CA Caen, 1re ch. soc., 11 septembre 2025, n° 24/00893
CAEN
Arrêt
Autre
AFFAIRE : N° RG 24/00893
N° Portalis DBVC-V-B7I-HMXF
Code Aff. :
ARRET N°
C.P
ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAEN en date du 29 Février 2024 RG n° 22/00280
COUR D'APPEL DE CAEN
1ère chambre sociale
ARRÊT DU 11 SEPTEMBRE 2025
APPELANTE :
S.A.R.L. ECOLE SUPERIEURE D'INFORMATIQUE - SUPINFO PARIS agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Jérémie PAJEOT, avocat au barreau de CAEN
INTIMEE :
Madame [Z] [M] [D]
[Adresse 6]
[Localité 2]
Représentée par Me Nathalie LAILLER, avocat au barreau de CAEN
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre, rédacteur
Mme PONCET, Conseiller,
Mme VINOT, Conseiller,
DÉBATS : A l'audience publique du 15 mai 2025
GREFFIER : Mme ALAIN
ARRÊT prononcé publiquement contradictoirement le 11 septembre 2025 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme ALAIN, greffier
Par contrat de travail à durée déterminée à effet du 1er octobre 2018 jusqu'au 7 mai 2019, Mme [Z] [M]-[D] a été engagée par la société Centre Ouest International Campus en qualité d' Adjoint de direction statut cadre.
Son contrat de travail a été transféré à compter du 1er janvier 2019 au sein de la société Educinvest jusqu'au 7 mai 2019, prorogé au 30 juin puis au 31 août 2019 par deux avenants successifs.
Par contrat de travail à durée indéterminée, ses fonctions sont devenues à compter du 2 septembre 2019 Campus Manager, statut Cadre.
A la suite de la liquidation judiciaire de la société Educinvest le 30 juin 2020 et du plan de cession du 6 août 2020 au profit de la société Fineduc Ionis Groupe, son contrat a été transféré au sein de la société Fineduc Ionis Groupe /Supinfo, et par avenant à effet du 22 février 2021, ses fonctions sont devenues Directrice régionale en charge du développement et des admissions.
Elle a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 12 mars 2021 par lettre du 5 mars précédent (reporté au 19 mars 2021 par lettre du 10 mars), mise à pied à titre conservatoire puis licenciée pour faute grave par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 29 mars 2021.
Contestant son licenciement et estimant ne pas avoir pas été remplie de ses droits au titre de l'exécution de son contrat (heures supplémentaires, classification) et au titre de la rupture, Mme [M] [D] a saisi le 30 mars 2022 le conseil de prud'hommes de Caen qui, statuant par jugement du 29 février 2024, a :
- dit que la faute grave n'est nullement démontrée ;
- dit que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
- fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société Educinvest les créances suivantes :
- 5034.28 € à titre de rappel de salaire niveau 3 (C3) pour l'année 2019 et celle de 503.42 € au titre des congés payés afférents ;
- 6622.26 € à titre de rappel de salaire niveau 3 (C3) pour l'année 2020 et celle de 662.23€ au titre des congés payés afférents ;
- condamné la société Ecole supérieure d'informatique Supinfo Paris à payer à Mme [M] [D] la somme de 4.474,25 € bruts et celle de 447.15 € bruts au titre des congés payé afférents au titre de rappel de salaire niveau 3 (C3) pour l'année 2020, celle de 2.774,19 € bruts et celle de 277.42 € bruts au titre des congés payé afférents au titre de rappel de salaire niveau 3 (C3) pour l'année 2021, celle de 2.307,73 € bruts en remboursement de sa mise à pied conservatoire outre 230,77 € bruts au titre des congés payés afférents à la mise à pied conservatoire, celle de 2.698,25 € nets au titre de l'indemnité de licenciement, celle de 1.774,19 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 1.177,42 € bruts au titre des congés payés afférents, celle de 595,24 € bruts au titre des rappel de salaires pour samedis travaillés et 59,52 € bruts au titre des congés payés afférents, celle de 415,38 € bruts au titre de rappel de congés payés acquis au titre de rappel de salaire au titre de commissions non réglées, ces sommes avec intérêts de droit à compter de la demande conformément à l'article 1231-6 du code civil, celle de 13.736,55 € nets de CSG et de CRDS au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et celle de 1.300 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ces sommes avec intérêts de droit à compter de la mise à disposition ;
- enjoint la société Ecole Supérieure d'Informatique Supinfo Paris prise en la personne de son représentant légal d'avoir à régulariser la situation de Mme [M] [D] auprès des organismes sociaux au bénéfice desquels seront acquittées les cotisations mentionnées sur le bulletin de paie récapitulatif ;
- ordonné le remboursement par la société Ecole Supérieure d'Informatique Supinfo Paris des indemnités de chômage payées aux organismes concernés dans la limite d'un mois d'indemnités de chômage ;
- ordonné à la société Ecole Supérieure d'Informatique Supinfo Paris de remettre à Mme [M] [D] :
- une attestation destinée au Pôle Emploi, un bulletin de salaire rectifié conformément à la décision à intervenir et ce sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document, à compter de trente
jours (30) de la notification du présent jugement et jusqu'à parfaite délivrance, le bureau de jugement se réserve le pouvoir de liquider l'astreinte ;
- rejeté la demande de la SARL Ecole Supérieure d'Informatique Supinfo Paris au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaires à 3.924,73 € bruts ;
- ordonné l'exécution provisoire ;
- condamné la SARL école supérieure d'informatique Supinfo Paris aux entiers dépens.
Par déclaration au greffe du 10 avril 2024, la société Ecole Supérieure d'informatique (Supinfo Paris) a formé appel de ce jugement intimant seulement Mme [M]-[D].
Par conclusions n°2 remises au greffe le 23 décembre 2024 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, la société Ecole Supérieure d'informatique (la société Supinfo) demande à la cour de :
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté Mme [M] [D] du surplus de ses demandes, dont sa demande de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire, - statuant à nouveau
- à titre principal,
- débouter Mme [M] [D] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- juger que Mme [M] [D] ne réunit pas les critères permettant l'octroi du statut Cadre Niveau C3, subsidiairement, si cette classification C3 devait être retenue par la Cour, juger que le montant du rappel de salaire dû ne porte que sur la période du 22 février 2021 au 29 mars 2021, soit 1 mois et 8 jours et que son montant est de de 1.171,32 et 117,13 € de congés payés afférents ;
- à titre subsidiaire,
- juger que le montant du rappel de salaire dû s'élève à de 7.397,84 € ainsi que 739,78 € de congés payés pour la période du 6 août 2020 au 30 mars 2021 ;
- en tout état de cause,
- débouter Mme [M] [D] de sa demande de rappel de salaire au titre des congés payés pour la période du 6 août 2020 au 30 mars 2021 ;
- débouter Mme [M] [D] de sa demande de rappel de salaire au titre des samedis 23 janvier et 13 février 2021 ;
- Dit le licenciement justifié et débouter Mme [M] [D] de ses demandes ;
- condamner Mme [M] [D] à lui verser la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
- si la Cour devait qualifier le licenciement sans cause réelle et sérieuse, juger que le montant de l'indemnité allouée sera fixé dans les limites prévues par l'article L 1235-3 du code du travail au regard de son ancienneté et confirmer le jugement sur le montant de l'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
- en tout état de cause, débouter Mme [M] [D] de sa demande de remise sous astreinte du bulletin de salaire du mois de février 2021, en la déclarant sans objet.
Par conclusions n°2 remises au greffe le 22 avril 2025 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, Mme [M] [D] demande à la cour de :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions non contraires aux présentes ;
- infirmer le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse, en ce qu'il lui a accordé une indemnité de 13 736.55 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et celle de 1300 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il l'a déboutée de ses autres demandes ;
- statuant à nouveau
- dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- condamner la société Ecole Supinfo à lui payer les sommes de la somme de 20 000,00 € nets de CSG et de CRDS au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, celle de 3 924,73 € nets à titre de dommages-intérêts pour mise à pied abusive et conditions vexatoires de la rupture et celle de 3000 € au titre des frais irrépétibles (article 700 du Code de procédure civile ;
- dire et juger que les intérêts dus au moins pour une année entière produiront eux-mêmes intérêts par application de l'article 1343-2 du code civil ;
- Y additant,
condamner la société Ecole Supinfo à lui payer la somme de 3000 € au titre des frais exposés en appel en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner la société Ecole Supinfo aux dépens ;
- débouter la société Ecole Supinfo de l'intégralité de ses demandes.
MOTIFS
I- Sur la classification
La salariée demande son classement en qualité de cadre niveau 3 (C3) depuis le 1er janvier 2019, et sollicite un rappel de salaire à la société Educinvest du 1er janvier 2019 au 5 août 2020 et à la société Supinfo Paris du 6 août 2020 au 30 mars 2021.
Au préalable, il convient de relever que la condamnation de la société Educinvest prononcée à ce titre par les premiers juges est définitive.
Lors du transfert du contrat de travail à la société Supinfo le 6 août 2020, la salariée avait la fonction de campus manager Cadre Niveau C1 échelon A, puis à compter du 1er janvier 2021, elle a obtenu le statut, Cadre Niveau C1 échelon C et est enfin devenue à compter du 22 février 2021, directrice régionale en charge du développement, statut cadre Niveau C1 Echelon C.
Selon la convention collective nationale de l'enseignement privé indépendant du 27 novembre 2007 :
- Cadre niveau 1 (C1).
* Contenu de l'activité : travaux hautement qualifiés mettant en oeuvre des compétences supérieures acquises par formation spécifique ou par expérience (compétences générales dans plusieurs domaines ou compétences approfondies dans un domaine spécifique).
* Autonomie : autonomie reconnue dans le cadre d'objectifs généraux.
* Aptitude relationnelle et commerciale : communique avec tous les tiers ; encadre, anime et
forme des salariés de niveaux inférieurs ; bénéficie d'une délégation de représentation.
* Formation, expérience : diplôme de l'enseignement supérieur avec première expérience ou expérience professionnelle équivalente.
