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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 4-6, 12 septembre 2025, n° 21/11974

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 21/11974

12 septembre 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6

ARRÊT AU FOND

DU 12 SEPTEMBRE 2025

N° 2025/243

N° RG 21/11974

N° Portalis DBVB-V-B7F-BH54C

[P] [ZX]- [SN]

C/

ASSOCIATION AIDE AUX MERES ET AUX FAMILLES A DOMICILE DU VAR (AMFD 83)

Copie exécutoire délivrée

le : 12/09/2025

à :

- Me Edouard BAFFERT, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Stéphanie JOURQUIN, avocat au barreau de NICE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON en date du 25 Juin 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 18/01317.

APPELANT

Monsieur [P] [ZX]-[SN], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Edouard BAFFERT de la SARL BAFFERT-MALY, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

ASSOCIATION AIDE AUX MERES ET AUX FAMILLES A DOMICILE DU VAR (AMFD 83), sise [Adresse 1]

représentée par Me Stéphanie JOURQUIN, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été appelée le 10 Juin 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Pascal MATHIS, Président de chambre

Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseiller

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Septembre 2025.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Septembre 2025

Signé par Monsieur Pascal MATHIS, Président de chambre et Mme Pascale ROCK, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

1. M. [P] [ZX]-[SN] a été embauché par l'association Aide aux mères et familles à domicile (ci-après dénommée AMFD) par contrat à durée indéterminée à compter du 29 novembre 2016 en qualité de directeur d'entité, cadre, catégorie H de la convention collective nationale de la branche de l'aide, de l'accompagnement, des soins et des services à domicile.

2. Le 13 novembre 2017, M. [ZX]-[SN] a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement fixé au 23 novembre 2017, auquel il ne s'est pas présenté. Le même jour, il a été placé en arrêt de travail. Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 6 décembre 2017, il a été licencié pour insuffisance professionnelle dans les termes suivants :

"Monsieur,

Suivant courrier en date du 15 novembre 2017, nous vous avons informé que nous envisagions de procéder à votre encontre à une éventuelle mesure de licenciement et vous avons convoqué, en vue de recueillir vos explications sur les faits qui vous sont reprochés, à un entretien préalable fixé jeudi 23 novembre 2017, entretien auquel vous n'avez pas jugé bon de vous rendre.

Dans ce contexte après une nouvelle analyse de votre dossier, nous vous notifions votre licenciement pour les raisons suivantes :

1. Vous avez été engagé au sein de notre association suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 9 novembre 2016, en qualité de Directeur d'entité (statut Cadre).

A ce titre, il était contractuellement prévu que vous auriez notamment en charge, par délégation de la Présidente, sans que cette liste revête un caractère limitatif ou exhaustif, les tâches et les fonctions suivantes :

- Manager une entité dans le cadre de la politique générale définie par les organes dirigeants.

- Participer à la définition de la stratégie de l'entité, l'appliquer, en diriger la mise en 'uvre et s'assurer de la réalisation des objectifs fixés

- Optimiser les ressources humaines et les moyens techniques et financiers

- Rendre compte de son action aux organes dirigeants

- Assurer par délégation la représentation extérieure de la structure

Une lettre de mission était notamment annexée à votre contrat de travail, prévoyant de manière précise vos domaines d'intervention.

Bien que vous nous ayez fait part de vos fonctions de directeur déjà occupées par le passé dans le secteur sanitaire et social, la Direction vous a laissé le temps nécessaire (12 mois) pour intégrer et exercer pleinement vos fonctions au sein de notre structure, au regard de la spécificité de notre secteur d'activité et de la politique de notre association.

Ainsi, votre contrat de travail qui prévoyait une période d'essai de 3 mois, commençant à courir le 29 novembre 2016 et se terminant le 28 février 2017, a été renouvelée pour une période de trois mois à compter du 1er mars 2017 jusqu'au 28 mai 2017.

Malgré la confiance accordée par la Direction, force est de constater que la qualité de votre travail n'est pas à la hauteur des exigences du poste de Directeur d'entité que nous vous avons confié.

2. Nous avons, à maintes reprises, attiré votre attention, sur les dysfonctionnements qui avaient pu être relevés dans l'exécution de vos tâches.

En dépit de nos remarques qui témoignent de la grande patience de la Direction, nous relevons des manquements qui participent d'une insuffisance professionnelle et d'une perte de confiance ne permettant plus la poursuite de notre collaboration.

1) Une incapacité à adopter les comportements / attitudes attendus dans une situation donnée :

Nous déplorons depuis votre entrée en fonctions, un manque notable de savoir-faire relationnel.

En votre qualité de directeur de l'entité, l'association attendait de votre part, un véritable "savoir-être", en d'autres termes, une capacité à produire des actions et des réactions adaptées à votre environnement de travail.

Malgré ce, nous déplorons que vous ayez tout au long de la relation contractuelle, adopté des comportements inadéquats avec le personnel sous votre subordination et avec vos fonctions de Directeur. Sans que cela revêt un caractère exhaustif, nous relevons :

Cas de Madame [D] :

Cette salariée engagée depuis 2007 au sein de notre structure (par ailleurs membre du CHSCT) vient comme beaucoup d'autres salariés, travailler en bus. La planification que vous avez établie ne permettait pas à cette salariée de rentrer chez elle le soir, en l'état de l'horaire de son dernier bus. C'est dans ces conditions que Madame [D] vous a fait part de ses difficultés pour se rendre auprès de l'une de nos bénéficiaires.

Votre réponse faite par mail à cette salariée le 18 août 2017 est particulièrement éloquente :

" Votre trajet aller et retour pour aller travailler et le moyen de transport n'ont pas à être pris en considération par l'employeur, que vous mettiez 10 min ou 1h, tant que nous respectons les obligations contractuelles et/ conventionnelles, il s'agit de votre travail (...) Je n'ai pas à aller voir si vous pouvez prendre un bus ou non ou encore moins de savoir si votre conjoint peut vous accompagner, il s'agit de votre propre organisation personnelle " (dixit).

En votre qualité de directeur, vous vous devez de prendre en considération les réclamations de nos salariés et leur proposer des planifications qui leur permettent en tout état de cause de rentrer chez elle à des horaires décents, fût-ce en réattribuant certaines tournées.

Le ton que vous employez vis-à-vis de cette salariée, présente depuis 10 ans dans nos services et qui a toujours fait son travail consciencieusement, n'est pas acceptable et en tout état de cause non-conforme au comportement que nous attendons de vous dans une telle situation.

