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Décisions

CA Bastia, se. référés, 2 septembre 2025, n° 25/00138

BASTIA

Ordonnance

Autre

CA Bastia n° 25/00138

2 septembre 2025

ORDONNANCE N° 38/2025

du 2 SEPTEMBRE 2025

N° RG 25/00138

N° Portalis DBVE-V-B7J-CLFC

S.A.S. LISANDRIA

C/

[M]

COUR D'APPEL DE BASTIA

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

DU

DEUX SEPTEMBRE DEUX-MILLE-VINGT-CINQ

Audience publique tenue par Jean-Jacques GILLAND, président de chambre, assisté d'Elorri FORT, greffièrer lors des débats et du prononcé,

DEMANDERESSE :

S.A.S. [F]

[Adresse 6]

[Localité 3]

non comparante

représentée par Me Christian FINALTERI, avocat au barreau de BASTIA substitué par Me Charlotte ALBERTINI, avocate au barreau de BASTIA

DÉFENDEUR :

M.[K] [M]

mandataire liquidateur de la S.A.S. [F]

[Adresse 1]

[Localité 5]

non comparant

représenté par Me Stéphanie LEONETTI, avocate au barreau de BASTIA

INTERVENANTE VOLONTAIRE :

S.A.R.L. ÉPILOGUE

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 4]

[Localité 2]

non comparante

représentée par Me Stéphanie LEONETTI, avocate au barreau de BASTIA

Le ministère public ayant fait valoir ses observations écrites le 27 juin 2025 régulièrement notifiées aux parties.

DÉBATS :

A l'audience publique du 15 juillet 2025,

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 2 septembre 2025.

ORDONNANCE :

Contradictoire,

Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signée par Jean-Jacques GILLAND, président de chambre, et par Elorri FORT, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par jugement du 10 juin 2025, le tribunal de commerce de Bastia a :

« - Constaté que le redressement judiciaire est manifestement impossible ;

- Converti la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire à l'encontre de :

[F] S.A.S.

[Adresse 7]

Restaurant (grande restauration), vente à emporter, traiteur, immatriculée au registre des commerces et des sociétés Bastia sous le numéro de Siren 853 801 736

Mis fin à la période d'observation ;

Maintenu Mme [N] [L] [X], en qualité de juge commissaire ;

Mis fin aux fonctions de la S.A.R.L. Epilogue, représentée par Me [K] [M] ['] et la désigne en qualité de liquidateur ».

Par déclaration du 13 juin 2025, la S.A.S. [F] a interjeté appel de la décision.

Par assignation en référé, délivrée le 20 juin 2025 à Me [K] [M], en qualité de mandataire judiciaire de la S.A.S. [F], la S.A.S. [F] a saisi la première présidente de la cour d'appel de Bastia aux fins d'obtenir l'arrêt de l'exécution provisoire attachée au jugement querellé.

Par conclusions écrites et reprises oralement à l'audience, la S.A.S. [F] demande à la première présidente de la cour d'appel de Bastia de :

« Vu le jugement rendu le 10 juin 2025 par le Tribunal de commerce de BASTIA,

Vu la déclaration d'appel en date du 13 juin 2025,

Vu l'article 514-3 du Code de Procédure Civile,

Vu les pièces communiquées aux débats,

JUGER la S.A.S. [F] recevable en toutes ses demandes et prétentions ;

JUGER qu'il existe des moyens sérieux de réformation du jugement rendu le 11 juin 2025 par le Tribunal de commerce de BASTIA, notamment en ce qu'il a ordonné la conversion de la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire ;

JUGER que l'exécution provisoire de ce jugement est de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives pour la S.A.S. [F], notamment en raison de la cessation immédiate de l'activité, de la désignation d'un liquidateur judiciaire, et de la mise en 'uvre de procédures de licenciement à l'encontre de salariés historiques ;

En conséquence,

ORDONNER l'arrêt de l'exécution provisoire de l'intégralité des dispositions du jugement rendu le 11 juin 2025 par le Tribunal de commerce de BASTIA ;

JUGER n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

STATUER ce que de droit sur les dépens ».

Sur l'arrêt de l'exécution provisoire, elle soutient, sur le fondement de l'article 514-3 du code de procédure civile, qu'il existe :

Des moyens sérieux de réformation de la décision caractérisés par :

L'absence d'impossibilité manifeste de redressement judiciaire. À l'appui de la liasse fiscale 2024, elle précise que l'activité économique de la société génère des ressources compatibles avec l'exécution du plan de redressement projeté ;

Le fait que les dettes postérieures au jugement d'ouverture de la procédure collective ont été réglées ainsi que l'intégralité de la créance Kallijuris ;

Le fait que le dirigeant soit de bonne foi et régularise progressivement le compte courant d'associé.

Des conséquences manifestement excessives caractérisées par la mise en 'uvre immédiate des procédures de licenciement et par la privation de toute capacité de poursuivre son activité alors que le plan de continuation était viable.

* Par conclusions d'intervention volontaire reprises oralement à l'audience, la S.A.R.L. Epilogue, prise en la personne de M. [K] [M] en qualité de mandataire judiciaire, demande à la première présidente de la cour d'appel de Bastia de :

« Rejeter la demande de suspension de l'exécution provisoire du jugement de liquidation judiciaire rendu le 11 juin 2025 par le tribunal de commerce de Bastia ;

Condamner la S.A.S. [F] à payer à e S.A.R.L. EPILOGUE, ès qualités de mandataire judiciaire de la S.A.S. [F] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la S.A.S. [F] aux entiers dépens toutes taxes comprises ».

