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Décisions

CA Nîmes, 2e ch. A, 11 septembre 2025, n° 22/02009

NÎMES

Arrêt

Autre

CA Nîmes n° 22/02009

11 septembre 2025

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 22/02009 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IO4K

VH

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE CARPENTRAS

24 octobre 2019

RG:18/00640

[G]

[G]

C/

[GI]

[MM]

S.A. SAFER

[K]

Copie exécutoire délivrée

le

à : Me Combe

SCP Coulomb Divisia...

Selarl Geiger

SCP Rey Galtier

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A

ARRÊT DU 11 SEPTEMBRE 2025

Décision déférée à la cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de CARPENTRAS en date du 24 Octobre 2019, N°18/00640

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Nathalie AZOUARD, Présidente de Chambre,

M. André LIEGEON, Conseiller,

Madame Virginie HUET, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Céline DELCOURT, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 01 Juillet 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 11 Septembre 2025.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTS :

Mme [V] [C] [A] [G] épouse [Z]

née le 26 Octobre 1975 à [Localité 13]

[Adresse 17]

[Localité 11]

Représentée par Me Alexia COMBE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

M. [N] [AZ] [U] [G]

né le 08 Octobre 1965 à [Localité 20] (84)

[Adresse 6]

[Localité 12]

Représenté par Me Alexia COMBE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉS :

M. [P] [GI]

[Adresse 2]

[Localité 10]

Représenté par Me Jean-michel DIVISIA de la SCP COULOMB DIVISIA CHIARINI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

Mme [E] [MM]

née le 21 Juillet 1946 à [Localité 13]

[Adresse 3]

[Localité 9]

Représentée par Me Marc GEIGER de la SELARL CABINET GEIGER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de CARPENTRAS

SOCIETE D'AMENAGEMENT FONCIER ET D'ETABLISSEMENT RURAL PROVENCE ALPES CÔTE D'AZUR dite S.A.F.E.R., Société anonyme au capital de 2 380 302 €, immatriculée au répertoire INSEE 707 350 111 000 17 et

inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de MANOSQUE, sous le N° 707 350 112 B, prise en la personne de son Directeur Général Délégué en exercice, domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 21]

[Localité 1]

Représentée par Me Julien DUMOLIE de la SCP CABINET DEBEAURAIN, Plaidant, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Représentée par Me Jean philippe GALTIER de la SCP REY GALTIER, Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTERVENANT

M. [NG] [K]

né le 10 Mai 1987 à [Localité 20]

[Adresse 16]

[Adresse 4]

[Localité 11]

Représenté par Me Julien DUMOLIE de la SCP CABINET DEBEAURAIN, Plaidant, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Représenté par Me Jean philippe GALTIER de la SCP REY GALTIER, Postulant, avocat au barreau de NIMES

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 10 Juin 2025

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Nathalie AZOUARD, Présidente de Chambre, le 11 Septembre 2025,par mise à disposition au greffe de la cour

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Le 30 octobre 2015, en l'étude de Maître [P] [GI], notaire à [Localité 22], M. [H] [J], époux de Mme [E] [VE], vendeur, et M. [N] [G], époux de Mme [T] [W] ainsi que Mme [V] [G], épouse de M. [D] [Z], acquéreurs ont signé un compromis de vente de diverses parcelles de terre agricole situées à [Adresse 19], cadastrées :

- section E n°[Cadastre 5], lieudit [Localité 15] pour une contenance de 64a 50ca

- section E n°[Cadastre 7], lieudit [Localité 15] pour une contenance de 09ha 21a 76 ca

- section E n°[Cadastre 8], lieudit [Localité 15] pour une contenance de 20a 25ca

Soit une contenance totale de 10ha 06a 51ca

Moyennent le prix de cent vingt mille euros (120.000,00 euros).

* * *

Le 3 novembre 2015, Maître [P] [GI], notaire, a adressé une lettre recommandée avec accusé de réception à la société d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER). Ce courrier a été reçu le 5 novembre 2015.

Le 23 décembre 2015, la SAFER a adressé à M. [N] [G] un courrier recommandé, réceptionné le 27 décembre 2015, dans lequel il est écrit :

« Par lettre recommandée avec avis de réception reçue le 05/11/2015, il nous a été notifié le projet de vente d'une propriété appartenant à M. [H] [J] à votre profit, sise Commune de [Localité 18] (84) surface sur la commune : 10ha 06a 51ca, « [Localité 15] » E 312 -627(316) -629(319) moyennant le prix de 120.000,00 euros (cent vingt mille euros).

Conformément aux dispositions prévues par la Loi, nous vous informons que notre Société exerce le droit de préemption qui lui a été accordé par Décret du 04/04/2013, en fonction des objectifs suivants (art. L 143-2 du Code Rural) :

2°-la consolidation d'exploitations afin de permettre à celles-ci d'atteindre une dimension économique viable au regard des critères du schéma directeur régional des exploitations agricoles et l'amélioration de la répartition parcellaire des exploitations existantes, dans les conditions prévues à l'article L 331-2.

Et pour les motifs suivants :

Le bien, objet des présentes, est situé en zone A du Plan Local d'Urbanisme de la commune de [Localité 18], au lieu-dit « [Localité 15] ».

Il s'agit de trois parcelles en nature de terre labourable de très bonne valeur agronomique d'une surface totale de 10a 06a 51ca, dont deux parcelles forment un îlot cultural d'une surface de 09ha 42a 01ca. La dernière parcelle d'une surface de 64a 50ca se situe à proximité.