Cas de Madame [Y] [H] :

Cette salariée a saisi le CHSCT, à la suite d'un incident qui s'est déroulé au sein des locaux de l'AMFD 83, le 15 juin 2017.

Celle-ci relate une altercation avec vous. Il ressort notamment du rapport du CHSCT que vous avez tenu à Mme [H] les propos suivants :

" Il vous faut quoi à vous ' Un bus pour gérer vos 3700 heures sur votre service ' Vous voulez que je vous attaque sur votre travail ' Je vais vous attaquer. " (Dixit)

Puis dans l'open space, en présence d'autres salariées présentes ce jour-là (Melle [I], [R], [A] et [V]), vous lui avez dit :

" Rentrez chez vous, allez-vous changer. Vous êtes responsable de secteur, agent de maîtrise, vous n'avez pas à vous habiller comme ça. "

Vous avez mis à la porte Madame [H], en lui indiquant que vous lui bloquiez les accès et qu'elle était mise à pied.

Cette salariée s'est sentie dénigrée par vos remarques déplacées à son égard.

Les membres du CHSCT ont relevé un manque de communication patent, qui engendre des conflits néfastes à une ambiance de travail.

Cet incident traduit une fois de plus, votre incapacité à gérer les situations conflictuelles. Votre attitude méprisante et vos propos déplacés envers Madame [H] ne sont pas acceptables et dignes de vos fonctions de directeur.

Depuis cette altercation, Madame [H] nous fait à nouveau part de votre ton déplacé à son égard lors de la réunion du 07 août 2017, et de sa surcharge de travail à la suite de vos planifications.

C'est dans ces conditions que Madame [H] a sollicité une rupture conventionnelle de son contrat de travail, ne supportant plus votre comportement envers elle.

Cas de Madame [O] :

Cette salariée a saisi le CHSCT, pour donner suite à l'entretien qu'elle a eu avec vous le 06 janvier 2017, à son retour de maladie, et les propos que vous lui avez tenus, à savoir, je cite :

" Qu'elle se mettait trop la pression ", qu'elle éteint son ordinateur à 16h58 (sous-entendu avant l'heure) qu'elle pouvait prendre le train suivant, que cela lui éviterait de se précipiter et de regarder où elle met les pieds et de tomber ! " (Cf. son accident de trajet du 12 janvier 2017).

Ici encore, de tels propos de la part de la Direction ne sont pas tolérables.

Cas de Madame [V] :

Cette salariée s'est rapprochée de moi, relativement à un avenant à son contrat de travail.

Vous lui avez indiqué que son contrat à durée déterminée prenant fin le 30 octobre 2017, il serait prolongé jusqu'à fin janvier et qu'elle devait vous ramener son contrat initial afin de le refaire avec les nouvelles dates '!

Une telle proposition est aberrante. Demander à notre salariée de ramener son contrat de travail, pour en modifier les dates s'analyse en une grave méconnaissance de la législation du travail et nous expose à de graves sanctions tant civiles que pénales.

Ceci est d'autant plus inacceptable que l'association bénéficie de l'assistance et des conseils d'un cabinet d'avocats spécialisé en la matière.

Si cela ne suffisait pas, il s'avère que vous avez finalement indiqué à cette salariée que vous aviez du mal comprendre (sous-entendu que la présidente était à l'origine du non-renouvellement de son contrat) et que son contrat ne serait pas modifié (dixit).

Nous vous rappelons pourtant qu'aux termes de la lettre de mission, annexée à votre contrat de travail et signée par vos soins, il est expressément prévu que vous avez en charge la gestion et l'animation des ressources humaines, et notamment les " procédures de recrutement, embauches, licenciements du personnel de l'établissement ", " contrôle de l'application de la législation du travail ".

Vous bénéficiez à ce titre d'une délégation de pouvoirs de la présidente en matière d'embauches (CDI comme CDD) et de signature de tous les actes et documents administratifs y afférents.

La gestion des ressources humaines vous était donc contractuellement dévolue et il n'appartient pas à la Présidente de suppléer à vos carences et réticences en ce sens.

Cas de Madame [CN] :

Cette salariée s'est rapprochée de la présidence, pour donner suite à sa demande de bénéficier d'une formation qualifiante.

Il s'avère que malgré ses demandes réitérées, vous ne lui avez fourni aucune réponse à ce sujet, arguant que cela n'était pas de votre ressort mais du mien !

Pourtant comme rappelé supra, aux termes de la lettre de mission, annexée à votre contrat de travail, il est expressément prévu que vous avez en charge la gestion et l'animation des ressources humaines, et notamment " l'organisation de la formation professionnelle des salariés de la structure ".

Le traitement de cette demande relevait donc parfaitement de vos attributions et votre absence de prise de position confirme une fois encore votre refus de vous investir pleinement dans votre rôle de directeur.

***

D'une manière générale, les salariés de l'association se plaignent d'une absence de communication avec leur Directeur, qui " ne répond pas aux mails, fuit ses salariés et ne les considère pas " (dixit).

L'ensemble de ces éléments marque votre incapacité à adopter une conduite appropriée pour manager les équipes et une absence notoire de savoir-faire relationnel.

Nous déplorons que dans chacune des situations ainsi visées, vous ayez été incapable de trouver la conduite appropriée pour faire face aux réclamations du personnel.

2) Une incapacité à remplir vos fonctions et à prendre des responsabilités en adéquation avec votre statut :

Nous constatons des erreurs particulièrement graves et récurrentes dans l'exercice de vos fonctions et un manque évident de savoir-faire, fortement préjudiciable à notre structure :

De nombreuses carences en termes de législation du travail :

Sans que cela revêt un caractère exhaustif, nous relevons ici :

- Cas de Mesdames [ON] & [MX] (stagiaires) :

Madame [ON] et [MX] sont stagiaires TISF au sein de l'AMFD 83.

Madame [ON] est engagée à raison de 120h/mois et Madame [MX] à raison de 138h67/ mois. Malgré ce, il apparaît que ces stagiaires effectuent un temps complet au sein de notre association.

La tutrice de Madame [ON] (Mme [KE]) a attiré votre attention sur ce point et a refusé de signer les temps de présence de sa stagiaire sur un temps plein.

