que son appel incident ainsi que sa demande à ce titre sont recevables.

Les explications du salarié, corroborées par les mentions figurant dans son agenda Outlook, permettent de considérer qu'il a travaillé aux dates qu'il cite dans ses écritures, à l'exception des 3 et 4 janvier 2019 pour lesquelles il n'apporte aucune justification et qui ont donc fait l'objet d'un paiement indû au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés à l'occasion de l'établissement du solde de tout compte.

Il convient par conséquent de faire droit à la demande reconventionnelle de l'intimée à hauteur de la somme de 1 184,96 euros et d'ordonner, comme demandé par le salarié, la compensation entre les créances réciproques des parties.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur les intérêts au taux légal

Il est rappelé que les créances de nature salariale et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes et que les créances indemnitaires en produisent à compter du présent arrêt.

Sur la remise de documents

Eu égard à la solution du litige, il sera ordonné à la Fondation de remettre au salarié un bulletin de paie récapitulatif et une attestation destinée à France Travail, rectifiés conformément au dispositions du présent arrêt. Le jugement sera donc infirmé sur ce point.

Le prononcé d'une astreinte n'étant pas nécessaire, le jugement sera confirmé en son débouté de cette demande.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Eu égard à la solution du litige, il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il statue sur les dépens et les frais irrépétibles.

La Fondation sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer au salarié la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

DECLARE recevables les demandes au titre du repos compensateur conventionnel ou légal, des congés payés afférents, des dommages et intérêts pour non-respect des dispositions légales relatives à la durée quotidienne maximale de travail et au repos quotidien, de l'obligation de prévention des faits de harcèlement moral et d'absence de mesures de prévention et d'indemnité légale de licenciement,

DECLARE recevables l'appel incident de la Fondation Agir contre l'exclusion et la demande formée à ce titre,

INFIRME le jugement en ce qu'il déboute M. [US] [P] de ses demandes d'heures supplémentaires et congés payés afférents, au titre du harcèlement moral et des circonstances vexatoires du licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, en ce qu'il déboute la Fondation Agir contre l'exclusion de sa demande reconventionnelle et en ce qu'il statue sur les intérêts, la remise de documents, les dépens et les frais irrépétibles,

CONFIRME le jugement pour le surplus des dispositions,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

DIT que le licenciement n'est pas justifié par une faute grave mais par une insuffisance professionnelle,

CONDAMNE la Fondation Agir contre l'exclusion (FACE) à payer à M. [US] [P] les sommes suivantes :

* 11 344,70 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires,

* 1 134,47 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés incidents,

* 8 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral,

* 24 884 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 2 488,40 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés incidents,

* 30 078,54 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des circonstances vexatoires entourant le licenciement,

DEBOUTE M. [US] [P] de sa demande au titre de l'obligation de prévention des faits de harcèlement moral et d'absence de mesures de prévention,

CONDAMNE M. [US] [P] à rembourser à la Fondation Agir contre l'exclusion (FACE) la somme de 1 184,96 euros indûment perçue au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,

ORDONNE la compensation des créances réciproques des parties,

RAPPELLE que les créances de nature salariale et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter de la convocation de la Fondation Agir contre l'exclusion (FACE) devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes et que les créances indemnitaires en produisent à compter du présent arrêt,

ORDONNE la remise par la Fondation Agir contre l'exclusion (FACE) à M. [US] [P] d'un bulletin de paie récapitulatif et d'une attestation destinée à France Travail, rectifiés conformément aux dispositions du présent arrêt,

CONDAMNE la Fondation Agir contre l'exclusion (FACE) aux entiers dépens,

CONDAMNE la Fondation Agir contre l'exclusion (FACE) à payer à M. [US] [P] une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE les parties des autres demandes.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

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