L'intervention de la SAFER permettrait d'analyser et d'arbitrer entre les différents projets agricoles susceptibles de se réaliser sur ce bien et d'améliorer la répartition parcellaire des exploitations agricoles existantes.

Sans préjudice des candidatures qui pourraient se révéler dans le cadre de la publicité légale d'appel à candidatures, y compris celle de l'acquéreur notifié, on peut d'ores et déjà citer la demande d'une exploitation agricole du secteur en polyculture contiguë au bien vendu.

En conséquence, nous régulariserons prochainement, en l'étude du Notaire charge de la vente, l'acte de cession de cette propriété à la SAFER Provence Alpes Côte d'Azur' »

Par télécopie de Maître [GI] du 03 février 2016, la SAFER était informée que Mme [V] [G] épouse [Z] s'était également portée acquéreur de la propriété susvisée.

La SAFER adressait à cette dernière le 11 février 2016 un pli recommandé par lequel elle lui notifiait également l'exercice de son droit de préemption pour les mêmes motifs que ceux visés précédemment.

* * *

Contestant l'exercice du droit de préemption, Mme [V] [G] épouse [Z] et M. [N] [G] ont, par acte des 22 et 23 février 2016, fait assigner devant le tribunal de grande instance de Carpentras la SAFER Provence Alpes Côte d'Azur, M. [H] [J] et Maître [P] [GI].

Le tribunal de grande instance de Carpentras, par jugement contradictoire du 24 octobre 2019, a :

- Débouté Mme [V] [G] épouse [Z] et M. [N] [G] de toutes leurs demandes principales,

- Débouté Mme [E] [VE] veuve [J] de sa demande de dommages et intérêts,

- Condamné Maître [P] [GI] aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Penard -Oosterlynck et de Maître [H] Bassompiere pour les dépens avancés par eux,

- Condamné Maître [P] [GI] à payer à Mme [V] [G] épouse [Z] et M. [N] [G] la somme de 2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné Maître [P] [GI] à payer à la SAFER Provence Alpes Côte d'Azur la somme de 2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné Maître [P] [GI] à payer à Mme [E] [VE] veuve [J] la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Rejeté toutes les autres demandes.

Sur la régularité au fond de la décision de préemption de la SAFER :

Dans son jugement, le tribunal relève qu'en l'espèce la décision de la SAFER Provence Alpes Côte d'Azur d'exercer son droit de préemption notifiée à Maître [GI] le 23 décembre 2015 se réfère à l'objectif n° 2 et qu'en précisant que l'intervention de la SAFER permettrait d'analyser et d'arbitrer entre les différents projets agricoles susceptibles de se réaliser sur ce bien et d'améliorer la répartition parcellaire des exploitations agricoles existantes, et que sans préjudice des candidatures qui pourraient se révéler dans le cadre de la publicité légale d'appel à candidatures, y compris celle de l'acquéreur notifié, il y a d'ores et déjà une demande d'une exploitation agricole contiguë au bien vendu, la SAFER Provence Alpes Côte d'Azur a suffisamment motivé sa décision de préemption au regard des articles L. 143-2 et L. 143-3 du code rural et de la pêche maritime.

Il indique que l'existence d'un bail grevant les parcelles litigieuses jusqu'en 2019 n'a aucune incidence quant à la motivation de la décision de préemption, les dispositions légales n'imposant pas que l'objectif visé dans la décision soit rempli dès le jour de la rétrocession des terres à l'agriculteur dont la candidature a été retenue.

Il ajoute que la référence à l'EARL De Chanailler, représentée par Mme [O] [K] et M. [NG] [K], dans le projet d'acquisition présentée par la SAFER aux commissaires du gouvernement ne saurait démontrer un détournement de pouvoir de la SAFER dans l'exercice de son droit de préemption en ce que cette référence permet simplement d`illustrer l'utilité de l'intervention de la SAFER sans préjuger d'une attribution définitive au regard des candidatures pouvant se manifester suite aux formalités de publicité.

Sur l'habilitation du signataire de la décision

Le premier juge relève que la SAFER justifie de la délégation de pouvoir faite à M. [I] par M. [M] [BT], lui-même directeur général, le 4 janvier 2010 aux fins de décider et de mettre en 'uvre l'exercice du droit de préemption ; que cet acte n'a fait l'objet d'aucune annulation et que les demandeurs ne justifient pas de la nécessité d'une délégation de pouvoir faite par acte notarié pour l'exercice du droit de préemption.

Sur la régularité de la notification de la décision de préemption

Le premier juge considère que le notaire et donc les consorts [G] étant défaillants dans l'administration de la preuve, il ne peut être reproché à la SAFER de ne pas avoir procédé à la notification légale à l'endroit de la demanderesse dans les délais requis. Il affirme que ceux-ci sont suspendus jusqu'à la notification complète et exacte.

Sur la responsabilité de Maître [GI]

Le tribunal énonce que si la faute de notaire n'avait pas été commise, nul ne peut nier que la SAFER aurait procédé à une notification aux deux acquéreurs qui auraient été ainsi régulièrement évincés.

Sur la demande reconventionnelle de Mme [VE] en réparation de son préjudice

Le tribunal considère qu'en l'espèce Mme [VE] veuve [J] ne démontre aucun préjudice et écarte donc sa réclamation formée de ce chef.

* * *

Par déclaration du 26 novembre 2019, Mme [V] [G] épouse [Z] et M. [N] [G] ont interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions.

Le 12 août 2021, la SAFER Provence Alpes Côte d'Azur a notifié par voie électronique des conclusions d'incident.

Suivant un acte du 3 mai 2022 délivré selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile, M. [NG] [K] a été assigné en intervention forcée par Mme [V] [G] épouse [Z] et M. [N] [G].