Vous avez alors délibérément signé et transmis des feuilles de présence à 35h / semaine. Vous n'êtes pas sans ignorer les risques en termes de requalification de contrats que vos pratiques font encourir à notre association.

La présidente vous a pourtant, à plusieurs reprises, demandé d'établir des avenants aux contrats de travail de ces stagiaires sur la base d'un temps complet, en vain.

Plus grave, en ce qui concerne Madame [ON], vous lui avez téléphoné pour que celle-ci se rende chez un bénéficiaire, le dimanche 09 juillet, alors même que celle-ci est stagiaire et ne peut donc intervenir dans le cadre d'astreinte le dimanche. D'autres salariés auraient dû effectuer cette intervention.

De telles pratiques démontrent de graves carences dans la gestion de fondamentaux propres à la législation du travail et ne peuvent en l'état être acceptées.

- Erreur de paie de Madame [DX] :

Les dispositions conventionnelles applicables à notre activité prévoient que les salariés ont droit à 3 jours ouvrés de congés, sans condition d'ancienneté, pour des évènements, tels que le décès d'un proche.

Malgré ce, en transmettant les variables de paie du mois de juin 2017 de cette salariée, il apparaît que non seulement vous n'avez pas pris connaissance des dispositions conventionnelles applicables à notre activité, marquant une fois de plus votre méconnaissance de la législation du travail et votre absence d'implication dans l'activité de notre association.

- Erreur dans l'établissement des soldes de tout compte de salariés :

- Le solde de tout compte de Madame [V] faisait état d'une prime de précarité, calculée par vos soins et dont le montant est erroné (444,09 € bruts, alors que la salariée aurait dû percevoir une indemnité d'un montant de 786,51 € bruts). Vous avez purement et simplement éludé les rémunérations perçues au titre de son 1er contrat du 20/04/2017 au 31/05/2017, alors qu'elle n'avait perçu aucune prime au titre de ce premier contrat. De même, le solde des rémunérations perçues au titre de son second contrat est lui aussi erroné. Une régularisation a dû être effectuée auprès de cette salariée.

- Le solde de tout compte de Madame [SV] était également erroné. De votre chef, vous avez décidé de ne pas effectuer le maintien de salaire des salariés en maladie. La note d'information de l'organisme AG2R en date du 27 octobre 2017 fait bien mention d'une indemnité incapacité temporaire de travail en NET. Malgré ce, vous avez versé au titre du solde de tout compte de cette salariée, une indemnité prévoyance en brut.

- Le solde de tout compte de Madame [G] était également erroné. Une fois de plus, une méconnaissance de votre part des dispositions conventionnelles en vigueur et du principe de la modulation doit être relevée. Vous avez ainsi compensé le compteur de modulation négatif avec le solde des congés payés, en totale contravention avec les dispositions légales et conventionnelles applicables.

Dans chacun de ces cas, vous n'avez pas jugé bon de vous appuyer sur notre cabinet conseil, ce qui aurait permis de prévenir de tels dysfonctionnements grossiers.

- Une grave méconnaissance des règles régissant les contrats à durée déterminée :

- Alors que la Présidente vous avait demandé d'établir les avenants au CDD de Mademoiselle [R], de nombreuses erreurs sont à déplorer.

Vous établissez le même jour (le 29/09/2017), deux avenants comportant des termes précis différents, l'un au 31/10/2017, l'autre au 31/12/2017 '

Aucun de ces avenants, ne fait mention du nom et de la qualification de la personne remplacée, faisant ici encore encourir à notre association, un risque de requalification en CDI. Finalement, le 16 octobre 2017, en dehors de toute logique et avant même l'arrivée du terme du 1er CDD, vous faites signer à notre salariée un nouveau CDD pour accroissement temporaire d'activité!

- Le 19 octobre 2017, avec plus de 6 jours de retard, vous faites signer à Mademoiselle [WX], un avenant de renouvellement de son CDD à compter du 13 octobre 2017.

Dans le même ordre d'idée, vous faites signer à Madame [OV], un CDD de remplacement à terme précis, sans faire mention d'une date précise de fin, ni le cas échéant d'une période minimale'

Votre propension à méconnaître les fondamentaux de la législation du travail et à ne pas vous appuyer sur notre cabinet conseil (ne serait-ce que pour valider telle ou telle pratique) est particulièrement patente voire inquiétante, a fortiori pour une structure comme la nôtre qui a régulièrement recours aux contrats à durée déterminée. Les risques de requalification encourus à la suite de vos négligences et carences sont particulièrement importants et ne sauraient être admis plus avant.

- Non-paiement des frais kilométriques de Mme [T]

Vous avez établi une note d'information relativement aux notes de frais du personnel, le 05 juillet 2017, avec obligation de remplir une note de frais pour les kilomètres excédant 30.

Madame [T] a ainsi rempli une note de frais détaillée pour le mois de septembre 2017, conformément à votre note, pour un montant de 127,54 €.

Malgré ce, vous avez ordonné un virement sur sa fiche de paie du mois de septembre, d'un remboursement d'un montant de seulement 9,03 €.

Notre assistante de direction a été contrainte de transférer la demande (par ailleurs pleinement justifiée) de notre salariée à notre service comptable, pour régularisation.

- Non application du maintien de salaire obligatoire pour les salariés

Aux termes du Titre VII, portant garanties sociales, de la convention collective applicable à notre activité, tout salarié ayant au moins 6 mois d'ancienneté, quel que soit le nombre d'heures de travail effectué par mois, a droit à un maintien de salaire en cas d'arrêt de travail.

Malgré ce, vous ne procédez pas à ce maintien de salaire au profit de nos salariés en maladie (Mme [S], Mme [U], Mme [CN], Mme [IV]), les mettant pour certaines d'entre elles, dans d'importantes difficultés financières.

- Des régularisations de plannings préjudiciables à l'association

L'ASSOCIATION AMFD 83 devait régulariser les heures de certaines salariées.

Vous avez décidé de régulariser ces heures sur les plannings de travail des salariées, le samedi, (jour qui n'est jamais travaillé au sein de l'association !) en y annotant des " réunions de travail" factices, pire des interventions inexistantes chez des bénéficiaires.

Ces plannings ont été remis à nos salariées (Mme [E] et Mme [IN] notamment).

Nous ne pouvons que déplorer de telles pratiques, que les salariées pourraient utiliser contre l'association pour revendiquer des rappels d'heures supplémentaires ou autre et des indemnités pour travail dissimulé.