* Emplois repères :
' chef de service, responsable de service, chef de groupe ;
' chargé(e) de clientèle entreprise ;
' cadre administratif et/ou de service (à titre indicatif : économe, intendant, chef de cuisine...) ;
' secrétaire ou assistant(e) de direction avec délégations et exerçant des fonctions correspondant aux caractéristiques du niveau d'emploi défini ci-dessus ;
' responsable : des ressources humaines, de la communication et du webmarketing, de studio de production multimédia ;
' comptable unique responsable/ attaché (e) de direction comptable avec délégation, chef(fe) comptable ;
' gestionnaire des systèmes informatiques/ ingénieur (e) informatique ;
' chef (fe) de projet : développeur intégrateur ;
' responsable webmaster ;
' juriste confirmé (e) ;
' chef (fe) des ventes/ responsable des ventes à distance ;
' contrôleur (euse) de gestion ;
' secrétaire, attaché (e) ou assistant (e) de direction avec délégations ;
' chef (fe) d'atelier reprographie ;
' directeur (trice) adjoint (e) de services : administratif (ve) et financier (ère) DAF, marketing, communication, commercial (le).
- Cadre niveau 3 (C3).
* Contenu de l'activité : travaux hautement qualifiés mettant en 'uvre des compétences supérieures acquises notamment par l'expérience (compétences générales dans plusieurs domaines ou compétences approfondies dans un domaine spécifique).
* Autonomie : très large autonomie dans le cadre d'objectifs généraux ; fixation des objectifs et responsabilité de leurs réalisations.
* Aptitude relationnelle et commerciale : très large délégation de pouvoirs ; représentation de l'employeur auprès de tous les tiers.
* Formation, expérience : diplôme de l'enseignement supérieur (niveau I ou II) avec une expérience confirmée ou expérience professionnelle équivalente.
* Emplois repères :
' directeur-directrice général (e) ;
' directeur-directrice régional (e) ;
' directeur-directrice fonctionnel (le) au sein d'un groupe ;
' directeur (trice) d'exploitation ;
' directeur (trice) commercial (e). »
La salariée fait valoir que ses fonctions de Campus manager correspondent à un poste de directeur.
L'employeur ne conteste pas le niveau de diplôme de l'enseignement supérieur exigé par une classification cadre niveau 3 (C3) mais estime que la salariée ne remplit pas les autres critères lui permettant d'accéder au niveau C3, notamment l'autonomie.
La société Fineduc Ionis Group est spécialisée dans l'enseignement privé supérieur.
Concernant les fonctions de campus manager, le contrat ne décrit pas les fonctions, vise une fiche de poste qui n'est pas produite.
Il est toutefois établi que la salariée avait la responsabilité du site et assurait le management des salariés travaillant sous sa direction, et assurait des missions de développement et pédagogiques. Dans la lettre de modification de son contrat de travail qu'il a adressé à la salariée le 8 février 2021, l'employeur lui indique que pour permettre un allègement de sa charge de travail, il a décidé de maintenir ses fonctions antérieures mais de la décharger de ses missions pédagogiques ;
Les fonctions de directrice régionale sont décrites par l'avenant signé par la salariée : développer l'image et la notoriété de la société, développer la chalandise de l'antenne régionale sous sa responsabilité, conduire toutes les opérations commerciales et de promotions sous vos zones, assurer l'encadrement des personnes de l'antenne, assurer le recrutement des futurs étudiants par la gestion et le suivi des candidatures, promouvoir et gérer les relations entreprises, assurer un reporting fiable et régulier de son activité et mettre en 'uvre toute opération correctrice nécessaire visant à atteindre ses objectifs.
L'employeur estime qu'elle n'avait pas une très large autonomie, ce que conteste la salariée qui indique qu'elle était la seule interlocutrice du rectorat et en se fondant sur un courriel qu'elle a adressé le 21 janvier 2021 à Mme [B] pour répondre à l'enquête annuelle DACES (département de l'accompagnement et du contrôle de l'enseignement supérieur) et par lequel elle joint divers fichiers expliquant qu'elle est directrice de l'établissement et que M. [V] est professeur référent.
L'employeur se limite à dire qu'il s'agissait d'une simple transmission administrative ce qui est contesté par la salariée sans indiquer et à fortiori démontrer que ce dossier a en réalité été réalisé par une autre personne ou que la salariée n'était pas l'interlocutrice directe du rectorat.
Par ailleurs contrairement à ce que soutient l'employeur, la salariée est bien dans l'avenant du 8 février 2021 nommée directrice régionale en charge du développement et des admissions et non directrice du développement régional. Or, l'emploi de directrice régionale est dans la convention collective un emploi repère correspondant au statut Cadre C3 niveau 3.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, au vu notamment de la très large autonomie dont bénéficiait la salariée tant en qualité de campus manager que de directrice régionale, le jugement sera confirmé en ce qu'il a estimé qu'elle devait être classée selon le statut Cadre niveau 3 (C3) depuis le 6 août 2020 jusqu'au 30 mars 2021 et lui a accordé un rappel de salaire correspondant.
II- Sur le rappel de salaire pour deux samedis travaillés
La salariée indique avoir travaillé les samedis 23 janvier et 13 février 2021 à l'occasion des journées portes ouvertes qui n'ont été ni payés ni récupérés.
L'employeur conteste cette demande estimant que la salariée n'était pas présente à ces journées.
La salariée produit :
- le courrier adressé à l'employeur le 12 avril 2021 dans lequel elle sollicite la régularisation des deux jours de récupération non comptabilisés (journées portes ouvertes du 23 janvier et 13 février 2021). Elle n'est pas contredite lorsqu'elle indique qu'aucune réponse n'a été apportée par l'employeur ;
- une facture de 4.30€ pour des packs d'eau le 23 janvier 2021 et une facture de 53.90 € du 23 janvier 2021 pour des plats à emporter ;
- une facture de 6.80€ du 13 février 2021 pour des viennoiseries pour un montant ;
- une note de frais pour des indemnités kilométriques (2 X 55.90 €) et « autres » pour 65 € (58.20 € et 6.80 €) du 22 février 2021 pour ces deux journées pour un montant total de 176.80 €, et le justificatif d'un virement pour ce même montant effectué le 16 mars suivant par la société Supinfo Paris ;
- une attestation de M. [E] étudiant de l'école qui indique que le 13 février 2021 il a animé une journée portes ouvertes sur Discord avec [Z]. L'employeur indique qu'il s'agit d'une attestation de complaisance sans expliquer en quoi et à fortiori sans l'établir.
L'employeur produit un courriel de M. [F] directeur administratif et financier du 25 février 2023 qui indique n'avoir jamais reçu la note de frais de Mme [M] [D] pour février 2021, que les JPO sont compensées par des jours de récupération et qu'il n'a pas de jours de récupération noté dans « Bambou » et qu'il a interrogé Mme [ME] qui ne trouve pas trace de la présence de la salariée aux JPO des 23 janvier et 13 février 2021.
Mais ce courriel est contredit par le fait que la société a procédé au virement de la somme 176.80 € qui correspond au montant exact mentionné sur la note de frais et qui inclut les factures de nourriture produites par la salariée. Par ailleurs il n'est pas produit de témoignage de Mme [ME]. La présence de la salariée lors de ces deux journées portes ouvertes est donc établie.
Dès lors, la salariée qui n'a pas récupéré ces deux journées peut prétendre à un rappel de salaire, le montant alloué à ce titre par les premiers juges non contesté y compris à titre subsidiaire sera confirmé.
III- Sur le rappel de congés payés
La salariée critique l'indemnité compensatrice de congés payés versée par l'employeur sur la base de 49 jours et demande uniquement le rappel au titre de 2.5 jours déduits à tort par l'employeur.
Un courriel du 2 mars 2021 de M. [F] mentionne des congés non pris de 51.62 jours desquels il déduit 2.5 jours (mise à pied) soit 49.1 jours.
Or, il résulte du bulletin de salaire de mars 2021 que la période de mise à pied a été déduite. Les 2.5 jours de congés acquis doivent être réglés. L'employeur ne développe aucun moyen dans ses conclusions pour s'opposer à cette demande. Le jugement sera ainsi confirmé à ce titre, étant observé que le dispositif vise un rappel de congés payés acquis « au titre de rappel de salaire au titre de commissions non réglées », qui ne correspond nullement aux motifs fondant la décision soit le paiement de 2.5 jours de congés non pris.
IV- Sur le licenciement
La lettre de licenciement après avoir rappelé qu'en sa qualité de campus manager puis de directrice régionale en charge du développement et des admissions, Mme [M] [D] a la responsabilité de l' établissement situé à [Localité 4] et assure le management des salariés qui travaillent sous sa direction dans ces locaux», lui reproche son comportement envers les personnes sous sa responsabilité et son insubordination.
Avant d'examiner les griefs mentionnés dans la lettre de licenciement, il convient de relever, au vu des pièces produites par l'employeur, que Mme [C] assistante de direction sur le site de [Localité 4] a adressé un courriel le 18 février 2021 à Mme [ME] se plaignant de devoir nettoyer les locaux, ce qui ne relève pas de ses tâches et demande qu'un contrat d'entretien soit souscrit, laquelle a saisi Mme [R] (service RH) qui a demandé à Mmes [W] et [C], assistantes de direction et à M. [V], professeur (sur le site de [Localité 4]) leurs témoignages. Tous trois ont adressé un courriel à l'employeur mais aucun d'eux n'a attesté.
La lettre reproche à la salariée :
1) ses agissements toxiques et tyranniques, instaurant une ambiance exécrable et anxiogène
- des propos irrespectueux et humiliants envers M. [Y] (« incompétent) et M. [V] (pour qui est ce que tu te prends tu es à peine sorti d'école »).
Dans son courriel du 24 février 2021, M. [V] indique que Mme [M] [D] lui a dit alors qu'il indiquait ne pas être disponible pour une réunion «pour qui est ce que tu te prends tu es à peine sorti d'école » et qu'elle a traité M. [Y] d'incompétent devant ses étudiants.
- des menaces et des pressions psychologiques
La lettre mentionne que M. [A] qui s'est rendu sur place a constaté que « les salariés sont terrorisés par votre attitude envers eux et qu'ils redoutent de se trouver en votre présence » ; Il est produit un courriel de M. [A] qui indique avoir été sur le campus de [Localité 4] le 16 mars et que les équipes étaient terrifiées à l'idée de devoir continuer à travailler avec [Z], les salariés m'ont confirmé les problèmes qu'ils rencontrent avec elle.