Par décision du 12 mai 2022, la radiation de l'affaire du rôle de la cour a été ordonnée.

La SAFER Provence Alpes Côte d'Azur a déposé le 24 mai 2022 des conclusions d'incident avec demande de rétablissement après radiation.

Par ordonnance contradictoire du 7 novembre 2023, le conseiller de la mise en état a :

- Ordonné le rabat de l'ordonnance de clôture et renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 06 février 2024,

- Débouté la SAFER Provence Alpes Côte d'Azur et M. [NG] [K] de leur fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'action des consorts [G]'[Z] pour défaut de publication et d'enregistrement au service de la publicité foncière des assignations,

- Dit l'absence de mise en cause en première instance de M. [NG] [K] dépourvue d'incidence concernant l'action aux fins d'annulation du droit de préemption exercé par la SAFER Provence Alpes Côte d'Azur,

- Débouté en conséquence la SAFER Provence Alpes Côte d'Azur et M. [NG] [K] de leur fin de non-recevoir formée à ce titre et dit en conséquence M. [N] [G] et Mme [V] [G] épouse [Z] recevables en leur demande aux fins d'annulation de la décision de préemption et des actes subséquents, hors la demande d'annulation de l'acte de vente passé le 1er février 2017 entre la SAFER Provence Alpes Côte d'Azur et M. [NG] [K],

- Dit irrecevable l'intervention forcée de M. [NG] [K] en cause d'appel,

- Dit en conséquence irrecevable la demande de M. [N] [G] et Mme [V] [G] épouse [Z] en annulation de l'acte de vente passé le 1er février 2017 entre la SAFER Provence Alpes Côte d'Azur et M. [NG] [K],

- Condamné la SAFER Provence Alpes Côte d'Azur à payer à M. [N] [G] et Mme [V] [G] épouse [Z] la somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts, outre intérêts au taux légal à compter de l'ordonnance,

- Débouté la SAFER Provence Alpes Côte d'Azur et M. [NG] [K] de leur demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné la SAFER Provence Alpes Côte d'Azur à payer à M. [N] [G] et Mme [V] [G] épouse [Z] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné la SAFER Provence Alpes Côte d'Azur aux dépens de l'incident.

Par requête du 21 novembre 2023, M. [N] [G] et Mme [V] [G] épouse [Z] ont déféré cette décision à la cour.

Par arrêt contradictoire du 2 mai 2024, la cour d'appel de Nîmes a :

- Confirmé l'ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état le 27 novembre 2023, sauf en ce qu'elle a : condamné la SAFER Provence Alpes Côte d'Azur à payer à M. [N] [G] et Mme [V] [G] épouse [Z] la somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts, outre intérêts au taux légal à compter de l'ordonnance, condamné la SAFER Provence Alpes Côte d'Azur à payer à M. [N] [G] et Mme [V] [G] épouse [Z] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et condamné la SAFER Provence Alpes Côte d'Azur aux dépens de l'incident,

S'y substituant sur ces points et y ajoutant,

- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'incident devant le conseiller de la mise en état,

- Dit que chaque partie supportera les dépens exposés dans le cadre de la procédure d'incident,

- Condamné M. [N] [G] et Mme [V] [G] épouse [Z] à payer à la SAFER Provence Alpes Côte d'Azur la somme de 800 euros et à M. [NG] [K] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné M. [N] [G] et Mme [V] [G] épouse [Z] à supporter les dépens de la procédure de déféré.

Par ordonnance du 4 février 2025, la clôture de la procédure a été fixée au 10 juin 2025, l'affaire a été appelée à l'audience du 1er juillet 2025 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 11 septembre 2025.

EXPOSE DES MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 juin 2025, Mme [V] [G] épouse [Z] et M. [N] [G], appelants, demandent à la cour de :

- Dire et Juger l'appel interjeté par Mme [V] [G] épouse [Z] et M. [N] [G], recevable en la forme et au fond y faisant droit,

Vu les articles R 143-1 à R 143-14 et les articles L 143-1 à L 143-15 du code rural et de la pêche maritime, et l'article 1382 du Code civil,

- Ecarter des débats le mail émanant de Mme [R] [Y] au visa de l'article 1315 du Code civil et de l'article 202 du code de procédure civile et suivants,

- Débouter la SAFER Provence Alpes Côte d'Azur de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- Réformer la décision querellée en toutes ses dispositions,

- Débouter la SAFER Provence Alpes Côte d'Azur, Maître [P] [GI], Notaire et Mme [E] [VE] veuve [J] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- Prononcer l'annulation de la décision d'exercice du droit de préemption de la SAFER Provence Alpes Côte d'Azur, notifiée à Maître [P] [GI], Notaire à [Localité 22], par courrier en date du 23 Décembre 2015, réceptionné le 24 Décembre 2015, concernant diverses parcelles de terre agricole situées à [Localité 18] (84), cadastrées :

- section E n°[Cadastre 5], lieudit [Localité 15] pour une contenance de 64a 50ca

- section E n°[Cadastre 7], lieudit [Localité 15] pour une contenance de 09ha 21a 76 ca

- section E n°[Cadastre 8], lieudit [Localité 15] pour une contenance de 20a 25ca

Soit une contenance totale de 10ha 06a 51ca

appartenant à M. [H] [J] et vendues à M. [N] [G] et Mme [V] [G], chacun pour moitié, moyennant le prix de cent vingt mille euros (120.000,00 euros), suivant compromis de vente en date du 30 octobre 2015, ainsi que tous les actes subséquents et en découlant de cette décision de préemption de la SAFER,