- Des erreurs dans les saisies de prise en charge au sein du logiciel LANCELOT :

Vous avez retiré les accès au logiciel module " Lancelot " aux assistantes de planification, afin que celles-ci ne fassent plus d'erreurs lors des saisies de prises en charge (incidence en termes de facturation pour l'association).

Seules Mmes [H], M [F] et vous-même aviez accès à cette procédure de saisie.

Le 11 août 2017, Mademoiselle M [F] ne travaillant pas l'après-midi, vous a transmis trois dossiers de prises en charge.

Or, en rentrant ces prises en charge, vous avez commis des erreurs de tarification (Mme [BE]). La prise en charge a ainsi été rentrée en tarif TISF (tarif horaire de 38,15 €/ heure) en lieu et place du tarif AVS (tarif horaire de 22,44 € / heure). Idem pour les barèmes des participations familiales qui ne sont pas appliqués correctement (Mme [N]). Des erreurs dans le nom des bénéficiaires de dossiers CNMSS sont également à déplorer (M. [X]).

Il est pour le moins contradictoire de retirer des accès aux assistantes de planification s pour limiter les erreurs de facturation, si vous-même, vous commettez des erreurs en ce sens'

Manque de confidentialité dans les procédures

Vous établissez des actes sur la base d'anciennes procédures, par le biais de copier/coller, en omettant de modifier les noms sur les fichiers. Madame [NE] nous a alertés en ce sens. Les salariés sont ainsi au courant des ruptures conventionnelles intervenues au sein de l'association, en l'absence de toute confidentialité.

Une gestion financière inappropriée :

Depuis votre entrée en fonctions, un nombre anormalement élevé de chèques de bénéficiaires disparus a pu être constaté. En charge de la gestion budgétaire, financière et comptable de l'association et au vu de la délégation de pouvoirs dont vous êtes titulaire en la matière, il était de votre ressort, comme vous le reconnaissez par ailleurs dans nos échanges de mails, de sécuriser les processus de paiement au sein de l'association. Tel n'est pas le cas en l'espèce.

***

Votre incapacité à assumer correctement les fonctions qui vous ont été confiées, à gérer vos fonctions en leader et à vous comporter de manière appropriée au regard de l'emploi que vous occupez, ne nous permet pas de maintenir la confiance de nos équipes.

Votre difficulté à maîtriser les fondamentaux de la législation du travail conduit dans votre gestion à des prises de décision dangereuses en termes de responsabilité de l'association.

L'ensemble de ces manquements participent d'une insuffisance professionnelle et d'une perte de confiance ne permettant plus la poursuite de notre collaboration."

3. M. [ZX]-[SN] a saisi, par requête réceptionnée au greffe le 5 décembre 2018, le conseil de prud'hommes de Toulon pour contester la cause réelle et sérieuse de son licenciement et solliciter diverses sommes à caractère indemnitaire et salarial.

4. Par jugement du 25 juin 2021 notifié le 1er juillet 2021, le conseil de prud'hommes de Toulon, section encadrement, a ainsi statué :

- dit que le travail dissimulé, travail précédant la date d'embauche du 29 novembre 2016 est soumis à la prescription biennale ;

- dit que le licenciement de M. [ZX]-[SN] pour cause réelle et sérieuse, est fondé et justifié ;

- dit que le maintien de salaire pour cause d'accident n'est pas applicable à l'arrêt de travail de M. [ZX]-[SN] ;

- déboute en conséquence M. [ZX]-[SN] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

- déboute les parties de toutes leurs autres demandes.

5. Par déclaration du 4 août 2021 notifiée par voie électronique, M. [ZX]-[SN] a interjeté appel de ce jugement.

6. Dans ses dernières conclusions notifiées au greffe par voie électronique le 5 mai 2025 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, M. [ZX]-[SN], appelant, demande à la cour de :

- réformer la décision du conseil de prud'hommes de Toulon en date du 25 juin 2021 en ce qu'elle a :

- dit que le travail dissimulé précédant la date d'embauche du 29 novembre 2016 est soumis à la prescription biennale ;

- dit que le licenciement de M. [ZX]-[SN] pour cause réelle et sérieuse est fondé et justifié ;

- dit que le maintien de salaire pour cause d'accident n'est pas applicable à l'arrêt de travail de M. [ZX]-[SN] ;

- débouté M. [ZX]-[SN] de ses demandes et notamment de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

et, statuant à nouveau,

- condamner AMFD au paiement de 26 605,43 euros au titre du travail dissimulé ;

- condamner AMFD au paiement d'une indemnité de 8 868,48 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner AMFD au paiement de 1 496,15 euros au titre du maintien du salaire suite à un accident de travail ;

- condamner AMFD au paiement de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

7. Dans ses dernières écritures transmises au greffe par voie électronique le 7 mai 2025 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, l'association AMFD, intimée, demande à la cour de :

- la recevoir en ses moyens et y faisant droit ;

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Toulon le 25 juin 2021 en ce qu'il a dit et jugé que :

- le travail dissimulé précédant la date d'embauche du 29 novembre 2016 était soumis à la prescription biennale ;

- le licenciement pour cause réelle et sérieuse de M. [ZX]-[SN] était fondé et justifié et l'a débouté de toutes ses demandes ;

- dire et juger qu'aucun acte de travail dissimulé ne peut être opposé à l'AMFD 83 ;

- dire et juger que la demande de M. [ZX]-[SN] en paiement d'une indemnité au titre d'un soi-disant travail dissimulé est prescrite et en tout état de cause irrecevable ;

- dire et juger que le licenciement pour insuffisance professionnelle de M. [ZX]-[SN] est parfaitement justifié ;

- et par conséquent, débouter M. [ZX]-[SN] de sa demande de paiement d'une indemnité pour travail dissimulé (26 605,43 euros) ;

- débouter M. [ZX]-[SN] de sa demande de dommages et intérêts au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse (8 868,48 euros) ;

- dans tous les cas, débouter M. [ZX]-[SN] de sa demande en maintien de salaire au titre de son accident de trajet du 13 novembre 2017 (1 496,15 euros brut) ;

- rejeter des débats la pièce adverse n°42 dont l'intitulé n'a aucun lien avec le contenu du document produit aux débats ;

- débouter M. [ZX]-[SN] de sa demande en condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

- condamner M. [ZX]-[SN] à lui payer la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance ;

- dire que dans l'hypothèse où à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans le jugement à intervenir, l'exécution forcée devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier, le montant des sommes retenues par l'huissier par application de l'article 10 du décret du 08 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1966 (numéro 96/1080 - tarif des huissiers), devront être supportées par le débiteur en sus de l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

8. Une ordonnance de clôture est intervenue le 9 mai 2025, renvoyant la cause et les parties à l'audience des plaidoiries du 10 juin suivant.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de rejet de la pièce n° 42 produite par l'appelant :

Moyens des parties :

9. L'association AMFD sollicite le rejet de la pièce n° 42 produite par l'appelant intitulée dans le bordereau de pièces de l'appelant "7 novembre 2016 - Mr [SN] à Mme [L]', n'ayant aucun lien avec cet intitulé.