Pour s'opposer à la demande d'arrêt de l'exécution provisoire, elle soutient, sur le fondement de l'article 514-3 du code de procédure civile, qu'il n'existe pas de :

moyens sérieux de réformation dès lors que :

le passif déclaré s'élevait à 200 000 euros et que le compte courant de l'associé principal était débiteur à hauteur de 137 790 euros au 31 décembre 2023 ;

entre le 31 décembre 2023 et le 30 juin 2024, le solde du compte courant d'associé est passé à -162 678 euros rendant impossible un redressement judiciaire ;

la liquidation est indispensable pour, entre autre, mettre fins aux flux financiers sortant abusifs ;

le compte courant d'associé n'a pas été régularisé de manière progressive puisque des sommes ont encore été prélevées. Il souligne que les différents prélèvements intervenus interviennent en contrepartie d'une activité directe et n'affectent pas la trésorerie de la société qui est excédentaire ;

conséquences manifestement excessives dès lors que les créanciers n'ont pas à assumer tous les efforts pendant que la trésorerie de la société sert à financer le dirigeant à titre personnel.

* Par avis du 27 juin 2025, le ministère public formule en avis conforme à l'arrêt de l'exécution provisoire sur le fondement de l'article 514-3 du code de procédure civile aux motifs qu'il existe une contestation sérieuse en fait et en droit.

MOTIVATION

À titre liminaire, la présente juridiction précise qu'après s'être livrée, en l'espèce, à une analyse approfondie et exhaustive des énonciations du dispositif des conclusions des parties, auxquelles il a régulièrement été renvoyé lors de l'audience, elle ne statuera pas sur les « juger que » ' à l'exception de celui relatif à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ', lesquels ne sont pas des prétentions au sens des article 4, 5, 31 et 768 du code de procédure civile mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions.

Sur la demande d'arrêt de l'exécution provisoire attachée au jugement querellé

Le premier alinéa de l'article R. 661-1 du code de commerce dispose que : « les jugements et ordonnances rendus en matière de mandat ad hoc, de conciliation, de sauvegarde, de redressement judiciaire, de rétablissement professionnel et de liquidation judiciaire sont exécutoires de plein droit à titre provisoire ».

Aux termes du 4e alinéa de l'article précité, « par dérogation aux dispositions de l'article 514-3 du code de procédure civile, le premier président de la cour d'appel, statuant en référé, ne peut arrêter l'exécution provisoire des décisions mentionnées aux deux premiers alinéas du présent article que lorsque les moyens à l'appui de l'appel paraissent sérieux. L'exécution provisoire des décisions prises sur le fondement de l'article L. 663-1-1 peut être arrêtée, en outre, lorsque l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives. Dès le prononcé de la décision du premier président arrêtant l'exécution provisoire, le greffier de la cour d'appel en informe le greffier du tribunal ».

Le jugement querellé a été rendu en matière de liquidation judiciaire et ne concerne pas l'application de l'article L. 663-1-1 du code de commerce.

Dès lors, l'article 514-3 du code de procédure civile ne trouve pas à s'appliquer à l'espèce. Pour que l'arrêt de l'exécution provisoire soit ordonné, il suffit de démontrer l'existence de moyens sérieux de réformation.

Il convient de rappeler que le premier président n'a pas le pouvoir d'apprécier l'opportunité, la régularité ou le bien-fondé de la décision rendue par le premier juge pour en suspendre les effets.

En l'espèce, pour justifier de la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire le tribunal de commerce s'est fondé sur :

- l'avis défavorable des principaux créanciers et des organes à la procédure à l'homologation du plan présenté par la S.A.S. [F] ;

- le caractère débiteur du compte courant débiteur, malgré un remboursement partiel, ce en précisant que des sommes continuaient d'être prélevées.

Pour autant, force est de constater que la motivation du jugement demeure insuffisante. D'abord, le tribunal de commerce fonde sa décision sur « les débats et les pièces communiquées » sans les expliciter. En outre, il ne donne aucun élément chiffré sur l'actif disponible et le passif exigible afin d'expliquer en quoi le redressement judiciaire était manifestement impossible.

Il en résulte que ces éléments constituent des moyens sérieux de réformation au sens de l'alinéa 4 de l'article R. 661-1 du code de commerce.

Il sera donc fait droit à sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire attachée au jugement en date du 10 juin 2025 du tribunal de commerce de Bastia.

Sur les autres demandes

La S.A.R.L. Epilogue, partie succombante, sera condamnée à payer les entiers dépens de la présente instance. Elle sera subséquemment déboutée de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Nous, Jean-Jacques Gilland, délégué par ordonnance de la première présidente de la cour d'appel de Bastia du 4 juillet 2025, statuant publiquement,

- RECEVONS l'intervention volontaire de la S.A.R.L. Epilogue prise en la personne de son représentant légal, M. [K] [M], mandataire judiciaire ;

- ORDONNONS l'arrêt de l'exécution provisoire attachée au jugement du tribunal de commerce de Bastia du 10 juin 2025 ;

- CONDAMNONS la S.A.R.L. Epilogue à payer les dépens de la présente instance ;

- DÉBOUTONS la S.A.R.L. Epilogue de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

Elorri FORT Jean-Jacques GILLAND

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