- Dire que Maître [P] [GI], Notaire à [Localité 22], devra procéder à la signature de l'acte authentique de vente desdites parcelles de terre agricole situées à [Localité 18] (84), cadastrées, et ce dans les 2 mois de la décision devenue définitive :

- section E n°[Cadastre 5], lieudit [Localité 15] pour une contenance de 64a 50ca

- section E n°[Cadastre 7], lieudit [Localité 15] pour une contenance de 09ha 21a 76 ca

- section E n°[Cadastre 8], lieudit [Localité 15] pour une contenance de 20a 25ca

entre Mme [E] [VE] veuve [H] [J], venderesse, et M. [N] [G] et Mme [V] [G] épouse [Z], acquéreurs chacun pour moitié, moyennant le prix de cent vingt mille euros (120.000,00 euros), lesdites parcelles appartenant à M. [H] [J] pour les avoir reçues en donation-partage aux termes d'un acte reçu par Maître [S] [F], Notaire à [Localité 14] (84) le 06 Juin 1973, publié au service de la publicité foncière d'[Localité 20] le 25 Septembre 1973 volume 3015 n°35, avec abandon d'usufruit suivant acte reçu par Maître [S] [F], Notaire à [Localité 14], le 31 Décembre 1982, publié au 1er bureau du service de la publicité foncière d'[Localité 20] le 18 Mars 1983 volume 4041 n°33,

- Déclarer commune et opposable la décision à intervenir à Mme [E] [VE] veuve [H] [J], héritière de son défunt mari, vendeur desdits parcelles, ainsi qu'à Maître [P] [GI], Notaire à [Localité 22], rédacteur du compromis de vente,

- Condamner la SAFER Provence Alpes Côte d'Azur à porter et payer à chacun des demandeurs la somme de 5.000,00 euros à titre de dommages et intérêts au titre de l'article 1382 du Code civil,

- Débouter Mme [E] [VE] veuve [H] [J], héritière de son défunt mari, de toutes ses demandes, fins et conclusions à l'encontre des concluants,

Subsidiairement, si par impossible la cour faisait droit aux prétentions de la SAFER,

- Condamner Maître [P] [GI], Notaire à [Localité 22], à porter et payer tant à M. [N] [G] la somme de 10.000,00 euros de dommages et intérêts et à Mme [V] [G] la somme de 10.000,00 euros de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, pour le préjudice découlant de sa faute, en adressant une notification incomplète à la SAFER,

- Condamner in solidum Maître [P] [GI], Notaire à [Localité 22], et la SAFER Provence Alpes Côte d'Azur, à porter et payer à chacun des requérants la somme de 5.000,00 euros Hors taxes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner in solidum Maître [P] [GI], Notaire à [Localité 22], et la SAFER Provence Alpes Côte d'Azur, aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Sauvinet, Avocat aux offres de droit.

Les consorts [G], appelants, soutiennent essentiellement :

- que le notaire a notifié le compromis de vente à la SAFER qui mentionnait bien l'existence des deux acquéreurs ;

- que le poids d'affranchissement de l'enveloppe prouve bien que l'annexe était présente dans l'enveloppe ;

- que M. [EV] [I] signataire des courriers, n'avait pas les pouvoirs pour notifier le droit de préemption de la SAFER et que la délégation de pouvoir signée par M. [M] [BT] au profit de M. [EV] [I] directeur délégué de la SAFER PACA aurait dû être notariée ;

- que la décision de préemption aurait dû être notifiée ab initio à Mme [G] conformément aux dispositions de l'article R 143-6 du code rural et de la pêche maritime ;

- que la lettre de la SAFER adressée le 11 février 2016 en recommandée avec accusé de réception à Mme [V] [G] épouse [Z] ne saurait régulariser la procédure de la SAFER concernant l'exercice de son droit de préemption ; que seule une nouvelle notification par Maître [P] [GI], si la notification adressée à la SAFER le 23 décembre 2015 était considérée incomplète par la cour, devrait être notifiée à nouveau à la SAFER qui bénéficierait à compter de la notification d'un délai de deux mois pour exercer son droit de préemption, et ce conformément aux textes en vigueur du code rural et de la pêche maritime ;

- que la SAFER ne pouvait ignorer que M. [G] souhaitait acquérir les terres avec sa s'ur, [V] [G] [Z] puisque la SAFER fait référence à Mme [G] [Z] dans sa note de présentation ;

- que la SAFER aurait commis un détournement de pouvoir en privilégiant M. [NG] [K] et en présentant aux commissaires du gouvernement un schéma possible de rétrocession le concernant ;

- que la SAFER n'établit pas qu'à la date d'envoi de la notification d'user de son droit de préemption le 23 décembre 2015 à Maître [P] [GI], elle avait obtenu antérieurement l'agrément de la direction départementale des finances publiques, sur le projet d'acquisition de la propriété d'une superficie de 10ha 6a 51ca appartenant à M. [H] [J] sise sur la commune de [Localité 18] ;

- que le tribunal judiciaire de Carpentras le 20 septembre 2020 a : « annulé la décision de rétrocession de la SAFER au profit de M. [NG] [K] daté du 6 février 2017', annulé l'acte de vente du 1er février 2017 passé entre la SAFER et M. et Mme [K]' » et que par arrêt rendu par la cour d'appel de céans en date du 25 août 2022, la décision de rétrocession de la SAFER au profit de M. [K] a été annulée. M. [K] doit ainsi être considéré comme n'ayant jamais été rétrocessionnaire. Par conséquent, peu important l'argument selon lequel les concluants aux présentes ne peuvent solliciter l'annulation de l'acte de vente passé le 1er février 2017 entre la SAFER et M. [K], cette vente ayant été annulée parallèlement ;

- que la SAFER n'a absolument pas agi dans l'intérêt général, elle a trahi sa mission de service public avec l'objectif de satisfaire l'intérêt particulier d'un candidat déterminé à l'avance (Cass Civ 3ème ' 17 Avril 1970, Cass Civ 3ème ' 09 Juillet 2003), en privilégiant M. [NG] [K].