10. M. [ZX]-[SN] ne répond pas sur ce point.

Réponse de la cour :

11. Selon l'article 16 du code de procédure civile, le juge ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.

12. Après vérifications, la pièce n° 42 communiquée en version numérique n'est pas lisible. Elle doit être donc écartée des débats, celle-ci n'ayant pu être débattue dans le cadre de l'instance.

Sur la date de début de la relation de travail :

Moyens des parties :

12. M. [ZX]-[SN] expose que l'association AMFD l'a employé au cours des mois d'octobre et novembre 2016 en omettant sciemment de procéder à sa déclaration et en n'établissant pas de bulletins de salaire.

13. L'association AMFD observe d'abord que le salarié évoquait dans ses écritures de première instance un travail non déclaré en septembre et octobre 2016. Elle souligne ensuite que c'est M. [ZX]-[SN] qui a, avant sa prise de fonctions, sollicité expressément l'autorisation de la Présidente de l'association pour se rendre au sein des locaux de l'AMFD83 durant quelques demi-journées pour découvrir son nouvel environnement de travail et mieux appréhender le mode de fonctionnement de l'association et de ses équipes.

Réponse de la cour :

14. Le contrat de travail suppose l'existence d'une prestation de travail en contrepartie d'une rémunération, exécutée sous un lien de subordination, caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité de l'employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. (Soc., 21 septembre 2017, n° 16-20.104).

15. L'existence d'une relation de travail salarié ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention ni de l'existence de bulletins de paye, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée la prestation de travail.

16. C'est à la personne qui entend se prévaloir de l'existence d'un contrat de travail, d'en rapporter la preuve.

17. M. [ZX]-[SN], qui soutient avoir travaillé pour l'association dès octobre 2016, verse aux débats les pièces suivantes :

- un courriel du 2 novembre 2016 (9h36) de Mme [B]-[Z] [L], présidente de l'association, à M. [ZX]-[SN] : "Bonjour [P], Merci de prendre connaissance des recommandations de l'avocat et de m adresser un e-mail pour conforter votre présence dans les locaux jusqu'au 28 novembre bonne journée extrait du message de Me DELCOURT. Madame Il conviendrait que votre structure soit extrêmement prudente sur cet état de fait, dès lors que le bénévolat en droit du travail fait mauvais ménage avec emploi dissimulé. En d'autres termes, si un contrôle (URSSAF, DIRECCTE ...) était opéré sur simple dénonciation (par exemple : Mme [VN] avec l'aide d'une taupe en interne), cette situation pourrait déboucher sur des terrains judiciaires aussi variées que le Droit Pénal et le Droit de la sécurité sociale (redressement Urssaf). A tout le moins et en ce sens, votre futur Directeur pourrait exprimer sa volonté par courrier ou un email adressé à votre égard et sollicitant de votre bienveillance votre autorisation pour qu'il soit procédé de sa part à certaines démarches purement préparatoires. Ce type de courrier ne constitue pas une garantie mais permettrait d'instaurer un état d'esprit expliquant une présence";

- un courriel du 7 novembre 2016 de M. [ZX]-[SN] à Mme [L] indiquant : "Bonsoir [B], Nous sommes ([K], [EE] et moi-même) restés jusqu'à 19h passé au bureau pour travailler. J'ai eu [C] concernant Mme [UE] [RL] et son problème de salaire. Je vous expliquerai jeudi. Je ne suis pas disponible demain pour passer au bureau mais nous avons échangé nos portables perso au cas où, notamment pour la déclaration des charges demain après-midi. (')";

- un courriel du 8 novembre 2016 de Mme [B]-[Z] [L] à M. [ZX]-[SN] : "Bonsoir [P], Merci pour ce gentil message. Quand j'ai accepté le poste de présidente, J'ai précisé que je souhaitais m'entourer de personnes "neutres" (n'ayant pas un vécu au sein de l'AMFD83) et compétentes, afin d'être le plus efficace dans la reprise de cette Association. L'arrivée de [EE] a donné un second souffle, mais c'est bien votre implication et votre professionnalisme depuis début novembre qui me permet de mener plusieurs choses importantes en même temps! J'apprécie d'avoir (bientôt officiellement) un Directeur qui a la même vision que moi, et je me sens moins seule pour relever ce challenge. Si je suis capable de prendre et d'assumer rapidement les décisions dues à ma fonction, J'ai besoin d'avoir une équipe professionnelle, fiable dirigée par un Directeur en qui j'ai confiance. Je pense que ces derniers jours, nous a prouvé à tous les deux, que malgré les conditions, notre envie de sauver cette association était la même. Cordialement";

- un courriel du 3 novembre 2016 de Mme M [F], assistante de direction, à Mme [CV] de la CAF de [Localité 3], avec Mme [L] en copie, et la réponse de Mme [CV], aucun des deux courriels ne mentionnant M. [ZX]-[SN] ;

- un courriel du 10 novembre 2016 (18h42) de Mme M [F], assistante de direction, à M. [ZX]-[SN] : "Bsr, J'ai retrouvé un devis que Mme [GX] avait fait pour un projet d'infogérance avec Apologic. Vous le trouverez en pièce jointe. Cordialement" et la réponse de M. [ZX]-[SN] : "Bsr, Merci [K]! Bonne soirée.";

- un courriel du 11 novembre 2016 (9h56) de Mme [B]-[Z] [L] demandant à Mme [RE] [SV] d'imprimer un message joint à destination des collaborateurs ;

- un courriel du 11 novembre 2016 (9h59) de Mme [L] adressant le même message à M. [ZX]-[SN] ;