- des propos manipulateurs pour se faire obéir notamment des décisions qu'auraient prises la direction sur l'avenir de certains collaborateurs, et également de tyranniser les assistantes en exigeant qu'elles répondent immédiatement à ses demandes même en l'absence d'urgence et de les dénigrer constamment ;
Dans son courriel du 2 mars 2021, Mme [J] [C] indique qu'en décembre 2019, [Z] arrivée en retard à un cours, l'a humiliée devant les étudiants alors qu'elle lui rappelait que les étudiants l'attendaient, que lors de son retour de congés maternité, elle indique avoir été mal accueillie par [Z] (tu es de retour mais [T] est encore là), indiquant que si elle était encore là c'était grâce à elle car M. [K] voulait la virer, que depuis la réorganisation rien ne s'est arrangé, [Z] ne voulait pas suivre les consignes de [Localité 7] soit une assistante sur la pédagogie et une assistante sur le pôle développement, qu'elle lui a demandé d'être au pôle pédagogie puis a subitement changé d'avis pour la mettre au pôle développement. Elle indique des soucis de communication et un vocabulaire familier et dénigrant indiquant que [Z] nous rabaisse et nous harcèle.
Dans son courriel du 23 février 2021, Mme [T] [W] indique que [Z] a eu envers nous un discours qui n'est pas professionnel, que l'on a pu percevoir comme une insulte car cela était dégradant et dévalorisant, elle nous rabaisse tout le temps, nous fait sentir que nous sommes des moins que rien, prend ses grands airs supérieurs pour nous donner des ordres, ses propos contiennent souvent une sorte de menace « c'est grâce à mois si vous êtes là », « attention je peux parler à la direction de [Localité 7] donc vous savez ce que cela signifie pour vous », quand on est pas d'accord avec elle sur un sujet, elle nous répond qu'elle n'a pas d'ordre à recevoir de nous, elle nous monte les uns contre les autres.
M. [V] indique que lors de sa scolarité, il avait écho par [J] des pratiques douteuses de [Z] (pressions harcèlement rappel de force sur le campus pendant un congé maternité), que lorsque [T] est arrivée, [Z] les a montées l'une contre l'autre pour garder le contrôle. Il indique que lorsqu'il a été embauché (depuis deux mois) une réforme a été annoncée en décembre une semaine après son arrivée, que [Z] était furieuse de ne pas en être informée indiquant qu'il la connaissait depuis la veille et qu'elle aurait dit que chacun travaillerait dans son coin, qu'elle a alors rabaissé [T] et [J], dénigré leurs postes, leur disant qu'elles n'avaient pas leur place dans la nouvelle organisation, leur rappelant leur inutilité et leur criant dessus pour n'importe quelle raison et que lui-même a passé beaucoup de temps à discuter avec elles, celles-ci étant souvent en pleurs. Il fait encore état que [Z] voulant les joindre un jour à 12h a lancé plusieurs appels, puis des sms puis des appels sur les portables alors que nous étions en pause déjeuner. Il reprend les propos tenus à son encontre le 18 janvier 2021 lorsqu'il a refusé de se rendre à une réunion qui n'était pas planifiée.
Il indique enfin le fait qu'elle ait dénigré Mme [ME] et qu'elle lui ait dit « Ils ont eu les échos de la situation à [Localité 4] ce serait dommage qu'[P] [G] s'implique dans ce campus. Hein [L], toi qui est en période d'essai » '.
L'employeur produit également un courriel de Mme [I] [U] (service communication de la société) du 4 mars 2021 faisant état de réflexions déplacées de Mme [M] [D] à son encontre, ainsi alors qu'elle animait une réunion de 20 personnes « dis donc [I] tu as une sacrée tête tu te réveilles d'une sieste » ' ou le fait qu'elle remettait en cause les informations qu'elle transmettait (cartes de visites, cartes d'étudiants).
L'appréciation de ce grief sera examinée ci-après.
- un abus d'autorité pour imposer des décisions inadmissibles
La lettre lui reproche sa décision de ne pas souscrire de contrat pour assurer l'entretien des locaux, d'avoir imposé à ses collègues d'assurer eux-mêmes le ménage à tour de rôle, ce qui ne relève pas de leur attribution et également de ne pas avoir mis en 'uvre les régles sanitaires pour empêcher la propagation de l'épidémie de Covid 19.
Dans le courriel adressé le 18 février 2021à Mme [ME], Mme [C] indique qu'elle venait de perdre 1h30 à nettoyer les toilettes et espaces communs des locaux Supinfo [Localité 4], qu'il n'y a plus de société de ménage depuis septembre par souci d'économies selon [Z] [M], précisant que Mme [M] leur avait demandé de faire le ménage nous mêmes et que c'était une décision prise par la direction à [Localité 7], elle précise par ailleurs que les locaux sont sales, qu'elle ne pense pas que cette tâche résulte de ses fonction.
M. [V] indique dans son courriel que le ménage n'est plus effectué comme les étudiants ne viennent plus sur le site et qu'il faut nous débrouiller nous même, que le campus devait être ouvert en permanence en cette période de crise sanitaire même si aucun étudiant ne vient ;
Mme [W] indique que les locaux ne sont plus nettoyés depuis octobre et quand nous en avons parlé à [Z] à plusieurs reprises celle-ci nous a dit que nous devions le faire nous-mêmes.
La salariée qui conteste l'ensemble des griefs qui lui sont reprochés critique les témoignages de :
- Mme [C], en produisant un sms que celle-ci lui a adressé le 24 juin 2022 et dans lequel elle indique avoir appris par des étudiants que tu (Mme [M]) pensais que j'y étais pour beaucoup pour ton départ de Supinfo et précise « je tenais à te dire que non, même si je n'ai pas à me justifier je trouve que ton licenciement est dégueulasse et je l'ai appris bien trop tard », précisant avoir elle-même quitté la société Supinfo, ne supportant plus « cette ambiance cette équipe ».
Mais si Mme [C] dans ce message indique regretter le licenciement prononcé contre Mme [M] [D] elle ne revient nullement sur les propos qu'elle a pu tenir.
- M. [V]. Elle produit un courriel du 7 octobre 2020 adressé à M. [Y] pour lui recommander d'embaucher M. [V] qu'elle avait eu comme étudiant, des échanges de courriels du 3 mars 2021 sur l'absence de livraison d'un ordonnateur pour M. [V] et la facture d'un serrurier du 4 février 2021 pour la réalisation d'un double de clés destiné selon elle à M. [V], une attestation de Mme [S] épouse [H] qui indique qu'elle était campus manager à compter de 2014, que Mme [M] l'a remplacée pendant son congé maternité en 2018, qu'elle a connu M. [V] comme étudiant à l'école en 2017/2018, que ce dernier a créé des tensions au sein de l'école, divisant la promotion en deux classes à l'origine d'une mauvaise ambiance, que le dialogue le groupe de M. [V] n'hésitant pas à rentrer dans mon bureau pour me provoquer, et enfin une attestation de M. [E] étudiant au sein de l'école qui fait état du professionnalisme de Mme [M], qu'elle a toujours été rassurante lors des difficultés rencontrées (confinement, cours à distance)et qui fait état de la mauvaise ambiance en janvier 2021 M [V] et Mme [W] se sont vus changer leur intitulé de poste entrainant un rébellion contre [Z], qu'ils ont refusé de prendre le café et d'assister aux réunions, qu'ils la provoquaient pour qu'elle s'énerve, que [L] niait toute autorité de [Z], qu'il a animé avec [Z] la journée portes ouvertes du 13 février 2021, que [L] était connecté dans le seul but d'espionner [Z] et n'a jamais pris la parole, qu'encore aujourd'hui alors que [Z] est partie il continue de salir sa réputation auprès des étudiants.
Là encore, ces éléments même s'ils traduisent une certaine animosité de M. [V] à l'égard de Mme [M] [D] qui devra être pris en compte, ils ne remettent toutefois pas en cause la teneur des propos tenus par ce dernier dans le courriel adressé à l'employeur.
L'employeur indique que la salariée a de sa seule initiative résilié le contrat de ménage avant l'acte de cessation entre Educinvest et Supinfo et à compter d'août 2020, n'a pas informé les nouveaux dirigeants de cette situation de sorte qu'aucune disposition n'a été prise.
La salariée indique que M. [K] lui a demandé de ne pas faire appel à un prestataire pendant toute la période du confinement et de télétravail et aucune entreprise n'a donc été sollicitée, précisant qu'elle a elle-même effectué le ménage sur les bureaux et sanitaires.
Mais la salariée ne justifie d'aucune instruction donnée en ce sens, et le fait qu'elle ait été en congés le 18 février 2021 n'invalide pas les propos de Mme [C], laquelle ne fait pas état d'une demande à cette date mais indique avoir nettoyé les locaux ce jour là. Mme [C] n'est toutefois pas précise sur d'autres tâches de nettoyage qu'elle a accomplies, et il ne résulte pas des témoignages de Mme [W] et M. [V] qu'ils aient eu même procédé au nettoyage des locaux.
Le grief est dans cette limite établi.
Concernant l'absence de mise en 'uvre des régles sanitaires, l'employeur ne justifie pas des consignes données à la salariée durant cette période et ne forme au demeurant aucune observation ou critique lorsque la salariée indique qu'elle a commandé plus de 900 € de produits qu'elle a fourni des masques aux salariés et étudiants, qu'elle a installé des distributeurs de gel sur chaque plateau, les salles de cours et affiché les recommandations.
Ce grief n'est pas établi.
Concernant les reproches fondés sur « des agissements toxiques et tyranniques, instaurant une ambiance exécrable et anxiogène », les témoignages décrits précédemment sont pour la plupart insuffisamment circonstanciés, ainsi Mme [C] indique que Mme [M] [D] l'a humiliée, sans dire en quoi, l'a rabaissée, harcelée sans précision, tenait des propos familiers et dénigrants, sans précision encore sur ces propos. Mme [W] évoque dans son témoignage des termes généraux sans exemples concrets, ainsi Mme [M] [D] nous montait les uns contre les autres ou avait un discours dégradant, dévalorisant.