En l'état de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27 novembre 2024, la société d'aménagement foncier et d'établissement rural Provence-Alpes-Côte d'Azur, dite S.A.F.E.R., intimée, demande à la cour de :

Vu l'article 9 du code de procédure civile,

Vu les articles L.143-1 à L 143-15 et R.143-1 à R.143-14 du code rural et de la pêche maritime,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

- Confirmer le jugement rendu en toutes ses dispositions,

En conséquence :

- Débouter les consorts [G] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- Débouter Mme [J] de ses demandes indemnitaires à l'encontre de la SAFER,

En tout état de cause :

- Les condamner solidairement à 5 000 euros du chef de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

La société d'aménagement foncier et d'établissement rural Provence Alpes Côte d'Azur dite S.A.F.E.R. soutient :

- que dans la déclaration d'aliéner adressée par le notaire à la SAFER, seul M. [N] [G] était mentionné en qualité d'acquéreur ;

- que sur la délégation de signature : la SAFER verse aux débats la délégation de pouvoirs de M. [BT] au profit de M. [I], Directeur Délégué de la SAFER PACA. Elle répond qu'aucune disposition n'impose que cette délégation soit réalisée en la forme notariée ;

- que sur la notification de la décision de préemption à Mme [G] : la SAFER estime pour sa part que dans la mesure où la DIA (déclaration d'intention d'aliéner) ne mentionnait que M. [G] en qualité d'acquéreur, seul M. [G] devait être destinataire de sa décision (outre le notaire bien entendu) ;

- que le notaire ne notifie jamais le compromis de vente mais une DIA et que cet élément est confirmé par le notaire qui précise que la lettre recommandée avec accusé réception adressée à la SAFER le 3 novembre 2015 contenait un courrier d'envoi de Maître [GI] et l'imprimé de notification du projet d'aliénation au droit de préemption ;

- que ce même notaire notifie régulièrement des DIA à la SAFER et n'envoie jamais d'annexe pour notifier la présence d'un second acquéreur mais le fait dans le formulaire de la DIA ;

- qu'en tout état de cause, il appartient dès lors à Maître [GI], expéditeur du courrier, de prouver le contenu de la lettre adressée à la SAFER et les annexes y figurant (Civile 1, 22 février 1984, n°82-15.916) ;

- que sur la DIA du 3 novembre 2015 : la déclaration d'intention d'aliéner notifiée le 03 novembre 2015 par Maître [GI] ne mentionnait en qualité d'acquéreur que M. [N] [G] et non Mme [V] [G]. Elle indique qu'elle ne pouvait pas savoir que Mme [V] [G] était co-acquéreur desdites parcelles. Elle rappelle qu'une jurisprudence constante de la Cour de cassation rappelle que l'exercice du droit de préemption s'apprécie selon les termes de la notification adressée par le notaire (3e Civ.11 juin 1992, n°90-19.668 publié au Bull. Civ III n° 203). Elle souligne que cela n'aurait rien changé ;

- que dans la note aux commissaires du gouvernement, il y a un paragraphe « I- Historique », et un paragraphe « III Projet de l'acquéreur notifié » et qu'en l'espèce dans le paragraphe où la SAFER rappelle les termes de la DIA il n'y a que M. [G] qui est mentionné. Elle souligne qu'elle a juste été informée lors de l'enquête qu'il exploitait avec sa s'ur ;

- que lorsque la SAFER reçoit la déclaration d'intention d'aliéner, elle ne connait ni les vendeurs, ni les acquéreurs. La SAFER se fonde donc, pour la mise en 'uvre de son droit de préemption, sur les informations portées par le notaire instrumentaire dans cette déclaration d'intention d'aliéner. Il convient de rappeler que le notaire est investi d'un mandat légal qui permet à la SAFER de croire légitimement qu'en sa qualité d'officier ministériel il a le pouvoir d'engager le vendeur ;

- que la cour n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des motifs de la rétrocession de la décision de la SAFER ;

- qu'elle a bien recueilli l'accord des commissaires du gouvernement respectivement les 16 décembre (Commissaire du Gouvernement Agriculture, pièce 3) et le 23 décembre 2015 (Commissaire du Gouvernement Finances ' pièce 4) ;

- que l'attributaire des parcelles préemptées exploite donc bien les parcelles en cause.

En l'état de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27 avril 2020, Maître [P] [GI], intimé, demande à la cour de :

I. Recevant le concluant en son appel incident du jugement du tribunal de grande instance de Carpentras en date du 24 octobre 2019,

Réformant ledit jugement en ce qu'il a estimé la déclaration d'intention d'aliéner incomplète,

- Débouter toutes les parties de toutes leurs demandes, fins et conclusions et article 700 de première instance,

II. Statuant ce que de droit sur l'action principale,

Constatant l'absence de faute à charge du notaire et en toute hypothèse l'absence de tout préjudice imputable, et en relation de causalité,

- Débouter toutes les parties de toutes leurs demandes subsidiaires présentées contre Maître [GI],

III. En tout état de cause,

- Condamner les consorts [G]-[Z] :

* A payer à Maître [GI] par application de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 1.500 euros,

* Aux entiers dépens.