- un courriel du 13 novembre 2016 (14h53) émanant de Mme [L], ayant pour objet : " Fwd : note d'information du 4/11/2016 ", adressé à M. [W] et Mme [J] avec M. [ZX]-[SN] en copie. Mme [L] mentionne : "Certes, j'attends avec impatience l'arrivée de [P] [SN] avec impatience, car cela va nous permettre de mettre en place plus rapidement les correctifs qui s'imposent " ;

- un courriel du 13 novembre 2016 (17h20) de réponse de Mme [J] adressé à Mme [L] et M. [W], avec M. [ZX]-[SN] ;

- un courriel du 13 novembre 2016 (19h20) de M. [ZX]-[SN] à Mme [B]-[Z] [L], ayant toujours pour objet : "Fwd : note d'information du 4/11/2016 ", rédigé dans ces termes : " Bonsoir [B], J'ai pris note de votre email de vendredi et de la note, je suis totalement d'accord avec vous. Pour celui d'aujourd'hui, comme l'évoque [M], il fallait s'y attendre. Tenez bon!

Je ne pourrai pas venir demain au bureau mais si vous avez besoin, je suis joignable. Bonne soirée à vous.

[P] [ZX] [SN]." ;

- un courriel du 13 novembre 2016 (19h45) de Mme [B]-[Z] [L] à M. [ZX]-[SN] : "Bonsoir [P] Nous allons devoir être beaucoup plus exigeant quitte à prendre des sanctions exemplaires si besoin. Aucun souci pour demain. moi je vais tout faire pour exiger le chèque de l'UDAF.. J'essayerais de vous appeler le soir pour vous raconter ce que j'ai obtenu aussi bien le matin qu'à l UDAF, Bonne soirée Cordialement" ;

- un courriel du 25 novembre 2016 (15h45) de Mme M [F] à M [HE] de "Neptis", avec M. [ZX]-[SN] en copie, rédigé en ces termes : "Bonjour M. [HE], Suite à la conversation téléphonique que vous avez eu avec M. [SN] ce matin. Vous devez nous renvoyer un devis. Je vous demanderai de bien vouloir renvoyer ce devis à l'adresse mail de M. [SN] (que vous trouverez en copie) : (') Je vous remercie par avance. Bien cordialement." ;

- la réponse de M [HE] de "Neptis" le 25 novembre 2016 à 17h42 envoyée à M. [ZX]-[SN] mais s'adressant dans le corps du message à Mme M [F] : "Mme [K] [FN], Vous trouverez ci-joint notre proposition commerciale faisant suite à notre entretien. Je reste à votre disposition pour tout complément d'information. Cordialement" ;

- un courriel du 23 novembre 2016 de Mme [L] adressant le même message à M. [ZX]-[SN], rédigé dans ces termes : "Bonjour [P] Merci pour Tb que je vais prendre le temps de étudier. Je viens d être sollicite par [JX] [IN]. Merci de prendre connaissance de ce message. Il est impératif que cette salariée ait la possibilité de venir voter. Comme il s'agit d'une collaboratrice très procédurière je n'aimerai pas avoir les élections annulées. A plus tard dans la journée".

18. L'association explique que le salarié a proposé à la présidente de l'association le 2 novembre 2016 d'effectuer quelques demi-journées à titre bénévole en novembre avant sa prise de poste prévue à la fin du mois.

19. Elle communique pour en justifier :

- le courriel du 2 novembre 2016 (12h21) de M. [ZX]-[SN] :

" Madame La Présidente de l'association AMFD83,

Mme [B]-[Z] [L],

Je sollicite votre bienveillance, suite à notre dernier entretien, pour vous demander l'autorisation, de manière bénévole, à venir dans les locaux de l'AMFD83, afin d'éclaircir les problématiques actuelles et vous aider à passer le cap difficile que vous rencontrez actuellement. Je peux me rendre disponible quelques demies-journées par semaine durant le mois de novembre";

- et la réponse du 3 novembre 2016 de la présidente de l'association : "Bonjour Monsieur [SN], Suite à votre demande je vous donne mon accord et vous remercie d'avance pour l'aide que vous proposez. Cordialement" ;

- un certificat de travail de la Mutualité Française indiquant que M. [ZX]-[SN] a occupé un poste de directeur dans le cadre d'un CDI du 17/08/2015 au 28/11/2016, soit la veille de l'embauche au sein de l'association AMFD ;

- la page de M. [ZX]-[SN] sur le site LinkedIn mentionnant un emploi au sein de l'AMFD83, à savoir de novembre 2016 à février 2018.

20. En l'état de ces éléments, la cour constate d'abord l'absence de toute activité de M. [ZX]-[SN] au profit de l'association AMFD au cours du mois d'octobre 2016.

21. S'agissant du mois de novembre 2016, il ressort que la présidente de l'association et M. [ZX]-[SN] se sont entendus pour que ce dernier commence à travailler avant la date prévue au contrat de travail ; que la présidente, consciente des risques en termes de travail dissimulé, a interrogé son conseil qui l'a mise en garde et préconisé que M. [ZX]-[SN] sollicite par écrit l'autorisation de procéder à des "démarches purement préparatoires" ; qu'elle a ainsi demandé à M. [ZX]-[SN] de lui adresser un courriel "pour conforter" sa "présence dans les locaux jusqu'au 28 novembre". Il résulte ensuite des messages communiqués que M. [ZX]-[SN] a été impliqué dès le début du mois de novembre 2016 dans la gestion de l'association et s'est rendu à plusieurs reprises sur le lieu de travail en accord et sous l'autorité de la présidente de l'association. Il est donc démontré que la relation de travail a débuté le 3 novembre 2016 et non le 29 novembre 2016.

Sur la demande d'indemnité pour travail dissimulé :

Sur la prescription :

Moyens des parties :

22. L'association AMFD soulève l'irrecevabilité de la demande. Elle explique que l'action en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé se prescrit par deux ans à compter de la date de connaissance des faits en application de l'article L. 1471-1 du code du travail, soit à compter du mois de septembre 2016. Elle considère dès lors que la prescription était acquise lors de la saisine du conseil de prud'hommes le 5 décembre 2018.

23. M. [ZX]-[SN] oppose que la prescription applicable est de douze mois à compter de la rupture du contrat de travail, soit à compter du 6 décembre 2017, et qu'en conséquence, au moment de la saisine du conseil de prud'hommes le 30 novembre 2018, le délai n'était pas écoulé.