Il en est de même du témoignage de M. [A] qui évoque « des équipes terrifiées » sans dire concrètement en quoi.
M. [V] n'est pas non plus précis lorsqu'il décrit l'attitude de Mme [M] [D] envers Mmes [C] et [W], sauf lorsqu'il reproche à Mme [M] [D] d'avoir voulu les joindre tous les trois à 12h alors qu'ils étaient en pause déjeuner (plusieurs appels et plusieurs sms).
Par ailleurs s'il indique que Mme [M] [D] a traité M. [Y] d'incompétent devant des étudiants, il n'explique pas le contexte et les circonstances dans lequel ces propos ont été tenus.
En revanche d'autres propos sont précisément évoqués : « c'est grâce à moi que vous êtes là » ou « je peux parler à la direction de [Localité 7] », selon Mme [W] quand Mme [M] [D] s'adressait à elle ou lui donner des ordres sont précis, ou « pour qui est ce que tu te prends, tu es peine sorti de l'école » selon M. [V] alors qu'il indiquait son indisponibilité pour une réunion ou « Ils ont eu les échos de la situation à [Localité 4] ce serait dommage qu'[P] [G] s'implique dans ce campus. Hein [L], toi qui est en période d'essai », ou encore « j'ai la direction dans la poche ».
Toutefois, en dehors de l'impossibilité d'assister à une réunion, les circonstances dans lesquelles ces propos ont été tenus par Mme [M] [D] sont peu précis, alors que la lettre de licenciement fait état d'un contexte de menace et d'une possibilité de de licenciement.
Enfin sont également établis les propos tenus à l'encontre de Mme [U].
2) son insubordination et son refus d'exercer ses fonctions en conformité avec les directives et consignes provenant de votre hiérarchie
- le non suivi des directives pendant la période sanitaire selon lesquelles le télétravail doit être privilégié et le présentiel s'effectuer par roulement selon un planning, lui reprochant d'exiger que tous les salariés soient présents et que le site reste ouvert en permanence même si aucun étudiant n'est présent dans les locaux.
L'employeur ne justifie pas davantage des consignes données, que la salariée justifie d'ailleurs avoir adressé un courriel à Mme [R] le 1er mars 2021 lui demandant la position de la direction sur la mise en place du télétravail sur les campus.
Ce grief n'est pas établi.
- le refus de la mise en place de la nouvelle organisation
La lettre fait état des consignes de la direction nationale consistant en la division des deux pôles (développement et pédagogie), que cette répartition des missions n'était pas faite sur le site de [Localité 4], lui reprochant également d'avoir fait du sabotage lors de certaines évènements, notamment en lançant des organisations fafelues qui ont causé le départ de plusieurs prospects lors de la JPO du 23 janvier 2021.
L'employeur se réfère aux courriels de Mme [C] laquelle fait état de la volonté de Mme [M] [D] de ne pas « suivre les consignes de [Localité 7] », pour autant sans dire concrètement les difficultés qui en ont résulté. M. [V] indique que Mme [M] [D] souhaitait continuer à contrôler les deux pôles.
La salariée indique que la réorganisation (soit que les assistantes manager n'étaient plus sous l'autorité du campus manager mais de responsable pédagogique soit M. [V]) a été annoncée en janvier 2021 par M. [Y] sans aucune coordination ni délai de transmission.
Elle indique avoir contacté M. [A] le 28 janvier 2021 à ce sujet, ce dernier lui répondant 'je vois avec [N] et [O] en urgence', et produit également un courriel qu'elle a adressé le 1er mars 2021 à Mme [R] (responsable ressources humaines) se plaignant de l'absence de l'équipe pédagogique sur le campus, et un courriel adressé le 3 mars 2021 à Mme [ME], M. [Y] et M. [A] faisant état de l'absence de Mmes [C] et [W] à une réunion prévue l'après midi pour travailler deux dossiers importants, indiquant que cette situation, refus de toute communication depuis le 5 janvier dernier,
devient de plus en plus pesante sur le campus et sollicite de pouvoir en échanger afin de clarifier les relations de travail.
La salariée n'est pas contredite lorsqu'elle indique n'avoir reçu aucune réponse à ces messages.
Ce grief n'est pas suffisamment caractérisé.
Concernant le sabotage des évènements, l'employeur se réfère au courriel de M. [V] qui indique que son organisation farfelue a occasionné le départ de plusieurs prospects le 23 janvier 2021, sans expliquer concrètement cette organisation, et ne forme aucune observation aux explications de la salariée qui indique que six rendez-vous ont été programmés dans le respect du couvre-feu, un seul a été reporté à la demande de la famille qui a été reprogrammé la semaine suivante.
Ce grief n'est pas établi.
- le fait d'être venue à deux reprises dans les locaux durant la mise à pied conservatoire, le week end du 6 mars 2021 pour récupérer ses affaires personnelles et le week end du 13 mars pour retirer une chaîne avec un cadenas qu'elle avait installée sur les issues de secours.
L'employeur produit un courriel de M. [A] (Head of Sales) adressé à Mme [R] le 18 mars 2021 dans lequel il indique que [T] et [J] lui ont dit que [Z] est repassée sur le campus pour récupérer ses affaires le 6 mars sans prévenir personne et « apparemment » le 13 mars pour enlever les chaînes qu'elle avait placé sur les issues de secours.
Outre que M. [A] n'a rien constaté lui-même et qu'aucun témoignage de Mme [C] et /ou de Mme [W] n'est produit sur ces faits, Mme [M] [D] justifie son absence entre le 13 mars et le 20 mars par la production d'une facture de location à cette période à [Localité 5].
Ce grief n'est pas établi.
De ce qui vient d'exposé, en l'état d'un contexte de réorganisation mal préparée, d'une situation conflictuelle signalée par la salariée et qui n'a pas été gérée par l'employeur, d'une animosité de certains salariés envers elle et des griefs finalement retenus, la preuve d'une faute grave n'est pas rapportée ni celle d'une cause réelle et sérieuse de licenciement, le licenciement apparaissant comme une sanction disproportionnée eu égard à l'ancienneté de la salariée et à son engagement professionnel rappelé par une attestation de M. [X] intervenant extérieur au sein de l'école Supinfo.
La salariée peut ainsi prétendre au remboursement du salaire durant la mise à pied, à une indemnité de préavis et à une indemnité de licenciement. Les sommes allouées à ce titre par les premiers juges ne sont pas contestés y compris subsidiaire et seront confirmées.
En application des dispositions de l'article L1235-3 du code du travail, dans sa version issue de l'ordonnance du 22 septembre 2017, la salariée peut prétendre, au vu de son ancienneté de 2 années et de la taille de l'entreprise, à une indemnité comprise entre 3 et 3.5mois de salaire brut sur la base d'un salaire brut de 3924.73 €.
En considération de sa situation particulière et eu égard notamment à son âge, à l'ancienneté de ses services, à sa formation et à ses capacités à retrouver un nouvel emploi, la salariée justifiant avoir retrouvé un emploi le 25 octobre 2021, la cour dispose des éléments nécessaires pour évaluer par confirmation du jugement la réparation qui lui est due à la somme de 13 736.55€, la somme de 20 000 € sollicité excédant l'indemnité prévue. Il sera relevé que les premiers juges tout en jugeant le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse ont alloué à la salariée des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le montant de ces dommages et intérêts étant confirmé sauf en ce qu'il prévoit une somme nette de CSG et CRDS, le jugement sera en conséquence infirmé seulement en ce qu'il a dit le licenciement justifié.
La salariée sollicite des dommages et intérêts pour mise à pied abusive et conditions vexatoires de la rupture, en ce que la mise à pied a été brutale et injustifiée. Mais elle n'indique pas en quoi cette mise à pied a été brutale, ne faisant état d'aucun élément concret.
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux indemnités de procédure seront confirmées.
En cause d'appel, la société Supinfo Paris qui perd le procès sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile. Elle versera en équité et sur ce même fondement une somme de 1700 € à Mme [M] [D].
La remise des documents demandés sera ordonnée sans qu'il y ait lieu de l'assortir d'une astreinte en l'absence d'allégation de circonstances le justifiant.
La salariée ayant plus de deux ans d'ancienneté et l'entreprise occupant habituellement au moins onze salariés, il convient de faire application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail et d'ordonner à l'employeur de rembourser à l'antenne France Travail concernée les indemnités de chômage versées à l'intéressée depuis son licenciement dans la limite de trois mois de prestations.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Confirme, dans la limite de l'appel, le jugement rendu le 29 février 2024 par le conseil de prud'hommes de Caen sauf en ce qu'il a dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, sauf en ce qu'il a dit que la somme de 13 736.55 € allouée était 'nette de CSG et CRDS', sauf en ce qu'il a assorti d'une astreinte la remise des documents et sauf à préciser que la somme de 415.38 € correspond à un rappel de salaire pour des jours de congés payés acquis ;
Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,
Dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne la société Ecole supérieure d'informatique (Supinfo) à payer à Mme [M] [D] la somme de 13 736.55 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne la société Ecole supérieure d'informatique (Supinfo) à payer à Mme [M] [D] la somme de 1700 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
La déboute de sa demande aux mêmes fins ;
Dit que les sommes à caractère salarial produiront intérêt au taux légal à compter de l'avis de réception de la convocation de l'employeur devant le conseil de prud'hommes ;
Dit que les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêt au taux légal à compter du jugement ;
Dit que les intérêts se capitaliseront quand ils seront dus pour une année entière ;
Ordonne à la société Ecole supérieure d'informatique (Supinfo) de remettre à Mme [D] les documents de fin de contrat (certificat de travail, attestation France Travail) et des bulletins de salaire complémentaires (à raison d'un bulletin par année) conformes au présent arrêt confirmatif, ce dans le délai d'un mois à compter de sa signification, sans qu'il soit besoin d'assortir cette condamnation d'une astreinte ;
Condamne la société Ecole supérieure d'informatique (Supinfo) à rembourser à l'antenne France Travail concernée les indemnités de chômage versées à l'intéressée depuis son licenciement dans la limite de trois mois de prestations ;
Condamne la société Ecole supérieure d'informatique (Supinfo) aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
M. ALAIN L. DELAHAYE
N° Portalis DBVC-V-B7I-HMXF
Code Aff. :
ARRET N°
C.P
ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAEN en date du 29 Février 2024 RG n° 22/00280
COUR D'APPEL DE CAEN
1ère chambre sociale
ARRÊT DU 11 SEPTEMBRE 2025
APPELANTE :
S.A.R.L. ECOLE SUPERIEURE D'INFORMATIQUE - SUPINFO PARIS agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Jérémie PAJEOT, avocat au barreau de CAEN
INTIMEE :
Madame [Z] [M] [D]
[Adresse 6]
[Localité 2]
Représentée par Me Nathalie LAILLER, avocat au barreau de CAEN
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre, rédacteur
Mme PONCET, Conseiller,
Mme VINOT, Conseiller,
DÉBATS : A l'audience publique du 15 mai 2025
GREFFIER : Mme ALAIN
ARRÊT prononcé publiquement contradictoirement le 11 septembre 2025 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme ALAIN, greffier
Par contrat de travail à durée déterminée à effet du 1er octobre 2018 jusqu'au 7 mai 2019, Mme [Z] [M]-[D] a été engagée par la société Centre Ouest International Campus en qualité d' Adjoint de direction statut cadre.