Maitre [P] [GI] conteste l'affirmation du 1er juge selon laquelle la déclaration d'intention d'aliéner ne mentionne que M. [G] en tant que candidat acquéreur. Il affirme que la notification du 03 novembre 2015 portait bien en annexe l'identification du second acquéreur.

Il considère qu'il a bien fait mention de Mme [G] et que la notification adressée en lettre recommandée avec accusé réception le 3 novembre 2015 et réceptionnée par la SAFER le 5 novembre 2015 constitue une preuve.

En l'état de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 17 avril 2020, Mme [E] [VE] veuve [H] [J], intimée, demande à la cour de :

Et tous autres à déduire ou à suppléer s'il y a lieu,

Vu les pièces versées aux débats,

Vu les articles L.143-1 à L.143-15 et R.143-1 à R.143-14 du code rural et de la pêche maritime,

Vu l'ancien article 1382 du Code civil,

Vu l'article L.212-1 du code de la consommation,

- Dire et juger recevable et bien fondée, Mme [E] [VE] veuve [J],

- Dire et juger que feu M. [H] [J] et son unique héritière Mme [E] [VE] veuve [J] ne sont pas impliqués par les griefs avancés par les demandeurs,

- Constater que Mme [E] [VE] veuve [J] s'en remet à la décision de la juridiction de céans s'agissant du bien-fondé des demandes principales et subsidiaire formulées par Mme [V] [G] épouse [Z] et M. [N] [G],

Toutefois, il est sollicité de :

' Dans l'hypothèse où la juridiction de céans venait à débouter Mme [V] [G] épouse [Z] et M. [N] [G] de l'ensemble de leurs demandes,

- Condamner Mme [V] [G] épouse [Z] et M. [N] [G], sur le fondement de l'ancien article 1382 du Code civil, à payer à Mme [E] [VE] veuve [J] dont le préjudice est certain, la somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts,

- Condamner Mme [V] [G] épouse [Z] et M. [N] [G] à verser à Mme [E] [VE] veuve [J] la somme de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

' Dans l'hypothèse où la juridiction de céans venait à faire droit aux demandes principales de Mme [V] [G] épouse [Z] et M. [N] [G],

- Dire et juger que Mme [E] [VE] veuve [J] ne restituera la somme de 120.000 euros à la SAFER PACA que simultanément au paiement par Mme [V] [G] épouse [Z] et M. [N] [G] d'une somme identique après la signature de l'acte authentique de vente,

- Condamner Mme [V] [G] épouse [Z] et M. [N] [G] à prendre en charge le remboursement des éventuelles impenses strictement utiles à l'exploitation agricole faites par la SAFER ou son attributaire, sur la base de pièces justificatives, dont ils bénéficieront nécessairement une fois la vente conclue,

- Condamner la SAFER PACA à restituer à Mme [E] [VE] veuve [J] l'intégralité des loyers perçus à compter du 1er janvier 2017, en vertu du bail consenti à M. [VY] et Mme [X], moyennant un fermage annuel représenté par la valeur de 3.000 euros, ou à tout nouvel exploitant,

- Condamner la SAFER PACA, sur le fondement de l'ancien article 1382 du Code civil, à payer à Mme [E] [VE] veuve [J] dont le préjudice moral est certain, la somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts, outre au paiement des divers impôts, taxes et contributions auxquels les biens ont été assujettis à compter de son entrée en jouissance, à titre de préjudice matériel,

- Si Mme [V] [G] épouse [Z] et M. [N] [G] venaient à renoncer à acheter le bien, Condamner la SAFER PACA à acquérir, comme elle s'y est engagée dans l'acte de vente du 20 septembre 2016, lesdites parcelles moyennant le prix de 120.000 euros,

- Condamner la SAFER PACA à verser à Mme [E] [VE] veuve [J] la somme de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

' Dans l'hypothèse où la juridiction de céans venait à ne faire droit qu'aux demandes subsidiaires de Mme [V] [G] épouse [Z] et M. [N] [G],

- Condamner Maître [GI], sur le fondement de l'ancien article 1382 du Code civil, à payer à Mme [E] [VE] veuve [J] dont le préjudice est certain, la somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts,

- Condamner Maître [GI] à verser à Mme [E] [VE] veuve [J] la somme de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

' En tout état de cause,

- Dire et juger abusive et réputée non écrite la clause incluse dans l'acte authentique de vente du 20 septembre 2016 aux termes de laquelle le vendeur persiste dans son intention de vendre le bien, sans recours contre le notaire et la SAFER pour quelque cause que ce soit,

- Débouter les consorts [B], la SAFER, et maître [GI] de l'ensemble de leurs demandes contraires aux présentes.

Mme [E] [VE] veuve [H] [J] soutient :

- que feu M. [H] [J] ne pouvait pas renoncer à la vente dès lors que la SAFER Provence Alpes Côte d'Azur avait décidé d'exercer son droit de préemption sur les diverses parcelles de terre agricole dont il était propriétaire, sans révision de prix et aux conditions indiquées dans la notification du notaire ;

- qu'il est manifeste que feu M. [H] [J] n'est pas impliqué par les griefs avancés par les demandeurs ;

Il est fait renvoi aux écritures des parties pour plus ample exposé des éléments de la cause, des prétentions et moyens des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION :

I - Sur l'étendue de la saisine de la cour

Aux termes de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. Il est constaté que le dispositif des conclusions des intimés comporte des demandes de « constater », « dire et juger », qui ne constituent manifestement pas des prétentions, si bien que la cour n'en est pas saisie.