Réponse de la cour :

24. Aux termes de l'article L. 8223-1 du code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

25. Selon l'article L. 1471-1, alinéa 1er, du code du travail, toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

26. La durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, l'action en paiement d'une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, qui naît lors de la rupture du contrat en raison de l'inexécution par l'employeur de ses obligations, est soumise à la prescription biennale de l'article L. 1471-1, alinéa 1er, du code du travail. (Soc., 4 septembre 2024, n° 22-22.860)

27. En l'espèce, le contrat de travail a été rompu le 6 décembre 2017 et le salarié a saisi la juridiction le 5 décembre 2018, soit dans le délai biennal suivant la rupture du contrat de travail. La demande est en conséquence recevable.

Sur le fond :

28. La dissimulation d'emploi salarié prévue à l'article L. 8221-5 du code du travail n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, omis d'accomplir la formalité relative à la déclaration préalable à l'embauche ou de déclarer l'intégralité des heures travaillées.

29. L'article L. 8223-1 du même code, dans sa version applicable, prévoit qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié concerné par le travail dissimulé a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

30. Il résulte des développements précédents qu'il est établi que la relation de travail salariée de M. [ZX]-[SN] a débuté le 3 novembre 2016. En conséquence, l'appelant caractérisant l'existence d'un travail salarié en dehors de tout contrat de travail et une dissimulation de la part de l'employeur, l'employeur sera condamné au paiement de 26.605,43 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé.

Sur le maintien de salaire suite à un accident du travail :

Moyens des parties :

31. M. [ZX]-[SN] reproche à l'employeur de ne pas avoir maintenu son salaire suite à une rechute d'un accident du travail du 22 août 2017 en violation des dispositions de l'article 41 (anciennement article 32) de la convention collective. Il explique qu'à la date de l'accident, il avait plus de huit mois d'ancienneté et devait donc bénéficier de l'indemnisation complémentaire de l'employeur, dans les conditions fixées par la convention collective de la branche de l'aide à domicile.

32. L'association AMFD répond qu'au jour de son accident de trajet, le 13 novembre 2017, M. [ZX]-[SN] ne remplissait pas la condition d'ancienneté d'un an pour être éligible au maintien de salaire. Elle ajoute qu'il n'a pas justifié de sa prise en charge par la sécurité sociale ni transmis ses relevés d'indemnités journalières, permettant le cas échéant de calculer le maintien de salaire.

Réponse de la cour :

33. L'article 1er du titre VII de la convention collective dispose que "conformément aux dispositions légales et notamment l'article L. 1226-1 du code du travail, la garantie maintien de salaire est à la charge de l'employeur.

L'employeur doit verser à échéance mensuelle le montant des indemnités journalières complémentaires au titre de la garantie maintien de salaire à sa charge. Pour cela, le salarié doit lui remettre le relevé de prestations de sécurité sociale dans les 3 mois suivant le mois concerné. À défaut l'employeur est en droit de suspendre le versement des prestations de maintien de salaire sauf pour les salariés n'étant pas éligibles aux indemnités journalières de la sécurité sociale

1.1. Personnel concerné

Tout salarié ayant au moins 6 mois d'ancienneté, quel que soit le nombre d'heures de travail effectué par mois.

1.2. Définition de la garantie

En cas d'arrêt de travail consécutif à une maladie ou un accident professionnel ou non, pris ou non en compte par la sécurité sociale, les salariés ont droit au maintien de salaire dans les conditions suivantes:

1.3. Délai de carence

- 3 jours en maladie ou accident de la vie courante ;

- 0 jour en accident du travail ou maladie professionnelle.

1.4. Montant des prestations

Le montant du maintien de salaire, y compris les prestations brutes de sécurité sociale (réelles ou reconstituées de manière théorique pour les salariés n'ouvrant pas droit aux prestations en espèces de la sécurité sociale car effectuant moins de 200 heures par trimestre ou n'ayant pas suffisamment cotisé) et l'éventuel salaire à temps partiel, s'élève à 90 % du salaire brut. En aucun cas, le salarié ne peut percevoir plus de 100 % de son salaire net mensuel.

La garantie " maintien de salaire " comprend également le remboursement des charges sociales patronales, évaluées forfaitairement à 16 % des prestations versées.

1.5. Salaire de référence

Le calcul des prestations se fait sur le salaire brut moyen tranches A et B soumis à cotisations et perçu au cours des 12 derniers mois précédant l'arrêt de travail.

Lorsque la période de 12 mois est incomplète, le salaire de référence est reconstitué sur la base du salaire brut moyen (tranches A et B) du ou des derniers mois civils d'activité ayant donné lieu à cotisations, y compris les éventuels éléments variables de rémunération.

1.6. Durée de la garantie (1)

Pour les salariés ayant moins de 20 ans d'ancienneté, les prestations sont versées pendant 60 jours maximum d'arrêt de travail décomptés par années mobiles (12 mois consécutifs).

Pour les salariés ayant au moins 20 ans d'ancienneté, les prestations sont versées pendant 90 jours maximum d'arrêt de travail décomptés par années mobiles (12 mois consécutifs). "

34. La cour retient que faute pour le salarié d'indiquer les sommes qu'il a reçues au titre des indemnités journalières de sécurité sociale, il n'apparaît pas que l'employeur ait omis de lui verser la somme de 1.496,15 euros au titre du maintien de salaire. En conséquence, le salarié sera débouté de ce chef de demande.

Sur la rupture du contrat de travail :

Sur le licenciement verbal :

Moyens des parties :

35. M. [ZX]-[SN] fait valoir que l'association AMFD a procédé de fait à son licenciement en lui a demandant de restituer le jour de la convocation à l'entretien préalable l'ensemble de ses outils professionnels et en supprimant l'intégralité de ses accès.

36. L'employeur souligne que le salarié a été dispensé de toute activité professionnelle (avec maintien intégral de sa rémunération), pendant la durée de la procédure ; que placé en arrêt de travail le 13 novembre 2016, il s'est cependant rendu à l'association. L'employeur souligne qu'il pouvait parfaitement retirer au salarié durant la procédure de licenciement et la période de préavis non exécuté les outils utilisés exclusivement à des fins professionnelles dans le cadre de l'exercice de ses fonctions.