Son contrat de travail a été transféré à compter du 1er janvier 2019 au sein de la société Educinvest jusqu'au 7 mai 2019, prorogé au 30 juin puis au 31 août 2019 par deux avenants successifs.
Par contrat de travail à durée indéterminée, ses fonctions sont devenues à compter du 2 septembre 2019 Campus Manager, statut Cadre.
A la suite de la liquidation judiciaire de la société Educinvest le 30 juin 2020 et du plan de cession du 6 août 2020 au profit de la société Fineduc Ionis Groupe, son contrat a été transféré au sein de la société Fineduc Ionis Groupe /Supinfo, et par avenant à effet du 22 février 2021, ses fonctions sont devenues Directrice régionale en charge du développement et des admissions.
Elle a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 12 mars 2021 par lettre du 5 mars précédent (reporté au 19 mars 2021 par lettre du 10 mars), mise à pied à titre conservatoire puis licenciée pour faute grave par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 29 mars 2021.
Contestant son licenciement et estimant ne pas avoir pas été remplie de ses droits au titre de l'exécution de son contrat (heures supplémentaires, classification) et au titre de la rupture, Mme [M] [D] a saisi le 30 mars 2022 le conseil de prud'hommes de Caen qui, statuant par jugement du 29 février 2024, a :
- dit que la faute grave n'est nullement démontrée ;
- dit que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
- fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société Educinvest les créances suivantes :
- 5034.28 € à titre de rappel de salaire niveau 3 (C3) pour l'année 2019 et celle de 503.42 € au titre des congés payés afférents ;
- 6622.26 € à titre de rappel de salaire niveau 3 (C3) pour l'année 2020 et celle de 662.23€ au titre des congés payés afférents ;
- condamné la société Ecole supérieure d'informatique Supinfo Paris à payer à Mme [M] [D] la somme de 4.474,25 € bruts et celle de 447.15 € bruts au titre des congés payé afférents au titre de rappel de salaire niveau 3 (C3) pour l'année 2020, celle de 2.774,19 € bruts et celle de 277.42 € bruts au titre des congés payé afférents au titre de rappel de salaire niveau 3 (C3) pour l'année 2021, celle de 2.307,73 € bruts en remboursement de sa mise à pied conservatoire outre 230,77 € bruts au titre des congés payés afférents à la mise à pied conservatoire, celle de 2.698,25 € nets au titre de l'indemnité de licenciement, celle de 1.774,19 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 1.177,42 € bruts au titre des congés payés afférents, celle de 595,24 € bruts au titre des rappel de salaires pour samedis travaillés et 59,52 € bruts au titre des congés payés afférents, celle de 415,38 € bruts au titre de rappel de congés payés acquis au titre de rappel de salaire au titre de commissions non réglées, ces sommes avec intérêts de droit à compter de la demande conformément à l'article 1231-6 du code civil, celle de 13.736,55 € nets de CSG et de CRDS au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et celle de 1.300 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ces sommes avec intérêts de droit à compter de la mise à disposition ;
- enjoint la société Ecole Supérieure d'Informatique Supinfo Paris prise en la personne de son représentant légal d'avoir à régulariser la situation de Mme [M] [D] auprès des organismes sociaux au bénéfice desquels seront acquittées les cotisations mentionnées sur le bulletin de paie récapitulatif ;
- ordonné le remboursement par la société Ecole Supérieure d'Informatique Supinfo Paris des indemnités de chômage payées aux organismes concernés dans la limite d'un mois d'indemnités de chômage ;
- ordonné à la société Ecole Supérieure d'Informatique Supinfo Paris de remettre à Mme [M] [D] :
- une attestation destinée au Pôle Emploi, un bulletin de salaire rectifié conformément à la décision à intervenir et ce sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document, à compter de trente
jours (30) de la notification du présent jugement et jusqu'à parfaite délivrance, le bureau de jugement se réserve le pouvoir de liquider l'astreinte ;
- rejeté la demande de la SARL Ecole Supérieure d'Informatique Supinfo Paris au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaires à 3.924,73 € bruts ;
- ordonné l'exécution provisoire ;
- condamné la SARL école supérieure d'informatique Supinfo Paris aux entiers dépens.
Par déclaration au greffe du 10 avril 2024, la société Ecole Supérieure d'informatique (Supinfo Paris) a formé appel de ce jugement intimant seulement Mme [M]-[D].
Par conclusions n°2 remises au greffe le 23 décembre 2024 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, la société Ecole Supérieure d'informatique (la société Supinfo) demande à la cour de :
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté Mme [M] [D] du surplus de ses demandes, dont sa demande de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire, - statuant à nouveau
- à titre principal,
- débouter Mme [M] [D] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- juger que Mme [M] [D] ne réunit pas les critères permettant l'octroi du statut Cadre Niveau C3, subsidiairement, si cette classification C3 devait être retenue par la Cour, juger que le montant du rappel de salaire dû ne porte que sur la période du 22 février 2021 au 29 mars 2021, soit 1 mois et 8 jours et que son montant est de de 1.171,32 et 117,13 € de congés payés afférents ;
- à titre subsidiaire,
- juger que le montant du rappel de salaire dû s'élève à de 7.397,84 € ainsi que 739,78 € de congés payés pour la période du 6 août 2020 au 30 mars 2021 ;
- en tout état de cause,
- débouter Mme [M] [D] de sa demande de rappel de salaire au titre des congés payés pour la période du 6 août 2020 au 30 mars 2021 ;
- débouter Mme [M] [D] de sa demande de rappel de salaire au titre des samedis 23 janvier et 13 février 2021 ;
- Dit le licenciement justifié et débouter Mme [M] [D] de ses demandes ;
- condamner Mme [M] [D] à lui verser la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
- si la Cour devait qualifier le licenciement sans cause réelle et sérieuse, juger que le montant de l'indemnité allouée sera fixé dans les limites prévues par l'article L 1235-3 du code du travail au regard de son ancienneté et confirmer le jugement sur le montant de l'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
- en tout état de cause, débouter Mme [M] [D] de sa demande de remise sous astreinte du bulletin de salaire du mois de février 2021, en la déclarant sans objet.
Par conclusions n°2 remises au greffe le 22 avril 2025 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, Mme [M] [D] demande à la cour de :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions non contraires aux présentes ;
- infirmer le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse, en ce qu'il lui a accordé une indemnité de 13 736.55 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et celle de 1300 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il l'a déboutée de ses autres demandes ;
- statuant à nouveau
- dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- condamner la société Ecole Supinfo à lui payer les sommes de la somme de 20 000,00 € nets de CSG et de CRDS au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, celle de 3 924,73 € nets à titre de dommages-intérêts pour mise à pied abusive et conditions vexatoires de la rupture et celle de 3000 € au titre des frais irrépétibles (article 700 du Code de procédure civile ;
- dire et juger que les intérêts dus au moins pour une année entière produiront eux-mêmes intérêts par application de l'article 1343-2 du code civil ;
- Y additant,
condamner la société Ecole Supinfo à lui payer la somme de 3000 € au titre des frais exposés en appel en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner la société Ecole Supinfo aux dépens ;
- débouter la société Ecole Supinfo de l'intégralité de ses demandes.
MOTIFS
I- Sur la classification
La salariée demande son classement en qualité de cadre niveau 3 (C3) depuis le 1er janvier 2019, et sollicite un rappel de salaire à la société Educinvest du 1er janvier 2019 au 5 août 2020 et à la société Supinfo Paris du 6 août 2020 au 30 mars 2021.
Au préalable, il convient de relever que la condamnation de la société Educinvest prononcée à ce titre par les premiers juges est définitive.
Lors du transfert du contrat de travail à la société Supinfo le 6 août 2020, la salariée avait la fonction de campus manager Cadre Niveau C1 échelon A, puis à compter du 1er janvier 2021, elle a obtenu le statut, Cadre Niveau C1 échelon C et est enfin devenue à compter du 22 février 2021, directrice régionale en charge du développement, statut cadre Niveau C1 Echelon C.
Selon la convention collective nationale de l'enseignement privé indépendant du 27 novembre 2007 :
- Cadre niveau 1 (C1).
* Contenu de l'activité : travaux hautement qualifiés mettant en oeuvre des compétences supérieures acquises par formation spécifique ou par expérience (compétences générales dans plusieurs domaines ou compétences approfondies dans un domaine spécifique).
* Autonomie : autonomie reconnue dans le cadre d'objectifs généraux.
* Aptitude relationnelle et commerciale : communique avec tous les tiers ; encadre, anime et
forme des salariés de niveaux inférieurs ; bénéficie d'une délégation de représentation.
* Formation, expérience : diplôme de l'enseignement supérieur avec première expérience ou expérience professionnelle équivalente.