II - Sur l'information du notaire délivrée à la SAFER :

a ' sur le contenu de l'information délivrée par le notaire :

Selon l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

L'article 1353 du code civil dispose que « celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ».

Les articles L 143-1 et L 143-2 du code rural et de la pêche maritime instituent au profit des Sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) un droit de préemption en cas notamment d'aliénation à titre onéreux de biens immobiliers à usage agricole ou de terrains nus à vocation agricole, afin de leur permettre de mener une action cohérente dans le cadre de leurs missions.

Afin de pouvoir exercer ce droit, elles sont systématiquement informées des projets de vente par les notaires et peuvent acheter à la place de l'acquéreur initial.

Dans l'hypothèse où la SAFER décide de préempter sans révision de prix et aux conditions indiqués dans la notification du notaire, la vente est considérée comme parfaite. Le propriétaire ne peut plus alors renoncer à la vente, ni modifier l'offre.

Le décret no 2015-954 du 31 juillet 2015 a déterminé l'obligation d'information vis-à-vis de la SAFER et les modalités de mise en 'uvre du droit de préemption partiel dans l'article R. 143-1 s. du code rural et de la pêche maritime.

Il est constant que le notaire, officier public et ministériel, chargé d'instrumenter est investi d'une mission légale d'information du prix, des charges, des conditions et modalités de la vente projetée (Cass. 3e civ., 5 juin 2002, également : Cass. 3e civ., 4 oct. 2000).

La jurisprudence rappelle que la cour d'appel qui relève que le notaire qui a procédé à la notification n'était pas tenu de joindre un avant-contrat ou un mandat exprès ou une signature du propriétaire, et indique qu'aucun élément ne permettait de mettre en cause le fait que la SAFER ait pu légitimement croire que le notaire avait le pouvoir d'engager le propriétaire, a caractérisé l'existence d'un mandat apparent et a retenu à bon droit la régularité de la préemption de la SAFER qui a accepté les conditions notifiées (Civ. 3e, 4 oct. 2000, no 99-11.268).

* * *

Il appartient au notaire de rapporter la preuve du contenu de l'information qu'il a délivré à la SAFER.

En l'espèce, le notaire instrumentaire verse aux débats :

Un courrier en date du 3 novembre 2015 qui porte un numéro de recommandé dans lequel il indique « Je vous prie de bien vouloir trouver sous ce pli, en triple exemplaire, un formulaire concernant l'aliénation d'un terrain agricole situé dans le ressort de la SAFER Provence Alpes Cote d'Azure. Je vous serais gré' » (sic).

L'enveloppe du courrier recommandé

Le formulaire de D.I.A. (déclaration d'intention d'aliéner) sur lequel est mentionné dans le cadre nom et prénom de l'acquéreur « [G] [N] [AZ] [U] » (sic)

Le courrier en date du 03 février 2016 du même notaire qui indique « suite à mon entretien téléphonique avec vos services en date de ce jour, je vous confirme que dans le cadre de la préemption ci-dessus visée, il y avait deux acquéreurs, à savoir ('). Le double de notre notification du 03 novembre 2015 portait bien en annexe l'identification du second acquéreur, mais il semble que l'annexe jointe à la notification ne vous soit pas parvenue. Je vous adresse donc sous ce pli, le double de la notification ainsi que l'annexe qui était jointe afin de vous permettre de compléter ce dossier » (sic).

La cour relève que le premier courrier écrit par le notaire mentionne l'envoie d'un formulaire mais non d'une « annexe » ; que par ailleurs, le poids des timbres choisi est inopérant pour prouver le contenu d'une feuille supplémentaire dans l'enveloppe sachant que le poids est tarifé par tranche.

Le notaire, ne peut dans son second courrier se constituer une preuve a postériori pour attester non pas d'un acte juridique mais d'un simple fait, à savoir que son étude a bien envoyé dans son courrier initial dont il est établi qu'il est bien arrivé en recommandé à la date indiquée, une feuille supplémentaire appelée « annexe ».

La cour relève que le notaire ne rapporte pas la preuve qui lui incombe qu'il a envoyé une annexe dans le premier courrier, relevant au surplus que toutes les notifications de ce même notaire, concomitante à la date de l'envoi de ce courrier et versées aux débats par la SAFER mentionnent toutes dans le cadre du formulaire le nom des deux acquéreurs, et non dans une annexe. Les courriers sont identiques dans la forme et tous envoyés en recommandés.

Ainsi, le notaire n'établit pas avoir délivré à la SAFER une information exacte. Il y a lieu de confirmer la décision de première instance, sans que la cour ait eu besoin de regarder le mail émanant de Mme [Y] qui a donc été écarté, de fait, des débats.

b ' Sur le délai de notification de la SAFER en cas d'information insuffisante :

Il est constant que les notifications n'apportant pas une information suffisante à la SAFER ne valent pas offre de vente (Civ. 3e, 10 avr. 1973) et que le délai d'exercice du droit de préemption ne court qu'à compter de la notification complète et exacte (Civ. 3e, 16 mars 2017, no 15-22.397). Le nom et le domicile de la personne qui se propose d'acquérir doivent être précisés pour que la notification fasse courir le délai légal au terme duquel la SAFER doit prendre sa décision (Civ. 3e, 4 oct. 1977).

Ainsi, le courrier envoyé en recommandé de la SAFER à Mme [V] [G] épouse [Z] en date du 11 février 2016 (soit dans le délai de 15 jours à compter du courrier du notaire du 03 février) régularise parfaitement le premier envoi et la procédure de péremption de la SAFER.