Réponse de la cour :

37. En application de l'article L. 1232-6 du code du travail, l'employeur est tenu d'énoncer les motifs du licenciement dans la lettre le notifiant au salarié. A défaut, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse (Soc., 24 juin 2009, n° 08-40.607).

38. Le licenciement verbal est donc nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse (Soc., 22 mai 2001, n° 99-40.486) et le fait pour l'employeur de convoquer par la suite le salarié à un entretien préalable ou de lui notifier son licenciement ne régularise pas la rupture du contrat de travail qui reste sans cause réelle et sérieuse (Soc., 17 février 2004, n° 01-45.659 ; Soc., 9 novembre 2005, n° 03-45.553).

39. La rupture du contrat de travail par l'employeur est caractérisée lorsque ce dernier a manifesté sa décision irrévocable de mettre fin au contrat de travail. Dès lors que cette manifestation intervient avant l'envoi de la lettre prévue par l'article L. 1232-6 (Soc., 6 mai 2009, n° 08-40.395, Bull., n° 123 ; Soc., 28 septembre 2022, n° 21-15.605), le licenciement est nécessairement sans cause réelle et sérieuse.

40. Il appartient à celui qui se prétend licencié verbalement d'établir l'existence de ce licenciement. (Soc., 16 juin 2009, n° 08-42.717)

41. En l'espèce, M. [ZX]-[SN] verse aux débats un procès-verbal de constat du 16 novembre 2017 établi par Me [LN], huissier de justice, qui constate que le 16 novembre 2016 le salarié ne peut plus se connecter depuis son domicile à sa session professionnelle à partir de son ordinateur professionnel, ni accéder à sa messagerie professionnelle à partir de son portable.

42. Il est noté que le contrat de travail précise que : "Ainsi, Monsieur [ZX]-[SN] e pourra accéder à distance à ses mails professionnels en dehors de ses horaires de travail et durant le week-end.

Il s'interdit tout envoi de courriels et émission d'appels téléphoniques au cours de ces périodes de repos.

De même, l'ordinateur portable mis à sa disposition par l'ASSOCIATION AMFD 83 ne pourra être utilisé que durant ses heures de travail et Monsieur [ZX]-[SN] s'interdit de l'emporter à son domicile le soir et le week-end."

43. Ainsi, le salarié reproche à son employeur de ne pas avoir pu se connecter à sa session de travail et à sa messagerie à compter du 16 novembre 2017 en dehors de son lieu de travail (et notamment depuis son domicile) et en dehors des horaires de travail (celui-ci étant en arrêt de travail), ce qui est pourtant prohibé par le contrat de travail. Il n'est pas justifié en l'état de ces seuls éléments intervenant après l'engagement de la procédure de licenciement que l'employeur ait manifesté sa décision irrévocable de rompre le contrat de travail. Ce moyen à l'appui du licenciement sans cause réelle et sérieuse est donc rejeté.

Sur le bien-fondé du licenciement :

44. Il résulte des articles L.1232-1 et L 1232-6 du code du travail que le licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse et résulte d'une lettre de licenciement qui en énonce les motifs.

45. En vertu de son pouvoir de direction, l'employeur peut décider de licencier un salarié, selon les règles de droit commun, pour des faits relevant d'une insuffisance professionnelle.

46. L'insuffisance professionnelle et l'insuffisance de résultats, sans présenter un caractère fautif, traduisent l'inaptitude du salarié à exercer de façon satisfaisante, conformément aux prévisions contractuelles, les fonctions qui lui ont été confiées et les objectifs qui lui ont été fixés ; que si l'employeur est juge des aptitudes professionnelles de son salarié et de son adaptation à l'emploi et si l'insuffisance professionnelle et l'insuffisance de résultats subséquente peuvent constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, elles doivent être caractérisées par des faits objectifs et matériellement vérifiables.

47. Les résultats insuffisants du salarié ne sont toutefois pas une cause réelle et sérieuse de licenciement lorsqu'ils sont imputables à une conjoncture étrangère à l'activité du salarié ou à la politique commerciale de l'employeur ou encore aux difficultés économiques du secteur d'activité concerné.

48. En cas de litige reposant sur un licenciement notifié pour cause réelle et sérieuse en raison d'un motif personnel, telle que l'insuffisance professionnelle, les limites en sont fixées par la lettre de licenciement ; le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

49. En l'espèce, l'employeur justifie de plaintes de plusieurs salariées en lien avec un problème de communication du directeur (réponse inappropriée, propos quelque peu dévalorisants, absence de réponse à des demandes), d'erreurs résultant d'une connaissance insuffisante du salarié des règles applicables en matière de temps partiel, aux contrats à durée déterminée, des dispositions conventionnelles applicables, ainsi que d'erreurs dans l'établissement de solde de tout compte et d'actes (erreurs de dates, dans le nom d'une salariée). Si l'effectif est au cours de la période tendu, il ne justifie pas les erreurs cumulées reprochées et pour la plupart non contestées par le salarié. La cour retient en conséquence que le licenciement pour insuffisance professionnelle de M. [ZX]-[SN] était justifié. L'appelant est en conséquence débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes accessoires :

50. Vu la solution donnée au litige, il y a lieu d'infirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles, sauf en ce qu'il déboute la demande de l'association au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

51. Il y a lieu de condamner l'association AMFD, qui succombe partiellement, aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à M. [ZX]-[SN] la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance et en cause d'appel. L'association AMFD est déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles en appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement ;

ECARTE des débats la pièce n° 42 produite par M. [P] [ZX]-[SN] ;

CONFIRME le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement de M. [P] [ZX]-[SN] reposait sur une cause réelle et sérieuse et a rejeté la demande de rappel de salaire (maintien du salaire suite à un accident de travail) ;

INFIRME le jugement en ce qu'il a dit la demande d'indemnité pour travail dissimulée irrecevable pour cause de prescription et ce qu'il a débouté M. [P] [ZX]-[SN] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

STATUANT à nouveau ;

DIT que la demande d'indemnité pour travail dissimulé est recevable ;

CONDAMNE l'association Aide aux mères et familles à domicile (AMFD) à payer à M. [P] [ZX]-[SN] la somme de 26.605,43 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;

CONDAMNE l'association AMFD aux dépens de première instance et d'appel ;

CONDAMNE l'association AMFD à payer à M. [ZX]-[SN] la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance et en cause d'appel ;

DEBOUTE l'association AMFD de sa demande au titre des frais irrépétibles en appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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