* Emplois repères :
' chef de service, responsable de service, chef de groupe ;
' chargé(e) de clientèle entreprise ;
' cadre administratif et/ou de service (à titre indicatif : économe, intendant, chef de cuisine...) ;
' secrétaire ou assistant(e) de direction avec délégations et exerçant des fonctions correspondant aux caractéristiques du niveau d'emploi défini ci-dessus ;
' responsable : des ressources humaines, de la communication et du webmarketing, de studio de production multimédia ;
' comptable unique responsable/ attaché (e) de direction comptable avec délégation, chef(fe) comptable ;
' gestionnaire des systèmes informatiques/ ingénieur (e) informatique ;
' chef (fe) de projet : développeur intégrateur ;
' responsable webmaster ;
' juriste confirmé (e) ;
' chef (fe) des ventes/ responsable des ventes à distance ;
' contrôleur (euse) de gestion ;
' secrétaire, attaché (e) ou assistant (e) de direction avec délégations ;
' chef (fe) d'atelier reprographie ;
' directeur (trice) adjoint (e) de services : administratif (ve) et financier (ère) DAF, marketing, communication, commercial (le).
- Cadre niveau 3 (C3).
* Contenu de l'activité : travaux hautement qualifiés mettant en 'uvre des compétences supérieures acquises notamment par l'expérience (compétences générales dans plusieurs domaines ou compétences approfondies dans un domaine spécifique).
* Autonomie : très large autonomie dans le cadre d'objectifs généraux ; fixation des objectifs et responsabilité de leurs réalisations.
* Aptitude relationnelle et commerciale : très large délégation de pouvoirs ; représentation de l'employeur auprès de tous les tiers.
* Formation, expérience : diplôme de l'enseignement supérieur (niveau I ou II) avec une expérience confirmée ou expérience professionnelle équivalente.
* Emplois repères :
' directeur-directrice général (e) ;
' directeur-directrice régional (e) ;
' directeur-directrice fonctionnel (le) au sein d'un groupe ;
' directeur (trice) d'exploitation ;
' directeur (trice) commercial (e). »
La salariée fait valoir que ses fonctions de Campus manager correspondent à un poste de directeur.
L'employeur ne conteste pas le niveau de diplôme de l'enseignement supérieur exigé par une classification cadre niveau 3 (C3) mais estime que la salariée ne remplit pas les autres critères lui permettant d'accéder au niveau C3, notamment l'autonomie.
La société Fineduc Ionis Group est spécialisée dans l'enseignement privé supérieur.
Concernant les fonctions de campus manager, le contrat ne décrit pas les fonctions, vise une fiche de poste qui n'est pas produite.
Il est toutefois établi que la salariée avait la responsabilité du site et assurait le management des salariés travaillant sous sa direction, et assurait des missions de développement et pédagogiques. Dans la lettre de modification de son contrat de travail qu'il a adressé à la salariée le 8 février 2021, l'employeur lui indique que pour permettre un allègement de sa charge de travail, il a décidé de maintenir ses fonctions antérieures mais de la décharger de ses missions pédagogiques ;
Les fonctions de directrice régionale sont décrites par l'avenant signé par la salariée : développer l'image et la notoriété de la société, développer la chalandise de l'antenne régionale sous sa responsabilité, conduire toutes les opérations commerciales et de promotions sous vos zones, assurer l'encadrement des personnes de l'antenne, assurer le recrutement des futurs étudiants par la gestion et le suivi des candidatures, promouvoir et gérer les relations entreprises, assurer un reporting fiable et régulier de son activité et mettre en 'uvre toute opération correctrice nécessaire visant à atteindre ses objectifs.
L'employeur estime qu'elle n'avait pas une très large autonomie, ce que conteste la salariée qui indique qu'elle était la seule interlocutrice du rectorat et en se fondant sur un courriel qu'elle a adressé le 21 janvier 2021 à Mme [B] pour répondre à l'enquête annuelle DACES (département de l'accompagnement et du contrôle de l'enseignement supérieur) et par lequel elle joint divers fichiers expliquant qu'elle est directrice de l'établissement et que M. [V] est professeur référent.
L'employeur se limite à dire qu'il s'agissait d'une simple transmission administrative ce qui est contesté par la salariée sans indiquer et à fortiori démontrer que ce dossier a en réalité été réalisé par une autre personne ou que la salariée n'était pas l'interlocutrice directe du rectorat.
Par ailleurs contrairement à ce que soutient l'employeur, la salariée est bien dans l'avenant du 8 février 2021 nommée directrice régionale en charge du développement et des admissions et non directrice du développement régional. Or, l'emploi de directrice régionale est dans la convention collective un emploi repère correspondant au statut Cadre C3 niveau 3.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, au vu notamment de la très large autonomie dont bénéficiait la salariée tant en qualité de campus manager que de directrice régionale, le jugement sera confirmé en ce qu'il a estimé qu'elle devait être classée selon le statut Cadre niveau 3 (C3) depuis le 6 août 2020 jusqu'au 30 mars 2021 et lui a accordé un rappel de salaire correspondant.
II- Sur le rappel de salaire pour deux samedis travaillés
La salariée indique avoir travaillé les samedis 23 janvier et 13 février 2021 à l'occasion des journées portes ouvertes qui n'ont été ni payés ni récupérés.
L'employeur conteste cette demande estimant que la salariée n'était pas présente à ces journées.
La salariée produit :
- le courrier adressé à l'employeur le 12 avril 2021 dans lequel elle sollicite la régularisation des deux jours de récupération non comptabilisés (journées portes ouvertes du 23 janvier et 13 février 2021). Elle n'est pas contredite lorsqu'elle indique qu'aucune réponse n'a été apportée par l'employeur ;
- une facture de 4.30€ pour des packs d'eau le 23 janvier 2021 et une facture de 53.90 € du 23 janvier 2021 pour des plats à emporter ;
- une facture de 6.80€ du 13 février 2021 pour des viennoiseries pour un montant ;
- une note de frais pour des indemnités kilométriques (2 X 55.90 €) et « autres » pour 65 € (58.20 € et 6.80 €) du 22 février 2021 pour ces deux journées pour un montant total de 176.80 €, et le justificatif d'un virement pour ce même montant effectué le 16 mars suivant par la société Supinfo Paris ;
- une attestation de M. [E] étudiant de l'école qui indique que le 13 février 2021 il a animé une journée portes ouvertes sur Discord avec [Z]. L'employeur indique qu'il s'agit d'une attestation de complaisance sans expliquer en quoi et à fortiori sans l'établir.
L'employeur produit un courriel de M. [F] directeur administratif et financier du 25 février 2023 qui indique n'avoir jamais reçu la note de frais de Mme [M] [D] pour février 2021, que les JPO sont compensées par des jours de récupération et qu'il n'a pas de jours de récupération noté dans « Bambou » et qu'il a interrogé Mme [ME] qui ne trouve pas trace de la présence de la salariée aux JPO des 23 janvier et 13 février 2021.
Mais ce courriel est contredit par le fait que la société a procédé au virement de la somme 176.80 € qui correspond au montant exact mentionné sur la note de frais et qui inclut les factures de nourriture produites par la salariée. Par ailleurs il n'est pas produit de témoignage de Mme [ME]. La présence de la salariée lors de ces deux journées portes ouvertes est donc établie.
Dès lors, la salariée qui n'a pas récupéré ces deux journées peut prétendre à un rappel de salaire, le montant alloué à ce titre par les premiers juges non contesté y compris à titre subsidiaire sera confirmé.
III- Sur le rappel de congés payés
La salariée critique l'indemnité compensatrice de congés payés versée par l'employeur sur la base de 49 jours et demande uniquement le rappel au titre de 2.5 jours déduits à tort par l'employeur.
Un courriel du 2 mars 2021 de M. [F] mentionne des congés non pris de 51.62 jours desquels il déduit 2.5 jours (mise à pied) soit 49.1 jours.
Or, il résulte du bulletin de salaire de mars 2021 que la période de mise à pied a été déduite. Les 2.5 jours de congés acquis doivent être réglés. L'employeur ne développe aucun moyen dans ses conclusions pour s'opposer à cette demande. Le jugement sera ainsi confirmé à ce titre, étant observé que le dispositif vise un rappel de congés payés acquis « au titre de rappel de salaire au titre de commissions non réglées », qui ne correspond nullement aux motifs fondant la décision soit le paiement de 2.5 jours de congés non pris.
IV- Sur le licenciement
La lettre de licenciement après avoir rappelé qu'en sa qualité de campus manager puis de directrice régionale en charge du développement et des admissions, Mme [M] [D] a la responsabilité de l' établissement situé à [Localité 4] et assure le management des salariés qui travaillent sous sa direction dans ces locaux», lui reproche son comportement envers les personnes sous sa responsabilité et son insubordination.
Avant d'examiner les griefs mentionnés dans la lettre de licenciement, il convient de relever, au vu des pièces produites par l'employeur, que Mme [C] assistante de direction sur le site de [Localité 4] a adressé un courriel le 18 février 2021 à Mme [ME] se plaignant de devoir nettoyer les locaux, ce qui ne relève pas de ses tâches et demande qu'un contrat d'entretien soit souscrit, laquelle a saisi Mme [R] (service RH) qui a demandé à Mmes [W] et [C], assistantes de direction et à M. [V], professeur (sur le site de [Localité 4]) leurs témoignages. Tous trois ont adressé un courriel à l'employeur mais aucun d'eux n'a attesté.
La lettre reproche à la salariée :
1) ses agissements toxiques et tyranniques, instaurant une ambiance exécrable et anxiogène
- des propos irrespectueux et humiliants envers M. [Y] (« incompétent) et M. [V] (pour qui est ce que tu te prends tu es à peine sorti d'école »).
Dans son courriel du 24 février 2021, M. [V] indique que Mme [M] [D] lui a dit alors qu'il indiquait ne pas être disponible pour une réunion «pour qui est ce que tu te prends tu es à peine sorti d'école » et qu'elle a traité M. [Y] d'incompétent devant ses étudiants.
- des menaces et des pressions psychologiques
La lettre mentionne que M. [A] qui s'est rendu sur place a constaté que « les salariés sont terrorisés par votre attitude envers eux et qu'ils redoutent de se trouver en votre présence » ; Il est produit un courriel de M. [A] qui indique avoir été sur le campus de [Localité 4] le 16 mars et que les équipes étaient terrifiées à l'idée de devoir continuer à travailler avec [Z], les salariés m'ont confirmé les problèmes qu'ils rencontrent avec elle.