Le fait que la SAFER mentionne dans la partie « I- Historique », de la note envoyée aux commissaires du gouvernement, que M. [G] exploitait avec sa s'ur, Mme [Z], est inopérant pour rendre irrégulière la préemption, sachant au demeurant que dans la partie « III - Projet de l'acquéreur notifié » paragraphe dans lequel la SAFER rappelle les termes de la DIA, il n'y a que M. [G] qui est mentionné.

Il y a lieu de confirmer la décision de première instance.

III ' sur la décision de la SAFER

a- Sur l'accord préalable :

Il résulte des pièces versées aux débats que la SAFER a bien recueilli l'accord des commissaires du gouvernement respectivement les 16 décembre (Commissaire du Gouvernement Agriculture, pièce 3 des intimés) et le 23 décembre 2015 (Commissaire du Gouvernement Finances ' pièce 4 des intimés).

Le moyen sur l'absence d'accord préalable de la SAFER est donc inopérant.

b-Sur l'habilitation du signataire de la décision :

En application de l'article R 143-6 du code rural et de la pêche maritime la décision de préemption par la SAFER est signée par le président de son conseil d'administration ou par toute personne régulièrement habilitée à cet effet.

Il ressort en l'espèce des pièces versées aux débats que l'avis de préemption notifié au notaire et à M. [G] le 23 décembre 2015 et à Mme [G] épouse [Z] le 11 février 2016 ainsi qu'au maire de la commune aux fins de publication le 06 janvier 2016, est signé par M. [I], directeur général délégué adjoint.

La SAFER verse aux débats la délégation de pouvoirs de M. [BT] au profit de M. [I], directeur délégué de la SAFER PACA (pièce 26 des intimés). La cour rappelle qu'aucune disposition n'impose que cette délégation soit réalisée en la forme notariée.

Le moyen sur l'absence de délégation de signature à l'acte est donc inopérant.

c- Sur la légitimité de la décision :

La cour rappelle que selon une jurisprudence constante, elle n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des motifs de la rétrocession de la décision de la SAFER ; « le contrôle juridictionnel sur les décisions de rétrocession prises par les SAFER se limitait à l'appréciation de leur légalité et de leur régularité et ne pouvait, en aucun cas, concerner leur opportunité », Cass. 3e civ., 22 janv. 2003.

Il résulte de l'article L.143-3 du code rural et de la pêche maritime, que la préemption doit comporter une donnée concrète permettant de vérifier sa conformité à au moins un des neuf objectifs légaux (Cass. 3ème Civ. 17 décembre 1986 et également 10 mars 1989).

Cette donnée concrète peut être apportée par la référence à la situation d'un potentiel acquéreur identifié ou identifiable, susceptible de bénéficier, le cas échéant, d'une rétrocession ultérieure répondant à l'un au moins des objectifs légaux allégués lors de la préemption (Cass. Civ. 3ème Ch. 05 mars 2003).

En l'espèce, la SAFER a visé l'objectif n°2 : « La consolidation d'exploitations afin de permettre à celles-ci d'atteindre une dimension économique viable au regard des critères du schéma directeur régional des exploitations agricoles et l'amélioration de la répartition parcellaire des exploitations existantes, dans les conditions prévues à l'article L.331-2 du même Code » (sic).

La SAFER a donc bien visé un objectif, à savoir l'objectif n° 2 de l'article L 143-2 du code rural et de la pêche maritime.

La SAFER a motivé son droit et après avoir précisé la nature du bien qu'elle eût préempté, elle a indiqué les raisons pour lesquelles elle préemptait à savoir, l'arbitrage des différents projets agricoles susceptibles de se présenter sur le terrain, puis elle a visé une exploitation agricole du secteur en polyculture contigüe au bien vendu.

Par ailleurs, les appelants affirment mais sans le démontrer que la SAFER aurait trahi sa mission de service public en choisissant l'intérêt particulier d'un candidat, ce moyen est donc inopérant.

Ainsi comme l'a justement dit le premier juge, la SAFER a suffisamment motivé sa décision de préemption au regard des article L 143-2 et L 143-3 du code rural et de la pêche maritime. Il y a lieu de confirmer la décision de première instance.

IV - Sur la responsabilité du notaire :

Il y a lieu de confirmer la décision de première instance, qui au visa de l'article 1240 du code civil ne fait pas droit à la demande d'indemnisation, faute de préjudices imputable au notaire, étant constant que si la SAFER avait eu connaissance des deux acquéreurs elle aurait notifié sa préemption aux deux acquéreurs et que de surcroit les consorts [G] ont été en mesure d'exercer leur droit de contester la décision de préemption.

V - Sur la demande de dommages et intérêts à l'encontre des consorts [G] :

Mme Veuve [J] demande à la cour de condamner les consorts [G], « sur le fondement de l'ancien article 1382 du Code civil », à lui payer « dont le préjudice est certain, la somme de 2.000 € à titre de dommages-intérêts » (sic).

N'exposant ni son préjudice, ni la faute, ni le lien de causalité et se contentant de procéder par voie d'affirmation, elle sera déboutée de sa demande.

VI - Sur les frais du procès :

Succombant à l'instance, Mme [V] [G] épouse [Z] et M. [L] [G] seront condamnés à en régler les entiers dépens, de première instance et d'appel en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

Si rien ne permet d'infirmer la décision de première instance, aucune considération d'équité ne commande en revanche de faire droit aux prétentions formulées par les parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile, qui en seront toutes déboutés.

PAR CES MOTIFS

La cour, par arrêt contradictoire, statuant en matière civile, rendu publiquement en dernier ressort,

- Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant,

- Condamne Mme [V] [G] épouse [Z] et M. [L] [G] aux dépens d'appel,

- Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

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