- des propos manipulateurs pour se faire obéir notamment des décisions qu'auraient prises la direction sur l'avenir de certains collaborateurs, et également de tyranniser les assistantes en exigeant qu'elles répondent immédiatement à ses demandes même en l'absence d'urgence et de les dénigrer constamment ;
Dans son courriel du 2 mars 2021, Mme [J] [C] indique qu'en décembre 2019, [Z] arrivée en retard à un cours, l'a humiliée devant les étudiants alors qu'elle lui rappelait que les étudiants l'attendaient, que lors de son retour de congés maternité, elle indique avoir été mal accueillie par [Z] (tu es de retour mais [T] est encore là), indiquant que si elle était encore là c'était grâce à elle car M. [K] voulait la virer, que depuis la réorganisation rien ne s'est arrangé, [Z] ne voulait pas suivre les consignes de [Localité 7] soit une assistante sur la pédagogie et une assistante sur le pôle développement, qu'elle lui a demandé d'être au pôle pédagogie puis a subitement changé d'avis pour la mettre au pôle développement. Elle indique des soucis de communication et un vocabulaire familier et dénigrant indiquant que [Z] nous rabaisse et nous harcèle.
Dans son courriel du 23 février 2021, Mme [T] [W] indique que [Z] a eu envers nous un discours qui n'est pas professionnel, que l'on a pu percevoir comme une insulte car cela était dégradant et dévalorisant, elle nous rabaisse tout le temps, nous fait sentir que nous sommes des moins que rien, prend ses grands airs supérieurs pour nous donner des ordres, ses propos contiennent souvent une sorte de menace « c'est grâce à mois si vous êtes là », « attention je peux parler à la direction de [Localité 7] donc vous savez ce que cela signifie pour vous », quand on est pas d'accord avec elle sur un sujet, elle nous répond qu'elle n'a pas d'ordre à recevoir de nous, elle nous monte les uns contre les autres.
M. [V] indique que lors de sa scolarité, il avait écho par [J] des pratiques douteuses de [Z] (pressions harcèlement rappel de force sur le campus pendant un congé maternité), que lorsque [T] est arrivée, [Z] les a montées l'une contre l'autre pour garder le contrôle. Il indique que lorsqu'il a été embauché (depuis deux mois) une réforme a été annoncée en décembre une semaine après son arrivée, que [Z] était furieuse de ne pas en être informée indiquant qu'il la connaissait depuis la veille et qu'elle aurait dit que chacun travaillerait dans son coin, qu'elle a alors rabaissé [T] et [J], dénigré leurs postes, leur disant qu'elles n'avaient pas leur place dans la nouvelle organisation, leur rappelant leur inutilité et leur criant dessus pour n'importe quelle raison et que lui-même a passé beaucoup de temps à discuter avec elles, celles-ci étant souvent en pleurs. Il fait encore état que [Z] voulant les joindre un jour à 12h a lancé plusieurs appels, puis des sms puis des appels sur les portables alors que nous étions en pause déjeuner. Il reprend les propos tenus à son encontre le 18 janvier 2021 lorsqu'il a refusé de se rendre à une réunion qui n'était pas planifiée.
Il indique enfin le fait qu'elle ait dénigré Mme [ME] et qu'elle lui ait dit « Ils ont eu les échos de la situation à [Localité 4] ce serait dommage qu'[P] [G] s'implique dans ce campus. Hein [L], toi qui est en période d'essai » '.
L'employeur produit également un courriel de Mme [I] [U] (service communication de la société) du 4 mars 2021 faisant état de réflexions déplacées de Mme [M] [D] à son encontre, ainsi alors qu'elle animait une réunion de 20 personnes « dis donc [I] tu as une sacrée tête tu te réveilles d'une sieste » ' ou le fait qu'elle remettait en cause les informations qu'elle transmettait (cartes de visites, cartes d'étudiants).
L'appréciation de ce grief sera examinée ci-après.
- un abus d'autorité pour imposer des décisions inadmissibles
La lettre lui reproche sa décision de ne pas souscrire de contrat pour assurer l'entretien des locaux, d'avoir imposé à ses collègues d'assurer eux-mêmes le ménage à tour de rôle, ce qui ne relève pas de leur attribution et également de ne pas avoir mis en 'uvre les régles sanitaires pour empêcher la propagation de l'épidémie de Covid 19.
Dans le courriel adressé le 18 février 2021à Mme [ME], Mme [C] indique qu'elle venait de perdre 1h30 à nettoyer les toilettes et espaces communs des locaux Supinfo [Localité 4], qu'il n'y a plus de société de ménage depuis septembre par souci d'économies selon [Z] [M], précisant que Mme [M] leur avait demandé de faire le ménage nous mêmes et que c'était une décision prise par la direction à [Localité 7], elle précise par ailleurs que les locaux sont sales, qu'elle ne pense pas que cette tâche résulte de ses fonction.
M. [V] indique dans son courriel que le ménage n'est plus effectué comme les étudiants ne viennent plus sur le site et qu'il faut nous débrouiller nous même, que le campus devait être ouvert en permanence en cette période de crise sanitaire même si aucun étudiant ne vient ;
Mme [W] indique que les locaux ne sont plus nettoyés depuis octobre et quand nous en avons parlé à [Z] à plusieurs reprises celle-ci nous a dit que nous devions le faire nous-mêmes.
La salariée qui conteste l'ensemble des griefs qui lui sont reprochés critique les témoignages de :
- Mme [C], en produisant un sms que celle-ci lui a adressé le 24 juin 2022 et dans lequel elle indique avoir appris par des étudiants que tu (Mme [M]) pensais que j'y étais pour beaucoup pour ton départ de Supinfo et précise « je tenais à te dire que non, même si je n'ai pas à me justifier je trouve que ton licenciement est dégueulasse et je l'ai appris bien trop tard », précisant avoir elle-même quitté la société Supinfo, ne supportant plus « cette ambiance cette équipe ».
Mais si Mme [C] dans ce message indique regretter le licenciement prononcé contre Mme [M] [D] elle ne revient nullement sur les propos qu'elle a pu tenir.
- M. [V]. Elle produit un courriel du 7 octobre 2020 adressé à M. [Y] pour lui recommander d'embaucher M. [V] qu'elle avait eu comme étudiant, des échanges de courriels du 3 mars 2021 sur l'absence de livraison d'un ordonnateur pour M. [V] et la facture d'un serrurier du 4 février 2021 pour la réalisation d'un double de clés destiné selon elle à M. [V], une attestation de Mme [S] épouse [H] qui indique qu'elle était campus manager à compter de 2014, que Mme [M] l'a remplacée pendant son congé maternité en 2018, qu'elle a connu M. [V] comme étudiant à l'école en 2017/2018, que ce dernier a créé des tensions au sein de l'école, divisant la promotion en deux classes à l'origine d'une mauvaise ambiance, que le dialogue le groupe de M. [V] n'hésitant pas à rentrer dans mon bureau pour me provoquer, et enfin une attestation de M. [E] étudiant au sein de l'école qui fait état du professionnalisme de Mme [M], qu'elle a toujours été rassurante lors des difficultés rencontrées (confinement, cours à distance)et qui fait état de la mauvaise ambiance en janvier 2021 M [V] et Mme [W] se sont vus changer leur intitulé de poste entrainant un rébellion contre [Z], qu'ils ont refusé de prendre le café et d'assister aux réunions, qu'ils la provoquaient pour qu'elle s'énerve, que [L] niait toute autorité de [Z], qu'il a animé avec [Z] la journée portes ouvertes du 13 février 2021, que [L] était connecté dans le seul but d'espionner [Z] et n'a jamais pris la parole, qu'encore aujourd'hui alors que [Z] est partie il continue de salir sa réputation auprès des étudiants.
Là encore, ces éléments même s'ils traduisent une certaine animosité de M. [V] à l'égard de Mme [M] [D] qui devra être pris en compte, ils ne remettent toutefois pas en cause la teneur des propos tenus par ce dernier dans le courriel adressé à l'employeur.
L'employeur indique que la salariée a de sa seule initiative résilié le contrat de ménage avant l'acte de cessation entre Educinvest et Supinfo et à compter d'août 2020, n'a pas informé les nouveaux dirigeants de cette situation de sorte qu'aucune disposition n'a été prise.
La salariée indique que M. [K] lui a demandé de ne pas faire appel à un prestataire pendant toute la période du confinement et de télétravail et aucune entreprise n'a donc été sollicitée, précisant qu'elle a elle-même effectué le ménage sur les bureaux et sanitaires.
Mais la salariée ne justifie d'aucune instruction donnée en ce sens, et le fait qu'elle ait été en congés le 18 février 2021 n'invalide pas les propos de Mme [C], laquelle ne fait pas état d'une demande à cette date mais indique avoir nettoyé les locaux ce jour là. Mme [C] n'est toutefois pas précise sur d'autres tâches de nettoyage qu'elle a accomplies, et il ne résulte pas des témoignages de Mme [W] et M. [V] qu'ils aient eu même procédé au nettoyage des locaux.
Le grief est dans cette limite établi.
Concernant l'absence de mise en 'uvre des régles sanitaires, l'employeur ne justifie pas des consignes données à la salariée durant cette période et ne forme au demeurant aucune observation ou critique lorsque la salariée indique qu'elle a commandé plus de 900 € de produits qu'elle a fourni des masques aux salariés et étudiants, qu'elle a installé des distributeurs de gel sur chaque plateau, les salles de cours et affiché les recommandations.
Ce grief n'est pas établi.
Concernant les reproches fondés sur « des agissements toxiques et tyranniques, instaurant une ambiance exécrable et anxiogène », les témoignages décrits précédemment sont pour la plupart insuffisamment circonstanciés, ainsi Mme [C] indique que Mme [M] [D] l'a humiliée, sans dire en quoi, l'a rabaissée, harcelée sans précision, tenait des propos familiers et dénigrants, sans précision encore sur ces propos. Mme [W] évoque dans son témoignage des termes généraux sans exemples concrets, ainsi Mme [M] [D] nous montait les uns contre les autres ou avait un discours dégradant, dévalorisant.
Il en est de même du témoignage de M. [A] qui évoque « des équipes terrifiées » sans dire concrètement en quoi.
M. [V] n'est pas non plus précis lorsqu'il décrit l'attitude de Mme [M] [D] envers Mmes [C] et [W], sauf lorsqu'il reproche à Mme [M] [D] d'avoir voulu les joindre tous les trois à 12h alors qu'ils étaient en pause déjeuner (plusieurs appels et plusieurs sms).
Par ailleurs s'il indique que Mme [M] [D] a traité M. [Y] d'incompétent devant des étudiants, il n'explique pas le contexte et les circonstances dans lequel ces propos ont été tenus.
En revanche d'autres propos sont précisément évoqués : « c'est grâce à moi que vous êtes là » ou « je peux parler à la direction de [Localité 7] », selon Mme [W] quand Mme [M] [D] s'adressait à elle ou lui donner des ordres sont précis, ou « pour qui est ce que tu te prends, tu es peine sorti de l'école » selon M. [V] alors qu'il indiquait son indisponibilité pour une réunion ou « Ils ont eu les échos de la situation à [Localité 4] ce serait dommage qu'[P] [G] s'implique dans ce campus. Hein [L], toi qui est en période d'essai », ou encore « j'ai la direction dans la poche ».
Toutefois, en dehors de l'impossibilité d'assister à une réunion, les circonstances dans lesquelles ces propos ont été tenus par Mme [M] [D] sont peu précis, alors que la lettre de licenciement fait état d'un contexte de menace et d'une possibilité de de licenciement.
Enfin sont également établis les propos tenus à l'encontre de Mme [U].
2) son insubordination et son refus d'exercer ses fonctions en conformité avec les directives et consignes provenant de votre hiérarchie
- le non suivi des directives pendant la période sanitaire selon lesquelles le télétravail doit être privilégié et le présentiel s'effectuer par roulement selon un planning, lui reprochant d'exiger que tous les salariés soient présents et que le site reste ouvert en permanence même si aucun étudiant n'est présent dans les locaux.
L'employeur ne justifie pas davantage des consignes données, que la salariée justifie d'ailleurs avoir adressé un courriel à Mme [R] le 1er mars 2021 lui demandant la position de la direction sur la mise en place du télétravail sur les campus.
Ce grief n'est pas établi.
- le refus de la mise en place de la nouvelle organisation
La lettre fait état des consignes de la direction nationale consistant en la division des deux pôles (développement et pédagogie), que cette répartition des missions n'était pas faite sur le site de [Localité 4], lui reprochant également d'avoir fait du sabotage lors de certaines évènements, notamment en lançant des organisations fafelues qui ont causé le départ de plusieurs prospects lors de la JPO du 23 janvier 2021.
L'employeur se réfère aux courriels de Mme [C] laquelle fait état de la volonté de Mme [M] [D] de ne pas « suivre les consignes de [Localité 7] », pour autant sans dire concrètement les difficultés qui en ont résulté. M. [V] indique que Mme [M] [D] souhaitait continuer à contrôler les deux pôles.
La salariée indique que la réorganisation (soit que les assistantes manager n'étaient plus sous l'autorité du campus manager mais de responsable pédagogique soit M. [V]) a été annoncée en janvier 2021 par M. [Y] sans aucune coordination ni délai de transmission.
Elle indique avoir contacté M. [A] le 28 janvier 2021 à ce sujet, ce dernier lui répondant 'je vois avec [N] et [O] en urgence', et produit également un courriel qu'elle a adressé le 1er mars 2021 à Mme [R] (responsable ressources humaines) se plaignant de l'absence de l'équipe pédagogique sur le campus, et un courriel adressé le 3 mars 2021 à Mme [ME], M. [Y] et M. [A] faisant état de l'absence de Mmes [C] et [W] à une réunion prévue l'après midi pour travailler deux dossiers importants, indiquant que cette situation, refus de toute communication depuis le 5 janvier dernier,
devient de plus en plus pesante sur le campus et sollicite de pouvoir en échanger afin de clarifier les relations de travail.
La salariée n'est pas contredite lorsqu'elle indique n'avoir reçu aucune réponse à ces messages.
Ce grief n'est pas suffisamment caractérisé.
Concernant le sabotage des évènements, l'employeur se réfère au courriel de M. [V] qui indique que son organisation farfelue a occasionné le départ de plusieurs prospects le 23 janvier 2021, sans expliquer concrètement cette organisation, et ne forme aucune observation aux explications de la salariée qui indique que six rendez-vous ont été programmés dans le respect du couvre-feu, un seul a été reporté à la demande de la famille qui a été reprogrammé la semaine suivante.
Ce grief n'est pas établi.
- le fait d'être venue à deux reprises dans les locaux durant la mise à pied conservatoire, le week end du 6 mars 2021 pour récupérer ses affaires personnelles et le week end du 13 mars pour retirer une chaîne avec un cadenas qu'elle avait installée sur les issues de secours.
L'employeur produit un courriel de M. [A] (Head of Sales) adressé à Mme [R] le 18 mars 2021 dans lequel il indique que [T] et [J] lui ont dit que [Z] est repassée sur le campus pour récupérer ses affaires le 6 mars sans prévenir personne et « apparemment » le 13 mars pour enlever les chaînes qu'elle avait placé sur les issues de secours.
Outre que M. [A] n'a rien constaté lui-même et qu'aucun témoignage de Mme [C] et /ou de Mme [W] n'est produit sur ces faits, Mme [M] [D] justifie son absence entre le 13 mars et le 20 mars par la production d'une facture de location à cette période à [Localité 5].
Ce grief n'est pas établi.
De ce qui vient d'exposé, en l'état d'un contexte de réorganisation mal préparée, d'une situation conflictuelle signalée par la salariée et qui n'a pas été gérée par l'employeur, d'une animosité de certains salariés envers elle et des griefs finalement retenus, la preuve d'une faute grave n'est pas rapportée ni celle d'une cause réelle et sérieuse de licenciement, le licenciement apparaissant comme une sanction disproportionnée eu égard à l'ancienneté de la salariée et à son engagement professionnel rappelé par une attestation de M. [X] intervenant extérieur au sein de l'école Supinfo.
La salariée peut ainsi prétendre au remboursement du salaire durant la mise à pied, à une indemnité de préavis et à une indemnité de licenciement. Les sommes allouées à ce titre par les premiers juges ne sont pas contestés y compris subsidiaire et seront confirmées.
En application des dispositions de l'article L1235-3 du code du travail, dans sa version issue de l'ordonnance du 22 septembre 2017, la salariée peut prétendre, au vu de son ancienneté de 2 années et de la taille de l'entreprise, à une indemnité comprise entre 3 et 3.5mois de salaire brut sur la base d'un salaire brut de 3924.73 €.
En considération de sa situation particulière et eu égard notamment à son âge, à l'ancienneté de ses services, à sa formation et à ses capacités à retrouver un nouvel emploi, la salariée justifiant avoir retrouvé un emploi le 25 octobre 2021, la cour dispose des éléments nécessaires pour évaluer par confirmation du jugement la réparation qui lui est due à la somme de 13 736.55€, la somme de 20 000 € sollicité excédant l'indemnité prévue. Il sera relevé que les premiers juges tout en jugeant le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse ont alloué à la salariée des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le montant de ces dommages et intérêts étant confirmé sauf en ce qu'il prévoit une somme nette de CSG et CRDS, le jugement sera en conséquence infirmé seulement en ce qu'il a dit le licenciement justifié.
La salariée sollicite des dommages et intérêts pour mise à pied abusive et conditions vexatoires de la rupture, en ce que la mise à pied a été brutale et injustifiée. Mais elle n'indique pas en quoi cette mise à pied a été brutale, ne faisant état d'aucun élément concret.
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux indemnités de procédure seront confirmées.
En cause d'appel, la société Supinfo Paris qui perd le procès sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile. Elle versera en équité et sur ce même fondement une somme de 1700 € à Mme [M] [D].
La remise des documents demandés sera ordonnée sans qu'il y ait lieu de l'assortir d'une astreinte en l'absence d'allégation de circonstances le justifiant.
La salariée ayant plus de deux ans d'ancienneté et l'entreprise occupant habituellement au moins onze salariés, il convient de faire application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail et d'ordonner à l'employeur de rembourser à l'antenne France Travail concernée les indemnités de chômage versées à l'intéressée depuis son licenciement dans la limite de trois mois de prestations.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Confirme, dans la limite de l'appel, le jugement rendu le 29 février 2024 par le conseil de prud'hommes de Caen sauf en ce qu'il a dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, sauf en ce qu'il a dit que la somme de 13 736.55 € allouée était 'nette de CSG et CRDS', sauf en ce qu'il a assorti d'une astreinte la remise des documents et sauf à préciser que la somme de 415.38 € correspond à un rappel de salaire pour des jours de congés payés acquis ;
Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,
Dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne la société Ecole supérieure d'informatique (Supinfo) à payer à Mme [M] [D] la somme de 13 736.55 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne la société Ecole supérieure d'informatique (Supinfo) à payer à Mme [M] [D] la somme de 1700 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
La déboute de sa demande aux mêmes fins ;
Dit que les sommes à caractère salarial produiront intérêt au taux légal à compter de l'avis de réception de la convocation de l'employeur devant le conseil de prud'hommes ;
Dit que les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêt au taux légal à compter du jugement ;
Dit que les intérêts se capitaliseront quand ils seront dus pour une année entière ;
Ordonne à la société Ecole supérieure d'informatique (Supinfo) de remettre à Mme [D] les documents de fin de contrat (certificat de travail, attestation France Travail) et des bulletins de salaire complémentaires (à raison d'un bulletin par année) conformes au présent arrêt confirmatif, ce dans le délai d'un mois à compter de sa signification, sans qu'il soit besoin d'assortir cette condamnation d'une astreinte ;
Condamne la société Ecole supérieure d'informatique (Supinfo) à rembourser à l'antenne France Travail concernée les indemnités de chômage versées à l'intéressée depuis son licenciement dans la limite de trois mois de prestations ;
Condamne la société Ecole supérieure d'informatique (Supinfo) aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
M. ALAIN L. DELAHAYE